01.07.2014 Views

Sant Jordi-2014

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Evie, mon amour,<br />

J’ai seulement un petit moment pour<br />

t’écrire avant d’aller dormir.<br />

Hier j’avais peur, j’avais peur de la<br />

mort. Le champ de bataille était un<br />

iman pour les obus, qui tombent<br />

comme la pluie. J’ai été blessé par<br />

un, j’avais peur de perdre ma jambe<br />

mais grâce aux camarades j’ai réussi<br />

à être sauvé. La terre est pleine de<br />

personnes blessées et mortes. La<br />

terre est rouge.<br />

Je ne sais pas ce que je fais ici, tout<br />

est terrible. Nous, les humains, nous<br />

sommes horribles de jouer ce jeu et<br />

d’être les marionnettes des autres.<br />

Tu ne peux pas imaginer l’effort<br />

surhumain que je dois faire pour<br />

avoir l’arme entre les mains et tirer<br />

sur quelqu’un que je ne connais pas,<br />

qui n’est pas le monstre de toute cette<br />

histoire. C’est très dur, chaque jour<br />

est éternel. On ne voit pas le soleil et<br />

on n’écoute pas les oiseaux. On ne<br />

respire pas l’air, on respire la mort.<br />

Je ne sais pas quand cette guerre<br />

finira, j’espère que bientôt. Il y a plus<br />

d’un an que je suis loin de toi, de ma<br />

famille, de ma vie.<br />

Je sais que tu as aidé ma famille et<br />

surtout mon petit frère, c’est pour<br />

cela que je suis tombé amoureux de<br />

toi, parce que tu es un ange.<br />

Ne t’inquiète pas ma petite, je vais<br />

survivre et te revoir. Je t’aime, ne<br />

l’oublie pas,<br />

Nathan »<br />

Après cette lettre, j’en ai envoyé trois<br />

pour lui, mais je n’ai eu aucune<br />

réponse. Qu’est qui s’est passé? J’ai<br />

peur.<br />

Deux jours après, j’ai reçu une lettre<br />

de Nathan.<br />

« 18 février 1916<br />

Ma princesse,<br />

Je suis désolé de ne pas avoir<br />

répondu à tes lettres avant. Nous<br />

sommes dans une situation de<br />

désespoir et nous passons les nuits<br />

sans dormir.<br />

Institut Samuel Gili i Gaya<br />

Tu me manques beaucoup, je<br />

n’aurais jamais pensé que cette<br />

situation serait aussi difficile. Ne pas<br />

regarder dans tes yeux, ne pas<br />

écouter ta voix, ne pas sentir ta<br />

respiration, ne pas avoir tes lèvres<br />

sur les miennes… Je ne peux pas<br />

vivre sans toi, chaque jour et chaque<br />

instant je pense à toi.<br />

Je vais bientôt retourner avec toi et je<br />

ne repartirai jamais à la guerre.<br />

J’aime bien que tu m’appelles « mon<br />

héros », mais je ne suis pas un héros<br />

ma chérie, je suis un lâche. Oui,<br />

Evie, moi et tous les soldats.<br />

Nous ne sommes pas courageux pour<br />

lutter, pour faire une guerre ni pour<br />

tuer d’autres personnes. Tu sais ce<br />

que nous sommes ? Des marionnettes<br />

pour les personnes qui ont commencé<br />

tout cela, les personnes qui sont dans<br />

ces maisons avec ces familles et qui<br />

jouent aux marionnettes avec les vies<br />

des autres, avec nos vies, avec ma<br />

vie. Nous sommes lâches pour suivre<br />

ce jeu et pour ne pas l’arrêter, lâches<br />

de faire tout ce qu’ils disent… Et tout<br />

cela pourquoi ? Pour démontrer qui<br />

est le meilleur et qui a plus de<br />

pouvoir ? Parfois je me demande si<br />

l’humanité existe, si les humains ont<br />

des sentiments et des gestes<br />

d’affection dans la vie. Enfin,<br />

l’unique raison de continuer ici c’est<br />

que tu sois bien…<br />

Le 21 février nous partons vers<br />

Verdun, on ne sait pas ce qu’on va<br />

trouver là-bas et ce qui nous attend…<br />

N’oublie pas que j’ai ta photo qui me<br />

protège.<br />

Il me manque des forces pour<br />

continuer, il me manque ton sourire<br />

et ton regard…<br />

Je t’aime Evie, je t’aime beaucoup,<br />

Nathan »<br />

« 25 février 1916<br />

Evie,<br />

Je ne sais pas comment te le dire,<br />

c’était très difficile pour moi d’écrire<br />

cette lettre, la dernière lettre… Si tu<br />

as lu la première ligne, seulement le<br />

premier mot… C’est que je suis mort.<br />

Le 24 février j’ai presque vu la mort<br />

et la seule pensée que j’ai eue était<br />

de ne pas pouvoir passer mon dernier<br />

jour avec toi. D’unecertaine façon<br />

j’ai prévu ma mort et c’est pour cela<br />

que je t’écris cela.<br />

Ma vie est terminée et je n’ai pas eu<br />

la chance de me marier avec toi,<br />

d’avoir des enfants et de faire notre<br />

vie ensemble. Je sais que tu pleures<br />

maintenant, mais, ne pleures pas ma<br />

petite Evie… Tu vas trouver un<br />

homme qui va t’aimer autant que<br />

moi.<br />

Je ne suis pas fier d’avoir lutté dans<br />

une guerre, rien n’a changé dans ma<br />

vie. Seule la tristesse a envahi mon<br />

cœur et m’a laissé tout seul, sans toi.<br />

Je remercie les étoiles qui ont été les<br />

seules qui m’ont aidé à surmonter les<br />

longues nuits. Ici, l’humanité n’existe<br />

pas, tout le monde lutte pour leurs<br />

intérêts, politiques ou personnels. Je<br />

n’ai jamais eu d’amis, j’ai passé tout<br />

ce temps seul, avec l’espoir de<br />

revenir…<br />

On ne peut rien y faire, qu’être<br />

courageux et suivre son chemin sans<br />

regarder en arrière. Prends soin de<br />

toi et de mon petit frère, parle-lui de<br />

moi, s’il te plaît… Je suis fier de toi,<br />

tu m’as attendu jusqu’à la fin, tu<br />

m’as donné des forces pour continuer<br />

encore plus. Mais il y a une chose<br />

qu’on ne peut pas contrôler ni<br />

changer : le destin. Mon destin était<br />

de mourir dans la bataille de Verdun,<br />

en luttant pour mon pays, en luttant<br />

pour votre liberté.<br />

Je n’ai ni les mots ni les forces pour<br />

continuer d’écrire cette lettre… je<br />

suis désolé. Ne t’inquiète pas ma<br />

chérie, tout ira bien, je serai là, dans<br />

les étoiles, dans l’immensité de<br />

l’univers, dans l’éternité.<br />

Je t’aime. Hier, aujourd’hui et<br />

demain. Je t’ai toujours aimé et je<br />

vais t’aimer pour toujours.<br />

Je t’embrasse très fort Evie :<br />

Nathan »<br />

Mes larmes ont effacé les dernières<br />

lignes. Dans l’éternité Nathan, peutêtre<br />

nous retrouverons- nous dans<br />

l’éternité.

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