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littérature<br />

AIR<br />

Par Laurent Zine<br />

Les Assises Internationales du Roman (AIR) se<br />

dérouleront aux Subsistances du 28 mai au 3 juin,<br />

en vous invitant d’ores et déjà à penser pour<br />

mieux rêver, et c’est tout un programme ! Vous y<br />

croiserez des écrivains et essayistes du monde<br />

entier qui viendront ainsi débattre, à partir de plusieurs<br />

thématiques choisies, pour essayer in fine<br />

de savoir comment le roman contemporain entend<br />

rendre compte du réel.<br />

Nous avons choisi de vous présenter en avant-première<br />

2 écrivains invités aux Assises, en se focalisant sur leurs<br />

ouvrages respectifs, comme nous l’avions fait précédemment<br />

dans notre numéro de février. Le premier,<br />

Nick Flynn, interviendra le jeudi 31 mai lors d’une table<br />

ronde centrée sur le thème des marginaux et des exclus ;<br />

quant à Céline Minard, elle viendra ainsi nous parler de<br />

“Sexe et littérature” le dimanche 3 juin. Le sexe et la<br />

confusion des genres, dont elle cause librement dans son<br />

dernier livre – So Long, Luise – paru en septembre 2011<br />

chez Denoël. Mais jugez plutôt : “Ma préférence allait<br />

aux établissements où l’on accueille les travestis et la<br />

ribambelle de tapettes et de gousses que contient toute ville,<br />

car alors les représentants de la normalité soi-disant égarés<br />

là se sentent miraculeusement la liberté de s’inventer, a<br />

contrario ou en forçant les traits, les destins dont ils<br />

rêvent encore. Ce qui permet, avant la bagarre, une belle<br />

pagaille bigarrée.” L’histoire est celle d’une écrivaine<br />

arrivée à la fin de sa vie, qui entreprend la rédaction de son<br />

testament, non sans sarcasmes mais également cynisme<br />

à bien des égards… Et le récit oscille ainsi entre, d’une part,<br />

des histoires extraordinaires, pour ne pas dire totalement<br />

saugrenues, peuplées de nains maléfiques, de pixies et<br />

d’himantopodes, et, d’autre part, le souvenir de moments<br />

exquis passés avec Luise, sa compagne semble-t-il de<br />

toujours. Une écriture surprenante, parfois difficile à<br />

suivre, mais saluée par la critique.<br />

Concernant Nick Flynn, son livre paru en 2006 chez<br />

Gallimard – Encore une nuit de merde dans cette ville<br />

pourrie – traite directement de l’exclusion, et l’on peut<br />

pronostiquer qu’il aura ainsi beaucoup à nous dire lors<br />

des prochaines Assises. D’autant que le personnage<br />

principal de cet ouvrage autobiographique est son<br />

propre père, sans domicile fixe de son état durant une<br />

grande partie de sa vie. “Que dire de mon père à<br />

l’époque, durant ces années passées dans l’embrasure<br />

d’une porte, un asile de nuit, un guichet automatique ?<br />

Mort ou Porté disparu ou Je ne sais pas…” Nick Flynn<br />

retrace petit à petit une destinée faite de chutes et de<br />

rechutes dans l’Amérique des laissés-pour-compte ;<br />

celle de ce père alcoolique et looser pas forcément<br />

magnifique. Et l’on comprend alors au fil des pages que<br />

l’auteur cherche lui-même à échapper au gouffre et à ses<br />

propres démons, que cette entreprise d’écriture axée sur<br />

la mémoire s’assimile quelque part à une véritable<br />

rédemption… Une œuvre quoi qu’il en soit salutaire. Et<br />

un vrai beau livre au final.<br />

Nick Flynn le 31 mai, Céline Minard le 3 juin,<br />

aux Assises Internationales du Roman<br />

6 N° 180 AVRIL 2012<br />

© M. Chaulet<br />

Entretien avec Georges Képénékian, adjoint à la culture<br />

La part de la culture dans le budget de la ville est de 20 %…<br />

Relativement parlant, c’est le budget culturel le plus élevé en France,<br />

et, depuis 2001, la Ville fait effectivement un effort majeur, à la fois<br />

en termes d’investissements (les Subsistances, Gadagne, etc.) et,<br />

bien sûr, en termes de fonctionnement.<br />

Assiste-t-on à un désengagement progressif de l’État ?<br />

Absolument. L’État se désengage. Cela signifie finalement, et sans<br />

tomber dans la formule apocalyptique, que le monde ancien est en<br />

train de se terminer : cette vision très verticale de la démocratisation<br />

de la culture, alimentée principalement par l’État, a trouvé ses<br />

limites. Il nous faut ainsi réfléchir aujourd’hui à comment agir de<br />

façon transversale avec l’objectif d’une véritable démocratie culturelle.<br />

À ce propos, je vous cite Vincent Carry, directeur des Nuits Sonores<br />

(Libération, novembre 2011) : “La vie culturelle ressemble plus à<br />

une trame qu’à un système vertical… Le prochain ministre devra<br />

arrêter de considérer que le rayonnement culturel passe uniquement<br />

par des projets pharaoniques… C’est vers ces artistes qu’il faut se<br />

tourner et non pas vers Bouygues.”<br />

Il est vrai que le temps du “geste architectural” et de la “grande maison”<br />

est révolu, que le contenu devient plus important que le contenant :<br />

si l’on va par exemple à Bilbao une 1 re fois pour voir le musée<br />

Guggenheim, qui a longtemps symbolisé ce type de projet, on y revient<br />

ensuite pour une exposition et non pas pour les murs. Alors oui, se<br />

tourner vers les artistes, mais sans tomber dans la caricature du genre<br />

“Arrêtons de donner aux gros pour donner aux petits”. La politique<br />

culturelle telle que nous la concevons est de cultiver simultanément<br />

l’excellence et la proximité. Un grand orchestre qui vivrait tout seul<br />

dans sa bulle n’aurait ainsi aucun intérêt ; en revanche, un grand<br />

orchestre qui, via une charte de coopération, va chercher les différents<br />

publics là où ils sont, ça nous intéresse. Les grandes maisons existent<br />

de fait et nous avons besoin de l’excellence dans la vie artistique ; il<br />

n’est donc pas question pour nous de “niveler” en baissant les aides<br />

de tout le monde.<br />

Comment fait-on pour “aller chercher les différents publics là où<br />

ils sont” ?<br />

C’est une somme de choses. Mais, avant tout, de permettre à des<br />

expressions culturelles et à des pratiques artistiques différentes de se<br />

croiser dans des lieux rendus plus accessibles et dans l’espace public.<br />

C’est l’exemple de ces jeunes amateurs de breakdance sur le parvis de<br />

l’Opéra, un jour invités par Serge Dorny (directeur) à rencontrer les<br />

danseurs du Ballet dans leur salle et à confronter leurs pratiques. Et c’est<br />

l’exemple frappant de la Biennale de la danse. On ne peut comprendre<br />

l’engouement qu’elle suscite sans embrasser le travail mené par la Maison<br />

de la danse depuis 25 ans ! L’ambition de la politique culturelle dans<br />

une ville est finalement que chacun, quel que soit le mode d’expression<br />

qu’il choisit, ne se sente pas incongru. Nous avons ainsi missionné chaque<br />

lieu pour encourager la diversité culturelle et sensibiliser les différents<br />

publics, parce que cela ne se fait pas naturellement. Notre rôle est également<br />

de créer les conditions du renouveau artistique et de soutenir<br />

l’émergence ; c’est pourquoi nous avons renforcé le dispositif des<br />

scènes découvertes et aidé des structures atypiques comme Grrrnd<br />

Zéro. On aide donc aussi les “petits”, mais on ne peut aider tout le<br />

monde, et dans un écosystème comme celui de la culture, tous les<br />

petits ne vont pas devenir grands.<br />

Quel avenir, justement, pour Grrrnd Zéro ?<br />

Le rêve de la plus petite structure quelle qu’elle soit est d’être autonome<br />

DE LA<br />

POLITIQUE<br />

CULTURELLE<br />

À LYON<br />

Interview par Laurent Zine<br />

et d’avoir son lieu. Sauf que, comme nous le disions, l’époque n’est plus<br />

à construire de nouveaux lieux. Si vous prenez les 58 communes du<br />

Grand Lyon et que vous faites le compte des lieux dédiés à la culture,<br />

c’est énorme ! Je pense qu’il faut travailler, à l’avenir, à une utilisation<br />

mutualisée des lieux, en oubliant le “Chacun est maître chez soi”.<br />

Cela dit, pour Grrrnd Zéro comme pour la Friche artistique, il faut bien<br />

savoir que les espaces ne sont pas légion. À terme, nous imaginons<br />

un lieu pérenne de travail dédié à différentes formes de recherche<br />

artistique ; une sorte de pépinière, toutes disciplines confondues, où<br />

pourraient se rencontrer différents collectifs. Avec l’idée que l’on n’y<br />

reste pas ad vitam ! Ensuite, il faut trouver pour tout ce beau monde<br />

des endroits où se produire, mais la question n’est pas encore réglée.<br />

Une nouvelle Sucrière, bientôt une nouvelle Maison de la danse<br />

et un musée des Sciences et des Sociétés : Lyon semble miser<br />

énormément sur la Confluence ?<br />

Bien sûr, mais il faut néanmoins savoir que, concernant le musée, le projet<br />

est pour l’instant porté par le département. Quant à la Sucrière, c’est le<br />

pari d’un équipement culturel géré de façon privée. Sinon, c’est en effet<br />

une nouvelle Maison de la danse qui va intégrer pour la 1 re fois un<br />

bâtiment dédié dès sa fondation à la danse et susceptible de fédérer<br />

les énergies bien au-delà de la ville ! Mais pour revenir au projet<br />

Confluence, si moderne soit-il architecturalement parlant, il est important<br />

de noter qu’il s’intègre parfaitement dans ce site des berges de Saône,<br />

dont le projet plus général d’aménagement jusqu’à Neuville conjuguera<br />

justement architecture et œuvres d’art. Penser l’évolution de la ville<br />

en réservant une place de choix à l’art dans l’espace urbain est<br />

quelque chose qui nous tient vraiment à cœur.<br />

Mais encore ?<br />

Il s’agit en l’espèce d’associer le retour au fleuve et à la nature à des<br />

créations artistiques. Plus généralement, nous pensons que l’art doit<br />

investir toute la ville et pas seulement les lieux réservés à la culture.<br />

De la même manière que sont organisés des concerts à 12 h 30 ou à<br />

18 heures à l’amphithéâtre de l’Opéra, l’idée est de casser les codes<br />

et de changer les pratiques culturelles.<br />

C’est l’une des priorités de votre politique culturelle ?<br />

Bien sûr. Et nous avons in fine dans l’idée de créer de la valeur ajoutée<br />

pour cette ville. D’une part pour qu’un artiste puisse dire fièrement<br />

un jour “Je suis de Lyon”, ce qui n’était pas vraiment le cas. Et puis,<br />

surtout, pour que chacun puisse se reconnaître dans un bout de sa<br />

ville. Se l’approprier. Miser sur la diversité culturelle, c’est ambitionner<br />

que personne ne se sente étranger dans sa propre ville. J’ajouterai que<br />

la culture est consubstantielle à l’être et à l’identité. Et c’est l’identité<br />

de cette ville qui aujourd’hui évolue, tout en respectant son patrimoine<br />

et son histoire. Wim Wenders disait : “Ce n’est pas l’image qui est<br />

malade, c’est le regard.” Dans le paysage français, Lyon a toujours<br />

été une ville entre 2 eaux, entre Paris et Marseille, une ville où l’on<br />

ne fait que passer… Je peux aujourd’hui vous assurer que le regard<br />

sur Lyon est en train de changer.<br />

N’avait-il pas déjà changé avec tous ces événements qui font la<br />

vitrine de la vie culturelle lyonnaise : les Biennales, les Assises<br />

internationales du roman, les Nuits sonores, le Festival Lumière,<br />

Quais du polar, etc. ?<br />

Absolument, même si, de l’extérieur, tous ces événements sont souvent<br />

pris séparément. Et puis, n’oublions pas que cela a pris du temps<br />

avant que la “sauce” ne prenne. Qu’il y a eu tout un travail en<br />

amont, à l’institut Lumière, à la Villa Gillet et aux Subsistances, à la<br />

Maison de la danse, etc. Il y a une offre culturelle incroyable à Lyon,<br />

et je ne dis pas que tout est bien, ni qu’il faut tout aimer ! Au<br />

contraire, c’est à chacun de faire ses propres choix. En revanche, il y<br />

a une tendance très lyonnaise à vouloir “dézinguer” ce qui marche, et<br />

honnêtement c’est un peu stupide.

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