agenda - 491
agenda - 491
agenda - 491
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
spectacles vivants<br />
ÉMILIE VALANTIN<br />
“Le niveau de langage<br />
de la marionnette est infini”<br />
Interview par Caroline Faesch<br />
Contemporain, minimaliste et philosophique.<br />
C’est, en substance, le socle de Réflexion<br />
fête, dernier des 3 spectacles estampillés<br />
“jeune public” de la compagnie Émilie Valantin,<br />
et proposés en fil rouge de la saison de<br />
l’Amphi Opéra. Pour cette marionnettiste, à<br />
l’origine du Théâtre du Fust à Montélimar,<br />
devenu en 2009 la compagnie Émilie Valantin,<br />
créer des spectacles dits “jeune public” était<br />
une première dans son itinéraire. Or, “après<br />
y avoir sincèrement réfléchi, précise-t-elle,<br />
nous continuons de penser qu’il n’y a pas<br />
de spectacles jeune public, mais des sujets<br />
susceptibles d’intéresser tout public.”<br />
Et puis, forte de ses 35 ans de création, Émilie<br />
Valantin lance un défi ce mois-ci : il prendra<br />
forme à Valence (Drôme) avec une sorte de<br />
castelet à l’envers où des auteurs vont devoir<br />
créer pour des marionnettes déjà existantes !<br />
D’où vient votre attirance pour la marionnette ?<br />
J’ai toujours eu des marionnettes en main. Mon père<br />
était menuisier ébéniste et mon grand-père, architecte :<br />
ils m’avaient fait un beau théâtre de guignol. J’avais<br />
de vraies marionnettes en bois, que j’ai d’ailleurs<br />
retrouvées il y a peu de temps… avec beaucoup de<br />
déception ! En effet, ma grand-mère les avait costumées<br />
durant la guerre avec des chiffons, des restes de tabliers<br />
abominables… C’étaient des guignols à fleurs !<br />
Même à fleurs, ces guignols n’étaient-ils pas<br />
pratiques pour dire ce que vous n’auriez pas osé<br />
dire aux adultes ?<br />
C’est évident ! D’ailleurs j’étais très insolente, et je<br />
me rendais compte à quel point le langage était un<br />
pouvoir. De plus, quand on est caché derrière son<br />
théâtre de guignol, on peut dire ce que l’on ne dirait<br />
pas en face. Et j’aimais dire des choses pernicieuses,<br />
faire des sous-entendus… Marionnette en main, j’ai<br />
vite compris que c’était l’instrument du second degré.<br />
Comment la marionnette, dont le visage est souvent<br />
figé, peut-elle susciter tant d’émotions ?<br />
Elle est elliptique. Certes, elle ne fait pas de grimace<br />
ou de clin d’œil pour séduire comme l’animateur<br />
de télévision qui annonce qu’il va faire rire. Pour<br />
autant, elle est là, elle fait très peu de choses et,<br />
l’air de rien, elle le fait quand même ! Cependant,<br />
je n’ai pas encore tout compris de la marionnette…<br />
Vous êtes donc toujours en recherche ?<br />
Oui, on cherche toujours à doser. Pour le spectacle<br />
Réflexion fête, par exemple, nous avons encore récemment<br />
cherché une petite nuance dans une allusion qui<br />
marchait déjà pour les adultes, mais qu’il fallait que<br />
l’on rende plus claire pour un spectacle tout public. Le<br />
niveau de langage de la marionnette est infini…<br />
8 N° 180 AVRIL 2012<br />
Quel est votre registre préféré ?<br />
Je suis partagée entre l’insolence, la causticité…<br />
D’ailleurs, je trouve que dans le théâtre de guignol, on<br />
n’a pas encore assez cherché dans ce développement<br />
de l’esprit critique. Mais je suis également fascinée<br />
par le féerique, le lyrique, l’opulence théâtrale.<br />
Réflexion fête, qui sera le plus contemporain des 3<br />
spectacles que j’ai présentés à l’Opéra de Lyon cette<br />
année, dispose de 4 ou 5 sortes de marionnettes<br />
différentes, très simples… mais en même temps<br />
j’introduis une très belle fée avec un superbe costume,<br />
des bijoux, un châle en vrai fil d’or ! Ainsi, je suis<br />
certaine que le public qui aurait des inquiétudes<br />
sur notre savoir-faire aura la confirmation que si<br />
les autres marionnettes ne sont pas du tout comme<br />
celle-ci, ce n’est pas parce qu’on ne sait pas le<br />
faire… mais parce qu’elle a autre chose à dire !<br />
Pourquoi cette inquiétude ?<br />
Des publics hétérogènes viennent nous voir. C’est<br />
vrai qu’à l’Opéra de Lyon, nous avons un public qui<br />
nous connaît et nous suit, d’autant qu’en région<br />
lyonnaise nous avons aussi bien joué au Théâtre<br />
de la Renaissance (Oullins) qu’au Théâtre de la<br />
Croix-Rousse. Mais nous sommes aussi “envoyés”,<br />
par des structures, en vue d’un “élargissement des<br />
publics”, comme on dit pudiquement dans la<br />
décentralisation. Il faut donc que l’on ait, en esthétique,<br />
tous les niveaux de langage.<br />
Réflexion fête est plutôt didactique ?<br />
C’est d’abord très satirique, et un peu amer puisque<br />
les 8 petites histoires qui se suivent s’achèvent en<br />
catastrophe, révélant que la violence ne débouche<br />
jamais sur la résolution des problèmes. C’est un<br />
spectacle qui donne matière à discussion, et, oui,<br />
c’est très didactique. Mais j’assume aussi d’être<br />
quelquefois académique et didactique.<br />
Et que recherchez-vous dans cette aventure du<br />
Castelet des scriptophages prévue à Valence ?<br />
L’idée est de créer un spectacle dont nous ne<br />
connaissons pas les textes, pour renouveler le<br />
répertoire de nos marionnettes. Cela va se faire en<br />
2 temps : une 1re rencontre entre quelques marionnettes<br />
traditionnelles et contemporaines (et des<br />
marionnettistes !), 8 auteurs et le public lors de 2<br />
soirées à Valence (les 17 et 18 avril) pour montrer<br />
ce que ces marionnettes ont déjà joué ; puis, les<br />
auteurs auront 3 semaines pour écrire d’autres<br />
textes et imaginer des créations scéniques qui<br />
seront jouées fin mai durant le festival<br />
Ambivalence(s). Le Castelet des scriptophages<br />
sera une surprise…<br />
Réflexion fête, 7 avril à l’Amphi de l’Opéra de Lyon,<br />
Speed Dating, 17 et 18 avril au Bel Image à Valence<br />
et Les Fourberies de Scapin, le 28 avril à Lentilly