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Parler ou se taire ou le dilemme du salarié lanceur d'alerte. Analyse ...

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Artic<strong>le</strong> accepté en juin 2011 par la revue Economies et Societés – forthcoming en juin 2012.<br />

encore quand la contrainte hiérarchique domine, notamment en sanctionnant <strong>le</strong> rec<strong>ou</strong>rs à<br />

l’a<strong>le</strong>rte. Dortier (2008 : 9) marque ainsi une différence entre la « liberté formel<strong>le</strong> » et la<br />

« liberté concrète », qui <strong>se</strong> manifeste par l’exercice d’un « p<strong>ou</strong>voir concret de faire ce que<br />

l’on entend » (ex. contrô<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s managers, a<strong>le</strong>rter). Ainsi, <strong>le</strong> <strong>salarié</strong> peut-il s’affranchir de son<br />

devoir d’obéissance et <strong>se</strong> mettre à distance des injonctions et <strong>du</strong> poids hiérarchiques. En<br />

d’autres termes, <strong>le</strong> libre arbitre de l’acteur <strong>salarié</strong> <strong>se</strong> manifeste lorsqu’il évalue que des<br />

pratiques sont non conformes et décide d’agir. Ce que l’on appel<strong>le</strong> « liberté » <strong>du</strong> point de vue<br />

de l’acteur <strong>se</strong> nomme « désobéissance » <strong>du</strong> point de vue de la hiérarchie…Tel est l’enjeu,<br />

p<strong>ou</strong>r l’acteur, <strong>du</strong> di<strong>le</strong>mme ainsi posé. Le <strong>salarié</strong> désobéissant doit avoir <strong>le</strong> « c<strong>ou</strong>rage de <strong>se</strong><br />

<strong>se</strong>rvir de son propre entendement » (Kant, 1786), c’est-à-dire celui de s’affranchir d’une<br />

s<strong>ou</strong>mission qui peut être culturel<strong>le</strong> <strong>ou</strong> hiérarchique.<br />

L’obéissance, qui consiste à « modifier son comportement afin de <strong>se</strong> s<strong>ou</strong>mettre aux<br />

ordres d’une autorité légitime » (Allard-Poesi, 2006 : 32), peut ab<strong>ou</strong>tir à prendre une<br />

mauvai<strong>se</strong> décision <strong>ou</strong> à adopter un comportement non responsab<strong>le</strong>, notamment si <strong>le</strong> c<strong>ou</strong>rage<br />

vient à manquer à l’acteur. Comme l’indiquent Kelman et Hamilton (1989), cela s’apparente<br />

alors à un « crime d’obéissance ». Ce crime d’obéissance a pu con<strong>du</strong>ire des acteurs d’Enron à<br />

<strong>se</strong> conformer aux ordres p<strong>ou</strong>r sauvegarder <strong>le</strong>urs emplois. Friedrichs (2007 : 88) explique la<br />

« débâc<strong>le</strong> » Enron par une forme de complicité passive des acteurs <strong>salarié</strong>s avec un système<br />

qui privilégiait explicitement la rentabilité au détriment de la responsabilité. En <strong>ou</strong>tre, <strong>le</strong><br />

système Enron d’évaluation de la performance des <strong>salarié</strong>s, baptisé « rank and yank »<br />

signifiait explicitement que <strong>le</strong>s emplois de ceux qui « éch<strong>ou</strong>aient à <strong>se</strong> conformer aux attentes<br />

<strong>du</strong> management » étaient en danger. Dans un tel environnement, <strong>le</strong> respect des règ<strong>le</strong>s et la<br />

s<strong>ou</strong>mission à l’obéissance peuvent con<strong>du</strong>ire <strong>le</strong>s <strong>salarié</strong>s à abandonner <strong>le</strong>ur esprit critique p<strong>ou</strong>r<br />

« utili<strong>se</strong>r <strong>le</strong>s ordres de l’autorité comme guides de <strong>le</strong>ur action » (Allard Poesi, 2006 : 39).<br />

Cette attitude peut expliquer des dysfonctionnements de l’organisation et notamment ceux qui<br />

concernent « <strong>le</strong>s crimes d’obéissance », c’est-à-dire des actes considérés comme illégaux <strong>ou</strong><br />

immoraux et qui sont commis en répon<strong>se</strong> aux ordres d’une autorité légitime (Beu, Buck<strong>le</strong>y,<br />

2004).<br />

Cependant, la liberté <strong>du</strong> <strong>salarié</strong> reste a minima questionnée dans deux registres<br />

enchevêtrés voire contradictoires, celui de la liberté des choix de l’acteur – identifier <strong>ou</strong> non<br />

<strong>le</strong>s fraudes p<strong>ou</strong>r <strong>le</strong>s révé<strong>le</strong>r <strong>ou</strong> non -, celui de la loyauté à son organisation qui l’incite (en<br />

France) <strong>ou</strong> l’oblige (aux Etats-Unis) à « s<strong>ou</strong>ff<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong> siff<strong>le</strong>t ». P<strong>ou</strong>r <strong>le</strong> <strong>se</strong>ns commun, la<br />

loyauté est une qualité mora<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> est la fidélité <strong>ou</strong> <strong>le</strong> dév<strong>ou</strong>ement envers une cau<strong>se</strong> <strong>ou</strong> une<br />

personne. Si notre point de vue ici n’est pas orthogonal à ce <strong>se</strong>ns commun, n<strong>ou</strong>s utilisons <strong>le</strong><br />

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