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Parler ou se taire ou le dilemme du salarié lanceur d'alerte. Analyse ...

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Artic<strong>le</strong> accepté en juin 2011 par la revue Economies et Societés – forthcoming en juin 2012.<br />

loyauté à la hiérarchie. D’autre part, <strong>le</strong> dispositif d’a<strong>le</strong>rte professionnel<strong>le</strong>, dispositif singulier<br />

élaboré par l’entrepri<strong>se</strong>, lui confère <strong>le</strong> droit (en France) de révé<strong>le</strong>r <strong>le</strong>s actes frau<strong>du</strong><strong>le</strong>ux dont il<br />

aurait connaissance dans l’exercice de <strong>se</strong>s missions. Exercer <strong>le</strong> rec<strong>ou</strong>rs à l’a<strong>le</strong>rte peut alors<br />

con<strong>du</strong>ire à désobéir à la hiérarchie, à obéir à la charte, à être déloyal envers la hiérarchie et<br />

loyal envers l’organisation et/<strong>ou</strong> envers une partie au moins des parties prenantes (<strong>le</strong> plus<br />

s<strong>ou</strong>vent <strong>le</strong>s investis<strong>se</strong>urs).<br />

Le di<strong>le</strong>mme est donc consubstantiel à l’empilage de deux s<strong>ou</strong>rces d’obligations qui<br />

sont imposées au <strong>salarié</strong> : obligation léga<strong>le</strong> issue <strong>du</strong> contrat de travail, obligation « éthique »<br />

in<strong>du</strong>ite par <strong>le</strong> dispositif d’a<strong>le</strong>rte professionnel<strong>le</strong>. En effet, la loi (<strong>le</strong> code <strong>du</strong> travail, la hard<br />

law) et la norme (la charte <strong>ou</strong> <strong>le</strong> code de con<strong>du</strong>ite, la soft law) ne relèvent pas des mêmes<br />

visions <strong>du</strong> monde, des mêmes logiques. In fine, la liberté <strong>du</strong> <strong>salarié</strong> est cel<strong>le</strong> qui consiste à<br />

faire <strong>le</strong> choix d’une logique dans la résolution <strong>du</strong> di<strong>le</strong>mme (cf 2.1.). C’est en ce <strong>se</strong>ns qu’il<br />

exerce, non sans risque, son libre arbitre. P<strong>ou</strong>r autant, de manière formel<strong>le</strong> <strong>ou</strong> informel<strong>le</strong>, une<br />

responsabilité est transférée au <strong>salarié</strong>, qu’il n’a pas choisi d’assumer et p<strong>ou</strong>r laquel<strong>le</strong> il risque<br />

fort de supporter des représail<strong>le</strong>s.<br />

En ce <strong>se</strong>ns, sa liberté, dans t<strong>ou</strong>s <strong>le</strong>s cas, est aliénée, car <strong>se</strong>lon <strong>le</strong>s mots de Lacordaire<br />

(1848) « Entre <strong>le</strong> fort et <strong>le</strong> faib<strong>le</strong>, entre <strong>le</strong> maître et <strong>le</strong> <strong>se</strong>rviteur, c’est la liberté qui opprime et<br />

la loi qui libère » (52e conférence de Notre-Dame). Un dispositif « de circonstance » -p<strong>ou</strong>r<br />

satisfaire <strong>le</strong>s investis<strong>se</strong>urs- dans un code de con<strong>du</strong>ite est insuffisant p<strong>ou</strong>r insuff<strong>le</strong>r une<br />

n<strong>ou</strong>vel<strong>le</strong> manière de considérer la place des <strong>salarié</strong>s dans l’entrepri<strong>se</strong>, au moins dans un temps<br />

c<strong>ou</strong>rt. En effet, ne n<strong>ou</strong>s y trompons pas, la finalité de l’a<strong>le</strong>rte n’est pas d’accorder, d’une<br />

manière globa<strong>le</strong>, davantage d’espace aux points de vue des acteurs <strong>salarié</strong>s. Il s’agit plutôt de<br />

circonscrire <strong>le</strong>ur raison d’agir « sans être déterminé par rien » aux situations qui améliorent la<br />

satisfaction des actionnaires. L’exercice de la liberté <strong>se</strong>mb<strong>le</strong> bien alors ne p<strong>ou</strong>voir être effectif<br />

qu’avec des garanties qui exonèrent des incertitudes liées à la rédaction d’une charte <strong>ou</strong> d’un<br />

code de con<strong>du</strong>ite, à <strong>se</strong>s interprétations, à l’appréciation <strong>du</strong> management.<br />

Dans la pratique, <strong>le</strong> di<strong>le</strong>mme con<strong>du</strong>it à « enfermer » <strong>le</strong> <strong>salarié</strong> dans un paradoxe. En<br />

effet, <strong>le</strong> plus s<strong>ou</strong>vent, l’acteur <strong>salarié</strong> est dans l’impossibilité de choisir entre deux logiques<br />

contradictoires. La conséquence est alors un renoncement <strong>ou</strong> une fuite. L’acteur <strong>salarié</strong> <strong>se</strong><br />

s<strong>ou</strong>met <strong>ou</strong> <strong>se</strong> démet, décide de ne rien dire, de ne rien faire p<strong>ou</strong>r révé<strong>le</strong>r la fraude <strong>ou</strong> encore il<br />

quitte l’organisation. En France, des projets d’aménagement <strong>du</strong> dispositif sont porteurs de<br />

points de vue et de propositions qui contribueraient à sortir de cet enfermement. Ainsi, <strong>le</strong><br />

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