Le chirurgien digestif - Fédération française de chirurgie viscérale et ...
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ANALYSE RÉTROSPECTIVE, CRITIQUE ET FINANCIÈRE<br />
DU MÉTIER DE CHIRURGIEN VISCERAL EN PRATIQUE LIBERALE<br />
Docteur<br />
Clinique <strong>de</strong>s Cèdres, Grenoble<br />
Depuis quelques années, l’opinion publique est régulièrement interpellée par les <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s <strong>et</strong> leurs<br />
problèmes… Un véritable malaise, une réelle crise d’i<strong>de</strong>ntité secoue en eff<strong>et</strong> la profession. <strong>Le</strong>s causes<br />
en sont bien sûr multiples <strong>et</strong> nous allons essayer d’en analyser les plus caricaturales.<br />
Avant toute chose, il faut bien savoir que la gravité <strong>de</strong> la situation ne tient pas seulement aux<br />
revendications <strong>de</strong>s <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s en activité, mais – <strong>et</strong> c’est ce qui nous paraît essentiel – <strong>de</strong> la crise <strong>de</strong>s<br />
vocations qui font que c<strong>et</strong>te spécialité est <strong>de</strong> moins en moins choisie par les étudiants en formation…<br />
L’aphorisme fameux (par qui serez-vous opéré <strong>de</strong>main ?) prend tout son sens.<br />
En guise <strong>de</strong> préambule, il nous faut faire un peu <strong>de</strong> sémantique. Qu’est-ce qu’un « <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong><br />
viscéral » ? Pendant <strong>de</strong> nombreuses années, la <strong>chirurgie</strong> digestive <strong>et</strong> <strong>de</strong>s « parties molles » étaient<br />
assimilée à la « <strong>chirurgie</strong> générale ». Depuis 1998 est apparue une compétence en <strong>chirurgie</strong><br />
« digestive ». Mais <strong>de</strong> nombreux <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s « généralistes » effectuent aussi c<strong>et</strong>te activité ce qui<br />
induit une grand imprécision. <strong>Le</strong> terme actuel qui tend à remplacer l’adjectif « général » (peu gratifiant<br />
sans doute…) est celui <strong>de</strong> « viscéral », qui tient compte <strong>de</strong> l’activité digestive mais englobe également<br />
les actes apparentés (<strong>chirurgie</strong> pelvienne, gynécologique ou sénologique, entre autres).<br />
La chute <strong>de</strong>s vocations… <strong>et</strong> ses origines<br />
Est-elle réelle c<strong>et</strong>te chute ? L’analyse <strong>de</strong>s statistiques <strong>de</strong> l’Ordre <strong>de</strong>s Mé<strong>de</strong>cins ou <strong>de</strong> l’Assurance<br />
Maladie ne laisse guère <strong>de</strong> doute : <strong>de</strong>puis 1984, l’effectif <strong>de</strong>s <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s viscéraux est passé <strong>de</strong> 4,47<br />
à 2,85 % <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins en activité (libérale ou publique).<br />
C<strong>et</strong>te chute régulière semble <strong>de</strong> type « structurel », puisant ses causes dans un bouleversement<br />
profond <strong>de</strong> la profession. Ainsi, le taux moyen d’évolution annuelle <strong>de</strong>s effectifs en <strong>chirurgie</strong> <strong>viscérale</strong><br />
est en chute <strong>de</strong> 2 % <strong>de</strong>puis 1989… Il n’en va pas <strong>de</strong> même dans les autres spécialités comme on<br />
peut le voir dans le graphique suivant extrapolé d’une étu<strong>de</strong> du DREES <strong>de</strong> 2001, actualisée en 2007<br />
(http://164.131.244.17/drees/seriestat/seriestat115.htm) :<br />
14,0<br />
12,0<br />
10,0<br />
8,0<br />
6,0<br />
4,0<br />
2,0<br />
0,0<br />
1984<br />
1985<br />
1986<br />
1987<br />
1988<br />
1989<br />
1990<br />
1991<br />
Effectif en % <strong>de</strong> spécialistes<br />
1992<br />
1993<br />
1994<br />
1995<br />
1<br />
1996<br />
1997<br />
1998<br />
1999<br />
2000<br />
2007<br />
Chirurgie générale<br />
Anesthésie<br />
Radiologie<br />
Me<strong>de</strong>cine du Travail
Ainsi, la proportion <strong>de</strong> <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s viscéraux passe <strong>de</strong> 10,4 % en 1984 à 3,9 % en 2007. Il y a <strong>de</strong> nos<br />
jours plus <strong>de</strong> radiologues <strong>et</strong>… <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cins du travail que <strong>de</strong> <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s viscéraux !<br />
Alors, pourquoi ne veut-on plus être <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> en 2008 ? <strong>Le</strong>s raisons que l’on peut avancer sont<br />
hélas ! bien nombreuses.<br />
Ce métier nécessite tout d’abord une formation particulièrement longue, additionnant la formation<br />
médicale commune, les cinq années d’internat <strong>et</strong> les <strong>de</strong>ux d’assistanat hospitalier, on arrive au<br />
minimum à 13 ans avant <strong>de</strong> parvenir à une indépendance professionnelle complète, perm<strong>et</strong>tant une<br />
installation dans le secteur libéral… La durée <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s est donc ressentie par le candidat comme<br />
un « investissement » dont légitimement il se sent en droit d’en attendre un « r<strong>et</strong>our » ultérieur.<br />
C<strong>et</strong>te pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> formation est en outre particulièrement prenante : séances <strong>de</strong> bloc opératoire, cours<br />
<strong>et</strong> gar<strong>de</strong>s d’urgence occupent assez bien l’emploi du temps…<br />
Ces contraintes étaient, il n’y a pas si longtemps, bien acceptées par les candidats qui se pressaient<br />
nombreux pour le peu <strong>de</strong> places disponibles : seuls les mieux placés au concours d’internat pouvaient<br />
y prétendre. Ils s’engageaient dans un métier à haute responsabilité, gran<strong>de</strong> respectabilité <strong>et</strong> forte<br />
rémunération. Telle était la règle.<br />
Or, <strong>de</strong>puis une vingtaine d’années, on assiste à une dégradation <strong>de</strong>s attraits <strong>de</strong> ce métier. <strong>Le</strong>s<br />
contraintes initiales sont i<strong>de</strong>ntiques, mais il s’y ajoute une certaine banalisation du métier dans l’esprit<br />
du public, qui comprend <strong>de</strong> plus en plus mal que l’acte chirurgical présente certains aléas<br />
inéluctables. Dans le secteur public, l’omniprésence <strong>de</strong> l’administration a <strong>de</strong>puis longtemps<br />
« contrôlé » <strong>et</strong> « dressé » le pouvoir médical. Dans le secteur libéral, on assiste à une augmentation<br />
importante du nombre <strong>de</strong> procédures judiciaires <strong>et</strong> à la chute substantielle du pouvoir d’achat.<br />
La règle du jeu a donc changé, <strong>et</strong> en toute logique, c<strong>et</strong>te profession ne passionne plus. Surtout dans<br />
notre société <strong>de</strong> loisirs, à l’heure <strong>de</strong> la loi sur les 35 heures…<br />
C’est ainsi que pour <strong>de</strong>venir <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> (<strong>et</strong> singulièrement <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> viscéral), il n’est plus du tout<br />
nécessaire d’être bien classé au concours d’internat… <strong>Le</strong>s premiers choisissent d’autres spécialités,<br />
moins dépréciées, moins exposées, plus rémunératrices.<br />
Mais qu’en est-il réellement <strong>de</strong> la rémunération d’un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> viscéral, <strong>et</strong> surtout <strong>de</strong> la chute <strong>de</strong> son<br />
pouvoir d’achat <strong>de</strong>puis une trentaine d’années ?<br />
<strong>Le</strong> revenu du <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> : métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> calcul comparatif <strong>et</strong> évolutif<br />
<strong>Le</strong> <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> n’est certes pas un « smicard » <strong>et</strong> dans l’absolu, ne pleure pas sur son sort. Cependant,<br />
si l’on compare son niveau <strong>de</strong> vie actuel à celui <strong>de</strong> ses aînés <strong>de</strong>s années soixante-dix, on tombe <strong>de</strong><br />
haut ! On va voir que c<strong>et</strong>te chute du pouvoir d’achat est considérable. Nous allons tout d’abord étudier<br />
le « chiffre d’affaires », ou encore gain brut, duquel il faut bien sûr r<strong>et</strong>rancher les « charges » pour<br />
connaître le « bénéfice », qui pourra, lui, être comparé au revenu n<strong>et</strong> d’un salarié.<br />
La totalité <strong>de</strong> notre démonstration financière utilisera comme monnaie le franc.<br />
Pour les besoins <strong>de</strong> notre démonstration <strong>et</strong> pour s’affranchir <strong>de</strong>s aléas <strong>de</strong>s calculs selon les époques,<br />
nous avons inventé un « <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>-type », qui aurait pratiqué toujours les mêmes gestes entre 1970<br />
<strong>et</strong> 2007. Bien sûr, ce <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> n’existe pas mais c’est la rémunération <strong>de</strong> son activité qui nous<br />
intéresse. Voilà la liste <strong>de</strong>s interventions que ce <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> aurait pratiquées chaque année :<br />
Nombre d’actes Valeur KC<br />
Valeur KC<br />
Actes<br />
annuels<br />
1970 - 1995 1995 - 2004<br />
Cholécystectomies 70 80 120<br />
Appendicectomies 80 50 70<br />
Hernies inguinales 120 80 80<br />
Colectomies 25 200 200<br />
Grêles, occlusions 20 100 100<br />
2
Rectums 10 300 300<br />
Proctologie 50 50 50<br />
Gastrectomies 4 200 200<br />
Hystérectomies 6 100 140<br />
Varices 50 80 80<br />
P<strong>et</strong>ite <strong>chirurgie</strong> 150 30 30<br />
Seins 15 100 100<br />
C<strong>et</strong>te activité est donc assez importante, représentant 3 600 K par mois. À ces actes, nous avons<br />
affecté les différentes nomenclatures, qui ont varié au cours du temps : un bref historique s’impose.<br />
<strong>Le</strong>s actes sont honorés en fonction <strong>de</strong> la « nomenclature <strong>de</strong>s actes professionnels » (NGAP), selon<br />
un coefficient, la l<strong>et</strong>tre-clé « K » (« KC » à partir <strong>de</strong> 1990). Il est instructif <strong>de</strong> constater que la valeur <strong>de</strong><br />
c<strong>et</strong>te l<strong>et</strong>tre-clé, exclusivement chirurgicale, n’a pas suivi — loin s’en faut ! — les indices du coût <strong>de</strong> la<br />
vie, au contraire <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres-clés <strong>de</strong> consultation « C » <strong>et</strong> dans une moindre mesure, « CS » (données<br />
CNAM), la chute en valeur absolue est <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 60 % <strong>de</strong> sa valeur <strong>de</strong> 1970 ! :<br />
40,00<br />
20,00<br />
0,00<br />
-20,00<br />
-40,00<br />
-60,00<br />
-80,00<br />
1970<br />
1971<br />
1972<br />
1973<br />
1974<br />
1975<br />
EVOLUTION DES LETTRES CLES EN FRANCS CONSTANTS<br />
Série1<br />
Série2<br />
Série3<br />
0<br />
1976<br />
1977<br />
1978<br />
1979<br />
1980<br />
1981<br />
1982<br />
1983<br />
1984<br />
1985<br />
En 1980, le ministre <strong>de</strong> la santé <strong>de</strong> l’époque, pour compenser la chute <strong>de</strong>s honoraires chirurgicaux, a<br />
autorisé les <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s, sous certaines conditions, à majorer leurs honoraires qui <strong>de</strong>viennent<br />
« libres » : c’est l’invention du « secteur 2 ». En contrepartie, l’Assurance Maladie prend en charge<br />
une partie <strong>de</strong>s charges sociales <strong>de</strong>s <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s restés en « secteur 1 », à honoraires conventionnels.<br />
La possibilité <strong>de</strong> fixer librement leurs honoraires donne une véritable bouffée d’oxygène aux<br />
<strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s du secteur 2, la limite étant la solvabilité <strong>de</strong>s patients ! En eff<strong>et</strong>, le supplément d’honoraire<br />
n’est pas remboursé par les caisses <strong>et</strong> reste du ressort <strong>de</strong>s mutuelles complémentaires. D’où <strong>de</strong><br />
nombreuses critiques (notamment <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s politiques) accusant le système d’instaurer une<br />
mé<strong>de</strong>cine « à <strong>de</strong>ux vitesses», ce qui n’est pas complètement faux… En tout état <strong>de</strong> cause, c<strong>et</strong>te<br />
libéralisation <strong>de</strong>s honoraires ne coûte pas un franc à l’Assurance Maladie : une façon <strong>de</strong> régler un<br />
problème en faisant payer les autres…<br />
Pour la pério<strong>de</strong> 1992 – 1994, l’émergence <strong>de</strong>s actes sous cœlioscopie (cholécystectomies <strong>et</strong><br />
appendicectomies pour notre <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>-type) ont conduit les praticiens à facturer <strong>de</strong>s ajouts (K 40/2),<br />
3<br />
1986<br />
1987<br />
1988<br />
1989<br />
1990<br />
1991<br />
1992<br />
1993<br />
1994<br />
1995<br />
1996<br />
1997<br />
1998<br />
1999<br />
2000<br />
2001<br />
2002<br />
2003<br />
2004
vivement contestés à l’époque par les CPAM… Mais la valeur <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre-clé KC reste vissée à 13,7<br />
Francs.<br />
Une refonte <strong>de</strong> la nomenclature en 1995 a permis une réévaluation <strong>de</strong> certains actes mais toujours<br />
sans toucher à la valeur <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre-clé KC. <strong>Le</strong> législateur a <strong>de</strong> plus accordé <strong>de</strong>s suppléments, intitulés<br />
KFA (pour <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> valeur < 120 KC) ou KFB (actes > 120 KC) <strong>et</strong> dont la valeur était<br />
respectivement <strong>de</strong> 200 FF <strong>et</strong> 400 FF.<br />
<strong>Le</strong>s « bricolages » continuent en 2004, le législateur se refusant obstinément à réévaluer la l<strong>et</strong>tre-clé<br />
KC. Suite à un large mouvement <strong>de</strong> contestation, il accor<strong>de</strong> une nouvelle l<strong>et</strong>tre, « majoration<br />
temporaire <strong>de</strong> <strong>chirurgie</strong> » (MTC), d’une valeur <strong>de</strong> 11,5 %, utilisable pour les actes qui peuvent<br />
prétendre déjà à la cotation KFA/KFB. <strong>Le</strong> ministre <strong>de</strong> la santé <strong>de</strong> l’époque fait alors la promesse <strong>de</strong><br />
réévaluer les honoraires <strong>de</strong>s <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s <strong>de</strong> 25 % lors <strong>de</strong> la mise en place <strong>de</strong> la nouvelle<br />
nomenclature, « classification commune <strong>de</strong>s actes médicaux », ou CCAM.<br />
La mise en œuvre <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te CCAM ouvre une nouvelle ère dans la rémunération <strong>de</strong>s <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s. À<br />
chaque acte est maintenant assigné un co<strong>de</strong> <strong>et</strong> aussi un tarif qui est donc spécifique : c’est très<br />
simple. Simple en apparence seulement, car il est prévu <strong>de</strong>s « modificateurs », <strong>de</strong> nouvelles l<strong>et</strong>tresclés<br />
qui perm<strong>et</strong>tent là encore <strong>de</strong>s majorations… <strong>Le</strong> modificateur « J », dit <strong>de</strong> majoration transitoire<br />
perm<strong>et</strong> d’augmenter les tarifs <strong>de</strong> 6,5 %, pour tous les <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s. <strong>Le</strong> modificateur « K » autorise une<br />
majoration supplémentaire <strong>de</strong> 11,5 %, mais est réservée aux <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s restés en secteur 1, <strong>et</strong> à une<br />
nouvelle catégorie, dite <strong>de</strong> « secteur 2 optionnel » (nous en reparlerons plus loin).<br />
Notre but est donc d’évaluer le chiffre d’affaires obtenu par notre <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>-type, en comparant cinq<br />
possibilités <strong>de</strong> rémunération : secteur 1 conventionnel, secteur 2 avec <strong>de</strong>s taux moyens <strong>de</strong><br />
dépassement <strong>de</strong> 0, 15, 40 <strong>et</strong> 100 %. Ces cinq revenus seront comparés au chiffre d’affaires réalisé<br />
par le même <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>, avec les mêmes actes, en 1970, sur lequel sera appliqué un coefficient<br />
correcteur annuel in<strong>de</strong>xé sur le coût <strong>de</strong> la vie <strong>et</strong> publié par l’INSEE. C<strong>et</strong> in<strong>de</strong>x a été recalculé pour une<br />
base 100 en 1970 (ce qui donne, au passage, un indice 615,13 en 2007).<br />
Résultats : l’évolution <strong>de</strong>s rec<strong>et</strong>tes<br />
C<strong>et</strong>te évolution est résumée dans le graphique suivant : les rec<strong>et</strong>tes sont exprimées en % par rapport<br />
à la rec<strong>et</strong>te <strong>de</strong> notre <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> <strong>de</strong> 1970 in<strong>de</strong>xée au coût <strong>de</strong> la vie. La lecture directe est donc très<br />
facile.<br />
EVOLUTION DES RECETTES RAPPORTÉES À CELLES<br />
DE 1970 INDEXÉES<br />
sect 2 / 0%<br />
sect 2 / 15%<br />
sect 2 / 40%<br />
sect 2 / 100%<br />
Revenus 1970<br />
in<strong>de</strong>xé<br />
Secteur 1<br />
1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006<br />
4<br />
60<br />
40<br />
20<br />
0<br />
-20<br />
-40<br />
-60
On voit bien la chute régulière <strong>de</strong>s rec<strong>et</strong>tes du secteur 1 qui ont perdu la moitié <strong>de</strong> leur valeur en<br />
1989… Selon le coût <strong>de</strong> la vie les rec<strong>et</strong>tes fluctuent jusqu’en 1995 où les adaptations <strong>de</strong><br />
nomenclature portent leurs fruits (KFA / KFB). Depuis 2004, on assiste à une amélioration plus<br />
sensible, avec le supplément « MTC » (qui profite aussi au secteur 2), <strong>et</strong> surtout en 2005, la mise en<br />
œuvre <strong>de</strong> la CCAM qui perm<strong>et</strong> aux rec<strong>et</strong>tes en secteur 1 <strong>de</strong> repasser la barre <strong>de</strong>s – 40 % d’écart.<br />
Néanmoins, le déficit actuel reste très important, <strong>de</strong> plus d’un tiers en moins, en francs constants par<br />
rapport à ce que seraient ces rec<strong>et</strong>tes si elles avaient été in<strong>de</strong>xées au coût <strong>de</strong> la vie.<br />
Pour ce qui concerne le secteur 2, les rec<strong>et</strong>tes sont évi<strong>de</strong>mment fonction du taux moyen <strong>de</strong><br />
dépassement d’honoraires. <strong>Le</strong>s eff<strong>et</strong>s bénéfiques <strong>de</strong> la CCAM sont beaucoup moins marqués que<br />
pour le secteur 1, ce qui est normal puisque nos <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s n’ont pas droit au modificateur « K ».<br />
On notera enfin l’eff<strong>et</strong> pervers <strong>de</strong> la CCAM sur tous les honoraires qui per<strong>de</strong>nt encore 2 % <strong>de</strong>puis<br />
2005, malgré les timi<strong>de</strong>s ajustements en 2007.<br />
Pour obtenir <strong>de</strong>s rec<strong>et</strong>tes du même ordre que celles <strong>de</strong> 1970, il serait nécessaire à notre <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> <strong>de</strong><br />
prendre un dépassement d’honoraire moyen <strong>de</strong> 72 %.<br />
Mais les rec<strong>et</strong>tes, ou « chiffre d’affaires » ne résument bien sûr pas le pouvoir d’achat ! Il est<br />
nécessaire <strong>de</strong> lui r<strong>et</strong>rancher les charges obligatoires qui vont très singulièrement modifier ces chiffres.<br />
L’évolution <strong>de</strong>s charges<br />
Nous limiterons notre étu<strong>de</strong> sur les charges à trois catégories : la CARMF (assurance invalidité<br />
r<strong>et</strong>raite <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins), l’URSSAF (cotisation personnelle pour les allocations familiales <strong>et</strong> d’assurance<br />
maladie) <strong>et</strong> la RCP (assurance responsabilité civile professionnelle). Nous allons suivre nos cinq<br />
<strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s-type, dont les taux <strong>de</strong> cotisation sont assez complexes…<br />
La CARMF<br />
Elle comprend les cotisations aux régimes suivants : le régime <strong>de</strong> base, le régime complémentaire, le<br />
régime <strong>de</strong> prévoyance, l’ASV (allocation supplémentaire <strong>de</strong> vieillesse) à partir <strong>de</strong> 1980 <strong>et</strong> l’ADR<br />
(allocation <strong>de</strong> remplacement <strong>de</strong> revenu) à partir <strong>de</strong> 1988. <strong>Le</strong>s cotisations à ces régimes peuvent être<br />
forfaitaires, proportionnelles plafonnées ou non, ou encore prises en charge par l’Assurance Maladie.<br />
Et tout cela varie bien sûr selon les époques… Nous nous sommes donc astreint à recalculer les<br />
cotisations historiques <strong>de</strong> nos différents <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s-types, ce qui donne le tableau suivant :<br />
Sect 1<br />
Sect 2 / 0%<br />
Sect 2 / 15%<br />
Sect 2 / 40%<br />
Sect 2 / 100%<br />
INDEXÉ<br />
Evolution <strong>de</strong>s cotisations CARMF<br />
(Source CARMF, valeur absolue, en FF)<br />
1970<br />
1971<br />
1972<br />
1973<br />
1974<br />
1975<br />
1976<br />
1977<br />
1978<br />
1979<br />
1980<br />
1981<br />
1982<br />
1983<br />
1984<br />
1985<br />
1986<br />
1987<br />
1988<br />
1989<br />
5<br />
1990<br />
1991<br />
1992<br />
1993<br />
1994<br />
1995<br />
1996<br />
1997<br />
1998<br />
1999<br />
2000<br />
2001<br />
2002<br />
2003<br />
2004<br />
2005<br />
2006<br />
2007<br />
160 000<br />
140 000<br />
120 000<br />
100 000<br />
80 000<br />
60 000<br />
40 000<br />
20 000<br />
0
On relève la cassure <strong>de</strong>s courbes en 1993, correspondant à l’introduction d’une cotisation<br />
proportionnelle (1,4 % puis actuellement 1,6 %) dans la limite <strong>de</strong> 5 fois le plafond <strong>de</strong> la Sécurité<br />
Sociale.<br />
Par rapport à 1970, la cotisation en secteur 1 a été multipliée par 3,9 en francs constants. Concernant<br />
les cotisations r<strong>et</strong>raite, l’évolution démographique <strong>de</strong> la profession fait craindre une augmentation<br />
dramatique dans les prochaines années…<br />
L’URSSAF<br />
C<strong>et</strong> organisme collecte les cotisations obligatoires d’assurance maladie, d’allocations familiales <strong>et</strong> la<br />
CSG-CRDS. Là encore, les cotisations sont forfaitaires (avant 1974), proportionnelles plafonnées ou<br />
non. À noter en 1991 l’apparition <strong>de</strong> l’impôt « CSG-CRDS » <strong>et</strong> un taux <strong>de</strong> cotisation maladie qui<br />
plafonne à 15,75 %... <strong>Le</strong>s courbes sont profondément modifiées en 1988 lors <strong>de</strong> l’introduction d’une<br />
part déplafonnée dans la cotisation d’allocation familiale.<br />
Pour rester logique, nous imaginons que nos <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s <strong>de</strong> secteur 2 ont choisi à partir <strong>de</strong> 1980<br />
l’option « CANAM » pour leur assurance maladie, dont les taux sont n<strong>et</strong>tement plus avantageux que<br />
ceux <strong>de</strong> l’URSSAF (0,6 % sur le plafond + 5,9 % sur 5 fois le plafond, au lieu <strong>de</strong>… 9,8 % non<br />
plafonné!).<br />
350 000<br />
300 000<br />
250 000<br />
200 000<br />
150 000<br />
100 000<br />
50 000<br />
0<br />
1970<br />
1972<br />
1974<br />
1976<br />
Secteur 1<br />
Secteur 2 / 0 %<br />
Secteur 2 / 15 %<br />
Secteur 2 / 40 %<br />
Secteur 2 / 100 %<br />
In<strong>de</strong>xée<br />
1978<br />
1980<br />
Evolution cotisations URSSAF<br />
(Source URSSAF, valeur absolue)<br />
1982<br />
1984<br />
1986<br />
1988<br />
1990<br />
On notera que les cotisations <strong>de</strong> l’URSSAF pour notre <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>-type secteur 1 sont très<br />
sensiblement inférieures en francs constants aux cotisations <strong>de</strong> 1970, puisque partiellement prises en<br />
charge par l’Assurance Maladie.<br />
La RCP<br />
<strong>Le</strong>s primes <strong>de</strong> l’assurance en responsabilité civile professionnelle sont effectivement en croissance<br />
rapi<strong>de</strong>. Il est très difficile <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s montants <strong>de</strong> cotisation en remontant jusqu’en 1970 : les<br />
assureurs, au contraire <strong>de</strong>s organismes officiels que sont le CARMF <strong>et</strong> l’URSSAF, sont privés, labiles,<br />
<strong>et</strong> parfois même éphémères !<br />
Néanmoins, nous pouvons avancer <strong>de</strong>s chiffres <strong>de</strong> cotisation en remontant jusqu’à 1983. Pour les<br />
besoins <strong>de</strong> la cause, les cotisations <strong>de</strong>s années entre 1970 <strong>et</strong> 1983 sont simplement extrapolées à<br />
l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s indices INSEE en prenant comme référence 1983… Qu’on nous pardonne c<strong>et</strong>te liberté.<br />
Il faut noter qu’il existe une certaine concurrence entre les assureurs, <strong>et</strong> les tarifs mentionnés ici sont<br />
probablement parmi les plus bas du marché… On constate malgré cela, une très rapi<strong>de</strong> croissance <strong>de</strong><br />
6<br />
1992<br />
1994<br />
1996<br />
1998<br />
2000<br />
2002<br />
2004<br />
2006
la cotisation à partir <strong>de</strong> 1995, pour <strong>de</strong>venir multipliée par six en 2005 par rapport à celle <strong>de</strong> 1983, en<br />
francs constants !<br />
1970<br />
1972<br />
1974<br />
1976<br />
1978<br />
REELLE<br />
INDEXEE<br />
1980<br />
1982<br />
Evolution <strong>de</strong>s cotisations RCP<br />
1984<br />
1986<br />
1988<br />
1990<br />
1992<br />
Or, c<strong>et</strong>te croissance n’est pas, comme on pourrait le croire, le fait <strong>de</strong> la multiplication <strong>de</strong>s procédures<br />
judiciaires, dont le nombre absolu est assez stable <strong>de</strong>puis les années 2000. Par contre, les in<strong>de</strong>mnités<br />
accordées par les juges en cas <strong>de</strong> condamnation croît <strong>de</strong> façon inexplicable. <strong>Le</strong>s assureurs sont donc<br />
contraints d’augmenter dans la même proportion les cotisations… Ou alors déci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> j<strong>et</strong>er l’éponge<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong> se r<strong>et</strong>irer <strong>de</strong> ce marché ! Si rien n’est fait pour enrayer c<strong>et</strong>te spirale infernale, il sera tout<br />
simplement impossible <strong>de</strong> trouver un assureur qui veuille bien prendre en charge certains <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s.<br />
On notera enfin que la prime d’assurance RCP est forfaitaire, nullement proportionnelle à l’activité<br />
opératoire, au chiffre d’affaires ou au secteur d’activité.<br />
<strong>Le</strong>s autres charges<br />
Beaucoup d’autres charges pèsent sur les revenus <strong>de</strong>s <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s, <strong>et</strong> sont également en croissance<br />
rapi<strong>de</strong> : salaires (<strong>et</strong> charges induites) <strong>de</strong>s personnels employés (secrétaires <strong>et</strong> ai<strong>de</strong> opératoires),<br />
re<strong>de</strong>vances dues aux cliniques, participations aux divers congrès ou centres <strong>de</strong> formation médicale<br />
continue. Dans notre analyse, dans un soucis <strong>de</strong> simplification, nous négligerons tous ces <strong>de</strong>rniers<br />
aspects.<br />
De ce fait, notre analyse finale est à prendre comme marginale supérieure, la réalité quotidienne étant<br />
certainement encore moins brillante…<br />
La soustraction finale : le pouvoir d’achat<br />
<strong>Le</strong> « bénéfice » du <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> libéral résulte <strong>de</strong> la soustraction chiffre d’affaires moins la somme <strong>de</strong>s<br />
charges. Nous r<strong>et</strong>rouvons nos cinq <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s-types <strong>et</strong> leurs résultats. C’est seulement ce bénéfice<br />
qui peut être rapproché du revenu n<strong>et</strong> d’un travailleur salarié.<br />
Nous avons comparé pour c<strong>et</strong>te démonstration les bénéfices réels <strong>de</strong> nos 5 <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s à un<br />
« bénéfice idéal », qui serait obtenu par un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> dont les rec<strong>et</strong>tes, in<strong>de</strong>xées au coût <strong>de</strong> la vie,<br />
seraient diminuées <strong>de</strong>s charges <strong>de</strong> 1970, également in<strong>de</strong>xées au coût <strong>de</strong> la vie. On obtient le tableau<br />
suivant :<br />
7<br />
1994<br />
1996<br />
1998<br />
2000<br />
2002<br />
2004<br />
2006<br />
70 000<br />
60 000<br />
50 000<br />
40 000<br />
30 000<br />
20 000<br />
10 000<br />
0
Sect 1<br />
Sect 2 / 0%<br />
Sect 2 / 15%<br />
Sect 2 / 40%<br />
Sect 2 / 100%<br />
In<strong>de</strong>xé<br />
EVOLUTION DU BÉNÉFICE RAPPORTÉ AU BÉNÉFICE 1970 INDEXÉ,<br />
CHARGES 1970 INDEXÉES<br />
1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006<br />
La lecture <strong>de</strong> ce tableau donne une assez bonne idée <strong>de</strong> l’évolution du niveau <strong>de</strong> vie du <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong><br />
<strong>digestif</strong> <strong>de</strong>puis 1970. L’écart avec une activité 1970 in<strong>de</strong>xée est largement amplifié puisque les<br />
rec<strong>et</strong>tes ont significativement diminué alors que les charges ont franchement augmenté… en francs<br />
constants naturellement.<br />
De 1970 à 1973, la valeur <strong>de</strong> la l<strong>et</strong>tre clé « K » suit sensiblement l’inflation : le niveau <strong>de</strong> vie est<br />
stable.<br />
De 1974 à 1980, avant l’heure <strong>de</strong>s honoraires libres, on assiste à une perte <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 20 % du<br />
pouvoir d’achat… ce qui débouche sur l’invention du « secteur 2 ». Mais <strong>de</strong> 1981 à 1994, on assiste à<br />
la poursuite <strong>de</strong> la chute pour tous les secteurs. En 1994, un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> aux revenus conventionnels<br />
gagne moitié moins qu’en 1970 !<br />
On constate une amélioration en 1995 avec les avancées à la NGAP, <strong>et</strong> l’apparition <strong>de</strong>s l<strong>et</strong>tres-clés<br />
KFA <strong>et</strong> KFB. La forte progression <strong>de</strong> certaines charges (RCP <strong>et</strong> CARMF notamment) explique la<br />
reprise <strong>de</strong> la chute du revenu après 1996, qui égale son record en 2004. C’est alors <strong>de</strong> 52 % que le<br />
pouvoir d’achat <strong>de</strong> notre <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> <strong>de</strong> secteur 1 a chuté ! On se souvient <strong>de</strong> la prise <strong>de</strong> conscience<br />
nationale du problème, <strong>de</strong>s menaces <strong>de</strong> la profession <strong>et</strong> <strong>de</strong>s promesses ministérielles <strong>de</strong> l’époque.<br />
<strong>Le</strong>s mesures prises améliorent quand même un peu la situation, <strong>de</strong> manière significative pour le<br />
secteur 1, notre <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> type gagnant plus <strong>de</strong> 10 % <strong>de</strong> pouvoir d’achat.<br />
2005, c’est l’arrivée <strong>de</strong> la CCAM, mais complètement dénaturée : au lieu d’une redistribution <strong>de</strong>s<br />
ressources selon la pénibilité <strong>et</strong> le poids <strong>de</strong>s différents spécialités (ce qui aurait conduit à voir certains<br />
spécialistes diminuer significativement leur rec<strong>et</strong>tes), il est mis en place un pâle « copier-coller » <strong>de</strong> la<br />
NGAP, avec <strong>de</strong>s aménagements finalement mineurs. C’est bien ce que démontre nos courbes <strong>de</strong><br />
bénéfice qui ne font que stagner pour nos <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s type.<br />
Au final, en 2007, un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> installé en secteur 1 a un pouvoir d’achat <strong>de</strong> 41 % inférieur à<br />
son aîné <strong>de</strong> 1970 pour la même activité, c’est à dire pas très loin <strong>de</strong> la moitié en moins…<br />
Ce qui revient à dire que si un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> <strong>de</strong> secteur 1 avait l’ambition d’avoir le même niveau <strong>de</strong> vie<br />
que lui, il serait nécessaire, toutes charges étant égales par ailleurs, <strong>de</strong> revendiquer une rec<strong>et</strong>te<br />
annuelle <strong>de</strong> 1 590 000 FF ; c'est-à-dire qu’il faudrait que l’Assurance Maladie lui octroie une<br />
augmentation <strong>de</strong>s tarifs conventionnels <strong>de</strong> + 60 % en moyenne…<br />
De nos jours, si un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> <strong>de</strong> secteur 2 ambitionne d’avoir les même revenus qu’en 1970, toujours<br />
pour la même activité (<strong>et</strong> l’on ne voit pas très bien en vertu <strong>de</strong> quel principe il <strong>de</strong>vrait y renoncer), il lui<br />
serait nécessaire, compte tenu <strong>de</strong>s charges qui évoluent au prorata <strong>de</strong>s rec<strong>et</strong>tes, <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r un<br />
dépassement moyen d’honoraires <strong>de</strong> 90 %.<br />
D’autre part, pour qu’un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> inscrit en secteur 2 effectue le même bénéfice que son collègue <strong>de</strong><br />
secteur 1 — une sorte <strong>de</strong> secteur 2 « minimum» — , il doit prendre au moins un dépassement<br />
8<br />
60<br />
40<br />
20<br />
0<br />
-20<br />
-40<br />
-60<br />
-80
d’honoraires moyens <strong>de</strong> + 25 %, compte tenu du mécanisme <strong>de</strong> calcul <strong>de</strong>s charges. En d’autres<br />
termes, il est inutile <strong>de</strong> s’installer en secteur 2 si le dépassement moyen pratiqué est inférieur à<br />
25 %.<br />
Encore s’agit-il <strong>de</strong> dépassement moyen. N’oublions pas qu’un grand nombre <strong>de</strong> patients n’ont aucun<br />
dépassement à régler : tous ceux qui relèvent <strong>de</strong> la CMU, les patients aux faibles moyens sans<br />
mutuelle, la plupart <strong>de</strong>s patients opérés en urgence ou en acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> travail <strong>et</strong>, pour beaucoup <strong>de</strong><br />
<strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s, les patients porteurs d’un cancer. Par exemple, notre <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> <strong>de</strong> secteur 2 « minimum»<br />
<strong>de</strong>vra en fait prendre 31 % en moyenne s’il n’applique ce dépassement qu’à 80 % <strong>de</strong> sa clientèle.<br />
<strong>Le</strong> secteur 2 optionnel <strong>et</strong> la CCAM<br />
<strong>Le</strong>s mutuelles ou les politiciens démagogues qui estiment qu’un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> ne <strong>de</strong>vrait pas, sous<br />
prétexte <strong>de</strong> « tact <strong>et</strong> mesure », facturer <strong>de</strong>s dépassements d’honoraires <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 40 %, estiment<br />
donc qu’un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> en 2006 ne « vaut » que les <strong>de</strong>ux tiers <strong>de</strong> son prédécesseur <strong>de</strong> 1970…<br />
Singulière dépréciation.<br />
Peut-on imaginer une profession quelconque voir son pouvoir d’achat fondre <strong>de</strong> moitié en trois<br />
décennies ? Quelles conséquences, grèves, blocages <strong>et</strong> autres manifestations en résulteraient ?… <strong>et</strong><br />
<strong>de</strong>puis combien <strong>de</strong> temps ?<br />
<strong>Le</strong>s « rapports » <strong>de</strong>mandés par le ministre <strong>de</strong> la santé sur l’état <strong>de</strong> la <strong>chirurgie</strong> <strong>française</strong> s’accumulent,<br />
en pointant toujours les mêmes injustices <strong>et</strong> le même malaise. En 2004, le ministre « avait compris le<br />
message » <strong>et</strong> proposé <strong>de</strong>s avancées. Outre un déblocage immédiat par augmentation <strong>de</strong> 11,5 % <strong>de</strong>s<br />
tarifs conventionnels (la fameuse l<strong>et</strong>tre clé « MTC »), il prom<strong>et</strong>tait — entre autres — une ouverture du<br />
secteur 2 aux <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s qui le souhaitaient, <strong>et</strong> une augmentation <strong>de</strong> 25 % <strong>de</strong>s tarifs lors <strong>de</strong> la mise<br />
en œuvre <strong>de</strong> la nouvelle nomenclature CCAM. Qu’en est-il quatre ans plus tard ?<br />
<strong>Le</strong> secteur 2 est toujours bloqué pour les <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s qui ont fait l’erreur <strong>de</strong> s’installer en secteur 1 <strong>et</strong><br />
qui subissent leur « <strong>de</strong>mi-tarif » imposé…<br />
L’une <strong>de</strong>s mesures prises en 2004 consistait à inventer un mixage <strong>de</strong>s secteurs 1 <strong>et</strong> 2 sous la forme<br />
d’un « secteur 2 avec option <strong>de</strong> coordination ». Ce nouveau bricolage, toujours d’actualité, intègre les<br />
hypothèses suivantes :<br />
• Dépassement d’honoraires limités à 15 % en valeur maximum, sur 70 % <strong>de</strong>s patients<br />
maximum (ce qui correspond finalement à un dépassement moyen <strong>de</strong> 8,05 %).<br />
• Pas <strong>de</strong> dépassement pour les mineurs <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 16 ans.<br />
• Possibilité <strong>de</strong> coter le modificateur « K », qui majore les honoraires conventionnels <strong>de</strong> 11,5 %<br />
(comme les praticiens <strong>de</strong> secteur 1).<br />
• Enfin, prise en charge par l’Assurance Maladie <strong>de</strong>s charges sociales personnelles, comme les<br />
praticiens du secteur 1, mais au prorata <strong>de</strong>s actes effectués au tarif conventionnel.<br />
La polémique n’a jamais cessé entre les <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s qui estiment que ce secteur 2 optionnel ne rend<br />
pas compte <strong>de</strong>s promesses <strong>de</strong> 2004 (augmentation <strong>de</strong>s rec<strong>et</strong>tes <strong>de</strong> + 25 %) <strong>et</strong> le ministère <strong>de</strong> la santé<br />
qui affirme le contraire. Voyons ce qui en est pour notre <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> type <strong>et</strong> si, pour lui, c<strong>et</strong>te option est<br />
intéressante.<br />
A première vue, l’amélioration <strong>de</strong>s rec<strong>et</strong>tes est patente. Notre <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> type qui a opté pour c<strong>et</strong>te<br />
formule voit ses honoraires augmenter <strong>de</strong> 21,6 % en 2005 par rapport à 2004. « L’eff<strong>et</strong> CCAM » est<br />
plus mesuré en secteur 1 (+ 13,4 %) <strong>et</strong> <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 4 % en secteur 2.<br />
9
Sect 1<br />
Sect 2 opt<br />
Sect 2<br />
Variation <strong>de</strong>s RECETTES en % <strong>de</strong>puis 2004<br />
2004 2005 2006 2007<br />
<strong>Le</strong> problème, c’est que ces chiffres prom<strong>et</strong>teurs sont en gran<strong>de</strong> partie annihilés par l’évolution<br />
croissante <strong>de</strong>s charges <strong>et</strong> l’absence <strong>de</strong> toute in<strong>de</strong>xation au coût <strong>de</strong> la vie. Et ces jolis chiffres se<br />
tassent sensiblement quand il s’agit <strong>de</strong> considérer les bénéfices <strong>et</strong> non les rec<strong>et</strong>tes…<br />
Sect 1<br />
Sect 2 opt<br />
Sect 2<br />
Variation du BÉNÉFICE en % <strong>de</strong>puis 2004<br />
2 004 2 005 2 006 2 007<br />
Alors, le secteur 2 optionnel, une bonne affaire ? La réponse est très mitigée : pour un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> en<br />
secteur 1, l’amélioration du bénéfice entre 2004 <strong>et</strong> 2007 est <strong>de</strong> 17,7 %, <strong>et</strong> <strong>de</strong> 21 % pour le secteur 2<br />
optionnel.<br />
Bien entendu, les <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s installés en secteur 2 ne s’y r<strong>et</strong>rouvent pas du tout : l’amélioration est<br />
quasi nulle par rapport à leur bénéfice <strong>de</strong> 2004… mais qu’on ne s’y trompe pas, ces promesses ne<br />
leur étaient tout simplement pas <strong>de</strong>stinées ! Pour eux, ils ont les honoraires libres : qu’ils se<br />
débrouillent avec <strong>et</strong> qu’ils ne comptent pas sur les tutelles pour améliorer leur ordinaire. Telle est la<br />
règle.<br />
En valeur absolue, choisir le secteur 2 optionnel c’est obtenir le niveau <strong>de</strong> vie d’un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> en<br />
secteur 2 qui prendrait 28 % <strong>de</strong> dépassement moyen… C’est encore bien loin du compte <strong>et</strong> vraiment<br />
très loin du r<strong>et</strong>ard accumulé <strong>de</strong>puis 1970.<br />
Il existe en outre <strong>de</strong> nombreux inconvénients. <strong>Le</strong> praticien cumule les inconvénients du secteur 2<br />
(niveau <strong>de</strong>s charges pour partie, nécessité <strong>de</strong> « réclamer » <strong>de</strong>s honoraires supplémentaires,<br />
complexité comptable) à ceux du secteur 1 (absence <strong>de</strong> liberté complète, niveau <strong>de</strong> rémunération<br />
imposé) <strong>et</strong> en plus… il doit tenir un état scrupuleux <strong>de</strong> son taux <strong>de</strong> dépassement pour ne pas<br />
dépasser la limite <strong>de</strong> 70 % <strong>de</strong>s patients. Enfin, bien qu’il puisse quitter son secteur optionnel à tout<br />
10<br />
25,00<br />
20,00<br />
15,00<br />
10,00<br />
5,00<br />
0,00<br />
25,00<br />
20,00<br />
15,00<br />
10,00<br />
5,00<br />
0,00<br />
-5,00
moment, les avantages consentis sont à la merci du bon vouloir du ministère, <strong>de</strong>s ajustements<br />
tarifaires ou <strong>de</strong>s limitations <strong>de</strong> tous ordres…<br />
Perspectives…<br />
Notre propos était <strong>de</strong> démontrer le plus scrupuleusement possible que le niveau <strong>de</strong> vie d’un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong><br />
viscéral libéral se dégra<strong>de</strong> irrémédiablement <strong>de</strong>puis une trentaine d’année. Nos chiffres sont aisément<br />
vérifiables.<br />
C<strong>et</strong>te confirmation mathématique suscite un certain pessimisme quant à c<strong>et</strong>te profession. Nous avons<br />
dit plus haut que la crise <strong>de</strong>s vocations en <strong>chirurgie</strong> <strong>viscérale</strong>, libérale en particulier, était motivée par<br />
toutes sortes <strong>de</strong> raisons.<br />
Il est bien certain qu’à l’heure <strong>de</strong> la civilisation <strong>de</strong>s loisirs, où tout s’arrête dès le vendredi midi pour<br />
cause <strong>de</strong> RTT, la pénibilité, les horaires <strong>et</strong> la « lour<strong>de</strong>ur » <strong>de</strong> ce métier font tache…<br />
Malheureusement, dans ce domaine, il n’y a guère <strong>de</strong> solution : le métier <strong>de</strong> <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> ne sera jamais<br />
à mi-temps !<br />
Se pose bien sûr le problème <strong>de</strong> l’exposition judiciaire <strong>et</strong> la sensation <strong>de</strong> travailler sous une<br />
« pression » <strong>de</strong> plus en plus importante <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s patients, <strong>et</strong> où le moindre faux-pas ou résultat<br />
décevant entraîne ipso facto expertise <strong>et</strong> procédure judiciaire. Ceci est d’autant plus vrai <strong>de</strong>puis la<br />
mise en place <strong>de</strong>s procédures gratuites pour les patients dans le cadre du CRCI, <strong>de</strong>stiné à compenser<br />
les aléas thérapeutiques <strong>et</strong> qui fait un gros succès… La conséquence directe est une fantastique<br />
augmentation <strong>de</strong>s primes d’assurance RCP. Là encore, peu d’amélioration à attendre, à défaut <strong>de</strong><br />
limiter <strong>et</strong> d’encadrer par la loi la valeur <strong>de</strong>s in<strong>de</strong>mnisations prononcées par les juges <strong>et</strong> qui obèrent<br />
gravement le budg<strong>et</strong> <strong>de</strong>s assureurs (<strong>et</strong> adaptent leurs cotisations).<br />
Un jeune <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> pouvait encore autrefois compter sur une compensation financière <strong>de</strong> ces<br />
contraintes. Or, voilà que son niveau <strong>de</strong> vie s’effrite <strong>de</strong> manière très conséquente. Il est donc<br />
logiquement tenté par d’autres perspectives professionnelles, moins prenantes, moins exposées,<br />
moins tendues, <strong>et</strong> plus lucratives…<br />
Comment dès lors envisager l’avenir à moyen terme, c’est-à-dire dans les 10 ans qui viennent ?<br />
<strong>Le</strong> graphe ci-<strong>de</strong>ssous (source DREES) montre l’évolution <strong>de</strong> l’âge moyen <strong>de</strong>s spécialistes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />
<strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s généralistes. On r<strong>et</strong>rouve le décalage entre les <strong>de</strong>ux courbes, lié à la durée <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
<strong>chirurgie</strong>, mais surtout le vieillissement général lié à une insuffisance <strong>de</strong> renouvellement <strong>de</strong>s<br />
générations.<br />
Chirurgie générale<br />
Ensemble <strong>de</strong>s<br />
spécialistes<br />
1984<br />
1985<br />
1986<br />
Evolution <strong>de</strong> l'âge moyen <strong>de</strong>s <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s<br />
<strong>et</strong> <strong>de</strong> l'ensemble <strong>de</strong>s spécialistes<br />
1987<br />
1988<br />
1989<br />
1990<br />
1991<br />
1992<br />
11<br />
1993<br />
1994<br />
1995<br />
1996<br />
1997<br />
1998<br />
1999<br />
2000<br />
50<br />
49<br />
48<br />
47<br />
46<br />
45<br />
44<br />
43<br />
42<br />
41<br />
40
Mais ce vieillissement n’est pas homogène au sein <strong>de</strong>s <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s, <strong>et</strong> la population <strong>de</strong>s <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s<br />
viscéraux est <strong>de</strong> loin la plus touchée comme le montre le graphe suivant (source DREES) :<br />
30,0<br />
25,0<br />
20,0<br />
15,0<br />
10,0<br />
5,0<br />
0,0<br />
Pyrami<strong>de</strong>s comparatives <strong>de</strong>s âges<br />
< 30<br />
30-35<br />
35-40<br />
40-45<br />
45-50<br />
50-55<br />
55-60<br />
60-65<br />
65-70<br />
> 70<br />
Chirurgie générale<br />
Urologie<br />
Orthopédie<br />
Orthopédie<br />
Urologie<br />
Chirurgie générale<br />
<strong>Le</strong> décalage entre la répartition <strong>de</strong>s âges <strong>de</strong>s <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong>s viscéraux <strong>et</strong> celle <strong>de</strong>s urologues <strong>et</strong> <strong>de</strong>s<br />
orthopédistes est on ne peut plus caricaturale.<br />
Il semble donc nécessaire <strong>de</strong> rendre le métier <strong>de</strong> <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> viscéral attractif pour les étudiants en<br />
mé<strong>de</strong>cine. La revalorisation <strong>de</strong>s revenus est l’un <strong>de</strong>s impératifs — certainement pas le seul. C’est une<br />
façon <strong>de</strong> compenser les nombreuses contraintes <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te profession qui apporte tout <strong>de</strong> même une<br />
contribution active <strong>de</strong> toute première importance à la santé <strong>de</strong> nos concitoyens. On peut s’interroger –<br />
mais nous entrons là dans le « politiquement incorrect »… — sur la « rentabilité » à ce titre d’autres<br />
spécialités beaucoup plus en vogue…<br />
On l’a vu, pour un <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> viscéral avec une bonne activité, réalisant <strong>de</strong>s actes uniques invasifs, la<br />
perte <strong>de</strong> niveau <strong>de</strong> vie par rapport au même <strong><strong>chirurgie</strong>n</strong> <strong>de</strong> 1970 est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> la moitié.<br />
Naturellement, l’Assurance Maladie est bien incapable <strong>de</strong> réduire ce déficit. La seule possibilité pour<br />
maintenir sa rémunération dans l’état actuel <strong>de</strong>s choses, consiste donc à majorer ses honoraires dans<br />
le cadre du secteur 2. Encore faut-il le faire avec élégance <strong>et</strong> efficacité. La pratique du dépassement<br />
d’honoraire entachée d’abus <strong>et</strong> d’excès scandaleux entr<strong>et</strong>ient à l’œil myope <strong>de</strong> nos ministres une<br />
image <strong>de</strong> « nantis » que nous ne sommes pas.<br />
Mais, sauf révolution, la pratique du secteur 2 ne peut pas disparaître. <strong>Le</strong>s nouveaux interlocuteurs<br />
sociaux <strong>de</strong> la profession, comme les Mutuelles, <strong>de</strong>vront bien entendu en tenir compte. <strong>Le</strong>s courbes<br />
que nous avons montrées ne peuvent pas continuer éternellement vers le bas.<br />
Sinon… il faut sincèrement se reposer la seule vraie question : « par qui serez-vous opéré<br />
<strong>de</strong>main ? »<br />
12