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C’est la raison pour laquelle l’EITI, à la différence de Publish
What You Pay, préconise un processus collectif dont la mise
en œuvre dépend, in fine, de l’Etat hôte désireux de se
lancer dans la démarche. Et dès lors qu’un Etat le décide,
une entreprise ne saurait se dérober à cette dynamique sans
entraîner une forte suspicion de la part de la communauté
internationale.
Pourquoi prévoir la publication des versements auprès
d’une institution internationale comme le FMI
ou la Banque mondiale ?
Le principe d’agrégation que j’évoquais implique
l’intervention d’un organisme tiers pour, précisément, traiter
et additionner les données de façon indépendante. Cet
organisme doit disposer de la compétence technique ad hoc
pour exploiter les déclarations de façon sérieuse. La fiscalité
pétrolière est un domaine complexe. Elle repose sur tout un
arsenal de dispositifs réglementaires et commerciaux : part
de la production revenant au gouvernement d’accueil, à la
compagnie internationale, à la compagnie nationale, taxes
sur les bénéfices, royalties, dividendes, primes, honoraires
de licence, loyers, droits d’entrée, etc. Le FMI et la Banque
mondiale remplissent ces critères d’indépendance et de
compétence. Quelle autre institution serait susceptible
de mieux répondre à ces critères ? D’ailleurs les études
économiques que mène le FMI avant d’accorder un soutien
financier aux Etats comportent elles aussi, comme cela a été
le cas tout récemment pour le Congo, un volet approfondi
sur la gestion de la rente minière.
L’EITI repose sur le principe du volontariat des Etats. Selon
certains acteurs de la société civile, des procédures plus
contraignantes doivent être imposées pour permettre
de réelles avancées. D’aucuns évoquent même un risque
d’instrumentalisation de l’initiative faute de véritable
obligation. Quelle est votre analyse ?
Le risque d’instrumentalisation est réel ; c’est la raison pour
laquelle la définition des critères d’adhésion et de mise en
œuvre des règles de l’EITI compte parmi les priorités du
comité de pilotage. Mais vouloir aller trop vite risquerait
de provoquer le retrait de pays qui, progressivement,
admettent l’idée que leur gouvernance n’est pas optimale et
que des tiers, via l’EITI, sont à même de les aider à
progresser. N’oublions pas que si le principe de la
transparence est fondamental, celui de la souveraineté des
Etats l’est aussi, y compris quand il s’agit de pays
émergents. Nous ne devons rien imposer, mais discuter et
convaincre nos partenaires du bien-fondé à moyen et long
terme des règles de l’EITI. Les plus impatients penseront
sans doute que cette recherche d’un rythme équilibré
s’apparente à une forme de frilosité. Je parlerais plus
volontiers de réalisme.
POLITIQUE SOCIALE RESPONSABILITÉ SOCIALE ET DÉVELOPPEMENT LOCAL 59
Comment une entreprise comme Total peut-elle aider
un Etat à s’engager dans une démarche de transparence,
sans transgresser le principe de souveraineté que vous
évoquez ?
Tout d’abord en faisant savoir que nous sommes prêts à
aider les Etats hôtes qui nous solliciteraient pour avancer
dans l’EITI. Nous avons la légitimité et les compétences
requises pour proposer notre aide lors des différentes
phases du processus de déclaration. Enfin, nous pouvons
accompagner nos interlocuteurs dans leur démarche de
dialogue avec les organisations représentatives de la société
civile et par-là même les aider à se conformer à l’une
des cinq règles de l’EITI.
Pensez-vous que l’EITI permettra vraiment d’amorcer un
processus durable de développement dans les pays
producteurs les plus démunis ?
Si l’EITI constitue un élément clé dans le dispositif
international en faveur d’une meilleure gouvernance
des Etats, il n’est pas le seul. N’oublions pas le droit
international. Je pense que nous avancerons de façon
sérieuse et durable dans notre démarche à condition de
nous appuyer sur toute la palette de textes de référence
dont nous disposons, qu’ils soient volontaires comme l’EITI,
ou qu’ils procèdent d’une contrainte légale, ce qui est le cas,
entre autres, de la convention OCDE destinée à lutter contre
la corruption dans le monde des affaires. Je crois aussi
beaucoup à la valeur de l’exemple. Respecter la loi, c’est
bien mais a priori cela devrait être la règle ; il est donc
difficile, pour certains Etats, de s’en prévaloir pour restaurer
une image ternie. En revanche, il est très valorisant pour un
Etat ou une entreprise d’adhérer à une démarche, volontaire
certes, mais exigeante et visible. Plus les Etats seront
nombreux à adhérer à l’EITI, plus ceux qui le refusent se
trouveront marginalisés. Pourquoi ne pas trouver là une
dynamique de progrès plus durable que beaucoup ne le
pensent aujourd’hui ?