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n’était pourtant pas une nymphomane incapable de maîtriser<br />
ses pulsions sexuelles, elle avait un doctorat en psychologie !<br />
Mais il eût tout de même été plus facile de mettre ses neurones<br />
au placard pour passer le mois suivant au lit avec Julien.<br />
Parfait, se dit-elle. Admettons que tu passes un mois au lit<br />
avec lui. Et après, quoi ?<br />
Elle se savonnait presque rageusement, et son tracement<br />
était tel qu’il dissipait peu à peu ses désirs.<br />
Je vais te dire quoi, ma vieille : après, il disparaîtra et tu te<br />
retrouveras seule à nouveau. Tu te souviens de « l’après Paul » ?<br />
Tu n’as quand même pas oublié les insomnies, les crampes<br />
d’estomac, les humiliations…<br />
Non, elle n’avait pas oublié le rire moqueur de Paul<br />
fanfaronnant devant ses copains après avoir remporté son pari.<br />
Ça lui avait pris <strong>des</strong> années pour l’oublier, pour oublier sa<br />
cruauté, et elle n’avait pas l’intention de tout détruire pour un<br />
simple caprice – pas même pour ce caprice <strong>des</strong> dieux qu’était<br />
Julien ! Non, la prochaine fois qu’elle se donnerait à un homme,<br />
il faudrait qu’il s’engageât envers elle ; et cet homme saurait<br />
prendre ses peines en considération, il n’utiliserait pas son<br />
corps comme un outil pour son plaisir personnel. Des souvenirs<br />
qu’elle avait longtemps refoulés refirent brutalement surface, et<br />
une pulsion de vengeance monta en elle : Paul l’avait<br />
outrageusement bafouée, il avait agi avec elle comme avec une<br />
poupée gonflable… Elle ne laisserait plus jamais quiconque la<br />
traiter d’une manière aussi dégradante.<br />
Julien, qui était <strong>des</strong>cendu au salon, s’émerveillait de voir<br />
les rayons du soleil filtrer à travers les vitres – c’était le genre de<br />
petites choses que les gens estimaient aller de soi, et il se<br />
souvint du temps où lui aussi considérait le lever du soleil<br />
comme faisant partie du décor. Mais désormais, il avait bien<br />
changé : chaque matin était un don <strong>des</strong> dieux, un cadeau qu’il<br />
savourait pendant un mois entier avant de retourner dans<br />
l’obscurité du livre. L’âme en peine, il alla dans la cuisine et se<br />
dirigea vers la grande armoire blanche où Grace rangeait la<br />
nourriture. En l’ouvrant, il resta fasciné par la fraîcheur qui s’en<br />
dégageait et écarta les bras pour laisser le courant d’air froid lui<br />
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