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34 Courrier <strong>international</strong> | n° 1040 | du 7 au 13 octobre 2010<br />

Asie<br />

Symbole de l’ouverture<br />

économique, la cité industrielle<br />

a été choisie par le Premier<br />

ministre pour évoquer le besoin<br />

de réformes politiques.<br />

Un point de vue soutenu<br />

par une éditorialistes très<br />

influente en Chine.<br />

Blog.caiing.com<br />

L<br />

e 26 août, la zone économique<br />

spéciale de Shenzhen [la première<br />

à avoir été implantée en<br />

Chine par Deng Xiaoping] fêtait le<br />

30e anniversaire de sa création. La pensée<br />

réformiste a ressurgi à la faveur de cette<br />

célébration. L’illustration la plus marquante<br />

en a été le discours prononcé sur<br />

place par Wen Jiabao. Le Premier ministre<br />

chinois a en effet réitéré l’importance<br />

d’une réforme du système politique. “Sans<br />

la garantie apportée par une telle réforme, la<br />

réussite des réformes économiques sera compromise<br />

et l’objectif de construction d’une<br />

Chine moderne ne pourra pas être atteint”,<br />

a-t-il affirmé.<br />

La population attend toujours de telles<br />

réformes, trois ans après que le rapport du<br />

XVIIe Congrès du Parti communiste chinois<br />

en a exposé le principe dans un texte<br />

intitulé “Construire une politique démocratique<br />

socialiste”. Prendre conscience<br />

d’une nécessité est facile, agir est plus difficile.<br />

Les réformes en Chine en sont arrivées<br />

à un point crucial où il est devenu<br />

indispensable de lancer une réforme du<br />

système politique. Ces dernières années,<br />

les réformes économiques ont certes progressé<br />

techniquement, mais, dans d’autres<br />

domaines comme la réforme de la fiscalité<br />

ou du système des prix des produits de<br />

base, on n’a pas connu d’avancée importante<br />

à ce jour, malgré les promesses faites<br />

par le gouvernement. Le principal obstacle<br />

est le point mort où se trouve la réforme<br />

du système politique.<br />

Deuxième rang mondial<br />

De ce fait, les réformes économiques et<br />

sociales ont également du mal à progresser<br />

véritablement. Plus de trente ans après leur<br />

lancement, l’économie chinoise s’est hissée<br />

au deuxième rang mondial. Les dirigeants<br />

continuent cependant de répéter que “la<br />

Chine ne peut avoir de brillant avenir sans promouvoir<br />

les réformes et l’ouverture”. Cela<br />

reflète le fait que les réformes perdent de<br />

leur efficience. Il n’est plus possible d’ajourner<br />

davantage une réforme du système politique<br />

; on ne peut plus attendre !<br />

Les réformes politiques et économiques<br />

sont interdépendantes et complémentaires.<br />

Le grand architecte de la politique d’ouverture<br />

et de réformes, Deng Xiaoping, en était<br />

bien conscient lorsqu’il affirmait : “La réussite<br />

ultime de toutes nos réformes dépendra de<br />

“Ces dernières années, plus on<br />

réforme, moins ça va”, écrit sur son<br />

blog Zhang Qianfan, vice-président<br />

de l’Association nationale des<br />

juristes constitutionnalistes, en<br />

septembre 2010. “Les initiatives<br />

locales positives sont découragées par<br />

la réforme du système politique.” Mais,<br />

depuis vingt ans, il faut bien reconnaître<br />

que les efforts consacrés à la réforme du<br />

système politique ont été insuffisants. La<br />

prudence est de mise, car une théorie circule<br />

actuellement : la formidable réussite<br />

de l’économie serait une preuve du succès<br />

du système politique chinois. Selon cette<br />

logique, ce système resté sans changement<br />

notable pendant soixante ans était<br />

aussi bien adapté à l’économie planifiée<br />

qu’à l’économie de marché. Du fait de<br />

cette “supériorité politique” du “modèle<br />

chinois”, il n’a pas été besoin de l’amender<br />

jadis et ce n’est pas non plus nécessaire<br />

aujourd’hui. Or cette argumentation ne<br />

prend pas en compte la réalité objective<br />

du décalage entre le développement économique<br />

et le système politique ; elle va à<br />

l’encontre des décisions prises par le Parti<br />

communiste chinois pour se réformer et<br />

fait fi de l’opinion publique.<br />

Si la réforme du système politique<br />

n’avance pas, cela est dû également à certaines<br />

inquiétudes. On redoute surtout<br />

qu’une réforme politique trop irréfléchie<br />

n’aboutisse à des troubles sociaux. Ce<br />

genre d’appréhension est compréhensible<br />

et doit être pris au sérieux [environ<br />

100 000 manifestations de toutes sortes<br />

sont dénombrées chaque année], mais, si<br />

les hésitations sont trop nombreuses, elles<br />

ne feront que retarder les réformes et par<br />

conséquent accumuler de nouveaux fac-<br />

le gouvernement central, qui, par<br />

ailleurs, n’agit pas quand d’autres<br />

localités connaissent des dérives<br />

graves (expulsions arbitraires,<br />

corruption, répression des<br />

journalistes…). Si la réforme<br />

constitutionnelle a échoué, ce n’est pas<br />

Chine<br />

Shenzhen berceau d’une “deuxième réforme” ?<br />

60 ans de communisme en Chine. Dessin de Tom paru dans Trouw, Amsterdam.<br />

“La Chine qui vient”<br />

Un hors-série de Courrier<br />

<strong>international</strong> en vente à<br />

partir du 6 octobre 2010.<br />

Les questions posées<br />

par l’émergence de<br />

la Chine au monde<br />

et à elle -même.<br />

Reportages et analyses.<br />

teurs d’instabilité sociale. Il faut bien voir<br />

qu’après plus de trente ans de réformes le<br />

cadre général du système de l’économie de<br />

marché est bien posé. La structure économique<br />

et sociale de la Chine a enregistré<br />

des bouleversements fondamentaux, les<br />

liens économiques entre les régions et<br />

entre les différentes couches sociales se<br />

sont consolidés. Les relations se sont clarifiées<br />

entre les entreprises et les citoyens<br />

en matière de droit de propriété ou sur<br />

d’autres questions juridiques et on a assisté<br />

à une première prise de conscience de l’importance<br />

du respect des droits individuels,<br />

de la dignité humaine et de la participation<br />

de tous. Des associations telles que les<br />

ONG rayonnent de vitalité, tandis qu’une<br />

nouvelle génération de citoyens espère un<br />

éveil des consciences et la construction<br />

d’une société rationnelle. Aussi, dans la<br />

mesure où la réforme politique est progressive<br />

et ordonnée, il n’y a pas de raison<br />

de s’inquiéter de voir des troubles surgir<br />

aux quatre coins du pays. L’expérience des<br />

pays et territoires voisins qui ont connu<br />

des mutations prouve que les petites<br />

vagues de contestation sont quasi inévitables<br />

au cours d’une réforme des institutions<br />

politiques. Mais, dès lors que l’on<br />

s’achemine d’un pas ferme vers une véritable<br />

société démocratique, les mécanismes<br />

de fonctionnement économique et<br />

social modernes pourront difficilement<br />

être mis à mal. Il faut que les réformes politiques<br />

progressent au même rythme que<br />

les changements sociaux et culturels, et<br />

contribuent à un appr<strong>of</strong>ondissement des<br />

réformes économiques.<br />

Quand la zone économique spéciale de<br />

Shenzhen a été créée, il y a trente ans, elle<br />

a suscité de vives controverses durant<br />

toute la première phase de son développement<br />

[première à recevoir des capitaux<br />

seulement en raison du seul rejet de la<br />

réforme par le pouvoir central et local.<br />

La société a aussi du mal à réunir des<br />

forces pour faire contrepoids. Cette<br />

question importante, qui détermine<br />

la capacité d’agir du citoyen de base,<br />

va à l’avenir beaucoup nous occuper.”<br />

étrangers, favorisés par des avantages fiscaux,<br />

elle a été le modèle du passage de<br />

l’économie socialiste planifiée à l’industrie<br />

d’exportation], la question de fond étant<br />

de savoir si les réformes étaient ou non<br />

nécessaires. Si, à l’époque, le débat était<br />

surtout idéologique, aujourd’hui il repose<br />

plutôt sur l’assouvissement d’intérêts<br />

complexes. Pour faire avancer la réforme<br />

dans son ensemble, il faut créer des mécanismes<br />

de concertation entre les différents<br />

groupes d’intérêt pour éviter le monopole<br />

d’une minorité [les entrepreneurs liés au<br />

Parti] ainsi que la “tyrannie de la majorité”<br />

[une population égalitariste]. Cependant,<br />

les réformes ne coïncident jamais complètement<br />

avec les intérêts acquis de certains<br />

groupes. Actuellement, les conflits<br />

d’intérêts dans la société s’aggravent ; les<br />

mouvements de protestation se multiplient<br />

; les mentalités changent et on peut<br />

jouer sur les sentiments populaires. Les<br />

hommes politiques audacieux et clairvoyants<br />

ne devraient pas avoir de mal à<br />

trouver des forces sociales sur lesquelles<br />

s’appuyer pour lancer le bateau des réformes<br />

du système politique et faire voguer l’ensemble<br />

des réformes.<br />

Mécanismes de concertation<br />

Etant donné le caractère particulièrement<br />

délicat d’une réforme politique, ces deux<br />

dernières années on a préféré utiliser les<br />

termes de “réforme des pouvoirs publics”<br />

ou de “réforme de l’administration” à son<br />

propos. On a en fait cherché à esquiver sa<br />

mission principale et sa mise en application<br />

concrète n’en a pas été favorisée. Dans son<br />

discours, Wen Jiabao a assigné plusieurs<br />

missions à la réforme du système politique.<br />

“Il faut qu’elle protège les droits démocratiques<br />

et les intérêts légitimes du peuple. Il faut qu’elle<br />

incite le plus largement possible le peuple à gérer<br />

dans le respect de la loi les affaires de l’Etat, ainsi<br />

que les affaires économiques, sociales et culturelles.<br />

Il faut qu’elle permette de trouver une<br />

solution institutionnelle aux problèmes de la<br />

concentration excessive et du manque de limitation<br />

des pouvoirs, qu’elle crée les conditions<br />

permettant au peuple de critiquer et de<br />

contrôler l’action du gouvernement, et qu’elle<br />

combatte sans relâche la corruption et les malversations.<br />

Il faut édifier une société de justice<br />

et d’égalité, en s’attachant plus spécialement à<br />

garantir l’équité juridique, à protéger et aider<br />

les plus défavorisés, de manière à ce que les gens<br />

éprouvent le sentiment de vivre en sécurité et<br />

soient confiants dans le développement de la<br />

nation”, a-t-il déclaré. Ces quatre points<br />

essentiels ont beaucoup d’implications. Ils<br />

peuvent être considérés comme une voie<br />

d’entrée dans la réforme du système politique.<br />

Le plus important est que ces mesures<br />

soient rapidement mises en place.<br />

Hu Shuli*<br />

* Directrice du magazine Xin Shiji Zhoukan, ancienne<br />

directrice de l’hebdomadaire financier Caijing.

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