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40 Courrier <strong>international</strong> | n° 1040 | du 7 au 13 octobre 2010<br />

Moyen-Orient<br />

Iran<br />

Les droits de l’homme d’abord, le nucléaire après<br />

Sur son blog très suivi, un Iranien<br />

anonyme salue la décision<br />

de l’administration américaine<br />

de sanctionner huit dirigeants<br />

iraniens pour atteinte aux droits<br />

de l’homme, lors des<br />

manifestations de 2009.<br />

Blog Leviathank Téhéran<br />

L<br />

es sanctions prises fin septembre<br />

par les Etats-Unis à l’encontre<br />

de plusieurs dirigeants<br />

iraniens sont une bonne nouvelle. Huit<br />

responsables, dont trois ministres, sont<br />

visés par des mesures qui prévoient<br />

notamment le gel de leurs avoirs financiers<br />

aux Etats-Unis. Cette décision met<br />

le doigt là où ça fait mal et donne de<br />

l’espoir à tous les militants iraniens. Pour<br />

la première fois, le président des Etats-<br />

Unis a en effet décidé de sanctionner<br />

les Iraniens non pas en raison de leur programme<br />

nucléaire, mais pour leur responsabilité<br />

ou leur complicité dans les<br />

atteintes aux droits de l’homme en<br />

Iran depuis juin 2009 [date de la victoire<br />

contestée de Mahmoud Ahmadinejad<br />

à la présidentielle]. Parmi les responsables<br />

concernés par les sanctions figure<br />

l’actuel ministre de l’Intérieur, Mostafa<br />

Mohammad-Najjar, qui était ministre de<br />

la Défense et général des gardiens de la<br />

révolution pendant les troubles de l’an<br />

dernier. Il a eu un rôle de premier plan<br />

dans la répression organisée contre les<br />

manifestants après l’élection. Le ministre<br />

des Affaires sociales, Sadegh Mahsouli, a<br />

été lui aussi ministre de l’Intérieur. Il<br />

aurait, en tant que tel, ordonné la torture<br />

de prisonniers. Il est également soupçonné<br />

d’avoir favorisé la fraude électorale.<br />

Heydar Moshlehi, ministre des<br />

Renseignements, et Hossein Taeb, ancien<br />

commandant de la milice islamique des<br />

bassidjis, sont également visés par ces<br />

mesures, tout comme Saïd Mortazavi,<br />

ancien procureur de Téhéran [surnommé<br />

le “boucher de la presse”, car il a interdit<br />

plusieurs publications et arrêté de nombreux<br />

journalistes].<br />

On peut se demander pourquoi les<br />

instances <strong>international</strong>es se sentent<br />

obligées de faire pression sur l’Iran au<br />

sujet de ses activités nucléaires, mais ne<br />

réagissent jamais lorsque le peuple souffre<br />

directement. Pendant des années, les journalistes<br />

occidentaux n’ont à aucun<br />

moment interrogé Ahmadinejad sur les<br />

atteintes aux droits de l’homme. Ils ne se<br />

sont préoccupés que du nucléaire ou de<br />

ses commentaires sur l’Holocauste [lors<br />

de sa visite à New York le 22 septembre,<br />

le président de l’Iran a cette fois-ci été<br />

interrogé à plusieurs reprises sur les prisonniers].<br />

Par ailleurs, les nombreuses sanctions<br />

économiques et militaires prises par les<br />

Nations unies et plusieurs puissances<br />

occidentales ne font que servir les médias<br />

proches du pouvoir. Ces derniers peuvent<br />

ainsi poser le régime en victime. Ils<br />

affirment que ce sont les manœuvres<br />

occidentales qui font obstacle au développement<br />

du pays et ne remettent pas<br />

en cause la mauvaise gestion des dirigeants.<br />

La mesure prise par Washington qui<br />

vise directement des dirigeants iraniens<br />

est sans précédent dans l’histoire des relations<br />

<strong>international</strong>es. Elle doit être soutenue<br />

afin d’être adoptée également par<br />

les Nations unies et l’Union européenne.<br />

Koweït<br />

Le retrait de passeport comme arme politique<br />

Après le retrait de sa nationalité<br />

infligé à un clerc chiite pour<br />

blasphème, les Koweïtiens<br />

de même obédience réclament<br />

une mesure similaire pour<br />

les détenteurs (souvent sunnites)<br />

d’une double citoyenneté.<br />

www.aljasem.org Koweït<br />

D<br />

epuis qu’on a retiré sa nationalité<br />

à Yasser Al-Habib, tout le monde<br />

a de quoi s’inquiéter. Et pas seulement<br />

nos frères chiites. Al-Habib est un<br />

clerc chiite koweïtien qui vit à Londres. Il a<br />

été sanctionné pour avoir insulté la mémoire<br />

d’Aïcha, épouse du Prophète, qui est vénérée<br />

par les sunnites, mais honnie par les<br />

chiites. Personne ne peut plus se sentir en<br />

sécurité quand la nationalité est transformée<br />

en outil politique entre les mains du<br />

gouvernement et quand le droit change au<br />

gré du vent politique. Moi-même, je ne suis<br />

pas tranquille. Qui peut désormais me garantir<br />

qu’on ne me retirera pas mon passeport<br />

Dessin de Matt Kuryon paru dans The<br />

Guardian, Londres.<br />

à moi aussi, étant donné que je reste sous le<br />

coup d’un procès engagé par le Premier<br />

ministre Nasser Al-Mohammad, ce qui m’a<br />

valu un séjour dans la prison de la Sécurité<br />

d’Etat [un mois et demi en mai et juin<br />

derniers, pour atteinte à la personne de<br />

l’émir et incitation au renversement du<br />

régime – la suite du procès est attendue<br />

pour le 12 octobre] ?<br />

Mais il y a d’autres raisons de s’inquiéter.<br />

C’est la perspective d’une escalade des<br />

divisions confessionnelles qui risque d’embraser<br />

la vie politique. La mesure gouvernementale<br />

à l’encontre de Yasser Al-Habib<br />

a provoqué des réactions qui vont dans ce<br />

sens. J’en veux pour preuve la déclaration<br />

de trois des députés chiites les plus en<br />

vue, qui a été publiée par le journal chiite<br />

Al-Darle 21 septembre. Ceux-ci ont annoncé<br />

qu’ils feraient tout pour que le Parlement<br />

ouvre le dossier des détenteurs de la double<br />

nationalité [interdite par la loi]. Et le journal<br />

de suggérer que le président du Parlement<br />

avait la double nationalité koweïtienne<br />

et britannique. [Jassem Al-Khorrafi est<br />

sunnite et membre des élites marchandes<br />

libérales, dont beaucoup d’autres membres,<br />

ou leurs enfants, auraient la nationalité britannique<br />

ou américaine.] Plus généralement,<br />

cette menace vise les populations<br />

anciennement bédouines qui sont exclusivement<br />

sunnites et dont beaucoup ont la<br />

double nationalité koweïtienne et saoudienne.<br />

Cette évolution donne à penser qu’une<br />

boule de neige, lancée imprudemment, est<br />

en train de prendre une trajectoire qui<br />

n’avait pas été prévue. Cela a commencé<br />

quand certains hommes d’influence se sont<br />

mis à stigmatiser les populations bédouines.<br />

Ils voulaient jouer sur les antagonismes<br />

entre les élites citadines d’une part, les populations<br />

périphériques de l’autre, et voilà que<br />

cela est en train de leur échapper et de se<br />

transformer en antagonisme confessionnel<br />

entre sunnites et chiites. C’est triste de voir<br />

la société ainsi gagnée par la division et<br />

les clivages. C’est triste de voir son pays se<br />

fourvoyer. C’est triste de voir le gouvernement<br />

exploiter la situation pour restreindre<br />

les libertés. Pendant ce temps, notre Premier<br />

ministre est en voyage à l’étranger.<br />

L’Histoire nous a montré que les mouvements<br />

politiques nés du populisme et<br />

dont les leaders sont devenus des dictateurs<br />

finissent par s’en prendre à leur<br />

propre peuple. Le destin du chah d’Iran<br />

en a été un exemple concret. Désormais,<br />

Mahmoud Ahmadinejad suit le même<br />

chemin. Le dictateur serbe Slobodan<br />

Milosevic a fini par comparaître devant le<br />

Tribunal pénal <strong>international</strong> de La Haye.<br />

Peut-être qu’un jour les dirigeants iraniens<br />

comparaîtront devant une telle instance<br />

de justice <strong>international</strong>e ?<br />

Y a-t-il une personne capable de nous<br />

expliquer pour quelle raison Nasrin Sotoudeh<br />

[avocate et militante des droits de<br />

l’homme] est incarcérée depuis le 5 septembre<br />

dernier ? Pourquoi le régime islamique<br />

ne devrait pas payer pour la mort de<br />

Neda [Agha-Soltan, étudiante tuée le<br />

20 juin 2009, lors d’une manifestation à<br />

Téhéran] ? Pourquoi ne met-on pas la pression<br />

sur la République islamique pour<br />

qu’elle retrouve l’assassin de Zahra Kazemi<br />

[ journaliste irano-canadienne, tuée en<br />

prison à Téhéran en 2003] ? En mettant l’accent<br />

sur les crimes commis par les dirigeants<br />

iraniens, les Etats-Unis remettent<br />

en cause tout le système judiciaire iranien<br />

et les persécutions et intimidations sur lesquelles<br />

il repose. Ce genre de mesure est<br />

beaucoup plus efficace qu’une quelconque<br />

sanction contre le programme nucléaire.<br />

Elle peut permettre le retour à la paix<br />

et à la stabilité. <br />

C’est pourtant lui qui est responsable de<br />

ce qui se passe. Cela dit, on aurait peutêtre<br />

moins de problèmes si l’on prenait acte<br />

du fait qu’il n’assume pas ses responsabilités.<br />

Oui, cher Nasser Al-Mohammad, continuez<br />

de voyager et pr<strong>of</strong>itez bien de la vie,<br />

mais laissez votre poste à quelqu’un d’autre.<br />

Notre pays ne supporte plus votre présence.<br />

Abdelkader Al-Jassem*<br />

* Journaliste et célèbre opposant koweïtien.

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