courrier international - Index of
courrier international - Index of
courrier international - Index of
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
44 Courrier <strong>international</strong> | n° 1040 | du 7 au 13 octobre 2010<br />
Médias<br />
Les Italiens devraient rattraper<br />
leur retard dans le domaine<br />
des webzines. Plusieurs projets<br />
vont être lancés<br />
dans les prochains jours.<br />
Il Sole-24 Ore Milan<br />
E<br />
ffet de la crise éditoriale, cette fin<br />
d’été est marquée par l’hyperactivité<br />
des sites d’informations<br />
italiens, à la traîne sur leurs cousins anglophones<br />
et français, qui, depuis au moins cinq<br />
ans et bien aidés par la restructuration des<br />
grands quotidiens nationaux, cherchent de<br />
nouveaux débouchés et de nouvelles formules<br />
pour s’adapter à l’ère numérique.<br />
C’est donc au tour de l’Italie d’entrer<br />
dans la danse. Il y a ceux qui s’inspirent de<br />
l’école américaine, du Huffington Post au<br />
Daily Beast, et ceux qui veulent pr<strong>of</strong>iter de<br />
l’expérience européenne, à commencer par<br />
la version française de Slate, propriété du<br />
Washington Post. Les Transalpins vont bientôt<br />
disposer de Lettera43, imaginé par Paolo<br />
Madron, ancien directeur de Panorama Economy<br />
et ancien correspondant du quotidien<br />
économique Il Sole-24 Ore.<br />
Un journaliste économique qui lance un<br />
énième journal économico-financier ? A<br />
priori, non : Lettera43 sera un site d’information<br />
généraliste, dont le nom rend hommage<br />
tant au journalisme à l’ancienne, façon<br />
machine à écrire, qu’à l’obscure prophétie<br />
de Philip Meyer [pr<strong>of</strong>esseur à l’université<br />
Le projet de rassemblement<br />
organisé par Jon Stewart et son<br />
compère Stephen Colbert mobilise<br />
l’attention des médias. Arianna<br />
Huffington, fondatrice du site<br />
d’information The Huffington Post,<br />
a proposé de mettre en place des<br />
Télévision<br />
Jon Stewart met un pied dans la politique<br />
Après le succès du<br />
rassemblement conservateur<br />
organisé par un animateur<br />
de Fox News, le présentateur<br />
du Daily Show a décidé<br />
de le copier. Son initiative<br />
suscite bien des questions.<br />
The New York Times New York<br />
I<br />
maginez un instant un match de<br />
foot où les journalistes et les commentateurs,<br />
las de la médiocrité<br />
du match, quitteraient la tribune de presse<br />
pour participer au jeu. En politique, on dirait<br />
bien que les médias ont l’intention non seulement<br />
de compter les points, mais aussi de<br />
participer. Les figures des médias et du spectacle<br />
ont toujours fait partie du monde politique,<br />
occasionnellement comme candidats<br />
et candidates. Désormais, elles sont de plus<br />
en plus nombreuses à lâcher leur micro pour<br />
s’emparer d’un mégaphone.<br />
En organisant au mois d’août un grand<br />
rassemblement sur le National Mall, à<br />
Washington, Glenn Beck, animateur de la<br />
chaîne conservatrice Fox News, a fait la<br />
démonstration de sa force politique dans le<br />
monde réel. Le 16 septembre, Jon Stewart,<br />
le présentateur du Daily Show, émission<br />
humoristique sur l’actualité, diffusée sur la<br />
chaîne Comedy Central [et en France sur<br />
Canal +], a annoncé qu’il voulait faire la<br />
même chose le 30 octobre, à peine trois<br />
jours avant les élections de mi-mandat. Il<br />
s’agit d’un “rassemblement pour revenir à une<br />
situation saine”. Son compère Stephen<br />
Colbert mènera quant à lui une fausse<br />
contre-manifestation, qu’il a malicieusement<br />
baptisée “Marche pour maintenir la peur<br />
Dessin de<br />
Ian Tovey<br />
paru dans<br />
The Observer,<br />
Londres.<br />
en vie”. Il est étonnant que Jon Stewart ait<br />
pris une telle décision, lui qui a construit sa<br />
carrière et son influence sur la distance froidement<br />
ironique avec laquelle il observe<br />
le monde politique. “Ce qui est bien quand<br />
on est humoriste, c’est peut-être qu’on<br />
n’est jamais convaincu de détenir la<br />
réponse. C’est la raison pour laquelle<br />
les humoristes ne mènent pas beaucoup<br />
de manifestations”, déclarait-il<br />
encore il y a quelques semaines au<br />
New York Magazine. Et le voilà maintenant<br />
en train d’appeler à manifester. “Ça va<br />
réellement se passer, mesdames et messieurs,<br />
un vrai rassemblement.” Voulait-il singer ou<br />
parodier Glenn Beck ? Difficile à dire pour<br />
l’instant. Mais vouloir faire comme Beck<br />
n’est pas sans risque.<br />
En un sens, le duo de Comedy Central<br />
apporte une réponse postmoderne à l’univers<br />
médiatique moderne. Kurt Andersen,<br />
romancier et présentateur de l’émission de<br />
radio publique Studio 360, a qualifié le projet<br />
de Jon Stewart d’“étape décisive dans l’enchevêtrement<br />
grandissant entre le showbusiness<br />
et la politique. Les médias actuels n’ont<br />
pas simplement plus de pouvoir. Ils détiennent<br />
un pouvoir nucléaire. On ne sait pas vraiment<br />
ce que cela va donner. Jon Stewart ne pourrait<br />
pas avoir davantage raison à propos de ce qui<br />
est en train de se passer, mais pendant un weekend<br />
il va se glisser dans la peau d’un autre.”<br />
On n’octroie pas de permis pour des<br />
spectacles comiques sur le National Mall.<br />
Jon Stewart pourrait se retrouver face à une<br />
foule en adoration, au milieu des immenses<br />
monuments érigés en l’honneur de la démocratie<br />
américaine, et avoir envie de sortir<br />
plus que quelques bons mots – vous savez,<br />
quelque chose d’important. Il ne jouera pas<br />
le rôle d’un imbécile de la télévision, il jouera<br />
au diseur de vérité ; du reste, à l’extérieur<br />
Internet<br />
L’Italie s’intéresse enfin à l’information en ligne<br />
de Caroline du Nord], qui a prédit que le dernier<br />
journal serait imprimé en 2043. Sa<br />
source d’inspiration principale est The Daily<br />
Beast, de Tina Brown, qui associe contenus<br />
originaux, commentaires de visiteurs et<br />
agrégateur d’actualités. La rédaction de Lettera43<br />
est jeune, très jeune même, puisque<br />
la moyenne d’âge de l’équipe est bien inférieure<br />
à 30 ans. La direction, composée de<br />
quatre “anciens” ainsi que des fondateurs<br />
associés, qui contrôlent 50 % de la société,<br />
encadrera une vingtaine de journalistes.<br />
L’accès sera complètement gratuit et c’est<br />
la publicité qui représentera la seule source<br />
de revenus du titre.<br />
L’ensemble des financements a été rassemblé<br />
à la fin du printemps dernier. Lettera43<br />
dispose ainsi d’un budget initial de<br />
services d’autocars pour transporter<br />
les personnes désireuses<br />
de participer à la manifestation<br />
du 30 octobre. De son côté,<br />
l’animateur du Daily Show rappelle<br />
que son initiative n’est pas<br />
une réponse à celle de Glenn Beck.<br />
des studios, le monde réel nourrit des<br />
attentes et, implicitement, place la barre<br />
toujours plus haut. “MM. Stewart et Colbert<br />
sont en train de passer peu adroitement du<br />
statut de figures médiatiques à celui de figures<br />
politiques, partant du principe que, aujourd’hui,<br />
la différence n’est peut-être plus si grande”,<br />
résume Michael Hirschorn, écrivain et producteur<br />
de nombreux reality-shows.<br />
“La limite entre politique<br />
et divertissement<br />
a toujours été floue”<br />
A Washington, cet événement, avec la couverture<br />
tentaculaire dont il bénéficiera, fera<br />
entrer Jon Stewart au royaume de ceux qui<br />
font l’objet des commentaires. Aura-t-il plus<br />
de succès que Glenn Beck ? Va-t-il taire ses<br />
tendances progressistes ou les afficher ?<br />
Et continuera-t-il, à coups de quolibets, à<br />
repousser les invitations à se porter candidat<br />
? “Jon Stewart tentera de faire passer cette<br />
journée pour un événement marginal, mais, à<br />
un certain niveau, elle sera bien réelle, affirmet-il.<br />
Au fond, c’est quelqu’un qui se prend pr<strong>of</strong>ondément<br />
au sérieux, et il est de moins en moins<br />
drôle”, estime Tucker Carlson, le fondateur<br />
du site The Daily Caller. Mais, comme beaucoup<br />
de fans de Jon Stewart, Aaron Sorkin,<br />
créateur de la série West Wing, considère que<br />
l’humoriste est aux antipodes du théâtre du<br />
Tea Party. “Quelqu’un doit dire quelque chose,<br />
et je crois que ces deux hommes savent exactement<br />
ce qu’ils font, soutient-il. La frontière<br />
entre la politique et le divertissement a toujours<br />
été floue, et je crois que ce sera génial. J’y serai.<br />
S’il y a 100 000 personnes, je serai la cent mille<br />
unième. Ils sont trop intelligents pour dire des<br />
idioties.” David Carr<br />
3 millions d’euros. Des contacts ont été établis<br />
avec slate.fr, le site fondé et présidé par<br />
Jean-Marie Colombani. Toujours en prenant<br />
modèle sur la France, un autre site se<br />
prépare depuis plusieurs mois, celui de<br />
Lucia Annunziata [célèbre journaliste et<br />
écrivain italienne], qui vise le modèle de<br />
Rue89, le site d’information qui a probablement<br />
connu le plus grand succès en<br />
France ces dernières années. Le paysage italien<br />
de l’information en ligne devrait donc<br />
s’ét<strong>of</strong>fer dans les semaines à venir. Après<br />
Blitz Quotidiano, cet agrégateur d’informations<br />
lancé en 2009 par l’ex-directeur de<br />
L’Espresso, Marco Benedetto, et plus récemment<br />
Il Post, de Luca S<strong>of</strong>ri, le pionnier Dagospia<br />
devrait se sentir très prochainement<br />
beaucoup moins seul.