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Monsieur Éléphant ! Il avait des yeux noirs vitreux, des oreilles qui pendouillaient et une queue en<br />
corde tressée, mais il parvenait toujours à tout arranger. Des légumes qu’il fallait se for<strong>ce</strong>r à ingurgiter<br />
<strong>au</strong>x collants qui grattaient, du pied qu’on s’était cogné à la gorge en feu qui vous clouait <strong>au</strong> lit, Monsieur<br />
Éléphant était là. Il était l’antidote universel : il consolait de tout. Avec le temps, il avait perdu un œil et<br />
une bonne partie de sa queue. Il s’était fait pleurer dessus, renifler dessus, marcher dessus, écraser…<br />
Pourtant, quand Hadley avait quelque chose de travers, papa n’avait qu’à poser la main sur sa tête pour la<br />
diriger vers sa chambre.<br />
« Il est temps de consulter Monsieur Éléphant », déclarait-il. Et ça marchait. À tous les coups.<br />
Évidemment, le crédit en revenait sans doute plus à son père qu’<strong>au</strong> petit éléphant en peluche, mais c’est<br />
seulement maintenant qu’elle en prend vraiment conscien<strong>ce</strong>.<br />
Oliver la dévisage d’un air amusé.<br />
— Je ne suis pas convaincu pour <strong>au</strong>tant que ça compte.<br />
— Soit. Et toi alors, c’est quoi ton animal préféré ?<br />
— L’aigle. L’aigle à tête blanche, <strong>ce</strong>lui du drape<strong>au</strong> américain.<br />
Elle éclate de rire.<br />
— Je ne te crois pas.<br />
— Tu ne me crois pas ? Moi ? s’<strong>of</strong>fusque-t-il, la main sur le cœur. Est-<strong>ce</strong> donc si mal d’aimer un<br />
animal qui se trouve être <strong>au</strong>ssi le symbole de la liberté ?<br />
— Et, en plus, tu te fiches de moi.<br />
— Ce n’est pas impossible, admet-il, avec un sourire goguenard. Mais est-<strong>ce</strong> que ça marche ?<br />
— Quoi ? Le fait que ça me donne de plus en plus envie de te passer une muselière ?<br />
— Non, chuchote-t-il. Est-<strong>ce</strong> que je réussis à t’en distraire ?<br />
— De quoi ?<br />
— De ta cl<strong>au</strong>strophobie.<br />
Elle le remercie d’un sourire.<br />
— Un peu. Mais le pire, c’est surtout quand on prend de l’altitude.<br />
— Comment ça se fait ? Ce n’est pas l’espa<strong>ce</strong> qui manque là-h<strong>au</strong>t.<br />
— Oui, mais pas d’échappatoire possible.<br />
— Ah ! Par<strong>ce</strong> que tu cherches une échappatoire.<br />
Elle hoche la tête avec conviction.<br />
— Toujours.<br />
— Pas étonnant, soupire-t-il avec emphase. Je fais souvent <strong>ce</strong>t effet-là <strong>au</strong>x filles.<br />
Elle laisse fuser un petit rire bref, puis referme <strong>au</strong>ssitôt les yeux. L’avion accélère, fonçant comme un<br />
boulet de canon sur la piste avec un vrombissement d’enfer. La vitesse le cédant à la gravité, les voilà<br />
scotchés à leur dossier. Basculant en arrière, l’avion les propulse alors dans les airs comme un oise<strong>au</strong> de<br />
métal géant.<br />
Elle se cramponne à l’accoudoir tandis qu’ils s’élèvent toujours plus h<strong>au</strong>t dans le ciel noir, les<br />
lumières, tout en bas, virant bientôt <strong>au</strong>x pixels façon écran de PC pour dessiner des quadrillages en<br />
pointillé. Ses oreilles commen<strong>ce</strong>nt à bourdonner à mesure que la pression <strong>au</strong>gmente et elle appuie son