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Ils ne sont en vol que depuis quelques minutes, mais, apparemment, Oliver estime que c’est suffisant
pour reprendre la conversation. En entendant sa voix tout près de son oreille, Hadley sent quelque chose
se dénouer à l’intérieur. Elle desserre les poings. D’abord un doigt, puis l’autre, un à un.
— Une année, j’ai survolé la Californie le 4 juillet.
Elle tourne imperceptiblement la tête.
— La nuit était claire et on pouvait voir tous les feux d’artifice tirés sur le trajet, toutes ces minuscules
explosions qui se succédaient, de ville en ville.
Elle se penche de nouveau vers le hublot. Son cœur cogne dans sa poitrine quand elle regarde le vide
en dessous, cette béance noire. Elle ferme les yeux et essaie d’imaginer des feux d’artifice à la place.
— Pour quelqu’un qui n’était pas au courant, ça devait être assez terrifiant, en un sens. Mais, vu d’en
haut, c’était plutôt joli, ces petites étincelles qui crépitaient en silence. Difficile d’imaginer que c’étaient
les mêmes énormes déflagrations que tu entends d’en bas. (Il marque un temps.) Question de perspective,
je suppose.
Elle tourne les yeux vers lui, le dévisage.
— C’est censé aider ?
Elle n’a pas dit ça méchamment. Elle cherche juste à comprendre la morale de l’histoire.
— Non. Non, pas vraiment, concède-t-il, avec une petite moue dépitée. J’essayais juste de détourner
ton attention, comme tout à l’heure.
Elle sourit.
— Merci. Et tu en as d’autres des comme ça ?
— Des tonnes. Je pourrais te casser les oreilles jusqu’à ce que tu demandes grâce.
— Pendant sept heures ?
— Tu paries ?
L’avion s’est stabilisé à présent et, quand elle commence à avoir la nausée, elle tente de se concentrer
sur le siège de devant. Il est occupé par un homme avec de grandes oreilles et quelques cheveux
clairsemés qui se battent en duel. Ce n’est pas qu’il soit chauve à proprement parler, non. Juste assez
dégarni pour que tu voies d’ici sa future calvitie. C’est un peu comme si elle lisait l’avenir sur sa tête. Du
coup, elle se demande s’il existe des signes révélateurs comme ça pour tout le monde, des indices cachés
permettant de savoir celui ou celle qu’on deviendra plus tard ? Quelqu’un avait-il deviné, par exemple,
que la dame côté couloir cesserait un jour de porter sur le monde le regard pétillant de ses beaux yeux
bleus pour ne plus le voir qu’à travers un léger brouillard ? Ou que ce monsieur, qu’ils aperçoivent de
biais, en bout de rangée, serait obligé de se tenir une main avec l’autre pour l’empêcher de trembler ?
Mais, en fait, c’est à son père qu’elle pense.
Est-ce qu’il aura changé ? Voilà ce qui la travaille en réalité.