Télécharger ce livre au format PDF - Index of

petits ronflements irréguliers, la bouche agitée de tics spasmodiques.
— Il faut que j’aille au petit coin, en fait, lui avoue-t-il.
Elle hoche la tête.
— Moi aussi. On doit bien pouvoir réussir à se serrer assez pour passer sans la réveiller.
Il détache sa ceinture, se lève à moitié d’un mouvement brusque et se cogne dans le siège de devant –
ce qui lui vaut un regard mauvais de son occupante. Hadley admire sa performance de contorsionniste
quand il essaie de se faufiler devant la vieille dame sans la déranger. Lorsqu’ils sont tous les deux
parvenus à s’extraire de leur rangée, elle le suit dans le couloir vers l’arrière de l’avion. Assise sur un
strapontin, une hôtesse, qui a l’air de s’ennuyer à mourir, lève les yeux de son magazine sur leur passage.
Le voyant « OCCUPIED » est allumé au-dessus des deux portes des toilettes. Hadley et Oliver
patientent donc dans l’étroit espace juste devant. Ils sont si près qu’elle peut percevoir l’odeur de sa
chemise – lessive – et celle de son haleine – whisky ; pas proches au point de se toucher à proprement
parler, mais elle peut sentir les poils de ses bras la chatouiller. La voilà de nouveau saisie d’une
irrésistible envie de lui prendre la main.
Comme elle lève légèrement les yeux vers lui, elle s’aperçoit qu’il la regarde avec cette même
expression qu’elle avait surprise sur son visage un peu plus tôt, quand elle s’était brusquement réveillée,
la tête sur son épaule. Et puis ils restent là, à se regarder dans le noir, avec la vibration des moteurs qui
ronronnent sous leurs pieds. Pas un mot échangé, pas un geste. Il lui vient alors dans l’idée – mais non,
c’est peu probable, carrément impossible même – qu’il pourrait bien être sur le point de l’embrasser.
Alors, elle se rapproche oh ! à peine, juste un tout-tout petit peu. Son cœur fait le grand huit dans sa
poitrine. Leurs mains se frôlent et c’est comme si elle recevait une décharge électrique qui lui remonte
direct la colonne vertébrale. À son grand étonnement, Oliver ne recule pas. Bien au contraire, il glisse sa
main entre les siennes comme pour qu’elle s’y accroche, et puis il tire doucement, l’attirant à lui.
C’est presque comme s’ils étaient seuls au monde – plus de commandant de bord ni d’équipage, plus
de rangées de passagers assoupis. Elle respire un grand coup et soulève légèrement le menton. C’est alors
que la porte des W.-C. s’ouvre à la volée, les inondant soudain dans un flot de lumière trop crue, et qu’un
petit garçon en sort, traînant derrière lui un long ruban de papier toilettes coincé dans un de ses souliers
rouges.
En un clin d’œil, le charme est rompu.