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Hadley en plein sommeil : abandonnée, ballottée par ses rêves. Dans les lointains recoins de son esprit
– qui carbure à fond, alors qu’avec la fatigue le reste est carrément HS –, elle est sur un autre vol, celui
qu’elle a raté, trois heures plus tôt, assise à côté d’un cinquantenaire agité de la moustache, bourré de
tics, qui se fraie un chemin à grands coups d’éternuements et de soubresauts à travers l’Atlantique, sans
jamais lui décrocher un mot, alors même qu’elle sent le stress monter, monter, la main plaquée contre le
hublot derrière lequel, il n’y a rien, mais alors rien de chez rien de rien.
Elle ouvre les yeux, parfaitement réveillée tout à coup, pour découvrir Oliver à quelques centimètres
d’elle, attentif et muet, une expression indéchiffrable sur le visage. Elle a un spasme de stupeur, la main
crispée sur le cœur. Avant de se rendre compte qu’elle a la tête sur son épaule.
Elle s’écarte aussitôt.
— Oh pardon !
L’avion est pratiquement plongé dans l’obscurité, à présent, et tout le monde dort apparemment. Même
les écrans de télé sont redevenus noirs. Elle a le poignet tout ankylosé. Elle retire sa main, restée trop
longtemps coincée entre eux, et louche sur sa montre… encore à l’heure de New York : vachement
pratique ! Elle se recoiffe vaguement et lorgne en douce vers la chemise d’Oliver. Ouf ! elle ne lui a pas
bavé dessus !
C’est alors qu’il lui tend une serviette.
— Pour quoi faire ? s’alarme-t-elle.
Il désigne la serviette du menton, et, quand elle la regarde à nouveau, elle s’aperçoit qu’il a dessiné un
des canards du film dessus.
— C’est ton moyen d’expression habituel ? Croquis au crayon sur serviette en papier ?
Il sourit.
— J’ai ajouté la casquette de base-ball et les runnings pour faire plus yankee.
— Quelle délicatesse ! Sauf que, nous, on appelle ça des baskets, lui rétorque-t-elle, la fin de sa
phrase à moitié avalée par un bâillement. (Elle fourre la serviette dans son sac, juste sur le dessus.) Tu ne
dors jamais en avion ?
Il hausse les épaules.
— Normalement si.
— Mais pas ce soir ?
Il secoue la tête.
— Il semblerait que non.
— C’est ma faute. Désolée.
Il balaie ses excuses de la main.