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<strong>HORS</strong> <strong>DES</strong> <strong>VIOLONS</strong><br />
S'inscrivant dans une volonté de mise en tension, entre contradictions et rapprochements, il<br />
n'existe pas un équilibre normatif mais un centre de gravité mouvant où musique, texte et acteur<br />
sont au service d'une cause. Brecht critique le déréalisme de la présence musicale dans le drame<br />
mais affirme qu'elle est outil de mise en scène. Il met en garde contre l'effet narcotique des mélodies<br />
: « C'est surtout avec le chant qu'il importe que soit montré le montrant » 90 . Brecht résume les<br />
fonctions musicales dans un tableau comparatif entre l'opéra et son opéra épique :<br />
Opéra dramatique<br />
Opéra épique 91<br />
La musique sert La musique transmet<br />
Musique rehaussant le texte Commentant le texte,<br />
Musique imposant le texte Présupposant le texte,<br />
Musique illustrant Prenant position,<br />
Musique dépeignant la situation psychologique Donnant le comportement<br />
En effet, comment des considérations esthétiques considérées comme fondées sur la<br />
fascination pourraient s'allier à la dialectique et l'approche didactique du théâtre épique ? Ce dernier<br />
a un objectif pratique ; il doit définir des procès sociaux et donner les moyens d'intervenir sur ceux-<br />
ci. Le spectateur se voit donner différentes options à une situation de telle manière qu'il lui soit<br />
possible de tirer une critique du comportement humain. Puisque la dramaturgie brechtienne même<br />
ne combine pas les éléments dans un destin inéluctable, il est logique que l'esthétique théâtrale en<br />
fasse de même. Le public doit être capable d'analyser chaque chose indépendamment et d'observer<br />
les interactions. « Un tel processus, à dominante critique, remet en question l'idée même de totalité<br />
esthétique » 92 .<br />
C'est dans cette perspective que s'inscrit Mahagonny, « opéra faux » plutôt que faux opéra, la<br />
pièce est entre autre une métaphore de la mascarade de l'opéra dramatique. A travers ses<br />
collaborations avec Weill et Eisler, Brecht mettra en place un nouvel opéra épique, notamment<br />
avec l'utilisation des songs (voir Partie II Chap 4 : La chanson, un cas particulier ?) où la musique,<br />
composante parmi d'autres, sera théorisée. Il faudra perpétuellement la remettre en question et<br />
surveiller ses dangers.<br />
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!<br />
90 Ibid., pg 227<br />
91 FENEYROU, Laurent, Adorno et Weill, sur Mahagonny, Samedi d’Entretemps, Ircam, 19 novembre 2005, source :<br />
www.entretemps.asso.fr<br />
92 IVERNEL, Philipp, cité dans Ibid., pg 228<br />
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