Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
30<br />
baroque tardif. Le célèbre premier prélude, en ut majeur, ressemble<br />
fort à une improvisation sur le luth : des accords brisés, qui servent<br />
d’ailleurs aussi d’argument aux préludes n° 6 et n° 5. D’autres forment<br />
de véritables études de mécanique (n° et n° 5), ou encore des toccatas<br />
(n° ). Le dixième prélude présente une phénoménale transformation<br />
dans l’esprit de Bach : l’on sait qu’une version préalable existe dans le<br />
Petit livre de Wilhelm Friedemann, mais lorsqu’il le reprend dans le<br />
Clavier bien tempéré, le compositeur ajoute une sublime cantilène à la<br />
main droite, puis termine le morceau par un passage presto entièrement<br />
nouveau, soulignant ainsi que la première version n’était en effet qu’une<br />
simple improvisation. Selon toute évidence, les n° 3, , 3, 4, 7 et<br />
0 témoignent de l’influence des Inventions à deux voix. Quant aux<br />
Sinfonias à trois voix, elles trouvent leur écho dans les préludes n° 9,<br />
8, 9 et 3. C’est du côté de la sonate d’église qu’il faut chercher les<br />
sources des préludes n° 4, 8, 6 et , des arias typiques des mouvements<br />
lents. Enfin, presque tous ces styles et toutes ces techniques – accords<br />
brisés, rappel des Inventions, aria etc. – se trouvent mêlés dans l’étonnant<br />
prélude n° .<br />
Les fugues du Premier livre, avec leur remarquable diversité de<br />
sujets, de texture, de forme, de traitement, constituent une véritable<br />
encyclopédie de toute l’écriture fuguée monothématique. On y retrouve<br />
tour à tour l’ancien Ricercare (n° 4 en ut dièse mineur), les formules<br />
d’inversion de canon et d’augmentation – n° 8 en mi bémol majeur<br />
–, la recherche de la virtuosité instrumentale dans la fugue n° 3 en<br />
ut dièse majeur, et tant d’autres styles encore… Et si la majorité des<br />
fugues sont écrites à trois ou quatre voix, on en trouve une à deux voix<br />
seulement (n° 0) et deux à cinq voix (n° 4 et n° ). Et si la majorité<br />
des thèmes restent fermement ancrés dans leurs tonalités respectives,<br />
certains sujets n’hésitent pas à s’aventurer dans le chromatisme, la<br />
modulation ou l’incongruité thématique tels les n° 7, 9, 5 et 4, sans<br />
oublier celles comportant deux contre-sujets – les n° , 3, 8 et .<br />
Quant à la Fugue n° 5, l’une des préférées des pianistes de tout poil<br />
– écrite dans le style de Haendel –, elle contraste radicalement avec<br />
la précédente n° 4 et son style emprunté à Froberger, un Ricercare à<br />
l’ancienne égrenant de longues notes soutenues. La plus éclatante fugue<br />
en termes d’écriture est sans doute la huitième : Bach combine le sujet,<br />
son inversion, son augmentation et sa double augmentation dans des<br />
strettes d’une complexité diabolique.<br />
Les préludes du Second livre diffèrent considérablement de ceux du<br />
Premier cahier. On n’y trouve qu’une seule pièce en arpèges, le n° 3<br />
dont la seconde partie consiste d’ailleurs en une fugue. Même le n°<br />
évoque plutôt une fugue à trois voix qu’un simple prélude. Mais Bach<br />
ne se limite pas à ce procédé qui consiste à introduire une véritable<br />
fugue grâce à un prélude en fugato : on trouve de riches et foisonnants<br />
préludes, annonçant de riches et foisonnantes fugues puissamment<br />
contrapuntiques (n° et n° 6). De temps à autres, il recourt au genre<br />
du concerto – n° 7 – ou de l’ouverture à la française – n° 3 –.<br />
On peut citer la fugue n° comme exemple d’une structure musicale<br />
abstraite construite à partir d’un matériau minimaliste, tandis que<br />
le Prélude et fugue en fa dièse mineur n° 4 se singularise par une<br />
beauté de thèmes et de proportions. Au même titre que dans ses<br />
fugues pour orgue, chaque sujet présente <strong>ici</strong> une personnalité musicale<br />
immédiatement reconnaissable et spécifique, dont la fugue n’est que<br />
le développement logique. Dans la double fugue n° 4, Bach atteint le<br />
sommet de son art contrapuntique. Enfin, le n° 4 donne l’impression<br />
d’être une sorte de PS à tout le cycle, sous forme d’une danse rococo<br />
insouciante et libre dans laquelle Bach semble avoir absorbé et<br />
transcendé le style musical de la nouvelle génération, représentée par<br />
ses fils Carl Philipp Emanuel et Johann Christian, son cadet.<br />
CD 5 / 6 : Six Partitas pour clavier, BWV 8 5-830<br />
N° en si bémol majeur, BWV 8 5<br />
N° en ut mineur, BWV 8 6<br />
N° 3 en la mineur, BWV 8 7<br />
N° 4 en ré majeur, BWV 8 8<br />
N° 5 en sol majeur, BWV 8 9<br />
N° 6 en mi mineur, BWV 830<br />
Les suites pour clavier de Bach témoignent de l’influence des écoles