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voir un parallèle entre les premiers accents de l’ouvrage et le Kyrie de<br />
la Messe en si mineur, ou l’aria « Erbarm dich » de la Passion selon saint<br />
Matthieu. Il s’agit <strong>ici</strong> d’une s<strong>ici</strong>lienne (donc en 6/8) dont la mélodie,<br />
pourtant, évoque presque la Sonate pour flûte en si mineur, BWV 1030<br />
de par ses tournures presque galantes, quand bien même l’harmonie en<br />
est considérablement plus sombre. La fugue, quant à elle, utilise un sujet<br />
cantabile assez fluide qui se retrouve pratiquement à chaque moment<br />
des trois volets assez clairement définis, chacun desquels présente<br />
un contre-sujet différent. Peut-être doit-on voir dans cette fugue la<br />
figuration musicale de la Trinité : la première partie représente le Père,<br />
la seconde le Fils avec son contre-sujet fait de gammes descendantes,<br />
tandis que la troisième et dernière évoquerait le Saint Esprit par son<br />
contre-sujet en énonçant les trois notes de l’accord parfait.<br />
La Sonate en trio en mi mineur, BWV 528 est la quatrième des six<br />
Sonates en trio pour orgue que Bach composa au cours des années<br />
7 0 ; selon son premier biographe, Forkel, elles devaient servir de<br />
matériau pédagogique pour son fils Wilhelm Friedemann. Le style<br />
est clairement celui de la sonate en trio à l’italienne : c’est la première<br />
fois que Bach utilise si délibérément l’écriture chambriste dans une<br />
œuvre pour orgue. On a affirmé que l’ouvrage s’adressait également<br />
au clavicorde ainsi qu’au clavecin à pédalier, des instruments surtout<br />
utilisés pour l’étude, et il semble acquis que c’est bel et bien l’orgue que<br />
Bach avait à l’esprit dès le début. Le premier mouvement, qui – nonconformisme<br />
? – débute par une lente introduction, est en réalité une<br />
transcription de la Sinfonia introduisant la seconde partie de la Cantate<br />
BWV 76, écrite pour hautbois d’amour, viole de gambe et continuo.<br />
L’Andante préexistait dans deux autres versions, toutes deux en ré<br />
mineur. Quant au dernier mouvement, Un poco allegro de caractère<br />
doucement dansant, il se peut qu’il était initialement destiné à servir<br />
de volet central au Prélude et fugue en sol majeur, BWV 541 (CD 8) :<br />
sur l’un des manuscrits, un fragment de ce même mouvement apparaît<br />
précisément dans ce contexte.<br />
La Partita sur « Sei gegrüsset, Jesu gütig », BWV 768 est la plus<br />
imposante des partitas de Bach, et l’une des œuvres majeures du<br />
genre. Selon toute probabilité, le jeune mus<strong>ici</strong>en croisa Georg Böhm à<br />
Lüneburg, Böhm dont les partitas chorales destinées aux seuls claviers<br />
durent bercer son éducation musicale ; par conséquent, on attribue<br />
les partitas de Bach à cette époque. Toutefois, « Sei gegrüsset » est soit<br />
l’assemblage de deux partitas, dont l’une daterait d’une époque bien<br />
plus tardive – outre le fait qu’elle comporte une partie de pédalier obligé<br />
–, soit une partita plus ancienne qui aurait ensuite été retravaillée et<br />
étendue. On remarquera également que sur certains manuscrits<br />
apparaît le titre « O Jesu, du edle Gabe », un titre faisant référence<br />
au cantique de la Communion (« sei gegrüsset » est un cantique de<br />
pénitence). Il semble impossible d’établir un lien direct entre les textes<br />
et les variations, de par le fait que le nombre de versets est bien inférieur<br />
à celui des variations.<br />
L’ordre lui-même des variations diffère selon les manuscrits ; le présent<br />
enregistrement adopte celui proposé par l’Edition Peters, dans lequel<br />
les variations 6 et 7 sont inversées par rapport à la Neue Bachausgabe.<br />
L’ordre de Peters semble plus cohérent avec la logique structurelle,<br />
même si cela implique qu’une variation avec pédalier s’insinue avant<br />
la dernière variation pour clavier seul. Le choral est exposé dans une<br />
harmonisation simple, d’essence vocale ; suit un b<strong>ici</strong>nium (pièce ou<br />
passage à deux voix, souvent utilisée comme instrument didactique) sur<br />
une basse quasiment ostinato et le cantus firmus richement ornementé.<br />
La seconde variation, à quatre voix, présente un motif caractéristique<br />
énonçant les notes de l’accord parfait que l’on retrouve pratiquement<br />
dans chaque mesure, parfois en inversion. La variation 3 reprend le<br />
principe du b<strong>ici</strong>nium, une voix supérieure aux accents violonistiques<br />
et une basse sur le modèle du continuo. Suit une variation dominée<br />
par des mouvements de gamme d’une part, et par un motif ostinato<br />
en doubles-croches. La cinquième variation évoque la « basse de<br />
trompette » à la française, avec le cantus firmus à la main droite. À la<br />
fin de la variation, la ligne de basse monte subitement du grave jusqu’à<br />
l’extrémité aiguë du clavier, un symbole probable de l’âme humaine<br />
ascendant au Ciel. La variation suivante, la première à faire appel au<br />
pédalier, emprunte la forme d’un trio dans le style à la française ; on<br />
notera les remarquables sauts d’une note à l’autre, particulièrement<br />
hardis. Suit une gigue qui semble être le véritable point culminant de<br />
l’ouvrage ; en tant que dernière variation pour clavier seul, certains