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« Schmerz », la douleur., cette douleur que soulignent les chromatismes<br />
du court choral qui s’insère entre le récitatif précédent et l’air d’alto,<br />
court lui aussi, caractérisé par de douces phrases de hautbois. Mais<br />
bientôt l’insondable tristesse est dissipée par le ténor dont l’air, s’il n’est<br />
pas franchement guilleret, apporte un peu de baume au cœur du fidèle.<br />
Seul le choral final rassemble les esprits autour de Jésus.<br />
CD 17 : Cantates, BWV 39, 143, 175 & 65<br />
Brich den Hungrigen dein Brot, BWV 39, pour le er dimanche<br />
après la Trinité<br />
Lobe den Herrn, meine Seele, BWV 43, pour le Nouvel An<br />
Er rufet seinen Schafen mit Namen, BWV 75, pour le mardi de<br />
Pentecôte<br />
Sie werden aus Saba alle kommen, BWV 65, pour la fête de<br />
l’Epiphanie<br />
On peut considérer la Cantate Brich den Hungrigen dein Brot (Partage<br />
ton pain avec ceux qui ont faim), BWV 39, écrite pour le 3 juin 7 6,<br />
premier dimanche après la Trinité, comme une sorte d’ « évangile<br />
social » : les chrétiens doivent aider leurs frères dans la détresse. Le pain<br />
rompu, naturellement, est représenté – presque graphiquement – par<br />
les enchaînements d’accords d’orchestre constamment détachés, comme<br />
autant de petits pains, du chœur d’ouverture dans lequel la seule ligne<br />
continue est celle du choral. Quiconque ne connaît pas les tenants et<br />
les aboutissants de l’écriture de ce passage croirait volontiers que Bach<br />
est devenu fou. Cela dit, Schweitzer y voit non pas le morcellement<br />
des denrées mais les expressions disloquées des hommes affaiblis par<br />
la faim. Quoi qu’il en soit, cette introduction n’est que le début d’une<br />
chaîne ininterrompue d’idées plus géniales les unes que les autres :<br />
l’intense tristesse sur le mot « Elend » (« misère »), la fugue sur « Brich<br />
dem Hungrigen dein Brot » (« Romps le pain pour l’affamé ») dont le<br />
long sujet contredit le morcellement du début, et les voix enfin réunies<br />
sur « führe ins Haus » (« mène dans la maison »), sans parler des deux<br />
fugues encore à venir…<br />
À la suite de cette très longue introduction extraordinairement variée,<br />
la basse nous mène, de son récitatif, dans un merveilleux duo hautbois<br />
– violon, véritable avant-goût du Ciel, dans lequel la voix d’alto sème<br />
les bienfaits autour d’elle. Mais bientôt l’aria de basse nous rappelle de<br />
ne jamais oublier la charité car ces offrandes plaisent autant à ceux qui<br />
les reçoivent qu’à Dieu qui les observe. Suit l’une de ces merveilleuses<br />
arias où Bach fait appel aux célestes flûtes à bec, qui soulignent une<br />
merveilleuse mélodie de soprano. Cela dit, les harmonies du récitatif<br />
« Wie soll ich dich » font partie des plus extraordinaires créations de<br />
Bach, de quoi faire taire quiconque affirme ne pas aimer les récitatifs.<br />
Celui-ci, après un cheminement harmonique extraordinaire, mène au<br />
beau choral final, simplement harmonisé.<br />
La Cantate Lobe den Herrn, meine Seele (Loue le Seigneur, mon âme),<br />
BWV 143 pour l’Année nouvelle (Festo Circumcisionis Christi) aurait<br />
été écrite en 735, mais à partir de matériaux plus anciens ; le texte<br />
puise son origine dans le Psaume 146. Après une brève mais inoubliable<br />
ouverture au chœur, la soprano solo, accompagnée par un violon solo,<br />
nous offre le choral « Du Friedefürst, Herr Jesu Christ » (« Prince<br />
de paix, Seigneur Jésus Christ »), avant que le ténor se plaigne, dans<br />
une aria emplie de figurations, de mille malheurs (« Tausendfaches<br />
Unglück ») qui frappent tant d’autres pays alors que l’heureux auditeur<br />
de Leipzig peut s’attendre à une nouvelle année de bonheur. Cette<br />
lugubre atmosphère est sitôt dissipée par la radieuse aria de basse,<br />
soutenue par une royale fanfare de trois cors et timbales ; l’éclatant<br />
Alléluia final, au chœur, confirme que tout ira pour le mieux.<br />
Atmosphère pastorale dès les premières notes de la Cantate Er rufet<br />
seinen Schafen mit Namen (Il appelle ses brebis par leur nom), BWV<br />
175 du troisième jour de la Pentecôte, composée peut-être pour le<br />
mai 7 5, mais peut-être seulement vers 735 selon le BWV – l’exquise<br />
qualité musicale semblerait attester d’une date tardive –. Les trois flûtes<br />
à bec, l’instrument pastoral de prédilection chez Bach avec le hautbois,<br />
accompagnent l’étonnant récitatif qui forme l’introduction, ainsi que<br />
l’aria de ténor qui suit. Par contre, l’aria d’alto « Es dünket mich » fait<br />
appel au violoncello piccolo pour soutenir ses joyeux accents. Bach<br />
poursuit par un récitatif en duo, alto et basse, qui appelle à entendre la<br />
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