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DANS TOUS SES ÉTATS - Orchestre Philharmonique Royal de Liège

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RAVEL mA mÈrE L’OYE (1908-1911)<br />

graves. D’un magma informe et mouvant<br />

formé par les cor<strong>de</strong>s, émerge le premier<br />

thème confié au timbre rocailleux du<br />

SANS INTERRuPTION. La Pavane <strong>de</strong> v<br />

contrebasson — lequel avait déjà servi<br />

la Belle au bois dormant conduit l’auditeur Ma mère l'Oye<br />

dans Ma Mère l’Oye (1911) à évoquer les<br />

au pays <strong>de</strong> la fantaisie et du surnaturel. (Ch. Perrault),<br />

beuglements <strong>de</strong> la Bête (Entretiens <strong>de</strong><br />

Une mélodie transparente confiée à la flûte Illustration <strong>de</strong><br />

la Belle et <strong>de</strong> la Bête). C’est un thème <strong>de</strong><br />

plane dans une douce torpeur sur un fond Gustave doré,<br />

saraban<strong>de</strong>, une danse lascive, s’élevant<br />

mystérieux en pizzicato : la fée Bénigne 1867.<br />

péniblement avant <strong>de</strong> replonger dans<br />

berce <strong>de</strong> contes le sommeil <strong>de</strong> la princesse.<br />

l’extrême grave. S’y ajoute aussitôt<br />

Le tableau suivant, Petit Poucet, fait éprouver<br />

un <strong>de</strong>uxième thème quasi immobile,<br />

la solitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s sept frères plongés dans la<br />

émergeant <strong>de</strong>s cors, et répétant plusieurs<br />

forêt à la tombée <strong>de</strong> la nuit. Leur pas se fait<br />

fois une même formule <strong>de</strong>scendante. Le<br />

hésitant et l’atmosphère pesante, dans un<br />

thème <strong>de</strong> saraban<strong>de</strong> est ensuite repris,<br />

univers peuplé d’ombres inquiétantes. La<br />

amplifié à tout l’orchestre du grave à l’aigu,<br />

marche sombre, à tâtons, se poursuit en<br />

puis mêlé au <strong>de</strong>uxième thème, cette fois<br />

<strong>de</strong> légères vagues confiées aux cor<strong>de</strong>s qui<br />

confié aux cuivres menaçants. Ce vaste<br />

ne savent pas trop quelle voie emprunter<br />

crescendo, <strong>de</strong> plus en plus insupportable<br />

pour parvenir à la lumière lointaine. Dans<br />

et suffocant, s’immobilise sur un accord<br />

une lueur d’espoir surviennent <strong>de</strong>s cris<br />

dissonant d’où jaillit violemment la partie<br />

d’oiseaux, en particulier ceux du coucou.<br />

soliste. Tout ce passage, traité <strong>de</strong> manière<br />

Mais bientôt l’oppression revient lancinante.<br />

véritablement dramatique par Ravel,<br />

Contrastant avec les tableaux précé<strong>de</strong>nts,<br />

peut se comparer au bourdonnement et<br />

Lai<strong>de</strong>ronnette, impératrice <strong>de</strong>s pago<strong>de</strong>s<br />

à l’agitation croissante qui s’emparent <strong>de</strong><br />

transporte l’auditeur en Extrême-Orient,<br />

la chrysali<strong>de</strong> brisant son cocon. Un être<br />

au lever du jour. Sur un rythme <strong>de</strong> danse<br />

eu recours ici à un style beaucoup plus<br />

proche <strong>de</strong> celui, volontiers imposant,<br />

qu’affectionne le concerto traditionnel.<br />

Après une première partie empreinte <strong>de</strong><br />

cet esprit, apparaît un épiso<strong>de</strong>, dans le<br />

caractère d’une improvisation, qui donne<br />

lieu à une musique <strong>de</strong> jazz. Ce n’est que<br />

par la suite que l’on se rendra compte<br />

que l’épiso<strong>de</strong> en style <strong>de</strong> jazz est construit<br />

en réalité sur les thèmes <strong>de</strong> la première<br />

partie. » Le style « imposant » dont parle<br />

ici Ravel est en réalité celui <strong>de</strong> Liszt, dont<br />

les <strong>de</strong>ux Concertos pour piano, à l’instar du<br />

Concerto pour la main gauche, reposent sur<br />

une structure rhapsodique continue.<br />

CHRYSALIdE. Comme La Valse, qui<br />

commençait dix ans plus tôt dans la<br />

noirceur <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs orchestrales, le<br />

Concerto pour la main gauche manifeste<br />

d’emblée un goût pour les tessitures<br />

nouveau voit ainsi le jour, qui attaque<br />

d’emblée l’aigu du clavier avant <strong>de</strong><br />

re<strong>de</strong>scendre en une casca<strong>de</strong> d’accords<br />

fiers et sauvages à la fois. D’abord ancrée<br />

dans l’extrême grave dans une sorte <strong>de</strong><br />

gron<strong>de</strong>ment farouche, cette première<br />

ca<strong>de</strong>nce du soliste s’extirpe rapi<strong>de</strong>ment<br />

<strong>de</strong> sa gangue pour gagner, après quelques<br />

éclaboussures dans l’aigu, le médium<br />

du clavier. Commence alors un discours<br />

pathétique sur le thème <strong>de</strong> saraban<strong>de</strong>,<br />

empreint cette fois d’un mélange <strong>de</strong><br />

noblesse et <strong>de</strong> tristesse. Le génie <strong>de</strong><br />

Ravel fait merveille : alors que le discours<br />

s’anime d’arpèges virtuoses couvrant <strong>de</strong><br />

manière impétueuse toute la tessiture du<br />

clavier, la ponctuation <strong>de</strong>s notes du thème,<br />

présentées en robustes accords dans<br />

l’aigu, laisse croire à la présence d’une<br />

main droite.<br />

v une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières photos <strong>de</strong> Ravel.<br />

CHARLES PERRAuLT. À l’été 1908,<br />

Ravel séjourne chez ses amis Go<strong>de</strong>bsky.<br />

Pour leurs enfants Jean et Marie, il écrit<br />

une Pavane <strong>de</strong> la Belle au bois dormant<br />

simple et dépouillée, <strong>de</strong>stinée au piano à<br />

quatre mains. À la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> insistante <strong>de</strong><br />

l’éditeur Jacques Durand, Ravel composa<br />

quatre autres pièces formant une suite qu’il<br />

orchestra en 1911, y ajoutant un prélu<strong>de</strong><br />

et <strong>de</strong>s interlu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> manière à former<br />

un ballet. Ma mère l’Oye est en réalité un<br />

titre emprunté à Charles Perrault dont<br />

le contenu recouvre une juxtaposition<br />

d’arguments d'auteurs différents n’ayant<br />

aucun lien entre eux, excepté le fait d’être<br />

tous empruntés aux contes et légen<strong>de</strong>s.<br />

Pour en savourer pleinement la richesse<br />

et l’invention, il faut retrouver une âme<br />

d’enfant et se laisser gui<strong>de</strong>r pas à pas dans<br />

un pays imaginaire où émerveillement<br />

et frayeur alternent en <strong>de</strong> surprenantes<br />

pirouettes.<br />

diablotin, scintillent mille détails d’un décor<br />

que l’on croirait familier. Des personnages<br />

<strong>de</strong> scène aux fards opaques semblent<br />

s’agiter comme <strong>de</strong>s pantins d’horloger. Les<br />

percussions y jouent un rôle déterminant.<br />

Dans les Entretiens <strong>de</strong> la Belle et <strong>de</strong> la Bête,<br />

une valse triste et langoureuse traduit les<br />

sentiments impossibles <strong>de</strong>s protagonistes.<br />

La Bête fait pourtant entendre <strong>de</strong> sombres<br />

beuglements (contrebasson), <strong>de</strong>s râles<br />

d’imploration auxquels la Belle se montre<br />

sensible au point <strong>de</strong> l’embrasser. L’épiso<strong>de</strong><br />

inattendu <strong>de</strong> la transformation en Prince<br />

charmant se manifeste par un glissando <strong>de</strong><br />

harpe suivi d’une délicate mélodie au violon.<br />

Enfin, Le Jardin féerique nous ramène dans<br />

le prolongement du premier tableau, lorsque<br />

le prince vient <strong>de</strong> rendre vie à sa bien-aimée.<br />

Les cor<strong>de</strong>s débutent par un large crescendo<br />

(Adagio) se terminant en apothéose dans une<br />

vision du jardin <strong>de</strong>s merveilles.<br />

ÉRIC MAIRLOT<br />

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