Demain Sera Bleu

CHAPITRE 6 – RENCONTRE AVEC UNE DIVA
Lisa avait quitté le travail vers dix-huit heures après avoir vérifié qu’on n’aurait plus
besoin d’elle avant le lendemain. Puis elle était rentrée chez elle, avait pris une
douche rapide et enfilé un pantalon et un pull ample dans lesquels elle se sentait à
l’aise. Elle avait avalé un yaourt et une tasse de thé, afin de ne pas avoir le ventre
creux dans la soirée sans pour autant trop manger, ce qui n’aurait pas été compatible
avec la leçon de chant. Lisa ne savait pas à quoi s’attendre pour ce premier rendezvous
mais elle espérait bien avoir l’occasion de faire quelques exercices d’
échauffement afin de pouvoir faire évaluer sa voix et de pouvoir elle-même mesurer
ce qu’elle avait perdu au cours des derniers mois passés à New-York sans cours de
chant ni pratique sérieuse. L’adresse laissée par Gianni correspondait à une rue située
à environ trois arrêts de bus. Lisa se promit de récupérer et remettre en état son vélo
qui était resté dans la cave chez son père, afin de circuler plus facilement. En
attendant, malgré la fraîcheur de ce mois d’octobre, elle décida d’y aller à pied, en
ayant pris soin de s’emmitoufler au préalable dans une large écharpe et après avoir
ajusté un chapeau en feutre. Ainsi l’air frais ne viendrait pas altérer la résonance de
ses sinus alors que la marche lui donnerait un peu d’exercice, pratique qu’elle avait dû
réduire depuis qu’elle avait commencé à travailler.
Elle arriva deux minutes avant vingt heures à la maison de Madame Iliachi. C’était
une petite construction simple avec un étage et qui avait dû être repeinte assez
récemment. Un petit jardinet sur le côté jouxtait un carré potager et une lanterne
marine surmontant le pas de porte accueillait les visiteurs. Curieusement pour
l’époque, la serrure du portillon n’était jamais fermée à clé.
Lisa frappa à la porte qui s’ouvrit presque instantanément, comme si on avait guetté
son approche.
- Bonjour Lisa, entre.
- Gianni ? Bonsoir mais… Comment se fait-il que tu sois ici ?
- En fait je suis le pianiste attitré –pour ne pas dire préféré- de Madame Iliachi.
Je lui ai parlé de toi et elle te prendra en main d’ici cinq petites minutes.
Passe-moi tes affaires et mets-toi à l’aise. Le chapeau te va bien, dit-il en l’en
débarrassant. Elle finit une séance de yoga, avait-il rajouté en baissant la voix,
comme pour ne pas trahir un secret. Je ne te propose rien à boire, du moins pas
avant la leçon de chant.
Il faisait incroyablement bon dans la maison, qui sembla bientôt presque surchauffée à
Lisa. Elle avait volontiers quitté manteau et écharpe et regrettait presque d’avoir
choisi ce pull molletonné qui recouvrait un simple caraco enfilé à la va-vite et qu’elle
ne pouvait donc décemment pas enlever. Elle nota mentalement que si elle s’entendait
avec Madame Iliachi et devait venir prendre ses leçons de chant dans cette annexe de
sauna, elle serait avisée de prévoir un tee-shirt léger pour se mettre à l’aise et ne pas
avoir l’impression de jouer le canari en papillote. D’ailleurs Gianni ne portait luimême
qu’une chemise fine entrouverte sur une sorte de marcel blanc, preuve qu’il
connaissait les habitudes thermiques de la maison. Il fallait voir le côté positif, les
atmosphères chaleureuses étaient plus propices pour le chant, elle l’avait maintes fois
expérimenté sous des douches quasi brûlantes, environnée par la vapeur qui dilatait
ses résonateurs et lissait le vibrato naturel de sa voix quand elle grimpait dans les
aigus.
Une petite forme, sortie d’une pièce contigüe à ce qui sembla à Lisa être la salle-àmanger,
passa discrètement en saluant la jeune fille, pour aller dans la cuisine se
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