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Demain Sera Bleu

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CHAPITRE 1 – RETOUR EN FRANCE<br />

« Mesdames et Messieurs, nous entamons notre descente vers l’aéroport de Paris<br />

Charles de Gaulle. Veuillez regagner vos sièges et boucler vos ceintures de sécurité. »<br />

Le vol de nuit qui la ramenait de New-York touchait à sa fin. Un peu comme la queue<br />

des quinze personnes qui avaient pris d’assaut les cabinets de toilette situés au milieu<br />

de l’appareil, afin de se rafraîchir avant d’arriver à Paris. Lisa avait patiemment<br />

attendu avec sa petite trousse I love NY, derrière la trousse Chanel, elle-même<br />

précédée de la trousse Dilbert, qui suivait deux trousses sans style particulier plutôt<br />

vieillissantes et ternes, à l’image de leurs propriétaires sans distinction ni expression.<br />

La plus rapide des trousses à atteindre les réduits si convoités avait été –bien entendu-<br />

celle de Harry Potter. C’était sûrement d’ailleurs pour ce genre de petite magie à<br />

l’usage du quotidien que ce type d’article devait faire des ravages. En tout cas, c’est<br />

toujours ainsi. Alors que New-York était enfin arrivée devant la porte verrouillée,<br />

sans aucune autre trousse pour s’interposer désormais entre elle et la porte des<br />

sanitaires, il avait fallu que l’hôtesse se ligue à son tour pour l’inciter à faire demitour.<br />

C’était bien mal connaître New-York qui, contrairement à Chanel sortie en toute<br />

hâte pour retrouver son siège, des fois que des passagers seraient montés en cours de<br />

route et lui auraient piqué la place, s’enferma dans le réduit pour procéder à une<br />

toilette sommaire. Elle peigna ses cheveux qui bien que coupés courts n’en étaient pas<br />

moins rebelles, mais surtout soulagea sa vessie que les huit verres de liquide<br />

régulièrement offerts par le personnel pendant le vol – la psychose des thromboses<br />

avait manifestement fait son oeuvre- avaient dilatée jusqu’à un point proche de<br />

l’éclatement.<br />

Le soulagement grandissant était visible sur le visage de New-York au fur et à mesure<br />

que le liquide chaud s’écoulait entre ses cuisses. Elle fut bien perturbée par une ou<br />

deux secousses de l’appareil mais l’opération fut presque totalement maîtrisée. Puis<br />

Lisa nettoya sommairement les rebords de la cuvette, se lava bien les mains et rinça le<br />

lavabo avant de regagner son siège, ainsi que le préconisait l’enseigne lumineuse qui<br />

semblait la fixer d’un air de reproche. Chanel avait eu le réflexe de pulvériser<br />

copieusement une senteur assez lourde mais qui avait le mérite de couvrir celles<br />

moins raffinées de l’endroit, malgré le déodorant mis à disposition par la compagnie.<br />

Quand Lisa arriva dans le couloir, la plupart des gens étaient assis mais certaines<br />

personnes continuaient à s’agiter près de leur siège ou à farfouiller dans les<br />

compartiments de bagages à main. On rangeait à qui les jeux des enfants, à qui le<br />

tricot de grand-mère, ou encore l’ordinateur de monsieur qui avait préparé son<br />

compte-rendu de mission pendant le vol, avant de reprendre la routine stressante et<br />

bien remplie du travail et de la vie de famille.<br />

Lisa avançait régulièrement entre les rangées de sièges pour rejoindre sa place. Toute<br />

à sa progression le long du couloir, elle ne vit pas venir le danger. Tout se passa très<br />

vite. Alors qu’elle arrivait à hauteur de Chanel, qui avait dû oublier de se parfumer<br />

depuis au moins deux minutes, la main qui tenait le flacon se leva et lâcha un jet<br />

puissant d’aérosol qui n’atteignit que partiellement le cou empâté qui constituait sa<br />

cible initiale, mais réussit à embrumer d’un coup la vue de New-York. Le contact<br />

agressif du liquide pulvérisé sur ses prunelles déclencha un flot immédiat de larmes<br />

que filtraient ses cils avant de les laisser s’écouler sur sa joue. Lisa ne sut pas si le pire<br />

était cette brûlure intense dans les yeux ou bien cette odeur pesante qui n’était plus<br />

mise en valeur par celle de l’urine. Elle fit un demi-tour réflexe pour aller se rincer les<br />

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