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ses amis avant de s’éclipser pour son rendez-vous musical, à défaut d’être galant, chez<br />
monsieur de Bès. Elle venait de raccrocher quand Gianni vint aux nouvelles.<br />
- Comment va-t-elle ?<br />
- Qui ça ?<br />
- Ben, la robe.<br />
- Ah oui, la robe. Je ne sais pas. Peut-être. Qu ‘est-ce que tu en penses, toi ?<br />
Lisa en avait presque oublié d’interroger le miroir, qui lui renvoya un reflet sobre et<br />
élégant. Au cas où elle aurait pu encore douter, le regard de Gianni l’aurait<br />
immédiatement rassurée. Elle n’hésita donc que par réflexe puis confirma à la<br />
couturière qu’elle prenait sa création. Un bon choix, en vérité. Tandis que la<br />
délicatesse de ses genoux apparaissait sous la jupe relevée sur le devant et que<br />
surplombaient une taille cintrée et des épaules marquées, l’étoffe s’évasait derrière en<br />
une jupe ample jusqu’aux mollets, que Lisa avait délicatement ciselés.<br />
Lisa n’avait plus en tête maintenant que de remercier Gianni et de rentrer chez elle<br />
pour avoir le temps de se préparer avant d’aller retrouver ses anciens camarades de<br />
lycée, préambule à ce qui devrait être le clou de cette fin de semaine, une rencontre<br />
inespérée avec Lucas. Une première pour un week-end ! A peine sortie du magasin,<br />
elle le remercia donc pour ce moment de détente et partit en trottinant d’un pas léger<br />
après lui avoir effleuré la joue d’un baiser, sans même lui laisser le temps d’y<br />
répondre.<br />
Elle avait pris une douche fraîche pour être tonique, avait lavé et huilé ses cheveux,<br />
choisi le slip brésilien bleu marine qui se ferait invisible sous la robe près du corps.<br />
Elle sécha sa crinière brune dans une serviette puis attacha quelques mèches rebelles<br />
dans une barrette colorée avant d’enfiler sa dernière acquisition.<br />
Le Nautilus était un bar de quartier très prisé par ses habitués, pour son ambiance<br />
feutrée, son juke-box et surtout pour le charmant duo de serveuses qui faisaient<br />
l’unanimité autour d’elles. Steffi savait par son entrain indémontable et d’un mot<br />
gentil mettre les clients à l’aise. Beaucoup se mettaient en quatre pour attirer<br />
l’attention de ce joli brin de fille qui était aussi simple que joyeuse. Dany, bien que<br />
peu loquace, avait une beauté tragique et une élégante discrétion qui la rendait<br />
efficace au service. On aurait presque pu penser qu’elle n’était pas à sa place derrière<br />
ce comptoir, à moins que ce ne fût au titre de patronne. Il est vrai que M. Pierre, le<br />
propriétaire de l’établissement, n’avait eu qu’à se louer de son dévouement et de son<br />
sérieux et n’aurait pas hésité, s’il avait eu un fils, à envisager un autre type d’alliance<br />
à Dany. Pourtant cette femme ne semblait pas particulièrement attirée par une<br />
présence masculine à ses côtés. Bien qu’elle ne fût pas avare de sourires quand les<br />
circonstances l’y engageaient, elle gardait le plus souvent un masque grave, le regard<br />
baissé et la tête légèrement tournée de trois-quarts, dans une posture machinale qui<br />
dissimulait en partie la cicatrice disgracieuse qui courait le long de sa jour droite dans<br />
le renfoncement du nez avant de s’écarter en deux petits bâtonnets, tel un Y inversé.<br />
Mr Pierre n’avait jamais su ce qui avait pu arriver à Dany mais il avait toujours eu la<br />
délicatesse de ne pas chercher à savoir. Elle avait toujours été ponctuelle, avait su<br />
proposer des aménagements pour les locaux et depuis bientôt cinq ans qu’il l’avait<br />
embauchée, Mr Pierre n’avait jamais eu à regretter sa décision. Depuis bientôt cinq<br />
ans qu’il la connaissait , il ne l’avait d’ailleurs jamais vue avec aucun homme.<br />
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