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Le lundi ? Bien sûr que ça poserait un problème, puisque Lucas lui avait proposé de<br />
lui faire découvrir d’autres œuvres. D’un autre côté, il travaillait toujours assez tard et<br />
finissait rarement avant vingt heures.<br />
- <strong>Sera</strong>it-il possible d’avancer exceptionnellement le cours à dix-neuf heures ? Je<br />
viendrais pour m’échauffer dès que possible après le travail.<br />
- Ok, lundi cours à dix-neuf heures. Je te note dans mon carnet. Que fais-tu<br />
maintenant ?<br />
- Je te l’ai dit, je n’arrive pas à trouver une robe.<br />
- Tu as mangé ou ça te dit qu’on se retrouve pour grignoter quelque chose ?<br />
- Ma foi, je meurs de faim !<br />
Elle avait aussi besoin de compenser sa frustration de ne pas avoir pu dépenser les<br />
francs qu’il lui restait après avoir payé comme chaque mois son loyer, les frais de<br />
nourriture, les factures et sans oublier les leçons de chant.<br />
- Ca te dit un tex mex ? Elle venait de balayer du regard les enseignes des<br />
restaurants qu’on apercevait à travers la vitrine du magasin.<br />
- Si tu es d’accord et que tu n’es pas trop loin, je te propose plutôt de passer à la<br />
maison, je te ferai des spaghettis al pesto. Ma mère n’est pas là, ce sera juste<br />
entre toi, Mamita et moi. En plus si tu es sage, je te montrerai après le repas<br />
une petite boutique que ma mère affectionne particulièrement, où on trouve<br />
des vêtements sympas pour un prix très raisonnable. Du moins c’est ce que dit<br />
ma mère.<br />
- Bon d’accord, je devrais en avoir pour environ vingt minutes avant d’arriver,<br />
tu peux mettre l’eau à chauffer, avait-elle répondu après avoir consulté sa<br />
montre. A tout à l’heure. Elle raccrocha. Le fait que Madame Iliachi n’ait pas<br />
été là avait sûrement contribué à sa réponse positive.<br />
- Ciao Lisa, avait-il rajouté en chuchotant après avoir entendu le changement de<br />
tonalité qui indiquait qu’elle venait de raccrocher.<br />
Gianni reposa son téléphone puis se dirigea d’un pas alerte vers la cuisine, où<br />
l’attendait Mamita. Il attrapa un fait-tout et y versa plusieurs litres d’eau, de quoi cuire<br />
des kilos de spaghettis, qui pourraient rassasier Mamita, Lisa, Gianni et tous les<br />
membres de la chorale, si seulement ils avaient été conviés. Mamita, qui avait capté<br />
l’air soudainement joyeux de son petit-fils, ne put s’empêcher de songer que l’amour<br />
avait des effets bien contraires sur les êtres. Quand certains pourraient passer des jours<br />
sans manger en tombant amoureux, son Gianni aurait pu en cet instant dévorer le<br />
monde entier à pleines dents.<br />
Lisa avait été surprise par la proposition de Gianni, car après tout ils parlaient peu<br />
pendant les leçons avec Madame Iliachi et les échanges étaient quasi impossibles<br />
pendant les répétitions de la chorale. Bien qu’ils aient pris l’habitude de prendre un<br />
bol de chocolat chaud le jeudi soir chez Gianni après sa leçon avant que Lisa ne<br />
reparte chez elle, il s’exprimait relativement peu et se contentait souvent de l’écouter<br />
attentivement, en l’encourageant parfois d’un sourire pour qu’elle continue à discuter.<br />
Il est vrai, à bien y réfléchir, que Gianni se montrait d’une patience infinie, avec elle<br />
comme avec tout le reste du chœur pendant les répétitions chorales du mercredi,<br />
même s’il devait reprendre vingt fois de suite certains passages plus ou moins<br />
difficiles mais sur lesquels buttaient un ou plusieurs pupitres. Un autre détail que Lisa<br />
avait pu observer en plus de son incroyable patience, c’était la beauté de ses mains,<br />
qu’elle voyait caresser le piano quand elle prenait ses leçons avec sa mère. Les mains<br />
de Gianni fascinaient Lisa. Elles pouvaient dégager une énergie surprenante ou une<br />
force envoutante, comme susciter les émotions les plus douces. Ses doigts étaient<br />
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