Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
CHAPITRE 8 –PAUSE CAFE<br />
Ce vendredi là, Lucas n’était pas passé dans leur bureau et bien que Lisa ait feint une<br />
indifférence totale, Karine n’avait pas été dupe. Elle avait d’ailleurs spontanément<br />
proposé à Lisa d’aller faire une pause café à la machine du 18 ème étage, bien qu’elle ait<br />
toujours préféré le café qu’elle préparait elle-même dans la kitchenette située un peu<br />
plus loin dans le couloir du 17ème. Elle avait calculé que Lisa pourrait ainsi peut-être<br />
apercevoir cet homme dont elle sentait bien, sans pour autant la comprendre tant elle<br />
était elle-même insensible à la beauté froide de ce bourreau de travail, qu’il opérait<br />
une étrange fascination sur sa collègue et amie.<br />
La pause café avait réellement été animée. Lisa avait aperçu Gilbert et s’était<br />
spontanément rapprochée de lui afin d’entamer une conversation. Elle avait ensuite<br />
constaté un peu surprise que Gilbert et Karine, qui étaient pourtant tous deux depuis<br />
de nombreuses années dans la boîte, ne se parlaient pratiquement pas. Ils avaient bien<br />
assisté à de nombreuses réunions en commun, pendant lesquelles Karine prenait<br />
généralement tout un tas de notes, mais au cours desquelles il était impossible<br />
d’échanger des propos plus personnels. Par ailleurs, elle avait toujours soigneusement<br />
évité d’être présente aux sacro-saintes soirées annuelles offertes par la boîte à<br />
l’occasion des fêtes de Noël, étant toujours comme un fait exprès obligée d’aller<br />
récupérer le jour même sa fille Chloé pour son tour de garde. Karine se retrouva donc<br />
engagée dans une conversation ouverte et plaisante qui lui fit du bien. A un moment,<br />
baissant le ton et le regard, Gilbert murmura :<br />
- Vingt-deux les filles, v’là BDL.<br />
Bérénice Dreux-Louret venait effectivement de tourner à l’angle du couloir, les bras<br />
chargés de dossiers. Elle était assez grande et plutôt maigre, avec de longs cheveux<br />
clairs retenus par un catogan et portant une robe unie rouge qui lui garantissait de ne<br />
pas passer inaperçue. Son visage aurait pu être assez joli s’il n’avait été figé dans une<br />
telle raideur. Le soin qu’elle mettait dans sa démarche et son air hautain illustraient<br />
assez bien le souci qu’elle avait de se faire remarquer sans pour autant porter ellemême<br />
une attention excessive aux autres.<br />
Elle passa devant le groupe et se contenta de tourner légèrement la tête vers Gilbert et<br />
d’esquisser une grimace lorsqu’il lui lança :<br />
- Bonjour Bérénice, ça va comme tu veux?<br />
L’air pincé et arrogant de Bérénice avait suffi à exaspérer Karine, alors que Lisa se<br />
retenait de pouffer suite au passage de la jeune femme, qui venait de disparaître vers<br />
le bureau de Mr Dairtal.<br />
- On raconte qu’elle aurait eu de l’avancement grâce à certaines faveurs<br />
consenties au DRH, c’est vrai ? demanda naïvement Lisa.<br />
- C’est qu’elle aura sûrement des talents cachés, mais vraiment bien cachés<br />
alors. Vous voulez savoir pourquoi je la surnomme BDL ?<br />
- Pas très sorcier pour qui connaît son nom, répliqua Karine, un tantinet agacée<br />
de voir que la conversation qui quelques secondes auparavant traitait des<br />
vacances de Noël à venir semblait s’enliser sur un sujet aussi consternant que<br />
Bérénice et son fichu caractère.<br />
- Laisse-moi deviner, répondit Lisa qui adorait jouer avec les lettres, que ce soit<br />
en mots croisés, sigles inventifs ou anagrammes. BDL comme… Belle Dinde<br />
Lubrique ?<br />
- Pas mal du tout, répondit Gilbert, impressionnant même dirais-je. Mais non, ce<br />
n’est pas ça. Et toi Karine, une petite idée ou tu donnes ta langue au chat ?<br />
34