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CHAPITRE 7 – DEMAIN SERA BLEU<br />
Au bureau, Lucas semblait s’intéresser de près au mini-projet d’automatisation des<br />
rapports, que Lisa réalisait en plus de ses tâches usuelles. Elle le rencontrait désormais<br />
tous les lundis avec Melinda pour un point d’information sur ses progrès, au cours<br />
desquels elle pouvait éventuellement réclamer certains moyens techniques ou la<br />
coopération d’autres services afin de se faire expliquer certaines données spécifiques<br />
ainsi que les systèmes d’information utilisés pour gérer ces données. Elle avait aussi<br />
remarqué que Lucas passait tous les vendredis dans son bureau pour s’enquérir de ses<br />
difficultés éventuelles et accessoirement prendre de ses nouvelles. Karine avait bien<br />
tenté d’expliquer à Lisa que ce projet devait être sacrément important à ses yeux pour<br />
qu’il ait ainsi augmenté la fréquence de ses visites au 17 ème étage. Malgré la gentille<br />
ironie de sa collègue, Lisa l’assurait qu’elle se faisait beaucoup trop de films dans sa<br />
tête et que ses relations avec Monsieur de Bès (elle l’appelait toujours ainsi au travail)<br />
étaient purement professionnelles. Certes elle avait un jour laissé malencontreusement<br />
échapper qu’ils avaient également des relations musicales, mais Karine, bien que<br />
soufflée d’apprendre que Monsieur de Bès passait ses mercredis soir à faire le ténor<br />
dans une chorale de quartier, lui qu’elle ne pouvait qu’imaginer en train de travailler à<br />
fabriquer de l’argent, avait bien gardé pour elle le secret et n’avait jamais cherché à le<br />
divulguer.<br />
C’était ainsi pour les activités préférées de Lisa semaine après semaine ; elle voyait<br />
Lucas les lundis mercredis et vendredis, et chantait accompagnée de Gianni les<br />
mardis, mercredis et jeudis. Bien qu’elle ait le loisir tous les mercredis de chanter en<br />
compagnie de Lucas, les jeudis soirs étaient probablement ses préférés, depuis que<br />
Gianni lui avait proposé, après la leçon de chant avec Madame Iliachi, de rester pour<br />
boire un bol de chocolat chaud. Le professeur de chant était très exigeante et laissait<br />
Lisa en nage après chaque séance. Mais malgré la fatigue, Lisa était toujours ravie<br />
d’avoir découvert de nouveaux exercices et surmonté de nouvelles difficultés. Elle<br />
sentait qu’elle avait presque retrouvé tous les automatismes et le niveau de chant<br />
qu’elle avait avant de partir aux Etats-Unis. Elle s’autorisait donc sans se faire prier<br />
cette pause sucrée pendant laquelle elle pouvait librement discuter avec Gianni.<br />
Mamita se joignait parfois aux jeunes gens mais préférait avaler une camomille<br />
pendant que Gianni et Lisa dosaient la poudre chocolatée avant de la dissoudre dans le<br />
liquide blanc crémeux et fumant, que Mamita surnommait « la leche del deseo », le<br />
lait du désir. A la grande surprise de Lisa, il s’était avéré que les origines italiennes de<br />
Gianni du côté de sa mère étaient mélangées à une souche espagnole incarnée par<br />
Mamita.<br />
La délicieuse dame parlait un assez bon français, bien qu’elle s’adressât spontanément<br />
dans sa langue maternelle à Gianni. Lisa avait été très impressionnée quand elle avait<br />
réalisé que Gianni était donc au moins trilingue, sans oublier le langage de la musique<br />
qui se rajoutait aux français, espagnol et italien.<br />
Mamita s’appelait en réalité Luz. Elle avait à l’époque épousé par amour un jeune<br />
marin italien qu’elle avait rencontré lors d’un concours d’habaneras, chansons<br />
typiques de marine, alors qu’il était de passage du côté de Barcelone. Le coup de<br />
foudre avait été immédiat et réciproque et la demoiselle ibère avait rapidement décidé<br />
de suivre son amour en Italie, au risque de briser le cœur de son cher père, dont elle<br />
était la « lumière » affective ainsi que le rappelait son prénom. Mais en père aimant, il<br />
avait consenti à donner sa bénédiction au jeune couple.<br />
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