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THÈSE<br />
pour l’obtention du gra<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
Docteur <strong>de</strong> L’Université d’Orléans<br />
Discipline : Ethnoécologie<br />
Soutenue publiquement le _20 octobre 2006 _<br />
par<br />
Vivien Jean Joseph OKOUYI OKOUYI N.W.<br />
Savoirs locaux et outils mo<strong>de</strong>rnes cynégétiques :<br />
développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière commerciale <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à Makokou<br />
Membres du jury :<br />
(Gabon)<br />
VOLUME I : Texte<br />
Jean Marie FOTSING, Professeur, Université d’Orléans Prési<strong>de</strong>nt<br />
Pierre GRENAND, Directeur <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>, IRD, Directeur <strong>de</strong> thèse<br />
François FEER, Chercheur CNRS Codirecteur <strong>de</strong> thèse<br />
Serge BAHUCHET, Professeur, MNHN Rapporteur<br />
Daou Véronique JOIRIS, Chargée <strong>de</strong> cours, HDR, ULB Rapporteur<br />
Samy MANKOTO MAMBAÉLÉ, UNESCO Examinateur
« S’il n’y a pas <strong>de</strong> recette en matière <strong>de</strong> faune sauvage comme <strong>de</strong><br />
développement, il y a cependant un facteur <strong>de</strong> succès important, celui tout<br />
simplement <strong>de</strong> prendre en compte l’homme et sa culture. La conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faune sauvage n’a qu’un bref avenir sans le bien-être <strong>de</strong> l’homme. Et ce bien-être<br />
ne peut s’épanouir hors du contexte socioculturel local »<br />
Philippe Chardonnet, Faune sauvage africaine, <strong>la</strong> ressource oubliée, 1995.<br />
- 2 -
AVANT PROPOS<br />
Plusieurs personnes se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>ront probablement ce qui m’a amené à m’intéresser<br />
aux aspects humains <strong>de</strong> <strong>la</strong> problématique chasse à Makokou quand on sait que je suis<br />
écologue <strong>de</strong> formation 1 et que cette question a presque toujours été abordée par les acteurs<br />
<strong>de</strong>s sciences sociales. Cette thèse est pour moi une <strong>de</strong>s réponses aux clivages qui existent<br />
entre les sciences sociales et les sciences biologiques sur les questions <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faune sauvage. Je pense être aujourd’hui l’un <strong>de</strong>s rescapés d’un moule qui formate <strong>de</strong>s<br />
étudiants sur <strong>de</strong>s problématiques qui semblent être à <strong>de</strong>s années lumières <strong>de</strong>s réalités <strong>de</strong> chez<br />
eux. Moi j’ai voulu rester très pragmatique en prenant même le risque <strong>de</strong> rendre les objectifs<br />
<strong>de</strong> cette thèse, comme diraient certains, « factuels ». Quel est l’intérêt d’étudier le<br />
Potamochère (sa biologie, son écologie…) si ce n’est pour mieux le connaître et <strong>de</strong> là, mieux<br />
l’exploiter pour sa consommation ? Pourquoi conserver <strong>de</strong> <strong>la</strong> nourriture (en par<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> faune<br />
sauvage) alors que je meurs <strong>de</strong> faim ? Telle est l’une <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> base que je me suis<br />
posée personnellement ou du moins que j’ai posé à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions que j’ai côtoyé<br />
tout au long <strong>de</strong> mes premiers séjours à Makokou. Comme me l’a un jour <strong>de</strong>mandé mon père :<br />
« T’a-t-on envoyé faire <strong>de</strong> si longues étu<strong>de</strong>s à l’étranger pour venir nous interdire <strong>de</strong> manger<br />
le gibier ? ». Je pris alors conscience <strong>de</strong> <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> prendre en compte dans mes<br />
<strong>recherche</strong>s, d’une part <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource faunique, d’autre part <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong><br />
donner <strong>la</strong> priorité aux popu<strong>la</strong>tions rurales dans mes questionnements. Ces <strong>de</strong>rnières<br />
subsistent dans <strong>la</strong> précarité et l’incertitu<strong>de</strong> du len<strong>de</strong>main et le comble est qu’elles atten<strong>de</strong>nt<br />
<strong>de</strong>s solutions venant <strong>de</strong> notre part, nous leurs enfants qu’elles ont envoyé à l’étranger, pour<br />
avoir le Diplôme qui les sortira <strong>de</strong> <strong>la</strong> misère. Telle est l’aspiration <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> nos<br />
parents sur le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> leurs enfants. Les propositions que nous faisons à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> ce<br />
document leur sont <strong>de</strong>stinées.<br />
Mon séjour au DEA ADEn d’Orléans fût l’occasion qui me permit <strong>de</strong> suivre une<br />
formation pluridisciplinaire dont <strong>la</strong> vision rejoignait mes aspirations en matière <strong>de</strong> <strong>recherche</strong><br />
et le reste n’a été qu’une suite logique. Cette thèse est donc le résultat d’une volonté<br />
d’adjoindre dans un même travail, <strong>de</strong>ux regards différents <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune<br />
sauvage dans un contexte sociopolitique, économique et culturel bien particulier qu’est celui<br />
du Gabon.<br />
1 Je suis détenteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Maitrise mention Biologie <strong>de</strong>s Popu<strong>la</strong>tions et <strong>de</strong>s Ecosystèmes et du Dipôme Supérieur<br />
<strong>de</strong> Recherche option Sciences Naturelles <strong>de</strong> L’Université Lille 1)<br />
- 3 -
REMERCIEMENTS<br />
Qu’il me soit permis ici d’adresser ma profon<strong>de</strong> reconnaissance à l’endroit <strong>de</strong> ceux<br />
qui ont œuvré à l’aboutissement <strong>de</strong> ce travail.<br />
Je tiens tout d’abord à exprimer ma plus profon<strong>de</strong> gratitu<strong>de</strong> à mon directeur <strong>de</strong> thèse,<br />
Monsieur Pierre GRENAND pour avoir accepter <strong>de</strong> diriger ce travail, pour son attention, ses<br />
conseils critiques et les corrections qu’il a apporté à ce document. Je le remercie également,<br />
lui et son épouse Françoise, <strong>de</strong> m’avoir soutenu pendant <strong>la</strong> phase finale, assez difficile, <strong>de</strong><br />
rédaction <strong>de</strong> cette thèse. Je remercie également Monsieur François FEER d’avoir accepté <strong>de</strong><br />
co-diriger cette thèse et pour les précieux conseils qu’il m’a prodigué tout le long <strong>de</strong> ma<br />
<strong>recherche</strong>.<br />
Mes sincères remerciements à Monsieur Paul Darius POSSO, ancien Directeur <strong>de</strong><br />
l’IRET, qui m’a orienté et toujours soutenu dans toutes mes entreprises. Je lui dois<br />
énormément sur le p<strong>la</strong>n professionnel et humain.<br />
Je voudrais souligner ici le rôle prépondérant joué par l’environnement <strong>de</strong> travail qui<br />
m’a été offert autant en France qu’au Gabon.<br />
- En France, mes remerciements vont au <strong>Centre</strong> IRD d’Orléans et à toute l’équipe, qui<br />
m’a supporté durant ce si long séjour ainsi qu'à mes collègues et amis du centre ; Je remercie<br />
particulièrement Françoise GRENAND pour les correcvtions apportées à ce document ainsi<br />
qu’Ariane PAYNE pour sa contribution à <strong>la</strong> première lecture du cette thèse. Mes sincères<br />
remerciements à Jean Paul LESCURE, C<strong>la</strong>ire JULLIAND, Denis CHARTIER, Pierre<br />
ROULET, Yan RAINETTE, Tchansia KONE, Mathias LEFEVRE, …<br />
- Au Gabon, mes sincères remerciements à l’IRET et en particulier à <strong>la</strong> Station <strong>de</strong><br />
Recherche d’Ipassa-Makokou et à toute l’équipe qui m’ont toujours assisté et soutenu dans<br />
tout ce que j’entreprenais. Mes remerciements particuliers à Monsieur Guy MPION, Tara<br />
Guy comme on aime l’appeler pour tout le soutien qu’il m’a apporté durant tout mon séjour à<br />
Makokou ainsi qu’à Monsieur Severin OTOUNGA MBA pour sa disponibilité ; mes<br />
remerciements particuliers à Roger KOWE, Maturin MASSIA, Régis KOTO, Augustin<br />
MOUNGAZI, Jean François MEKOMBA, François BEBOULOU, Edjan ESSOCK, Rosalie<br />
BIFANE, AMVAME Lucien, Christelle HIABAKADJOLA, Gw<strong>la</strong>dis NGANGOUBADI, Constant<br />
SAMBOUZA, ... et tout ceux <strong>de</strong> l’équipe <strong>de</strong> l’IRET Makokou dont <strong>la</strong> liste est bien longue,<br />
qui m’ont assisté tout au long <strong>de</strong> mon travail. Je remercie également les stagiaires que j’ai<br />
encadrés et qui ont <strong>la</strong>rgement contribué à <strong>la</strong> collecte <strong>de</strong>s données.<br />
Je remercie tous mes informateurs notamment les commerçantes <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
du marché Afane <strong>de</strong> Makokou et les chasseurs avec qui j’ai pu travailler. Mes remerciements<br />
- 4 -
vont également à l’endroit <strong>de</strong>s autorités administratives <strong>de</strong> Makokou qui m’ont toujours<br />
apporté leur soutien à mes <strong>recherche</strong>s.<br />
Mes sincères remerciements au WWF qui à travers <strong>la</strong> bourse RUSEL E TRAIN, m’a<br />
permis <strong>de</strong> financer les <strong>de</strong>ux premières années <strong>de</strong> ma thèse.<br />
Je remercie le Projet Makokou (PSVAP, IRET/CIFOR, FED Gabon-UE) pour le<br />
soutien financier dont j’ai pu disposer. Mes remerciements particuliers à Monsieur Philippe<br />
HECKETSWEILER, AT IRET/CIFOR ; Monsieur Robert NASI, CIFOR/CIRAD pour leurs<br />
attentions, leurs conseils et leurs soutiens.<br />
Enfin, je remercie très sincèrement mon épouse Lune Charnelle d’avoir supporté<br />
mes absences répétées et prolongées, d’avoir supporté toutes les charges parentales<br />
nécessaires à l’épanouissement <strong>de</strong> nos trois enfants Alexis, Ulrich et Endrick. Mes sincères<br />
remerciements à mes parents pour le soutien qu’ils m’ont toujours apporté. À mon père qui<br />
s’est toujours particulièrement intéressé aux parcours universitaires <strong>de</strong> ses enfants même s’il<br />
n’a toujours pas compris, à mon sens, le but d’une thèse (Il en collectionne <strong>de</strong>s enfants<br />
Docteurs le père Okouyi). À ma mère qui s’est toujours inquiété <strong>de</strong> mes absences longues et<br />
répétées en forêt. À mes frères et sœurs qui ont toujours été présents.<br />
- 5 -
REMERCIEMENTS<br />
INTRODUCTION<br />
SOMMAIRE<br />
PREMIERE PARTIE : Le Gabon, Pays exceptionnel, Situation exceptionnelle<br />
Chapitre I : Contexte Général <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong><br />
Chapitre II : Présentation du site d’étu<strong>de</strong><br />
Chapitre III : Modèle et Métho<strong>de</strong>s utilisées<br />
Chapitre IV : État <strong>de</strong>s connaissances sur le secteur vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique<br />
centrale, implications <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds<br />
DEUXIEME PARTIE : Caractérisation <strong>de</strong>s savoirs ethnozoologiques et<br />
cynégétiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou : La filière Chasse à Makokou, une<br />
réalité tant socioéconomique que culturelle<br />
Chapitre V : Une réalité locale analysée : <strong>la</strong> chasse à Makokou<br />
Chapitre VI : Le commerce <strong>de</strong> Gibier à Makokou<br />
Chapitre VII : La consommation du gibier<br />
Chapitre VIII : Aspects culturels <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faune Sauvage<br />
TROISIEME PARTIE : Valorisation <strong>de</strong>s savoirs ethnozoologiques et<br />
cynégétiques locaux par leur intégration dans les politiques et processus<br />
actuelles <strong>de</strong> conservation<br />
Chapitre IX : L’après pétrole gabonais ; entre une exploitation <strong>de</strong>s ressources<br />
forestière <strong>de</strong>structrices et une conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité contraignante<br />
Chapitre IX : La filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, une solution d’avenir pour les Ogivins.<br />
Chapitre XI : La loi 1/82 déguisée en loi 16/01 en matière <strong>de</strong>s Eaux et Forêts<br />
Chapitre XII : Le caractère naturellement conservateur <strong>de</strong>s pratiques traditionnelles,<br />
réalité ou mythe ; vers une production du gibier ?<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
ANNEXES<br />
- 6 -
TRANSCRIPTION PHONETIQUE.<br />
e : eu bref comme dans veuf<br />
o : comme dans port<br />
ô : comme dans pôle<br />
u : ou<br />
é, è : comme en français<br />
w : ou comme dans oui<br />
y : comme dans pied<br />
b,d,k,l,m,n,p,r,t,z : comme en français<br />
g : comme dans gâteau<br />
s : comme dans son<br />
š : tch comme dans tchèque<br />
ŋ : ng comme dans le participe ang<strong>la</strong>is singing<br />
h : fortement aspiré<br />
(d'après Perrois, 1970)<br />
LISTE DES ABREVIATIONS<br />
ACP : Afrique Caraïbe et Pacifique<br />
ADEn : Aménagement Développement Environnement<br />
AFD : Agence Française <strong>de</strong> Développement<br />
APFT : Avenir <strong>de</strong>s Peuples <strong>de</strong>s Forêts Tropicales<br />
BCR : Bureau Central du Recensement<br />
BCTF : Bushmeat Crisis Task Force<br />
BM : Banque Mondiale<br />
BTS : Brevet <strong>de</strong> Technicien Supérieur<br />
CARPE : Central African Regional Program for the Environment<br />
CENAREST : <strong>Centre</strong> National <strong>de</strong> Recherche en Sciences et Technologies<br />
CI : Conservation Inter<strong>national</strong><br />
CIRAD : Coopération Inter<strong>national</strong>e en Recherche Agronomique et Développement<br />
CIRMF : <strong>Centre</strong> Inter<strong>national</strong> <strong>de</strong> Recherche Médicale <strong>de</strong> Franceville<br />
CITES : Convention sur le commerce inter<strong>national</strong> <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> faune et <strong>de</strong> flore sauvages<br />
menacées d'extinction<br />
CITES-BWB : CITES-Bushmeat Working Group<br />
CNPN : Conseil National <strong>de</strong>s Parcs Nationaux<br />
CNRS : <strong>Centre</strong> National <strong>de</strong> <strong>la</strong> Recherche Scientifique<br />
COMILOG : Compagnie Minière <strong>de</strong> l’Ogooué<br />
DABAC : Développement d’Alternatives au Braconnage en Afrique Centrale<br />
DFC : Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faune et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chasse<br />
DGE : Direction Générale <strong>de</strong> l’Economie<br />
DGEG : Développement au Gabon <strong>de</strong> l’Elevage <strong>de</strong> Gibier<br />
DSRP : Document Stratégique <strong>de</strong> Réduction <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pauvreté<br />
ECOFAC : Ecosystèmes Forestiers d’Afrique Centrale<br />
EMVT : Elevage et Mé<strong>de</strong>cine Vétérinaire Tropicale<br />
ENEF : Ecole Nationale <strong>de</strong>s Eaux et Forêts<br />
FAO : Food and Agricultural Organisation<br />
FCFA : Franc <strong>de</strong> <strong>la</strong> Communauté Financière d’Afrique (100 FCFA = 0, 15 €)<br />
FFEM : Fond Français pour l’Environnement Mondiale
IDH : Indice <strong>de</strong> Développement Humain<br />
IGAD : Institut Gabonais pour le Développement<br />
INSAB : Institut National Supérieur d’Agronomie et <strong>de</strong> Biotechnologie<br />
IRD : Institut <strong>de</strong> Recherche pour le Développement<br />
IRET : Institut <strong>de</strong> Recherche en Ecologie Tropicale<br />
MAB : Man and Biosphere<br />
MAE : Ministère <strong>de</strong>s Affaires Etrangères<br />
ONC FS : Office National <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chasse et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faune Sauvage<br />
ONF : Office National <strong>de</strong>s Forêts<br />
ONG : Organisation Non Gouvernementale<br />
PDRN : Programme <strong>de</strong> Développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> Région Nord<br />
PIB : Produit Intérieur Brut<br />
PNAE : P<strong>la</strong>n National d’Action Environnementale<br />
PNI : Parc National <strong>de</strong> l’Ivindo<br />
PNUD : Programme <strong>de</strong>s Nations Unies pour le Développement<br />
PPA : Peste Porcine Africaine<br />
PRGIE : Programme Régional <strong>de</strong> Gestion <strong>de</strong> l’Information Environnementale<br />
PSVAP : Projet Sectoriel <strong>de</strong> Valorisation <strong>de</strong>s Aires Protégées<br />
RCA : République Centrafricaine<br />
RDC : République Démocratique du Congo<br />
SIAEB : Société Industriel Agricole d’Elevage <strong>de</strong> Boumango<br />
SOGADEL : Société Gabonaise <strong>de</strong> Développement <strong>de</strong> l’Elevage<br />
UE : Union Européenne<br />
UICN : Union Inter<strong>national</strong>e pour <strong>la</strong> Conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature<br />
UNESCO : Organisation <strong>de</strong>s Nations Unies pour <strong>la</strong> Science, l’Education et <strong>la</strong> Culture<br />
USTM : Université Scientifique et Technique <strong>de</strong> Masuku<br />
VSF : Vétérinaire Sans Frontière<br />
WCS : Wildlife Conservation Society<br />
WWF : World Wildlife Fund for Nature ou Fond Mondial pour <strong>la</strong> Nature<br />
LISTE DES CARTES<br />
Carte 1 : Localisation du Gabon en Afrique.<br />
Carte 2 : Carte du Gabon.<br />
Carte 3 : Carte <strong>de</strong>s ethnies du Gabon.<br />
Carte 4 : Réseau <strong>de</strong>s Parcs Nationaux du Gabon.<br />
Carte 5 : Zone d’étu<strong>de</strong>.<br />
Carte 6 : Esquisse d’actualisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> répartition <strong>de</strong>s différentes ethnies <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
Makokou.<br />
Carte 7 : Aire <strong>de</strong> répartition du genre Potamochoerus.<br />
Carte 8 : Aire <strong>de</strong> répartition du genre Potamochoerus porcus.<br />
Carte 9 : P<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s principaux quartiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou.<br />
Carte 10 : Localisation <strong>de</strong>s principaux terroirs <strong>de</strong> chasse le long <strong>de</strong> l’Ivindo, entre <strong>la</strong> ville <strong>de</strong><br />
Makokou et les chutes <strong>de</strong> Kongou<br />
Carte 11 : Localisation <strong>de</strong>s campements <strong>de</strong> chasse/pêche le long <strong>de</strong> l’Ivindo.<br />
Carte 12 : Représentation schématique <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong>s réserves <strong>de</strong> biosphère<br />
Carte 13 : Zonation d’une réserve <strong>de</strong> biosphère<br />
Carte 14 : Exemple <strong>de</strong> réserve <strong>de</strong> biosphère<br />
Carte 15 : Esquisse <strong>de</strong> zonage du PNI selon le concepte du MAB<br />
8
LISTE DES FIGURES<br />
Figure 1 : Courbes <strong>de</strong>s précipitations observées à Makokou (Données ASECNA, 2004).<br />
Figure 2 : Courbes <strong>de</strong>s températures observées à Makokou (Données ASECNA, 2004).<br />
Figure 3 : Dentition <strong>de</strong> potamochère (P. <strong>la</strong>rvatus) adulte.<br />
Figure 4 : Répartition <strong>de</strong>s mises bas chez les potamochères (P. <strong>la</strong>rvatus) <strong>de</strong> <strong>la</strong> province du<br />
Cap, Afrique du Sud.<br />
Figure 5 : Importance re<strong>la</strong>tive moyenne <strong>de</strong>s familles prépondérantes.<br />
Figure 6 : Importance <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives moyennes <strong>de</strong>s familles prépondérantes<br />
Figure 7 : Importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité re<strong>la</strong>tive moyenne <strong>de</strong>s 10 espèces.<br />
Figure 8 : Esquisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> distribution <strong>de</strong> ces espèces le long du transect.<br />
Figure 9 : Ville <strong>de</strong> Makokou et localisation <strong>de</strong>s principaux points <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> gibiers.<br />
Figure 10 : Répartition ethnique <strong>de</strong>s commerçants <strong>de</strong> gibier à Makokou<br />
Figure 11 : Répartition <strong>de</strong>s différents mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> gibier à Makokou.<br />
Figure 12 : Répartition ethnique <strong>de</strong>s restaurateurs <strong>de</strong> Makokou.<br />
Figure 13 : Comparaison <strong>de</strong>s % <strong>de</strong>s biomasses totales et <strong>de</strong>s % d’abondance totale <strong>de</strong>s 10<br />
gibiers les plus rencontrés sur le marché <strong>de</strong> Makokou.<br />
Figure 14 : Répartition <strong>de</strong>s gibiers vendus par groupe taxonomique.<br />
Figure 15 : Répartition <strong>de</strong>s 11 espèces les plus vendues sur le marché <strong>de</strong> Makokou.<br />
Figure 16 : Abondance <strong>de</strong>s gibiers dans l’année sur le marché Afane <strong>de</strong> Makokou Liboumba<br />
Figure 17 : Courbes <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong> 8 espèces gibier sur le marché Afane <strong>de</strong> Makokou en<br />
différentes pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’année<br />
Figure 18 : Principaux axes <strong>de</strong> pénétration du gibier à Makokou.<br />
Figure 19 : Esquisse <strong>de</strong> trafic <strong>de</strong> gibier en Ogooué-Ivindo.<br />
Figure 20 : Les gibiers les plus rentables du commerce à l’éta<strong>la</strong>ge.<br />
Figure 21 : Proportion <strong>de</strong>s gibiers les plus rentables dans le commerce en restaurants.<br />
Figure 22 : Tendance évolutive du commerce <strong>de</strong> gibier au marché <strong>de</strong> Makokou.<br />
Figure 23 : Comparaison <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives <strong>de</strong>s différents groupes taxonomiques<br />
Figure 24 : Comparaison <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives par espèce <strong>de</strong> 6 principaux gibiers.<br />
Figure 25 : Répartition <strong>de</strong>s différentes catégories professionnelles représentant les foyers<br />
enquêtés<br />
Figure 26 : Répartition <strong>de</strong>s tendances religieuses dans les foyers enquêtés.<br />
Figure 27 : Proportion d’aliments d’origine animale consommés à Makokou.<br />
Figure 28 : Gibiers les plus consommés dans les ménages <strong>de</strong> Makokou.<br />
Figure 29 : Raisons invoquées par les foyers pour <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong>s principaux gibiers.<br />
Figure 30 : Consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> potamochère, occasions citées.<br />
Figure 31 : Comparaison <strong>de</strong>s gibiers les plus appréciés <strong>de</strong>s consommateurs Librevillois et<br />
ceux <strong>de</strong> Makokou.<br />
Figure 32 : Proportion <strong>de</strong>s différentes espèces <strong>de</strong> primates recensées chez les particuliers<br />
dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou.<br />
Figure 33 : Histogramme <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong> fréquences d’âge <strong>de</strong>s singes détenus en captivité.<br />
LISTE DES TABLEAUX<br />
Tableau 1 : Évolution <strong>de</strong>ntaire déterminée à partir d’une étu<strong>de</strong> sur <strong>de</strong>s potamochères (P.<br />
<strong>la</strong>rvatus) en captivité, Zimbabwé, 1968.<br />
Tableau 2 : Liste <strong>de</strong>s espèces intégralement protégées au Gabon.<br />
Tableau 3 : Liste <strong>de</strong>s espèces partiellement protégées.<br />
9
Tableau 4 : Les <strong>la</strong>titu<strong>de</strong>s d’abattage <strong>de</strong> gibiers au Gabon.<br />
Tableau 5 : Dominante ethnique et nombre <strong>de</strong> foyers enquêtés par quartier.<br />
Tableau 6 : Consommation urbaine et rurale <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans le bassin du Congo.<br />
Tableau 7 : Liste <strong>de</strong> quelques travaux sur <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> gibier en Afrique Centrale.<br />
Tableau 8 : Volume et valeur du commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans l’ensemble du Gabon<br />
en 1994.<br />
Tableau 9 : Synthèse <strong>de</strong>s activités du Groupe <strong>de</strong> travail CITES sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse.<br />
Tableau 10 : Latitu<strong>de</strong>s annuelles d’abattage <strong>de</strong> Potamochère au Gabon.<br />
Tableau 11 : Composition <strong>de</strong>s différents contenus stomacaux analysés.<br />
Tableau 12 : Répartition <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives <strong>de</strong>s familles et espèces observées.<br />
Tableau 13 : Fréquence d’abondance <strong>de</strong>s parties animales retrouvées dans les estomacs <strong>de</strong><br />
Potamochères<br />
Tableau 14 : Synthèse <strong>de</strong>s données <strong>de</strong>s inventaires botaniques.<br />
Tableau 15 : Liste <strong>de</strong>s espèces animales chassées à Makokou<br />
Tableau 16 : Signification <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong>s animaux chassés à Makokou.<br />
Tableau 17 : Les différentes parties animales proposées lors du partage<br />
Tableau 18 : Chaque partie animale a un propriétaire <strong>de</strong> facto<br />
Tableau 19 : Les prix moyens fixés par le chasseur, <strong>de</strong> quelques gibiers les plus vendus.<br />
Tableau 20 : Répartition par groupe taxonomique <strong>de</strong>s gibiers vendus à l’éta<strong>la</strong>ge sur marché<br />
<strong>de</strong> Makokou.<br />
Tableau 21 : Pourcentage <strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse <strong>de</strong>s 10 gibiers les plus abondants sur le marché.<br />
Tableau 22 : Présentation générale <strong>de</strong>s gibiers i<strong>de</strong>ntifiés sur le marché <strong>de</strong> Makokou.<br />
Tableau 23 : Répartition <strong>de</strong>s poids moyens et <strong>de</strong>s prix moyens à l’achat chez le chasseur <strong>de</strong>s<br />
17 gibiers les plus vendus au marché <strong>de</strong> Makokou.<br />
Tableau 24 : Estimation <strong>de</strong>s investissements financiers à l’achat du gibier au chasseur.<br />
Tableau 25 : Evaluation <strong>de</strong>s sommes totales <strong>de</strong>s ventes si le gibier a été préférentiellement<br />
vendu en entier.<br />
Tableau 26 : Evaluation du montant total <strong>de</strong>s ventes si le mo<strong>de</strong> gibier découpé et vendu en<br />
tas a été privilégié par les commerçantes.<br />
Tableau 27 : Comparaison <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong> vente en entier, découpé en partie et découpé en petits<br />
morceaux <strong>de</strong>s gibiers les plus vendus sur le marché <strong>de</strong> Makokou<br />
Tableau 28 : Analyse <strong>de</strong>s tendances d’abondance <strong>de</strong> gibier sur le marché <strong>de</strong> Makokou en<br />
1993 et en 2004.<br />
Tableau 29 : Comparaison <strong>de</strong>s prix au kg <strong>de</strong> certains gibiers sauvages avec ceux d’autres<br />
produits c<strong>la</strong>ssiques <strong>de</strong> l’alimentation à Makokou.<br />
Tableau 30 : Répartition ethnique <strong>de</strong>s couples <strong>de</strong>s foyers interrogés.<br />
Tableau 31 : Récapitu<strong>la</strong>tif <strong>de</strong>s interdits alimentaires <strong>de</strong> quelques espèces animales et <strong>de</strong>s<br />
risques encourus en cas <strong>de</strong> transgression<br />
Tableau 32 : Liste non exhaustive <strong>de</strong> quelques recettes à usage médico-magique utilisant <strong>la</strong><br />
faune sauvage.<br />
Tableau 33 : Quelques animaux encore utilisés dans l’artisanat local.<br />
Tableau 34 : Exemples <strong>de</strong> contes (titres et auteurs uniquement).<br />
Tableau 35 : Synthèse <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> “terroir” dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Phase 1 d’ECOFAC.<br />
LISTE DES PHOTOS<br />
Photo 1 : Case pygmée Ba’Aka à proximité du vil<strong>la</strong>ge Ndoumabango, Makokou.<br />
Photo 2 : Exploitation du sable à Makokou.<br />
10
Photo 3 : Vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa-Makokou.<br />
Photo 4 : Vue sur le fleuve Ivindo <strong>de</strong> <strong>la</strong> station d’Ipassa.<br />
Photos 5 et 6: Potamochoerus <strong>la</strong>rvatus (à gauche) et Potamochoerus porcus (à droite).<br />
Photo 7 : La marque <strong>de</strong> cartouche congo<strong>la</strong>ise MACC est l’une <strong>de</strong>s plus vendues à Makokou.<br />
Photo 8 : À Makokou, les cartouches peuvent être vendues sur le marché <strong>de</strong>s fruits et<br />
légumes<br />
Photo 9 : Boulevard d’Éléphant.<br />
Photo 10 : Coulée fraîche <strong>de</strong> Potamochères facilement repérable en forêt.<br />
Photo 11 : Bauge fraîchement fréquentée par les Potamochères.<br />
Photo 12 : Site <strong>de</strong> nidification <strong>de</strong> Potamochère.<br />
Photo 13 : Utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> technique du sac à dos pour le transport du gibier en forêt après<br />
<strong>la</strong> chasse.<br />
Photo 14 : Potamochère et Céphalophe bleu boucanés.<br />
Photo 15 : Armement d’un piège à collet.<br />
Photo 16 : Exemple <strong>de</strong> piège à collet ayant capturé un gibier ; ici un Céphalophe bleu.<br />
Photo 17 : Différentes parties du gibier nommées en Kota, Fang et Kwélé (1)<br />
Photo 18 : Différentes parties du gibier nommées en Kota, Fang et Kwélé (2)<br />
Photo 19 : Différentes parties du gibier nommées en Kota, Fang et Kwélé (3)<br />
Photo 20 : Chevrotain aquatique exposé à <strong>la</strong> vente en bordure <strong>de</strong> route<br />
Photo 21 : P<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> manioc ravagée par <strong>de</strong>s Éléphants<br />
Photo 22 : Un Éléphant mâle adulte abattu pour <strong>la</strong> protection <strong>de</strong>s cultures<br />
Photo 23 : Gibiers exposés à <strong>la</strong> vente à l’éta<strong>la</strong>ge sur le marché <strong>de</strong> Makokou.<br />
Photo 24 : Céphalophe au paquet, marché <strong>de</strong> Makokou<br />
Photo 25 : Transport <strong>de</strong> gibiers (C. dorsalis, C. montico<strong>la</strong> et H. aquaticus) par un taxi<br />
brousse<br />
Photo 26 : Le poil du Potamochère est brûlé pour préparer <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> à <strong>la</strong> vente.<br />
Photo 27 : Quartier <strong>de</strong> Potamochères exposé à <strong>la</strong> vente au marché Afane <strong>de</strong> Makokou<br />
Photo 28 : Vente en paquet sur une <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ces <strong>de</strong> Makokou.<br />
Photo 29 : Poissons fumés exposés à <strong>la</strong> vente au marché <strong>de</strong> Makokou (le tas est vendu<br />
2000 FCFA).<br />
Photo 30 : Poissons d’eau douce exposés à <strong>la</strong> vente au débarcadère <strong>de</strong> Loaloa. Le tas est<br />
vendu 2000 FCFA<br />
Photo 31 : On retrouve sur le marché <strong>de</strong> Makokou, <strong>de</strong>s espèces intégralement protégées<br />
comme ce Pangolin géant.<br />
Photo 32 et 33 : Marcassins <strong>de</strong> <strong>la</strong> station, à gauche <strong>la</strong> fratrie <strong>de</strong> Pitchou et à droite Louli<br />
l’une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières pensionnaires.<br />
Photo 34 : Pitchou à droite, <strong>de</strong>bout et Toubo à gauche, couché en position <strong>de</strong> soumission.<br />
Photo 35 : Manipu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s animaux : Pesée hebdomadaire.<br />
Photo 36 : Danseur du Munga<strong>la</strong>, cérémonie <strong>de</strong> circoncision à Loaloa (Makokou).<br />
Photo 37 : Chaise du chef en peau <strong>de</strong> Bongo (Mbondou).<br />
Photo 38 : Tam-tam en peau <strong>de</strong> Céphalophe rouge (quartier Bor<strong>de</strong>aux à Makokou).<br />
Photo 39 : Hocheur en captivité au quartier Mbolo <strong>de</strong> Makokou.<br />
Photo 40 : Jeune chimpanzé dans une cage au quartier Zoatab <strong>de</strong> Makokou. La solitu<strong>de</strong> est<br />
l’une <strong>de</strong>s premières causes <strong>de</strong> mortalité <strong>de</strong> ces bébés en captivité.<br />
Photo 41 : Il peut y avoir transmission <strong>de</strong> zoonoses lors <strong>de</strong>s contacts entre ces singes et les<br />
enfants. Un Moustac et sa jeune propriétaire à Makokou (Okouyi, 2004)<br />
Photo 42 : Les animaux sauvages vivent en contact avec les animaux domestiques.<br />
Photo 43 : Base <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s ouvriers <strong>de</strong> <strong>la</strong> SHM.<br />
Photo 44 : Grumier acci<strong>de</strong>nté.<br />
11
LISTE DES ANNEXES<br />
Annexe 1 : Liste <strong>de</strong>s animaux intégralement protégés au Gabon.<br />
Annexe 2 : Liste <strong>de</strong>s animaux partiellement protégés au Gabon.<br />
Annexe 3 : Liste <strong>de</strong>s quotas d’abattage d’animaux sauvages autorisés au Gabon.<br />
Annexe 4 : Questionnaire chasse<br />
Annexe 5 : Questionnaire commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse (commerçants)<br />
Annexe 6 : Questionnaire commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse (restaurants)<br />
Annexe 7 : Questionnaire consommation en foyers<br />
Annexe 8 : Rapport <strong>de</strong> mission CDS 1 Djidji n°13<br />
Annexe 9 : Rapport <strong>de</strong> mission CDS 1 Djidji n°14<br />
Annexe 10 : Deman<strong>de</strong> <strong>de</strong> subvention au FFEM<br />
Annexe 11 : Statut <strong>de</strong> l’Association WRF<br />
Annexe 12 : La loi 16/01 portant co<strong>de</strong> forestier en République Gabonaise<br />
12
Introduction<br />
Section I – Constats re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> cynégétique en Afrique Centrale<br />
La problématique « faune sauvage » en Afrique Centrale a presque toujours été<br />
abordée par l’aspect négatif <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong>s activités humaines sur cette <strong>de</strong>rnière (Wilkie,<br />
1987 ; Lahm, 1993 ; Steel, 1994 ; Dethier 1995…). Souvent, <strong>la</strong> chasse (vil<strong>la</strong>geoise et/ou<br />
commerciale) et le commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse sont tenus pour responsables du déclin<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage forestière. Sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Bailleurs <strong>de</strong> Fonds, (FAO, BM, UE, ONGs<br />
Inter<strong>national</strong>es…) plusieurs étu<strong>de</strong>s ten<strong>de</strong>nt à mettre en évi<strong>de</strong>nce l’impact négatif <strong>de</strong> ces<br />
pratiques sur <strong>la</strong> biodiversité au point <strong>de</strong> l’ériger en phénomène <strong>de</strong> société (Bahuchet, 1999).<br />
La question que se posent les auteurs est toujours celle <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sur les<br />
popu<strong>la</strong>tions animales et <strong>la</strong> perdurabilité <strong>de</strong> ces activités (Dethier, 1995 ; Jeanmart, 1998).<br />
Dans ces débats d’opinions, peu <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce est faite pour les différents intervenants et si<br />
plusieurs évaluent les gains monétaires, personnes ne fon<strong>de</strong> cette évaluation sur une<br />
observation <strong>de</strong>s ventes et <strong>de</strong>s profits réels <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière (chasseurs, transporteurs,<br />
commerçants (es) et autres). Etant menées très souvent par <strong>de</strong>s biologistes, le point <strong>de</strong> vue<br />
qui transparaît dans ces étu<strong>de</strong>s est toujours celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion animale, jamais celui du<br />
vil<strong>la</strong>geois.<br />
La communauté inter<strong>national</strong>e à travers <strong>de</strong>s groupes d’activistes écologistes a<br />
engagé <strong>de</strong>s campagnes d’opinions inter<strong>national</strong>es par voie <strong>de</strong> presse pour influencer les<br />
gouvernements occi<strong>de</strong>ntaux sur <strong>la</strong> nécessité d’amener les pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région Afrique<br />
Centrale à interdire <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et du commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
(Bahuchet, 1999). Nulle préoccupation n’est accordée aux popu<strong>la</strong>tions forestières,<br />
considérées comme primitives <strong>de</strong> par leurs habitu<strong>de</strong>s alimentaires. Sur le terrain, <strong>de</strong>s<br />
programmes occi<strong>de</strong>ntaux comme ECOFAC, WCS, CI, WWF, … se sont vus confier <strong>de</strong>s<br />
missions d’appui aux administrations en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité. Face à<br />
cet é<strong>la</strong>n, dont le but avoué est « d’arrêter l’hémorragie 2 », le constat sur le terrain est<br />
dramatique car les popu<strong>la</strong>tions rurales, généralement démunies et très souvent peu ou pas<br />
sensibilisés, sont réprimées. Le vil<strong>la</strong>geois <strong>de</strong>vient alors une victime dans un système où son<br />
quotidien n’est basé que sur <strong>la</strong> subsistance.<br />
2 Cette expression a été utilisée par Pauwel De Wachter du WWF Minkébé, lors <strong>de</strong> l’atelier vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse du 03 au 07 décembre 2002 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lopé (Gabon)<br />
- 13 -
Les quelques étu<strong>de</strong>s qui prennent en compte <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin les intérêts <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions rurales, n’ont fait que mettre en évi<strong>de</strong>nce l’importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage<br />
pour l’alimentation dans ces régions. C’est au Ghana et au Nigeria que nous <strong>de</strong>vons les<br />
premières étu<strong>de</strong>s montrant l’importance économique et sociale <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage et aussi<br />
les premières <strong>recherche</strong>s appliquées à <strong>la</strong> gestion et à l’élevage du gibier <strong>de</strong> forêt (Redford et<br />
al.., 1995 ; Chardonnet et al., 1995 ; Feer, 1996, …). Au Cameroun par exemple, une étu<strong>de</strong><br />
comparative sur <strong>la</strong> consommation d’aliments d’origine animale a montré que cette <strong>de</strong>rnière<br />
est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 185,3 g/personne/jour chez les Mvae, agriculteurs (essarteurs) qui<br />
complètent leur approvisionnement par le piégeage et <strong>la</strong> pêche en eau douce, contre<br />
215,8 g/p/j chez les Pygmées Ko<strong>la</strong>, chasseurs-collecteurs pratiquant <strong>de</strong>s chasses<br />
individuelles et collectives diverses, complétées par une petite agriculture. Le gibier<br />
représente 56,2% <strong>de</strong>s protéines <strong>de</strong> <strong>la</strong> ration alimentaire chez les Mvae, et 70,2% pour les<br />
Pygmées Ko<strong>la</strong> (Koppert et al., 1996). La quasi-totalité provient <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> sauvage et <strong>de</strong><br />
poisson, les animaux domestiques ne fournissant que 2% chez les Mvae et 1% chez les<br />
Ko<strong>la</strong> (Bahuchet, 1996).<br />
Si les résultats précé<strong>de</strong>nts et bien d’autres, assez semb<strong>la</strong>bles, dans les pays <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
sous-région montrent à suffisance l’importance économique et sociale <strong>de</strong> cette ressource<br />
pour les popu<strong>la</strong>tions, fort est <strong>de</strong> constater, que le lien entre l’homme et <strong>la</strong> faune sauvage<br />
dans cette partie du mon<strong>de</strong>, est réduit à <strong>la</strong> seule prédation. En effet, peu d’étu<strong>de</strong>s<br />
ethnozoologiques mettent en exergue le lien si étroit et complexe, quelquefois régi par <strong>de</strong>s<br />
croyances transmisses <strong>de</strong> génération en génération, que les africains <strong>de</strong> cette partie du<br />
continent, entretiennent avec <strong>la</strong> faune sauvage. Pourtant, il est bien connu qu’en Afrique<br />
Centrale, comme partout ailleurs, les moyens d'utiliser les animaux et les produits que l'on<br />
tire <strong>de</strong> ceux-ci sont nombreux et d'une variété infinie. Pour l'alimentation par exemple, on<br />
prélève <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>, le sang, les œufs, <strong>la</strong> graisse, et même les produits secondaires. Un grand<br />
nombre <strong>de</strong> parties du corps animal sont utilisées comme matériaux : les os (petits objets,<br />
colle), <strong>la</strong> corne, les <strong>de</strong>nts et les défenses (ivoire), l'écaille, les poils (<strong>la</strong>ine, ornement… ), <strong>la</strong><br />
peau (cuirs, fauteuil, tam tam, étui…), les plumes (literie, ornement…), les coquilles<br />
d'œufs, les excréments (chauffage, engrais, enduits), <strong>la</strong> graisse, le musc (pharmacopée,<br />
parfumerie, chauffage), le sang (colle, enduit). De même, l'utilisation <strong>de</strong>s animaux par<br />
l'homme couvre <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s grands groupes zoologiques : tous les Vertébrés (poissons,<br />
reptiles, amphibiens, oiseaux et mammifères), Mollusques, Arthropo<strong>de</strong>s (crustacés,<br />
insectes) et autres.<br />
- 14 -
L’homme a <strong>de</strong>puis longtemps observé le mon<strong>de</strong> animal, forgeant un vocabu<strong>la</strong>ire<br />
spécialisé, c<strong>la</strong>ssifiant les animaux, les évoquant dans leurs représentations du mon<strong>de</strong><br />
(mythes, légen<strong>de</strong>s, contes, proverbes), leur attribuant <strong>de</strong>s valeurs symboliques et<br />
entretenant avec eux <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions d'ordre magique et religieux. Ces rapports entre l’homme<br />
et l’animal sont restés <strong>de</strong> nos jours très prononcés en Afrique Centrale. En effet, cette<br />
région du mon<strong>de</strong>, composée <strong>de</strong> huit pays (Cameroun, Gabon, Congo, Guinée équatoriale,<br />
République démocratique du Congo, République Centrafricaine, Tchad et Sao Tomé et<br />
Principe), compte près <strong>de</strong> 73 millions d’habitants dont environ 29 millions vivent dans les<br />
régions forestières. Parmi ces 29 millions d’âmes, seuls 3 millions <strong>de</strong> personnes réparties<br />
en 150 entités culturelles ou « ethnies » différentes dépen<strong>de</strong>nt étroitement <strong>de</strong> l’écosystème<br />
forestier (essarteurs, pêcheurs et chasseurs-cueilleurs confondus). De ces pays du bassin du<br />
fleuve Congo, le Gabon se distingue nettement <strong>de</strong>s autres avec <strong>la</strong> plus gran<strong>de</strong> surface <strong>de</strong><br />
forêt par personne (plus <strong>de</strong> 17 ha <strong>de</strong> forêt par personne contre 10 ha <strong>de</strong> forêt par personne<br />
pour le Congo Brazzaville, et moins <strong>de</strong> 2 ha <strong>de</strong> forêt par personne pour le Cameroun). La<br />
forêt gabonaise constitue pour ces popu<strong>la</strong>tions un grenier, mais aussi un « magasin<br />
d’outil<strong>la</strong>ge » très divers et une réserve au sens propre du terme. C’est aussi un refuge, un<br />
centre <strong>de</strong> distraction et le lieu <strong>de</strong> vénération et <strong>de</strong> passages vers l’au-<strong>de</strong>là.<br />
Section II – Problématique et hypothèses<br />
Mes travaux s’intègrent dans l’optique <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> permanente, d’un équilibre<br />
dynamique, entre l’exploitation <strong>de</strong>s ressources naturelles, en l’occurrence <strong>la</strong> faune sauvage<br />
et <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong> cette ressource pour les générations présentes et futures. Je pars du<br />
principe que si <strong>la</strong> faune sauvage abon<strong>de</strong> encore dans certaines forêts du Gabon, c’est parce<br />
que cet équilibre dynamique a probablement existé jusqu’au moment re<strong>la</strong>tivement récent<br />
où il a été rompu. Les rapports a<strong>la</strong>rmants <strong>de</strong>s spécialistes mondiaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
biodiversité sur <strong>la</strong> surexploitation et, à l'extrême, <strong>de</strong> l’extinction <strong>de</strong>s espèces animales<br />
témoigneraient <strong>de</strong> <strong>la</strong> rupture <strong>de</strong> cet équilibre. La chasse et l’exploitation forestière sont les<br />
principales causes <strong>de</strong> ce déclin. Il apparaît donc nécessaire d’intervenir, mais comment ? La<br />
question ayant été portée sur <strong>la</strong> scène inter<strong>national</strong>e lors du sommet sur <strong>la</strong> terre <strong>de</strong> Rio en<br />
1992, les réponses proposées sont globales (initiatives inter<strong>national</strong>es sur les forêts du<br />
bassins du Congo) mais les répercutions locales sont bien spécifiques.<br />
Mon intérêt s’est porté sur <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou, au nord-est du Gabon où vivent,<br />
dans une nature forestière re<strong>la</strong>tivement préservée, plusieurs groupes ethniques différents,<br />
- 15 -
dont <strong>la</strong> survie est basée sur l’exploitation quotidienne <strong>de</strong>s ressources <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. Cependant,<br />
l’«espace vital» <strong>de</strong> ces popu<strong>la</strong>tions s’est encore vu réduit très récemment par <strong>la</strong> mise en<br />
p<strong>la</strong>ce en août 2002, <strong>de</strong>s 13 Parcs Nationaux (Ordonnance n°6/2002 du 22 août 2002), suite<br />
logique <strong>de</strong> l’engagement du Gabon, aux recommandations <strong>de</strong> Rio. De ces 13 Parcs<br />
Nationaux, 4 (Ivindo, Minkébé, Mwagné et Lopé) sont présents dans <strong>la</strong> région d’étu<strong>de</strong>.<br />
(Voir chapitre I, paragraphe III). Parmi ces 4 parcs, celui <strong>de</strong> l’Ivindo (PNI), d’une<br />
superficie <strong>de</strong> 300.274 ha, est le plus proche <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou (entre 3 et 10 km à<br />
certains endroits <strong>de</strong>s limites du parc). Son emp<strong>la</strong>cement englobe <strong>de</strong>s territoires ancestraux<br />
<strong>de</strong> chasse, ce qui <strong>la</strong>isse présager dans sa mise en p<strong>la</strong>ce et sa gestion, <strong>de</strong>s conflits potentiels<br />
avec les popu<strong>la</strong>tions. En effet, <strong>la</strong> loi sur les parcs restreint l’accès et interdit dans une<br />
certaine mesure, l’exploitation <strong>de</strong>s ressources. En présentant les choses <strong>de</strong> manière<br />
schématique, nous avons :<br />
- d’une part, et <strong>de</strong> manière théorique insuffisamment adaptée aux réalités <strong>de</strong> terrain, une<br />
politique <strong>national</strong>e qui vise, sous les regards extérieurs, à conserver les ressources<br />
forestières censées être menacées, pour le bien-être <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions et <strong>de</strong>s générations<br />
futures ;<br />
- d’autre part, <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions rurales, quasi abandonnées à elles mêmes, complètement<br />
déconnectées <strong>de</strong>s débats internationaux, et dont <strong>la</strong> survie est basée sur l’exploitation<br />
quotidienne <strong>de</strong>s ressources <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. De plus, ces <strong>de</strong>rnières doivent respecter une<br />
légis<strong>la</strong>tion sur <strong>la</strong> chasse assez contraignante, non adaptée à leurs réalités quotidiennes et qui<br />
menace leur existence.<br />
Ce qui signifie, en d’autres termes, que les préoccupations et/ou <strong>la</strong> vision <strong>de</strong>s<br />
politiques, semble <strong>la</strong>rgement déconnectée <strong>de</strong>s besoins réels et vitaux <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions<br />
rurales. Ainsi, on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r qui, entre les compagnies forestières auxquelles l’État<br />
ne cesse d’attribuer les permis d’exploitation et les popu<strong>la</strong>tions locales, a l’impact le plus<br />
négatif sur <strong>la</strong> biodiversité. Ce n’est certes pas <strong>la</strong> question <strong>de</strong> base <strong>de</strong> cette thèse mais elle<br />
doit être posée.<br />
La question centrale dans cette thèse est <strong>de</strong> savoir comment mieux prendre en<br />
compte les savoirs cynégétiques dans <strong>la</strong> politique actuelle <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage au<br />
Gabon ? Pour répondre à cette question, nous avons posé <strong>de</strong>ux hypothèses :<br />
- d’une part ces savoirs cynégétiques locaux ne sont pas pris en compte, ce qui<br />
invali<strong>de</strong> les politiques <strong>de</strong> conservation,<br />
- d’autre part, l’amélioration <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance sur ces savoirs permettrait <strong>la</strong> mise<br />
en p<strong>la</strong>ce d’outils techniques et légis<strong>la</strong>tifs appropriés.<br />
- 16 -
En d’autres termes, nous affirmons que <strong>la</strong> prise en compte du problème <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse, d’un point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’homme et non plus uniquement <strong>de</strong> l’animal, comme ce<strong>la</strong> a<br />
souvent été le cas, est le gage <strong>de</strong> l’aboutissement <strong>de</strong>s objectifs <strong>de</strong> conservation et gestion <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> faune sauvage au Gabon. La <strong>recherche</strong> <strong>de</strong> cet équilibre dynamique est un challenge dont<br />
<strong>la</strong> solution, qui ne pourrait être qu’une combinaison <strong>de</strong> multiples options <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ressource, <strong>de</strong>vrait prendre en compte le maximum <strong>de</strong> paramètres possibles, afin <strong>de</strong><br />
satisfaire toutes les parties.<br />
Section III - Approches méthodologiques<br />
Pour répondre à <strong>la</strong> question centrale <strong>de</strong> cette thèse, nous abor<strong>de</strong>rons <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong><br />
gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faune Sauvage du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’Homme. Ainsi, il sera question :<br />
- d’une part, <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce les savoirs ethnozoologiques et cynégétiques <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou en faisant une analyse complète <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière chasse et l’utilisation du<br />
gibier<br />
- d’autre part, <strong>de</strong> valoriser ces savoirs ethnozoologiques et cynégétiques en les<br />
intégrant dans les politiques et processus <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage.<br />
Pour ce faire, nous choisissons d’analyser <strong>la</strong> filière chasse et utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune<br />
sauvage à Makokou au travers d’une espèces cléf, le Potamochère, animale amblématique<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse dans cette région.<br />
Ainsi, <strong>de</strong>ux approches méthodologiques ont été utilisées :<br />
- d’une part j’ai utilisé un ensemble <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s d’enquêtes socioéconomiques<br />
conventionnelles et rigi<strong>de</strong>s qui <strong>de</strong>vraient me permettre <strong>de</strong> caractériser <strong>la</strong> filière chasse et, en<br />
particulier, le commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à Makokou.<br />
- d’autre part, les données collectées sur les connaissances ethnoécologiques <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions, sont une synthèse <strong>de</strong>s informations recueillies sur le terrain mais aussi, <strong>de</strong>s<br />
données réactualisées <strong>de</strong> <strong>la</strong> bibliographie.<br />
Entre ces <strong>de</strong>ux approches méthodologiques, j’ai utilisé <strong>de</strong>s techniques plus<br />
écologiques pour vérifier certaines informations collectées auprès <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière et<br />
pour caractériser <strong>la</strong> ressource.<br />
L’ensemble <strong>de</strong>s données collectées le fût au moyen d’enquêtes à base <strong>de</strong><br />
formu<strong>la</strong>ires préétablis. On distingue dans l’ensemble <strong>de</strong>ux types d’enquêtes : <strong>de</strong>s enquêtes<br />
socio-économiques (enquêtes <strong>de</strong> chasse et <strong>de</strong> commercialisation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse) et<br />
<strong>de</strong>s enquêtes d’anthropologie alimentaire (enquêtes <strong>de</strong> consommation). Par ailleurs, une<br />
- 17 -
métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> collecte <strong>de</strong> données basée sur <strong>de</strong>s discussions informelles mais dont les<br />
questions étaient semi-dirigées, a permis <strong>de</strong> collecter <strong>de</strong> manière ponctuelle, <strong>de</strong>s<br />
informations complémentaires sur les diverses utilisations <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage.<br />
Cependant, on constate que, quelle que soit <strong>la</strong> rigueur <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s utilisées ou <strong>de</strong>s<br />
protocoles <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> mis en p<strong>la</strong>ce, lorsqu’il est question <strong>de</strong> collecter <strong>de</strong>s données sur les<br />
activités <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions, surtout s’agissant pour certaines, <strong>de</strong> pratiques considérées comme<br />
illégales, tout <strong>de</strong>vient ordre <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur et/ou <strong>de</strong> tendance pour les informations tant<br />
quantitatives que qualitatives que l’on cherche à obtenir. Si certains biais liés à <strong>la</strong> prise <strong>de</strong><br />
données peuvent être, sur le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> l’analyse statistique, réduits par <strong>la</strong> taille <strong>de</strong><br />
l’échantillon et/ou encore par <strong>la</strong> rigueur du test utilisé, <strong>la</strong> réalité est souvent entachée <strong>de</strong><br />
subjectivité. Quelle que soit <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> utilisée, le plus difficile fut <strong>de</strong> gagner <strong>la</strong> confiance<br />
<strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions pour accé<strong>de</strong>r à l’information. Il n’en reste pas moins que, face au peu <strong>de</strong><br />
données scientifiques existant dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo, nous espérons que notre<br />
travail constituera une avancée significative dans <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ressource faune sauvage. Le chapitre IV p. 105 détaille les métho<strong>de</strong>s utilisées pour <strong>la</strong><br />
collecte <strong>de</strong>s données et comment j’ai procédé.<br />
Le corps <strong>de</strong> <strong>la</strong> thèse qui suit est découpé en trois gran<strong>de</strong>s parties :<br />
- une première partie : "le Gabon, pays exceptionnel, situation exceptionnelle" présente <strong>la</strong><br />
situation exceptionnelle du potentiel socioéconomique, écologique et scientifique du Gabon<br />
et, malgré tout, <strong>la</strong> position ambiguë <strong>de</strong> ce pays sur les questions <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong>s<br />
ressources forestières et le bien-être <strong>de</strong> ses popu<strong>la</strong>tions. Cette partie qui comporte quatre<br />
chapitres présente également le cadre, le modèle et les métho<strong>de</strong>s utilisées lors <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong><br />
ainsi qu'une synthèse <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse ayant été menées dans <strong>la</strong> sous-région avec un<br />
accent porté sur les institutions inter<strong>national</strong>es impliquées.<br />
- une secon<strong>de</strong> partie intitulée : La filière Chasse à Makokou, une réalité tant socio-<br />
économique que culturelle, qui présentera l’ensemble <strong>de</strong>s résultats obtenus sur l’importance<br />
socio-économique et culturelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage pour les popu<strong>la</strong>tions dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
Makokou. Cette secon<strong>de</strong> partie comporte quatre chapitres.<br />
- une troisième partie dont le titre reprend celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> thèse. Cette partie au vu <strong>de</strong>s résultats<br />
obtenus, rep<strong>la</strong>ce le tout dans un contexte <strong>national</strong> et sous-régional plus <strong>la</strong>rge et tente <strong>de</strong><br />
réaffirmer l’importance <strong>de</strong>s mutations indéniables qui sont à prendre en compte dans les<br />
politiques <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource. Elle constitue <strong>la</strong> discussion générale <strong>de</strong> <strong>la</strong> thèse qui se<br />
termine par <strong>de</strong>s perspectives d’étu<strong>de</strong>s postdoctorales.<br />
- 18 -
PREMIÈRE PARTIE<br />
Le Gabon,<br />
Pays exceptionnel,<br />
Situation exceptionnelle
Chapitre I : Contexte général <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong><br />
Section I - Le Gabon, pays exceptionnel<br />
I.1. Contexte général<br />
« Avec approximativement 89% <strong>de</strong> son territoire recouvert par <strong>la</strong> gran<strong>de</strong><br />
forêt et une faible pression démographique, le Gabon peut contribuer <strong>de</strong> façon<br />
décisive à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt en Afrique. D’autant plus que<br />
contrairement aux autres pays voisins, prospérité économique et stabilité<br />
politique permettent d’y concilier les exigences <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation et du<br />
développement » (Angoué et al.. 2000).<br />
I.1.1. Le Gabon en dates<br />
- 1472, découverte <strong>de</strong> l'estuaire du fleuve Komo par les Portugais, dont <strong>la</strong> forme rappe<strong>la</strong>it le<br />
"caban", vêtement porté par les marins, d'où le nom <strong>de</strong> "Rio di Gabão", qui donnera plus<br />
tard celui <strong>de</strong> Gabon,<br />
- 9 février 1839, signature d'un traité <strong>de</strong> protectorat entre le roi <strong>de</strong>s Mpongouè, Antchouwe<br />
Kowe Rapontchombo « autrement appelé roi Denis » et le capitaine <strong>de</strong> Vaisseau Bouet<br />
Wil<strong>la</strong>umez. D'autres accords avec les chefs Louis Dowe, G<strong>la</strong>ss, Quaben et Georges,<br />
permirent à <strong>la</strong> France <strong>de</strong> s'imp<strong>la</strong>nter plus <strong>la</strong>rgement,<br />
- 1849, fondation par les esc<strong>la</strong>ves libérés, <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Libreville, actuelle capitale du<br />
Gabon,<br />
- 1862, <strong>la</strong> France signa le traité du cap Lopez avec les représentants <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion locale.<br />
Les missionnaires, à l'instar <strong>de</strong> Mgr Bessieux, commencèrent l'évangélisation <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions,<br />
- 1886, le Gabon <strong>de</strong>vient une colonie française,<br />
- 1899, le Gabon est rattaché au Congo français,<br />
- 1910-1958, le Gabon fait partie <strong>de</strong> l'Afrique Equatoriale Française (AEF),<br />
- 1958, proc<strong>la</strong>mation <strong>de</strong> <strong>la</strong> République Gabonaise,<br />
- 17 Août 1960, le Gabon accè<strong>de</strong> à l’indépendance et Léon Mba <strong>de</strong>vint le premier prési<strong>de</strong>nt,<br />
- 20 -
- <strong>de</strong> 1967 à nos jours, Albert Bernard Bongo, par <strong>la</strong> suite El Adj Omar Bongo et maintenant<br />
Omar Bongo Ondimba, est le <strong>de</strong>uxième prési<strong>de</strong>nt du Gabon.<br />
- 1968, institution du Parti Unique, le Partie Démocratique Gabonais (PDG)<br />
- 1990, Conférence Nationale, Multipartisme et Démocratie.<br />
I.1.2. Situation géographique<br />
(Source : http://www.ndongs.com)<br />
Le Gabon est situé au cœur même <strong>de</strong> l’Afrique, en bordure (sur plus <strong>de</strong> 800 km) <strong>de</strong><br />
l’Océan At<strong>la</strong>ntique, à cheval sur l’Equateur comme son voisin le Congo, et au <strong>de</strong>là, le Congo<br />
Démocratique (ex-Zaïre) (Carte 1). Au nord-ouest du pays en bordure <strong>de</strong> l’Océan, <strong>la</strong> petite<br />
Guinée Équatoriale est enchâssée dans le territoire gabonais. La frontière nord sépare ensuite<br />
le Gabon du Cameroun. Tout le reste du pays jouxte le Congo. À l’exception <strong>de</strong> l’Océan<br />
At<strong>la</strong>ntique à l’ouest, toutes les autres frontières gabonaises sont artificielles et résultent<br />
d’accords passés :<br />
- en 1886, par le décret du gouverneur Savorgnan <strong>de</strong> Brazza fixant les frontières entre le<br />
Gabon et le Congo, au sud,<br />
- en 1900, entre <strong>la</strong> France et l’Espagne pour le nord-ouest,<br />
- en 1919, entre <strong>la</strong> France et l’Allemagne pour le nord.<br />
Le Gabon a une forme ramassée (600 km d’est en ouest) et occupe une superficie <strong>de</strong><br />
267.667 km 2 . C’est le plus petit État <strong>de</strong> l’Afrique centrale après le Rwanda, le Burundi et <strong>la</strong><br />
Guinée Équatoriale.<br />
I.1.3. Climat et relief<br />
Le climat au Gabon est <strong>de</strong> type équatorial, donc chaud et humi<strong>de</strong>, caractérisé par <strong>de</strong>s<br />
températures constantes et élevées (températures moyennes annuelles comprises entre 21 et<br />
28 °C). L’humidité atmosphérique est importante en raison <strong>de</strong> l’abondance <strong>de</strong>s pluies qui<br />
tombent pratiquement tout au long <strong>de</strong> l’année (hauteurs moyennes annuelles comprises entre<br />
1.500 mm et 3.000 mm). Localement cependant, certaines modifications climatiques peuvent<br />
être provoquées par l’influence océanique ou par le relief. On distingue, malgré tout en<br />
fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> fréquence et <strong>de</strong> l’abondance <strong>de</strong>s précipitations, <strong>de</strong>ux saisons <strong>de</strong>s pluies (mi-<br />
février à mi-mai, et mi-septembre à mi-décembre) et <strong>de</strong>ux saisons sèches (mi-mai à mi-<br />
septembre, et mi-décembre à mi-février).<br />
- 21 -
Le relief est assez varié, avec <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>teaux et <strong>de</strong>s collines découpés par <strong>de</strong> nombreux<br />
cours d’eau, dont le plus important est le fleuve Ogooué avec 1.200 km <strong>de</strong> longueur, et qui<br />
draine 72 % <strong>de</strong> <strong>la</strong> surface du pays. On trouve également quelques massifs montagneux tels<br />
que le massif Du Chaillu, qui culmine à 1.500 m d’altitu<strong>de</strong> et <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ines parfois<br />
marécageuses.<br />
I.1.4. Découpage administratif<br />
L’ancienne organisation administrative du Gabon, héritée <strong>de</strong> l’époque coloniale<br />
française, a été modifiée le 17 décembre 1975. Une nouvelle organisation territoriale a été<br />
adoptée en 1984. Le Gabon est donc actuellement divisé en neuf provinces (Carte 2) :<br />
l’Estuaire (G1), le Haut-Ogooué (G2), le Moyen-Ogooué (G3), <strong>la</strong> Ngounié (G4), <strong>la</strong> Nyanga<br />
(G5), l’Ogooué-Ivindo (G6), l’Ogooué-Lolo (G7), l’Ogooué-Maritime (G8) et le Woleu-<br />
Ntem (G9). Chacune <strong>de</strong> ces provinces est subdivisée en départements, chaque département<br />
en districts, chaque district en cantons, chaque canton regroupant plusieurs vil<strong>la</strong>ges. Ces<br />
diverses entités administratives sont respectivement administrées par un gouverneur (nommé<br />
par le chef <strong>de</strong> l’État), un préfet, un sous-préfet, un chef <strong>de</strong> canton, un chef <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ge<br />
(nommés par le gouverneur).<br />
I.1.5. La popu<strong>la</strong>tion humaine gabonaise<br />
La popu<strong>la</strong>tion gabonaise est estimée à 1.520.911 habitants d’après les conclusions<br />
du <strong>de</strong>rnier recensement effectué, en décembre 2003, par les services du ministère <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
P<strong>la</strong>nification et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Programmation du Développement. Ce qui signifie que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />
gabonaise aurait augmenté <strong>de</strong> moitié en dix ans (1.011.710 habitants en 1993), soit un taux<br />
<strong>de</strong> croissance annuel moyen <strong>de</strong> 4,2 % (contre 3,27 % estimé entre 1988 et 1999 et 1,37 %<br />
entre 1975 et 1980). Cet accroissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion gabonaise peut s’expliquer par le fort<br />
taux d’immigration lié aux perturbations dans les pays voisins. Près <strong>de</strong> 73 % <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />
gabonaise vit en zone urbaine, dont 35 % dans <strong>la</strong> capitale Libreville et sa périphérie.<br />
L’intérieur du pays est peu peuplé. Les Gabonais étant peu nombreux, ce<strong>la</strong> entraîne une<br />
<strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion très faible (environs 5,6 hab/km 2 en 2003, contre 4,2 hab/km 2 en 1983),<br />
et un PIB par habitant c<strong>la</strong>ssé dans les plus hauts d'Afrique Sub-Saharienne.<br />
- 22 -
Carte 1 : Localisation du Gabon en Afrique<br />
- 23 -
Carte 2 : Carte du Gabon<br />
- 24 -
I.1.5.1. Une diversité ethnique et culturelle très marquée…<br />
Le Gabon compte actuellement une cinquantaine d’ethnies, qui n’ont atteint leurs<br />
emp<strong>la</strong>cements actuels, qu’à <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> migrations plus ou moins récentes. Dans tout le nord et<br />
le nord-est, s’étend le groupe Fang qui totalise près du tiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion gabonaise (Carte<br />
3). Il entoure le groupe <strong>de</strong>s Séké, qui habitent <strong>la</strong> région côtière du nord-ouest, jusqu’à <strong>la</strong><br />
frontière <strong>de</strong> <strong>la</strong> Guinée. On c<strong>la</strong>sse parfois les Séké dans le groupe Bakota qui peuple le nord-est<br />
du pays, <strong>de</strong> <strong>la</strong> rivière Ivindo jusqu’à <strong>la</strong> boucle <strong>de</strong> l’Ogooué. D’autres auteurs, en se basant sur <strong>la</strong><br />
c<strong>la</strong>ssification linguistique, les rattachent au groupe Bakélé. À côté <strong>de</strong>s Séké on retrouve les<br />
Mpongoué, qui font partie du groupe Omiéné. Celui-ci coexiste avec les Fang dans le sud <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
région <strong>de</strong> l’estuaire et, occupe tout le <strong>de</strong>lta <strong>de</strong> l’Ogooué. En remontant le cour <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier,<br />
après les Omiéné, et en <strong>de</strong>scendant vers le sud jusqu’à <strong>la</strong> hauteur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lagune Fernan-Vaz, les<br />
Bakélé se mêlent plus au groupe Eshira. Ceux-ci englobe les Bapunu, nombreux à partir <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ville <strong>de</strong> Mouil<strong>la</strong>, et qui dominent jusqu’à <strong>la</strong> frontière sud-ouest où, avec les Balumbu du même<br />
groupe qu’eux, ils rencontrent les Vili. Mais ceux-ci feraient peut être comme eux, partie <strong>de</strong><br />
l’ensemble culturel Badjag, ce nom étant celui <strong>de</strong> l’ancêtre commun auquel se réfèrent toutes<br />
ces ethnies. Les Bakélé suivent au nord <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Lambaréné, le cours <strong>de</strong> l’Ogooué jusqu’à<br />
ce qu’ils rencontrent les Okandé, qui leur succè<strong>de</strong>nt le long du fleuve. Mais à Boué, ils cè<strong>de</strong>nt<br />
<strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce aux Aduma. Les Aduma qui représentent environ 17 % <strong>de</strong>s Gabonais, font partie du<br />
groupe Mbédé vivant dans le sud-est. L’exemple <strong>de</strong>s Bandjabi, installé sur <strong>la</strong> rive gauche <strong>de</strong><br />
l’Ogooué, sous les Aduma, est significatif <strong>de</strong> <strong>la</strong> complexité ethnique du pays. En effet, ces<br />
<strong>de</strong>rniers se réc<strong>la</strong>ment <strong>de</strong> l’ancêtre Badjag, commun aux Eshira alors que par <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue, ils sont<br />
apparentés aux Mbédé.<br />
Autre exemple <strong>de</strong> complexité : le lien entre le groupe Mbédé (qui englobe en fait quels<br />
que soit leur origine et leur ancêtre fondateur, toutes les ethnies qui se juxtaposent dans le sud-<br />
est du pays), et les Batéké <strong>de</strong>s hauts p<strong>la</strong>teaux, serait essentiellement géographique. Ces Batéké,<br />
<strong>la</strong>rgement répartis dans <strong>la</strong> cuvette du Congo, auraient influencé les Bakota et les Mbédé <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
région du Haut-Ogooué, qui parlent <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues apparentées. En revanche, ils comprennent<br />
eux-mêmes plusieurs groupes dont certains vivent au Congo et qui présentent <strong>de</strong>s différences<br />
importantes sur le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s coutumes.<br />
Entre <strong>la</strong> Ngounié et <strong>la</strong> savane du sud-est, c'est-à-dire le massif du Chaillu, aux Bandjabi<br />
déjà cités, il faut ajouter les Batsangui, puis les Bapsindji et les Mitsogho qui seraient<br />
apparentés au groupe Okandé. Cependant les Mitsogho, montagnards à très forte individualité<br />
culturelle, célèbre pour <strong>la</strong> société secrète du Bwiti qu’ils ont fondée et qui s’est <strong>de</strong> nos jours,<br />
- 25 -
épandu dans l’ensemble du pays, se <strong>la</strong>issent difficilement confondre avec qui que ce soit<br />
d’autre. Pourtant, ils auraient disent certains, une parenté linguistique non seulement avec les<br />
Okandé, mais aussi plus lointainement, avec les Omiéné.<br />
De nombreux groupuscules coexistent avec les gran<strong>de</strong>s ethnies citées ou occupent<br />
parfois un seul vil<strong>la</strong>ge perdu dans <strong>la</strong> forêt. Leur appartenance ethnique est encore plus difficile<br />
à déterminer. En effet, ils subissent fortement l’influence <strong>de</strong>s communautés voisines plus<br />
importantes en nombre, ou au contraire, s’ils sont isolés, se singu<strong>la</strong>risent peu à peu par rapport<br />
aux familles du même groupe avec lesquelles ils n’ont plus <strong>de</strong> contact. De plus, le milieu dans<br />
lequel ils vivent <strong>de</strong>puis un nombre indéterminé <strong>de</strong> générations, uniformise <strong>de</strong>s noyaux soumis<br />
au même type <strong>de</strong> conditions géographiques, alors qu’ils n’ont pratiquement aucun rapport entre<br />
eux (Rémy, 1996).<br />
I.1.5.2. Mais pourtant, une unité notable sous <strong>la</strong> multiplicité<br />
Cette multiplicité d’ethnies, n’implique pas l’existence d’une importante disparité<br />
culturelle. D’abord, les historiens s’enten<strong>de</strong>nt à leur reconnaître <strong>la</strong> même appartenance à <strong>la</strong><br />
gran<strong>de</strong> famille linguistique <strong>de</strong>s Bantou, qui pendant <strong>de</strong>s siècles, ont envahi peu à peu <strong>de</strong><br />
nombreuses régions <strong>de</strong> l’Afrique centrale et orientale. À l’exception <strong>de</strong>s Pygmées, les premiers<br />
habitants du Gabon, mais qui ne représenteraient aujourd’hui qu’à peine 1 % <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion,<br />
tous les groupes ethniques auraient <strong>la</strong> même origine. Le tronc commun se serait ramifié très<br />
<strong>la</strong>rgement, avant que les premiers <strong>de</strong> ces groupes n’arrivent dans le pays. Ces popu<strong>la</strong>tions ont<br />
également <strong>de</strong>s points communs, selon qu’elles viennent du nord ou du sud. Elles se manifestent<br />
dans les légen<strong>de</strong>s qui évoquent leur origine et, dans le système <strong>de</strong> filiation qu’elles ont adopté,<br />
en général patrilinéaire chez les peuples venus du nord et matrilinéaires, chez ceux du sud.<br />
Quelque soit leur appartenance à l’un ou l’autre <strong>de</strong> ces systèmes sociaux, il existe un facteur<br />
commun primordial entre tous les Gabonais : il s’agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> prépondérance accordée au c<strong>la</strong>n et à<br />
l’ethnie, par rapport à l’individu qui seul, n’a pratiquement pas <strong>de</strong> raison d’être et ne peut<br />
survivre. En fait ce sentiment très fort d’appartenance à une communauté, loin d’être un facteur<br />
d’hétérogénéité et <strong>de</strong> représenter un danger pour l’unité gabonaise, peut au contraire favoriser<br />
un transfert affectif <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille et <strong>de</strong> <strong>la</strong> tribu à <strong>la</strong> nation. Pour que ce transfert puisse<br />
s’effectuer harmonieusement, il faut que se rencontrent <strong>de</strong>ux facteurs : une similitu<strong>de</strong> profon<strong>de</strong><br />
au niveau <strong>de</strong>s croyances essentielles et une organisation politique suffisamment homogène pour<br />
créer en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation gabonaise, une force centrifuge capable d’annuler les tendances au<br />
repliement vers le noyau ethnique (Rémy, 1996).<br />
- 26 -
I.1.5.3. Popu<strong>la</strong>tion étrangère<br />
Depuis longtemps le Gabon compte <strong>de</strong>s immigrants, soit environ 150.000 personnes,<br />
dont près <strong>de</strong> 10.000 Français qui contrôlent les domaines industriel, culturels et commerciaux.<br />
On trouve aussi <strong>de</strong>s Libanais, <strong>de</strong>s Nigérians, <strong>de</strong>s Togo<strong>la</strong>is, <strong>de</strong>s Camerounais et bien d’autres<br />
venus s’installer au Gabon. Dans cette diversité ethnique, le français s’est vite imposé comme<br />
<strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue officielle.<br />
Carte 3 : Carte <strong>de</strong>s ethnies du Gabon<br />
(Source : http://www.lib.utexas.edu/maps/africa/gabon_ethnic_1968.jpg)<br />
- 27 -
I.2. Situation économique<br />
I.2.1. Le pétrole et les ressources minières<br />
L’économie gabonaise est <strong>de</strong>puis le début <strong>de</strong>s années 1970 dominée par l’exploitation<br />
du pétrole qui représente encore près <strong>de</strong> 75 % <strong>de</strong>s revenus d’exportation, 60 % <strong>de</strong>s recettes<br />
budgétaires et environs 40 % du PIB courant. Durant les années 1972 à 1980, le Gabon était<br />
un <strong>de</strong>s pays les plus riches <strong>de</strong> l’Afrique, avec un PIB par habitant avoisinant 6.200 US$.<br />
Malheureusement, ces recettes liées au cours du pétrole et du dol<strong>la</strong>r, sont fort fluctuantes.<br />
Ainsi, elles sont par exemple passées <strong>de</strong> 543 milliards <strong>de</strong> francs CFA en 1990, à 500 milliards<br />
en 1992, pour remonter sensiblement en 2000. Avec <strong>la</strong> crise économique <strong>de</strong>s années 1980,<br />
liée à <strong>la</strong> forte baisse <strong>de</strong>s cours du pétrole, l’économie gabonaise s’est fort détériorée et les<br />
finances du pays n'ont plus été à <strong>la</strong> hauteur <strong>de</strong>s ambitieux projets <strong>de</strong> développement.<br />
En marge du pétrole, les ressources minières dont les principales sont le manganèse 3 ,<br />
l’uranium 4 (644 t en 1994) et le fer, constituent le 3 e secteur d’importance économique après<br />
le bois. Le pays dispose aussi <strong>de</strong> métaux précieux comme l’or et le diamant.<br />
Quelques repères pour le Gabon (données <strong>de</strong> 1998)<br />
Monnaie: franc CFA (con<strong>version</strong>:1 Euros = 655,957 FCFA)<br />
PIB nominal: 3,6 milliards <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs<br />
Croissance du PIB: 2%<br />
Inf<strong>la</strong>tion: 2.823,4 milliards <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs<br />
PNB: 4.664 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs<br />
PNB/hab: 3.950 $ US<br />
Année fiscale: année du calendrier<br />
Richesses naturelles: Pétrole, Bois, Uranium, Charbon (6,3 millions <strong>de</strong> tonnes), Phosphate, Or, Gypse,<br />
Calcaire, Molybdène, Tungstène, Lithium, Cuivre, Plomb, Fer …<br />
Exportations: Pétrole, Bois, Manganèse, Cacao, Huile <strong>de</strong> Palme et d'Arachi<strong>de</strong>.<br />
Principaux clients: CEE, Gran<strong>de</strong>-Bretagne, CEMAC, États-Unis, Asie (Japon, Chine)<br />
Importations: Produits alimentaires, biens <strong>de</strong> consommation <strong>de</strong>s entreprises, aluminium, équipements<br />
industriels...<br />
Principaux fournisseurs: CEE, UDEAC<br />
Langue officielle : le français<br />
3 Production <strong>de</strong> manganèse : 1.436.000t en 1994, 1.856.000t en 2002 et 2.000.000t en 2003 soit une progression<br />
<strong>de</strong> 7,8% ; Exportation <strong>de</strong> manganèse : 1.932.999t en 2002 contre 1.944.000t en 2003 soit une progression <strong>de</strong><br />
0,6% (DGE, 2004)<br />
4 Les mines d’Uranium <strong>de</strong> Mounana sont fermées <strong>de</strong>puisles années 1990.<br />
- 28 -
I.2.2. Les ressources forestières<br />
Pays <strong>de</strong> forêt par excellence, celle-ci est omniprésente sur <strong>la</strong> totalité du territoire. Elle<br />
représente 238.770 km 2 (sur les 267.667 km 2 <strong>de</strong> superficie que compte le pays), soit 89% du<br />
territoire. La forêt gabonaise est réparti comme suit : 212.380 km 2 <strong>de</strong> forêt <strong>de</strong>nse humi<strong>de</strong> ;<br />
2.080 km 2 <strong>de</strong> forêt marécageuse et mangrove ; 10.080 km 2 <strong>de</strong> forêt secondaire et complexe<br />
rural et 14.230 km 2 <strong>de</strong> savanes boisées et arborées (Mayaux et Malingreau, 2001). Les<br />
statistiques récentes montrent que <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce occupée par <strong>la</strong> filière bois dans l’économie<br />
gabonaise est privilégiée. C’est le second secteur d’activité du pays. Il participe (exploitation<br />
et industrie) à hauteur d’environ 6% au PIB, procure environ 12% <strong>de</strong>s recettes d’exportations,<br />
occupe le 2 e rang dans les recettes budgétaires et représente environ 28% <strong>de</strong>s emplois hors<br />
secteur public, ce qui en fait le premier employeur après celui-ci.<br />
L’attachement culturel <strong>de</strong>s Gabonais, tant citadins que ruraux vis-à-vis <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, est<br />
très marqué. S’ils entretiennent encore ces liens avec <strong>la</strong> forêt, c’est pour une bonne part parce<br />
que cette <strong>de</strong>rnière s’est <strong>la</strong>rgement maintenue jusqu'à présent. Le Gabon n’aurait<br />
qu’involontairement conservé ses forêts selon <strong>la</strong> thèse <strong>de</strong> Wun<strong>de</strong>r (Wun<strong>de</strong>r, 2003). En effet, il<br />
existe un lien entre <strong>la</strong> richesse pétrolière du Gabon et le fait que c’est également l’un <strong>de</strong>s pays<br />
les plus pourvus en forêts d’Afrique. Dans ce pays, les revenus pétroliers ont permis<br />
l’adoption d’une série <strong>de</strong> politiques qui, combinées à <strong>la</strong> faible pression démographique, ont<br />
joué un rôle majeur dans <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong> <strong>la</strong> dégradation et <strong>de</strong> <strong>la</strong> déforestation.<br />
Vraisemb<strong>la</strong>blement, le pétrole a même contribué à l’expansion du couvert forestier. Ainsi,<br />
cette richesse en ressources extractives du Gabon, distribuée au sein d’une petite popu<strong>la</strong>tion, a<br />
entraîné le sous-développement <strong>de</strong> l’agriculture. Faiblesse du peuplement humain et<br />
concentration urbaine ont donc limité considérablement <strong>la</strong> pression sur les milieux naturels et<br />
se sont traduits par l’existence à l’intérieur du pays d’immenses zones dépourvues<br />
d’imp<strong>la</strong>ntations humaines. Actuellement, le Gabon est l’un <strong>de</strong>s pays d’Afrique qui présentent<br />
<strong>la</strong> couverture forestière <strong>la</strong> plus étendue et le taux <strong>de</strong> déforestation le plus faible. En<br />
conséquence, <strong>la</strong> faune sauvage, « <strong>la</strong> ressource oubliée » (Chardonnet et al., 1995), encore<br />
omniprésente, est très diversifiée et le Gabon constitue une zone clé pour <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong><br />
nombreuses espèces, notamment plusieurs mammifères menacés à l’échelle inter<strong>national</strong>e.<br />
Cette richesse n’est d’ailleurs probablement pas encore bien connue et ceci a été illustré par <strong>la</strong><br />
découverte, en 1984, d’une nouvelle espèce <strong>de</strong> primate, le Cercopithèque à queue <strong>de</strong> soleil<br />
(ou singe soleil, Cercopithecus so<strong>la</strong>tus), endémique du centre du pays.<br />
- 29 -
Section II - Malgré ce potentiel en ressources naturelles élevé, le Gabon<br />
connaît <strong>de</strong>s réalités économiques et sociales difficiles<br />
Le Gabon est le seul pays d’Afrique, c<strong>la</strong>ssé parmi les pays à revenu intermédiaire <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> tranche supérieure. Cependant, d’après le c<strong>la</strong>ssement fait par le PNUD dans un <strong>de</strong> ses<br />
rapports publié en 2003, le pays, avec un indice <strong>de</strong> développement <strong>de</strong> 0,653, se situe au 118 e<br />
rang mondial. En effet, malgré l’abondance <strong>de</strong> richesses naturelles et en dépit <strong>de</strong> sa faible<br />
popu<strong>la</strong>tion, le Gabon a une économie faible et instable. C’est un pays riche mais où il existe<br />
une pauvreté visible et ses indicateurs sociaux ne le différencient pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> moyenne <strong>de</strong>s<br />
autres pays africains au Sud du Sahara. Le niveau <strong>de</strong> développement humain est donc très<br />
bas. De plus, malgré les emprunts à l’étranger (Banque Mondiale, FMI, Club <strong>de</strong> Paris,<br />
Chine…), qui représenteraient dans ce pays <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième source d’entrée <strong>de</strong>s capitaux, <strong>la</strong><br />
pauvreté omniprésente a un visage très contrasté selon que les spécialistes se réfèrent aux<br />
chiffres officiels ou à <strong>la</strong> réalité du terrain. La précarité <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion fiscale, les détournements<br />
<strong>de</strong>s fonds publics, <strong>la</strong> corruption, <strong>la</strong> dévaluation du franc CFA (<strong>de</strong> 50 % en janvier 1994), …<br />
sont autant <strong>de</strong> maux qui minent ce pays.<br />
II.1 Une faible agriculture industrielle<br />
L’agriculture au Gabon montre un double visage : d'un côté une agriculture<br />
traditionnelle le plus souvent vivrière présente dans tout le pays, <strong>de</strong> l'autre quelques unités<br />
agro-industrielles très mo<strong>de</strong>rnes. L'agriculture commerciale est très peu développée,<br />
principalement à cause <strong>de</strong>s difficultés <strong>de</strong> transport, <strong>de</strong> <strong>la</strong> pauvreté <strong>de</strong>s sols trop minéralisés et<br />
<strong>de</strong> l'existence, ailleurs en Afrique, <strong>de</strong> meilleures opportunités d'investissement. Quelques<br />
produits étaient néanmoins exportés (1% <strong>de</strong>s exportations en 1983) : le cacao, le café, l'huile<br />
<strong>de</strong> palme, et les arachi<strong>de</strong>s. La part <strong>de</strong> l'agriculture dans le PIB était <strong>de</strong> 16% en 1964, 14% en<br />
1966, 10% en 1975, 4,1% en 1981, 6,7% en 1992 et 5% <strong>de</strong>puis 1995. Les surfaces cultivées<br />
sont réduites et évaluées à 5% <strong>de</strong> <strong>la</strong> superficie totale du pays. Le défrichement reste<br />
cependant souvent incontrôlé (en particulier dans le cas d’une agriculture vivrière ou à petite<br />
échelle). Il constitue localement un facteur <strong>de</strong> pression sur le milieu non négligeable,<br />
essentiellement aux abords <strong>de</strong>s pôles <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tions. La production agricole est donc, quasi<br />
exclusivement <strong>de</strong>stinée à <strong>la</strong> consommation <strong>national</strong>e (les bananes p<strong>la</strong>ntain, le taro et le maïs<br />
sont auto-consommés à concurrence d'environ 80%). Les cultures principales sont, par ordre<br />
- 30 -
d'importance décroissante : <strong>la</strong> banane p<strong>la</strong>ntain (291.000 t en 1991), le manioc (222.000 t), le<br />
taro (52.000 t), l'arachi<strong>de</strong> (19.000 t), l’igname, le maïs, et divers légumes. La production <strong>de</strong><br />
sucre <strong>de</strong> canne était <strong>de</strong> 134.000 t en 1981 et <strong>de</strong> 204.000 t en 1983.<br />
Il n'existe au Gabon aucune tradition d'élevage. Si le petit élevage vil<strong>la</strong>geois et <strong>la</strong><br />
chasse, permettent d'assurer les besoins en vian<strong>de</strong> <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions rurales, le cheptel gabonais<br />
(vo<strong>la</strong>ille, chèvres, moutons) est insuffisant pour couvrir les besoins croissants <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion urbaine.<br />
II.2. Des importations alimentaires prononcées<br />
L'agriculture peu développée entraîne <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> recourir aux importations pour<br />
couvrir les besoins <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, mais ce<strong>la</strong> ne pose jusqu’à présent aucun problème<br />
financier au Gabon, qui ne fait donc pas appel à l'ai<strong>de</strong> alimentaire. Pourtant, <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce<br />
commerciale agricole est <strong>la</strong>rgement déficitaire et les importations couvraient près <strong>de</strong> 60% <strong>de</strong>s<br />
besoins alimentaires.<br />
En 1994, les importations totales en céréales s’élevaient à 75.000 t, dont presque <strong>la</strong><br />
moitié était constitué <strong>de</strong> blé. Les céréales (blé et farines, 34.000 t et le riz, 22.000 t)<br />
représentent aujourd'hui à peu près 37 % <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation totale <strong>de</strong> végétaux à Libreville,<br />
ce qui indique <strong>la</strong> part importante d'habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> consommation d’aliments importés (Services<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> mission économique régionale <strong>de</strong> Libreville, 2003). Cette tendance à l'augmentation <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> part <strong>de</strong> céréales dans <strong>la</strong> ration alimentaire au détriment <strong>de</strong>s féculents traditionnels (manioc,<br />
banane p<strong>la</strong>ntain, igname…) est un phénomène très répandu au Gabon. Le pain et le riz étant<br />
parmi les aliments les moins chers sur le marché, on peut s’attendre, à terme, à une totale<br />
dépendance <strong>de</strong>s Gabonais à ces produits importés. En 1997, les disponibilités calorique et<br />
protéique étaient respectivement estimées à 2.556 kcal/pers/jour (dont 777 kcal venant <strong>de</strong>s<br />
céréales) et à 73 g/pers/jour (dont 19 g venant <strong>de</strong>s céréales). En 1992, elles étaient estimées à<br />
2.499 kcal/pers/jour (dont 727 kcal venant <strong>de</strong>s céréales) et 64 g/pers/jour (dont 17 g venant<br />
<strong>de</strong>s céréales).<br />
Le marché <strong>national</strong> est aussi dominé par les importations <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>s (24.464 t pour 19<br />
milliards francs CFA en 1999 contre 33.278 t pour 29 milliards francs CFA en 2000). Le<br />
gouvernement a échoué dans ses créations <strong>de</strong> sociétés publiques <strong>de</strong> promotion d'élevage<br />
bovin (SOGADEL 5 ) et avicole (SIAEB 6 ).<br />
5 Société Gabonaise <strong>de</strong> Développement et d’Elevage ou Agrogabon élevage avant 1990.<br />
- 31 -
II.3. Une exploitation forestière non viable<br />
L’exploitation forestière au Gabon (soit l’exploitation du bois d’œuvre <strong>de</strong>s forêts),<br />
quoique re<strong>la</strong>tivement récente (fin du XIX e siècle) a subi <strong>de</strong>puis lors, d’importantes mutations.<br />
Très sommaire entre 1900 et 1913 et cantonnée à l’immédiate proximité <strong>de</strong>s fleuves, rivières<br />
et <strong>la</strong>cs (pour l’évacuation par flottage), l’exploitation forestière s’est <strong>la</strong>rgement étendue après<br />
<strong>la</strong> 1 ère guerre mondiale avec l’avènement du rail. Les années 20 et 30 furent <strong>de</strong>s années<br />
d’euphorie (40.000 tonnes exportées en 1930 pour 1,5 millions d’hectares attribués).<br />
L’exploitation du bois, qui n’était à l’origine qu’une cueillette, a pris son véritable essor après<br />
<strong>la</strong> découverte vers <strong>la</strong> fin du XIX e siècle par les Allemands <strong>de</strong>s propriétés technologiques <strong>de</strong><br />
l’Okoumé (Aucoumea k<strong>la</strong>ineana, Burseraceae). Celui-ci, tout d’abord utilisé pour <strong>la</strong><br />
confection <strong>de</strong> boîtes <strong>de</strong> cigares, a ensuite été déroulé pour <strong>la</strong> confection <strong>de</strong> p<strong>la</strong>cages. Depuis<br />
et jusqu'à aujourd’hui, l’Okoumé constitue l’essentiel du volume exporté (75% en 1997) en<br />
quasi-totalité vers l’Europe et l’Asie.<br />
De nos jours, avec <strong>la</strong> crise asiatique, il s’agit d’une activité en pleine expansion<br />
surtout avec le développement <strong>de</strong>s essences dites bois divers (bois autres que l’Okoumé et<br />
l’Ozigo). Soucieux du maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> fonction économique <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt du temps <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
colonisation et jusqu’au années 1970, l’État s’est ensuite peu à peu orienté vers une gestion<br />
plus opportuniste, c'est-à-dire davantage basée sur le profit immédiat et sans réelle vision à<br />
long terme du renouvellement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource, du maintien <strong>de</strong> l’intégrité <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt et <strong>de</strong> ses<br />
fonctions. Cette position a commencé à évoluer dans les années 1980 sous l’influence <strong>de</strong><br />
pressions extérieures (action <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds, <strong>de</strong>s ONG inter<strong>national</strong>es), et d’une prise<br />
<strong>de</strong> conscience <strong>de</strong>s conséquences qu’aurait une gestion non durable sur l’économie du pays et<br />
sur l’environnement. Ce changement <strong>de</strong> cap s’est d’ores et déjà matérialisé par l’adhésion <strong>de</strong><br />
l’État à <strong>de</strong>s conventions et accords internationaux.<br />
L’exploitation forestière introduit <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> perturbations. En premier lieu elle<br />
entraîne une modification directe du milieu naturel et, <strong>de</strong> plus, elle crée <strong>de</strong>s pistes nécessaires<br />
à l’évacuation du bois mais qui constituent <strong>de</strong>s axes <strong>de</strong> pénétration utilisables par<br />
d’éventuelles popu<strong>la</strong>tions pionnières, en quête <strong>de</strong> terres à cultiver ou <strong>de</strong> gibier à<br />
commercialiser. La création d’un réseau <strong>de</strong>nse <strong>de</strong> pistes forestières a rendu accessibles, <strong>de</strong>s<br />
zones dont l’isolement assurait autrefois <strong>la</strong> protection et qui font désormais, l’objet <strong>de</strong> forte<br />
6 Société Industrielle Agricole et d’Elevage <strong>de</strong> Boumango. La SIAEB créée en 1980 par l'État (actionnaire à<br />
37,48%) et <strong>de</strong>s sociétés privées franco-gabonaises, <strong>la</strong> SOMDIAA (19.54%), <strong>la</strong> COMILOG (14.6%) et <strong>la</strong> SMAG<br />
(14,66%) sur <strong>la</strong> base d'étu<strong>de</strong>s réalisées par SOMDIAA, présentait l'originalité d'une production intégrée<br />
aliments-poulets.<br />
- 32 -
pression <strong>de</strong> chasse. Au Gabon, l’élevage d’animaux conventionnels étant très peu développé,<br />
une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s protéines animales proviennent essentiellement <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage. En<br />
conséquence, une chasse commerciale, illégale, principalement centrée sur <strong>la</strong><br />
commercialisation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier, s’est organisée pour satisfaire une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> urbaine<br />
sans cesse en croissance. À Libreville, on estime qu’un minimum <strong>de</strong> 500 tonnes <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
gibier sont commercialisées chaque année sur les trois principaux marchés <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville (Steel,<br />
1994).<br />
II.4. La fin <strong>de</strong>s rentes pétrolières<br />
De nos jours, les gisements <strong>de</strong> pétrole vieillissent ; <strong>la</strong> production et les revenus vont<br />
forcément poursuivre leur déclin actuel aux cours <strong>de</strong>s prochaines décennies jusqu'à<br />
épuisement. Les prévisions considèrent improbables <strong>la</strong> découverte <strong>de</strong> nouveaux et importants<br />
gisements <strong>de</strong> pétrole. Aucune source alternative en vue ne pourrait va<strong>la</strong>blement remp<strong>la</strong>cer le<br />
pétrole. Pour un pays dont le secteur public constitue le principal employeur (47,5% <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion avaient un travail dans l’administration en 1997), <strong>la</strong> rente pétrolière, qui<br />
représentait 73% du PIB en 2002, s'assèche dangereusement. La production avait déjà chuté<br />
<strong>de</strong> 17% entre 1999 et 2002. Et, malgré une année 2003 moins mauvaise que prévue, <strong>la</strong><br />
Banque Mondiale relève que <strong>la</strong> production risque <strong>de</strong> diminuer <strong>de</strong> 50% dans les 5 ans à venir.<br />
Le service <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>tte, qui absorbe déjà <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong>s revenus du pays, risque <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir<br />
rapi<strong>de</strong>ment insupportable. Le Gabon est le premier pays du golfe <strong>de</strong> Guinée à être ainsi<br />
confronté à l'après-pétrole (Libération du 18/12/03). Si nous acceptons que les heures <strong>de</strong><br />
gloire <strong>de</strong> l’économie foncièrement rentière du Gabon arrivent à leur terme, on peut entrevoir<br />
les défis majeurs qui en résulteront tant du point <strong>de</strong> vue du développement économique que<br />
<strong>de</strong> celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong>s forêts. La crise actuelle est véritablement mineure par rapport<br />
aux pressions d’ajustement auxquelles le Gabon <strong>de</strong>vra faire face au moment <strong>de</strong><br />
l’effondrement réel <strong>de</strong> ses revenus pétroliers. Ceci entraînera une baisse substantielle <strong>de</strong>s<br />
revenus par habitant, les opportunités d’emplois urbains se raréfieront au fil <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
décroissance <strong>de</strong>s revenus du pétrole et <strong>de</strong> nombreux Gabonais <strong>de</strong>vront adopter <strong>de</strong>s stratégies<br />
<strong>de</strong> survie. Ces alternatives incluront sans nul doute les secteurs comportant l’utilisation <strong>de</strong>s<br />
terres et en particulier l’agriculture. On entrevoit une « ruralisation » automatique du Gabon<br />
après le boom pétrolier ; nous nous attendons donc à une migration en retour vers les zones<br />
rurales et à une augmentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> production agricole sur brûlis <strong>de</strong> produits vivriers<br />
nécessitant <strong>de</strong> vastes étendues <strong>de</strong> terre tels que <strong>la</strong> banane (Musa paradisiaca, Musaceae) et le<br />
- 33 -
manioc (Manihot esculenta, Euphorbiaceae) qui dans le pays sont généralement le <strong>de</strong>rnier<br />
recours <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions en temps <strong>de</strong> crises urbaines soutenues. En outre les pressions vont<br />
s’accentuer en faveur <strong>de</strong> l’extraction du bois dans l’optique d’une compensation partielle <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> baisse <strong>de</strong>s <strong>de</strong>vises. Ces facteurs entraîneront nécessairement une montée <strong>de</strong> <strong>la</strong> dégradation<br />
<strong>de</strong>s forêts et, au fil <strong>de</strong> l’expansion d’une agriculture incertaine, <strong>la</strong> déforestation (Wun<strong>de</strong>r,<br />
2003). Actuellement, le Gabon cherche à multiplier ses revenus par un accroissement <strong>de</strong><br />
l’exploitation <strong>de</strong>s ressources minières (fer <strong>de</strong> Bélinga, manganèse d’Okondja, …) et, par une<br />
augmentation <strong>de</strong>s surfaces forestières exploitables (ouverture <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone 3 à l’exploitation<br />
forestière).<br />
II.5. Les Défis à venir<br />
Dans ce scénario, <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage <strong>de</strong>viendra un défi<br />
aussi complexe que <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune dans <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> conflits comme c’est le cas en<br />
République Démocratique du Congo (R.D.C). En effet, pour bon nombre <strong>de</strong> Gabonais, <strong>la</strong><br />
pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse s’intègre dans une stratégie <strong>de</strong> subsistance où se combinent diverses<br />
sources <strong>de</strong> revenus. Elle est intégrée à d’autres activités (associant agriculture, pêche,<br />
cueillette, petits commerces variés, prestations <strong>de</strong> tâcherons) et permet d’assurer un revenu<br />
mo<strong>de</strong>ste mais nécessaire à <strong>la</strong> survie <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille.<br />
Le défi du Gabon sera donc <strong>de</strong> concevoir <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> conservation et <strong>de</strong> gestion<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage qui permettent à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’exploiter <strong>la</strong> ressource sans pour autant<br />
mettre en péril son renouvellement (Binot et al., 2004). La tâche, extrêmement complexe à<br />
mettre en œuvre, est <strong>de</strong> concilier les impératifs <strong>de</strong> conservation (<strong>la</strong> menace qui pèse sur <strong>la</strong><br />
faune est bien réelle, et il <strong>de</strong>vient urgent d’agir), avec <strong>la</strong> nécessité d’admettre <strong>la</strong> poursuite<br />
d’une activité <strong>de</strong> chasse sans <strong>la</strong>quelle aucun développement rural n’est possible, au moins à<br />
moyen terme. Une persistance réaliste <strong>de</strong> pratiques cynégétiques durables suppose une<br />
compréhension fine <strong>de</strong>s acteurs, <strong>de</strong>s pratiques, <strong>de</strong>s filières économiques et <strong>de</strong>s besoins<br />
(Dounias, 2000). Cependant, même si ces connaissances étaient disponibles, aucune<br />
amélioration <strong>de</strong> l’existence quotidienne <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions rurales et urbaine ne pourrait se faire<br />
sans une volonté politique <strong>de</strong> lutte contre <strong>la</strong> pauvreté au Gabon. En effet, près <strong>de</strong> 20 % <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s plus gran<strong>de</strong>s villes, Libreville et Port-Gentil (environ 70 % <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />
total du Gabon est concentrée dans ces <strong>de</strong>ux villes) vivent en <strong>de</strong>ssous du seuil <strong>de</strong> <strong>la</strong> pauvreté<br />
absolue estimé à environ 29.000 FCFA soit 44 euros par mois et par personne. Au sein <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions rurales, l’inci<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> pauvreté absolue est plus difficilement appréciable car il<br />
- 34 -
ne prend en compte que les revenus monétaires, <strong>la</strong>issant <strong>de</strong> côté d’autres éléments permettant<br />
d’évaluer <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> vie. Quoi qu'il en soit, avec moins 44 euros par mois, les familles ont<br />
du mal à accé<strong>de</strong>r au minimum vital, dans un mon<strong>de</strong> où l’économie <strong>de</strong> marché domine. Ce<br />
n’est que récemment que le pays a préparé son Document <strong>de</strong> Stratégie <strong>de</strong> Réduction <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Pauvreté (DSRP). Qu’est-ce que ce<strong>la</strong> signifie ? La solution est-elle politiquement viable vu<br />
les réalités actuelles ?<br />
II.6. Le DSRP du Gabon<br />
Le gouvernement gabonais a engagé en 2002 <strong>la</strong> préparation d’un DSRP. Les DSRP<br />
sont une stratégie globale basée sur une vision intégrée du développement <strong>de</strong>stiné à améliorer<br />
<strong>la</strong> croissance, à réduire <strong>la</strong> pauvreté et à mieux intégrer le concept d’équité. Ils comportent <strong>de</strong>s<br />
mesures susceptibles <strong>de</strong> réorienter les politiques publiques en faveur <strong>de</strong> <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
pauvreté ; l’appropriation <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> développement par les pays ; un partenariat et une<br />
démarche participative incluant <strong>la</strong> société civile, le secteur privé, les communautés <strong>de</strong> base.<br />
suivants :<br />
Les trois axes indicatifs <strong>de</strong>s tendances actuelles <strong>de</strong> <strong>la</strong> réflexion sur le DSRP sont les<br />
- (i) un état <strong>de</strong>s lieux sur <strong>la</strong> pauvreté au Gabon, basé sur <strong>de</strong>ux étu<strong>de</strong>s déjà réalisées, à<br />
savoir l’Enquête Budget Consommation et l’Enquête Démographique et <strong>de</strong> Santé<br />
(EDS)<br />
- (ii) <strong>la</strong> définition <strong>de</strong> trois objectifs prioritaires pour le DSRP<br />
- le doublement du revenu par tête d’habitant d’ici 2015, ceci dans le cadre<br />
d’une croissance forte, équilibrée et mieux répartie,<br />
- <strong>la</strong> généralisation <strong>de</strong> l’accès aux services sociaux, essentiels avec<br />
l’accélération <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s infrastructures <strong>de</strong> base,<br />
- l’éradication <strong>de</strong> toutes formes d’exclusion au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation et<br />
l’instauration <strong>de</strong> l’égalité <strong>de</strong>s sexes dans l’enseignement primaire.<br />
- (iii) l’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong> stratégies pertinentes en vue d’atteindre les objectifs<br />
susmentionnés qui s’appuient sur quatre leviers fondamentaux :<br />
- <strong>la</strong> création <strong>de</strong> richesse,<br />
- le renforcement <strong>de</strong>s capacités et <strong>la</strong> promotion <strong>de</strong>s services sociaux <strong>de</strong> bases,<br />
- l’amélioration <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s groupes vulnérables,<br />
- <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’un dispositif <strong>de</strong> mise en œuvre et <strong>de</strong> suivi d'évaluation.<br />
- 35 -
La question qui peut se poser est <strong>de</strong> savoir alors si, au moment <strong>de</strong> l’abondance, le pays<br />
n’a pu véritablement relever les défis sociaux, pourra t-il le faire au moment où ses richesses<br />
s’amenuisent ? Plus simplement, le Gabon dispose t-il <strong>de</strong>s ressources pour mettre en œuvre ce<br />
DSRP ?<br />
Le Gabon cherche actuellement, tant bien que mal, à diversifier son économie. La<br />
forêt gabonaise, jadis principale richesse du pays avec l’exploitation <strong>de</strong> ses essences entre<br />
autres l’Okoumé, réapparaît donc comme une source <strong>de</strong> diversification <strong>de</strong> l’économie mais,<br />
avec <strong>de</strong> nouveaux mo<strong>de</strong>s d’exploitation et <strong>de</strong> nouvelles contraintes environnementales. Ainsi,<br />
sous l’impulsion d’ONGs inter<strong>national</strong>es <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité, le pays vient <strong>de</strong><br />
se <strong>la</strong>ncer dans un défi presque utopique à savoir <strong>de</strong> concilier « développement et bien-être <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions avec conservation <strong>de</strong> l’environnement ». Le discours du Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
République Gabonaise du 30 juin 2003 n’en dit pas moins sur cette volonté au plus haut<br />
niveau politique <strong>de</strong> diversifier l’économie du pays :<br />
« J’ai créé 13 Parcs Nationaux qui vont être <strong>de</strong>s aires <strong>de</strong> préservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faune; mais cette décision ne restera pas qu’une décision <strong>de</strong> papier, comme certains s’en<br />
inquiètent. La forêt gabonaise, qui représente une richesse mondiale inestimable, va<br />
constituer l’un <strong>de</strong>s axes <strong>de</strong> ma stratégie <strong>de</strong> lutte contre <strong>la</strong> pauvreté. Il s’agira <strong>de</strong> <strong>la</strong> gérer <strong>de</strong><br />
façon rationnelle pour qu’elle soit génératrice d’emplois et <strong>de</strong> revenus autres que ceux<br />
procurés par l’exploitation du bois » (La pirogue n°1, 2003)<br />
Section III - Les Parcs Nationaux du Gabon, une solution d’avenir<br />
Le 30 août 2002, le prési<strong>de</strong>nt du Gabon crée par ordonnance n°6/2002 portant<br />
modification <strong>de</strong> certaines dispositions <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi n°16/2001, portant co<strong>de</strong> forestier en<br />
République Gabonaise, un réseau <strong>de</strong> 13 Parcs Nationaux (Carte 4). Il s’agit <strong>de</strong>s Parcs<br />
Nationaux <strong>de</strong> Minkébé, Mwagne, Ivindo, Lopé, Birougou, Waka, Mouka<strong>la</strong>ba-Doudou,<br />
Mayumba, P<strong>la</strong>teaux Batéké, Loango, Akanda, Pongara et Monts <strong>de</strong> Cristal. Ces parcs<br />
nationaux représentent 2.837.128 hectares, soit plus <strong>de</strong> 10,6 % <strong>de</strong> <strong>la</strong> superficie totale du<br />
territoire ; <strong>de</strong> plus, ces parcs comprennent 129.307 hectares <strong>de</strong> territoire marin. Cette décision<br />
du prési<strong>de</strong>nt gabonais <strong>de</strong> créer le réseau <strong>de</strong>s parcs nationaux, est <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> l’engagement pris<br />
par son pays à Rio en 1992, lors du Sommet <strong>de</strong> <strong>la</strong> Terre en entérinant les objectifs et les<br />
recommandations <strong>de</strong> <strong>la</strong> Convention sur <strong>la</strong> Biodiversité.<br />
- 36 -
Les parcs nationaux gabonais sont gérés par le Conseil National <strong>de</strong>s Parcs Nationaux<br />
(CNPN). Il s’agit d’un organisme interministériel p<strong>la</strong>cé sous l’autorité directe du Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> République, Chef <strong>de</strong> l’État. Il est chargé <strong>de</strong> superviser <strong>la</strong> création, l’imp<strong>la</strong>ntation<br />
géographique, <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s parcs nationaux, y compris les activités d’ordre touristique et<br />
scientifique pouvant se déployer en leur sein. Le CNPN est consulté par le gouvernement et<br />
donne son avis sur les questions re<strong>la</strong>tives aux parcs nationaux (Article 81a <strong>de</strong> l’ordonnance <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> loi n°6/2002). Ce <strong>de</strong>rnier définit le parc <strong>national</strong> comme étant : « un espace économique<br />
dans lequel le défi consiste à exploiter durablement <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s merveilles biologiques,<br />
archéologiques et culturelles <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone considérée, pour le bénéfice social <strong>de</strong>s communautés<br />
locales avoisinantes, mais aussi pour le bénéfice économique <strong>de</strong> <strong>la</strong> nation entière ». Il est<br />
question en plus selon le CNPN, <strong>de</strong> « tirer le meilleur parti <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong>s ressources<br />
naturelles, en développant <strong>de</strong>s activités touristiques, récréatives et <strong>de</strong> loisirs permettant à <strong>la</strong><br />
communauté <strong>national</strong>e et inter<strong>national</strong>e <strong>de</strong> faire une expérience unique <strong>de</strong> découverte ».<br />
La mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s Parcs Nationaux au Gabon, est le résultat <strong>de</strong> plusieurs années <strong>de</strong><br />
travaux et <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>s du gouvernement gabonais, avec l’appui technique et financier <strong>de</strong>s<br />
partenaires internationaux tels que l’Union pour <strong>la</strong> Conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature (UICN), le<br />
World Wildlife Fund for Nature (WWF) et <strong>la</strong> Wildlife Conservation Society (WCS). Les<br />
enjeux majeurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s parcs nationaux sont donc <strong>de</strong> trois ordres : (i) économique,<br />
(ii) écologiques et scientifiques, et (iii) sociaux.<br />
III.1. L’enjeu économique<br />
L’enjeu premier attendu <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong>s parcs nationaux, est <strong>la</strong> diversification et<br />
<strong>la</strong> restructuration du tissu économique gabonais, <strong>de</strong> façon à contreba<strong>la</strong>ncer <strong>la</strong> part re<strong>la</strong>tive du<br />
secteur pétrolier dans <strong>la</strong> richesse <strong>national</strong>e. Le but est <strong>de</strong> faire émerger <strong>de</strong> nouveaux secteurs,<br />
générateurs <strong>de</strong> revenus et en é<strong>la</strong>rgissant par <strong>la</strong> même occasion, un marché <strong>de</strong> l’emploi <strong>de</strong> plus<br />
en plus étroit. Cet effet recherché est également un gage <strong>de</strong> stabilité politique et sociale.<br />
À l’instar <strong>de</strong> certains pays africains (Kenya, Tanzanie…) pour lesquels le tourisme en<br />
général, et l’écotourisme en particulier, contribuent pour beaucoup au PIB, le Gabon, à<br />
travers son réseau <strong>de</strong>s parcs, a l’opportunité <strong>de</strong> faire émerger une forte filière écotouristique.<br />
Celle-ci serait, en même temps que les secteurs du bois et <strong>de</strong> <strong>la</strong> pêche industrialisés et le<br />
secteur environnemental développé, une alternative au secteur pétrolier dont <strong>la</strong> contribution<br />
au budget <strong>national</strong> décroît au fil <strong>de</strong>s années. L’objectif étant à moyen et long terme <strong>de</strong><br />
parvenir à :<br />
- 37 -
- (i) une diversification <strong>de</strong> l’économie,<br />
- (ii) une dynamisation du secteur privé et,<br />
- (iii) une moindre dépendance à l’égard du secteur pétrolier.<br />
Pour <strong>la</strong>ncer le secteur <strong>de</strong> l’écotourisme, un minimum d’investissements va être<br />
nécessaire au début mais les bénéfices pourraient très rapi<strong>de</strong>ment compenser les engagements<br />
initiaux. De façon générale, pour schématiser, et en se fondant sur l’exemple pilote <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
réserve <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lopé (<strong>de</strong>venu le Parc National <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lopé), il est possible d’estimer les bénéfices<br />
potentiels <strong>de</strong> l’écotourisme. Si 30 écotouristes (soit 10.950 touristes par an) fréquentent par<br />
jour chacun <strong>de</strong>s 13 Parcs Nationaux, cette activité pourrait engendrer un chiffre d’affaire<br />
annuel <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 142 milliards <strong>de</strong> francs CFA (soit environ 12 % du budget <strong>de</strong> l’État en<br />
2005) en prenant pour repère, un million <strong>de</strong> francs CFA (pour les dép<strong>la</strong>cements, les<br />
excursions, l’hébergement et <strong>la</strong> restauration) par touriste et par jour. À ce<strong>la</strong> s’ajouteraient les<br />
revenus issus <strong>de</strong> <strong>la</strong> fiscalité appliquée aux secteurs du tourisme et <strong>de</strong>s transports.<br />
Les bénéfices connexes et induits sont plus difficiles à calculer, mais il est fort<br />
probable qu’ils dépassent encore le niveau <strong>de</strong>s bénéfices directs. Par ailleurs, l’émergence<br />
d’une filière écotourisme, permettrait d’enrayer le déclin économique du mon<strong>de</strong> rural causé<br />
par l’absence d’activités économiques et l’exo<strong>de</strong> rural. Les préa<strong>la</strong>bles pour parvenir à<br />
concrétiser le fort potentiel économique <strong>de</strong>s parcs passent par :<br />
- (i) <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> structures d’accueil et <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> communication adéquats,<br />
- (ii) l’aménagement efficient <strong>de</strong>s parcs,<br />
- (iii) <strong>la</strong> formation <strong>de</strong>s différents intervenants <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière,<br />
- iv) <strong>la</strong> réforme <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique d’entrée au Gabon,<br />
- (v) <strong>la</strong> réforme <strong>de</strong> <strong>la</strong> fiscalité <strong>de</strong>s secteurs du tourisme et <strong>de</strong>s transports,<br />
- (vi) <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’un environnement légis<strong>la</strong>tif libéralisé, favorable à <strong>la</strong> venue<br />
d’entrepreneurs non gabonais et <strong>de</strong>s opportunités <strong>de</strong> crédit, favorables à l’émergence<br />
<strong>de</strong>s privés gabonais avec un accent particulier mis sur <strong>la</strong> micro-finance.<br />
III.2. L’enjeu écologique et scientifique<br />
La forêt gabonaise, on l’a vu précé<strong>de</strong>mment, occupe une gran<strong>de</strong> partie du pays. Elle<br />
comporte une diversité biologique parmi les plus riches <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région. Au point <strong>de</strong> vue<br />
floristique, on considère que cette région est l’une <strong>de</strong>s plus riches en nombre d’espèces par<br />
unité <strong>de</strong> surface <strong>de</strong> toute l’Afrique tropicale avec plus <strong>de</strong> 6.000 espèces. La faune ne compte<br />
pas moins <strong>de</strong> 130 espèces <strong>de</strong> Mammifères dont 19 espèces <strong>de</strong> Primates avec d’importantes<br />
- 38 -
popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> grands Primates (Gorilles et Chimpanzés). La flore et <strong>la</strong> faune du Gabon sont<br />
extrêmement riches avec un taux d’endémisme élevé. Cependant, le fonctionnement <strong>de</strong> cet<br />
écosystème reste assez mal connu : en témoignent par exemple, les récentes découvertes <strong>de</strong>s<br />
« baï » ou salines, sortes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s c<strong>la</strong>irières forestières localisées en plein milieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt<br />
et où se regroupent un grand nombre d’animaux d’espèces différentes. Plusieurs <strong>de</strong>s Parcs<br />
Nationaux du Gabon, renferment<br />
- d’une part <strong>de</strong>s forêts très enc<strong>la</strong>vées où l’homme a eu très peu d’impacts. Ces milieux<br />
constituent <strong>de</strong>s <strong>la</strong>boratoires naturels d’étu<strong>de</strong>s témoins pour les scientifiques.<br />
- d’autre part, aux endroits où sont présentes les popu<strong>la</strong>tions, <strong>de</strong>s sites intéressants d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
re<strong>la</strong>tions hommes / milieux naturels.<br />
Le réseau <strong>de</strong>s parcs du Gabon apparaissent donc d’une gran<strong>de</strong> importance autant pour<br />
<strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité que pour <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> scientifique. En effet, il paraît presque<br />
incontournable que <strong>de</strong> nombreux <strong>la</strong>boratoires <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> en écologie tropicale, puissent<br />
bientôt envisager d’imp<strong>la</strong>nter <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> au Gabon ou appuyer <strong>de</strong>s institutions<br />
gabonaises <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> afin <strong>de</strong> profiter du contexte, pour découvrir et nommer <strong>de</strong> nouvelles<br />
espèces ou mieux connaître celles déjà répertoriées ou encore étudier les propriétés<br />
médicinales ou cosmétiques <strong>de</strong> certaines p<strong>la</strong>ntes.<br />
La diversité <strong>de</strong>s écosystèmes choisis en termes <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tions animales et végétales a<br />
été déterminante dans <strong>la</strong> délimitation <strong>de</strong>s Parcs Nationaux du Gabon et va permettre <strong>la</strong><br />
conservation d’un nombre inimaginable d’organismes biologiques et attirer <strong>de</strong>s scientifiques<br />
aux centres d’intérêts complètement différents. À titre d’exemple, le parc <strong>national</strong> <strong>de</strong><br />
Mayumba, une magnifique <strong>la</strong>ngue <strong>de</strong> sable dont les p<strong>la</strong>ges constituent le premier site au<br />
mon<strong>de</strong> pour <strong>la</strong> nidification <strong>de</strong>s tortues luths (Dermochelys coriacea), suscite un intérêt<br />
différent <strong>de</strong> celui du Parc <strong>national</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lopé où <strong>la</strong> concentration en mandrills (Mandrillus<br />
papio sphinx) est <strong>la</strong> plus importante du Gabon et où <strong>de</strong>s traces <strong>de</strong> l’homme datant <strong>de</strong> plus <strong>de</strong><br />
400.000 ans ont été retrouvées. L’enjeu écologique et scientifique est grand et <strong>de</strong> <strong>la</strong> façon<br />
dont il sera géré dépendra le futur économique voire social <strong>de</strong>s Parcs Nationaux du Gabon.<br />
- 39 -
Carte 4 : Réseau <strong>de</strong>s Parcs Nationaux du Gabon<br />
Réseau <strong>de</strong>s PNs du Gabon<br />
Akanda<br />
53780 ha<br />
Pongara<br />
92969 ha<br />
Loango<br />
155224 ha<br />
Mouka<strong>la</strong>ba-Doudou<br />
449548 ha<br />
Monts <strong>de</strong> Cristal<br />
119636 ha<br />
W aka<br />
106938 ha<br />
Mayumba<br />
97163 ha<br />
Ivindo<br />
300274 ha<br />
Birougou<br />
69021 ha<br />
Lopé<br />
491291 ha<br />
3 3 Kilometers<br />
Minkébé<br />
757669 ha<br />
Mwagné<br />
116475 ha<br />
W<br />
P<strong>la</strong>teau Batéké<br />
204854 ha<br />
Parcs Nationaux<br />
Limites administratives<br />
N<br />
S<br />
E<br />
- 40 -
III.3. L’enjeu social<br />
L’enjeu social <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s parcs est intimement lié au volet économique <strong>de</strong>s ces<br />
<strong>de</strong>rniers. L’exploitation et <strong>la</strong> mise en valeur <strong>de</strong>s parcs vont entraîner d’importants<br />
changements sociaux tant en milieu urbain qu’en milieu rural. En principe, les perspectives<br />
sont plutôt encourageantes et prometteuses mais il est important <strong>de</strong> prévenir <strong>de</strong>s situations<br />
conflictuelles et d’anticiper <strong>de</strong>s scénarii catastrophes. L’enjeu social se décline en <strong>de</strong>ux<br />
volets :<br />
- (i) <strong>la</strong> création d’emplois engendrés par l’administration <strong>de</strong>s parcs,<br />
- (ii) l’amélioration <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions rurales vivant à l’intérieur ou<br />
à proximité <strong>de</strong>s parcs.<br />
En termes <strong>de</strong> création d’emplois, le potentiel pour le secteur <strong>de</strong> l’écotourisme est<br />
énorme. De façon générale, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s métiers c<strong>la</strong>ssiques <strong>de</strong> l’hôtellerie et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
restauration qui <strong>de</strong>vraient nécessiter une main-d’œuvre abondante, <strong>de</strong>s nouveaux métiers dans<br />
le domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s parcs (conservateurs, gui<strong>de</strong>s, éco-gar<strong>de</strong>s, etc.) et dans le domaine<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s agences <strong>de</strong> tourisme <strong>de</strong>vraient naître. De plus, <strong>la</strong> construction <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong><br />
communication terrestres, <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce, l’entretien et l’exploitation <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong><br />
télécommunication <strong>de</strong>vraient mobiliser un personnel considérable. La configuration actuelle<br />
du marché <strong>de</strong> l’emploi <strong>de</strong>vrait se trouver complètement changée, parce qu’é<strong>la</strong>rgie suite à<br />
l’émergence du secteur <strong>de</strong> l’écotourisme qui aurait d’énormes besoins en main d’œuvre. Il<br />
<strong>de</strong>vrait être possible d’anticiper l’organisation et les formations <strong>de</strong>s personnels dont <strong>la</strong> filière<br />
aura besoin pour remplir le rôle économique et social qu’on attend d’elle.<br />
Plus particulièrement, l’émergence d’une filière écotourisme <strong>de</strong>vrait être l’opportunité,<br />
<strong>de</strong> re<strong>la</strong>ncer l’entreprenariat privé au Gabon. Le secteur privé serait l’employeur principal dans<br />
le secteur du tourisme, au moment où l’État est en train <strong>de</strong> se retirer <strong>de</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s<br />
entreprises parapubliques. Les initiatives et activités locales <strong>de</strong>vraient également être<br />
dynamisées pour donner aux ruraux gabonais, <strong>la</strong> possibilité d’aspirer à une indépendance<br />
financière et donc, à <strong>de</strong> meilleures conditions <strong>de</strong> vie. Les avantages sociaux en termes <strong>de</strong><br />
création d’emplois sont réels.<br />
L’exploitation <strong>de</strong>s Parcs Nationaux va apporter <strong>de</strong>s opportunités d’emplois, <strong>de</strong><br />
diversification <strong>de</strong>s activités économiques, <strong>de</strong> valorisation culturelle <strong>de</strong>s régions du Gabon,<br />
d’échanges et <strong>de</strong> développement socio-économique <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions concernées. Les<br />
- 41 -
conditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions vivant dans les parcs, ou dans les alentours, pourraient<br />
s’améliorer considérablement. Ces popu<strong>la</strong>tions pourraient bénéficier d’emplois, et/ou<br />
bénéficier <strong>de</strong> façon directe, d’investissements sous forme <strong>de</strong> structures sociales et<br />
d’infrastructures, rendues possibles par <strong>la</strong> mise à disposition d’un pourcentage <strong>de</strong>s revenus<br />
générés par l’exploitation <strong>de</strong>s parcs.<br />
III.4. Des difficultés <strong>de</strong> mises en œuvre <strong>de</strong>s parcs et <strong>de</strong>s contraintes en perspectives<br />
Toutefois, <strong>la</strong> mise en œuvre du réseau <strong>de</strong>s Parcs Nationaux du Gabon quoique assez<br />
récente, se heurte à <strong>de</strong> nombreuses difficultés d’ordre institutionnel, financier, matériel et<br />
humain.<br />
- (i) Sur le p<strong>la</strong>n institutionnel, les parcs nationaux sont gérés par le CNPN. Avant <strong>la</strong><br />
création <strong>de</strong>s parcs nationaux au Gabon, les forêts gabonaises étaient gérées par les services du<br />
ministère <strong>de</strong>s Eaux et Forêts Chargé <strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature. Ce<br />
ministère, un <strong>de</strong>s plus nantis du pays, avait déjà <strong>de</strong>s difficultés à faire <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce entre<br />
l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt et <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité. Ainsi, <strong>la</strong> Direction du bois (qui<br />
gère l’exploitation forestière) était très souvent en conflit avec <strong>la</strong> Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse (DFC) qui, elle, a en charge <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. La DFC était appuyée<br />
financièrement par les ONGs inter<strong>national</strong>es <strong>de</strong> conservation. Très rapi<strong>de</strong>ment, et souvent<br />
sous l’impulsion d’intérêts personnels, un conflit <strong>de</strong> compétence entre le CNPN et le<br />
Ministère s’est installé. Le résultat s’est traduit par un flou institutionnel en faveur<br />
d’entreprises forestières, qui se sont empressées d’occuper le terrain, en prévision<br />
d’éventuelles restrictions, pouvant être contraignantes pour leurs activités. Le ministère, en se<br />
désengageant d’un <strong>de</strong> ses mandats <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, a ainsi jeté l’anathème sur le<br />
CNPN, qui n’est pourtant qu’un organisme interministériel.<br />
- (ii) À côté <strong>de</strong>s problèmes institutionnels, il y a ceux liés aux questions financières. La<br />
décision du Chef <strong>de</strong> l’État Gabonais <strong>de</strong> créer le réseau <strong>de</strong>s parcs nationaux, est, comme nous<br />
l’avons annoncé, une suite logique <strong>de</strong>s recommandations du Sommet <strong>de</strong> <strong>la</strong> Terre qui s’est tenu<br />
à Rio en 1992. Dans cet esprit, les pays du Nord <strong>de</strong>vaient ai<strong>de</strong>r les pays du Sud, à une<br />
meilleure gouvernance <strong>de</strong> ce qui est considéré comme le « poumon <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète », à savoir<br />
leurs écosystèmes naturelles. Cette décision <strong>de</strong>vrait donc drainer d’importants financements<br />
car le Gabon ne pouvait avoir les moyens matériels, techniques, humains et financiers <strong>de</strong> sa<br />
politique <strong>de</strong>s parcs. Ainsi, les engagements <strong>de</strong>s États-Unis ont été tout <strong>de</strong> suite, une promesse<br />
- 42 -
<strong>de</strong> 53.000.000 US$, qui seraient attribués dans le cadre du Partenariat pour les Forêts du<br />
Bassin du Congo. Ce partenariat couvre 11 zones écologiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région, dont 5 sont<br />
situées au Gabon, et concerne 11 parcs nationaux. Il y eut également <strong>la</strong> promesse <strong>de</strong><br />
3.200.000 US$ <strong>de</strong> <strong>la</strong> fondation Moore (USA) au Gabon dont 1.600.000 US$ seraient attribués<br />
directement par <strong>la</strong> fondation, et 1.600.000 US$ qui seraient attribués par trois ONG<br />
inter<strong>national</strong>es <strong>de</strong> conservation (WWF, WCS et CI).<br />
Ces sommes ont certainement d’avantage creusé le fossé entre le ministère et le CNPN<br />
<strong>de</strong>venu autonome financièrement pour assumer ses missions. Malheureusement, le CNPN<br />
n’est pas habilité à protéger <strong>la</strong> nature car c’est le mandat du ministère. Les ONG<br />
inter<strong>national</strong>es (WCS, WWF et CI) ne sont pas neutres dans cette histoire. Pour preuve, tous<br />
les financements extérieurs <strong>de</strong>s parcs nationaux prévus pour le Gabon, sont gérés par ces<br />
ONG. La situation actuelle peut être décrite <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière suivante : il s’agit d’une voiture (les<br />
parcs nationaux), conduite par son propriétaire (le CNPN), formé à l’école <strong>de</strong> conduite du<br />
concessionnaire (les ONG) qui entretient le véhicule et paie son carburant. Il faut rappeler<br />
qu’avant <strong>la</strong> création <strong>de</strong>s parcs nationaux et du CNPN, les ONG WWF et WCS, travail<strong>la</strong>ient en<br />
étroite col<strong>la</strong>boration avec le ministère à travers un <strong>de</strong> ses services à savoir, <strong>la</strong> Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Faune et <strong>la</strong> Chasse (DFC). Ces ONG appuyaient matériellement, logistiquement et<br />
financièrement les briga<strong>de</strong>s <strong>de</strong> luttes anti-braconnage déployées dans le pays. Tous les agents<br />
recrutés par ces ONG étaient, <strong>de</strong> fait, <strong>de</strong>s fonctionnaires du ministère. La création du CNPN<br />
est apparue comme <strong>la</strong> fin du règne <strong>de</strong> <strong>la</strong> DFC qui s’est vue dépossédée <strong>de</strong> ses appuis<br />
extérieurs. Actuellement, <strong>la</strong> situation est ambiguë et le mandat <strong>de</strong> <strong>la</strong> DFC n’est plus très c<strong>la</strong>ir.<br />
De plus les parcs nationaux englobent presque <strong>la</strong> totalité <strong>de</strong>s aires protégées du pays. On se<br />
retrouve dans une situation ou <strong>la</strong> DFC à les compétences techniques mais pas l’appui<br />
financier et le CNPN à l’appui financier mais pas le personnel nécessaire. Actuellement, on<br />
assiste à un compromis entre les <strong>de</strong>ux institutions, les conservateurs <strong>de</strong>s parcs nationaux étant<br />
tous <strong>de</strong>s fonctionnaires, détachés du ministère <strong>de</strong>s Eaux et Forêt pour servir au CNPN.<br />
La situation se complique d’avantage avec les ONG qui elles, recrutent du personnel<br />
(gabonais et étranger) pour les parcs et qui ne dépen<strong>de</strong>nt pas du CNPN. Les conservateurs, se<br />
retrouvent sur le terrain avec <strong>de</strong>s agents qui dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> ces ONG. La col<strong>la</strong>boration est pour<br />
l’instant très difficile et les résultats attendus tar<strong>de</strong>nt à venir.<br />
- (iii) Le Gabon manque énormément <strong>de</strong> personnel à tous les niveaux pouvant<br />
intervenir dans <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong>s parcs nationaux. C’est un facteur qui montre qu’il n’était<br />
pas prêt à se <strong>la</strong>ncer dans une aventure où, seules les ONGs inter<strong>national</strong>es connaissent les<br />
- 43 -
tenants et les aboutissants <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s aires protégées. De plus, le fait qu’il n’existe<br />
aucune volonté politique <strong>national</strong>e en matière d’éducation/sensibilisation et <strong>de</strong> formation,<br />
rend improbable <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong>s objectifs fixés par <strong>la</strong> mise en œuvre du réseau <strong>de</strong>s parcs<br />
nationaux. Pourtant, si chaque gabonais à tous les niveaux, prenait conscience du bien fondé<br />
d’une telle entreprise, il pourrait s’approprier ce réseau, dans une optique <strong>de</strong> développement<br />
intégré et d’amélioration <strong>de</strong> son bien-être. Il s’agit là d’un défi à relever, face aux nombreuses<br />
«pesanteurs et incertitu<strong>de</strong>s du len<strong>de</strong>main » <strong>de</strong> ce pays.<br />
III.5. Conclusion<br />
La politique <strong>de</strong>s Parcs Nationaux est donc pour le Gabon, une <strong>de</strong>s réponses possibles<br />
<strong>de</strong> prévention <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> l’après pétrole. Cette solution aurait le mérite, pour peu que tout le<br />
mon<strong>de</strong> y mette un peu <strong>de</strong> bonne volonté, <strong>de</strong> toucher les c<strong>la</strong>sses les plus défavorisées et les<br />
plus oubliées <strong>de</strong> <strong>la</strong> société gabonaise, que sont les popu<strong>la</strong>tions rurales. Cependant, ces<br />
avantages potentiels (enjeux économique, social, scientifique et écologique) risquent <strong>de</strong> se<br />
heurter à <strong>de</strong>s inconvénients majeurs à court terme. En effet, les conditions <strong>de</strong> création <strong>de</strong>s<br />
parcs contrastent avec les habitu<strong>de</strong>s et les traditions d’exploitation <strong>de</strong>s ressources naturelles<br />
<strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions riveraines. Mais les parcs étant déjà mis en p<strong>la</strong>ce, pour transformer ce<br />
contraste en une occasion <strong>de</strong> développement local, il est nécessaire (i) d’entreprendre une<br />
importante œuvre <strong>de</strong> sensibilisation, d’éducation et d’appui continu aux popu<strong>la</strong>tions, (ii)<br />
d’i<strong>de</strong>ntifier et <strong>de</strong> gérer <strong>de</strong>s activités alternatives (exploitation réglementée <strong>de</strong>s produits<br />
forestiers non ligneux, pisciculture, élevage, agroforesterie, formation aux métiers nouveaux<br />
liés à l’exploitation <strong>de</strong>s parcs et à l’émergence <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière écotourisme). Cette sensibilisation<br />
et/ou éducation <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions ne pourront se faire <strong>de</strong> façon optimale que sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong>s<br />
connaissances approfondies <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières.<br />
- 44 -
Chapitre II : Présentation du site d’étu<strong>de</strong><br />
Section I - Le cadre naturel<br />
Le site choisi pour cette étu<strong>de</strong> est ce que Perrois a appelé le « pays Bakota <strong>de</strong> l’Ivindo »<br />
(Perrois, 1968). Ce territoire d’environ 72.000 km 2 comprend <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou (Makokou<br />
est <strong>la</strong> capitale provinciale), située au nord-est du Gabon dans <strong>la</strong> province <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo<br />
(Carte 5). Le pays bakota est essentiellement constitué <strong>de</strong> massifs ferrugineux formant <strong>de</strong>s<br />
p<strong>la</strong>teaux qui vont <strong>de</strong>s monts Bélinga jusqu'à <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Mékambo. L’ensemble hydrographique<br />
très <strong>de</strong>nse, est relié à <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> rivière Ivindo (570 km) qui se jette dans l’Ogooué en amont <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Boué. Les affluents <strong>de</strong> l’Ivindo dont les principaux sont <strong>la</strong> Zadié, <strong>la</strong> Djouah, <strong>la</strong> Oua,<br />
<strong>la</strong> Liboumba, <strong>la</strong> Mouniangui, <strong>la</strong> Mié et <strong>la</strong> Louli, se divisent en <strong>de</strong> multiples bras qui alimentent<br />
<strong>de</strong> vastes zones marécageuses.<br />
I.1. Données climatiques<br />
Le climat <strong>de</strong> <strong>la</strong> région est <strong>de</strong> type équatorial humi<strong>de</strong> caractérisé par <strong>la</strong> double alternance<br />
<strong>de</strong>s saisons sèches et pluvieuses. L’année est officiellement divisées en quatre saisons (ou<br />
plutôt pério<strong>de</strong> temps) plus ou moins également réparties. On distingue :<br />
- <strong>la</strong> petite saison sèche qui s’étend <strong>de</strong> mi-décembre à mi-mars. Elle se caractérise par un<br />
ciel souvent dégagé et quelques pluies épisodiques. En fin <strong>de</strong> saison, l’humidité chute parfois<br />
fortement.<br />
- <strong>la</strong> petite saison <strong>de</strong>s pluies qui s’étale <strong>de</strong> mi-mars à mi-juin. Les précipitations, parfois<br />
orageuses augmentent, l’inso<strong>la</strong>tion atteint son maximum.<br />
- <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> saison sèche entre mi-juin et mi-septembre. L’effet négatif <strong>de</strong> <strong>la</strong> forte<br />
diminution <strong>de</strong>s précipitations sur <strong>la</strong> végétation est tempéré par une nébulosité importante quasi-<br />
permanente tout le long <strong>de</strong> <strong>la</strong> saison sèche. L’inso<strong>la</strong>tion chute, les températures sont les plus<br />
basses <strong>de</strong> l’année, l’évaporation diurne est minimale, l’humidité reste élevée.<br />
- <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> saison <strong>de</strong>s pluies à partir <strong>de</strong> mi-septembre. Les orages sont fréquents, surtout<br />
en début <strong>de</strong> saison, et parfois accompagnés <strong>de</strong> torna<strong>de</strong>s.<br />
La pluviométrie moyenne annuelle est d’environ 1600 à 1800 mm (Figure 1) ; <strong>la</strong><br />
température moyenne est proche <strong>de</strong> 24°C (Figure 2). Les amplitu<strong>de</strong>s thermiques annuelles et<br />
journalières sont faibles. L’altitu<strong>de</strong> moyenne <strong>de</strong> cette région est d’environ 400-500 m.<br />
- 45 -
Figure 1 : Courbes <strong>de</strong>s précipitations observées à Makokou (Données ASECNA, 2004).<br />
250<br />
200<br />
150<br />
100<br />
50<br />
0<br />
Janvier Fevrier Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre Octobre Novembre Decembre<br />
Figure 2 : Courbes <strong>de</strong>s températures observées à Makokou (Données ASECNA, 2004).<br />
Température moyenne (°C)<br />
40<br />
35<br />
30<br />
25<br />
20<br />
15<br />
10<br />
5<br />
0<br />
Janvier<br />
Fevrier<br />
Mars<br />
Avril<br />
Mai<br />
Juin<br />
Série1<br />
M oi s<br />
T° minimales<br />
T° maximales<br />
Juillet<br />
Mois<br />
Août<br />
Septembre<br />
Octobre<br />
Novembre<br />
Decembre<br />
- 46 -
I.2. La forêt du nord-est du Gabon<br />
La forêt gabonaise fait partie du vaste ensemble forestier guinéo-congo<strong>la</strong>is et plus<br />
précisément du domaine camerouno-gabonais. C’est une forêt <strong>de</strong>nse humi<strong>de</strong> <strong>de</strong> basse et<br />
moyenne altitu<strong>de</strong>, représentée dans <strong>la</strong> région d’étu<strong>de</strong> par un type <strong>de</strong> transition entre <strong>la</strong> forêt<br />
sempervirente et <strong>la</strong> forêt semi-caducifoliée (Caballé, 1978). Les hautes forêts <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
Makokou sont caractérisées par l’absence <strong>de</strong> l’okoumé dont <strong>la</strong> limite orientale se trouve à<br />
environ 80 km à l'ouest <strong>de</strong> Makokou en al<strong>la</strong>nt vers <strong>la</strong> ville d’Ovan. La diversité végétale dans<br />
cette région est l’une <strong>de</strong>s mieux inventoriées du Gabon. Au total, plus <strong>de</strong> 1200 espèces <strong>de</strong><br />
végétaux (p<strong>la</strong>ntes à fleurs et fougères) ont été recensées dans <strong>la</strong> région (Hallé, 1964 et 1965 ;<br />
H<strong>la</strong>dik et Hallé, 1973). L’essentiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> végétation est constituée, <strong>de</strong> forêts primaires <strong>de</strong> terre<br />
ferme et <strong>de</strong> forêts inondables. Les nombreux chablis et les zones <strong>de</strong> forêts primaires à sous-bois<br />
très <strong>de</strong>nse, témoignent d’une dynamique forestière intense, conférant un aspect toujours "jeune"<br />
à cette forêt. De petits îlots <strong>de</strong> forêts secondaires et <strong>de</strong> recrus sont visibles en bordure <strong>de</strong>s axes<br />
routiers, et autour <strong>de</strong>s parcelles anciennement cultivées. Ces îlots sont caractérisés par <strong>la</strong><br />
présence du parasolier (Musanga cecropioï<strong>de</strong>s, Moraceae) et divers Anthocleista spp<br />
(Loganiaceae).<br />
- 47 -
Carte 5 : Zone d’étu<strong>de</strong>.<br />
Région <strong>de</strong> M akokou<br />
Ovan<br />
O g ooué<br />
Ivindo<br />
Mako kou<br />
Louli<br />
Ipassa<br />
Dilo-Djid ji<br />
Oua<br />
Mié<br />
Boka<br />
6 Kilometers<br />
Iv indo<br />
Mouniand jé<br />
L i b o umba<br />
Zadié<br />
Parc National <strong>de</strong> l'Ivindo<br />
Ve rs M va dhy<br />
Vers Okondja<br />
Mékam bo<br />
Demi-pays<br />
Rivières secondaires<br />
Localités administratives<br />
Limite du PNI<br />
Axe routier<br />
Principaux cours d eaux<br />
Limites administratives<br />
W<br />
N<br />
S<br />
E<br />
- 48 -
I.3. La faune <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou<br />
La faune forestière gabonaise est riche et très diversifiée. Il a été recensé 180 espèces <strong>de</strong><br />
Mammifères, 680 d’Oiseaux, 120 <strong>de</strong> Reptiles, 72 d’Amphibiens, 84 <strong>de</strong> Poissons, 40 <strong>de</strong><br />
Libellules et 120 <strong>de</strong> Papillons sur l’ensemble du pays. De ces chiffres, <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou<br />
détient un record avec une faune parmi les mieux répertoriée du Gabon. Elle est riche <strong>de</strong> 128<br />
espèces <strong>de</strong> Mammifères, 424 espèces d’Oiseaux, 65 espèces <strong>de</strong> Reptiles et 47 espèces<br />
d’Amphibiens. Environ 82% <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> Mammifères sont nocturnes (néanmoins quelques<br />
espèces nocturnes présentent aussi une activité diurne) alors que 98% <strong>de</strong>s espèces d’Oiseaux<br />
sont diurnes. Parmi les Mammifères forestiers nocturnes, il faut signaler 11 espèces<br />
d’Insectivores, 27 espèces <strong>de</strong> Chiroptères (7 espèces <strong>de</strong> Mégachiroptères, 20 espèces <strong>de</strong><br />
Microchiroptères), 5 espèces <strong>de</strong> Primates Prosimiens, 19 espèces <strong>de</strong> Rongeurs, 9 espèces <strong>de</strong><br />
Carnivores, 13 espèces d’Ongulés, 1 espèce <strong>de</strong> Tubuli<strong>de</strong>nté, 2 espèces <strong>de</strong> Pholidotes et 1 espèce<br />
d’Hyracoï<strong>de</strong> soit un total <strong>de</strong> 88 espèces (IRET, ECOTROP & UNESCO, 1987).<br />
Section II - Le cadre humain<br />
II.1. La popu<strong>la</strong>tion Ogivine<br />
La popu<strong>la</strong>tion Ogivine (autochtone et allochtone), à l’image <strong>de</strong> celle du pays, est très<br />
variée. On y retrouve :<br />
- Le Groupe ethnique Kota (ou Bakota)<br />
Il s’agit du groupe ethnique le plus représenté dans <strong>la</strong> région étudiée, avec environs 62%<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion locale (Lahm, 2002). Ce groupe comprend un grand nombre <strong>de</strong> sous-groupes<br />
qui sont apparentés sur le p<strong>la</strong>n linguistique et culturel d’une façon assez nette. Il s’agit entre<br />
autres, <strong>de</strong>s Shamaye, <strong>de</strong>s Mahongwé, <strong>de</strong>s Ikota (ou Kota-Kota quoique certaines personnes<br />
distinguent les <strong>de</strong>ux sous groupes et d’autres non) et <strong>de</strong>s Shaké, (Perrois, 1970).<br />
Les Shamaye sont présents sur l’axe Makokou-Okondja à partir du vil<strong>la</strong>ge Ekobakoba<br />
où ils côtoient les Ikota, jusqu’au vil<strong>la</strong>ge Bakouaka. Ils sont également très liés aux Mahongwé<br />
qui prennent souvent femmes chez eux.<br />
Les Mahongwé peuplent actuellement les vil<strong>la</strong>ges Ma<strong>la</strong>ssa, Komambé<strong>la</strong>,<br />
Etchélendounga et Malouma du Canton Demi-pays <strong>de</strong> Mékambo et les vil<strong>la</strong>ges Sassamongo,<br />
- 49 -
Zadindoué, Bangadi, Matoté, Mandombo, Bonamaza du Canton Sassamango à 100 km à l’est<br />
<strong>de</strong> Makokou sur <strong>la</strong> route al<strong>la</strong>nt vers Mékambo. Les Mahongwé côtoient les Ikotas dans les<br />
vil<strong>la</strong>ges Ingou<strong>la</strong>djodjo et Héhanzo sur l’axe Makokou-Mékambo et les Shamaye dans les<br />
vil<strong>la</strong>ges Milondomiélé, Troya, Makébé et Bakouaka sur l’axe Makokou-Okondja.<br />
Les Ikota par contre, sont plus éparpillés. On les trouve sur l’axe routier Makokou-<br />
Mékambo (du quartier Epassengue <strong>de</strong> Makokou au vil<strong>la</strong>ge Batoua<strong>la</strong>) <strong>de</strong> part et d’autre du<br />
Canton Sassamongo ; au nord <strong>de</strong> Mékambo vers <strong>la</strong> rivière Djouah où ils se mé<strong>la</strong>ngent aux<br />
Pygmées Bakoya et aux Kwélé ; près d’Ovan à 100 km à l’ouest <strong>de</strong> Makokou, près <strong>de</strong> La<strong>la</strong>ra à<br />
180 km à l’ouest <strong>de</strong> l’Ivindo puis dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Lastourville (Perrois, 1970).<br />
Les Shaké sont majoritairement représentés dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Boué où ils côtoient les<br />
Makina et les Fang. On les retrouve également dans les vil<strong>la</strong>ges Massaha, Zolendé, et Nzé sur<br />
l’axe routier Makokou-Mékambo où ils se mé<strong>la</strong>ngent aux Ikotas.<br />
- Le groupe ethnique Fang Nzaman<br />
Il s’agit du second groupe ethnique important <strong>de</strong> <strong>la</strong> province <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo<br />
représentant environs 27% <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion Ogivine (Lahm, 2002). Les Fang Nzaman<br />
constituent une <strong>de</strong>s nombreuses subdivisions <strong>de</strong>s Fang, <strong>la</strong> principale ethnie du Gabon. On les<br />
retrouve principalement sur l’axe routier Makokou-Ovan. Ce groupe aurait été le <strong>de</strong>rnier à<br />
arriver dans <strong>la</strong> province, peu après les Bakwélé.<br />
- Le troisième groupe ethnique important <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou est constitué par les<br />
Bakwélé (ou Bekwil ou Kwélé). Ils représentent environ 11% <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion locale Ogivine.<br />
Il s’agit d’une petite portion du grand groupe Kwélé, bien représenté dans <strong>la</strong> province <strong>de</strong><br />
Ouesso au nord Congo (Congo Brazzaville). L’ensemble <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges kwélé <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
Makokou se trouve uniquement le long du fleuve Ivindo, entre Makokou et le district <strong>de</strong><br />
Mvadhy (Carte 6). Cette répartition dans l’espace témoignerait <strong>de</strong> leur migration vers<br />
Makokou en provenance du nord-Congo.<br />
- 50 -
Carte 6 : Esquisse d’actualisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> répartition <strong>de</strong>s différentes ethnies <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou.<br />
Fnag N tum u<br />
O ye m<br />
O v an<br />
B o u é<br />
C a rte d e s e th n ie s<br />
d e <strong>la</strong> ré g io n d e M a k o k o u<br />
P r ov in c e d e l'O go o u é -Iv in d o<br />
M ak o k o u<br />
F a n g N z a m a n<br />
S h ak é<br />
I vin do<br />
K w é l é<br />
I k o ta<br />
Ba'Aka<br />
M va d h y<br />
Iko ta<br />
Ik ota<br />
K w é l é<br />
Ik o ta S h a m ay e<br />
M ah on g w é<br />
S h a m a y e<br />
D’après les renseignements tirés <strong>de</strong> <strong>la</strong> carte <strong>de</strong> distributions <strong>de</strong>s Kota <strong>de</strong> Perrois (1970) et <strong>de</strong>s observations <strong>de</strong> terrain<br />
P N I<br />
Kwélé<br />
1 Kilometers<br />
M ék a m b o<br />
Ik ota<br />
O bamba<br />
Ik o ta<br />
Kw é lé<br />
I k o t a<br />
D é m i-p a ys<br />
Mahong w é<br />
B a k o<strong>la</strong><br />
Ikota<br />
M az in g o<br />
B o u n g o m<br />
B a k o <strong>la</strong><br />
W<br />
E k a ta<br />
Localités administratives<br />
Limite du PNI<br />
Réseau routier<br />
Rivières principales<br />
Limites administratives<br />
N<br />
S<br />
- 51 -<br />
E
À côté <strong>de</strong>s Bekwil, on retrouve les Ba’Aka, un <strong>de</strong>s groupes pygmées originaires du sud-<br />
est du Cameroun (Photo 1). Ces <strong>de</strong>rniers sont arrivés à Makokou en suivant les chasseurs<br />
d’Éléphants Kwélé mais aussi Fang et Kota, auxquels ils sont très liés <strong>de</strong> nos jours. Leurs<br />
vil<strong>la</strong>ges (constitués d’un petit groupe <strong>de</strong> 10 à 20 personnes, contrairement au grand groupe <strong>de</strong><br />
100 personnes observés au sud Cameroun) sont très liés à celui du chasseur qui les a emmenés<br />
dans <strong>la</strong> région. Il s’agit souvent d’un campement champêtre et/ou <strong>de</strong> chasse/pêche aménagé par<br />
ces <strong>de</strong>rniers, où les Pygmées sont occupés par diverses activités en attendant <strong>la</strong> prochaine partie<br />
<strong>de</strong> chasse.<br />
Encart 1 : Le dilemme <strong>de</strong> Laurent le Pygmée : « Ipassa ou ma communauté »<br />
« L’histoire <strong>de</strong> l’arrivée <strong>de</strong>s Pygmées Ba’Aka à Ndoumabango (ou Mékob), un vil<strong>la</strong>ge situé à<br />
une trentaine <strong>de</strong> kilomètres <strong>de</strong> Makokou en amont <strong>de</strong> l’Ivindo peut être résumé <strong>de</strong> <strong>la</strong> façon<br />
suivante. C’est l’histoire d’un chasseur d’Éléphant d’origine Kwélé qui en 1964, ramena à<br />
Ndoumabango, un <strong>de</strong> ses gui<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chasse pygmées, qu’il a connu dans le massif forestier <strong>de</strong><br />
Minkébé. La famille <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier (7 fils et cousins, leurs femmes et enfants soient environs 20<br />
personnes) le suivit et peu à peu <strong>la</strong> communauté pygmée <strong>de</strong> Ndoumabango se constitua. De ce<br />
fait, tous les Pygmées <strong>de</strong> Ndoumabango appartiennent à <strong>la</strong> <strong>de</strong>scendance <strong>de</strong> ce chasseur kwélé<br />
car selon un adage bantu, « le Pygmée appartient à celui qui l’a rencontré le premier et l’a fait<br />
venir au vil<strong>la</strong>ge ». Aucun Pygmée <strong>de</strong> ce vil<strong>la</strong>ge ne peut être sollicité sans l’accord préa<strong>la</strong>ble<br />
d’un <strong>de</strong> ses propriétaires.<br />
Pour <strong>la</strong> petite histoire, <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa par mon intermédiaire a<br />
« transgressé » cette règle en recrutant un <strong>de</strong>s Pygmées <strong>de</strong> ce vil<strong>la</strong>ge comme pisteur. Le c<strong>la</strong>n<br />
pygmée <strong>de</strong> Ndoumabango s’est retrouvé dépossédé d’un <strong>de</strong> ses meilleurs chasseurs. Ce qui<br />
signifiait malgré les revenus qu’il pouvait tirer <strong>de</strong> sa nouvelle activité, <strong>la</strong> famine pour le c<strong>la</strong>n et<br />
une perte d’argent pour son propriétaire. Près <strong>de</strong> six mois après, ce très grand pisteur pygmée<br />
décéda d’une courte ma<strong>la</strong>die. L’ironie du sort c’est que je fus tenu pour responsable <strong>de</strong> sa mort<br />
pour <strong>la</strong> simple raison du fait que je l’avais « retiré » <strong>de</strong> son c<strong>la</strong>n, ce qui a entraîné <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
jalousie chez certains membres <strong>de</strong> sa communauté qui n’ont pas hésité à utiliser mortellement<br />
contre lui « le fusil nocturne », un puissant sort maléfique très connu dans <strong>la</strong> région.<br />
Les Pygmées Ba’Aka ne sont pas les seuls Pygmées représentés dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
Makokou. On y trouve aussi les Bako<strong>la</strong> (ou Bakoya). Ces <strong>de</strong>rniers sont plus localisés autour <strong>de</strong>
<strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Mékambo dans le département <strong>de</strong> <strong>la</strong> Zadié. Ils côtoient les Mahongwé, les Ikota, les<br />
Bougome et les Shaké avec qui ils entretiennent <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> « maître et obligé »<br />
Des Pygmées originaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou auraient été chassés vers le sud par<br />
les Bakota. Il s’agit du groupe pygmée Ba’Bongo, actuellement rencontré dans les provinces du<br />
Haut-Ogooué et <strong>de</strong> l’Ogooué-Lolo du centre du pays. Toutes ces popu<strong>la</strong>tions sont réparties le<br />
long <strong>de</strong>s principaux axes routiers et fluviaux.<br />
La popu<strong>la</strong>tion allochtone <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou est composée d’autres groupes<br />
ethniques gabonais souvent représentés par <strong>de</strong>s fonctionnaires et par <strong>de</strong>s non Gabonais. Dans<br />
cette catégorie, ont retrouve surtout les Peul, les Hausa, les Bamiléké et les Arabes Choua. Ces<br />
<strong>de</strong>rniers incarnent l’activité commerciale et le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s affaires à Makokou (Lahm, 2002).<br />
II.2. Une situation démographique préoccupante<br />
Malgré cette gran<strong>de</strong> diversité ethnique, le nord-est du Gabon avec son habitant au km 2 ,<br />
reste <strong>la</strong> région <strong>la</strong> moins peuplée du Gabon. Lorsqu’on traverse <strong>la</strong> région, on se rend vite compte<br />
que d’énormes régions sont inhabitées. L’essentiel <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion est installée, selon le<br />
modèle <strong>de</strong> <strong>la</strong> vieille politique coloniale, le long <strong>de</strong>s trois principaux axes routiers (Makokou-<br />
Ovan ; Makokou-Mékambo et Makokou-Okondja) et le long <strong>de</strong> l’Ivindo entre Makokou et<br />
Mvadhy. Deux explications sont données à cette faible <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion.<br />
- D’une part l’existence d’un fort taux <strong>de</strong> stérilité secondaire. Ainsi, les Kota, majoritaires dans<br />
<strong>la</strong> région, présentent en premier lieu une natalité insuffisante qui est d’autant plus notable que <strong>la</strong><br />
mortalité infantile est forte. Ils comptent 28,23 % d’enfants par rapport à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion totale et<br />
ont un taux <strong>de</strong> fécondité <strong>de</strong> 1,79. Beaucoup <strong>de</strong> femmes sont stériles ou font <strong>de</strong>s fausses couches<br />
répétées. Les ma<strong>la</strong>dies vénériennes (Syphilis et Blénnorragie) aggravées par <strong>la</strong> polygamie<br />
semblent être les causes et l’effet <strong>de</strong> ce mal (Perrois, 1970).<br />
- D’autre part, l’exo<strong>de</strong> rural semble être une autre cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> stagnation du volume <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion ogivine. En effet, les jeunes gens quittent le vil<strong>la</strong>ge pour se rendre à Makokou en<br />
quête <strong>de</strong> meilleures conditions <strong>de</strong> vie. De Makokou, ils préparent le départ vers d’autres villes<br />
du pays (Boué, Oyem, Okondja, Franceville, Lastourville et Libreville) beaucoup plus propices<br />
à leur offrir du travail.<br />
- 53 -
Section III - Le cadre économique<br />
III.1. Le fer <strong>de</strong> Bélinga<br />
La région <strong>de</strong> Makokou, malgré son énorme potentiel économique, reste l’une <strong>de</strong>s<br />
régions les plus pauvres du Gabon. La principale richesse potentielle <strong>de</strong> <strong>la</strong> province <strong>de</strong><br />
l’Ogooué-Ivindo est le fer. Un important gisement <strong>de</strong> ce minerai a été mis en évi<strong>de</strong>nce, <strong>de</strong>puis<br />
les années 1950, sur les monts Bélinga et Sassamango entre Makokou et Mékambo. Mais<br />
l’intérêt pour ce gisement n’est resté jusqu’à maintenant qu’à l’étape <strong>de</strong> <strong>la</strong> prospection.<br />
Plusieurs raisons d’ordres politiques, stratégiques et économiques sont évoquées. Nous<br />
retiendrons parmi ces nombreuses raisons :<br />
- D’une part le fait que ce gisement est tellement enc<strong>la</strong>vé (environ 600 km <strong>de</strong> Libreville<br />
où se trouve un <strong>de</strong>s ports en eau profon<strong>de</strong> du pays) que les coûts d’exploitations et <strong>de</strong> transport<br />
seraient trop élevés. Cette contrainte découragerait les investisseurs. Plusieurs d’entres eux<br />
intéressés auraient <strong>de</strong>mandé au Gabon, <strong>de</strong> prendre en charge <strong>la</strong> construction du chemin <strong>de</strong> fer<br />
Boué-Makokou pour évacuer le minerai vers le port <strong>de</strong> Libreville, mais en vain.<br />
- D’autre part que ce fer serait, en raison <strong>de</strong> sa teneur, trop peu compétitif sur le marché<br />
mondial pour être exploité en l’état. En janvier 2005, le Gabon a signé avec le géant Brésilien<br />
(Valle <strong>de</strong> Rio Doce) un contrat d’exploitation du fer <strong>de</strong> Bélinga. Mais avant ce<strong>la</strong>, un accord<br />
cadre avait été signé quelques mois plus tôt entre Libreville et Pékin pour l’exploitation du<br />
même gisement avec en prime <strong>la</strong> construction d’une voie ferrée qui relierait directement<br />
Libreville à Makokou. Le géant Chinois ayant si besoin <strong>de</strong> fer qu’il serait prêt à s’aventurer là<br />
où d’autres ont hésité. Pour l’heure, les Ogivins, qui suivent tout ce<strong>la</strong> <strong>de</strong> près, gar<strong>de</strong>nt l’espoir<br />
d’un avenir meilleur.<br />
III.2. De nombreux filons d’or alluvial<br />
À côté du fer, <strong>la</strong> province <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo regorge <strong>de</strong> nombreux petits gisements<br />
d’or alluvial qui font le bonheur <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois. Pourtant, les premières prospections d’or dans<br />
le nord-est date <strong>de</strong> 1945, une pério<strong>de</strong> où les Ogivins n’avait aucune connaissance <strong>de</strong> ce minerai<br />
et <strong>de</strong> sa valeur (Lahm, 2002). Mais très rapi<strong>de</strong>ment, ils ont rattrapé leur retard et exploitent<br />
jusqu’à présent et <strong>de</strong> manière artisanale, <strong>de</strong> vieux gisements ouverts <strong>de</strong>puis 1950. L’orpail<strong>la</strong>ge<br />
est une activité certes très ru<strong>de</strong>, mais qui peut procurer aux popu<strong>la</strong>tions rurales <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
- 54 -
Makokou <strong>de</strong>s revenus assez conséquents. Mais, l’organisation <strong>de</strong> cette activité d’exploitation<br />
artisanale <strong>de</strong> l’or s’est très vite enrobée dans <strong>de</strong>s systèmes assez complexes d’en<strong>de</strong>ttement<br />
auprès <strong>de</strong>s commerçants au sein <strong>de</strong>squels rares sont les orpailleurs qui peuvent jouir <strong>de</strong> leur<br />
production. En dépit <strong>de</strong> ce<strong>la</strong>, ils continuent tant qu’ils le peuvent à « creuser » dans l’espoir <strong>de</strong><br />
trouver <strong>la</strong> grosse pépite.<br />
III.3. Il était une fois le Café et le Cacao<br />
De 1950 à 1982, les Ogivins pouvaient vivre <strong>de</strong>s revenus tirés <strong>de</strong> <strong>la</strong> production <strong>de</strong> café<br />
et <strong>de</strong> cacao. C’était une activité popu<strong>la</strong>ire et rentable. La région comptait <strong>de</strong> nombreux petits<br />
producteurs assez <strong>la</strong>rgement répartis. D’abord contraints à cultiver le café et cacao dans les<br />
années 1940, les vil<strong>la</strong>geois ont par <strong>la</strong> suite été encouragés par <strong>de</strong>s privés à mettre en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong><br />
gran<strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntations. Ces privés achetaient les récoltes pour les revendre au gouvernement<br />
colonial français. En 1979, <strong>la</strong> Caisse <strong>de</strong> Stabilisation du Cacao et du Café du Gabon <strong>de</strong>vint le<br />
contrôleur et l’acheteur officiel <strong>de</strong> ces produits. La récolte <strong>de</strong> 1979-80 a donné 310 t <strong>de</strong> cacao et<br />
<strong>de</strong> café, achetées 72 millions <strong>de</strong> francs CFA aux vil<strong>la</strong>geois ayant <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntations. Le succès <strong>de</strong><br />
cette activité n’a pas duré et <strong>la</strong> production a diminué <strong>de</strong> 50% en une décennie (Lahm, 2002).<br />
Plusieurs raisons sont données à ce déclin notamment <strong>la</strong> chute <strong>de</strong>s cours mondiaux <strong>de</strong> café et <strong>de</strong><br />
cacao. De plus, récemment, avec <strong>la</strong> substitution partielle du beurre <strong>de</strong> cacao par les huiles<br />
végétales dans <strong>la</strong> fabrication du choco<strong>la</strong>t, <strong>la</strong> situation <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>nteurs ne <strong>de</strong>vrait guère s’améliorer.<br />
Les cultivateurs ne bénéficiant d’aucun soutien du gouvernement ont purement et simplement<br />
abandonné leurs p<strong>la</strong>ntations.<br />
III.4. Une économie <strong>de</strong> subistance prospère<br />
La majorité <strong>de</strong>s Ogivins subsistent actuellement en pratiquant diverses activités parmi<br />
lesquelles l’agriculture vil<strong>la</strong>geoise, <strong>la</strong> chasse, <strong>la</strong> pêche, <strong>la</strong> cueillette, l’extraction du sable et les<br />
prestations <strong>de</strong> services.<br />
III.4.1. La pêche<br />
La pêche est une source importante <strong>de</strong> revenus dans <strong>la</strong> région et <strong>la</strong> première source <strong>de</strong><br />
protéine dans l’alimentation <strong>de</strong>s Makovistes (Payne, 2005). Préférentiellement pratiquée par les<br />
- 55 -
kwélé communément appelés les « hommes <strong>de</strong> l’eau », elle représenterait chez ce groupe, <strong>la</strong><br />
principale source <strong>de</strong> revenus. Une famille, après une saison <strong>de</strong> pêche, peut gagner entre 600.000<br />
et 1.000.000 <strong>de</strong> francs CFA (soit entre 915 et 1524 euros) (Lahm, 1993). La pêche est une<br />
activité traditionnelle à tendance saisonnière. Elle se pratique au filet (ou trémail), à <strong>la</strong> ligne <strong>de</strong><br />
fond, à l’épervier ou à l’hameçon tout simplement. On assiste également à <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong><br />
pêche collective, qui consiste à barrer le cours d’une petite rivière en amont, et ramasser le<br />
poisson en aval du barrage. La pêche se pratique préférentiellement entre juillet et septembre, et<br />
entre janvier et février au moment où les eaux sont au plus bas (Lahm, 2002). Cependant<br />
certains campements <strong>de</strong> pêche, localisés le long <strong>de</strong>s principaux cours d’eau peuvent être<br />
occupés toute l’année pour ravitailler les grossistes et détail<strong>la</strong>nts du marché <strong>de</strong> Makokou. Le<br />
poisson <strong>de</strong> l’Ivindo, vendu généralement fumé, est si apprécié <strong>de</strong>s Gabonais qu’il est exporté <strong>de</strong><br />
Makokou vers les villes <strong>de</strong> Franceville et Libreville. En effet, il existe une filière pêche et un<br />
marché du poisson à Makokou dont les principaux acteurs sont :<br />
- en début <strong>de</strong> chaîne, les pêcheurs qui peuvent rester plusieurs mois d’affilée en forêt.<br />
Lors <strong>de</strong> ces campagnes <strong>de</strong> pêche, ils sont généralement accompagnés <strong>de</strong> leurs familles<br />
comportant souvent <strong>de</strong>s enfants en bas-âge et ceux non sco<strong>la</strong>risés. Le poisson est directement<br />
mis sur <strong>de</strong>s fumoirs pendant un à trois jours puis enveloppés dans <strong>de</strong>s sacs p<strong>la</strong>cés au <strong>de</strong>ssus du<br />
fumoir ;<br />
- à côté du pêcheur, on retrouve généralement <strong>de</strong>s grossistes qui sont <strong>de</strong>s commerçants<br />
pour <strong>la</strong> majorité non gabonais. Equipés <strong>de</strong> pirogue à moteur, les grossistes remontent les<br />
rivières et fleuves à <strong>la</strong> rencontre <strong>de</strong>s pêcheurs à qui ils achètent directement <strong>la</strong> marchandise. Le<br />
poisson se vent au campement <strong>de</strong> pêche à 100 francs CFA l’unité sans négociation (c'est-à-dire<br />
10 poissons au moins à 1.000 francs CFA, soit 1,52 euros). Certains grossistes peuvent alors<br />
acheter pour plusieurs tonnes <strong>de</strong> poissons dans <strong>de</strong>s grands paniers appelés « quintal ». À vue<br />
d’œil, un quintal est estimé entre 400.000 et 600.000 francs FCFA (609 à 915 euros). Les<br />
grossistes sont peut nombreux (moins <strong>de</strong> 10 à Makokou) et connus <strong>de</strong> tous les détail<strong>la</strong>nts <strong>de</strong><br />
Makokou et d’ailleurs.<br />
- les détail<strong>la</strong>nts <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière poisson à Makokou sont en général <strong>de</strong> femmes, gabonaises<br />
ou non, qui achètent <strong>la</strong> marchandise soit chez les grossistes, soit directement chez <strong>de</strong>s pêcheurs.<br />
Les grossistes ven<strong>de</strong>nt le poisson à 125 francs CFA l’unité (8 poissons à 1000 francs CFA). Au<br />
marché <strong>de</strong> Makokou, le poisson fumé est revendu par les détail<strong>la</strong>ntes à près <strong>de</strong> 166 francs CFA<br />
soit 6 poissons à 1000 francs CFA. À Franceville (450 km environs <strong>de</strong> Makokou), le poisson <strong>de</strong><br />
l’Ivindo est vendu sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong> 4 pour 1000 francs CFA.<br />
- 56 -
Pour le poisson pêché dans <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges situés le long <strong>de</strong>s axes routiers, <strong>de</strong>s<br />
transporteurs qui ne sont pas <strong>de</strong>s grossistes interviennent. Il s’agit généralement <strong>de</strong> taxis-<br />
brousse qui, pour rentabiliser leur dép<strong>la</strong>cement, chargent <strong>la</strong> marchandise pour un client qui est<br />
généralement aussi passager (Okouyi, non publié). Les produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> pêche sont très variés. Ils<br />
vont <strong>de</strong> <strong>la</strong> petite crevette ou <strong>de</strong>s petits Mormiridae pêchés dans <strong>de</strong>s ruisseaux, au silure géant du<br />
genre C<strong>la</strong>rias qui domine dans l’Ivindo en passant par <strong>de</strong>s animaux comme <strong>la</strong> loutre, le<br />
crocodile, les tortues et le python qui se noient lorsqu'ils sont coincés dans les filets.<br />
III.4.2. La chasse, présentation sommaire<br />
La chasse étant au cœur <strong>de</strong> ma thèse, nous présentons brièvement ici cette activité. La<br />
chasse est une source importante <strong>de</strong> revenus dans <strong>la</strong> région. La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse représente <strong>la</strong><br />
<strong>de</strong>uxième source <strong>de</strong> protéines dans l’assiette <strong>de</strong>s Makovistes (Payne, 2005). Les Ogivins y sont<br />
très attachés socioculturellement. Mais contrairement à <strong>la</strong> pêche, il s’agit d’une activité<br />
réglementée par <strong>la</strong> loi et dont l’importance peut être difficilement évaluée du fait <strong>de</strong> son<br />
caractère sensible. Cette activité, en pleine croissance dans <strong>la</strong> région, serait plus l’apanage <strong>de</strong>s<br />
Bakota mais en Ogooué-Ivindo, presque tous les Ogivins sont <strong>de</strong>s chasseurs-né. Souvent<br />
couplée à <strong>la</strong> pêche et à l’agriculture, <strong>la</strong> chasse se pratique généralement par le piégeage autour<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ntation ou du campement, pour le petit gibier, mais aussi en gran<strong>de</strong> forêt pour les<br />
autres espèces. Cependant, une forte tendance est à l’utilisation <strong>de</strong> fusil, généralement <strong>de</strong> type<br />
calibre 12. Cette technique a facilité l’accès à une gamme <strong>de</strong> gibiers plus <strong>la</strong>rge dont les singes<br />
arboricoles, mais aussi les gibiers considérés comme « féroces » par les chasseurs. Peu <strong>de</strong><br />
chasseurs sont propriétaires <strong>de</strong> fusils qu’ils se partagent au gré <strong>de</strong>s besoins. Les produits <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse sont très variés. Les gibiers chassés vont <strong>de</strong> l’écureuil à l’Éléphant .<br />
La chasse prend d’année en année une ampleur commerciale <strong>de</strong> plus en plus marquée à<br />
Makokou. Dans le contexte <strong>de</strong> sous-emploi actuel, les jeunes Ogivins trouvent en cette activité,<br />
un moyen re<strong>la</strong>tivement facile <strong>de</strong> ce procurer <strong>de</strong>s revenus.<br />
III.4.3. L’agriculture<br />
L’agriculture est <strong>la</strong> principale activité occupant le quotidien <strong>de</strong>s Ogivins. Il s’agit d’une<br />
agriculture <strong>de</strong> subistance, itinérante sur brûlis. Presque toutes les familles disposent d'un verger,<br />
un jardin <strong>de</strong> case et/ou une p<strong>la</strong>ntation qui leur procurent <strong>de</strong>s compléments alimentaires <strong>de</strong> base<br />
- 57 -
à leur survie. Les produits les plus cultivés sont respectivement le manioc, <strong>la</strong> banane,<br />
l’arachi<strong>de</strong>, le maïs, le concombre africain (Cucumeropsis mannii), <strong>la</strong> canne à sucre et le piment.<br />
Il s’agit <strong>de</strong> cultures saisonnières qui rythment le calendrier agricole. Les p<strong>la</strong>ntations, d’en<br />
moyenne 1 ha <strong>de</strong> superficie, sont généralement situées <strong>de</strong>rrière les habitations pour certaines ou<br />
encore assez loin <strong>de</strong> <strong>la</strong> prédation <strong>de</strong>s animaux domestiques (mouton, cabris, poules, cochon) et<br />
d’éventuels voleurs. Une partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> production agricole est consommée et l’autre <strong>de</strong>stinée à <strong>la</strong><br />
vente. Ainsi, le manioc est vendu soit en tubercule, soit déjà cuit en bâton, soit roui. Cette<br />
<strong>de</strong>rnière forme <strong>de</strong> vente tend à se développer <strong>de</strong>puis quelques années dans <strong>la</strong> région. En effet,<br />
<strong>de</strong>s camions partent <strong>de</strong> Libreville pour s’approvisionner en manioc sous cette forme à<br />
Makokou. Ces grossistes sillonnent les vil<strong>la</strong>ges où les femmes ont déjà entreposés du manioc<br />
roui, emballé dans <strong>de</strong>s sacs en p<strong>la</strong>stiques pour une meilleure conservation. Ils achètent alors<br />
plusieurs tonnes <strong>de</strong> manioc (1000 FCFA le sac <strong>de</strong> manioc et chaque vil<strong>la</strong>ge peut produire en<br />
moyenne 500 sacs) pour le revendre à Libreville. Les principaux axes d’approvisionnement du<br />
manioc sous cette forme sont <strong>la</strong> route d’Okondja et celle <strong>de</strong> Mékambo, ce qui tend à dire que<br />
les Fang (qui sont je le rappelle, sur l’axe Makokou-Ovan), contrairement aux idées reçues,<br />
n’ont pas le monopole <strong>de</strong> l’agriculture dans cette région. Ce constat est conforté par le fait que<br />
<strong>la</strong> banane est également produite en masse sur les routes Kota et non celles <strong>de</strong>s Fang.<br />
En dépit d'un certain dynamisme, on constate avec amertume que les p<strong>la</strong>ntations <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
région <strong>de</strong> Makokou sont soumises à ru<strong>de</strong>s épreuves. En effet, <strong>la</strong> prédation <strong>de</strong>s cultures par <strong>la</strong><br />
faune sauvage est une problématique qui <strong>de</strong>vrait être considérée comme un réel phénomène <strong>de</strong><br />
société à Makokou. Il suffit d’une visite nocturne d’Éléphant et/ou d’un autre animal ravageur<br />
<strong>de</strong> culture pour voir l’espoir d’une famille s’évanouir. Des familles entières se trouvent alors<br />
démunies et <strong>la</strong>issées pour compte par les pouvoir en p<strong>la</strong>ce. Le seul élément <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi gabonaise<br />
qui prend en compte ce problème est <strong>la</strong> battue administrative. La battue administrative est « <strong>la</strong><br />
chasse d’une espèce nommément désignée, ordonnée par le responsable local <strong>de</strong><br />
l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts aux fins d’aménagement, ou <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s personnes et<br />
<strong>de</strong>s biens ». Cependant l’application <strong>de</strong> ce décret sur le terrain est difficile et entraîne <strong>de</strong>s<br />
débor<strong>de</strong>ments notables à Makokou. Ainsi, lorsqu’une p<strong>la</strong>ntation est visitée par les Éléphants, <strong>la</strong><br />
loi dit que le propriétaire doit au plus vite se rapprocher <strong>de</strong> l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts<br />
<strong>la</strong> plus proche. Ses agents doivent se rendre sur les lieux et faire le constat. À <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> ce<br />
constat est <strong>de</strong>mandé au p<strong>la</strong>ignant d’instruire une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> battue administrative adressée au<br />
responsable local <strong>de</strong> l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts qui constitue alors un dossier adressé<br />
au Directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faune et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chasse basé à Libreville. Lorsqu’il s’agit d'une espèce animale<br />
- 58 -
intégralement protégée, l’autorisation <strong>de</strong> battue administrative est donnée par le Ministre <strong>de</strong>s<br />
Eaux et Forêts. La démarche est si lour<strong>de</strong> qu’il ne se passe pas en moyenne un minimum <strong>de</strong><br />
trois mois avant d’avoir l’autorisation. Certains dossiers ont abouti après trois années d’attentes.<br />
Face à ce<strong>la</strong>, le constat sur le terrain est que l’autorisation <strong>de</strong> battue administrative <strong>de</strong>vient le<br />
moyen <strong>de</strong> « braconner » en toute légalité. Certains chasseurs en profite pour abattre en 15 jours<br />
(durée <strong>de</strong> validité <strong>de</strong> l’autorisation) le maximum d’Éléphants possible avec <strong>la</strong> même<br />
autorisation. Généralement le p<strong>la</strong>ignant résigné, oublie d’espérer et ne profite guère <strong>de</strong> <strong>la</strong> battue<br />
qui ne va pas lui ramener ses cultures dévastées.<br />
III.4.4. La cueillette<br />
La cueillette est une activité non moins importante dans <strong>la</strong> région puisqu’elle procure<br />
une activité commerciale aux femmes et aux enfants et <strong>de</strong>s revenus mo<strong>de</strong>stes mais<br />
complémentaires. C’est une activité saisonnière liée à <strong>la</strong> production fruitière en forêt. Parmi les<br />
produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> cueillette on peut citer :<br />
- les aman<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’Irvingia gabonensis (Irvingiaceae) pour lesquelles les femmes<br />
préparent <strong>la</strong> pâte <strong>de</strong> dika. Cette pâte est communément appelée choco<strong>la</strong>t du fait <strong>de</strong> sa couleur et<br />
<strong>de</strong> sa texture après cuisson. Il s’agit d’un condiment très apprécié <strong>de</strong> <strong>la</strong> cuisine locale. Les<br />
premiers fruits <strong>de</strong> l’Irvingia encore appelé mangue sauvage sont observés en forêt dès le début<br />
du mois <strong>de</strong> janvier. Les fruits murs au sol et sur l’arbre dégagent une o<strong>de</strong>ur si forte bien<br />
qu’assez agréable, que les animaux peuvent <strong>la</strong> sentir <strong>de</strong> très loin.<br />
- les fruits sucrés <strong>de</strong>s Trichoscypha spp (Anacardiaceae) qui sont un régal pour les<br />
enfants et les adultes. Les collecteurs <strong>de</strong> ces délices sont généralement en compétition avec les<br />
singes en particulier Gorilles et Chimpanzés qui en raffolent tellement au point qu’il est rare <strong>de</strong><br />
voir ces fruits en l’état sur un arbre en pleine forêt. Les fruits du Trichoscypha sont également<br />
observés en forêt dès le début du mois <strong>de</strong> janvier.<br />
- les fruits du Cou<strong>la</strong> edulis (O<strong>la</strong>caceae) ou noisette africaine qui sont également très<br />
appréciés <strong>de</strong> tous. Ils sont vendus en petit tas <strong>de</strong> 100 francs CFA sur le marché. On peut les<br />
manger en forêt à partir <strong>de</strong> <strong>la</strong> mi-février ou début mars. Cependant, certains fruits précoces<br />
caractérisés par une aman<strong>de</strong> non formée ont pu être observés en forêt à <strong>la</strong> mi-janvier.<br />
- le Dacryo<strong>de</strong>s k<strong>la</strong>ineana (Burseraceae) est le fruit <strong>de</strong> l’Ozigo, apprécié au même titre<br />
que le Safou (fruit du Dacryo<strong>de</strong>s buettneri, Burseraceae). Encore appelé Atanga sauvage, dans<br />
<strong>la</strong> région, ce <strong>de</strong>rnier est généralement consommé après un simple passage dans <strong>de</strong> l’eau chau<strong>de</strong><br />
- 59 -
ou cuit à l’étouffée au feu <strong>de</strong> bois dans un paquet fait <strong>de</strong> feuilles <strong>de</strong> Marantacées. En forêt, il<br />
suffit <strong>de</strong> mettre ces fruits dans un sachet ou dans <strong>la</strong> poche du pantalon pendant <strong>la</strong> marche pour<br />
que <strong>la</strong> chair charnue se ramollisse pour être bonne à consommer. Ces fruits sont généralement<br />
présents sur le marché à <strong>la</strong> fin mars ou début avril. Ils sont très appréciés <strong>de</strong>s singes.<br />
- les fruits du Gambeya <strong>la</strong>courtiana (Sapotaceae) certes moyennement appréciés <strong>de</strong>s<br />
consommateurs du fait <strong>de</strong> leur sève col<strong>la</strong>nte, ont l’avantage d’être re<strong>la</strong>tivement abondants en<br />
forêt et donc faciles à collecter. Ils sont généralement présents sur le marché pendant <strong>la</strong> gran<strong>de</strong><br />
saison sèche.<br />
À côté <strong>de</strong> ces quelques fruits dont <strong>la</strong> liste est loin d’être exhaustive, le Gnetum<br />
africanum (Gnetaceae) est sans doute l’un <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt les plus collectés. Il s’agit<br />
<strong>de</strong>s feuilles d’une liane forestière, très appréciée <strong>de</strong>s consommateurs. Communément appelé<br />
Nkumu, il accompagne souvent les p<strong>la</strong>ts <strong>de</strong> poisson et <strong>de</strong> gibier. Le commerce du Nkumu<br />
occupe une p<strong>la</strong>ce à part sur le marché <strong>de</strong> Makokou. Cette activité reste du domaine exclusif <strong>de</strong>s<br />
femmes.<br />
III.4.5. L’extraction artisanal du sable<br />
L’extraction du sable est une activité assez répandue dans <strong>la</strong> région, et qui peut procurer<br />
d’importants revenus domestiques. Cependant, il s’agit d’une activité artisanale tellement ru<strong>de</strong><br />
que peu <strong>de</strong> personnes s’y adonnent. Les plus connus dans ce domaine sont les popu<strong>la</strong>tions du<br />
quartier Loaloa, au sud <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou. Ces popu<strong>la</strong>tions d’origine Ikota, contrairement<br />
aux autres <strong>de</strong>s quartiers <strong>de</strong> Makokou en bordure <strong>de</strong> l’Ivindo, ont l’avantage d’exploiter du sable<br />
juste en aval d'un grand rapi<strong>de</strong> dont les courants drainent et forment d’impressionnants bancs<br />
immergés. La collecte consiste tout simplement, à l’ai<strong>de</strong> d’un récipient en p<strong>la</strong>stique, à plonger<br />
et récupérer le sable entre 1 et 3 mètres <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur selon <strong>la</strong> saison. Le sable est ensuite versé<br />
dans une pirogue pour le transport avant d’être entreposé sur <strong>la</strong> berge (Photo 2). Après sept<br />
heures <strong>de</strong> travail, un producteur peut sortir environ 10 m 3 <strong>de</strong> sable qui peuvent être vendus<br />
selon <strong>la</strong> qualité (gros grains, petit grains ; sable sal ou pas) entre 50.000 et 70.000 francs CFA<br />
(76 et 106 euros). Malgré l’aspect rustique <strong>de</strong> cette exploitation, le quartier Loaloa reste le<br />
principal producteur <strong>de</strong> sable <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou. Cependant, <strong>de</strong>s tas <strong>de</strong> sables peuvent être<br />
observés çà et là, le long <strong>de</strong>s routes dans d’autres quartiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville. Le sable, produit <strong>de</strong> base<br />
mé<strong>la</strong>ngé au ciment pour <strong>la</strong> fabrication du béton, sert à <strong>la</strong> construction <strong>de</strong> maisons et autres<br />
édifices en dur.<br />
- 60 -
III.4.6. L’exploitation forestière<br />
Le paysage économique <strong>de</strong> Makokou s’est très vite transformé avec l’arrivée, en 2003,<br />
<strong>de</strong>s premiers exploitants forestiers dans <strong>la</strong> région. Le quart nord-est du pays, qui constituait <strong>la</strong><br />
troisième zone forestière, a été ouvert à l’exploitation. Il s’agit d’une région, dépourvue<br />
d’Okoumé, mais très riche en bois divers (Padouk, Kevazingo, Moabi, Agba, Beli, Azobé,<br />
Douka, Izombe, Iroko, Movingui…) qui a très vite attiré <strong>de</strong> nombreux petits exploitants,<br />
généralement avi<strong>de</strong>s <strong>de</strong> profit immédiat et peu scrupuleux vis-à-vis <strong>de</strong>s conditions<br />
environnementales. Les plus grands groupes forestiers comme Rougier-Gabon (655.000 ha),<br />
CEB (Cie Equatorial <strong>de</strong>s bois)/Thanry (512.000 ha), Leroy-Gabon (580.000 ha), Lutexfo<br />
(380.000 ha), SHM (Sté <strong>de</strong> <strong>la</strong> Haute Mondah, 310.000 ha) … sont restés dans <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième zone<br />
forestière du pays (Nyanga, le bassin <strong>de</strong> <strong>la</strong> Ngounié, le Moyen-Ogooué, l’Ogooué-Lolo, une<br />
partie <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo et du Woleu-Ntem), très riche en Okoumé.<br />
Les Asiatiques notamment Ma<strong>la</strong>isiens, <strong>de</strong> plus en plus présents au Gabon sont pour<br />
beaucoup dans l’ouverture <strong>de</strong> cette troisième zone, pourtant jusqu’ici considérée comme peu<br />
rentable, du fait <strong>de</strong> l’absence d’Okoumé et <strong>de</strong> son éloignement <strong>de</strong>s voies d’évacuation du bois.<br />
L’exploitation forestière en Ogooué-Ivindo, à l’image <strong>de</strong> l’ensemble du pays, est le <strong>de</strong>uxième<br />
employeur après <strong>la</strong> fonction publique. Cependant, le système d’exploitation mis en p<strong>la</strong>ce<br />
actuellement à Makokou, n’offre que <strong>de</strong>s emplois précaires. En effet, sur les dix entreprises<br />
forestières connues, une seulement à une concession bien limitée et soumise à un<br />
aménagement. Les autres exploitent abusivement les coupes familiales qui correspon<strong>de</strong>nt aux<br />
permis autorisant l’exploitation <strong>de</strong> 100 pieds sur une <strong>la</strong>rgeur <strong>de</strong> 5 km <strong>de</strong> part et d’autre d’un axe<br />
routier. Ces permis sont octroyés aux locaux qui faute <strong>de</strong> moyens matériels et financiers, les<br />
mettent à <strong>la</strong> disposition d’un exploitant. Une fois les alentours du vil<strong>la</strong>ge pillés, en moyenne<br />
après six mois, l’entreprise disparaît et tous ceux qui ont pu bénéficier d’un emploi dans le<br />
vil<strong>la</strong>ge, se retrouvent au chômage avec un sentiment amer d’insatisfaction. L’entreprise<br />
s’adresse alors au vil<strong>la</strong>ge d’à côté et ainsi <strong>de</strong> suite. Il s’agit d’une situation catastrophique dont<br />
les résultats sont entre autres :<br />
- une illusion <strong>de</strong> vie meilleure pour les autochtones,<br />
- une dégradation nette du milieu,<br />
- une perturbation <strong>de</strong>s équilibres naturels.<br />
- 61 -
Malgré ce<strong>la</strong>, pour <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s Ogivins, l’exploitation forestière reste le moyen assez<br />
rapi<strong>de</strong> d’avoir <strong>de</strong>s revenus. Que ce soit pour le chef du vil<strong>la</strong>ge chez qui l’exploitant imp<strong>la</strong>nte sa<br />
base lorsqu’il arrive ou ses administrés qui constituent <strong>la</strong> main d’œuvre, ou encore pour le fils<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> contrée qui négocie les marchés <strong>de</strong>puis Libreville, l'objectif est le même à savoir le profit<br />
immédiat. Aucun <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges ne s’est préparé à cette invasion et n’a donc eu le temps <strong>de</strong><br />
s’organiser pour profiter au mieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation.<br />
Encart 2 : Les Éléphants pris au piège <strong>de</strong> l’exploitation forestière à Makokou<br />
« Les dégâts <strong>de</strong>s cultures causés par les Éléphants sont monnaie courante à Makokou mais ce<br />
que nous avons vécu les mois <strong>de</strong> juin à septembre 2004 semble être exceptionnel <strong>de</strong> mémoire<br />
d’ancien. En effet, un groupe d’Éléphants ayant élu domicile en cette pério<strong>de</strong> autour <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
réserve d’Ipassa, a détruit toutes les p<strong>la</strong>ntations dans un rayon <strong>de</strong> trente kilomètres à <strong>la</strong> ron<strong>de</strong>.<br />
Certaines p<strong>la</strong>ntations ont été visitées plusieurs fois jusqu’à ce que plus rien ne reste. On<br />
pouvait les observer à tout moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> journée et même en f<strong>la</strong>grant délit en train <strong>de</strong> dévaster<br />
une p<strong>la</strong>ntation. L’eau <strong>de</strong>s rivières Balé et Bial, utilisée pour <strong>de</strong>s besoins domestiques par les<br />
popu<strong>la</strong>tions riveraines d’Ipassa, étaient tous les jours souillées par ces pachy<strong>de</strong>rmes. Pour<br />
comprendre <strong>la</strong> situation, nous avons intégré le paramètre nouveau à <strong>la</strong> région à savoir<br />
l’exploitation forestière. En effet, pendant <strong>la</strong> même pério<strong>de</strong>, <strong>de</strong>ux forestiers exploitaient au<br />
<strong>de</strong>ssus d’Ipassa sur l’axe Makokou-Ovan entre les vil<strong>la</strong>ges Minkoua<strong>la</strong> (24 km <strong>de</strong> Makokou) et<br />
Ebessi (15 km <strong>de</strong> Makokou). Les pistes ouvertes, <strong>la</strong> prédation par <strong>la</strong> chasse et les nuisances<br />
sonores sont autant <strong>de</strong> perturbations qui ont amené ces Éléphants à se dép<strong>la</strong>cer. Ces <strong>de</strong>rniers<br />
ayant trouvé <strong>de</strong> quoi se nourrir dans les p<strong>la</strong>ntations, au moment où <strong>la</strong> forêt leur offre le moins<br />
<strong>de</strong> nourriture possible, se sont installés en ces lieux. Plusieurs d’entres eux en ont<br />
malheureusement fait les frais ».<br />
- 62 -
Photo 1 : Case pygmée Ba’Aka à proximité du vil<strong>la</strong>ge Ndoumabango, Makokou.<br />
Photo 2 : Exploitation du sable à Makokou.<br />
Photo : J. Okouyi<br />
Photo : J. Okouyi<br />
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Section IV - Pertinence du choix <strong>de</strong> Makokou<br />
Le Professeur Pierre Paul GRASSÉ avait compris en s’instal<strong>la</strong>nt dès les années 1950 à<br />
Makokou que <strong>la</strong> région du nord-est du Gabon est par excellence vouée à <strong>la</strong> <strong>recherche</strong><br />
scientifique. Re<strong>la</strong>tivement enc<strong>la</strong>vée cette région, jusque là peu perturbée par les activités<br />
humaines, a conservé presque toute sa richesse naturelle et culturelle. La forêt y est<br />
omniprésente et les popu<strong>la</strong>tions d’horizons et <strong>de</strong> cultures très divers, ont toutes bien gardé leurs<br />
traditions. À l’heure où le mon<strong>de</strong> entier s’intéresse à l’avenir <strong>de</strong>s peuples forestiers tropicaux et<br />
à <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong>s écosystèmes, <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou présente <strong>de</strong> nombreux atouts pour<br />
servir <strong>de</strong> <strong>la</strong>boratoire naturel, pour l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s interactions entre l’homme et son milieu, et autres<br />
dynamiques tant forestières qu'environnementales.<br />
Le choix <strong>de</strong> Makokou comme terrain d’étu<strong>de</strong> pour ma thèse est <strong>la</strong> résultante <strong>de</strong><br />
nombreuses expériences acquises auparavant dans <strong>la</strong> région au cours <strong>de</strong> mon cursus<br />
universitaire. De fait, <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou est mon terrain d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>puis mars 1999, date à<br />
<strong>la</strong>quelle j’y al<strong>la</strong>is pour <strong>la</strong> première fois dans le cadre <strong>de</strong> mon stage <strong>de</strong> maîtrise <strong>de</strong> biologie <strong>de</strong>s<br />
Popu<strong>la</strong>tions et <strong>de</strong>s Ecosystèmes (MBPE) que je préparais à l’Université <strong>de</strong> Lille 1 (France). Ce<br />
premier contact avec Makokou fut rendu possible grâce à M Paul POSSO, qui m’accepta en<br />
stage à l’Institut <strong>de</strong> Recherche en Ecologie Tropicale dont il a <strong>la</strong> charge. Mon sujet <strong>de</strong> stage qui<br />
portait sur l’impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sur les animaux disperseurs <strong>de</strong> graines, m’a permis <strong>de</strong> travailler<br />
pour <strong>la</strong> première fois avec les chasseurs <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges Mbomo et Ntsiété sur l’axe Makokou-<br />
Okondja. À partir <strong>de</strong> cette première expérience s’est déterminée <strong>la</strong> suite <strong>de</strong> mon cursus<br />
universitaire et professionnel. Ainsi, après ma maîtrise et toujours avec l’appui <strong>de</strong> Monsieur<br />
POSSO, je retournais à Makokou pour faire l’inventaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> macro-faune <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve d’Ipassa,<br />
étu<strong>de</strong> qui me permit avec le financement jeune chercheur MAB UNESCO, d’obtenir le<br />
Diplôme Supérieur <strong>de</strong> Recherche (DSR) en sciences naturelles, à Lille 1. Par <strong>la</strong> suite, l’idée <strong>de</strong><br />
faire le lien entre mes expériences <strong>de</strong> <strong>la</strong> maîtrise et du DSR, <strong>la</strong> prise <strong>de</strong> conscience <strong>de</strong><br />
l’importante dépendance <strong>de</strong>s Ogivins vis-à-vis <strong>de</strong>s ressources <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong>s alentours d’Ipassa<br />
et <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> poursuivre mes étu<strong>de</strong>s m’ont amené à solliciter et obtenir une inscription au<br />
DEA Aménagement-Développement-Environnement (ADEn) <strong>de</strong> l’Université d’Orléans et une<br />
bourse d’étu<strong>de</strong> Russel E Train (sur <strong>de</strong>ux années) du WWF. L’intérêt <strong>de</strong> cette formation était <strong>de</strong><br />
p<strong>la</strong>cer <strong>la</strong> composante humaine au centre <strong>de</strong> <strong>la</strong> problématique environnementale. Mon année <strong>de</strong><br />
DEA fut alors une compi<strong>la</strong>tion et réactualisation <strong>de</strong>s données obtenues lors <strong>de</strong>s années<br />
précé<strong>de</strong>ntes, mais aussi une phase <strong>de</strong> prospection du sujet et surtout <strong>de</strong> financement pour <strong>la</strong><br />
- 64 -
thèse. Parallèlement, cette année coïncida avec les consultations pour <strong>la</strong> mise en œuvre du<br />
Programme Sectoriel <strong>de</strong> Valorisation <strong>de</strong>s Aires Protégées (PSVAP) du Gabon, programme sous<br />
financement Union Européenne Gabon-ACP dont l’une <strong>de</strong>s composantes en appui à l’IRET<br />
avait pour objectif <strong>la</strong> Réhabilitation et <strong>la</strong> Redynamisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa<br />
Makokou. C’est dans ce cadre que je fus recruté pour servir en tant que Référent National du<br />
Projet Makokou. Par <strong>la</strong> suite je fus recruté par <strong>la</strong> fonction publique gabonaise en tant qu’attaché<br />
<strong>de</strong> <strong>recherche</strong> à l’IRET, ce qui m’amena à être <strong>de</strong> facto responsable local <strong>de</strong> <strong>la</strong> station d’Ipassa<br />
sous <strong>la</strong> direction <strong>de</strong> Monsieur Paul POSSO. Cette connaissance du terrain et <strong>de</strong>s personnes, m’a<br />
permis d’abor<strong>de</strong>r plus sereinement ma thèse. Par exemple, les contacts avec mes différents<br />
interlocuteurs (acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à Makokou) avaient, pour <strong>la</strong> plupart, déjà<br />
été établis les années précé<strong>de</strong>ntes (entre 1999 et 2001). L’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans<br />
<strong>la</strong> région est un sujet si sensible qu’il est nécessaire au préa<strong>la</strong>ble d’avoir <strong>la</strong> confiance <strong>de</strong>s<br />
acteurs.<br />
En dépit <strong>de</strong>s motivations personnelles mentionnées ci-<strong>de</strong>ssus, le choix <strong>de</strong> Makokou<br />
comme terrain <strong>de</strong> thèse fut également déterminé par l’existence, côte à côte, <strong>de</strong> plusieurs atouts<br />
nécessaires au bon déroulement <strong>de</strong> mes <strong>recherche</strong>s. En effet, le parc <strong>de</strong> l’Ivindo étant situé à<br />
proximité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou, nous disposions, d’une part <strong>de</strong> <strong>la</strong> composante humaine<br />
présente par les activités prédatrices sur le milieu et d’autre part <strong>de</strong> <strong>la</strong> composante biologique<br />
environnante diversement affectée par l'ensemble <strong>de</strong>s activités anthropiques. À côté <strong>de</strong> ce<strong>la</strong>,<br />
nous avions le cadre scientifique et logistique nécessaire qu’est <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa,<br />
imp<strong>la</strong>ntée dans le parc et étions donc à même <strong>de</strong> mener les réflexions liées aux problématiques<br />
posées par cette localisation.<br />
Section V - Le Cadre institutionnel<br />
V.1. La Station <strong>de</strong> Recherche d’Ipassa-Makokou<br />
V.1.1. Historique<br />
Dès 1962, sous l’impulsion du Professeur P. P. GRASSÉ, grand ami du Général DE<br />
GAULLE qui ne lui refuse rien, le <strong>Centre</strong> National <strong>de</strong> <strong>la</strong> Recherche Scientifique (CNRS) établit à<br />
Makokou une « Mission Biologique ». L’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> cette mission au fin fond <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt<br />
gabonaise, en bordure du fleuve Ivindo, est rendue possible grâce à l’église catholique déjà bien<br />
- 65 -
eprésentée dans <strong>la</strong> région. De moindre importance, une station pilote <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> vit<br />
également le jour au mont Bélinga (1000 m d’altitu<strong>de</strong>) en sus <strong>de</strong> Makokou, grâce à <strong>la</strong> présence<br />
sur ce site d’une société d’exploration du fer ; <strong>la</strong> SOMIFER. De nombreuses <strong>recherche</strong>s en<br />
écologie forestière furent menées à Makokou et Bélinga et une revue scientifique spécialisée,<br />
« Biologia gabonica » vit le jour et fut publiée jusqu’en 1972.<br />
Avec l’accroissement démographique et l’exo<strong>de</strong> rural vers <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou, <strong>la</strong><br />
« Mission Biologique » va en 1969 se délocaliser, pour s’imp<strong>la</strong>nter, à environ 15 km <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville,<br />
également en bordure <strong>de</strong> l’Ivindo et se transformer en « Laboratoire <strong>de</strong> Primatologie et<br />
d’Ecologie Equatoriale » du CNRS. Il faudra attendre 1971, pour que le Gouvernement<br />
Gabonais reconnaisse et accor<strong>de</strong> pour <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>s, une concession <strong>de</strong> 10.000 ha<br />
<strong>de</strong> forêt au CNRS. Cette concession sera par <strong>la</strong> suite c<strong>la</strong>ssée en Réserve Naturelle Intégrale du<br />
p<strong>la</strong>teau d’Ipassa (Décret n° 837/PR/MEF du 02/10/1971).<br />
En 1979, le « Laboratoire <strong>de</strong> Primatologie et d’Ecologie Equatoriale » <strong>de</strong>vint<br />
formellement l’Institut <strong>de</strong> Recherche en Ecologie Tropicale par Décret n°1867/PR/MESRS du<br />
25/11/1985 (Photo 3 et 4). Cet institut est rattaché au CEntre NAtional pour <strong>la</strong> REcherche<br />
Scientifique et Technologique, CENAREST (créé le 22/01/1976 par ordonnance n°6/76 et<br />
organisé le 09/04/1977 par décret n°322/PR/MRSEPN). Le CENAREST dépend quant à lui du<br />
Ministère <strong>de</strong> l’Enseignement Supérieur, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Recherche et <strong>de</strong> l’Innovation Technologique<br />
(MESRIT). Un jeune gabonais, en <strong>la</strong> personne <strong>de</strong> Paul Darius POSSO, <strong>de</strong>vint ainsi et jusqu'à<br />
présent le premier Directeur <strong>de</strong> cet institut <strong>de</strong> renom inter<strong>national</strong>.<br />
En 1983, <strong>la</strong> Réserve d’Ipassa est reconnue et c<strong>la</strong>ssée Réserve <strong>de</strong> <strong>la</strong> Biosphère, l’incluant<br />
ainsi dans le réseau mondial MAB <strong>de</strong>s aires protégées du même genre constitué par l’Unesco.<br />
À cette époque, <strong>la</strong> reconnaissance scientifique inter<strong>national</strong>e <strong>de</strong> <strong>la</strong> valeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong><br />
<strong>recherche</strong>s d’Ipassa, a <strong>la</strong>rgement contribué au c<strong>la</strong>ssement <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve d’Ipassa en Réserve <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> Biosphère. C’est grâce à <strong>la</strong> ténacité <strong>de</strong>s autorités <strong>national</strong>es et inter<strong>national</strong>es que cette<br />
station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> en écologie forestière tropicale a été maintenue et a permis <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
région <strong>de</strong> Makokou/Bélinga, l’une <strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong>nses humi<strong>de</strong>s les mieux connues.<br />
Suite à <strong>de</strong>s réductions budgétaires à l’échelle <strong>national</strong>e et à <strong>la</strong> rupture <strong>de</strong> <strong>la</strong> ligne<br />
électrique, les activités <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa se sont considérablement ralenties au<br />
cours <strong>de</strong>s années 1990. Toutefois, dès 1998, le programme Ecofac-Congo (Odza<strong>la</strong>) et le projet<br />
WWF-Minkébé vont, pour <strong>de</strong>s besoins logistiques, re<strong>la</strong>ncer <strong>la</strong> station d’Ipassa, sans qu’il y ait<br />
vraiment <strong>de</strong> renouveau <strong>de</strong>s <strong>recherche</strong>s au niveau <strong>de</strong>s forêts d’Ipassa. Cette pério<strong>de</strong> d’abandon a<br />
parallèlement contribué à accroître considérablement le braconnage au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> Réserve<br />
d’Ipassa.<br />
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Photo 3 : Vue <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa Makokou<br />
Photo 4 : Vue sur le fleuve Ivindo <strong>de</strong> <strong>la</strong> station d’Ipassa<br />
Photo : J. Okouyi<br />
Photo : J. Okouyi<br />
- 67 -
V.1.2. Le Projet "Réhabilitation et Valorisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Station <strong>de</strong> Recherche d’Ipassa-<br />
Makokou"<br />
Courant 2000, l’Union Européenne dans le cadre du partenariat FED-ACP, préoccupée<br />
par le faible dynamisme <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> et du tourisme au Gabon, a été chargée, entre autres,<br />
par les autorités du pays <strong>de</strong> s’attacher à re<strong>la</strong>ncer ces <strong>de</strong>ux secteurs d’activités. Ainsi, en<br />
janvier 2002, le PSVAP (PSVAP, 8 ACP GA 009, Financement FED) vit le jour à travers <strong>la</strong><br />
signature d’une convention <strong>de</strong> financement pour 4 ans entre le Gabon et l’Union Européenne.<br />
Le PSVAP est dirigé par un comité <strong>de</strong> pilotage qui se réuni au moins une fois par an. Ce<br />
comité <strong>de</strong> pilotage comprend <strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong> plusieurs départements ministériels<br />
(P<strong>la</strong>nification, Tourisme, Recherche Scientifique, Eaux et Forêts et CNPN), <strong>de</strong>s représentants<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> délégation <strong>de</strong> l’Union Européenne, les coordinations et directions <strong>de</strong>s projets. Le<br />
PSVAP comprend trois composantes :<br />
Nationaux ;<br />
- La composante I ou Projet d’appui institutionnel au Conseil National <strong>de</strong>s Parcs<br />
- La composante II ou Projet « Réhabilitation et Redynamisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Station <strong>de</strong><br />
<strong>recherche</strong> <strong>de</strong> l’IRET à Makokou/Ipassa » ;<br />
- La composante III ou Projet d’appui sectoriel au développement du tourisme dans le<br />
complexe d’Aires protégées <strong>de</strong> Gamba.<br />
Les composantes I et III sont p<strong>la</strong>cées sous l’assistance technique du bureau d’étu<strong>de</strong><br />
inter<strong>national</strong> EGD. L’assistance technique et scientifique pour <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
composante II a été confiée au CIFOR (Center for Inter<strong>national</strong> Forestry Research).<br />
V.1.3. Les missions <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa avec l’appui du PSVAP<br />
La mission <strong>de</strong> <strong>la</strong> station d’Ipassa est <strong>de</strong> renforcer les capacités scientifiques et<br />
techniques en matière <strong>de</strong> gestion forestière et <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité au Gabon et<br />
dans <strong>la</strong> sous-région. La mission <strong>de</strong> <strong>la</strong> station d’Ipassa se résume en <strong>de</strong>ux principaux axes :<br />
durable ;<br />
scientifiques.<br />
- Recherche sur les bases scientifiques <strong>de</strong> l’aménagement et <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion forestière<br />
- Renforcement <strong>de</strong>s capacités par <strong>la</strong> formation <strong>de</strong> personnels techniques et<br />
- 68 -
Les retombées d’une réhabilitation et d’une redynamisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> station IRET <strong>de</strong><br />
Makokou/Ipassa dépassent, par ailleurs, <strong>la</strong>rgement <strong>la</strong> simple connaissance scientifique. Il en<br />
est attendu :<br />
- <strong>de</strong> meilleurs outils d’aménagement ;<br />
- une meilleure connaissance du milieu humain et naturel ;<br />
- <strong>de</strong>s bases pour une gestion rationnelle <strong>de</strong>s ressources naturelles ;<br />
- un personnel scientifique et technique mieux formé et mieux motivé sur le terrain ;<br />
- une sécurisation sur le long terme <strong>de</strong> <strong>la</strong> valeur économique <strong>de</strong>s ressources naturelles<br />
aménagées issues <strong>de</strong> l’exploitation forestière ou <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> conservation.<br />
L’envergure inter<strong>national</strong>e recherchée pour <strong>la</strong> station d’Ipassa permettra <strong>de</strong> mieux<br />
diffuser les connaissances acquises en bénéficiant <strong>de</strong> l’expérience <strong>de</strong>s partenaires sous-<br />
régionaux et d’autres régions tropicales. La station <strong>de</strong>viendra ainsi une composante d’un<br />
réseau mondial œuvrant à <strong>la</strong> pérennisation <strong>de</strong>s ressources <strong>de</strong>s écosystèmes forestiers<br />
tropicaux.<br />
V.1.4. Bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s travaux scientifiques réalisés à Ipassa<br />
L’ensemble <strong>de</strong>s travaux scientifiques réalisés à Makokou couvre une pério<strong>de</strong> d’une<br />
quarantaine d’années (1962-2003) durant <strong>la</strong>quelle plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cents chercheurs <strong>de</strong><br />
différentes <strong>national</strong>ités se sont succédés sur le terrain. Beaucoup <strong>de</strong> spécialistes (en taxonomie<br />
notamment) ont également participé aux <strong>recherche</strong>s par leurs travaux en <strong>la</strong>boratoire sur le<br />
matériel biologique récolté. Avec plus <strong>de</strong> 700 publications, <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou est l’une<br />
<strong>de</strong>s zones forestières les plus étudiées en Afrique. Tous les résultats scientifiques d’ores et<br />
déjà publiés représentent une somme importante <strong>de</strong> connaissances acquises dans <strong>de</strong>s<br />
domaines très variés. Les thèmes ci-<strong>de</strong>ssous ont été abordés à Makokou :<br />
- Inventaires floristiques<br />
- Inventaires faunistiques (Invertébrés et Vertébrés)<br />
- Climatologie et pédologie<br />
- Biologie végétale, dynamique forestière, interre<strong>la</strong>tions faune-flore et agroforesterie<br />
- Biologie et stratégies adaptatives <strong>de</strong>s animaux<br />
- Filmographie<br />
- Discographie. (IRET, 1987)<br />
- 69 -
Fort est <strong>de</strong> constater à <strong>la</strong> vue <strong>de</strong>s thématiques présentées ci-<strong>de</strong>ssus, que <strong>la</strong> composante<br />
humaine n’était pas abordée par les chercheurs d’Ipassa. Jusqu'à aujourd'hui, très peu ou pas<br />
d’informations existent au sujet <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt et <strong>la</strong> perception <strong>de</strong> leur<br />
environnement par les popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> Makokou. Les intérêts et priorités <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions par<br />
rapport à <strong>la</strong> biodiversité n’ont jamais réellement été étudiés. Quelques informations peuvent<br />
être extraites d’étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse (dont Lahm 1993 ; Okouyi Okouyi 2001) et <strong>de</strong> quelques<br />
étu<strong>de</strong>s sur les aspects culturels (Doucet 2003 ; H<strong>la</strong>dik et al. 1989) et ethnobotaniques<br />
(Bourobou-Bourobou, 1994). Pourtant, afin <strong>de</strong> mieux concilier les besoins <strong>de</strong>s communautés<br />
locales avec le maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité <strong>de</strong>s paysages, les déci<strong>de</strong>urs ont impérativement<br />
besoin d’informations pertinentes et utilisables.<br />
Afin <strong>de</strong> pallier ce déficit d’information, le Projet Makokou à sollicité le CIFOR qui a<br />
développé au Kalimantan Est (Bornéo indonésien) une série <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s qui améliorent <strong>la</strong><br />
compréhension <strong>de</strong> ce qui est localement important culturellement et écologiquement soit :<br />
pour qui ? dans quelle mesure ? et pourquoi ? Cette étu<strong>de</strong> pluridisciplinaire du paysage<br />
(Multidiciplinary Landscape Assessment en ang<strong>la</strong>is ou MLA) a également été appliquée en<br />
Bolivie et au Cameroun (voir le site Internet http://www.cifor.cgiar.org/m<strong>la</strong>). Les métho<strong>de</strong>s<br />
utilisées p<strong>la</strong>cent <strong>la</strong> biodiversité dans un contexte plus <strong>la</strong>rge, incluant <strong>de</strong>s facteurs tels que les<br />
options agricoles et les sites à valeur culturelle, facilitant une analyse plus intégrée <strong>de</strong>s<br />
différentes options <strong>de</strong> gestion. Les métho<strong>de</strong>s permettent également <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce les<br />
intérêts communs entre <strong>la</strong> conservation et les popu<strong>la</strong>tions locales et favorisent un dialogue<br />
plus éc<strong>la</strong>iré.<br />
L’approche pluridisciplinaire préconisée par le CIFOR permet <strong>de</strong> relier <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>scriptions biophysiques conventionnelles du paysage aux besoins, aux préférences et aux<br />
systèmes <strong>de</strong> valeurs locaux. En plus <strong>de</strong> fournir les bases pour <strong>de</strong>s recommandations en<br />
matière <strong>de</strong> gestion du paysage forestier qui l’entoure et un meilleur dialogue entre les parties<br />
prenantes, ces métho<strong>de</strong>s peuvent servir <strong>de</strong> base à <strong>de</strong> futures <strong>recherche</strong>s plus approfondies sur<br />
<strong>de</strong>s aspects plus spécifiques <strong>de</strong>s interactions entre l’homme et <strong>la</strong> forêt.<br />
V.1.5. Les attentes <strong>de</strong>s Makovistes vis-à-vis <strong>de</strong> <strong>la</strong> Station<br />
L’imp<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa, à l’endroit où elle se trouve<br />
actuellement, ne s’est pas fait sans problème avec les popu<strong>la</strong>tions environnantes. Ainsi le<br />
CNRS, dans les années 1970, avait du dédommagé les popu<strong>la</strong>tions, en leur rachetant toutes les<br />
- 70 -
p<strong>la</strong>ntations aux alentours d’Ipassa. Malgré ce<strong>la</strong>, les popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s quartiers A<strong>la</strong>rmitang,<br />
Mayiga, Ekowong et <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges Ebessi jusqu’à Ebieng, sur l’axe Makokou-Ovan,<br />
revendiquent aujourd’hui les forêts d’Ipassa non plus uniquement pour leurs besoins primaires<br />
<strong>de</strong> subsistance, mais pour l’exploitation forestière. Des tensions se sont créées entre les<br />
popu<strong>la</strong>tions riveraines et l’administration qui voit en l’exploitation forestière au <strong>de</strong>ssus<br />
d’Ipassa, une menace sérieuse pour les activités <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>.<br />
Malgré cette situation potentiellement explosive, les Ogivins dont <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> majorité<br />
ne connaissent <strong>la</strong> station d’Ipassa que <strong>de</strong> nom, sont très attachés à ce site historique. Dans les<br />
années 1970-1980, <strong>la</strong> station d’Ipassa avec ses 45 employés, était le plus gros employeur <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ville. De plus, <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion était sans cesse sollicitée par les chercheurs pour <strong>de</strong>s activités<br />
plus ponctuelles. Les hommes étaient recrutés temporairement pour participer aux captures<br />
aux filets d’animaux vivants, les enfants pouvaient vendre aux chercheurs d’Ipassa <strong>de</strong>s<br />
spécimens d’insectes, <strong>de</strong> rongeurs ou d’oiseaux pour les collections, ou encore <strong>de</strong>s termites<br />
pour nourrir les pangolins et les chauves-souris pensionnaires. Les femmes s’atte<strong>la</strong>ient à <strong>la</strong><br />
tâche pour vendre à <strong>la</strong> station une partie <strong>de</strong> leur production vivrière (banane, manioc, …) qui<br />
nourrissait les pensionnaires <strong>de</strong> l’île aux Singes (Gorilles et Chimpanzés en semi-captivité),<br />
fierté <strong>de</strong> <strong>la</strong> station et <strong>de</strong>s Ogivins. Entre 1974 et 1979, lorsque le <strong>Centre</strong> Inter<strong>national</strong> <strong>de</strong><br />
Recherche Médicale <strong>de</strong> Franceville (CIRMF), vit le jour, les pensionnaires <strong>de</strong> l’île aux Singes<br />
ont été dép<strong>la</strong>cés vers Franceville pour <strong>de</strong>s raisons scientifiques, au grand regret <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion. Ces <strong>de</strong>rniers jusqu’aujourd’hui tiennent pour responsable les plus hautes autorités<br />
du pays <strong>de</strong> les avoir « dépossédé <strong>de</strong> leur animaux ».<br />
Avec <strong>la</strong> reprise <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> à <strong>la</strong> station d’Ipassa, les popu<strong>la</strong>tions restent<br />
frustrées car elles ont <strong>de</strong>s attentes auxquelles les nouvelles donnes scientifiques et éthiques <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> station d’Ipassa ne peuvent répondre.<br />
V.1.6. Les confusions entre l’IRET, le WWF et Ecofac<br />
La station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa fait l’objet d’amalgames dommageables auprès <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> Makokou. Elle est ainsi c<strong>la</strong>ssée comme organisme <strong>de</strong> conservation au même<br />
titre que le WWF ou ECOFAC, ce qui rend difficile l’approche humaine <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s menées.<br />
Pour mieux comprendre cette situation, il faut se rappeler les circonstances <strong>de</strong> l’arrivée du<br />
WWF et d’ECOFAC dans <strong>la</strong> région.<br />
- 71 -
Le WWF est arrivé en 1990 à Makokou avec le projet <strong>de</strong> création <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve <strong>de</strong><br />
Minkébé. Cette ONG inter<strong>national</strong>e <strong>de</strong> conservation appuie sur un p<strong>la</strong>n financier et technique,<br />
<strong>la</strong> Direction <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faune et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Chasse du ministère <strong>de</strong>s Eaux et Forêts, qui est l’instance<br />
administrative en charge <strong>de</strong>s aires protégées au Gabon. Le secteur <strong>de</strong> Minkébé était connu<br />
pour son trafic d’or mais aussi d’ivoire ; les actions sur le terrain du WWF ont été avant tout<br />
un ensemble <strong>de</strong> missions d’évaluation biologique du site, dont certaines se sont soldées par<br />
<strong>de</strong>s accrochages avec les popu<strong>la</strong>tions qui jusque là n’avaient jamais été inquiétées dans leurs<br />
activités <strong>de</strong> prédation. Cette situation a vite fait <strong>de</strong> rendre le WWF impopu<strong>la</strong>ire dans <strong>la</strong> région.<br />
La composante Congo du projet sous-régional ECOFAC <strong>de</strong> l’Union européenne,<br />
n’intervient pas dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou mais plutôt dans le parc d’Odza<strong>la</strong> situé au Congo<br />
voisin. Ce projet à travers ses activités <strong>de</strong> conservation, jouit <strong>de</strong> <strong>la</strong> même impopu<strong>la</strong>rité que le<br />
WWF à Makokou. Cette impopu<strong>la</strong>rité a très vite traversé <strong>la</strong> frontière.<br />
En 1990 lorsque <strong>la</strong> station d’Ipassa se trouvait au plus mal, <strong>la</strong> composante ECOFAC<br />
qui avait du mal à fonctionner du fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre au Congo, <strong>de</strong>manda au Gabon <strong>de</strong> se<br />
ravitailler par Makokou alors plus proche d’Odza<strong>la</strong> que <strong>de</strong> Brazzaville. Les responsables<br />
d’ECOFAC par <strong>la</strong> suite sollicitèrent <strong>la</strong> station d’Ipassa comme base logistique. Le WWF<br />
nouvellement arrivée à Makokou s’associa avec ECOFAC pour utiliser <strong>la</strong> base d’Ipassa. Cette<br />
situation est à <strong>la</strong> base <strong>de</strong> <strong>la</strong> re<strong>la</strong>nce <strong>de</strong>s activités à Ipassa, mais pour les popu<strong>la</strong>tions, ces trois<br />
partenaires sont confondus et considérés globalement comme « les méchants ». C’est dans ce<br />
contexte quelque peu biaisé que j’ai entrepris ma thèse.<br />
V.1.7. L’avenir <strong>de</strong> <strong>la</strong> Station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa : Makokou 2010<br />
Il s’agit du pool <strong>de</strong> réflexion mis en p<strong>la</strong>ce par le Comité Scientifique conjoint <strong>de</strong>s<br />
Projets Makokou <strong>de</strong> l’IRET et le projet FORINFO <strong>de</strong> <strong>la</strong> coopération française dont le but est<br />
le renforcement <strong>de</strong>s capacités en matière <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> en foresterie dans <strong>la</strong> sous-région. La<br />
question posée est <strong>de</strong> savoir quel peut être le rôle d’Ipassa dans :<br />
- le dispositif <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> <strong>national</strong>e ?<br />
- le dispositif <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> régionale ?<br />
- l’interaction entre le privé (les exploitants forestiers) et les institutions publiques <strong>de</strong><br />
<strong>recherche</strong> ?<br />
- l’enseignement/formation ?<br />
- <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong> l’aménagement du réseau <strong>de</strong>s parcs nationaux du pays ?<br />
- 72 -
Autrement dit que faire pour que <strong>la</strong> station <strong>de</strong> Makokou puisse assurer et accomplir<br />
pleinement ses rôles <strong>de</strong> catalyseur et <strong>de</strong> p<strong>la</strong>que tournante en matière <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>, <strong>de</strong><br />
formation et <strong>de</strong> monitoring scientifique dans <strong>la</strong> sous-région ? Les travaux que je mène à<br />
Makokou dans le cadre <strong>de</strong> ma thèse s’inscrivent dans <strong>la</strong> ligne droite <strong>de</strong>s réflexions sur le<br />
<strong>de</strong>venir d’Ipassa. L’idée sous-tendue est que ma thèse soit un <strong>de</strong>s thèmes fédérateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
station d’Ipassa. Si les réflexions que je mène sur <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage à<br />
Makokou ont une portée <strong>national</strong>e et sous-régionale, elles <strong>de</strong>vraient avant tout aboutir à <strong>la</strong><br />
mise en p<strong>la</strong>ce d’un programme <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> sur "<strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage" <strong>de</strong> <strong>la</strong> station<br />
d’Ipassa, développé en partenariat dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong>s Parcs Nationaux du<br />
Gabon.<br />
V.2. Le Parc National <strong>de</strong> l’Ivindo (PNI)<br />
Le PNI à été crée (décret n°612/PR/MEFEPEPN du 30 août 2002) en même temps que<br />
les 12 autres Parcs Nationaux du Gabon, par ordonnance n°6/2002 du 22 août 2002. Ce parc<br />
d’une superficie <strong>de</strong> 300.274 hectares, situé à cheval entre les provinces <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo et<br />
<strong>de</strong> l’Ogooué-Lolo, englobe les 10.000 ha <strong>de</strong> l’ancienne réserve MAB UNESCO d’Ipassa<br />
Makokou. La démarche entreprise par les plus hautes autorités du Gabon dans <strong>la</strong> mise en<br />
p<strong>la</strong>ce du réseau <strong>de</strong>s parcs nationaux est controversée dans <strong>la</strong> mesure où ils ne se sont pas<br />
concertés avec les popu<strong>la</strong>tions locales dans leur prise <strong>de</strong> décision et surtout, dans <strong>la</strong><br />
délimitation du parc. Une gran<strong>de</strong> partie du PNI est constituée <strong>de</strong> terroirs vil<strong>la</strong>geois dont les<br />
popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> Makokou dépen<strong>de</strong>nt pour leurs activités <strong>de</strong> subsistance. La loi prévoit <strong>de</strong>s<br />
droits d’usages coutumiers qui sont libres et gratuits dans le domaine forestier rural,…<br />
(Article 253 <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi n°16/2001) mais interdit dans les parcs (article 259 <strong>de</strong> <strong>la</strong> même loi). Or,<br />
le PNI est traversé <strong>de</strong> long en <strong>la</strong>rge par le fleuve Ivindo, principal « pourvoyeur » en poisson<br />
<strong>de</strong>s pêcheurs <strong>de</strong> Makokou et principal axe <strong>de</strong> pénétration vers <strong>la</strong> forêt profon<strong>de</strong> pour les<br />
chasseurs. Tout au long <strong>de</strong> l’Ivindo, entre Makokou et les chutes <strong>de</strong> Mingouli (près <strong>de</strong> 80 km),<br />
existent <strong>de</strong> nombreux campements <strong>de</strong> pêche/chasse <strong>de</strong>puis toujours utilisés par les Ogivins.<br />
Près <strong>de</strong> 20 riverains entrent en moyenne par jour dans le PNI par le fleuve, pour leurs activités<br />
quotidiennes (Okouyi, non publié). Interdire l’accès à ces campements comme le défini <strong>la</strong> loi<br />
n°16/2001, est purement inconcevable par les popu<strong>la</strong>tions et risque d’engendrer <strong>de</strong>s conflits<br />
tels, que l’enjeu social du parc se verra considérablement remis en question. L’idée d’un parc<br />
<strong>national</strong> à « l’Ogivine » plus adapté aux besoins <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions serait plus adéquat. Mais<br />
- 73 -
pour ce<strong>la</strong> il est nécessaire <strong>de</strong> mieux cerner les besoins réels <strong>de</strong> subsistance <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions et<br />
<strong>de</strong> déterminer l’impact <strong>de</strong> leurs activités sur le parc afin <strong>de</strong> parvenir à un équilibre dynamique.<br />
Ma thèse va tenter d’apporter une contribution à cette vision future du parc.<br />
Par ailleurs, <strong>la</strong> décision <strong>de</strong> <strong>la</strong> création en une fois du réseau <strong>de</strong>s Parcs Nationaux du<br />
Gabon a le mérite d’avoir mis en avant <strong>la</strong> volonté politique <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’un cadre<br />
institutionnel fort, ce qui est un atout considérable dans cette région où les questions<br />
environnementales ne sont pas souvent prioritaires.<br />
- 74 -
Chapitre III : Le modèle et les métho<strong>de</strong>s utilisées<br />
Section I – Synthèse <strong>de</strong> données disponibles sur le Potamochère<br />
Il s’agit dans ce paragraphe d’une synthèse bibliographique <strong>de</strong>s données disponibles<br />
sur le Potamochère. Cependant, <strong>de</strong> nombreuses données font référence à l’espèce P. <strong>la</strong>rvatus<br />
car ce sont les seules disponibles sur le genre Potamochoerus dans <strong>la</strong> littérature. Il convient<br />
cependant d’être pru<strong>de</strong>nt quant à leur extrapo<strong>la</strong>tion à P. porcus, l’espèce concernée par mon<br />
étu<strong>de</strong>.<br />
I.1. C<strong>la</strong>ssification.<br />
Le potamochère fait partie :<br />
- du Règne Animal<br />
- du Phylum <strong>de</strong>s Chordés<br />
- du Sous-phylum <strong>de</strong>s Vertébrés<br />
- <strong>de</strong> <strong>la</strong> C<strong>la</strong>sse <strong>de</strong>s Mammifères<br />
- <strong>de</strong> l’Ordre <strong>de</strong>s Artiodactyles<br />
- <strong>de</strong> <strong>la</strong> Famille <strong>de</strong>s Suidae<br />
- <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sous-famille <strong>de</strong>s Suinae.<br />
La sous-famille <strong>de</strong>s Suinae comprend six genres : le genre Porcu<strong>la</strong>, le genre Sus, le<br />
genre Babirussa, le genre Hylochoerus, le genre Phacochoerus et le genre Potamochoerus<br />
(Gray, 1854).<br />
Seuls les trois <strong>de</strong>rniers genres sont Africains. Le genre Potamochoerus comporte<br />
<strong>de</strong>ux espèces à savoir le Potamochoerus porcus (Red River Hog) et Potamochoerus <strong>la</strong>rvatus<br />
(Bushpig). Ces 2 espèces se distinguent <strong>de</strong> par leur phénotype, leur habitat et leur aire <strong>de</strong><br />
répartition. Le Potamochère est en tête <strong>de</strong>s Mammifères à <strong>la</strong>rge distribution avant<br />
l’hippopotame (Hippopotamus amphibius), <strong>la</strong> panthère (Felis pardus), le lion (Felis leo), <strong>la</strong><br />
civette (Civettictis civetta) et <strong>la</strong> loutre (Lutra maculicollis). Ce sont en général <strong>de</strong>s<br />
mammifères ubiquistes tant représentés en savane qu’en forêt dans une vaste partie du<br />
continent africain, et dans un certains cas, dans toute l’Afrique intertropicale. P. porcus<br />
occupe un vaste territoire <strong>de</strong> l’Afrique <strong>de</strong> l’Ouest à l’Afrique Centrale Equatoriale, alors que<br />
P. <strong>la</strong>rvatus se retrouve <strong>de</strong> l’Afrique <strong>de</strong> l’Est à l’Afrique du Sud et à Madagascar.<br />
- 75 -
I.2. Description morphologique.<br />
Le Potamochère est un animal d’allure porcine avec une tête imposante et un corps<br />
allongé. La longueur totale <strong>de</strong> l’animal, du groin à l’extrémité <strong>de</strong> <strong>la</strong> queue peut atteindre<br />
1,70 m avec une hauteur au garrot <strong>de</strong> 0,55 m à 0,65 m. Selon l’espèce et le sexe, le poids<br />
varie <strong>de</strong> 45 à 85 kg. Au Gabon, il est rare qu’ils dépassent 60 à 70 kg (Malbrant et McLatchy,<br />
1949). Le pe<strong>la</strong>ge permet <strong>de</strong> distinguer les différentes espèces du genre Potamochoerus. En<br />
effet, P. <strong>la</strong>rvatus a une robe variant du gris foncé au brun, tandis que P. porcus est roux plus<br />
ou moins foncé (plus l’animal est âgé, plus il est foncé). Les marcassins, comme chez le<br />
sanglier d’Europe, ont un pe<strong>la</strong>ge brun foncé avec <strong>de</strong>s rayures jaunâtres qui disparaissent vers<br />
3-4 mois. Ils acquièrent <strong>la</strong> robe adulte vers 6-8 mois.<br />
Le corps est recouvert <strong>de</strong> poils longs et rai<strong>de</strong>s et <strong>la</strong> ligne dorsale est parcourue par une<br />
crinière b<strong>la</strong>nche érectile. La queue, longue et mince, est terminée par une touffe <strong>de</strong> poils<br />
noirs. Elle est le plus souvent pendante ou bat énergiquement les f<strong>la</strong>ncs <strong>de</strong> l’animal afin <strong>de</strong><br />
chasser les parasites (Kimmel, 1998a). La tête porte 2 paires d’excroissances osseuses : l’une<br />
est disposée au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong>s racines <strong>de</strong>s défenses supérieures, l’autre, un peu moins visible, se<br />
situe en région sous-orbitaire. Ces protubérances sont marquées chez les individus âgés,<br />
surtout chez les mâles. Les oreilles sont allongées et pointues ; chez P. porcus, elles sont<br />
terminées par une touffe <strong>de</strong> poils b<strong>la</strong>ncs qui lui vaut le surnom <strong>de</strong> « porc à pinceau ». Comme<br />
tous les Suidés, le Potamochère possè<strong>de</strong> un groin, très mobile grâce à une muscu<strong>la</strong>ture<br />
développée, utilisé pour fouiller le sol à <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> <strong>de</strong> nourriture.<br />
Photo : R. Seitre Photo : F. Jori<br />
Photos 5 et 6: Potamochoerus <strong>la</strong>rvatus (à gauche) et Potamochoerus porcus (à droite)<br />
- 76 -
La <strong>de</strong>ntition a été déterminée par une étu<strong>de</strong> effectuée sur <strong>de</strong>s Potamochères maintenus en<br />
captivité (Sowls et al., 1968 cité dans Kimmel, 1998a). La chronologie d’éruption <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts a<br />
pu être établie, permettant ainsi d’estimer l’âge d’un individu en fonction <strong>de</strong> sa <strong>de</strong>ntition.<br />
Figure 3 : Dentition <strong>de</strong> Potamochère (P. <strong>la</strong>rvatus) adulte<br />
(D’après Sowls et al., 1968 dans Kimmel, 1998a)<br />
Les adultes possè<strong>de</strong>nt en général 42 <strong>de</strong>nts mais il existe <strong>de</strong>s variations entre 40 et 42<br />
<strong>de</strong>nts. La formule <strong>de</strong>ntaire par <strong>de</strong>mi-mâchoire est <strong>la</strong> suivante :<br />
3/3 I + 1/1C + 3 ou 4/3 PM + 3/3 M.<br />
La principale variation rési<strong>de</strong> dans <strong>la</strong> présence ou l’absence <strong>de</strong> <strong>la</strong> 1 ère prémo<strong>la</strong>ire<br />
supérieure. Les canines inférieures sont <strong>la</strong>rges et frottent contre les supérieures qui sortent<br />
transversalement puis verticalement <strong>de</strong> <strong>la</strong> cavité buccale. Les canines ainsi aiguisées par ces<br />
frottements continus, forment <strong>de</strong>s défenses extrêmement tranchantes et dangereuses même si<br />
elles sont beaucoup moins développées que celles du Phacochère. Elles sont plus petites chez<br />
les femelles que chez les mâles (respectivement 17,4 et 20,4 mm pour les canines supérieures<br />
et 41,4 et 47,5 mm pour les canines inférieures) (Kimmel, 1998). La taille <strong>de</strong>s canines est<br />
aussi un indicateur <strong>de</strong> l’âge <strong>de</strong> l’animal.<br />
- 77 -
I.3. Données écologiques et éthologiques<br />
I.3.1. Habitat<br />
Le Potamochère vit essentiellement en milieu forestier (forêts tropicales, forêts<br />
galeries, forêts c<strong>la</strong>ires) mais il peut s’adapter à <strong>de</strong>s terrains très variés, comme les interfaces<br />
forêt/savane, les savanes arbustives et les aires cultivées (Oduro, 1989 cité dans Kimmel,<br />
1998). Son habitat est conditionné par <strong>la</strong> présence d’un milieu humi<strong>de</strong>, <strong>la</strong> disponibilité<br />
alimentaire et <strong>la</strong> couverture végétale. Des estimations <strong>de</strong> <strong>la</strong> taille du territoire d’un groupe <strong>de</strong><br />
Potamochères ont révélé un espace <strong>de</strong> 7 à 10 km 2 (Kimmel, 1998).<br />
I.3.2. Structure sociale<br />
Le Potamochère est un animal grégaire. Il vit en groupes familiaux dont <strong>la</strong> taille varie,<br />
selon les auteurs et l’espèce, <strong>de</strong> 2 à 15 individus. En Afrique du Sud, Seydack a observé <strong>de</strong>s<br />
groupes <strong>de</strong> P. <strong>la</strong>rvatus <strong>de</strong> 2,5 individus en moyenne, alors qu’au Nigéria, <strong>la</strong> taille <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> P. porcus est en moyenne <strong>de</strong> 10,5 animaux. Des groupes <strong>de</strong> 30-60 animaux <strong>de</strong> cette même<br />
espèce ont même été observés en Guinée et en République démocratique du Congo. Au<br />
Gabon, <strong>de</strong>s rassemblements temporaires <strong>de</strong> plusieurs groupes <strong>de</strong> P. porcus sont observés à<br />
certaines pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’année pouvant atteindre une centaine d’individus (Christy et al. 2002).<br />
Le groupe se compose d’une unité familiale, avec le couple parental (mâle et femelle<br />
alpha) et <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière portée voire <strong>la</strong> portée <strong>de</strong> l’année précé<strong>de</strong>nte. Les juvéniles sont souvent<br />
<strong>de</strong>ux fois plus nombreux que les adultes. Ils quittent le groupe à l’âge <strong>de</strong> 1,5-2 ans, <strong>la</strong> fratrie<br />
pouvant alors constituer un groupe temporaire. En pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> rut, ils se sépareront pour<br />
chercher à s’accoupler (Seydack, 1990). La dynamique du groupe reflète <strong>la</strong> saisonnalité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
reproduction mais elle peut également être conditionnée par <strong>la</strong> disponibilité alimentaire.<br />
Seydack (1990) a mis en évi<strong>de</strong>nce, chez P. <strong>la</strong>rvatus, <strong>de</strong>s scissions dans <strong>de</strong>s groupes familiaux<br />
lors <strong>de</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> disette, dans le but d’éviter <strong>la</strong> compétition alimentaire.<br />
I.3.3. Comportement social et territorial<br />
Les groupes familiaux acceptent rarement <strong>la</strong> présence d’un individu étranger à <strong>la</strong><br />
ban<strong>de</strong>. D’après Seydack, chez le P. <strong>la</strong>rvatus, <strong>la</strong> femelle alpha est le plus souvent garante <strong>de</strong><br />
l’intégrité du groupe : c’est elle qui se montre <strong>la</strong> plus agressive à l’égard <strong>de</strong>s nouveaux venus,<br />
- 78 -
sauf s’il s’agit <strong>de</strong> juvéniles ou d’un mâle reproducteur potentiel. Pour Maberly (cité dans<br />
Kimmel, 1998), c’est au mâle dominant que revient le rôle <strong>de</strong> protéger le groupe.<br />
Les Potamochères sont <strong>de</strong>s animaux territoriaux. Groupes familiaux ou individus<br />
solitaires occupent ainsi un territoire dont les limites sont matérialisées par un marquage<br />
odorant et visuel et dont l’exclusivité est défendue contre les intrus. Les femelles sont<br />
particulièrement intolérantes à l’intrusion d’individus dans leur territoire (Seydack, 1990),<br />
mais il semble que <strong>la</strong> défense du territoire soit assurée par le mâle dominant dont <strong>la</strong><br />
confrontation avec un intrus peut se sol<strong>de</strong>r par un combat (Kimmel, 1998). Il existe aussi <strong>de</strong>s<br />
individus noma<strong>de</strong>s, souvent <strong>de</strong>s subadultes ayant quitté le groupe familial, à <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> d’un<br />
territoire libre qu’ils pourront occuper.<br />
Les interactions sociales sont régies par une communication olfactive, auditive et<br />
visuelle. Les mâles possè<strong>de</strong>nt une g<strong>la</strong>n<strong>de</strong> olfactive au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> lèvre supérieure au-<strong>de</strong>ssus<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> canine avec <strong>la</strong>quelle il marque les troncs d’arbre en frottant leur lèvre. Des g<strong>la</strong>n<strong>de</strong>s<br />
existent également au niveau <strong>de</strong>s pieds : leurs orifices s’ouvrent sur <strong>la</strong> face palmaire <strong>de</strong>s<br />
doigts 2 et 5 <strong>de</strong>s pieds antérieurs et postérieurs et au milieu <strong>de</strong> <strong>la</strong> sole, uniquement au niveau<br />
<strong>de</strong>s membres postérieurs. Ces g<strong>la</strong>n<strong>de</strong>s sont présentes chez les mâles et les femelles. En<br />
grattant le sol, ils déposent un stimulus visuel et olfactif. Accompagné <strong>de</strong>s fèces et <strong>de</strong> l’urine,<br />
ces marquages sont <strong>de</strong>stinés à signaler et à asseoir <strong>la</strong> présence d’un groupe ou d’un individu<br />
dans un territoire. L’apparence, en particulier, <strong>la</strong> couleur du pe<strong>la</strong>ge, <strong>la</strong> présence et <strong>la</strong> taille <strong>de</strong>s<br />
protubérances crâniennes chez les mâles sont <strong>de</strong>s stimuli visuels traduisant le sexe, l’âge et le<br />
rang <strong>de</strong> l’animal. Enfin, <strong>la</strong> communication auditive comprend une série <strong>de</strong> vocalisations,<br />
utilisées pour maintenir <strong>la</strong> cohésion du groupe, donner l’a<strong>la</strong>rme et exprimer une menace.<br />
Les interactions peuvent être <strong>de</strong> plusieurs types et diffèrent suivant le sexe <strong>de</strong>s<br />
individus. Chez P. <strong>la</strong>rvatus, les mâles se jaugent mutuellement à travers les signes distinctifs<br />
<strong>de</strong> leur rang : protubérances crâniennes, couleur <strong>de</strong> <strong>la</strong> tête, taille du corps, crinière dorsale<br />
érectile. Cette évaluation mutuelle peut donner lieu à <strong>de</strong>s face-à-face d’intimidation mais<br />
aboutit très rarement à un combat, sauf en cas <strong>de</strong> compétition pour l’accouplement. Plusieurs<br />
mâles peuvent ainsi cohabiter à condition que <strong>la</strong> hiérarchie soit établie entre eux. Celle-ci est<br />
maintenue par <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> dominance du mâle alpha (coup <strong>de</strong> tête, charge, c<strong>la</strong>quement <strong>de</strong><br />
mâchoires…) et <strong>de</strong> soumission <strong>de</strong>s dominés (qui baissent <strong>la</strong> tête, reculent ou se couchent), qui<br />
s’expriment notamment lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> prise alimentaire. Les femelles sont beaucoup plus<br />
agressives que les mâles. Elles n’instaurent pas <strong>de</strong> re<strong>la</strong>tion hiérarchique entre elles: soit elles<br />
s’évitent, soit l’interaction aboutit en une agression physique. Les femelles alpha peuvent<br />
- 79 -
également être agressives envers <strong>de</strong>s intrus mâles non dominants, pour <strong>la</strong> défense <strong>de</strong> leur<br />
territoire.<br />
La méfiance du Potamochère est en général peu éveillée, sauf dans les régions où <strong>la</strong><br />
chasse sévit avec intensité. Il semble que l’odorat soit le seul sens en éveil chez les<br />
Potamochères en mouvement, dont les compagnies donnent souvent l’impression d’une<br />
troupe aveugle. En ordre <strong>de</strong> marche, <strong>la</strong> formation en file indienne est généralement adoptée.<br />
L’émoi chez les Potamochères n’est jamais bien long et <strong>la</strong> compagnie ne tar<strong>de</strong> pas à<br />
recouvrer son calme quel que soit le motif <strong>de</strong> <strong>la</strong> fuite, même un coup <strong>de</strong> feu. Les chasseurs<br />
indigènes mettent souvent à profit ce comportement et arrivent souvent à abattre au fusil<br />
plusieurs bêtes dans un même troupeau.<br />
I.3.4. Activités<br />
Les Potamochères sont surtout actifs le soir et <strong>la</strong> nuit, pendant <strong>la</strong>quelle ils consacrent<br />
beaucoup <strong>de</strong> temps à <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> <strong>de</strong> nourriture en fouissant et creusant le sol. Cette activité<br />
nocturne est aussi le résultat <strong>de</strong> <strong>la</strong> pression <strong>de</strong> chasse dont ils sont victimes. Ainsi, dans<br />
certaines zones protégées, le Potamochère montre <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s diurnes. La journée, ils<br />
restent souvent cachés dans <strong>de</strong>s buissons épais et épineux ou dans les fourrés <strong>de</strong>nses. Comme<br />
<strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s Suidés, ils affectionnent les bains <strong>de</strong> boue qui leur permet <strong>de</strong> lutter contre <strong>la</strong><br />
chaleur et <strong>de</strong> se débarrasser <strong>de</strong>s parasites. Ils parcourent en moyenne 3 kilomètres par jour<br />
mais suivant <strong>la</strong> disponibilité alimentaire et <strong>la</strong> structure sociale (groupe possédant un territoire<br />
ou solitaires noma<strong>de</strong>s), ils peuvent parcourir jusqu’à 6 km par jour (Kimmel, 1998a).<br />
I.3.5. L’alimentation<br />
Le Potamochère est un animal omnivore. Cependant, son régime alimentaire est<br />
majoritairement végétarien (Kimmel, 1998a). Seydack (1990) a établi <strong>la</strong> composition du<br />
régime du P. <strong>la</strong>rvatus en Afrique du Sud :<br />
- 40% d’organes souterrains <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes (racines, bulbes, tubercules, rhizomes),<br />
- 30% <strong>de</strong> parties herbacées,<br />
- 13% <strong>de</strong> fruits,<br />
- 9% <strong>de</strong> matières animales,<br />
- 8% <strong>de</strong> champignons.<br />
- 80 -
Les Potamochères sont très friands <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes cultivées (manioc, maïs, canne à<br />
sucre…), ce qui en fait un ravageur <strong>de</strong> cultures et pose donc un problème <strong>de</strong> cohabitation<br />
avec les vil<strong>la</strong>geois. Son alimentation carnée se compose d’invertébrés (insectes, vers <strong>de</strong> terre),<br />
<strong>de</strong> petits vertébrés (jeunes oiseaux, serpents, grenouilles, œufs…) ou <strong>de</strong> charognes. Dans les<br />
forêts humi<strong>de</strong>s, Lapierorosa sp. et Tritiona rubrolucens sont très prisées au mois <strong>de</strong> juillet,<br />
alors qu’en décembre, les fruits <strong>de</strong> Garcinia livingstonei, premier arbre à fructifier, sont<br />
<strong>la</strong>rgement consommés jusqu’à ce que d’autres arbres arrivent à maturité (Kimmel, 1998). Au<br />
Gabon, les Potamochères affectionnent particulièrement les graines oléagineuses (Cou<strong>la</strong><br />
edulis, Irvingia gabonensis…) que l’on trouve en saison humi<strong>de</strong> ainsi que certains fruits<br />
(Chrysophyllum albidum, Gambeya <strong>la</strong>courtiana...) que l’on retrouve en saison sèche (Christy,<br />
2003).<br />
Même s’il est omnivore, le Potamochère sélectionne ses aliments. Son choix est guidé<br />
par <strong>la</strong> disponibilité alimentaire qui varie en fonction du biotope et <strong>de</strong>s saisons et par les<br />
besoins physiologiques (<strong>la</strong>ctation pour les femelles par exemple). Il sait se montrer<br />
opportuniste, exploitant ainsi sa nourriture favorite tant qu’elle est en abondance, puis se<br />
tournant vers d’autres aliments quand elle se fait plus rare (Kimmel, 1998).<br />
I.3.6. Reproduction<br />
La maturité sexuelle, pour les <strong>de</strong>ux espèces du genre Potamochoerus, est atteinte entre<br />
16 et 20 mois chez le mâle et entre 17 et 22 mois chez <strong>la</strong> femelle (Kimmel, 1998). Le poids<br />
est également un facteur intrinsèque déterminant. Les facteurs extrinsèques sont<br />
l’alimentation, le statut social et <strong>la</strong> photopério<strong>de</strong>. Chez P. <strong>la</strong>rvatus, il apparaît même qu’une<br />
synergie s’opère entre <strong>la</strong> photopério<strong>de</strong> et le poids : si le poids critique n’est pas atteint lorsque<br />
<strong>la</strong> photopério<strong>de</strong> est idéale, <strong>la</strong> maturité sexuelle peut être reportée à l’année suivante (Seydack,<br />
1990).<br />
Le cycle <strong>de</strong> <strong>la</strong> femelle est polyoestrien : le nombre moyen d’ovules émis pendant<br />
l’ovu<strong>la</strong>tion est <strong>de</strong> 4,2. Les follicules sont considérés comme pré-ovu<strong>la</strong>toires lorsqu’ils<br />
atteignent 6 à 8 mm <strong>de</strong> diamètre. Après <strong>la</strong> rupture follicu<strong>la</strong>ire, un corps jaune se développe (6<br />
à 10 mm <strong>de</strong> diamètre) et persiste pendant toute <strong>la</strong> gestation si l’ovule est fécondé. En général,<br />
le nombre d’embryons est égal au nombre <strong>de</strong> corps jaunes mais <strong>la</strong> différence entre les <strong>de</strong>ux<br />
peut varier <strong>de</strong> 2 à 5. Le corps jaune secrète <strong>la</strong> progestérone et joue ainsi un rôle important<br />
pour le maintien <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestation. Il régresse après le part ou 15 jours après l’ovu<strong>la</strong>tion s’il n’y<br />
- 81 -
a pas eu fécondation. Il évolue alors en corps b<strong>la</strong>nc (2-3 mm <strong>de</strong> diamètre) tandis que le poids<br />
<strong>de</strong> l’ovaire diminue également.<br />
Même si l’ovu<strong>la</strong>tion est possible toute l’année, il existe un pic saisonnier. La<br />
saisonnalité <strong>de</strong> l’ovu<strong>la</strong>tion est variable selon les pays, mais, si l’accouplement a lieu, elle<br />
permet <strong>de</strong>s mises-bas à <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>la</strong> plus favorable (saison humi<strong>de</strong>, abondance alimentaire).<br />
En Afrique du Sud, comme le montre <strong>la</strong> figure 2, les mises bas ont lieu majoritairement au<br />
printemps. Au Gabon, dans les popu<strong>la</strong>tions naturelles, les mises bas ont lieu une fois par an<br />
en décembre et janvier. Cependant, physiologiquement, il semble possible que les femelles<br />
mettent bas 2 portées par an. Ceci a déjà été observé en élevage (Kimmel, 1998).<br />
La gestation dure environ 17 semaines. La taille <strong>de</strong> <strong>la</strong> portée est, en moyenne, <strong>de</strong> 3-4<br />
petits. Des portées <strong>de</strong> 8 petits ont été décrites (Skinner, 1976 cité dans Kimmel, 1998). Les<br />
nouveau-nés ont un poids moyen <strong>de</strong> 900 g (Seydack, 1990). La femelle présente un anoestrus<br />
<strong>de</strong> gestation et <strong>de</strong> <strong>la</strong>ctation (Kimmel, 1998). La sécrétion <strong>la</strong>ctée commence 12 à 14 jours<br />
avant le part et se poursuit ensuite pendant 4 à 5,5 mois en captivité. Le <strong>la</strong>it du Potamochère<br />
est beaucoup plus concentré que le <strong>la</strong>it <strong>de</strong>s autres Suidés, notamment en lipi<strong>de</strong>s et en<br />
protéines. Il est constitué <strong>de</strong> :<br />
- 24,2% <strong>de</strong> matière sèche ;<br />
- 10,4 % <strong>de</strong> lipi<strong>de</strong>s ;<br />
- 9,4% <strong>de</strong> protéines ;<br />
- 3,0% <strong>de</strong> gluci<strong>de</strong>s ;<br />
- 1,4% <strong>de</strong> minéraux.<br />
Les Potamochères sont monogames. Le couple dominant est le seul à se reproduire au<br />
sein du groupe. Les liens entre mâle et femelle d’une part, et entre parents et progéniture<br />
d’autre part, se prolongent souvent après le sevrage. Les 2 parents assurent l’éducation <strong>de</strong>s<br />
petits mais il est à noter que le père s’implique particulièrement dans les soins parentaux ; il<br />
reste d’ailleurs parfois plus longtemps avec sa portée que <strong>la</strong> femelle. Les filles <strong>de</strong> <strong>la</strong> femelle<br />
alpha peuvent également s’occuper <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong> <strong>la</strong> portée. Ces soins alloparentaux ne sont<br />
pas systématiques et semblent avoir un déterminisme hormonal (Seydack, 1990).<br />
- 82 -
Figure 4 : Répartition <strong>de</strong>s mises bas chez les Potamochères (P. <strong>la</strong>rvatus) <strong>de</strong> <strong>la</strong> province du<br />
Cap, Afrique du Sud<br />
(D’après Seydack, 1990)<br />
Les mâles ne semblent pas avoir d’activité sexuelle saisonnière (pas <strong>de</strong> modification<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> masse testicu<strong>la</strong>ire ni <strong>de</strong> <strong>la</strong> concentration en testostérone). Cependant, les femelles<br />
n’étant réceptives qu’à une pério<strong>de</strong> précise <strong>de</strong> l’année, les accouplements sont saisonniers<br />
(Seydack, 1990).<br />
pourcentage<br />
Le comportement reproducteur n’est pas très bien connu. On sait que seul le mâle<br />
dominant s’accouple avec sa femelle. Dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s cas, ce sont les seuls individus<br />
pubères du groupe. Lorsque ce n’est pas le cas, les autres adultes sont inhibés sexuellement.<br />
Le mâle dominant reste avec sa femelle toute sa vie. Lorsque celle-ci <strong>de</strong>vient trop âgée pour<br />
se reproduire, il s’accouple avec une <strong>de</strong> ses filles. En pério<strong>de</strong> d’oestrus, <strong>la</strong> femelle présente<br />
son arrière-train au mâle. Le temps <strong>de</strong> copu<strong>la</strong>tion n’a pas réellement été calculé mais il<br />
semble qu’il excè<strong>de</strong> <strong>la</strong>rgement 5 minutes comme chez <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s Suidés (Skinner et al.,<br />
1976 cité dans Kimmel, 1998).<br />
100<br />
75<br />
50<br />
25<br />
0<br />
Automne Hiver Printemps Eté<br />
Quand <strong>la</strong> femelle est prête à mettre bas, elle construit un nid <strong>de</strong> branchages et <strong>de</strong><br />
feuilles entassées d’une hauteur <strong>de</strong> 50 à 60 cm. Elle s’y cache pour mettre bas et y reste<br />
pendant quelques jours le temps que ses petits soient capables <strong>de</strong> <strong>la</strong> suivre hors du nid. Les<br />
jeunes, très sensibles au froid pendant les premiers jours <strong>de</strong> leur vie sont ainsi protégés<br />
thermiquement. Une femelle plus jeune accompagne souvent <strong>la</strong> femelle reproductrice,<br />
montrant beaucoup d’attention envers les petits, leur permettant même parfois <strong>de</strong> téter. Après<br />
- 83 -
15 jours environ, <strong>la</strong> femelle et sa progéniture rejoignent le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> ban<strong>de</strong>. Le mâle prend<br />
alors le re<strong>la</strong>is dans l’éducation <strong>de</strong>s jeunes (Kimmel, 1998).<br />
Section II - Le Potamochoerus porcus du Gabon<br />
Vraisemb<strong>la</strong>blement l’espèce présente à Makokou est le Potamochère à front noir ou<br />
Potamochoerus porcus albifrons (du Chaillu). Initialement décrite au Gabon, l’habitat <strong>de</strong><br />
cette sous-espèce s’étend jusqu’à <strong>la</strong> rive droite du Congo (Carte 8) (Malbrant, 1949 ; Dupuy,<br />
1969).<br />
Selon les régions et les ethnies du Gabon, le Potamochère est nommé différemment. Il<br />
se nomme N’gouyi en Bapunu, M’Bédé et Eshira. Les Loango l’appel N’gouloubou mais les<br />
Okandé et Mpongouè le nomment <strong>de</strong> leur côté N’goua. Les Fang préfèrent Ndjui, alors que<br />
les Bakota et les Shaké le connaisse sous le nom <strong>de</strong> N’gouéya, un peu comme les Téké qui<br />
dissent N’gouya, contrairement au Kwélé qui l’appel Guié. Ces variantes d’appel<strong>la</strong>tion du<br />
Potamochère semblent se rattacher à une même racine et <strong>de</strong> toute façon souligne que le<br />
Potamochère est connu <strong>de</strong> toutes les popu<strong>la</strong>tions du Gabon. Nous montrerons plus avant<br />
l’intérêt que portent les communautés <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo à cet animal.<br />
Carte 8: Aire <strong>de</strong> répartition du genre Potamochoerus porcus<br />
(d’après Vercammen et al.., 1993 cité dans Kimmel 1998)<br />
- 84 -
Section III - Le choix <strong>de</strong> l’espèce<br />
III.1. Importance socioéconomique du Potamochère<br />
Dans <strong>la</strong> région du nord-est du Gabon, les popu<strong>la</strong>tions rurales sont dépendantes du<br />
gibier forestier sur le p<strong>la</strong>n alimentaire et économique, l’aspect socioculturel étant moins<br />
perceptible au premier abord. Parmi les animaux prélevés en forêt, le groupe <strong>de</strong>s<br />
Artiodactyles subit <strong>la</strong> plus forte pression <strong>de</strong> chasse en nombre <strong>de</strong> prises avec 57,5 % du total<br />
du gibier chassé (Lahm, 1996). De façon plus contrastée, les résultats obtenus lors <strong>de</strong> mon<br />
DEA montrent que sur les 19 espèces animales les plus rencontrées sur le marché <strong>de</strong><br />
Makokou, les huit espèces les plus abondantes (en nombre <strong>de</strong> prises) sont le Céphalophe bleu<br />
avec 26,08 % <strong>de</strong> l’ensemble du gibier ; les Céphalophes moyens (Cephalophus callipygus, C.<br />
dorsalis et C. nigrifrons) avec 41,29 % ; le Potamochère (Potamochoerus porcus) avec 14,67<br />
% ; l’Athérure africain avec 8,69 % et les Cercopithèques (Cercopithecus nictitans et C.<br />
cephus) avec 5,42 % (Okouyi, 2001). De ces huit espèces, le Potamochère, avec un prix<br />
moyen à <strong>la</strong> pièce <strong>de</strong> 32000 FCFA (48,78 euros) sur le marché <strong>de</strong> Makokou, est un <strong>de</strong>s gibiers<br />
qui rapportent le plus aux commerçantes (au kilogramme <strong>de</strong>uxième position après<br />
l’Athérure). Il constitue à lui seul 41,32 % <strong>de</strong>s gains par rapport à l’ensemble <strong>de</strong>s ventes<br />
(Okouyi, 2001). C’est un gros gibier et les chasseurs profitent du fait que les Potamochères<br />
sont <strong>de</strong>s animaux grégaires, pour maximiser leur chance <strong>de</strong> tuer plusieurs prises en une seule<br />
sortie. Sur le marché <strong>de</strong> Libreville, un Potamochère peut se vendre jusqu'à 110.000 francs<br />
CFA (167,7 euros) pour les spécimens adultes.<br />
III.2. Intérêt alimentaire<br />
La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère est <strong>de</strong> loin l’une <strong>de</strong>s plus prisées par les consommateurs <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> région étudiée. La <strong>de</strong>man<strong>de</strong> est considérable à telle point que cette espèce est l’une <strong>de</strong>s plus<br />
vendues sur le marché <strong>de</strong> Makokou, surtout pendant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> février à mai où il est le<br />
plus facilement chassé. Presque toutes les parties du corps du Potamochère sont<br />
consommables. Il est vendu sur le marché soit frais, soit précuit, soit boucané. Il est<br />
généralement proposé dans les restaurants <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce, accompagné <strong>de</strong> <strong>la</strong> sauce du dika<br />
(préparée à base du fruit <strong>de</strong> l’Irvingia gabonensis), ce qui en fait une spécialité locale très<br />
appréciée.<br />
- 85 -
Dans une étu<strong>de</strong> récente effectuée par le projet DABAC auprès <strong>de</strong>s consommateurs<br />
librevillois 22 % considèrent <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère comme leur vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
préférée, <strong>de</strong>rrière l’Athérure (42 %) et <strong>de</strong>vant les Céphalophes (18%) (Binot et Cornélis,<br />
2004). Dans l’Ogooué-Ivindo, 68 % <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois Fang et Kota interrogés par Lahm (1993)<br />
ont cité le Potamochère comme leur gibier favori.<br />
Contrairement à beaucoup <strong>de</strong> gibiers, le Potamochère ne fait l’objet d’aucun tabou<br />
alimentaire, sauf pour les musulmans et les personnes qui l’ont choisi comme totem<br />
(représentation animale d’une personne).<br />
III.3. Le potentiel d’élevage.<br />
Les Suidae, tout comme les Rongeurs, ont <strong>de</strong>s temps <strong>de</strong> gestation courts et un rythme<br />
<strong>de</strong> reproduction rapi<strong>de</strong> (Feer, 1996). De ce point <strong>de</strong> vue, le Potamochère est un bon candidat<br />
pour <strong>de</strong>s programmes d’élevage d’animaux sauvages. C’est un gros gibier, assez bien<br />
représenté dans <strong>la</strong> région, qui vit bien en captivité et s’apprivoise assez facilement. Mais pour<br />
<strong>la</strong> réussite d’une telle entreprise, <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s préa<strong>la</strong>bles sur <strong>la</strong> biologie, l’écologie et<br />
l’utilisation <strong>de</strong> cette espèce par les popu<strong>la</strong>tions sont nécessaires. Cette alternative pourrait être<br />
dans un avenir proche, nécessaire pour pallier <strong>la</strong> raréfaction d’aliments carnés d’origine<br />
forestière qui commence à se manifester dans certaines régions du Gabon surtout en raison <strong>de</strong><br />
l’intensification <strong>de</strong> l’exploitation forestière qui ne <strong>la</strong>isse rien présager <strong>de</strong> bon pour l’avenir.<br />
III.4. Les dégâts sur les cultures.<br />
Les Potamochères affectionnent particulièrement les champs <strong>de</strong> manioc dont ils<br />
déterrent les tubercules en retournant le sol pour les consommer. Ils sont <strong>de</strong> ce fait considérés<br />
comme très nuisibles par les cultivateurs qui n’hésitent pas à vouloir s’en débarrasser. C’est<br />
très souvent une raison évoquée comme prétexte pour chasser le Potamochère pendant <strong>la</strong><br />
saison <strong>de</strong> fermeture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse.<br />
III.5. Le Potamochère, l’animal non charismatique <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation.<br />
Pourtant considéré par certains chasseurs comme un « gros gibier redoutable », et par<br />
d’autres comme le « plus intelligent » <strong>de</strong>s gibiers, le Potamochère n’a guère le charisme <strong>de</strong><br />
l’Éléphant, du Buffle, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Panthère ou celui du Gorille et du Chimpanzé. Malgré son intérêt<br />
- 86 -
socioéconomique indéniable pour les popu<strong>la</strong>tions, il représente peu d’intérêt pour les<br />
conservateurs africanistes qui mentionnent rarement son existence dans les forêts qu’ils<br />
préten<strong>de</strong>nt conserver. Ce<strong>la</strong> fait <strong>de</strong> lui un animal assez « banal » le résultat étant que <strong>de</strong> nos<br />
jours, il existe un énorme déficit <strong>de</strong> connaissances scientifiques sur <strong>la</strong> biologie et l’écologie<br />
<strong>de</strong> cette espèce (Huart, 1993).<br />
Section IV – Métho<strong>de</strong>s utilisées<br />
Deux étu<strong>de</strong>s ont principalement intéressé cette <strong>recherche</strong>. D’une part l’étu<strong>de</strong><br />
ethnozoologique <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière potamochère à Makokou et d’autre part, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> certains<br />
aspects <strong>de</strong> l’écologie <strong>de</strong> cette espèce. La <strong>de</strong>uxième étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>vrait vérifier en quelque sorte, les<br />
données empiriques collectées auprès <strong>de</strong>s informateurs locaux (chasseurs, commerçants…).<br />
Le rapport si étroit entre les Ogivins et le mon<strong>de</strong> animal a pu être mis en évi<strong>de</strong>nce grâce à<br />
cinq principales enquêtes liées à <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à Makokou :<br />
- une enquête <strong>de</strong> chasse vil<strong>la</strong>geoise,<br />
- <strong>de</strong>ux enquêtes <strong>de</strong> commercialisation,<br />
- une enquête <strong>de</strong> consommation urbaine et,<br />
- une enquête <strong>de</strong> prédation <strong>de</strong>s cultures.<br />
Par ailleurs, les informations collectées auprès <strong>de</strong>s informateurs, sur l’écologie du<br />
Potamochère ont pu être vérifiées par une analyse <strong>de</strong> contenus stomacaux, un inventaire<br />
botanique et une série <strong>de</strong> missions <strong>de</strong> prospections en forêt.<br />
IV.1. Métho<strong>de</strong>s utilisées pour les enquêtes sur les pratiques « traditionnelles » <strong>de</strong><br />
production cynégétiques.<br />
Dans cette étu<strong>de</strong>, l’ensemble <strong>de</strong>s données ethnozoologiques et socioéconomiques <strong>de</strong><br />
bases a été collecté par une combinaison <strong>de</strong> méthodologies quantitatives et qualitatives. En<br />
effet, bien que certaines métho<strong>de</strong>s soient quantifiables par définition (les enquêtes <strong>de</strong> marché<br />
par exemple), beaucoup d’informations (l’utilisation <strong>de</strong> pratiques culturelles pour <strong>la</strong> chasse)<br />
n’ont pu être obtenues que sous forme <strong>de</strong> données plus qualitatives et surtout plus diffuses.<br />
Cette combinaison <strong>de</strong> méthodologies quantitatives et qualitatives s’est avérée très utile pour<br />
comprendre par exemple les motivations cynégétiques, culturelles et économiques <strong>de</strong> certains<br />
acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière.<br />
- 87 -
IV.1.1. L’utilisation <strong>de</strong>s questionnaires<br />
Ils ont servis à <strong>la</strong> collecte <strong>de</strong> données quantitatives quoique certaines informations<br />
plus qualitatives aient été notées lorsque l’occasion le permettait. Les questionnaires ont été<br />
utilisés pour les enquêtes <strong>de</strong> chasse, <strong>de</strong> commercialisation, <strong>de</strong> consommation et <strong>de</strong> prédation<br />
<strong>de</strong>s cultures.<br />
VI.1.1.1. L’enquête <strong>de</strong> chasse<br />
La chasse est un sujet très sensible à Makokou, tout comme dans le reste du pays. Les<br />
acteurs impliqués dans le circuit ont peur d’en parler, en raison <strong>de</strong>s campagnes répressives<br />
menées par l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts appuyée par le WWF. Malgré ce<strong>la</strong>,<br />
l’utilisation du questionnaire pour cette enquête a été rendue possible par <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong><br />
confiance que nous avons mis en p<strong>la</strong>ce progressivement avec les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière. Au fil<br />
du temps, nous avons noté une volonté manifeste <strong>de</strong>s chasseurs <strong>de</strong> montrer, à travers leurs<br />
implications aux questionnaires, que leur motivation était basiquement <strong>la</strong> subsistance. Ce qui<br />
rend légitime les activités <strong>de</strong> prélèvements malheureusement réprimés par <strong>la</strong> loi. C’est ainsi<br />
que, parallèlement aux enquêtes, <strong>la</strong> lecture du co<strong>de</strong> forestier gabonais m’a permis <strong>de</strong> mieux<br />
comprendre <strong>la</strong> situation dans <strong>la</strong>quelle se trouvaient les chasseurs.<br />
Le protocole d’enquête <strong>de</strong> chasse a été mis en p<strong>la</strong>ce sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s provenances du gibier sur le marché <strong>de</strong> Makokou (Okouyi, 2001). Quatorze vil<strong>la</strong>ges ont<br />
fait l’objet <strong>de</strong> cette enquête : Il s’agit :<br />
- <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges Etakaniabé, Mbomo, Ntsiété et Mbondou sur l’axe Makokou-Okondja ;<br />
- <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges Ebessi, Mbess et Minkoua<strong>la</strong> sur l’axe Makokou-Ovan ;<br />
- <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges Mayé<strong>la</strong>, Latta, Bobenda, <strong>la</strong> Scierie et Mbengoué sur l’axe Makokou-Mékambo<br />
- <strong>de</strong>s quartiers Zoatab et Loaloa <strong>de</strong> Makokou.<br />
Ces vil<strong>la</strong>ges sont distants <strong>de</strong> 40km au plus, <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou. L’enquête <strong>de</strong>vait<br />
prendre en compte si possible 5 chasseurs par vil<strong>la</strong>ges. Fort <strong>de</strong> ses 33 questions, le<br />
questionnaire, a été organisé <strong>de</strong> manière à collecter <strong>de</strong>s informations sur :<br />
- Le profil social du chasseur ;<br />
- L’organisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et les pratiques empiriques utilisées ;<br />
- Les animaux chassés et leur <strong>de</strong>venir ;<br />
- Les connaissances empiriques <strong>de</strong>s chasseurs sur <strong>la</strong> biologie et l’écologie <strong>de</strong>s gibiers,<br />
- La connaissance par les chasseurs <strong>de</strong>s lois sur <strong>la</strong> chasse.<br />
- 88 -
Déroulement <strong>de</strong> l’enquête<br />
Certains <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges sélectionnés pour l’enquête avaient déjà fait l’objet d’étu<strong>de</strong>s<br />
préa<strong>la</strong>bles (Lahm, 1993 ; Okouyi, 2001). Ce qui fait que nos interlocuteurs étaient assez<br />
réceptifs et préparés à <strong>la</strong> démarche entreprise. Par mes fonctions <strong>de</strong> responsable locale <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
station d’Ipassa Makokou et comme mentionné dans le Chapitre II V1.6., mon intervention<br />
directe dans cette enquête, n’était pas envisageable. Le risque majeur n’était pas, non comme<br />
on peut le penser, un refus <strong>de</strong> col<strong>la</strong>borer <strong>de</strong> <strong>la</strong> part <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois, mais plutôt d’obtenir <strong>de</strong>s<br />
réponses <strong>de</strong> comp<strong>la</strong>isance. En effet, ma présence représentait également pour certains,<br />
l’espoir <strong>de</strong> travailler un jour à Ipassa. J’ai donc sollicité l’intervention, sous forme <strong>de</strong> stage <strong>de</strong><br />
fin <strong>de</strong> cycle (BTS), <strong>de</strong> M MEZUI Yvon, étudiant à l’Institut National Supérieur d’Agronomie<br />
et <strong>de</strong> Biotechnologie (INSAB, USTM Gabon) pour mener cette enquête. Après une brève<br />
formation aux techniques d’enquête, j’ai pu testé le questionnaire avec cet étudiant (ainsi que<br />
son aptitu<strong>de</strong> re<strong>la</strong>tionnelle) sur le personnel <strong>de</strong> <strong>la</strong> station. La <strong>de</strong>uxième étape a consisté à<br />
prendre contact, <strong>de</strong>puis Makokou, avec certains natifs <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges sélectionnés afin <strong>de</strong><br />
l’introduire plus aisément chez le chef. Nous avions <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> faire établir un ordre <strong>de</strong><br />
mission par les autorités <strong>de</strong> Makokou, mais ce<strong>la</strong> aurait créé un climat <strong>de</strong> moindre confiance.<br />
L’étudiant étant logé chez le chef du vil<strong>la</strong>ge, ce <strong>de</strong>rnier pouvait le recomman<strong>de</strong>r aux autres<br />
chasseurs pour participer à l’enquête.<br />
Difficultés rencontrées<br />
Les difficultés liées à cette enquête ne furent pas comme nous l’aurions prévu au<br />
départ, le refus <strong>de</strong>s chasseurs à participer aux questionnaires, mais plutôt tout le contraire. À<br />
partir du moment où le chef du vil<strong>la</strong>ge intervenait, presque tous les chasseurs questionnés et<br />
l’ensemble <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges enquêtés ont saisi l’occasion pour manifester leur mécontentement<br />
vis-à-vis <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi sur <strong>la</strong> chasse et le sentiment d’être abandonné par les pouvoirs publics. Les<br />
débats tournaient très rapi<strong>de</strong>ment à <strong>la</strong> politique, ce qui était moins favorable à <strong>la</strong><br />
concentration minimale nécessaire aux réponses espérées.<br />
L’autre difficulté majeure fut le suivi <strong>de</strong>s chasseurs en forêt. Cette possibilité avait été<br />
au départ envisagée pour le stagiaire lors <strong>de</strong> cette enquête, mais elle présentait tellement <strong>de</strong><br />
risques que je lui ai <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> se limiter à rester dans les vil<strong>la</strong>ges. De plus, il n’est pas<br />
évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> trouver un chasseur qui accepterait qu’on le suive dans ses activités en forêt.<br />
L’ensemble <strong>de</strong>s données sur le suivi in situ <strong>de</strong>s chasseurs n’a donc pu être collecté que<br />
<strong>de</strong> manière disparate pendant mon temps <strong>de</strong> thèse (3 années <strong>de</strong> terrain), à chaque fois que<br />
- 89 -
j’avais l’occasion d’accompagner un chasseur en forêt. Ces données furent aussi complétées<br />
grâce aux techniciens <strong>de</strong> <strong>la</strong> station qui sont au départ <strong>de</strong>s chasseurs. Ainsi, au total, j’ai pu<br />
accompagner 6 chasseurs différents parmi lesquels <strong>de</strong>ux chasseurs d’Éléphants. Les<br />
principales difficultés étaient d’obtenir leur confiance tout en restant neutre du point <strong>de</strong> vue<br />
<strong>de</strong> mes collègues <strong>de</strong> l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts et du WWF. Cette situation m’a<br />
même valu d’être accusé <strong>de</strong> favoriser le braconnage entre autres <strong>de</strong>s Éléphants dans <strong>la</strong> région.<br />
VI.1.1.2. Les enquêtes <strong>de</strong> commercialisation<br />
L’importance <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse par l’activité <strong>de</strong><br />
commercialisation est un indicateur non négligeable du rapport que les popu<strong>la</strong>tions<br />
entretiennent avec <strong>la</strong> ressource. En effet, s’il y a une activité <strong>de</strong> vente, c’est qu’il y a un<br />
« marché » caractérisé par une offre liée à l’abondance <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource et une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui<br />
correspond aux besoins alimentaires et autres <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions en vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. À partir<br />
du moment où ce « marché » vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse existe, il est intéressant <strong>de</strong> comprendre<br />
comment il est organisé et quelle est sa viabilité. Pour ce<strong>la</strong>, les paramètres retenus sont :<br />
- <strong>la</strong> caractérisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse : il s’est agi d’i<strong>de</strong>ntifier<br />
l’ensemble <strong>de</strong>s espèces gibiers exploitées, <strong>de</strong> les hiérarchiser en fonction <strong>de</strong> leur apport dans<br />
les revenus <strong>de</strong>s commerçantes et d’évaluer leur potentiel <strong>de</strong> production. Nous entendons par<br />
potentiel <strong>de</strong> production, <strong>la</strong> capacité à disposer continuellement <strong>de</strong> cette ressource pour<br />
alimenter le marché ;<br />
- <strong>la</strong> caractérisation <strong>de</strong>s acteurs du commerce <strong>de</strong> gibier : il s’agissait <strong>de</strong> les i<strong>de</strong>ntifier<br />
culturellement et socialement et <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce leurs motivations ;<br />
- <strong>la</strong> caractérisation <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong> l’activité al<strong>la</strong>nt du producteur à l’acheteur.<br />
Deux enquêtes <strong>de</strong>scriptives <strong>de</strong> commercialisation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, basées sur <strong>de</strong>s<br />
formu<strong>la</strong>ires préa<strong>la</strong>blement établis, nous ont permis <strong>de</strong> collecter les données. La première<br />
enquête s’est concentrée sur <strong>la</strong> ressource faune sauvage et l’autre sur les principaux acteurs<br />
que sont les commerçants (es).<br />
Caractérisation du gibier vendu à l’éta<strong>la</strong>ge sur le marché AFANE<br />
La vente du gibier à l’éta<strong>la</strong>ge est le mo<strong>de</strong> le plus utilisé à Makokou. Le marché AFANE<br />
du quartier central (Envounga) <strong>de</strong> Makokou (Carte 9), poumon économique <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, a été<br />
choisi par les commerçantes pour écouler leurs produits. Les animaux arrivent sur le marché<br />
en entier ou découpés, frais ou boucanés et sont exposés à <strong>la</strong> vente sur <strong>de</strong>ux principaux<br />
- 90 -
éta<strong>la</strong>ges en béton et/ou sur <strong>de</strong>s tables séparées. Certains gibiers sont exposés à même le sol ou<br />
dans <strong>de</strong>s brouettes servant au transport <strong>de</strong> <strong>la</strong> marchandise <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison au marché.<br />
Il était question dans cette enquête, en évaluant quantitativement et qualitativement<br />
l’ensemble du gibier qui transitait sur ce marché, <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce l’importance du<br />
Potamochère dans <strong>la</strong> gamme <strong>de</strong>s gibiers exploités à Makokou. Pour ce<strong>la</strong>, les données ont été<br />
collectées chaque jour (excepté le dimanche) entre 7 h et 17 h, du 16 juin 2002 au 14 juin<br />
2003.<br />
L’ensemble <strong>de</strong>s informations collectées ont porté entre autres sur :<br />
- <strong>la</strong> date <strong>de</strong> collecte <strong>de</strong> données qui <strong>de</strong>vait nous permettre <strong>de</strong> hiérarchiser l’activité dans le<br />
temps ;<br />
- l’heure d’arrivée du gibier sur le marché qui <strong>de</strong>vait nous renseigner entre autres sur les<br />
provenances du gibier en faisant le lien avec les transporteurs ;<br />
- l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong> l’espèce gibier visant à caractériser <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s gibiers exploités ;<br />
- l’estimation <strong>de</strong> l’âge (A = Adulte, J = Jeune) et l’i<strong>de</strong>ntification du Sexe (M = mâle et F =<br />
Femelle) <strong>de</strong> l’animal qui <strong>de</strong>vraient nous renseigner sur <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> renouvellement <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ressource ;<br />
- <strong>la</strong> prise du poids <strong>de</strong> l’animal si possible pour l’évaluation <strong>de</strong>s biomasses ;<br />
- l’état <strong>de</strong> l’animal en arrivant sur le marcher (C = Congelé, F = Frais, B = Boucané) qui<br />
<strong>de</strong>vait nous renseigner entre autres sur les provenances, les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> conservation… ;<br />
- le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> capture (F = Fusil, P = Piège, A = Autres) qui <strong>de</strong>vait nous permettre <strong>de</strong> mieux<br />
caractériser les pratiques <strong>de</strong> chasse ;<br />
- <strong>la</strong> provenance du gibier, paramètre certes moins précis mais dont l’information permet <strong>de</strong><br />
délimiter un périmètre assez <strong>la</strong>rge d’intervention <strong>de</strong>s chasseurs autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong><br />
Makokou ;<br />
- le prix d’achat au chasseur ou reven<strong>de</strong>ur et le prix <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> l’animal en entier <strong>de</strong>vaient<br />
nous permettre d’estimer les gains brut <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière ;<br />
- enfin, le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vente (E = Entier, D = Découpé) qui <strong>de</strong>vrait nous renseigner sur<br />
l’optimisation <strong>de</strong>s gains <strong>de</strong>s commerçantes.<br />
À côté du marché AFANE, <strong>de</strong>s données complémentaires ont été collectées dans<br />
certaines zones d’approvisionnements <strong>de</strong> Makokou que sont les débarcadères <strong>de</strong> Zoatab et <strong>de</strong><br />
Loaloa.<br />
- 91 -
Carte 9 : P<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s principaux quartiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou<br />
#<br />
MAK O KO U #<br />
Edzu a-Me nien<br />
Vers O v a n<br />
Ip ass a<br />
Eko wong<br />
A<strong>la</strong>rm itan g<br />
Edou ng-Av ion<br />
Carre four CENAR EST<br />
#<br />
Mb ou<strong>la</strong><br />
Ess ick<br />
Ngou abi<br />
Env oug a/Q uartier Ce ntral<br />
#<br />
Ma yiga<br />
Loalo a<br />
#<br />
#<br />
#<br />
#<br />
#<br />
#<br />
#<br />
#<br />
#<br />
#<br />
#<br />
#<br />
Edok<br />
#<br />
#<br />
Mb olo II<br />
Mb olo III<br />
#<br />
Mb olo I<br />
Ando ck<br />
Zoatab<br />
# Eban<br />
#<br />
#<br />
Epas se ngu é Aérop ort<br />
dan goy<br />
Epas se ngu é I<br />
#<br />
# Eta<br />
Latta<br />
Ma yé<strong>la</strong><br />
Mb adi Carrefou r<br />
Mb om o #<br />
#<br />
Nts iété<br />
ka niabé<br />
#<br />
Mb ond ou<br />
Vers Mék a m bo<br />
#<br />
#<br />
Bobe nda<br />
V ers O k o ndja<br />
5 5 Kilometers<br />
_ _ _<br />
_<br />
Gab rte shp<br />
Gab vile shp<br />
Gab hydro surf shp<br />
W<br />
N<br />
S<br />
E<br />
- 92 -
Déroulement <strong>de</strong> l’enquête<br />
L’accès au marché AFANE pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> cette enquête, a été conditionné par le<br />
paiement d’une taxe <strong>de</strong> marché <strong>de</strong> 30 euros par an. Cette taxe était directement payée au<br />
propriétaire du marché, M AFANE, qui librement m’a établi un reçu. Selon ce <strong>de</strong>rnier, les<br />
informations que je récolterais sur l’activité <strong>de</strong> commerce du gibier à Makokou, <strong>de</strong>vraient me<br />
rapporter « gros » et il était tout à fait normal pour lui que je paie. Ce slogan a été repris par<br />
les commerçantes qui n’ont pas hésité à monnayer certaines informations. Ainsi, par exemple,<br />
pour manipuler (dép<strong>la</strong>cer, mesurer ou peser un gibier) le gibier d’une commerçante, il fal<strong>la</strong>it<br />
lui garantir au moins une bouteille <strong>de</strong> bière (0,76 Euros) ou une « brique » <strong>de</strong> vin rouge (1,52<br />
euros). Le fait d’offrir une col<strong>la</strong>tion à une commerçante attirait rapi<strong>de</strong>ment l’attention <strong>de</strong>s<br />
autres au point qu’il <strong>de</strong>venait onéreux <strong>de</strong> satisfaire tout le mon<strong>de</strong>. Mais ce geste réc<strong>la</strong>mé tout<br />
au début <strong>de</strong> l’enquête fût par <strong>la</strong> suite moins exigé, et plutôt proposé par moi pour détendre<br />
l’atmosphère. Cette enquête a également associé <strong>la</strong> participation <strong>de</strong> M EMBONI LEHOU Jacob,<br />
technicien <strong>de</strong> <strong>la</strong> station qui pouvait prendre le re<strong>la</strong>is lorsque j’étais absent.<br />
Difficultés rencontrées.<br />
Cette enquête fut <strong>la</strong> plus difficile, <strong>la</strong> plus <strong>la</strong>borieuse et <strong>la</strong> plus coûteuse <strong>de</strong> mes<br />
activités <strong>de</strong> terrain. Elle a quasiment occupé le tiers <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> pendant mes<br />
étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> terrain. Le plus difficile fut d’acquérir <strong>la</strong> confiance <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>uses ne serait ce que<br />
pour être présent en permanence sur le marché à gibier, leur territoire incontesté. Cette<br />
difficulté était accentuée par le fait que je n’étais pas natif <strong>de</strong> Makokou. Au début « si je ne<br />
venais pas pour acheter du gibier, je n’avais rien à faire là » disaient-elles en me voyant me<br />
rapprocher <strong>de</strong> leur éta<strong>la</strong>ge. C’est à partir du moment où je me suis intéressé aux parasites <strong>de</strong>s<br />
sinus naseaux du Potamochère, que les commerçantes ont vu un intérêt à ma présence.<br />
Intrigué par ces parasites qui sortaient vivant du crâne <strong>de</strong> Potamochère découpé, pourtant<br />
mort <strong>de</strong>puis plusieurs jours, j’ai commencé à acheter les têtes afin <strong>de</strong> déterminer<br />
l’emp<strong>la</strong>cement exact <strong>de</strong> ces <strong>la</strong>rves dans le crâne. Ainsi les commerçantes en voyant en moi un<br />
client fou « du fait que je m’intéressais à ces <strong>la</strong>rves» mais fidèle, se sont <strong>de</strong> plus en plus<br />
ouvertes. Au fur et à mesure, <strong>la</strong> confiance a pu s’installer au point que je fut admis à les<br />
rencontrer à domicile et accé<strong>de</strong>r aux congé<strong>la</strong>teurs qui sert au stockage du gibier.<br />
Cette enquête fut également difficile parce qu’il fal<strong>la</strong>it être non seulement omniprésent<br />
sur le marché pour <strong>la</strong> collecte <strong>de</strong>s informations, mais également suivre le gibier qui al<strong>la</strong>it<br />
directement au domicile <strong>de</strong>s commerçantes (<strong>la</strong> plupart habitent à 15 minutes à pied en<br />
- 93 -
moyenne du marché). En vérité, ce marché à <strong>de</strong>s ramifications liées aux clients qui achètent<br />
directement aux domiciles <strong>de</strong>s commerçantes qui en générale font <strong>de</strong>s stocks. La part du<br />
gibier vendu par ce circuit n'a pu être déterminée, tout comme le gibier n’arrivant pas sur <strong>la</strong><br />
marché parce qu' acheté directement par le client au chasseur, soit dans les vil<strong>la</strong>ges au bord <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> route, soit au niveau <strong>de</strong>s débarcadères.<br />
Les acteurs du commerce du gibier à Makokou.<br />
Le but <strong>de</strong> cette enquête complémentaire était d’i<strong>de</strong>ntifier, répertorier et caractériser<br />
l’activité <strong>de</strong> tous les acteurs connus impliqués dans le commerce <strong>de</strong> gibier à Makokou. On<br />
distingue pour ce<strong>la</strong> :<br />
- les commerçants (es) à l’éta<strong>la</strong>ge (carcasses entières ou découpées, fraîches, congelées<br />
et/ou boucanées) ;<br />
- les commerçants (es) à <strong>la</strong> sauvette (carcasses fraîches et entières pour le petit gibier<br />
et/ou en morceaux pour le gros gibier, frais et/ou boucanés ;<br />
- les commerçants (es) <strong>de</strong>s maquis et restaurants (vian<strong>de</strong> en paquet c'est-à-dire cuite et<br />
emballée dans les feuilles <strong>de</strong> Marantacées, et vian<strong>de</strong> cuite en bouillons dans <strong>de</strong>s marmites).<br />
Tous les principaux lieux <strong>de</strong> vente (marché AFANE du quartier Envounga, les marchés<br />
<strong>de</strong> MBOLO II et ZOATAB, l’Hôtel Belinga, les Auberges et Restaurants) ont été enquêtés.<br />
Les questions visées concernaient :<br />
- <strong>la</strong> typologie <strong>de</strong>s commerçants (es) et <strong>de</strong>s restaurateurs ;<br />
- le(s) mo<strong>de</strong>(s) d’approvisionnements <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource ;<br />
- l’intérêt et le choix <strong>de</strong>s espèces vendues ;<br />
- l’importance <strong>de</strong> cette activité dans les revenus du ménage ;<br />
- les connaissances empiriques <strong>de</strong> <strong>la</strong> biologie et <strong>de</strong> l’écologie <strong>de</strong>s gibiers vendus ;<br />
- l’évaluation <strong>de</strong>s connaissances <strong>de</strong> <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion sur l’activité et sur <strong>la</strong> ressource.<br />
L’enquête a duré un mois (mi-avril à mi-mai 2004) et a bénéficié <strong>de</strong> l’appui <strong>de</strong> Melle<br />
NGANGOUBADI Gw<strong>la</strong>dis, stagiaire <strong>de</strong> l’Ecole Nationale <strong>de</strong>s Eaux et Forêts, dont <strong>la</strong><br />
particu<strong>la</strong>rité était d’être originaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> province. Elle était connue par ce milieu assez fermé<br />
<strong>de</strong>s commerçantes <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, pour avoir exercé cette activité dans le temps comme<br />
<strong>la</strong> plus part <strong>de</strong>s jeunes filles <strong>de</strong> <strong>la</strong> région. Les commerçants ont été abordés sur leur lieu <strong>de</strong><br />
vente et interrogés soit sur p<strong>la</strong>ce, soit à leur domicile. Les restaurateurs ont été interrogés dans<br />
leur restaurant.<br />
- 94 -
VI.1.1.3. L’enquête <strong>de</strong> consommation<br />
La consommation <strong>de</strong> gibier étant le troisième indicateur retenu pour évaluer<br />
l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage à Makokou ; il était important pour nous <strong>de</strong> recueillir l’avis<br />
<strong>de</strong>s ménages <strong>de</strong> Makokou par le biais d’une enquête <strong>de</strong>scriptive <strong>de</strong> consommation. Cette<br />
<strong>de</strong>rnière s’est déroulée sur 2 mois (mai-juin 2004) et a concerné 119 dès 1516 ménages que<br />
compte <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou (BCR, 1993), ce qui fait un taux <strong>de</strong> sondage <strong>de</strong> 7,8% acceptable<br />
sur le p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> l’analyse statistique et assez représentatif.<br />
L’enquête visait à :<br />
- déterminer l’importance du gibier dans l’alimentation <strong>de</strong>s ménages ;<br />
- caractériser les différents gibiers consommés selon <strong>de</strong>s critères définis (prix, goût,<br />
facilité d’accès à <strong>la</strong> ressource…) ;<br />
- évaluer l’importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère ;<br />
- évaluer <strong>la</strong> perception du risque sanitaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibier ;<br />
- évaluer le <strong>de</strong>gré d’information <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions sur <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion en matière <strong>de</strong><br />
gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage ;<br />
- évaluer l’opportunité <strong>de</strong> <strong>la</strong> production <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère par l’élevage à<br />
Makokou ;<br />
- mettre en évi<strong>de</strong>nce d’éventuelles différences significatives entre ethnies.<br />
L’unité d’échantillonnage <strong>de</strong> l’enquête était le foyer, c’est-à-dire l’ensemble <strong>de</strong>s<br />
personnes vivant sous le même toit. Au Gabon, le foyer est généralement constitué par une<br />
famille étendue où plusieurs générations cohabitent. À Makokou, d’après le recensement <strong>de</strong><br />
1993, <strong>la</strong> taille moyenne <strong>de</strong>s ménages est <strong>de</strong> 6,38 personnes.<br />
Déroulement <strong>de</strong> l’enquête<br />
L’enquête <strong>de</strong> consommation <strong>de</strong> gibier à Makokou a été réalisée par une équipe <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ux stagiaires sous ma direction dont l’un, M EPEMET Jean Noël, préparait son mémoire<br />
d’Ingénieur <strong>de</strong>s techniques à l’INSAB (USTM, Gabon) et l’autre Melle PAYNE Ariane, sa<br />
thèse <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine vétérinaire à l’Ecole Vétérinaire d’Alfort (France), (Payne, 2005). Dix <strong>de</strong>s<br />
principaux quartiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou se caractérisant par <strong>la</strong> <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion, les<br />
ethnies dominantes et parfois par <strong>la</strong> répartition <strong>de</strong>s catégories socioprofessionnelles, ont fait<br />
l’objet <strong>de</strong> cette enquête (Tableau 5). À partir d’une carte cadastrale, chaque quartier a été<br />
quadrillé et un nombre <strong>de</strong> foyers à interroger, proportionnel à <strong>la</strong> <strong>de</strong>nsité en foyers (d’après <strong>la</strong><br />
- 95 -
carte), a été défini. Sur le terrain, l’équipe <strong>de</strong>vait choisir par tirage systématique, un nombre<br />
fixé <strong>de</strong> foyers par rue ou par pâté <strong>de</strong> maisons (1 foyer toutes les 3 maisons, en alternant le côté<br />
gauche et droit <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue, par exemple). En fait, leurs choix étaient souvent orientés vers <strong>de</strong>s<br />
foyers dont les membres, étant sur le perron <strong>de</strong> leur maison, avaient l’air disponibles.<br />
Tableau 5 : Dominante ethnique et nombre <strong>de</strong> foyers enquêtés par quartier<br />
Quartier Dominante ethnique Nombre <strong>de</strong> foyers enquêtés<br />
Envouga/Quartier central Fang 16<br />
Mbolo Kota 18<br />
Zoatab Kwélé 17<br />
Epassengué Aéroport Kota 8<br />
Epassengué I Kota 8<br />
Andock, Ngouabi Fang 15<br />
A<strong>la</strong>rmitang Fang 5<br />
Ekowong, Mayiga Fang 8<br />
Edoung-Avion Fang 7<br />
Difficultés rencontrées<br />
autres :<br />
Loaloa Kota/Fang 4<br />
Le taux <strong>de</strong> refus à cette enquête s’est élevé à 18%, les causes invoquées ont été entre<br />
- le manque <strong>de</strong> temps ;<br />
- le manque <strong>de</strong> confiance (si <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse n’est pas un sujet tabou, certaines<br />
personnes, sachant qu’elle peut faire l’objet <strong>de</strong> répression, hésitent à en parler librement).<br />
Cette méfiance s’est accrue par le fait que Melle PAYNE est européenne, i<strong>de</strong>ntité qui est<br />
associée pour les popu<strong>la</strong>tions, aux agents du WWF, connus pour leurs actes répressifs sur le<br />
sujet) ;<br />
- l’absence <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne soi-disant capable <strong>de</strong> répondre aux questions ;<br />
- le prétexte <strong>de</strong> <strong>la</strong> non-consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, même si nous leur disions<br />
que ce<strong>la</strong> ne les excluait pas <strong>de</strong> l’enquête.<br />
- 96 -
Dans <strong>la</strong> mesure du possible, le questionnaire s’est adressé à <strong>la</strong> femme du chef <strong>de</strong><br />
famille (<strong>la</strong> « ménagère »), du fait qu’elle était <strong>la</strong> plus à même <strong>de</strong> répondre aux questions. Mais<br />
il a également pris en compte les réponses données par le chef <strong>de</strong> famille ou d’autres membres<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> famille (fille, sœur…), dans <strong>la</strong> mesure où ils participaient au choix et/ou à l’achat et à <strong>la</strong><br />
préparation <strong>de</strong>s repas du foyer. Il est aussi arrivé que plusieurs personnes du ménage prennent<br />
part à l’enquête. Dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s cas, les réponses étaient consensuelles.<br />
Concernant <strong>la</strong> catégorie socioprofessionnelle, nous avons pris en compte <strong>la</strong> profession<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> personne du foyer qui assurait le meilleur revenu. Le plus souvent, une seule personne<br />
avait un emploi fixe dans le foyer, les autres s’occupaient <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ntation familiale (les<br />
femmes en général) ou étaient étudiants.<br />
VI.1.1.4. L’enquête sur <strong>la</strong> prédation <strong>de</strong>s cultures<br />
Cette étu<strong>de</strong> a été mise en p<strong>la</strong>ce pour vérifier les informations issues <strong>de</strong>s enquêtes<br />
précé<strong>de</strong>ntes et qui étaient sensées motiver les chasseurs dans leurs actions <strong>de</strong> prédation sur <strong>la</strong><br />
faune. En effet, les dégâts causés par les animaux sur les cultures vil<strong>la</strong>geoises sont une source<br />
perpétuelle <strong>de</strong> conflit entre l’administration et les vil<strong>la</strong>geois. Presque tous les chasseurs ont<br />
prétendu également chasser (surtout par le piégeage) pour protéger leurs cultures. Nous<br />
voulions par cette enquête, <strong>la</strong> première du genre dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou, voir ce qu’il en<br />
était exactement et quelle était <strong>la</strong> part <strong>de</strong> responsabilité du Potamochère vis-à-vis <strong>de</strong>s autres<br />
animaux incriminés. Sous cet aspect, <strong>la</strong> perception <strong>de</strong>s animaux par les vil<strong>la</strong>geois, est le<br />
quatrième critère retenu pour évaluer l’importance <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans<br />
<strong>la</strong> région.<br />
J’ai sollicité pour cette enquête, l’appui <strong>de</strong> M ONTSANDAGA Narcisse, étudiant en<br />
cinquième année d’Ingénieur <strong>de</strong> l’INSAB (USTM, Gabon) pour les raisons évoquées<br />
précé<strong>de</strong>mment (Paragraphe I.1.1. du même chapitre). Le questionnaire (Annexe 4) mis au<br />
point, le p<strong>la</strong>n d’échantillonnage <strong>de</strong>vait concerner les vil<strong>la</strong>ges aux alentours du PNI (axe<br />
routier Makokou-Ovan) et sur les autres principaux axes <strong>de</strong> provenance du gibier à Makokou.<br />
Treize vil<strong>la</strong>ges ont fait l’objet <strong>de</strong> cette enquête. Il s’agit :<br />
- d’une part <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges Ntsibelong, Ebieng, Edzua-Menien, Nzeng-Ayong, Mbess et<br />
Minkoua<strong>la</strong> sur l’axe Makokou-Ovan. Ces vil<strong>la</strong>ges étant situés entre 2 km et 10 km <strong>de</strong>s limites<br />
du Parc National <strong>de</strong> l’Ivindo. Lorsque se produisent <strong>de</strong>s ravages sur une <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntations, le<br />
parc est directement mis en cause et l’administration tenue pour responsable ;<br />
- 97 -
- d’autre part <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges Mayé<strong>la</strong>, Latta et Bobenda sur l’axe Makokou-Mékambo, les<br />
vil<strong>la</strong>ges Etakanyabé, Mbomo et Ntsiété sur l’axe Makokou-Okondja et le quartier Loaloa <strong>de</strong><br />
Makokou. Des problèmes <strong>de</strong> logistique ont limité nos investigations et nous ont empêché <strong>de</strong><br />
questionner les habitants <strong>de</strong> l’amont <strong>de</strong> l’Ivindo.<br />
Nous avons dans un premier temps pris contact avec le service <strong>de</strong> l’inspection <strong>de</strong>s<br />
Eaux et Forêts qui enregistre les p<strong>la</strong>intes liées aux dégâts <strong>de</strong>s cultures. Sur le terrain, M<br />
ONTSANDAGA <strong>de</strong>vait prendre contact avec le chef du vil<strong>la</strong>ge i<strong>de</strong>ntifié et avec lui, choisir trois<br />
volontaires au moins qui souhaitaient répondre aux questions et qui accepteraient <strong>la</strong> visite <strong>de</strong><br />
leur p<strong>la</strong>ntation. Chaque p<strong>la</strong>ntation visitée a été mesurée, cartographiée et géo-référencée. Si<br />
elles avaient été visitées par <strong>de</strong>s ravageurs <strong>de</strong> cultures, <strong>la</strong> première tâche était d’i<strong>de</strong>ntifier le<br />
ou les responsables et évaluer les dégâts. Il s’agissait d’évaluer <strong>la</strong> surface détruite pour les<br />
champs <strong>de</strong> manioc et compter le nombre <strong>de</strong> pieds détruits pour les bananiers.<br />
VI.1.2. Les entretiens informels ou semi structurés<br />
Ils ont servi à compléter les données obtenues à partir <strong>de</strong>s questionnaires ainsi qu'à<br />
collecter <strong>de</strong>s informations sur les connaissances empiriques du comportement <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune<br />
sauvage et <strong>de</strong> son exploitation.<br />
Cette métho<strong>de</strong> à été utilisée pour <strong>de</strong>s personnes âgées, réputées avoir été d’excellents<br />
chasseurs et/ou connaissant très bien <strong>la</strong> forêt. En général, ces interlocuteurs sont réfractaires à<br />
<strong>la</strong> prise <strong>de</strong> notes en direct. Certaines commerçantes <strong>de</strong> gibier du marché AFANE ainsi que <strong>de</strong>s<br />
chasseurs plus jeunes mais réputés par leurs prouesses ont également été sollicités par cette<br />
métho<strong>de</strong>. Des représentants <strong>de</strong>s trois principales ethnies <strong>de</strong> Makokou ont été sollicités pour<br />
ces entretiens. Je n'utilisais, lors <strong>de</strong>s entretiens, ni questionnaire papier, ni une quelconque<br />
fiche <strong>de</strong> note. Je rencontrais fréquemment ces personnes à Makokou et lorsque l’occasion se<br />
présentait, nous échangions sur leurs activités quotidiennes, ce qui nous amenait sans trop <strong>de</strong><br />
détours à parler <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt et donc <strong>de</strong>s animaux. En leur contant mes anecdotes vécues en<br />
forêt ils pouvaient, animés par une volonté <strong>de</strong> me mettre en gar<strong>de</strong> sur le caractère dangereux<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, me raconter leurs aventures et donc leurs expériences <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. Nous pouvions<br />
ainsi abor<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s aspects traditionnels <strong>de</strong>s pratiques sans qu’ils ne se livrent entièrement. De<br />
toute façon, dans cette région, l’apprentissage s’acquière directement sur le terrain et dans<br />
l’action.<br />
- 98 -
VI.1.3. Traitement et analyse <strong>de</strong>s données<br />
Les données ont été saisies et encodées au fur et à mesure dans une base <strong>de</strong> données<br />
Excel. Elles ont été traitées en utilisant Excel et les logiciels <strong>de</strong> statistique Stata (pour les<br />
enquêtes <strong>de</strong> consommation) et SPSS pour les autres.<br />
À chaque question correspondaient une ou plusieurs variables. Ces variables ont été<br />
dans certain cas regroupées pour faciliter l’encodage <strong>de</strong>s données et l’analyse.<br />
VI.2. Métho<strong>de</strong>s utilisées pour vérifier les données sur l’écologie <strong>de</strong>s Potamochères<br />
Les dép<strong>la</strong>cements <strong>de</strong>s Potamochères en forêt, sont préférentiellement régis par les<br />
disponibilités alimentaires. Les chasseurs ont souvent utilisé ce comportement pour optimiser<br />
leurs prises. C’est sur ces bases que j’ai choisi d’observer d’un peu plus près le comportement<br />
alimentaire <strong>de</strong> ces animaux pour vérifier et mieux comprendre les informations recueillis chez<br />
les chasseurs. Ainsi, les données sur l’écologie alimentaire <strong>de</strong>s Potamochères ont été<br />
collectées par <strong>la</strong> combinaison <strong>de</strong>s observations <strong>de</strong>s animaux in situ et l’analyse <strong>de</strong>s contenus<br />
stomacaux d’animaux, prélevés sur le marché ou en forêt auprès <strong>de</strong>s chasseurs. Ces données<br />
ont pu être complétées par un inventaire botanique <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt d’Ipassa fréquentée par les<br />
Potamochères.<br />
VI.2.1. Collecte et analyse <strong>de</strong>s contenus stomacaux<br />
Un échantillon <strong>de</strong> 27 estomacs <strong>de</strong> Potamochère a été collecté, <strong>de</strong> novembre 2003 à<br />
octobre 2004, auprès <strong>de</strong>s chasseurs et commerçantes <strong>de</strong> Makokou. Ce faible taux <strong>de</strong> collecte<br />
s’explique par le fait que les animaux arrivent généralement éviscérés sur le marché. Plusieurs<br />
stratégies <strong>de</strong> collecte comme le suivi <strong>de</strong>s chasseurs en forêt et les comman<strong>de</strong>s ont été mises en<br />
p<strong>la</strong>ce mais les résultats étaient décevants par rapport aux investissements. L’estomac <strong>de</strong><br />
Potamochère est très apprécié <strong>de</strong>s chasseurs et constitue le repas d’après <strong>la</strong> chasse. En retirant<br />
l’estomac, le chasseur allège non seulement l’animal pour le transport, mais ralenti <strong>la</strong><br />
putréfaction. Pour chaque estomac collecté, un certain nombre d’informations ont été notées :<br />
- <strong>la</strong> date <strong>de</strong> collecte et le nom du collecteur,<br />
- l’âge et le sexe <strong>de</strong> l’animal si possible,<br />
- 99 -
- le lieu <strong>de</strong> collecte,<br />
- <strong>la</strong> provenance du gibier,<br />
- le poids <strong>de</strong> l’estomac entier,<br />
- le poids du contenu stomacal avant et après <strong>la</strong>vage (Feer, 1988).<br />
Après <strong>la</strong>vage, le contenu stomacal est séché pour une analyse macroscopique. Les<br />
aliments i<strong>de</strong>ntifiables ont été séparés par catégories : végétaux (fruits, feuilles, tiges, racines,<br />
etc…) et animaux (insectes et/ou débris, partie animale, etc…). L’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s débris<br />
alimentaires contenus dans l’estomac a été faite par les trois techniciens botanistes <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
station (MOUNGAZI Augustin, MEKOMBA Jean François et MBAZZA Prosper) qui les ont<br />
c<strong>la</strong>ssés par espèces et par familles. L’analyse a porté sur l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s espèces animales<br />
et végétales constituant le régime alimentaire <strong>de</strong>s Potamochères et <strong>la</strong> prédominance <strong>de</strong><br />
certaines espèces par rapport à d’autres.<br />
VI.2.2. Les inventaires botaniques<br />
Ces inventaires ont été réalisés sur un <strong>de</strong>s transects d’Ipassa (le transect Mbomo) longs<br />
<strong>de</strong> cinq kilomètres. Tous les arbres (en particulier les fruitiers) d’un diamètre supérieur ou<br />
égal à 70 cm ont été répertoriés sur une <strong>la</strong>rgeur <strong>de</strong> 5 m <strong>de</strong> part et d’autre du transect (White et<br />
al. 1996 ; Wilks et al.., 2000). L’objectif <strong>de</strong> cet inventaire ne visant pas une <strong>de</strong>scription<br />
botanique fine, seule l’évaluation <strong>de</strong>s potentialités en ressources alimentaires pour les<br />
Potamochères était recherché. La forêt d’Ipassa étant fréquentée par <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong><br />
Potamochères que nous avons eu l’occasion d’observer, <strong>la</strong> distribution <strong>de</strong> ces ressources<br />
alimentaires le long du transect pouvait nous renseigner sur les mouvements <strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s.<br />
- 100 -
Chapitre IV : État <strong>de</strong>s connaissances sur le secteur<br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique Centrale et<br />
implications <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds<br />
Section I – Introduction<br />
Depuis <strong>la</strong> Conférence <strong>de</strong>s Nations Unies sur l’environnement et le développement qui<br />
s’est tenue à Rio <strong>de</strong> Janeiro en juin 1992, l’attention <strong>de</strong>s institutions inter<strong>national</strong>es et du<br />
grand public s’est focalisée sur les tropiques humi<strong>de</strong>s et, en particulier, sur les régions<br />
forestières. Le massif forestier du bassin du Congo 7 et sa périphérie est ainsi considéré comme<br />
une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières forêts primaires encore existantes et donc, comme une réserve majeure <strong>de</strong><br />
biodiversité, élément essentiel pour le développement durable (Fargeot, 2004). Depuis une<br />
quinzaine d’années, toutes les gran<strong>de</strong>s organisations écologistes <strong>de</strong>s pays développés (WWF,<br />
WCS, CI, Greenpeace…) et les principaux bailleurs <strong>de</strong> fonds (Union européenne, FFEM,<br />
GTZ, Banque mondiale…) ont mis en p<strong>la</strong>ce, dans l’urgence, <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> gestion<br />
participative <strong>de</strong> l’environnement en vue <strong>de</strong> concilier développement économique <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions locales et conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité. Malheureusement, sur le terrain, les<br />
actions <strong>de</strong> conservation mises en p<strong>la</strong>ce, sont généralement très mal perçues par les<br />
popu<strong>la</strong>tions forestières qui, non seulement sont privées d’accès libre aux ressources naturelles<br />
<strong>de</strong>s terroirs ancestraux, mais se sentent, <strong>de</strong> surcroît, peu concernées par les grands problèmes<br />
écologiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nète. Plus encore, <strong>la</strong> forêt est <strong>de</strong>venue au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières décennies,<br />
une source vitale <strong>de</strong> revenus en particulier par <strong>la</strong> vente <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> cueillette et surtout du<br />
gibier. Ainsi, l’activité cynégétique au sens le plus <strong>la</strong>rge du terme, a vite été i<strong>de</strong>ntifiée comme<br />
une <strong>de</strong>s principales menaces pour <strong>la</strong> diversité animale. Pourtant, il a été établi que dans le<br />
bassin du Congo, <strong>la</strong> chasse procure une portion importante <strong>de</strong>s protéines dans l’alimentation<br />
<strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions, particulièrement en zone rurale (Chardonnet et al., 1995 ; Bahuchet et al.,<br />
1999 ; Wilkie et al., 1999…). Le tableau 6 ci-<strong>de</strong>ssous présente quelques chiffres à cet effet.<br />
7 Le bassin du Congo comprend sept pays à savoir le Cameroun, <strong>la</strong> Guinée Equatoriale, le Gabon, le Congo<br />
Brazzaville, La RDC, <strong>la</strong> République Centrafricaine et São Tome e Principe.<br />
- 101 -
Tableau 6 : Consommation urbaine et rurale <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans le bassin du Congo.<br />
Pays Surface <strong>de</strong><br />
forêt<br />
Popu<strong>la</strong>tion (c) Vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse consommée<br />
km 2 Forestière Urbaine (a) Kg/an Kg/km 2 /an<br />
Cameroun 155330 1424000 2214620 78077172 503<br />
RCA 52236 219500 539775 12976507 248<br />
RDC 1190737 22127000 3782369 1067873491 897<br />
Guinée Equat. 17004 183000 227500 9762838 574<br />
Gabon 227500 181700 581440 11380598 50<br />
Congo 213400 219500 1245528 16325305 77<br />
(a). Seules les zones urbaines majeures proches <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong>nse sont incluses (Doua<strong>la</strong>, Yaoundé, Bangui,<br />
Berberati, No<strong>la</strong>, Brazaville, Pointe-Noire, Ouesso, Kinshasa, Kissangani, Bukavu, Mbandaka, Libreville, Port<br />
Gentil)<br />
(b). La consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse est estimée à 0,13 kg/personne/jour pour les zones rurales, et à 0,013<br />
kg/personne/jour pour les zones urbaines.<br />
(c). Les données <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion proviennent <strong>de</strong> Bahuchet et <strong>de</strong> Maret, 1995, Deichmann, 1997 et du CARPE GIS<br />
(http://carpe.gecp.virginia.edu)<br />
(b)<br />
Tableau extrait <strong>de</strong> Wilkie et al., 1999.<br />
Longtemps perçu comme un produit du "terroir", nécessaire à <strong>la</strong> subsistance <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions rurales, le gibier est progressivement <strong>de</strong>venu un bien commercial. La <strong>recherche</strong><br />
du profit a conduit à une intensification <strong>de</strong> <strong>la</strong> pression exercée sur <strong>la</strong> faune sauvage, à un point<br />
tel, que <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier, érigée en phénomène <strong>de</strong> société, est<br />
désormais reconnue comme <strong>la</strong> principale menace pesant sur <strong>la</strong> diversité faunique. Ainsi, cette<br />
activité est très vite <strong>de</strong>venue une problématique capitale pour tous les programmes <strong>de</strong><br />
conservation et <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> scientifique sur <strong>la</strong> diversité faunique.<br />
Les anthropologues (Perrois, 1968 ; Dupré, 1976…) sont à l’origine <strong>de</strong>s premiers<br />
travaux <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> sur <strong>la</strong> faune sauvage en tant que ressource alimentaire qui visaient à<br />
évaluer son importance pour <strong>la</strong> survie matérielle et spirituelle <strong>de</strong>s peuples forestiers <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
sous-région. Ils ont été suivis par les statisticiens et les nutritionnistes dans le cadre <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s<br />
globales <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages. Puis dans les années 1980, <strong>de</strong>s biologistes,<br />
soucieux <strong>de</strong> connaître l’impact <strong>de</strong>s prélèvements sur les espèces animales vulnérables (grands<br />
Mammifères à faible taux <strong>de</strong> reproduction) ont <strong>la</strong>ncés les premières étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière sur les<br />
marchés urbains. Les résultats selon eux a<strong>la</strong>rmants, p<strong>la</strong>cent <strong>la</strong> chasse commerciale et <strong>la</strong> filière<br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au cœur <strong>de</strong>s actions prioritaires <strong>de</strong> conservation à mener.<br />
- 102 -
Depuis une quinzaine d’années environ, les étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> filière<br />
économique <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique centrale se sont multipliées et le Tableau 7 ci-<br />
<strong>de</strong>ssous présente quelques uns <strong>de</strong> ces travaux. Plus d’une trentaine d’étu<strong>de</strong>s ont été menées<br />
dans différents cadres. Cependant, elles présentent presque toutes un dénominateur commun à<br />
savoir le commanditaire qui est souvent le bailleur <strong>de</strong> fond. En effet, <strong>la</strong> chasse en Afrique<br />
Centrale est avant tout, une préoccupation occi<strong>de</strong>ntale, visant à évaluer l’impact <strong>de</strong> l’activité<br />
et tenter <strong>de</strong> concilier conservation et utilisation durable <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité biologique dans cette<br />
région. Pour y parvenir, <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> sauvage, a été<br />
réalisée dans le cadre <strong>de</strong> programmes <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> occi<strong>de</strong>ntaux (UNESCO, FAO, APFT,<br />
Nature plus, CIRAD, Universités européennes…) et <strong>de</strong> conservation (ECOFAC, DABAC,<br />
ONGs <strong>de</strong> conservation…) mis en p<strong>la</strong>ce avec <strong>de</strong>s financements internationaux. Par rapport à<br />
l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> bibliographie consultée, on distingue <strong>de</strong>ux approches dans ces étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong><br />
chasse :<br />
- celle menée par <strong>de</strong>s programmes à prédominance <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> l’Homme et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société<br />
(approche UNESCO, APFT…) qui p<strong>la</strong>ce l’Homme et les re<strong>la</strong>tions qu’il entretient avec son<br />
environnement au premier p<strong>la</strong>n ;<br />
- celle menée par les acteurs <strong>de</strong>s Sciences <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nature (approche ECOFAC, DABAC, ONGs<br />
<strong>de</strong> conservation…) qui ne s’intéresse à l’Homme que sous l’aspect <strong>de</strong>s impacts qu’il induit<br />
sur le milieu et les ressources.<br />
Il existe plusieurs synthèses bibliographiques (Chardonnet, 1995 ; Ntiamoa-Baidu,<br />
1998 ; Wilkie et al. 1999 ; Binot et al., 2004 ; Rieu, 2004…) sur le secteur vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
pour le bassin du Congo. Partant <strong>de</strong> ce fait, nous choisissons dans ce chapitre <strong>de</strong> vous<br />
proposer, après une brève revue historique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse dans <strong>la</strong> région, une analyse <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
question vue sous l’angle <strong>de</strong> quelques commanditaires <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s (l’Union européenne, <strong>la</strong><br />
Banque Mondiale, <strong>la</strong> FAO, le FFEM, …) et institutions inter<strong>national</strong>es (<strong>la</strong> CITES, l’UICN,<br />
les ONGs <strong>de</strong> conservation…), à travers les programmes qu’ils financent sur le terrain. Ayant<br />
constaté <strong>la</strong> prédominance <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse au fusil, nous présentons par <strong>la</strong> suite <strong>de</strong>ux<br />
autres mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> productions <strong>de</strong> gibier (<strong>la</strong> chasse au filet et le piégeage) qui mettent en<br />
évi<strong>de</strong>nce <strong>la</strong> maîtrise <strong>de</strong>s techniques et <strong>de</strong>s savoirs liés à <strong>la</strong> forêt, par les popu<strong>la</strong>tions, avant <strong>de</strong><br />
terminer cette synthèse sur une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cas outre-At<strong>la</strong>ntique pour <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong><br />
comparaison.<br />
- 103 -
Tableau 7 : Liste <strong>de</strong> quelques travaux sur <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier en Afrique Centrale. Cette liste est non<br />
exhaustive<br />
Auteur Année Titre Localisation Type Enquête Enquête Enquête<br />
chasse marché consommation<br />
1 Dupre 1976 La chasse au filet chez les Nzabi République Cahier Sci Hum <strong>de</strong> X<br />
Popu<strong>la</strong>ire du Congo l’ORSTOM<br />
2 Mankoto et al. 1987 Données sur l’exploitation du petit et du moyen gibier <strong>de</strong>s forêts Région <strong>de</strong> Symposium<br />
X X<br />
ombrophiles du Zaïre<br />
Kisangani (RDC) UNESCO<br />
3 H<strong>la</strong>dik et al. 1989 Se nourrir en forêt équatorial : anthropologie alimentaire <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions<br />
<strong>de</strong>s régions forestières humi<strong>de</strong>s d’Afrique.<br />
Yaoundé Cameroun UNESCO-MAB X X<br />
4 Steel 1994 Etu<strong>de</strong> sur le volume et <strong>la</strong> valeur du commerce <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse Gabon Rapport WWF X X<br />
5 Chardonnet 1995 Faune sauvage africaine : <strong>la</strong> ressource oubliée Synthèse IGF-CIRAD X X X<br />
bibliographique EMVT UE<br />
6 Dethier 1995 Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse Réserve du Dja<br />
(Cameroun)<br />
Rapport ECOFAC X<br />
7 Fa et al. 1995 Impact of market hunting on mammal species in Equatorial Guinea. Guinée équatoriale Conservation<br />
biology 9<br />
X<br />
8 Juste et al. 1995 Market dynamics of bushmeat species in Equatorial Guinea Rio Muni (Guinée Journal of Applied<br />
X<br />
équatoriale) Ecology<br />
9 Dethier 1996 Etu<strong>de</strong> chasse vil<strong>la</strong>geoise Forêt <strong>de</strong> N’gotto<br />
(RCA)<br />
Rapport ECOFAC X<br />
10 Gally et al. 1996 Etu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse vil<strong>la</strong>geoise en forêt <strong>de</strong>nse humi<strong>de</strong> d’Afrique Centrale. Synthèse<br />
Mémoire<br />
X<br />
bibliographique Gembloux<br />
11 Lahm 1996 Utilisation <strong>de</strong>s ressources forestières et variations locales <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>nsité du Région <strong>de</strong> UNESCO X<br />
gibier dans <strong>la</strong> forêt du nord-est du Gabon<br />
Makokou (Gabon)<br />
12 Ngnegueu et al. 1996 Chasse vil<strong>la</strong>geoise et conséquence pour <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité<br />
dans <strong>la</strong> réserve <strong>de</strong> Biosphère du Dja<br />
Cameroun Rapport ECOFAC X X<br />
13 Vanwijnsberghe 1996 Etu<strong>de</strong> sur <strong>la</strong> chasse vil<strong>la</strong>geoise aux environs du Parc d’Odza<strong>la</strong> Parc d’Odza<strong>la</strong><br />
(Congo)<br />
Rapport ECOFAC X<br />
14 Auzel 1997 Evaluation <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sur <strong>la</strong> faune <strong>de</strong>s forêts d’Afrique Bomassa, (Congo Rapport WCS X<br />
Centrale, nord Congo. Mise au point <strong>de</strong> métho<strong>de</strong>s basées sur l’analyse <strong>de</strong>s<br />
pratiques et les résultats <strong>de</strong>s chasseurs locaux<br />
Brazzaville)<br />
15 Bahuchet et al. 1998 Le rôle <strong>de</strong> <strong>la</strong> restauration <strong>de</strong> rue dans l’approvisionnement <strong>de</strong>s villes en Yaoundé Editions du Bergier X X<br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse : le cas <strong>de</strong> Yaoundé<br />
(Cameroun)<br />
16 Jeanmar 1998 Tentative d’é<strong>la</strong>boration d’un p<strong>la</strong>n <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse vil<strong>la</strong>geoise Réserve du Dja<br />
(Cameroun)<br />
Rapport ECOFAC X<br />
17 Bahuchet et al. 1999 La filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse Cameroun, Gabon Rapport APFT<br />
18 Dounias 1999 Le câble pris au piège <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation. Technologie du piégeage et Région <strong>de</strong> Campo Editions <strong>de</strong> Bergier X X<br />
production cynégétique chez les Mvae<br />
(Cameroun)<br />
19 Wilkie et al. 1999 La chasse pour <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans le bassin du Congo Synthèse Biodiversity and X X X<br />
bibliographique Conservation<br />
20 Auzel et Wilkie 2000 Wildlife use in Northern Congo : Hunting in a commercial logging Région <strong>de</strong> Ouesso Columbia<br />
X X<br />
concession.<br />
(Congo<br />
Brazzaville)<br />
University Press<br />
- 104 -
21 Bahuchet et al. 2000 De <strong>la</strong> forêt au marché : le commerce <strong>de</strong> gibier au sud du Cameroun Cameroun Editions <strong>de</strong> Bergier X X<br />
22 Diéval 2000 La filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse à Bangui RCA Bangui (RCA) Mémoire ISTOM X X<br />
23 Fargeot 2000 Droit <strong>de</strong> chasse et droit <strong>de</strong> chasser : <strong>de</strong>ux notions complémentaires RCA Canopée ECOFAC<br />
24 Fargeot et al. 2000 La consommation <strong>de</strong> gibier à Bangui, quelques données économiques et<br />
biologiques<br />
RCA Canopée ECOFAC X X X<br />
25 Delvingt et al. 2001 La chasse vil<strong>la</strong>geoise Badjoué, gestion coutumière ou pil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> <strong>la</strong> RCA Université <strong>de</strong> X<br />
ressource gibier ?<br />
Gembloux<br />
26 Delvingt et al. 2001 La chasse vil<strong>la</strong>geoise synthèse régionale <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s réalisées durant <strong>la</strong> Cameroun, Congo Rapport ECOFAC X X X<br />
première phase du programme ECOFAC<br />
et RCA<br />
27 Fa et al. 2001 Commercial bushmeat hunting in the Monte Mitra forest, Equatorial<br />
Guinea : extent and impact<br />
Rio Muni (Guinée<br />
équatoriale)<br />
Animal<br />
Biodiversity and<br />
Conservation<br />
Thèse <strong>de</strong> doctorat<br />
EHESS<br />
Rapport Université<br />
Ngaoundéré<br />
28 Takforyan 2001 Chasse vil<strong>la</strong>geoise et gestion locale <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage en Afrique : Une Gouté et Djémiong,<br />
X X<br />
étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cas<br />
(Cameroun)<br />
29 Atoukam et al. 2002 Filière <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans l’Adamaoua Adamaoua<br />
(Cameroun)<br />
X X<br />
30 Ed<strong>de</strong>rai et al. 2003 Recensement <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong> commercialisation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier dans <strong>la</strong><br />
ville <strong>de</strong> Yaoundé<br />
Cameroun Rapport DABAC X X<br />
31 Fargeot 2003 La chasse et le commerce <strong>de</strong> <strong>la</strong> venaison en "Afrique centrale" Synthèse<br />
Mémoire<br />
X X X<br />
bibliographique Univiversité <strong>de</strong><br />
Toulouse<br />
32 Thibault et al. 2003 The oil industry as an un<strong>de</strong>rlying factor in the bushmeat crisis in Central<br />
Afica<br />
Gabon Rapport WWF X<br />
33 Binot et al. 2004 Synthèse bibliographique du secteur « vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse » au Gabon Gabon Rapport CIRAD X X X<br />
34 Rieu 2004 Faune sauvage et exploitation forestière en Afrique centrale Synthèse Mémoire DESS X<br />
bibliographique CIRAD<br />
35 WCS 2004 Gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière Vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse Rapport<br />
intermédiaire<br />
(Gabon)<br />
Rapport WCS X X<br />
36 Roulet 2004 « Chasseur b<strong>la</strong>nc, cœur noir » ? La chasse sportive en Afrique Centrale. Cameroun et RCA Thèse <strong>de</strong> doctorat X<br />
Une analyse <strong>de</strong> son rôle dans <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage et le<br />
Université<br />
développement rural à travers les programmes <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
communautaire.<br />
d’Orléans<br />
Tableau extrait <strong>de</strong> <strong>la</strong> synthèse sur <strong>la</strong> question effectuée par Delwingt dans le cadre du programme ECOFAC, et complété par nos soins<br />
X<br />
- 105 -
Section II - Bref aperçu historique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en Afrique Centrale<br />
Actuellement, les conservateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité ont tendance à affirmer que<br />
l’émergence <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse commerciale en Afrique est récente et que les chasseurs africains<br />
sont responsables du déclin <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune. Penser ce<strong>la</strong> signifie occulter l’ensemble <strong>de</strong>s<br />
processus historiques ayant conduit à l’émergence <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse professionnelle commerciale<br />
sur le continent et les mutations qu’elle a entraînées dans <strong>la</strong> perception que les Africains<br />
avaient <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource faunique. Si l'on se référe aux données historiques, on constate que le<br />
XIX e siècle déjà, a été une pério<strong>de</strong> favorable à l’émergence d’une chasse professionnelle<br />
commerciale intense en Afrique, pratique qui sera l’un <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments du développement <strong>de</strong>s<br />
Empires Coloniaux. Même si le lien entre <strong>la</strong> chasse et l’expansion coloniale est moins évi<strong>de</strong>nt<br />
pour le cas <strong>de</strong> l’Afrique Centrale, <strong>la</strong> chasse et, à travers elle, <strong>la</strong> faune sauvage, occupait<br />
cependant une p<strong>la</strong>ce centrale au sein <strong>de</strong>s politiques d’exploitation puis <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s<br />
ressources naturelles, ce qui influera sur les actuelles politiques <strong>de</strong> l’environnement <strong>de</strong>s pays<br />
<strong>de</strong> cette région du continent. En s’inspirant <strong>de</strong> <strong>la</strong> thèse <strong>de</strong> Roulet, (Roulet, 2004) nous<br />
revenons sur les aspects <strong>de</strong> <strong>la</strong> colonisation qui ont influé sur <strong>la</strong> vision actuelle <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
conservation <strong>de</strong>s ressources fauniques dans <strong>la</strong> sous-région.<br />
II.1. Le rôle <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans l’exploration <strong>de</strong> l’Afrique<br />
L’exploration <strong>de</strong> l’Afrique Centrale entre le XVIII e et le XIX e siècle a nécessité<br />
l’organisation <strong>de</strong> nombreuses et longues expéditions en forêt. Celles-ci comptaient souvent<br />
<strong>de</strong>s dizaines d’Européens accompagnés <strong>de</strong> centaines chasseurs et <strong>de</strong> porteurs locaux, obligés<br />
<strong>de</strong> vivre parfois plusieurs mois en forêt, coupés <strong>de</strong> tout ravitaillement possible. L’une <strong>de</strong>s<br />
stratégies <strong>de</strong> survie adoptées par ces explorateurs fut <strong>de</strong> se nourrir <strong>de</strong> ce que <strong>la</strong> nature pouvait<br />
leur offrir en l’occurrence <strong>la</strong> faune sauvage. Cette <strong>de</strong>rnière, re<strong>la</strong>tivement abondante et très<br />
diversifiée comme le décrit Paul du Chaillu (Du Chaillu, 1863 cité dans Roulet, 2004), <strong>de</strong>vint<br />
rapi<strong>de</strong>ment une source protéique importante pour l’alimentation et un objet <strong>de</strong> troc et <strong>de</strong><br />
négociation. Ce qui amènera l’activité cynégétique à se développer <strong>de</strong> plus en plus. En outre,<br />
l’ivoire avait <strong>de</strong>puis longtemps déjà une valeur très élevée en Europe et en Orient ainsi que<br />
divers sous-produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage (les cuirs notamment) provenant d’Afrique Australe<br />
et <strong>de</strong> l’Ouest. L’Afrique Centrale <strong>de</strong>viendra alors une nouvelle source <strong>de</strong> production <strong>de</strong> ces<br />
produits.<br />
- 106 -
La <strong>recherche</strong> scientifique va par <strong>la</strong> suite légitimer ces premiers voyages d’exploration<br />
où <strong>de</strong>s milliers d’animaux vont être abattus et empaillés pour être étudiés. Même s’ils sont<br />
loin d’être c<strong>la</strong>ssés parmi les priorités, <strong>de</strong>s sous-produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage font ainsi partie,<br />
au même titre que certains bois rares et autres objets précieux, du « matériel scientifique »<br />
potentiel rapporté par les corps expéditionnaires. C’est à partir <strong>de</strong> l’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong><br />
l’administration coloniale et <strong>de</strong>s compagnies concessionnaires 8 que se fera systématiquement<br />
l’exploitation <strong>de</strong>s ressources naturelles au travers du commerce <strong>de</strong> l’ivoire et du caoutchouc.<br />
La chasse permettra parallèlement d’exalter <strong>de</strong>s valeurs telles que <strong>la</strong> bravoure et <strong>la</strong> virilité,<br />
autant <strong>de</strong> qualités que semblent <strong>de</strong>voir possé<strong>de</strong>r les représentants <strong>de</strong>s métropoles s’ils veulent<br />
s’épanouir au sein <strong>de</strong>s colonies. Le thème <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> chasse <strong>de</strong>viendra rapi<strong>de</strong>ment un objet<br />
<strong>de</strong> propagan<strong>de</strong> coloniale.<br />
II.2. L’approvisionnement <strong>de</strong>s métropoles par les colonies<br />
Dans les années 1910, en même temps que l’établissement <strong>de</strong> re<strong>la</strong>is coloniaux aux<br />
confins <strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong> l’AEF est accompli, une véritable chasse commerciale à gran<strong>de</strong><br />
échelle commence à apparaître en Afrique Centrale, organisée par <strong>de</strong>s commerçants<br />
européens. Elle durera sans changer fondamentalement <strong>de</strong> nature, jusqu’à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> Secon<strong>de</strong><br />
Guerre Mondiale. Dans un premier temps, un important marché local concernant toute<br />
l’Afrique Centrale voit le jour avec <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> ravitailler en gibier les grands chantiers<br />
d’ouverture <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> communications routières ou ferroviaires. En effet, <strong>la</strong> pénétration<br />
européenne s’était faite jusque-là surtout par l’intermédiaire et le long <strong>de</strong>s voies d’eaux<br />
navigables. Cette chasse commerciale <strong>de</strong>vait également alimenter les compagnies<br />
concessionnaires dont une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s ouvriers composés <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions autochtones<br />
ont été détournées <strong>de</strong>s activités cynégétiques pour <strong>la</strong> récolte du caoutchouc. Dans un second<br />
temps, <strong>la</strong> faune sauvage et ses sous produits vont alimenter un important trafic vers l’Europe<br />
8 La France, qui regar<strong>de</strong> d’un mauvais œil <strong>la</strong> « réussite belge » <strong>de</strong>s concessions du Congo voisin, va opter pour<br />
une stratégie i<strong>de</strong>ntique ; faire reposer le développement <strong>de</strong> l’Afrique Equatoriale Française (AEF) sur<br />
l’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> compagnies concessionnaires. Quarante d’entre elles, auxquelles sont attribuées près <strong>de</strong> 70% <strong>de</strong>s<br />
territoires <strong>de</strong> l’AEF, s’installent donc pour – dans un premier temps – s’assurer un monopole quasi-exclusif sur<br />
l’exploitation du caoutchouc <strong>de</strong> liane (Landolphia et Funtumia) et <strong>de</strong> l’ivoire. A partir <strong>de</strong> 1899, elles disposent<br />
alors et pour une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> 30 ans d’un droit <strong>de</strong> jouissance <strong>de</strong>s territoires exclusif en termes d’exploitation <strong>de</strong>s<br />
ressources forestières et d’exploitation agricole et industrielle ; autrement dit, un véritable monopole pour<br />
inventorier, acquérir et commercialiser les ressources naturelles locales et exporter les marchandises vers<br />
l’Europe.<br />
- 107 -
surtout pendant <strong>la</strong> guerre 9 . Le bois, le bétail, le café, le caoutchouc, etc., approvisionnent les<br />
métropoles européennes tandis que <strong>la</strong> faune sauvage paye un lourd tribut aux conflits –<br />
notamment durant <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième guerre mondiale -, pour fournir le cuir nécessaire à <strong>la</strong><br />
confection <strong>de</strong> certains matériaux <strong>de</strong> première nécessité (vêtement, chaussures, semelles,<br />
ceintures, <strong>la</strong>nières <strong>de</strong> force, etc.). À partir <strong>de</strong> 1925, le marché <strong>de</strong>s peaux <strong>de</strong> Céphalophes<br />
forestiers principalement le Céphalophe bleu (Cephalophus montico<strong>la</strong>) va se développer<br />
notamment pour <strong>la</strong> fabrication <strong>de</strong> manteaux. D’autres espèces animales comme le Buffle et<br />
les Crocodiles vont également subir d’importants trafics <strong>de</strong> leurs peaux. L’ivoire extrait <strong>de</strong>s<br />
défenses d'Éléphant n’est pas en reste dans ce trafic <strong>de</strong>s produits animaux vers l’Europe. Cette<br />
activité infiniment plus ancienne que l’arrivée <strong>de</strong>s premiers Européens en Afrique a connu, à<br />
<strong>la</strong> pério<strong>de</strong> coloniale, plusieurs fluctuations dans les temps. Cependant on distingue <strong>de</strong>ux<br />
pério<strong>de</strong>s qui auraient <strong>la</strong>rgement contribué à <strong>la</strong> réduction <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> ce pachy<strong>de</strong>rme en<br />
Afrique :<br />
- <strong>la</strong> première entre 1840 et 1910 durant <strong>la</strong>quelle nombre <strong>de</strong> données chiffrés permettent<br />
d’estimer l’abattage d’environs 60.000 à 70.000 éléphants par an soit pour le seul marché<br />
occi<strong>de</strong>ntal, entre 3.300.000 et 4.400.000 éléphants abattus en 70 années 10<br />
- <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> pério<strong>de</strong>, <strong>de</strong> 1970 à 1990, où, suite à une f<strong>la</strong>mbée <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong> l’ivoire, <strong>la</strong> moyenne<br />
<strong>de</strong>s estimations est <strong>de</strong> 1000 tonnes par an, ce qui représente au moins 90.000 Éléphants<br />
abattus annuellement. L’ivoire connaît <strong>de</strong>s utilisations très diverses : objets décoratifs,<br />
religieux, rituels, marqueterie mais aussi boules <strong>de</strong> bil<strong>la</strong>rd, manches <strong>de</strong> couteaux, damiers,<br />
crosses d’armes, instruments <strong>de</strong> musique (touches <strong>de</strong> piano), chopes, brosses, peignes. Il est<br />
également utilisé en mé<strong>de</strong>cine traditionnelle dans <strong>de</strong> nombreux pays du Moyen-Orient et<br />
d’Extrême-Orient.<br />
II.3. Pratiques cynégétiques et gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage au temps <strong>de</strong>s colonies<br />
Au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> l’apparence d’une activité fort peu soucieuse <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> stocks d’une<br />
faune sauvage considérée alors comme inépuisable, au regard <strong>de</strong>s massacres ayant eu lieu à<br />
ses débuts, <strong>la</strong> chasse coloniale s’est surtout révélée être une forme <strong>de</strong> contrôle politique et<br />
économique, un élément d’accession puis <strong>de</strong> maintien <strong>de</strong> privilèges propres à <strong>la</strong> minorité<br />
b<strong>la</strong>nche, privilèges en tout point i<strong>de</strong>ntiques à ceux que s’octroyait l’aristocratie européenne<br />
9 Par <strong>la</strong> mobilisation <strong>de</strong> leurs hommes mais aussi <strong>de</strong> leurs ressources naturelles, les colonies vont jouer un rôle<br />
certain dans le déroulement et l’achèvement <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux conflits mondiaux du XX e siècle.<br />
10 Pfeffer, P. 1989, cité dans Roulet, P. 2004.<br />
- 108 -
quelques siècles auparavant. Ainsi comme le précise Rodary, « L’activité cynégétique se<br />
présentait comme signe distinctif d’une conception <strong>de</strong> <strong>la</strong> société inspirée par le darwinisme<br />
biologique, où les meilleurs hommes <strong>de</strong>vaient être sélectionnés dans leur confrontation à <strong>la</strong><br />
nature et dans leur habilité guerrière, où <strong>la</strong> séparation <strong>de</strong>s sexes et <strong>la</strong> ségrégation raciale<br />
permettait à l’homme b<strong>la</strong>nc <strong>de</strong> s’épanouir dans l’exploration d’un continent sauvage. La<br />
pratique élitiste <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse était étroitement liée à l’idéologie <strong>de</strong> <strong>la</strong> confrontation <strong>de</strong><br />
l’homme occi<strong>de</strong>ntal avec <strong>la</strong> nature et <strong>de</strong> <strong>la</strong> domination <strong>de</strong> celui-ci sur les hommes noirs 11 ».<br />
La chasse a donc autant été une réalité qu’elle est <strong>de</strong>venue un symbole <strong>de</strong> puissance et <strong>de</strong><br />
supériorité du colonisateur sur l’indigène comme sur son environnement (l’arme à feu tue<br />
aussi bien l’homme que le gibier), mais également motif <strong>de</strong> soustraction à l’usage indigène <strong>de</strong><br />
territoires jalousement réservés. Les premières légis<strong>la</strong>tions cynégétiques étaient finalement<br />
très c<strong>la</strong>ires en valorisant les pratiques cynégétiques <strong>de</strong>s colons b<strong>la</strong>ncs et en étant totalement<br />
coercitives vis-à-vis <strong>de</strong> celles <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions africaines. Permis et droits <strong>de</strong> chasse dans les<br />
réserves étaient trop onéreux pour être achetés par <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions locales<br />
renvoyant leurs pratiques cynégétiques dans l’illégalité. Ce faisant le chasseur africain<br />
<strong>de</strong>venait automatiquement braconnier. Adams cité par Roulet précise dans son ouvrage que<br />
« L’aspect le plus évi<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation basé sur cette éthique <strong>de</strong> chasse fut <strong>la</strong> complète<br />
interdiction <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse aux Africains. Les B<strong>la</strong>ncs chassaient ; les Africains braconnaient ».<br />
Cet état d’esprit s’est maintenu <strong>de</strong> nos jours par l’existence dans <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s réserves <strong>de</strong><br />
chasse où cette fois ci les colons b<strong>la</strong>ncs sont remp<strong>la</strong>cés par <strong>de</strong>s administrateurs noirs et ceux<br />
qui sont les plus nantis financièrement. Ces nantis chassent aux dépends <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois dont <strong>la</strong><br />
loi restreint l’accès à <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> productions ancestraux. D’une manière générale, au travers<br />
<strong>de</strong> l’établissement progressif d’un pouvoir centralisé et mo<strong>de</strong>rne, l’État colonial a joué un rôle<br />
primordial dans le démantèlement du rapport à <strong>la</strong> nature <strong>de</strong>s sociétés autochtones 12 .<br />
II.4. De <strong>la</strong> préservation à <strong>la</strong> conservation<br />
Les mécanismes du passage <strong>de</strong> politiques préservationnistes à <strong>de</strong>s politiques<br />
conservationnistes ont déjà fait l’objet <strong>de</strong> nombreux écrits traitant exclusivement ou pour<br />
partie <strong>de</strong>s liens entre colonisation et environnement, comme ceux <strong>de</strong> Mackenzie,<br />
11 Rodary, E. 2001 cité dans Roulet, P. 2004.<br />
12 Constantin, F., 1994, cité dans Roulet, P. (2004).<br />
- 109 -
Pouchepadass, Adams et Mc Shane ou encore Rodary 13 . Mais <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> majorité s’appuie sur<br />
<strong>de</strong>s exemples se référant principalement aux colonies britanniques <strong>de</strong> l’Afrique Australe et<br />
Orientale. En effet, l’Empire colonial britannique se montra précurseur dans l’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong><br />
théories visant à une exploitation puis une gestion <strong>de</strong>s ressources naturelles, mais surtout dans<br />
l’établissement <strong>de</strong> mécanismes permettant <strong>de</strong> mettre ces théories en pratique.<br />
En Afrique Centrale, les processus <strong>de</strong> passage <strong>de</strong>s politiques préservationnistes à <strong>de</strong>s<br />
politiques <strong>de</strong> conservation sont moins évi<strong>de</strong>nts. Cependant, dès <strong>la</strong> fin du XIX e siècle, les<br />
mouvements <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature occi<strong>de</strong>ntaux s’organisent contre <strong>la</strong> diminution <strong>de</strong>s<br />
ressources naturelles. Plusieurs conventions inter<strong>national</strong>es <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s ressources<br />
fauniques verront le jour à partir <strong>de</strong> l’année 1900 14 . La convention <strong>de</strong> Londres (1) marque le<br />
début d’une concertation entre les différentes puissances coloniales pour <strong>la</strong> protection <strong>de</strong>s<br />
animaux. Cette convention « préconisait entre autres l’usage <strong>de</strong>s licences <strong>de</strong> chasse,<br />
l’instauration <strong>de</strong> saisons <strong>de</strong> chasse et c<strong>la</strong>ssait les animaux en 5 catégories, <strong>de</strong>s espèces<br />
nuisibles aux animaux à protéger, suivant en ce<strong>la</strong> les impératifs <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s cultures <strong>de</strong><br />
l’agriculture b<strong>la</strong>nche alors en plein développement. Elle insistait également sur le besoin <strong>de</strong><br />
création <strong>de</strong>s réserves <strong>de</strong> chasse ». Ces "réserves <strong>de</strong> chasse" ou "réserve <strong>de</strong> faune" ou encore<br />
"réserve <strong>de</strong> gibier" selon les pays et selon les auteurs, voient rapi<strong>de</strong>ment le jour en Afrique<br />
Centrale. Si elles ont bien une fonction <strong>de</strong> réservoir et si <strong>la</strong> volonté affichée est effectivement<br />
<strong>de</strong> protéger <strong>la</strong> ressource en faune sauvage, l’idée sous-jacente est que cette <strong>de</strong>rnière doit être<br />
préservée… <strong>de</strong>s Africains ; son usage, comme mentionné précé<strong>de</strong>mment reste strictement<br />
réservé à une minorité b<strong>la</strong>nche souhaitant conserver ses privilèges en perpétuant sa passion<br />
pour <strong>la</strong> chasse. La convention <strong>de</strong> 1933 est considérée comme <strong>la</strong> première marque d’une réelle<br />
préoccupation inter<strong>national</strong>e concernant <strong>la</strong> dégradation <strong>de</strong>s écosystèmes africains. Elle traduit<br />
une orientation plus « conservationniste » <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s milieux naturels par le biais <strong>de</strong>s<br />
aires protégées. Ces <strong>de</strong>rniers sont considérés comme étant <strong>de</strong>s espaces définis ou toute<br />
exploitation consommatrice <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource est prohibée. Cette convention fait apparaître <strong>de</strong>s<br />
13<br />
Ces auteurs ont été cités dans <strong>la</strong> thèse <strong>de</strong> Roulet qui nous a beaucoup inspiré dans <strong>la</strong> rédaction <strong>de</strong> cette partie.<br />
14<br />
1900 : Conventions <strong>de</strong> Londres (1) re<strong>la</strong>tive <strong>la</strong> préservation <strong>de</strong>s animaux sauvages, <strong>de</strong>s oiseaux et <strong>de</strong>s poissons<br />
d’Afrique<br />
1933 : Convention <strong>de</strong> Londres (2) re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune et <strong>de</strong> <strong>la</strong> flore à l’état naturel en Afrique ;<br />
1968 : Convention d’Alger re<strong>la</strong>tive à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature et <strong>de</strong>s ressources naturelles en Afrique ;<br />
1971 : Convention <strong>de</strong> Ramsar pour les habitats d’oiseaux d’eau et <strong>de</strong> zone humi<strong>de</strong>s d’importance inter<strong>national</strong>e ;<br />
1972 : Convention <strong>de</strong> Stockholm sur <strong>la</strong> protection du Patrimoine mondial, culturel et naturel<br />
1973 : Convention <strong>de</strong> Washington sur le commerce inter<strong>national</strong> <strong>de</strong>s espèces menacées d’extinction ;<br />
1979 : Convention <strong>de</strong> Bonn sur <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong>s espèces migratrices appartenant à <strong>la</strong> faune sauvage ;<br />
1992 : Convention <strong>de</strong> Rio ou Convention <strong>de</strong>s Nations Unies sur l’Environnement, le Développement et <strong>la</strong><br />
Biodiversité.<br />
- 110 -
nouvelles dispositions et recommandations parmi lesquelles <strong>la</strong> définition et l’officialisation<br />
d’aires protégées à divers usages (parcs nationaux, réserves naturelles, réserves spéciales), <strong>la</strong><br />
prohibition <strong>de</strong> <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> « nuisible » et l’apparition <strong>de</strong> celle « d’espèces menacées<br />
d’extinction », etc. C’est au nom <strong>de</strong> cette convention <strong>de</strong> départ suivi <strong>de</strong>s autres que nous<br />
assistons à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce en Afrique Centrale <strong>de</strong>s politiques occi<strong>de</strong>ntales <strong>de</strong> conservation<br />
excluant l’Homme que nous critiquons dans cette thèse. Toutes les autres Conventions<br />
passées <strong>de</strong>puis 1971 persistent dans <strong>la</strong> même logique coloniale. Les sections suivantes sont<br />
quelques uns <strong>de</strong>s exemples parmi tant d’autres <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> ces politiques <strong>de</strong><br />
conservation.<br />
Section III – Les productions cynégétiques vues par le programme<br />
Européen (ECOFAC).<br />
Le programme Ecosystèmes Forestiers en Afrique Centrale (ECOFAC) est l’une <strong>de</strong>s<br />
premières initiatives sous-régionales, dynamisée dans sa mise en œuvre en 1992 par le<br />
sommet <strong>de</strong> Rio et <strong>de</strong>stinée à œuvrer pour <strong>la</strong> conservation et <strong>la</strong> gestion rationnelle <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
biodiversité africaine. Il s’agit d’un projet financé par l’Union Européenne dans le cadre du<br />
FED 15 , dont l’assistance technique fut confiée à AGRER 16 .<br />
Les premières phases du programme ECOFAC (<strong>de</strong> 1992 à 2004) ont coûté 62 millions<br />
d’euros et l’Union européenne vient d’en voter 32 supplémentaires pour une quatrième phase<br />
(Lewino, 2005). Le programme ECOFAC est présent dans sept pays d’Afrique Centrale<br />
(Cameroun, Tchad, RCA, Gabon, Congo, Guinée Equatoriale et São Tomé e Principe) et<br />
regroupe plusieurs spécialistes <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation et <strong>de</strong>s chercheurs. Ce programme a eu le<br />
mérite, d’avoir initié le processus <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> conscience sous-régionale, quant à <strong>la</strong> nécessité<br />
<strong>de</strong> mieux prendre en compte les écosystèmes forestiers dans les processus <strong>de</strong> développement.<br />
Le programme ECOFAC, en col<strong>la</strong>boration avec <strong>de</strong>s institutions <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>s et <strong>de</strong>s<br />
universités européennes, a réalisé plusieurs étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier<br />
en RCA, au Congo et au Cameroun, qui sont aujourd’hui <strong>de</strong>s bases <strong>de</strong> réflexion et <strong>de</strong><br />
15 Le Fonds Européen <strong>de</strong> Développement est le cordon ombilical <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions entre l’Union Européenne et les<br />
pays ACP. Cette re<strong>la</strong>tion fut formalisée dès 1963 par <strong>la</strong> première convention <strong>de</strong> Yaoundé, puis, à partir <strong>de</strong> 1975,<br />
par les quatre conventions <strong>de</strong> Lomé successives.<br />
16 Créée en 1959, <strong>la</strong> société AGRER réalise <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s et fournit une assistance pour <strong>la</strong> conception et l'exécution<br />
<strong>de</strong> projets s'inscrivant dans le cadre d'accords internationaux <strong>de</strong> coopération et <strong>de</strong> partenariat. AGRER effectue<br />
<strong>de</strong>s prestations <strong>de</strong> services financées par l'Union Européenne, par <strong>la</strong> Banque Mondiale, par les agences<br />
spécialisées <strong>de</strong>s Nations Unies, par les Banques Régionales <strong>de</strong> Développement, par les secteurs public et privé.<br />
- 111 -
comparaison sur cette thématique. Au moins une dizaine d’étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse ont été<br />
menées dans le cadre d’ECOFAC entre 1994 et 2002, par différents chercheurs (Dethier M.<br />
en 1995 et 1996 ; Gally M. en 1996 ; Vanwijnsberghe S. en 1996 ; Jeanmart P. en 1998 ;<br />
Delvingt, W. 2001 …) sur les sites où le programme intervient 17 .<br />
III.1. Les termes <strong>de</strong> références <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse menées dans le cadre d’ECOFAC<br />
Chaque étu<strong>de</strong> sur <strong>la</strong> chasse, menée dans le cadre du programme ECOFAC, s’est faite<br />
selon <strong>de</strong>s termes <strong>de</strong> références précis dont nous présentons les gran<strong>de</strong>s lignes ci-<strong>de</strong>ssous :<br />
« Des étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cas tenteront d’établir une typologie <strong>de</strong>s diverses situations en<br />
matière <strong>de</strong> chasse dans <strong>la</strong> zone du projet, tant à partir <strong>de</strong> critères zoologiques (<strong>de</strong>scription<br />
<strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions cibles, évaluation <strong>de</strong>s statuts <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions) que techniques (métho<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
chasse, types d’armes, <strong>de</strong> pièges…) et économiques (<strong>de</strong>stination du produit <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse,<br />
ren<strong>de</strong>ment, saisonnalité…).<br />
L’analyse quantitative <strong>de</strong>vra permettre d’évaluer, pour chaque type <strong>de</strong> situation décrite :<br />
- <strong>la</strong> pression exercée sur les différentes popu<strong>la</strong>tions animales concernées,<br />
- l’intérêt re<strong>la</strong>tif <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse par rapport aux autres activités vil<strong>la</strong>geoises sur le p<strong>la</strong>n<br />
économique et social,<br />
- le ren<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s différentes techniques <strong>de</strong> chasse ou piégeage 18 ,<br />
- <strong>la</strong> dynamique <strong>de</strong> commercialisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>.<br />
Les entretiens avec <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion tenteront <strong>de</strong> déterminer le contexte historique <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
situation actuelle et, dans <strong>la</strong> mesure du possible, les tendances probables d’évolution <strong>de</strong><br />
celle-ci.<br />
L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>vra déboucher sur <strong>de</strong>s recommandations concrètes dans les domaines suivants :<br />
- arguments <strong>de</strong> sensibilisation à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité,<br />
- métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> lutte contre le braconnage adaptées au contexte local, à l’usage du<br />
corps <strong>de</strong>s écogar<strong>de</strong>s du projet,<br />
- réglementation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, …. » 19<br />
Á <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong> ces termes <strong>de</strong> références on perçoit <strong>de</strong> suite que <strong>la</strong> finalité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
collecte <strong>de</strong>s données, réalisée par ces étu<strong>de</strong>s, est essentiellement conservatrice. ECOFAC ne<br />
17 ECOFAC intervient dans <strong>de</strong>s aires protégées <strong>de</strong> 6 pays d’Afrique centrale en l’occurrence le Dja au<br />
Cameroun, Lopé au Gabon, Odza<strong>la</strong> au Congo, N’gotto en RCA, en Guinée Équatoriale et à São Tomé e Principe<br />
18 Cette distinction révèle <strong>de</strong>s présupposés car le piégeage est une technique <strong>de</strong> chasse parmi d’autres.<br />
19 Extrait <strong>de</strong>s termes <strong>de</strong> référence <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> chasse en RCA et au Cameroun, (Dethier, 1996).<br />
- 112 -
prend guère en compte <strong>la</strong> dimension historique et culturelle <strong>de</strong>s communautés, privilégiant<br />
surtout, sur le p<strong>la</strong>n socioéconomique, <strong>la</strong> dimension quantitative.<br />
Sur les sites où il intervient, le programme ECOFAC souhaite :<br />
- d’une part, décrire <strong>la</strong> chasse et comprendre l’importance <strong>de</strong> cette activité pour <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion vil<strong>la</strong>geoise dans une perspective <strong>de</strong> proposition <strong>de</strong>s alternatives au vil<strong>la</strong>geois pour<br />
les détourner une fois <strong>de</strong> plus, comme à l’époque coloniale, <strong>de</strong> leur culture cynégétique ;<br />
- d’autre part, montrer l’impact que peuvent avoir les chasseurs sur <strong>la</strong> structure <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions animales. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors aux différents experts sollicités <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s<br />
solutions al<strong>la</strong>nt dans le sens d’une meilleure gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource faunique en prenant en<br />
compte les popu<strong>la</strong>tions dans une optique <strong>de</strong> gestion participative. La notion <strong>de</strong> gestion<br />
« participative » que prône ECOFAC, doit être comprise comme celle <strong>de</strong> troquer son fusil<br />
contre un travail précaire et instable <strong>de</strong> porteur, écogar<strong>de</strong> ou écogui<strong>de</strong>, au service <strong>de</strong> touristes<br />
européens en mal d’aventure. La volonté participative affichée du programme est<br />
malheureusement invalidée par ce qui se passe sur le terrain. De fait, dès son instal<strong>la</strong>tion, le<br />
programme s’est essentiellement concentré sur le volet conservation, prenant les mesures<br />
jugées nécessaires à l’éradication du « braconnage » qui était sensé décimer les grands<br />
Mammifères, (Éléphants, Gorilles, Chimpanzés, …). En fait, ECOFAC ne donne pas <strong>la</strong><br />
possibilité aux popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> choisir entre <strong>la</strong> chasse et travailler pour eux car il combat les<br />
chasseurs qu’il qualifie systématiquement <strong>de</strong> braconniers. Le plus dramatique est que pour<br />
atteindre cet objectif, les différentes composantes du programme se sont adjointes un<br />
personnel d’écogar<strong>de</strong>s formés pour cette tâche et recrutés principalement parmi les soit-disant<br />
braconniers du vil<strong>la</strong>ge. On peut imaginer les situations conflictuelles entre les individus au<br />
sein d'un même vil<strong>la</strong>ge, ou entre les différentes ethnies, qui peuvent découler <strong>de</strong> ces choix.<br />
Á noter que dès que le programme a cessé ses activités en 2004 et que <strong>de</strong> nombreux<br />
agents <strong>de</strong> terrain (écogar<strong>de</strong>s et écogui<strong>de</strong>s) se sont retrouvés sans emploi, les premiers à s’être<br />
livrés au braconnage <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune étaient ces mêmes écogar<strong>de</strong>s, réduisant ainsi en peu<br />
<strong>de</strong> temps, plus d’une dizaine années d’acquis du programme. Ainsi, six mois après l’arrêt <strong>de</strong>s<br />
activités <strong>de</strong> <strong>la</strong> composante Congo d’ECOFAC, les popu<strong>la</strong>tions d’Éléphants qui fréquentaient<br />
les salines d’Odza<strong>la</strong> ont été réduites au tiers par certains écogar<strong>de</strong>s, ayant repris leurs activités<br />
<strong>de</strong> braconniers (Agent d’ECOFAC Congo, Com. pers.).<br />
- 113 -
III.2. Les métho<strong>de</strong>s utilisées pour les étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse et son impact sur <strong>la</strong> faune<br />
Les étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse menées en RCA (4 mois pour l’étu<strong>de</strong> à N’gotto), au<br />
Cameroun (8 mois pour l’étu<strong>de</strong> au Dja) et au Congo (7 mois pour l’étu<strong>de</strong> à Odza<strong>la</strong>) dans le<br />
cadre du programme ECOFAC ont eu une durée moyenne <strong>de</strong> 6 mois. Elles ont toutes été<br />
réalisées selon une métho<strong>de</strong> mise au point par Marc DETHIER 20 dans le cadre <strong>de</strong> son étu<strong>de</strong> au<br />
Dja et testée au Congo et en RCA pour <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong> comparaison. Cette métho<strong>de</strong> d’étu<strong>de</strong>,<br />
consiste dans un premier temps à choisir différents vil<strong>la</strong>ges ou terroirs <strong>de</strong> chasse (entre <strong>de</strong>ux<br />
et trois) en re<strong>la</strong>tion avec le site d’intervention d’ECOFAC et où vont se dérouler les enquêtes.<br />
Par <strong>la</strong> suite, l’assistant technique présente l’étu<strong>de</strong> et ses objectifs aux vil<strong>la</strong>geois puis recrute<br />
<strong>de</strong>s assistants dans ces vil<strong>la</strong>ges. Les assistants formés, <strong>la</strong> collecte <strong>de</strong>s données sur <strong>la</strong> chasse à<br />
partir <strong>de</strong> questionnaires préétablis peut commencer.<br />
L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, en particulier sur les Céphalophes 21 , s’est faite en<br />
établissant <strong>de</strong>s indices d’abondance dans différentes zones <strong>de</strong> captures généralement en<br />
utilisant <strong>la</strong> métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s transects linéaires et en analysant <strong>la</strong> structure <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses d’âge <strong>de</strong>s<br />
individus capturés. À partir <strong>de</strong> ces estimations <strong>de</strong> <strong>la</strong> productivité du milieu, les auteurs ont<br />
évalué <strong>la</strong> durabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse notamment celle <strong>de</strong>s Céphalophes. Ces étu<strong>de</strong>s ont porté sur<br />
les trois espèces les plus abondantes <strong>de</strong>s prélèvements : le Céphalophe bleu, le Céphalophe <strong>de</strong><br />
Peters et le Céphalophe bai. Les données sur les autres espèces gibiers se limitant aux<br />
estimations d’abondance. Il apparaît hasar<strong>de</strong>ux <strong>de</strong> se concentrer sur quelques espèces car <strong>la</strong><br />
diversité <strong>de</strong>s gibiers chassés, comme nous le verrons par <strong>la</strong> suite dans ce mémoire, est<br />
importante.<br />
III.3. Synthèse <strong>de</strong>s résultats obtenus<br />
Les résultats <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse menées dans le cadre du<br />
programme Ecofac entre 1994 et 2002, ont été synthétisés par Willy DELVINGT (Canopée,<br />
n°18 octobre 2000) et présentés comme suit :<br />
• D’un point <strong>de</strong> vue social<br />
- Le chasseur est un homme jeune (c<strong>la</strong>sses d’âges inférieures à 50 ans) et père <strong>de</strong><br />
famille ;<br />
20 Consultant dans le cadre d’ECOFAC.<br />
21 Ce groupe <strong>de</strong> gibier est le plus touché par <strong>la</strong> chasse mais ne correspond pas à <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong>s<br />
autres gibiers comme nous le verrons par <strong>la</strong> suite.<br />
- 114 -
- La chasse constitue un important moyen <strong>de</strong> cohésion sociale par <strong>la</strong> redistribution du<br />
gibier au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> collectivité vil<strong>la</strong>geoise.<br />
• D’un point <strong>de</strong> vue économique<br />
- La chasse fait partie d’un cycle global d’activités et, d’une manière générale, on<br />
observe un déphasage entre activités agricoles et activités cynégétiques ;<br />
- Le gibier fournit <strong>la</strong> part <strong>la</strong> plus importante <strong>de</strong> protéines, <strong>la</strong> quantité <strong>de</strong> gibier<br />
consommée par jour variant <strong>de</strong> 75 à 164 g selon les sites étudiés, chiffres <strong>la</strong>rgement<br />
supérieurs aux valeurs obtenues pour d’autres popu<strong>la</strong>tions forestières africaines ;<br />
- La chasse est aussi source <strong>de</strong> revenus. En 1995 et 1996, les chasseurs obtenaient <strong>de</strong>s<br />
gains compris entre 20000 et 35000 FCFA par mois en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse. Sur <strong>de</strong>ux<br />
<strong>de</strong>s sites, c’était l’unique source <strong>de</strong> revenus.<br />
• Comment chasse-t-on ?<br />
- Parmi les nombreuses techniques <strong>de</strong> chasse existantes, ce sont surtout le câble<br />
d’acier et le fusil qui sont les plus usitées et les plus efficaces;<br />
- Les terroirs <strong>de</strong> chasse varient <strong>de</strong> 25 km 2 (Kanara en RCA) à 500 km 2 (Bakota au<br />
Congo). On distingue le terroir <strong>de</strong> chasse vil<strong>la</strong>geois où prédomine <strong>la</strong> chasse pour<br />
l’autoconsommation, et le terroir <strong>de</strong> chasse forestier où se pratique avant tout une chasse<br />
commerciale. L’exploitation <strong>de</strong>s terroirs <strong>de</strong> chasse est loin d’être uniforme et se fait<br />
essentiellement le long <strong>de</strong>s pistes;<br />
- Dans l’ensemble <strong>de</strong>s sites étudiés, c’est l’ordre <strong>de</strong>s Artiodactyles qui est le plus<br />
capturé. Les Céphalophes, Cephalophus callipygus, C. montico<strong>la</strong> et C. dorsalis représentent<br />
plus <strong>de</strong> 80% <strong>de</strong>s captures sur certains sites (réserves du Dja au Cameroun et Odza<strong>la</strong> au<br />
Congo) ;<br />
- Les biomasses <strong>de</strong>s Céphalophes capturés varient <strong>de</strong> 55,2 à 160,1 kg/km 2 /an, alors<br />
que les biomasses existantes en forêt primaire sont <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 620 kg/km 2 .<br />
On peut en conclure que les prélèvements par <strong>la</strong> chasse dépassent <strong>la</strong> production<br />
durable maximum (estimée à 99 kg/km 2 /an 22 ) et que, dès lors, les popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> Céphalophes<br />
peuvent être considérées en déclin sur les sites étudiés.<br />
22 Soulignons au passage que les <strong>de</strong>ux chiffres présentés (55,2 à 160,1 kg/km 2 /an) montrent que <strong>la</strong> chasse est<br />
soutenable du moins pour le premier chiffre, par rapport à <strong>la</strong> référence <strong>de</strong> 99 kg/km 2 /an.<br />
- 115 -
III.4. Analyse <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s utilisées et <strong>de</strong>s résultats obtenus<br />
Les différents auteurs <strong>de</strong>s rapports d’ECOFAC ont plus ou moins mentionné les<br />
limites <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s qu’ils ont utilisées sur le terrain mais nous nous permettons d’en<br />
rappeler quelques unes dans ce paragraphe.<br />
La première insuffisance vient du temps consacré au terrain. En effet l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse et <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse reste très délicate dans <strong>la</strong> mesure où les différents<br />
acteurs impliqués dans cette activité ont toujours le sentiment d’être dans l’illégalité. Ce<br />
climat <strong>de</strong> méfiance peut influer <strong>de</strong> façon notable sur les résultats et il faut du temps pour<br />
gagner <strong>la</strong> confiance <strong>de</strong>s acteurs impliqués (au moins 6 mois pour être accepté en toute<br />
quiétu<strong>de</strong>). Par ailleurs, le suivi <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> chasse doit se faire au moins sur une année<br />
consécutive pour avoir une idée <strong>de</strong>s tendances saisonnières. La présence <strong>de</strong>s écogar<strong>de</strong>s du<br />
programme ECOFAC (qu’ils soient du vil<strong>la</strong>ge étudié ou pas) avec les équipes <strong>de</strong> <strong>recherche</strong><br />
est aussi un facteur limitant <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s menées. Les vil<strong>la</strong>geois craignent <strong>de</strong> donner <strong>de</strong>s<br />
informations sur leur activités en leur présence par crainte <strong>de</strong> potentielles représailles « même<br />
si c’est le chef b<strong>la</strong>nc qui déci<strong>de</strong>, ce sont eux qui agissent sur le terrain et qui nous frappent »<br />
affirment régulièrement les vil<strong>la</strong>geois. Ces réticences sont également va<strong>la</strong>bles en ce qui<br />
concerne l’assistant technique qui est généralement un Européen et donc assimilé au chef<br />
« b<strong>la</strong>nc » qui punit ou dénonce ceux qui consomment <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Généralement <strong>la</strong><br />
peur au ventre, les interlocuteurs donnent toujours <strong>de</strong>s réponses <strong>de</strong> comp<strong>la</strong>isance. Surtout,<br />
lorsque l’on fait valoir une récompense, les réponses <strong>de</strong>viennent généralement subjectives. Il<br />
y a également <strong>la</strong> volonté du vil<strong>la</strong>geois <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ire au chef « b<strong>la</strong>nc » en se mettant à sa<br />
disposition, tout en espérant en retour une attention, une récompense ou tout simplement<br />
l’impression d’être quelqu’un d’autre parce qu’il côtoie le chef « b<strong>la</strong>nc ». Ce sentiment peut<br />
parfois tellement délier <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues que les résultats seront peu objectifs.<br />
La plupart <strong>de</strong>s enquêtes <strong>de</strong> chasse ont été faites sur <strong>la</strong> base d’un questionnaire<br />
préétabli. Or, l’expérience tend à montrer que les données obtenues par ce procédé sont<br />
généralement insuffisantes et <strong>de</strong>vraient être complétées par <strong>de</strong>s entretiens informelles semi-<br />
structurés, ce que peuvent difficilement réaliser les assistants <strong>de</strong> terrain. Seule une analyse <strong>de</strong>s<br />
données obtenues par combinaison <strong>de</strong> plusieurs métho<strong>de</strong>s peut donner <strong>de</strong>s résultats<br />
satisfaisants.<br />
Les métho<strong>de</strong>s utilisées pour estimer les <strong>de</strong>nsités animales (transects linéaires) et<br />
l’impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sur <strong>la</strong> faune sauvage (cas <strong>de</strong>s Céphalophes présenté dans ces étu<strong>de</strong>s)<br />
- 116 -
sont toutes aussi discutables que les résultats obtenus pour <strong>la</strong> chasse. En conséquence, les<br />
<strong>de</strong>nsités obtenues par <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> <strong>de</strong>s transects linéaires <strong>de</strong>vraient être prises en compte<br />
comme un indicateur parmi d’autres, tout en évitant <strong>de</strong> faire <strong>de</strong>s généralisations. En effet,<br />
l’estimation <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nsités animales en forêt <strong>de</strong>nse tropicale reste encore peu fiable en tant que<br />
tel sans oublier que les technologies évoluent. La technique <strong>de</strong>s transects linéaires était encore<br />
récemment présentée comme l’une <strong>de</strong>s plus fiables pour recenser <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune en forêt<br />
<strong>de</strong>nse. En particulier, sa mise en p<strong>la</strong>ce re<strong>la</strong>tivement aisée et peu coûteuse a permis sa<br />
diffusion face à <strong>de</strong>s techniques comme <strong>la</strong> capture-marquage-recapture très peu utilisée <strong>de</strong> nos<br />
jours. Actuellement remise à son tour en cause par <strong>de</strong> nombreux spécialistes, <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> du<br />
transect linéaire paraît <strong>de</strong> plus en plus obsolète. De plus, plusieurs étu<strong>de</strong>s sur les Céphalophes,<br />
montrent que l’ouverture <strong>de</strong>s transects modifie notablement leurs comportements. Ces<br />
<strong>de</strong>rniers se dép<strong>la</strong>ceraient <strong>de</strong> préférence sur le transect, ce qui s’exprimera par <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nsités<br />
re<strong>la</strong>tivement élevées sur et à proximité <strong>de</strong> celui-ci, biaisant ainsi l’évaluation. De plus, le tracé<br />
rectiligne du transect ne couvre pas forcement tous les biotopes possibles susceptibles<br />
d’abriter les Céphalophes. Par ailleurs, le calcul <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nsités <strong>de</strong>s Céphalophes à partir <strong>de</strong>s<br />
indices <strong>de</strong> présence comme le comptage <strong>de</strong>s crottes, prenant en compte <strong>de</strong>s paramètres<br />
variables tel que le taux <strong>de</strong> dégradation <strong>de</strong> celles-ci, donne <strong>de</strong>s résultats peu fiables. La<br />
métho<strong>de</strong> <strong>de</strong>s transects linéaires est aujourd’hui couplée à celle du « recce transect » encore<br />
appelée « Métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> marche <strong>de</strong> reconnaissance » pour réduire les taux d’erreurs liés à<br />
l’échantillonnage (White et al., 2001).<br />
En ce qui concerne l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sur les popu<strong>la</strong>tions animales, les<br />
auteurs ont utilisé une métho<strong>de</strong> basée sur l’utilisation <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses d’âge <strong>de</strong>ntaire et <strong>la</strong> structure<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Cette métho<strong>de</strong> établit une c<strong>la</strong>ssification <strong>de</strong> <strong>la</strong> structure <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion sur<br />
<strong>la</strong> base <strong>de</strong> <strong>la</strong> reconnaissance <strong>de</strong> quatre c<strong>la</strong>sses d’âge <strong>de</strong>ntaire (M1, M2, M3DL, M3DD) à<br />
partir du maxil<strong>la</strong>ire supérieur. L’indice <strong>de</strong> pression <strong>de</strong> chasse est calculé sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
comparaison <strong>de</strong>s résultats obtenus au standard défini par les travaux <strong>de</strong> Dubost (1980) 23 sur<br />
l’écologie du Céphalophe bleu. Nous pouvons très vite imaginer <strong>la</strong> limite <strong>de</strong>s résultats<br />
obtenus pour <strong>de</strong>s espèces différentes du Céphalophe bleu. En effet, ce petit Céphalophe, vu<br />
les différences importantes (taille, éthologie, habitat, …) qui le distingue <strong>de</strong>s autres<br />
Céphalophes, a probablement une structure <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion non assimi<strong>la</strong>ble.<br />
Le programme ECOFAC a eu aussi tendance à dissocier <strong>la</strong> chasse d’autres activités<br />
pourtant étroitement liées à celle-ci. Il est impossible dans cette région d’Afrique <strong>de</strong> parler <strong>de</strong><br />
23 Dubost (1980), cité dans Vanwijnsberghe, S. (1996)<br />
- 117 -
<strong>la</strong> chasse sans tenir compte <strong>de</strong>s autres activités <strong>de</strong> production telles que l’agriculture, <strong>la</strong> pêche<br />
et <strong>la</strong> cueillette. De plus, parler <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sans tenir compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> pratique et <strong>de</strong>s savoirs du<br />
chasseur et du contexte socioculturel qui le motive ne peut donner qu’une vision tronquée <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> situation. Ces paramètres s’ils ne sont pas pris en compte dans les étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cas sur <strong>la</strong><br />
chasse, constituent <strong>de</strong>s facteurs limitants aux objectifs à atteindre, surtout lorsque le<br />
programme a pour but <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s solutions ou <strong>de</strong>s recommandations.<br />
Le programme ECOFAC n’est pas <strong>la</strong> seule <strong>de</strong>s initiatives <strong>de</strong> l’Union Européenne à<br />
avoir réfléchi sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en Afrique Centrale. Dans <strong>la</strong> même pério<strong>de</strong>, s’est<br />
mis en p<strong>la</strong>ce le programme « Développement d’Alternatives au Braconnage en Afrique<br />
Centrale» (DABAC).<br />
Section IV - La chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique Centrale<br />
vues par le projet européen DABAC<br />
Plutôt que <strong>de</strong> chasser le gibier, le projet DABAC propose <strong>de</strong> l’élever. Après l’obtention<br />
<strong>de</strong> résultats encourageants dans le cadre d’un premier essai au Gabon, l’initiative a étendu ses<br />
activités au Cameroun et au Congo avec l’objectif très ambitieux en trois ans, <strong>de</strong> transformer<br />
les braconniers en éleveurs <strong>de</strong> gibier. En d’autres termes, le projet DABAC avait pour<br />
objectif principal <strong>de</strong> satisfaire une partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s villes en fournissant <strong>de</strong>s animaux<br />
produits en élevage, et d’offrir en même temps une activité rentable aux popu<strong>la</strong>tions locales.<br />
Ce projet financé par le FED était complémentaire au projet ECOFAC. Le DABAC s’était<br />
également proposé <strong>de</strong> contribuer à une meilleure connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse et <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s activités alternatives génératrices <strong>de</strong> revenus, permettant ainsi<br />
une meilleure gestion <strong>de</strong>s ressources naturelles. Pour ce<strong>la</strong>, il a réalisé entre 2003 et 2004, <strong>de</strong>s<br />
enquêtes sur <strong>la</strong> filière gibier sauvage en milieu urbain au Gabon (marchés <strong>de</strong> Libreville), au<br />
Cameroun (marchés <strong>de</strong> Yaoundé) et au Congo (marchés <strong>de</strong> Brazzaville). Cette étu<strong>de</strong> intitulée<br />
« Vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier dans l’alimentation <strong>de</strong>s villes en Afrique : importance et organisation du<br />
commerce » à été piloté par David EDDERAI 24 et ses collègues (Ed<strong>de</strong>rai et al., 2004). Les<br />
objectifs étaient d’apprécier <strong>de</strong> façon comparative, <strong>la</strong> structuration <strong>de</strong>s filières, d’évaluer les<br />
volumes, <strong>de</strong> définir les déterminismes guidant les consommateurs urbains et d’évaluer <strong>la</strong><br />
p<strong>la</strong>ce du gibier dans leur alimentation (Ed<strong>de</strong>rai et al., ibid).<br />
24 Chercheur au CIRAD-EMVT, Chef <strong>de</strong> projet DABAC Cameroun<br />
- 118 -
Sur le p<strong>la</strong>n méthodologique, nous retiendrons, que les marchés <strong>de</strong> Yaoundé (15<br />
marchés dont 5 concentrent 80% <strong>de</strong> l’activité <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse) ont fait l’objet<br />
d’un monitoring pendant 9 mois et les 3 principaux marchés <strong>de</strong> Libreville ont été suivis<br />
pendant 4 mois. Pour l’ensemble <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux villes, mille enquêtes ont été conduites auprès d’un<br />
échantillon représentatif <strong>de</strong>s foyers et cent auprès <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> restauration. Les enquêtes ont<br />
été réalisées sur <strong>la</strong> base d’interviews réalisées dans les différents points <strong>de</strong> ventes. Le<br />
questionnaire utilisé était préétabli et regroupait <strong>de</strong>s questions semi-dirigées.<br />
Selon les résultats <strong>de</strong> <strong>la</strong> DABAC, les espèces préférées <strong>de</strong>s consommateurs librevillois<br />
sont l’Athérure (42%) le Potamochère (22%) et les Antilopes (Céphalophes) (18%). Les<br />
Primates ne représentent que 5% du premier choix <strong>de</strong>s consommateurs en termes <strong>de</strong><br />
préférence. Ce qui signifie en d’autres termes que le choix d’élever <strong>de</strong>s espèces animales<br />
sauvage <strong>de</strong>vait prioritairement porté sur l’Athérure, le Potamochère ou les Antilopes.<br />
L’ensemble <strong>de</strong>s résultats issus <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse menée dans<br />
le cadre du DABAC comporte <strong>de</strong>s données sur les biomasses vendues sur les marchés,<br />
présentées sous formes <strong>de</strong> pourcentage <strong>de</strong> tonnages. Sur quelle base ces chiffres ont-ils été<br />
établis étant donné le peu <strong>de</strong> temps consacré à ces étu<strong>de</strong>s sur le terrain ? Tout comme les<br />
étu<strong>de</strong>s réalisées par ECOFAC, celles du DABAC présentent <strong>de</strong> nombreux manquements sur<br />
le p<strong>la</strong>n méthodologique, notamment <strong>la</strong> durée <strong>de</strong> l’enquête et le non suivi permanent <strong>de</strong>s<br />
activités <strong>de</strong> vente au niveau <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> ventes (marchés et restaurants). Peu d’informations<br />
méthodologiques nous décrivent le déroulement <strong>de</strong>s enquêtes, les acteurs impliqués, ce qui<br />
nous aurait permis <strong>de</strong> mieux comprendre comment avaient été obtenus les résultats.<br />
Cependant, à <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong>s objectifs fixés par le DABAC sur l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière, on aurait pu<br />
s’attendre à avoir plus d’informations sur les différents acteurs impliqués et leurs motivations,<br />
les gains et les différentes mutations sociales liés au développement <strong>de</strong> cette activité. De plus,<br />
l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> faisabilité en amont du projet DABAC aurait pu s’intéresser d’avantage aux<br />
mutations que pouvaient susciter <strong>la</strong> transformation <strong>de</strong>s chasseurs en éleveurs. Ces<br />
manquements <strong>de</strong> départ se traduisent, au regard <strong>de</strong>s résultats finaux d’ensemble du projet, par<br />
un échec total par rapport aux objectifs fixés. En effet, si l’élevage <strong>de</strong> l’Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> semble<br />
avoir intéressé les Camerounais et modérément les Congo<strong>la</strong>is, l’expérience du DABAC à<br />
Libreville a montré que les Gabonais ne sont pas friands <strong>de</strong> ce gibier, ce qui expliquerait en<br />
partie l’échec <strong>de</strong> cette initiative dans ce pays. Les espèces comme l’Athérure, le Potamochère<br />
et les Céphalophes que le DABAC a également tenté d’élever, auraient peut être mieux<br />
intéressé le marché gabonais si ce projet avait pris <strong>la</strong> peine <strong>de</strong> penser en amont à <strong>la</strong> nécessité<br />
- 119 -
<strong>de</strong> mieux connaître <strong>la</strong> biologie et l’écologie <strong>de</strong>s espèces avant <strong>de</strong> <strong>la</strong>ncer une telle initiative.<br />
Finalement, l’Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> semble être le meilleur candidat à l’élevage mais le moins apprécié<br />
<strong>de</strong>s consommateurs <strong>de</strong> Libreville.<br />
En définitive, l’initiative DABAC, qui est une première en Afrique Centrale, aurait pu<br />
apporter <strong>de</strong>s solutions palpables à <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans <strong>la</strong> sous-région.,<br />
Pour ce<strong>la</strong>, il aurait fallu d’avantage <strong>de</strong> réflexion en amont (amélioration <strong>de</strong>s connaissances<br />
scientifiques <strong>de</strong> bases sur les espèces animales potentiellement intéressantes pour l’élevage,<br />
diversification <strong>de</strong>s espèces, …), moins <strong>de</strong> précipitation dans <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> ce projet et<br />
surtout il aurait été indispensable d’amener les éleveurs potentiels et les acteurs politiques à<br />
mieux comprendre l’intérêt d’une telle initiative. Actuellement, l’échec <strong>de</strong> l’initiative<br />
DABAC au Gabon constitue un frein (par rapport aux bailleurs <strong>de</strong> fonds potentiels) au<br />
<strong>la</strong>ncement d’initiatives du même genre sur d’autres espèces animales.<br />
Nous constatons à <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong>s objectifs fixés par les programmes européens<br />
ECOFAC et DABAC, et au regard <strong>de</strong>s résultats globaux obtenus et présentés ci-<strong>de</strong>ssus, que <strong>la</strong><br />
question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en particulier et celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation en général ont été abordées <strong>de</strong><br />
manière trop imprécise et <strong>de</strong> façon précipitée, donnant l’impression d’un manque d’intérêt<br />
pour les résultats. Autrement dit, <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s donne l’impression d’avoir plutôt<br />
voulu donner une image humaniste, une sorte <strong>de</strong> "co<strong>de</strong> <strong>de</strong> bonne conduite" pour justifier <strong>de</strong>s<br />
actions <strong>de</strong> terrain musclées. Si leurs intentions avaient été vertueuses, elles auraient du être<br />
préa<strong>la</strong>bles à toutes les actions répressives que le programme a menées.<br />
Afin <strong>de</strong> mieux comprendre les raisons <strong>de</strong> ces limites temporelles, nous nous sommes<br />
intéressé aux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fonctionnement <strong>de</strong>s projets FED, ce qui nous a amené à retenir<br />
comme limite principale, les problèmes liés au fonctionnement par Devis-programme (DP).<br />
Qu’il s’agisse d’ECOFAC ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> DABAC, le principe est, chaque année, <strong>de</strong> programmer<br />
<strong>de</strong>s activités et <strong>de</strong> budgéter toutes les actions. Le DP est ensuite présenté au bailleur et ses<br />
partenaires qui l’entérinent lors d’un comité <strong>de</strong> pilotage et le finance. Chaque DP doit être<br />
exécuté en une année. Toutes les étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse réalisées<br />
par ces programmes, l’ont été sous les contraintes administratives et financières <strong>de</strong>s DP.<br />
Généralement, les consultants sollicités pour ces étu<strong>de</strong>s sont soumis à <strong>de</strong>s contrats<br />
d’assistance technique limités dans le temps (quelques mois seulement). Avec ces contraintes<br />
liées au cahier <strong>de</strong> charge, on peut mieux entrevoir les divers manquements et biais observés<br />
ainsi que in fine les causes <strong>de</strong>s échecs.<br />
- 120 -
Section V - La filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au Gabon vue par le programme<br />
européen Avenir <strong>de</strong>s Peuples <strong>de</strong>s Forêts Tropicales (APFT)<br />
Comme pour se donner bonne conscience, après <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’ECOFAC,<br />
DABAC et plusieurs autres initiatives en Afrique Centrale, l’Union Européenne <strong>la</strong>nce le<br />
programme APFT. Un programme en plus parmi tant d’autres, plusieurs millions d’euros<br />
pour quelles attentes ? Ce programme est une initiative innovante <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> scientifique<br />
financée pendant cinq ans (1995 à 1999) par <strong>la</strong> Commission Européenne, visant à améliorer<br />
les connaissances <strong>de</strong> bases sur les conditions d’existence <strong>de</strong>s peuples forestiers <strong>de</strong>s pays ACP,<br />
ses zones d’interventions privilégiées. APFT est également un consortium regroupant<br />
plusieurs universités (ULB, Gembloux, Université <strong>de</strong> Kent) et institutions <strong>de</strong> <strong>recherche</strong><br />
(CNRS, IRD (ex-ORSTOM). L’originalité <strong>de</strong> ce programme est sa multi-disciplinarité. Il a<br />
associé 72 chercheurs seniors et 42 chercheurs juniors européens et <strong>de</strong>s pays ACP 25 issus <strong>de</strong>s<br />
Sciences <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature et <strong>de</strong>s Sciences sociales. Les principales contributions <strong>de</strong> ce programme<br />
ont en outre été celles <strong>de</strong>s anthropologues 26 . En effet, ce projet a eu <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong><br />
s’intéresser d’abord à l’Homme en l’intégrant dans le milieu forestier où il a toujours évolué<br />
et <strong>de</strong> suivre avec lui, les mutations indéniables <strong>de</strong> ses activités <strong>de</strong> subsistance et en particulier<br />
<strong>la</strong> chasse. Cette démarche semble être <strong>la</strong> première du genre surtout dans le contexte du bassin<br />
du Congo sur lequel, comme nous l’avons décrit précé<strong>de</strong>mment, les ONGs et les programmes<br />
<strong>de</strong> conservation ont jusqu’alors <strong>la</strong> main mise. APFT <strong>de</strong>vait à son terme recomman<strong>de</strong>r au<br />
bailleur, <strong>de</strong>s actions concrètes en faveur du développement <strong>de</strong>s peuples <strong>de</strong>s forêts tropicales.<br />
En zone Afrique, le programme s’est penché sur <strong>la</strong> situation <strong>de</strong>s aires protégées<br />
puisqu’elles sont partout fréquentées, exploitées et souvent habitées par les Hommes : Dja au<br />
Cameron, Odza<strong>la</strong> au Congo, Lopé au Gabon, Monte Alen en Guinée Equatoriale, Kivu en<br />
RDC. APFT à également porté une attention soutenue à <strong>la</strong> dimension locale hors <strong>de</strong>s aires<br />
protégée 27 : Ntem et Tikarie au Cameroun.<br />
Les différentes transformations liées à l’exploitation <strong>de</strong>s ressources biologiques en<br />
Afrique Centrale, en l’occurrence <strong>la</strong> faune sauvage, n’ont pu échapper aux regards <strong>de</strong> ce<br />
programme. APFT s’est interrogé sur les questions <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
dans les pays du bassin du Congo sous <strong>la</strong> thématique <strong>de</strong> l’interface ville/forêt. Nous nous<br />
25 ACP : Afrique Pacifique Caraïbes<br />
26 Voir le profil <strong>de</strong>s chercheurs ayant participer au programme APFT<br />
27 Ce qui est une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s différences avec ECOFAC, qui ne s’est penché que sur les aires protégées et non<br />
ses alentours<br />
- 121 -
limiterons à présenter une synthèse <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s réalisées pour le cas du Gabon (APFT,<br />
2000). Les résultats <strong>de</strong> cette approche liés aux autres régions seront exploités dans une autre<br />
partie.<br />
V.1. La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse où le lien entre les villes et les campagnes gabonaises<br />
Dans le cadre <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions ville-forêt, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse par les citadins (Bahuchet et al., 1998 et Bahuchet et al., 2000) permet <strong>de</strong> lever le<br />
voile sur un aspect important <strong>de</strong> <strong>la</strong> pression qu’exerce <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion urbaine sur l’écosystème<br />
forestier. Comme d’autres grands centres urbains d’Afrique Centrale, Libreville compte<br />
parmi sa popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> nombreux amateurs <strong>de</strong> gibier. À terme, <strong>la</strong> satisfaction <strong>de</strong> cette<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> pourrait s’accompagner d'un risque potentiel, celui d’endommager l’écosystème au<br />
sein duquel ce gibier est prélevé. De fait, presque <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion du pays se<br />
retrouve aujourd’hui dans <strong>la</strong> capitale gabonaise. Les pressions exercées sur l’écosystème<br />
forestier pour ravitailler les amateurs <strong>de</strong> gibier risquent, au regard <strong>de</strong> <strong>la</strong> croissance<br />
démographique <strong>de</strong> Libreville (6% par an), <strong>de</strong> prendre <strong>de</strong> plus en plus d’ampleur, les quantités<br />
<strong>de</strong> gibier déversées sur les marchés librevillois <strong>de</strong>venant considérables.<br />
Mais comment expliquer cette attirance pour <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse ? Est-ce <strong>la</strong><br />
conjoncture économique qui pousse les gens à se tourner vers <strong>de</strong>s produits forestiers, parfois<br />
moins onéreux que les <strong>de</strong>nrées importées, ou le désir <strong>de</strong> maintenir un mo<strong>de</strong> d’alimentation<br />
plus « traditionnel », traduisant l’attachement culturel <strong>de</strong> ces citadins à leur terroir et à ses<br />
produits ?<br />
V.2. Les données sur les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière<br />
Les chercheurs du programme ont interrogé diverses catégories <strong>de</strong> personnes<br />
impliquées dans le commerce <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au Gabon : agents du Ministère <strong>de</strong>s<br />
Eaux et Forêts, chasseurs, commerçant(e)s et chefs <strong>de</strong> famille. Cependant, pour l’essentiel les<br />
<strong>recherche</strong>s se sont concentrées sur les ménages citadins et les campements <strong>de</strong> chasse<br />
disséminés le long <strong>de</strong> l’axe ferroviaire du transgabonais. Les questionnaires soumis aux<br />
ménages <strong>de</strong>s zones urbaines visaient essentiellement à cerner le profil type du consommateur<br />
<strong>de</strong> gibier et à mettre en évi<strong>de</strong>nce les raisons qui poussent les citadins à choisir ce produit.<br />
- 122 -
Un <strong>de</strong>s principaux résultats <strong>de</strong> ces enquêtes est que <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s Librevillois<br />
consomme du gibier. Les enquêtes révèlent que près <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié d’entre eux se tourne vers <strong>la</strong><br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse par goût. Le maintien d’une habitu<strong>de</strong> est invoquée par environ un quart <strong>de</strong>s<br />
consommateurs <strong>de</strong> gibier et un peu plus <strong>de</strong> 20% d’entre eux reconnaissent leur attachement<br />
culturel pour ce produit. Cependant, <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse n’est pas<br />
nécessairement fréquente : au sein <strong>de</strong> 39% <strong>de</strong>s ménages, on consomme <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse une fois par mois et pour 31% d’entre eux, <strong>la</strong> consommation du gibier coïnci<strong>de</strong><br />
uniquement avec les pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fête. Cette habitu<strong>de</strong> est-elle liée à <strong>de</strong>s considérations<br />
financières ou <strong>la</strong> fête revêt-elle une signification particulière ? Il semblerait que les revenus<br />
<strong>de</strong>s citadins ne leur permettent pas <strong>de</strong> satisfaire leurs goûts à leur guise... Il faut savoir que le<br />
prix <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> gibier les plus appréciés (Athérure et Potamochère) oscille entre<br />
4.000 FCFA et 50.000 FCFA. Près <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong>s ménages urbains se composent <strong>de</strong> 5 à 10<br />
personnes et les achats <strong>de</strong> gibier sont <strong>la</strong> plupart du temps mensuels et coïnci<strong>de</strong>nt très<br />
fréquemment avec les pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> réjouissances popu<strong>la</strong>ires ou familiales. Á cette fréquence,<br />
le poste <strong>de</strong> dépense « vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse » <strong>de</strong>vient beaucoup plus facile à intégrer au budget<br />
d’un ménage.<br />
V.3. Les motivations <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière au Gabon<br />
Depuis l’accession du pays à <strong>la</strong> souveraineté <strong>national</strong>e et jusqu’à <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong>s années<br />
1980, le Gabon a connu une pério<strong>de</strong> d’euphorie et <strong>de</strong> prospérité économique directement liée<br />
à <strong>la</strong> rente pétrolière. De nombreux Gabonais ont ainsi quitté l’arrière-pays pour venir<br />
s’installer en zone urbaine. Ce phénomène a évi<strong>de</strong>mment eu pour conséquence d’accentuer<br />
encore les inégalités régionales. Les immigrants issus <strong>de</strong> régions démunies ont déferlé sur les<br />
villes, quittant leur forêt et son gibier, tout en emportant avec eux leurs habitu<strong>de</strong>s et leurs<br />
préférences alimentaires. Á partir <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième moitié <strong>de</strong>s années 1980 et jusqu’à<br />
aujourd’hui, <strong>la</strong> récession économique brutale, <strong>la</strong> dévaluation du franc CFA et l’instauration<br />
d’une taxe sur <strong>la</strong> valeur ajoutée ont considérablement déstabilisé le peuple gabonais. De<br />
nombreuses sociétés privées et paraétatiques ont licencié une partie considérable <strong>de</strong> leurs<br />
employés et d’autres ont tout simplement cessé leurs activités. Ainsi, s’observe au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion, d’une part <strong>de</strong>s chômeurs entièrement livrés à eux-mêmes, d’autre part <strong>de</strong>s sa<strong>la</strong>riés<br />
au pouvoir d’achat considérablement affaibli.<br />
- 123 -
Parmi ces personnes, les plus débrouil<strong>la</strong>rds ont essayé d’i<strong>de</strong>ntifier <strong>de</strong>s créneaux<br />
rentables dans lesquels s’investir afin <strong>de</strong> générer <strong>de</strong>s revenus décents pour eux et leur famille.<br />
La chasse et <strong>la</strong> commercialisation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en font évi<strong>de</strong>mment partie.<br />
Actuellement, <strong>la</strong> chasse leur offre une rémunération plus rentable et moins contraignante que<br />
l’agriculture. C’est pourquoi <strong>de</strong>puis le milieu <strong>de</strong>s années 1980, <strong>de</strong> nombreux campements <strong>de</strong><br />
chasse autour <strong>de</strong>s réserves <strong>de</strong> faune, <strong>de</strong>s gares ferroviaires et <strong>de</strong>s anciens chantiers forestiers<br />
sont apparus. Certains <strong>de</strong> ces campements sont même <strong>de</strong>venus <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges à part entière,<br />
caractérisés par une popu<strong>la</strong>tion particulièrement hétérogène. C’est le cas <strong>de</strong> Mouyabi. On<br />
distingue à l’intérieur <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong>ux catégories <strong>de</strong> chasseurs : les chasseurs qui<br />
commercialisent eux-mêmes les produits <strong>de</strong> leur chasse et ceux qui s’en remettent à un<br />
commerçant pour vendre le gibier. La première catégorie est composée d’individus<br />
débrouil<strong>la</strong>rds, prêts à se démener pour écouler leur marchandise, profitant notamment du<br />
passage <strong>de</strong>s trains. Les chasseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième catégorie confient <strong>la</strong> tâche <strong>de</strong><br />
commercialisation à un tiers ; ils évitent ainsi <strong>de</strong> s’exposer à toutes les tracasseries re<strong>la</strong>tives à<br />
cette entreprise <strong>de</strong> vente. Cette tierce personne fournira alors le matériel nécessaire à <strong>la</strong> chasse<br />
(fusil, <strong>la</strong>mpes, cartouches, etc.) et <strong>de</strong> <strong>la</strong> nourriture. Certains investissements plus importants,<br />
comme l’acquisition d’un congé<strong>la</strong>teur pour conserver <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>, sont assumés par le<br />
commerçant sous forme <strong>de</strong> prêt. Le chasseur remboursera ensuite l’appareil avec le gibier<br />
chassé. La stratégie adoptée par les commerçant(e)s consiste souvent en une multiplication <strong>de</strong><br />
« contrats » avec différents chasseurs. Ce procédé contribue à <strong>la</strong> croissance considérable <strong>de</strong>s<br />
quantités <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse acheminées vers les villes. L’offre <strong>de</strong>vient vite supérieure à <strong>la</strong><br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>, d’autant plus que, comme nous l’avons vu précé<strong>de</strong>mment, <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en gibier<br />
reste occasionnelle.<br />
V.4. Des perspectives et recommandations<br />
Pour toutes les catégories socioprofessionnelles confondues, qu’elles soient originaires<br />
<strong>de</strong> régions forestières (a priori giboyeuses) ou non, APFT note que <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s personnes<br />
rencontrées lors <strong>de</strong>s enquêtes consomment occasionnellement <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Dans<br />
leur ensemble, les Librevillois n’ont pas pour habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> manger régulièrement du gibier.<br />
C’est pourquoi, l’approvisionnement sauvage et massif <strong>de</strong>s marchés en vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
paraît tout à fait disproportionné par rapport à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> réelle en gibier. En termes <strong>de</strong><br />
recommandations, le programme APFT souligne le fait que <strong>de</strong>s mesures appropriées<br />
- 124 -
<strong>de</strong>vraient être prises afin <strong>de</strong> réguler cette offre et l’ajuster à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en tenant compte du<br />
budget mensuel <strong>de</strong>s ménages. Par ailleurs un effort particulier pourrait être déployé pour<br />
informer et sensibiliser les Librevillois aux problèmes liés à une chasse <strong>de</strong>venue trop<br />
professionnalisée.<br />
Lors d’une conférence 28 visant à favoriser une meilleure communication entre trois<br />
projets <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région (zone du <strong>la</strong>c Lobeke au Cameroun, Dzangha-Sangha<br />
en RCA et Nouabale-Ndoki au Congo) et à <strong>la</strong>quelle ont assisté différents chercheurs en<br />
Sciences sociales (préhistoire, histoire, anthropologie...), en Sciences <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature ainsi que<br />
<strong>de</strong>s responsables nationaux <strong>de</strong>s ministères concernés, APFT a mis l’accent, d’une part sur<br />
« les contraintes anthropologiques dans le cadre <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> conservation en Afrique »<br />
présentées par Daou V. JOIRIS 29 et d’autre part sur « les principaux critères socioculturels que<br />
les programmes <strong>de</strong> conservation dans les forêts tropicales <strong>de</strong>vraient prendre en<br />
considération » présentés par Serge BAHUCHET et Edmond DOUNIAS 30 . Ces critères sont<br />
spécifiques aux systèmes d’économies forestières <strong>de</strong> subsistance en Afrique Centrale. Ces<br />
chercheurs précisent qu’il est nécessaire d’abor<strong>de</strong>r en détail <strong>la</strong> question <strong>de</strong>s terroirs<br />
coutumiers et d’envisager les changements socio-économiques causés par <strong>la</strong> gestion d’aires<br />
protégées.<br />
Plusieurs points furent soulevés au cours <strong>de</strong> ces discussions à savoir :<br />
- D’une manière globale, beaucoup d’efforts restent à faire pour que les gestionnaires <strong>de</strong>s<br />
aires protégées enten<strong>de</strong>nt les arguments émanant <strong>de</strong>s Sciences humaines, c’est-à-dire<br />
prennent en compte d’une manière plus efficace les facteurs humains ;<br />
- En ce qui concerne l’accès aux ressources forestières par les popu<strong>la</strong>tions locales, les<br />
recommandations d’APFT pour ECOFAC sont <strong>de</strong> délimiter une zone à exploitation<br />
vil<strong>la</strong>geoise correspondant plus ou moins aux terroirs coutumiers 31 . Cette idée est difficilement<br />
acceptée par les gestionnaires <strong>de</strong>s aires protégées ;<br />
- Une certaine confusion se manifeste dans les divers types <strong>de</strong> juridiction auxquels répon<strong>de</strong>nt<br />
les surfaces protégées -zones périphériques, réserves <strong>de</strong> faune, " forestières " ou "spéciales",<br />
parcs nationaux, zones à usages multiples, etc..- ;<br />
28 APFT Briefing 2 : Conférence Tri<strong>national</strong> Sangha River,Yale University, 25-29 sept. 1997<br />
29 Voir liste <strong>de</strong>s chercheurs ayant participer au programme APFT<br />
30 Voir liste <strong>de</strong>s chercheurs ayant participer au programme APFT sur le site WWW.<br />
31 Ce terme doit être pris au sens <strong>la</strong>rge et non aux seules zones cultivées.<br />
- 125 -
- Un accent est mis sur l’impact du braconnage et du commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> sauvage, sans que<br />
soient mis en évi<strong>de</strong>nce les raisons d’un tel commerce, tout en entretenant <strong>la</strong> confusion entre<br />
chasseurs traditionnels et braconniers professionnels originaires d’autres régions ;<br />
- Les aires protégées <strong>de</strong> Dzangha-Sangha, RCA et <strong>de</strong> Nouabale-Ndoki, Congo, proposent <strong>de</strong>s<br />
p<strong>la</strong>ns d’aménagement arbitraires du point <strong>de</strong> vue humain.<br />
Section VI - L’implication <strong>de</strong>s ONGs <strong>de</strong> conservation sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique Centrale<br />
Les questions <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et <strong>de</strong> l’exploitation forestière sont les principaux leitmotivs<br />
<strong>de</strong>s ONGs <strong>de</strong> conservation en Afrique Centrale (WWF, WCS, Nature +…). Ces ONGs sont<br />
aussi les maîtres d’ouvrages <strong>de</strong> bailleurs <strong>de</strong> fonds internationaux (Union européenne, Banque<br />
mondiale, Fondations diverses…). Pour mieux comprendre le contexte et <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faune sur leurs zones d’interventions, ces <strong>de</strong>rnières col<strong>la</strong>borent avec <strong>de</strong>s institutions <strong>de</strong><br />
<strong>recherche</strong> et <strong>de</strong>s universités, avec qui elles ont <strong>la</strong>ncé <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> sur <strong>la</strong><br />
chasse et son impact sur les popu<strong>la</strong>tions animales. Cependant, dans ce cas <strong>de</strong> figure, les<br />
objectifs <strong>de</strong>s ONGs sont c<strong>la</strong>irement définis. Partant d’une situation jugée <strong>de</strong> crise, toute<br />
l’attention est uniquement focalisée sur l’animal.<br />
VI.1. L’initiative du WWF au Gabon<br />
La question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au Gabon a été abordée pour <strong>la</strong> première fois en 1994, sur le<br />
p<strong>la</strong>n <strong>national</strong>, par une étu<strong>de</strong> sur le volume et <strong>la</strong> valeur du commerce du gibier. Cette étu<strong>de</strong> a<br />
été réalisée à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du Ministère <strong>de</strong>s Eaux et Forêts et cofinancée par le WWF et le<br />
Projet Forêts et Environnement (PFE) du Gabon (Steel, 1994). Certaines données <strong>de</strong> cette<br />
étu<strong>de</strong> restent d’actualité et nous ont semblé importantes à rappeler.<br />
Selon l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> Steel (1994) le volume <strong>de</strong> gibier circu<strong>la</strong>nt sur les marchés formels au<br />
Gabon (trois à Libreville, un à Oyem, un à Port-Gentil et un à Makokou) était estimé à 1105<br />
tonnes par an, représentant une valeur d’environ 881 millions <strong>de</strong> FCFA. Mais le marché<br />
formel (Tableau 8 ci-<strong>de</strong>ssous) ne représente qu’une infime partie du volume <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse commercialisé. La vian<strong>de</strong> est aussi fréquemment achetée auprès <strong>de</strong>s chasseurs et<br />
piégeurs soit par le consommateur, soit par <strong>de</strong>s reven<strong>de</strong>uses à domicile venues <strong>de</strong>s centres<br />
urbains. La quantification du commerce <strong>national</strong> <strong>de</strong> gibier est donc re<strong>la</strong>tivement difficile à<br />
- 126 -
effectuer. Le volume <strong>de</strong> gibier consommé au Gabon est estimé à plus <strong>de</strong> 19000 tonnes (soit<br />
une valeur <strong>de</strong> 14,5 milliards <strong>de</strong> FCFA), représentant 17,2 kg <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> par an et par personne.<br />
Les Primates, les Rongeurs et les Ongulés représentent l’essentiel du gibier vendu sur les<br />
marchés. Sur les marchés <strong>de</strong> Libreville, l’espèce <strong>la</strong> plus vendue est l’Athérure africain<br />
représentant 27% du total. Il est suivi par le Céphalophe bleu (20%), les Céphalophes bai et<br />
<strong>de</strong> Peters (14%)… Les espèces intégralement protégées comme le Pangolin géant et le<br />
Chevrotain aquatique n’échappent pas à ce commerce.<br />
L’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune par une chasse essentiellement commerciale n’est pas<br />
durable, certaines zones étant d’ores et déjà vidées <strong>de</strong> leur gibier. D’un point <strong>de</strong> vue<br />
écologique, il est urgent d’intervenir. Mais <strong>de</strong> quelle manière? En milieu rural, <strong>la</strong> chasse<br />
commerciale est une <strong>de</strong>s rares activités économiques permettant à un foyer <strong>de</strong> se procurer <strong>de</strong><br />
l’argent. La consommation <strong>de</strong> gibier est par ailleurs, et particulièrement en Afrique Centrale,<br />
un phénomène éminemment culturel, dont l’accroissement accompagne celui <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion. Autant dire que vouloir éradiquer ce problème semble particulièrement utopique.<br />
Le poids <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse commerciale dans l’économie <strong>national</strong>e étant loin d’être négligeable<br />
(±1% du PIB en 1992), il serait préférable <strong>de</strong> privilégier un meilleur encadrement et contrôle<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse pour valoriser au mieux <strong>la</strong> faune (Canopée n°18, octobre 2000).<br />
Tableau 8 : Volume et valeur du commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans l’ensemble du Gabon<br />
en 1994.<br />
Type <strong>de</strong> commerce Volume (kg/an) Valeur (FCFA/an)<br />
Commerce formel a :<br />
- Libreville<br />
- Port-gentil<br />
- Oyem<br />
0,51 10 6 (million) 0,40 10 9 (milliard)<br />
0,25 10 6 0,32 10 9<br />
0,21 10 6 0,11 10 9<br />
- Makokou 0,14 10 6 0,05 10 9<br />
Commerce informel b Libreville 6,9 10 6 7,6 10 9<br />
Consommation rurale c 11,3 10 6 6,1 10 9<br />
Total 19,3 10 6 14,5 10 9<br />
a Estimé à partir <strong>de</strong>s enquêtes <strong>de</strong> marché<br />
b Estimé à partir <strong>de</strong>s enquêtes auprès <strong>de</strong>s consommateurs librevillois<br />
c Estimé à partir <strong>de</strong>s données <strong>de</strong> Lahm (1993) sur <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou<br />
(D’après Steel, 1994)<br />
Les résultats <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> qui font références actuellement au Gabon, présentent<br />
cependant plusieurs limites. La principale est qu'aucune lisibilité n’existe sur les procédés<br />
ayant permis <strong>la</strong> collecte <strong>de</strong>s données. L’auteur elle-même reconnaît que les volumes <strong>de</strong><br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse sont difficiles à quantifier sur l’ensemble du pays puisqu’il n’existe que<br />
- 127 -
très peu <strong>de</strong> marchés formels 32 . Même lorsqu’ils existent, <strong>la</strong> collecte d’information n’est pas<br />
aisée du fait du manque <strong>de</strong> col<strong>la</strong>boration <strong>de</strong>s commerçantes surtout lorsqu’on consacre peu <strong>de</strong><br />
temps à l’étu<strong>de</strong>. En d’autres termes, il est difficile, après une année d’étu<strong>de</strong> en n'ayant<br />
travaillé que sur quelques marchés du Gabon, <strong>de</strong> généraliser les résultats à l’ensemble du<br />
pays. Certes, cette étu<strong>de</strong> a le mérite d’être <strong>la</strong> première du genre dans le pays, mais les<br />
résultats obtenus <strong>de</strong>vraient être complétés par <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cas.<br />
VI.2. Les étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au Gabon vues par <strong>la</strong> WCS<br />
Les questions <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse constituent aussi un programme<br />
global <strong>de</strong> <strong>la</strong> Société <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage (WCS). La mission première <strong>de</strong> cette<br />
organisation est <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong>r les espèces sauvages et les milieux les abritant en proposant<br />
<strong>de</strong>s solutions aux problèmes critiques qui menacent les espèces clés et les écosystèmes<br />
(Bennett et al., 2001). La WCS concentre principalement ses efforts sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
dans les zones <strong>de</strong> forêts tropicales. Elle soutient une longue liste <strong>de</strong> projets <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> en<br />
vue <strong>de</strong> permettre une meilleure compréhension <strong>de</strong>s causes et <strong>de</strong>s solutions re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> crise<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Plus <strong>de</strong> 120 publications ont été générées par <strong>la</strong> WCS concernant les<br />
résultats <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>s menés ces <strong>de</strong>rnières années. Trente trois projets<br />
s’intéressant spécifiquement à <strong>la</strong> chasse et à <strong>la</strong> faune sauvage sont menés dans 22 pays en<br />
col<strong>la</strong>boration avec les communautés locales, les compagnies concessionnaires et les<br />
gouvernements.<br />
La métho<strong>de</strong> utilisée par le WCS pour collecter les données sur <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse au Gabon est digne <strong>de</strong>s moyens financiers et logistiques mis en p<strong>la</strong>ce pour ce<br />
programme. En effet, cette étu<strong>de</strong> réalisée entre 2000 et 2003, a porté sur 4 localités urbaines<br />
et 8 localités rurales du pays, soit un total <strong>de</strong> 1208 ménages enquêtés ; 17 marchés du pays<br />
ont été suivis (4 à 24 mois dans chaque marché), mobilisant ainsi plus d’une vingtaine <strong>de</strong><br />
personnes. La responsable du programme chasse du WCS était une Gabonaise, du Ministère<br />
<strong>de</strong>s Eaux et Forêts, assistée d’une équipe, qui rendait compte <strong>de</strong>s enquêtes aux responsables<br />
expatriés du WCS. Sur le terrain, c’est elle qui sélectionnait les équipes et les formait aux<br />
techniques d’enquêtes. Cette stratégie, probablement pensée et voulue par le WCS, avait pour<br />
objectif <strong>de</strong> réduire le biais <strong>de</strong>s enquêtes lié à <strong>la</strong> présence d’Occi<strong>de</strong>ntaux, généralement<br />
associés sur le terrain à <strong>la</strong> censure et à <strong>la</strong> répression. Dans le cas du marché <strong>de</strong> Makokou,<br />
32 Seuls Libreville, Port-Gentil, Makokou et Oyem auraient <strong>de</strong>s marchés formels <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse.<br />
- 128 -
l’enquêteur du WCS, un Gabonais <strong>de</strong> <strong>la</strong> région, muni <strong>de</strong> fiches préétablies <strong>de</strong>vait suivre tous<br />
les jours ouvrables du marché (c'est-à-dire du lundi au samedi) entre 7 heures et 18 heures, les<br />
commerçantes <strong>de</strong> gibier. Présent à un moment donné sur le même site et à <strong>la</strong> même pério<strong>de</strong>,<br />
l’occasion nous fût donnée à maintes reprises <strong>de</strong> comparer nos observations <strong>de</strong> <strong>la</strong> journée.<br />
Ainsi, leur estimation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse totale du gibier était basée sur le dénombrement <strong>de</strong>s tas<br />
<strong>de</strong> vian<strong>de</strong> exposés sur le marché alors que pour notre enquête, seul le nombre d’individus<br />
entiers et par espèce nous intéressait. Les résultats <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong>, qui ne sont pas encore<br />
publiés seront à mon sens les seules données va<strong>la</strong>bles pouvant estimer une tendance<br />
<strong>national</strong>e. Un rapport intermédiaire <strong>de</strong> février 2002 (non publié) fait état <strong>de</strong> 130.000 actes <strong>de</strong><br />
ventes répertoriés sur les 17 marchés du pays et un total <strong>de</strong> 95 espèces animales chassées,<br />
toutes espèces confondues (Mammifères, Oiseaux, Reptiles). Les Ongulés avec 40,5% <strong>de</strong><br />
l’ensemble <strong>de</strong>s ventes sont les plus chassés. Ils sont suivis <strong>de</strong>s Rongeurs (38,7%), <strong>de</strong>s<br />
Primates (14%), <strong>de</strong>s Carnivores (3,7%), <strong>de</strong>s Oiseaux (1,2%), <strong>de</strong>s Pangolins (1%) et <strong>de</strong>s<br />
Reptiles (0,61%). L’Athérure africain (27,1%) est l’espèce animale <strong>la</strong> plus observée sur les<br />
marchés du Gabon. Il est suivi du Céphalophe bleu (26,33%) et <strong>de</strong>s autres Céphalophes.<br />
Ce qui est regrettable dans cette étu<strong>de</strong>, c’est que cette campagne <strong>national</strong>e avec tous<br />
les investissements que ce<strong>la</strong> a nécessité, se soit limitée à une <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière<br />
(situation <strong>de</strong>s marchés, estimation <strong>de</strong>s abondances…), sans prendre en compte l’ensemble <strong>de</strong>s<br />
acteurs. Aucun formu<strong>la</strong>ire ne s’adressait directement aux commerçantes pour collecter le<br />
minimum d’informations sur leur activité. Pendant que nous manipulions le gibier sur les<br />
éta<strong>la</strong>ges et con<strong>version</strong>s avec ces <strong>de</strong>rnières sur le marché <strong>de</strong> Makokou, l’enquêteur du WCS<br />
était posté dans un coin du marché comme s’il avait reçu pour consignes <strong>de</strong> ne pas déranger.<br />
VI.3. La chasse et l’industrie<br />
VI.3.1. La chasse dans les chantiers forestiers<br />
De nombreux auteurs (White, 1994 ; Gally, 2000 ; Degeye et al. 2001 ; Rieu, 2004 ;<br />
Nature + /WWF, dans le cadre du projet d’assistance aux exploitants forestiers, …) travail<strong>la</strong>nt<br />
pour <strong>de</strong>s ONGs <strong>de</strong> conservation, ont décrit le lien étroit et direct qui existe entre l’exploitation<br />
forestière et le « braconnage » pour le commerce. Il semblerait selon ces auteurs, que<br />
l’exploitation forestière qui se pratiquerait <strong>de</strong> manière sélective, aurait peu d’impacts directs<br />
sur <strong>la</strong> faune. Seuls les Chimpanzés seraient notablement dérangés par les forestiers dont<br />
- 129 -
l’activité les amènerait à migrer vers d’autres territoires. L’hypothèse serait qu’au cours <strong>de</strong><br />
leurs dép<strong>la</strong>cements, ils affronteraient d’autres groupes <strong>de</strong> Chimpanzés, ce qui aurait pour<br />
conséquence <strong>de</strong> perturber <strong>la</strong> structure du groupe envahisseur généralement perdant et donc à<br />
terme, d’entraîner sa disparition (White, 1994).<br />
L’impact <strong>de</strong> l’exploitation forestière sur <strong>la</strong> faune sauvage serait par contre,<br />
indirectement lié à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s infrastructures routières. L’ouverture <strong>de</strong>s pistes dans<br />
<strong>de</strong>s zones forestières les plus reculées, favoriserait une pénétration motorisée plus profon<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>s chasseurs sur <strong>de</strong>s sites généralement riches en faune. Il est donc établi que le grand<br />
braconnage en Afrique Centrale serait généralement lié aux chantiers forestiers. Dans certains<br />
chantiers <strong>la</strong> chasse sert à ravitailler le personnel en aliments carnés. Certains ouvriers<br />
s’adonnent régulièrement à <strong>la</strong> chasse dans les chantiers, profitant <strong>de</strong> <strong>la</strong> logistique <strong>de</strong><br />
l’entreprise pour maximiser leurs prises et ainsi « arrondir les fins du mois » selon leurs<br />
termes. Les véhicules <strong>de</strong> l’entreprise servent également à écouler le produit <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse vers<br />
<strong>de</strong>s points <strong>de</strong> ventes.<br />
Les travaux réalisés dans ce cadre ont le mérite d’exister mais on peut s’interroger sur<br />
l’objectivité <strong>de</strong>s résultats dans <strong>la</strong> mesure où c’est généralement l’exploitant forestier qui<br />
commandite et finance l’étu<strong>de</strong>. Ce <strong>de</strong>rnier intervient même dans le choix <strong>de</strong>s consultants qui<br />
doivent mener l’étu<strong>de</strong> sur son chantier. Dans <strong>la</strong> nouvelle loi gabonaise, l’évaluation du statut<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans les concessions forestières est <strong>de</strong>venue obligatoire et conditionne<br />
son p<strong>la</strong>n d’aménagement. Mais cette loi <strong>la</strong>isse <strong>la</strong> liberté à l’entreprise <strong>de</strong> réaliser les étu<strong>de</strong>s<br />
sur sa parcelle, sans que l’administration concernée par ce secteur (et souvent cette<br />
administration est démunie et ne peut exercer aucun contrôle), n’ait un réel droit <strong>de</strong> regard.<br />
Bien souvent, les conclusions <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s sont une <strong>de</strong>scription détaillée <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation avec<br />
une évaluation quantitative <strong>de</strong>s prélèvements. Certes, <strong>de</strong>s solutions sont proposées dans le<br />
sens d’une responsabilisation <strong>de</strong> l’entreprise pour limiter <strong>la</strong> pression sur <strong>la</strong> faune, mais peu<br />
d’étu<strong>de</strong>s s’interrogent sur l’intérêt du personnel, pourtant déjà sa<strong>la</strong>rié <strong>de</strong> l’entreprise, à<br />
toujours exercer cette activité. Soulever cette question amènerait probablement à s’interroger<br />
sur le traitement du personnel <strong>de</strong> l’entreprise, sujet tabou qui dérange forcément au regard <strong>de</strong>s<br />
conditions précaires dans lesquelles vivent et travaillent ces sa<strong>la</strong>riés.<br />
- 130 -
VI.3.2. La chasse et l’exploitation pétrolière.<br />
L’étu<strong>de</strong> menée par Thibaut 33 à Gamba dans le cadre <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions entre l’exploitation<br />
pétrolière et <strong>la</strong> chasse à mis en évi<strong>de</strong>nce, tout comme c’est le cas pour les chantiers forestiers,<br />
une forte pression sur <strong>la</strong> faune par <strong>la</strong> chasse exercée par les employés <strong>de</strong>s entreprises <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
p<strong>la</strong>ce. Les procédés utilisés pour cette étu<strong>de</strong> sont les mêmes que ceux utilisés un peu partout<br />
dans <strong>la</strong> région. Ils consistent d’une part, pour évaluer l’importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière, à faire <strong>de</strong>s<br />
enquêtes (<strong>de</strong> marchés, <strong>de</strong> consommation, <strong>de</strong> commercialisation) et d’autres par, pour estimer<br />
<strong>la</strong> production du milieu en espèces gibiers et <strong>la</strong> durabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, à réaliser <strong>de</strong>s<br />
inventaires forestiers (utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> technique <strong>de</strong>s transects).<br />
L’enquête menée <strong>de</strong> juin 1997 à mai 1998 sur le marché <strong>de</strong> Gamba, a dénombré 2845<br />
gibiers repartis en 19 espèces <strong>de</strong> Mammifères, 4 d’Oiseaux et 7 <strong>de</strong> Reptiles. Sur ces 30<br />
espèces, 29 sont protégées par <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion <strong>national</strong>e, les conventions inter<strong>national</strong>es ou<br />
apparaissent dans <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s animaux prioritaires pour <strong>la</strong> conservation (Thibaut, 2003).<br />
L’auteur propose également <strong>de</strong>s estimations <strong>de</strong> <strong>de</strong>nsités et <strong>de</strong> biomasse <strong>de</strong> quelques espèces<br />
gibiers retrouvés sur le marché <strong>de</strong> Makokou. Ces données lui ont permis d’évaluer <strong>la</strong><br />
durabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse pour quelques espèces animales à Gamba.<br />
Les principales remarques que nous pouvons faire sur cette étu<strong>de</strong> sont encore liées à<br />
l’imprécision <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s utilisées, notamment celle basée sur <strong>la</strong> collecte <strong>de</strong>s crottes pour<br />
estimer les <strong>de</strong>nsités animales et <strong>de</strong> fait, <strong>la</strong> durabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. Comme nous avons pu le<br />
constater avec les étu<strong>de</strong>s menées par ECOFAC, les paramètres <strong>de</strong> bases <strong>de</strong> ces analyses (taux<br />
<strong>de</strong> vie d’une crotte, taux <strong>de</strong> mortalité et <strong>de</strong> fécondités <strong>de</strong>s espèces…) sont si variables que les<br />
<strong>de</strong>nsités obtenues sont peu fiables. Pourtant c’est au regard <strong>de</strong> ces résultats que sont établies<br />
les politiques <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune. Nous retiendrons par contre dans cette étu<strong>de</strong>,<br />
l’implication logistique et financière <strong>de</strong> l’entreprise pétrolière Shell Gabon. En effet, l’intérêt<br />
<strong>de</strong> Shell pour cette problématique me semble être un moyen <strong>de</strong> capter l’attention <strong>de</strong>s ONGs<br />
<strong>de</strong> conservation et d’autres observateurs internationaux. La lutte contre le braconnage à<br />
Gamba est un moyen pour cette entreprise, <strong>de</strong> détourner l’attention <strong>de</strong> l’impact<br />
environnemental <strong>de</strong> ses activités sur les habitants et sur <strong>la</strong> richesse <strong>de</strong>s milieux (p<strong>la</strong>ines<br />
côtières, <strong>la</strong>gunes, mangroves, milieux marins, …). Le programme MAB 34 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Smithsonian<br />
33 Consultant pour le WWF Gabon<br />
34 La Smithsonian institution réalise <strong>de</strong>puis cinq ans en col<strong>la</strong>boration avec <strong>la</strong> Fondation Shell, un programme<br />
d’inventaire et <strong>de</strong> suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité du complexe <strong>de</strong> Gamba, dans le cadre d’un programme <strong>de</strong> Monitoring<br />
and Assessment of Biodiversity Program (MAB)<br />
- 131 -
institution en col<strong>la</strong>boration avec <strong>la</strong> Fondation Shell est un bon exemple <strong>de</strong> cette politique.<br />
Tout comme c’est le cas chez les entreprises forestières, il semblerait que l’exploitation<br />
minière n’aurait qu’un impact indirect sur <strong>la</strong> faune et que les responsables seraient les<br />
habitants qui s’adonnerait à <strong>la</strong> chasse commerciale. Il serait dans ce cas intéressant d’étudier<br />
l’impact <strong>de</strong> l’instal<strong>la</strong>tion d’une exploitation minière ou forestière sur les popu<strong>la</strong>tions et les<br />
milieux pour mieux comprendre les mutations culturelles et socioéconomiques engendrées au<br />
lieu <strong>de</strong> se contenter <strong>de</strong> mettre uniquement en évi<strong>de</strong>nce l’impact <strong>de</strong> l’exploitation cynégétique<br />
sur les popu<strong>la</strong>tions animales.<br />
VI.3.3. La chasse et l’orpail<strong>la</strong>ge.<br />
Lahm (2002) dans son étu<strong>de</strong> sur l’orpail<strong>la</strong>ge au nord-est du Gabon (étu<strong>de</strong> financée par<br />
le programme CARPE 35 ), décrit les différents systèmes <strong>de</strong> production sur les chantiers. La<br />
chasse occupe avec <strong>la</strong> pêche, une p<strong>la</strong>ce importante dans l’approvisionnement <strong>de</strong>s travailleurs<br />
en protéines animales. Cette étu<strong>de</strong> originale met en évi<strong>de</strong>nce les profon<strong>de</strong>s perturbations<br />
socioculturelles liées à l’orpail<strong>la</strong>ge qui rend ces artisans totalement dépendant <strong>de</strong>s<br />
commerçants ambu<strong>la</strong>nts qui surenchérissent leurs marchandises et fidélisent les orpailleurs<br />
par le système <strong>de</strong> <strong>de</strong>tte. L’auteur fait également le lien entre l’orpail<strong>la</strong>ge et le braconnage<br />
d’Éléphant, <strong>de</strong>ux activités étroitement liées par l’appât du gain. Il est certain, ces<br />
commerçants, bravant tous les dangers pour transporter leurs marchandises dans les coins les<br />
plus reculés du pays, sont doublement motivés par les résultats <strong>de</strong> leurs ventes (il s’agit<br />
généralement du troc entre l’or et <strong>la</strong> marchandise) et le trafic <strong>de</strong> l’ivoire. Les orpailleurs<br />
emploient souvent <strong>de</strong>s Pygmées, pour chasser l’Éléphant pour leur compte. En retour, ces<br />
<strong>de</strong>rniers pourront commercer (système <strong>de</strong> troc) avec les habitants <strong>de</strong>s camps d’orpail<strong>la</strong>ge.<br />
Enfin, nous retiendrons dans cette étu<strong>de</strong>, <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> l’auteur <strong>de</strong> p<strong>la</strong>cer l’Homme au centre<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong> l’orpail<strong>la</strong>ge. En effet, <strong>la</strong> <strong>de</strong>scription même <strong>de</strong>s différents chantiers<br />
d’orpail<strong>la</strong>ge dans cette partie du pays, qui sont généralement <strong>de</strong>s endroits très enc<strong>la</strong>vés,<br />
suppose une mise en confiance réussie <strong>de</strong>s interlocuteurs.<br />
35 Central African Regional Programme for the Environment<br />
- 132 -
Section VII - Le Groupe <strong>de</strong> travail CITES sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en<br />
Afrique Centrale.<br />
La Convention sur le commerce inter<strong>national</strong> <strong>de</strong>s espèces <strong>de</strong> faune et <strong>de</strong> flore sauvages<br />
menacées d'extinction, connue par son sigle CITES ou encore sous <strong>la</strong> dénomination <strong>de</strong><br />
« Convention <strong>de</strong> Washington », est un accord inter<strong>national</strong> entre États. Elle a pour but <strong>de</strong><br />
veiller à ce que le commerce inter<strong>national</strong> <strong>de</strong>s spécimens d'animaux et <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes sauvages ne<br />
menace pas <strong>la</strong> survie <strong>de</strong>s espèces auxquelles ils appartiennent. Suite à <strong>la</strong> 10 e Conférence <strong>de</strong>s<br />
parties <strong>de</strong> <strong>la</strong> CITES tenue à Nairobi au Kenya en avril 2000 cette organisation a mis en p<strong>la</strong>ce,<br />
avec l’appui <strong>de</strong>s donateurs présents, un groupe <strong>de</strong> réflexion spécifique à <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique Centrale appelé « CITES Bushmeat Working Group ».<br />
L’objectif principal <strong>de</strong> ce groupe est <strong>de</strong> réfléchir aux stratégies et solutions nécessaires à<br />
l’éradication <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans <strong>la</strong> sous-région. Il s’agit notamment :<br />
- <strong>de</strong> recenser les problèmes spécifiques et développer <strong>de</strong>s stratégies pour une<br />
utilisation durable <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans un contexte légis<strong>la</strong>tif légal 36 ;<br />
- d’i<strong>de</strong>ntifier les solutions re<strong>la</strong>tives à chaque problème ;<br />
- <strong>de</strong> faciliter le processus <strong>de</strong> mise en application <strong>de</strong>s solutions éventuelles ;<br />
- appuyer et assister les États dans <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce et l'exécution <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> lutte<br />
contre le commerce illicite <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, pour une utilisation durable <strong>de</strong><br />
cette ressource ;<br />
- développer <strong>de</strong>s alternatives pour réduire <strong>la</strong> dépendance ;<br />
- ai<strong>de</strong>r à <strong>la</strong> valorisation <strong>de</strong> <strong>la</strong>dite ressource dans les processus <strong>de</strong> développement<br />
économique <strong>de</strong>s États.<br />
Le comité <strong>de</strong> coordination du groupe est formé <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune et <strong>de</strong>s aires<br />
protégées <strong>de</strong>s pays membres (Cameroun, Congo, RCA, RDC, Gabon, Guinée Equatoriale),<br />
secondés par <strong>de</strong>s points focaux. (Bushmeat officers). Les activités du CITES-BWG entre<br />
2000 et 2002 sont résumées dans le Tableau 9 ci <strong>de</strong>ssous.<br />
Deux ateliers se sont tenus à Doua<strong>la</strong> sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse et ont été les premiers<br />
regroupements formels <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> CITES-BWG. Ces <strong>de</strong>rniers ont i<strong>de</strong>ntifié les étapes<br />
à abor<strong>de</strong>r pour parvenir à une gestion rationnelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans <strong>la</strong> sous-région ainsi<br />
36 On parle <strong>de</strong> contexte légis<strong>la</strong>tif légal au lieu <strong>de</strong> contexte légis<strong>la</strong>tif adapté parce qu’il s’agit bien <strong>de</strong> l’intention<br />
<strong>de</strong> ce groupe <strong>de</strong> travail qui partant <strong>de</strong> préjugés, souhaite montrer que l’utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans cette<br />
région est illégale sur tous les p<strong>la</strong>ns.<br />
- 133 -
que les facteurs re<strong>la</strong>tifs aux principaux domaines suivants : l’instabilité politique,<br />
l’inadéquation <strong>de</strong>s légis<strong>la</strong>tions, le manque d’information et d’éducation, <strong>la</strong> faible<br />
connaissance <strong>de</strong>s politiques <strong>national</strong>es, l’aménagement inapproprié <strong>de</strong>s ressources naturelles,<br />
les aspects institutionnels, les facteurs socio-économiques et les effets inverses <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
technologie (Ibrahima, 2003). Une <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s priorités a été i<strong>de</strong>ntifiée à savoir :<br />
« l’harmonisation et <strong>la</strong> mo<strong>de</strong>rnisation <strong>de</strong>s lois et politiques dans <strong>la</strong> sous-région ».<br />
Tableau 9 : Synthèse <strong>de</strong>s activités du Groupe <strong>de</strong> travail CITES sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
Activités réalisées Pério<strong>de</strong> Observations<br />
1. Première réunion formelle du Janvier 2001 É<strong>la</strong>boration d’un p<strong>la</strong>n d’action<br />
CITES-BWG<br />
Cameroun<br />
à Doua<strong>la</strong> au<br />
2. Deuxième réunion formelle du Juillet 2001 Organisation du réseau <strong>de</strong> communication.<br />
CITES-BWG à Doua<strong>la</strong> au<br />
Formalisation du groupe et création d’un poste<br />
Cameroun<br />
permanent <strong>de</strong> coordination régionale. E<strong>la</strong>boration<br />
<strong>de</strong>s termes <strong>de</strong> référence pour une étu<strong>de</strong><br />
3. Développement <strong>de</strong>s Décembre 2001consultative<br />
sur l’harmonisation <strong>de</strong>s politiques et<br />
légis<strong>la</strong>tions sur <strong>la</strong> faune sauvage<br />
Des propositions <strong>de</strong> financement <strong>de</strong>s actions<br />
propositions <strong>de</strong> financement du Mai 2002 prioritaires consignées dans le p<strong>la</strong>n d’action ont<br />
p<strong>la</strong>n d’action. travail conjoint<br />
été soumises à <strong>de</strong>s donateurs dont <strong>la</strong> Fondation<br />
avec le Bushmeat Crisis Task<br />
Force (BCTF)<br />
Mac Arthur, US Fish and Wildlife Service, etc.<br />
4. Réunion en intersession à Mars 2002 Accord <strong>de</strong> fonds par <strong>la</strong> Fondation Mac Arthur, US<br />
Garoua<br />
Fish hand Wildlife Service<br />
5. Réalisation <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> Mars-Juillet Cette étu<strong>de</strong> a été financée par le Gouvernement du<br />
consultative sur l’harmonisation 2002<br />
Royaume Uni. Le rapport est disponible auprès du<br />
<strong>de</strong>s politiques et légis<strong>la</strong>tion sur<br />
<strong>la</strong> faune sauvage<br />
CITES-BWG<br />
6. Réunion intersession à Juillet 2002 Réajustement du p<strong>la</strong>n d’action et revue du budget-<br />
Brazzaville. Participation à<br />
programme 2002-2004<br />
l’atelier sur <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faune dans les concessions<br />
forestières.<br />
7. Troisième réunion formelle du<br />
groupe, préparatoire à <strong>la</strong> 12 e<br />
Septembre 2002 Point <strong>de</strong>s activités du groupe ; revue du p<strong>la</strong>n<br />
d’action et adaptation avec le budget-programme<br />
Conférence <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
2002-2004. Mise au point du rapport pour <strong>la</strong><br />
CITES à Doua<strong>la</strong>, Cameroun<br />
CITES<br />
8. Participation à d’autres 2001-2002 Réunion <strong>de</strong> mai 2001 à Washington sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong><br />
rencontres inter<strong>national</strong>es<br />
<strong>de</strong> brousse (BCTF-AZA-UW FWS)<br />
Tableau extrait du site http://www.cites.org/common/prog/bushmeat/report.pdf<br />
La CITES-BWG intervient au Gabon qui, comme <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-<br />
région, est adhérant aux accords sous-régionaux et internationaux re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> conservation<br />
<strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong> l’Afrique Centrale et à <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage notamment le RAPAC 37 , <strong>la</strong><br />
37 Réseau <strong>de</strong>s aires protégées d’Afrique centrale. Il s’agit d’une initiative du programme ECOFAC<br />
- 134 -
Déc<strong>la</strong>ration <strong>de</strong> Brazzaville 38 , etc. Le Gabon est également signataire <strong>de</strong>s conventions<br />
inter<strong>national</strong>es sur <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong>s espèces : Ramsar, CITES, Bonn, Diversité Biologique,<br />
etc…<br />
Le CITES-BWG a surtout contribué avec ses partenaires en tête <strong>de</strong>squels <strong>la</strong> BCTF, le<br />
WWF et le WCS, et certains bailleurs <strong>de</strong> fond, à criminaliser <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en<br />
Afrique. Leurs actions sur un p<strong>la</strong>n inter<strong>national</strong> visaient, à travers <strong>de</strong>s campagnes <strong>de</strong><br />
sensibilisation <strong>de</strong>stinées aux pays occi<strong>de</strong>ntaux, à faire signer <strong>de</strong>s pétitions contre <strong>la</strong><br />
consommation <strong>de</strong> gibiers sauvages, pour amener <strong>la</strong> communauté européenne à sanctionner<br />
financièrement les pays d’Afrique Centrale ne vou<strong>la</strong>nt pas traiter <strong>la</strong> question. L’atelier <strong>de</strong><br />
2002 <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lopé, sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, auquel j’ai participé, fût un échec pour certains<br />
groupes activistes <strong>de</strong> conservation, qui espéraient voir le Gabon interdire purement et<br />
simplement <strong>la</strong> consommation du gibier sauvage 39 .<br />
Section VIII - L’intervention <strong>de</strong> l’UICN sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en<br />
Afrique Centrale : l’UICN-BRAC<br />
Créée en 1948, l’Union Mondiale pour <strong>la</strong> Nature (UICN) est une organisation<br />
inter<strong>national</strong>e qui regroupe plus <strong>de</strong> 1078 membres dont 82 États, 112 Agences<br />
Gouvernementales, 768 Organisations Non Gouvernementales Nationales, 82 Organisations<br />
Non Gouvernementales Inter<strong>national</strong>es et 34 affiliés sans droit <strong>de</strong> vote répartis dans 147 pays<br />
à travers le mon<strong>de</strong>. La conservation <strong>de</strong> l’intégrité <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, le développement durable et <strong>la</strong><br />
gestion rationnelle <strong>de</strong>s ressources naturelles sont au centre <strong>de</strong>s préoccupations <strong>de</strong> l’Union qui<br />
compte quatre Bureaux Régionaux en Afrique, notamment en Afrique Centrale, <strong>de</strong> l’Est, <strong>de</strong><br />
l’Ouest et du Sud.<br />
La vision <strong>de</strong> l’IUCN peut être résumée en <strong>la</strong> phrase suivante : "Une Afrique Centrale<br />
plus juste qui valorise et conserve sa nature". Sa mission est d’influer sur les sociétés<br />
d’Afrique Centrale, les encourager et les ai<strong>de</strong>r à conserver l’intégrité et <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
nature et à veiller à ce que toute utilisation <strong>de</strong>s ressources naturelles soit équitable et<br />
écologiquement durable.<br />
38 Processus <strong>de</strong> concertation sur <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s écosystèmes <strong>de</strong> forêts <strong>de</strong>nses humi<strong>de</strong>s d’Afrique Centrale.<br />
39 Cet atelier <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lopé s’est même terminé par un inci<strong>de</strong>nt (réaction <strong>de</strong> colère d’un représentant d’une ONG<br />
inter<strong>national</strong>e <strong>de</strong> protection <strong>de</strong>s grands singes) qui a valu le départ précipiter <strong>de</strong> ces groupes activistes.<br />
- 135 -
Le Bureau Régional pour l’Afrique Centrale <strong>de</strong> l’UICN (UICN-BRAC) a été crée en<br />
1995. Il est basé à Yaoundé au Cameroun et couvre neuf pays : le Cameroun, le Burundi, <strong>la</strong><br />
République <strong>Centre</strong> Africaine, le Congo, <strong>la</strong> République Démocratique du Congo, <strong>la</strong> Guinée<br />
Équatoriale, le Gabon, le Rwanda et le São Tomé e Principe.<br />
Comme dans les autres régions du mon<strong>de</strong>, le programme <strong>de</strong> l’UICN en Afrique<br />
Centrale s’organise autour <strong>de</strong>s axes stratégiques suivants :<br />
- La connaissance ;<br />
- Le renforcement <strong>de</strong>s capacités ;<br />
- La gouvernance.<br />
Les activités du Programme Afrique Centrale <strong>de</strong> l'UICN concernent aussi bien les<br />
questions <strong>de</strong> politique globale, régionale, <strong>national</strong>e et locale <strong>de</strong> conservation que les projets<br />
<strong>de</strong> terrain qui ont trait à <strong>la</strong> gestion durable <strong>de</strong>s ressources <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité biologique. Elles<br />
concernent sept domaines <strong>de</strong> résultats stratégiques à savoir :<br />
- Gestion efficace et restauration <strong>de</strong>s écosystèmes<br />
• Le BRAC joue le rôle d'interface entre les choix politiques et le terrain. Á cet effet,<br />
<strong>de</strong>s dispositifs <strong>de</strong> cogestion <strong>de</strong>s ressources naturelles sont mis en p<strong>la</strong>ce et permettent<br />
<strong>de</strong> traduire, en démarches et outils, les idées politiques ;<br />
• Le programme Afrique Centrale <strong>de</strong> l'UICN contribue à :<br />
- L'amélioration <strong>de</strong> <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong>s ressources forestières du Bassin du<br />
Congo et <strong>de</strong>s changements qui les affectent ;<br />
- La promotion <strong>de</strong> l’approche gestion participative ;<br />
- La promotion du concept <strong>de</strong> Parcs pour <strong>la</strong> Paix dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong>s grands <strong>la</strong>cs<br />
(Parcs Nationaux <strong>de</strong>s Virunga en RDC, <strong>de</strong>s Volcans au Rwanda et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Kibira au<br />
Burundi) ;<br />
- L’appui <strong>de</strong>s institutions <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région dans <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s conflits et <strong>la</strong><br />
bonne gouvernance pour <strong>la</strong> gestion efficace <strong>de</strong>s écosystèmes (Projet d'Appui à <strong>la</strong><br />
gestion durable <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt guinéenne basse du Cameroun et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Guinée<br />
Équatoriale) ;<br />
- L’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong>s modules <strong>de</strong> formation sur <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s écosystèmes<br />
forestiers en col<strong>la</strong>boration avec le réseau <strong>de</strong>s écoles sous-régionales en foresterie ;<br />
- La mise en cohérence et l’application progressive <strong>de</strong>s politiques, <strong>de</strong>s lois, <strong>de</strong>s<br />
stratégies et <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ns nationaux.<br />
- Institutions, accords, processus et politiques<br />
- 136 -
• Pour ce qui est du dialogue politique, l'Union facilite <strong>la</strong> Conférence sur les<br />
Ecosystèmes <strong>de</strong> Forêts Denses et Humi<strong>de</strong>s d'Afrique Centrale (CEFDHAC) ou<br />
Processus <strong>de</strong> Brazzaville, initié en 1996. Dans ce cadre, un projet d'appui à <strong>la</strong><br />
col<strong>la</strong>boration sous-régionale pour <strong>la</strong> conservation et l'utilisation durable <strong>de</strong>s<br />
écosystèmes <strong>de</strong> forêts <strong>de</strong>nses et humi<strong>de</strong>s d'Afrique Centrale, est exécuté dans <strong>la</strong> sous-<br />
région ;<br />
• L'UICN encourage les pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région à mettre en œuvre le P<strong>la</strong>n d'Action<br />
Stratégique (PAS) Régional pour les ressources <strong>de</strong> l’Environnement et <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité<br />
biologique <strong>de</strong>s écosystèmes du Bassin du Congo.<br />
- Incitations, notamment financières, pour <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité biologique et<br />
l'utilisation durable <strong>de</strong>s ressources naturelles<br />
• Appui technique au développement <strong>de</strong>s outils re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> fiscalité<br />
environnementale ;<br />
• Bonne connaissance <strong>de</strong>s conditions nécessaires à l'engagement <strong>de</strong>s sociétés<br />
d'exploitation forestière à <strong>la</strong> gestion durable.<br />
- Partage équitable <strong>de</strong>s coûts et avantages.<br />
• Promotion <strong>de</strong>s démarches et outils <strong>de</strong> partage <strong>de</strong>s coûts et bénéfices <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s<br />
ressources naturelles.<br />
- Evaluation <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité biologique et <strong>de</strong>s facteurs socio-économiques pertinents<br />
• Suivi et analyse périodique <strong>de</strong> l'évolution <strong>de</strong>s situations forestières <strong>national</strong>es et<br />
régionales (collecte et synthèse <strong>de</strong>s données notamment sur les sites critiques) ;<br />
• Protocole d'inscription et d'utilisation <strong>de</strong>s listes rouges <strong>de</strong> l'UICN par les membres<br />
régionaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> Commission <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Espèces (CSE).<br />
- Système <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> l'information et <strong>de</strong> communication<br />
• Développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> communication avec les membres et partenaires <strong>de</strong> l'Union sur<br />
les questions re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> gestion durable <strong>de</strong>s ressources <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité.<br />
- Direction et gestion efficaces, dynamiques et responsables <strong>de</strong> l'Union<br />
• L'Union veut s'assurer d'une bonne gouvernance <strong>de</strong> ses services pour <strong>la</strong> réalisation<br />
<strong>de</strong> ses activités (p<strong>la</strong>nification et développement du programme, communication,<br />
gestion financière et <strong>de</strong>s ressources humaines, re<strong>la</strong>tions avec les divers donateurs,<br />
gestion <strong>de</strong> l'information, publications, etc.) ;<br />
• Mettre en p<strong>la</strong>ce un système efficace <strong>de</strong> suivi et d’évaluation <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> l’UICN<br />
dans <strong>la</strong> région.<br />
- 137 -
Le BRAC abrite également les bureaux <strong>de</strong> coordination du Groupe <strong>de</strong> Spécialistes <strong>de</strong><br />
l'Eléphant d'Afrique (GSEAf), du " Monitoring Illegal Killing of Elephant " (CITES/MIKE),<br />
du Groupe <strong>de</strong> Travail <strong>de</strong> <strong>la</strong> CITES sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, du Comité <strong>de</strong> l’eau en Afrique<br />
Centrale et <strong>de</strong>s projets Lom Pangar et CAMRAIL.<br />
Section IX - La FAO et <strong>la</strong> problématique chasse et vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en<br />
Afrique Centrale<br />
Les interventions <strong>de</strong> l’Organisation <strong>de</strong>s Nations Unies pour l’Alimentation et<br />
l’Agriculture (FAO) sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique Centrale, se font à<br />
plusieurs niveaux mais généralement sous <strong>la</strong> forme <strong>de</strong> bailleurs. Cette organisation s’est<br />
impliquée <strong>de</strong> manière forte dans tous les débats sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans <strong>la</strong> sous-région,<br />
appuyant financièrement d’autres organisations telles que l’IUCN, <strong>la</strong> CITES-BWG etc…<br />
Nous retiendrons comme implication récente <strong>de</strong> <strong>la</strong> FAO sur <strong>la</strong> question, le<br />
financement <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ateliers sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au Gabon (l’atelier sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lopé du 3 au 7 décembre 2002) et au Cameroun (l’atelier sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse <strong>de</strong> Yaoundé du 11 au 12 novembre 2003) visant à ai<strong>de</strong>r ces pays à mettre en p<strong>la</strong>ce<br />
<strong>de</strong>s stratégies <strong>national</strong>es sur <strong>la</strong> question. Les objectifs <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux ateliers étaient entre autres :<br />
- d’harmoniser le niveau d’information <strong>de</strong>s participants sur le problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> brousse ;<br />
- <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong>s orientations techniques pour <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’un cadre juridique et<br />
institutionnel <strong>de</strong> mise en œuvre du p<strong>la</strong>n <strong>national</strong>.<br />
Le résultat <strong>de</strong> ces rencontres était surtout l’é<strong>la</strong>boration d’une vision c<strong>la</strong>ire sous forme<br />
<strong>de</strong> stratégie <strong>national</strong>e, <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans ces pays.<br />
En 1991, cette organisation avec l’appui du Ministère Français <strong>de</strong> <strong>la</strong> Coopération, du<br />
Ministère Allemand <strong>de</strong> <strong>la</strong> Coopération économique (GTZ), <strong>de</strong> l’ORSTOM, du MNHN et du<br />
CNRS, a organisé au siège <strong>de</strong> l’UNESCO à Paris, le Symposium inter<strong>national</strong><br />
« L’alimentation en forêt tropicale : interactions bioculturelles et adaptation au<br />
développement ». Les actes <strong>de</strong> ce symposium ont fait l’objet d’un ouvrage collectif en <strong>de</strong>ux<br />
volumes publiés en 1996, comportant 80 articles et ayant regrouper 109 chercheurs qui ont<br />
sillonné une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s forêts tropicales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique. Ces<br />
différents articles se situent dans <strong>de</strong>s domaines scientifiques très diversifiés al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
physiologie à l’ethnologie. L’approche interdisciplinaire développée dans cet ouvrage se veut<br />
- 138 -
interactive, les phénomènes biologiques et culturels étant envisagés simultanément, ce qui<br />
permet <strong>de</strong> comprendre <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> diversité <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie et d’alimentation présente dans<br />
les forêts tropicales. Les interactions bioculturelles mises en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>vaient amener à<br />
comprendre dans quelle mesure les différentes communautés peuvent à <strong>la</strong> fois mo<strong>de</strong>ler le<br />
milieu et s’adapter à son contact. Dans cet ouvrage, plusieurs articles (H<strong>la</strong>dick, A., Leigh Jr<br />
E.G. et Bourlière, F. ; Lahm, S. et Redford, K.H. …) traitent <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> production en<br />
forêt tropicale et <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation.<br />
Dans le même genre, <strong>la</strong> Société d’Ecologie Humaine a publié en 1999 un livre<br />
collectif sur « L’homme et <strong>la</strong> forêt tropicale ». Ce livre regroupe les travaux <strong>de</strong> nombreux<br />
chercheurs tropicalistes <strong>de</strong>s sciences sociales dont certains (Bahuchet, Dounias, …) traitent<br />
<strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> production <strong>de</strong> gibier en forêt africaine et <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation.<br />
Section X - Les interventions du Fond Français pour l’Environnement<br />
Mondial (FFEM) sur les questions <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et faune sauvage en Afrique<br />
Centrale<br />
La participation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Coopération française dans le secteur forestier en Afrique<br />
Centrale, s’est accentuée au len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> <strong>la</strong> Conférence <strong>de</strong> Rio, par une orientation<br />
stratégique vers un objectif fondamental <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt grâce à <strong>la</strong> promotion et à <strong>la</strong><br />
valorisation <strong>de</strong>s ressources forestières. Cette stratégie s’est orientée autour <strong>de</strong> trois volets :<br />
- appui institutionnel au niveau régional et <strong>national</strong> (mise en œuvre <strong>de</strong>s politiques forestières<br />
<strong>national</strong>es, appui aux structures régionales et accès aux débats internationaux) ;<br />
- aménagement <strong>de</strong>s forêts selon <strong>de</strong>s principes <strong>de</strong> gestion durable articulée sur l’exploitation<br />
industrielle et les aménagements forestiers ;<br />
- valorisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>recherche</strong>, soutien à <strong>la</strong> formation et transfert <strong>de</strong>s connaissances.<br />
Sur l’ensemble <strong>de</strong>s six pays d’Afrique Centrale où intervient <strong>la</strong> France, cette ai<strong>de</strong><br />
publique au développement, pour <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> 1990-2000, a atteint 400 millions <strong>de</strong> francs. Les<br />
moyens sont repartis par ordre d’importance comme suit : AFD 40 (31 millions d’euros), le<br />
MAE 41 (25,7 millions d’euros) et le FFEM (4,5 M d’euros).<br />
axes :<br />
La stratégie du FFEM en matière <strong>de</strong> gestion forestière se décline en trois principaux<br />
40 Agence Française <strong>de</strong> Développement<br />
41 Ministère <strong>de</strong>s Affaires Etrangères<br />
- 139 -
- Gestion durable et valorisation <strong>de</strong>s écosystèmes forestiers par les différents acteurs ;<br />
- Exploitation durable et valorisation <strong>de</strong>s ressources naturelles par les popu<strong>la</strong>tions locales ;<br />
- Conservation et valorisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> multifonctionnalité <strong>de</strong>s écosystèmes forestiers, y compris<br />
les fonctions <strong>de</strong> séquestration du CO2.<br />
Dans ce cadre, le FFEM supporte les coûts re<strong>la</strong>tifs à :<br />
- La valorisation <strong>de</strong>s ressources naturelles : produits forestiers non ligneux, ressources<br />
génétiques, écotourisme ;<br />
- L’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong> systèmes d’information environnementaux ;<br />
- La prise en compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité dans les p<strong>la</strong>ns d’aménagement : inventaires <strong>de</strong><br />
faune ou <strong>de</strong> flore, étu<strong>de</strong>s d’impact, gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune ;<br />
- La réduction d’émission ou séquestration <strong>de</strong> carbone : appui à l’utilisation <strong>de</strong><br />
techniques d’exploitation à faible impact, appui à <strong>la</strong> régénération ou à l’enrichissement <strong>de</strong><br />
forêts naturelles ou <strong>de</strong> forêts p<strong>la</strong>ntées ;<br />
- La participation <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions locales à <strong>la</strong> gestion forestière et à ses bénéfices :<br />
définition <strong>de</strong>s droits d’usages <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions, participation à <strong>la</strong> gestion forestière, appui au<br />
développement local en zone forestière.<br />
Les différents projets du FFEM dans les forêts du Bassin du Congo sont :<br />
• Projets engagés (contribution totale du FFEM : 5 137 123 euros) :<br />
- Gabon (projet Biodivalor) : Appui à <strong>la</strong> valorisation durable <strong>de</strong>s forêts tropicales<br />
(contribution FFEM : 450 792 euros). L’Objectif du projet est <strong>la</strong> valorisation économique <strong>de</strong>s<br />
ressources génétiques végétales <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt tropicale humi<strong>de</strong> par <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’un réseau<br />
<strong>de</strong> commercialisation contrôlé et l’utilisation <strong>de</strong>s bénéfices pour <strong>la</strong> réalisation <strong>de</strong> projets<br />
locaux <strong>de</strong> développement durable.<br />
- Gabon : Appui à l’aménagement forestier durable (Contribution FFEM : 960.086 euros). Le<br />
projet apporte un appui aux entreprises forestières pour <strong>la</strong> prise en compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité<br />
dans leur p<strong>la</strong>n d’aménagement par <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s d’exploitation<br />
économiquement et socialement durables.<br />
- République <strong>Centre</strong> Africaine : Gestion <strong>de</strong>s terroirs <strong>de</strong> chasse (contribution FFEM :<br />
1.150.000 euros). Le projet a pour objectif <strong>de</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s modalités techniques,<br />
sociales et administratives <strong>de</strong> gestion durable <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune par les popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> <strong>la</strong> région<br />
notamment par le biais <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse traditionnelle.<br />
- 140 -
- Congo : Aménagement <strong>de</strong> <strong>la</strong> Congo<strong>la</strong>ise Industrielle du Bois (contribution FFEM : 873.000<br />
euros). Le projet soutient <strong>la</strong> Congo<strong>la</strong>ise Industrielle du Bois, structure privée, pour le<br />
développement d’un programme agroforestier autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Poko<strong>la</strong>, l’étu<strong>de</strong> et le suivi<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> régénération <strong>de</strong>s essences principales et l’amélioration <strong>de</strong>s connaissances sur <strong>la</strong><br />
répartition <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage.<br />
- Bassin du Congo : Gestion <strong>de</strong> l’information environnementale dans le bassin du Congo<br />
(contribution FFEM : 762.245 euros). Le PRGIE (Programme Régional <strong>de</strong> Gestion <strong>de</strong><br />
l’Information Environnementale) du bassin du Congo cherche à améliorer l’accès à<br />
l’information environnementale, nécessaire à une gestion efficace <strong>de</strong>s ressources naturelles.<br />
- Afrique Centrale : Appui au développement du tourisme à objectif <strong>de</strong> conservation<br />
(contribution FFEM : 939.000 euros). Le projet vise à améliorer <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> l’offre<br />
touristique dans les aires protégées d’Afrique Centrale afin <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce <strong>la</strong> capacité<br />
du tourisme à générer <strong>de</strong> revenus additionnels pour <strong>la</strong> conservation.<br />
• Projets en cours d’instruction (contribution totale du FFEM : 4.950.000 euros) :<br />
- Bassin du Congo : Gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> Biodiversité en périphérie <strong>de</strong>s grands parcs nationaux du<br />
bassin du Congo (contribution FFEM : 2.500.000 euros). Le projet vise à préserver <strong>la</strong> faune<br />
du bassin du Congo en périphérie <strong>de</strong>s aires protégées par <strong>la</strong> mise en œuvre d’un programme<br />
d’actions concertées avec l’ensemble <strong>de</strong>s acteurs concernés : administrations <strong>national</strong>es,<br />
gestionnaires <strong>de</strong>s aires protégées, exploitants forestiers, popu<strong>la</strong>tions locales.<br />
- Régional Afrique / Amérique Latine : Mise en œuvre du mécanisme <strong>de</strong> développement<br />
propre (MDP) dans le secteur forestier (contribution FFEM : 2.450.000 euros). Le projet vise<br />
à soutenir <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> projets <strong>de</strong> séquestration <strong>de</strong> carbone dans différentes situations :<br />
p<strong>la</strong>ntations, régénérations, aménagements forestiers, agroforesterie.<br />
Sources : http://www.ambafrance-ga.org/article.php3?id_article=21<br />
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/actions-france_830/environnement-<strong>de</strong>veloppement-durable<br />
Section XI - Une stratégie <strong>national</strong>e sur les vian<strong>de</strong>s <strong>de</strong> brousse pour le<br />
Gabon<br />
Dans le contexte institutionnel gabonais, <strong>la</strong> conservation et l’utilisation durable <strong>de</strong>s<br />
ressources naturelles constituent <strong>de</strong>s enjeux prioritaires. Diverses initiatives se sont mises en<br />
p<strong>la</strong>ce à l’échelle <strong>national</strong>e pour atteindre ces objectifs <strong>de</strong> gestion durable, tel l’Agenda pour le<br />
- 141 -
Développement du gouvernement gabonais. Le P<strong>la</strong>n National d’Action Environnementale<br />
(PNAE) définissant les priorités en matière <strong>de</strong> <strong>la</strong> protection <strong>de</strong> l’environnement, a été adopté<br />
par le Conseil <strong>de</strong>s Ministres en 2000. En matière <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité, <strong>la</strong><br />
Stratégie Nationale et le P<strong>la</strong>n d’Action sur <strong>la</strong> Biodiversité (NSAP-BD) i<strong>de</strong>ntifient les axes<br />
stratégiques à suivre sur 25 ans. La loi re<strong>la</strong>tive au Co<strong>de</strong> Forestier <strong>de</strong> décembre 2001 inclut les<br />
principes <strong>de</strong> « <strong>la</strong> protection <strong>de</strong>s écosystèmes et <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité » parmi les<br />
fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion du secteur <strong>de</strong>s Eaux et Forêts (Art. 3).<br />
En termes <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, l’amalgame est souvent fait entre braconnage et<br />
chasse, entre consommation et commerce, entre faune sauvage et espèces protégées. Pourtant,<br />
<strong>la</strong> régu<strong>la</strong>risation <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>s <strong>de</strong> brousse et <strong>de</strong> sa commercialisation<br />
impose aux déci<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> prendre en considération <strong>de</strong>s aspects relevant à <strong>la</strong> fois <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
conservation et du développement durable. Pour bon nombre <strong>de</strong> Gabonais, <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse commerciale s’intègre dans une stratégie <strong>de</strong> subsistance où se combinent diverses<br />
sources <strong>de</strong> revenus. Elle est associée à d’autres activités (agriculture, pêche, cueillette, petits<br />
commerces variés, prestation <strong>de</strong> service…) et permet d’assurer un revenu mo<strong>de</strong>ste mais<br />
nécessaire à <strong>la</strong> survie <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille (Binot et al., 2004).<br />
Au Gabon, plusieurs institutions sont impliquées dans <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s ressources<br />
fauniques. Les capacités humaines, matérielles et financières <strong>de</strong> ces institutions sont<br />
insuffisantes, à ce sta<strong>de</strong>, pour mettre en œuvre d’une manière concertée et coordonnée <strong>de</strong>s<br />
politiques et <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s ressources fauniques. Aussi, au regard <strong>de</strong> ces<br />
préoccupations (besoins <strong>de</strong> renforcement <strong>de</strong>s institutions en charge <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s<br />
ressources fauniques), le gouvernement gabonais a jugé souhaitable d’é<strong>la</strong>borer une stratégie<br />
<strong>national</strong>e sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Un atelier sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nification <strong>de</strong> cette stratégie a été<br />
financé par <strong>la</strong> FAO en décembre 2002 dans le Parc National <strong>la</strong> Lopé. Cette réunion a permis à<br />
tous les acteurs <strong>de</strong> débattre <strong>de</strong>s objectifs d’une stratégie <strong>national</strong>e, <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s<br />
d’implémentation et d’i<strong>de</strong>ntifier les <strong>la</strong>cunes actuelles quant aux connaissances nécessaires<br />
pour <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’une stratégie optimale pour <strong>la</strong> gestion à long terme <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource.<br />
Le principal résultat attendu <strong>de</strong> cette stratégie 42 est le suivant : « <strong>la</strong> faune sauvage du<br />
Gabon doit être gérée d’une façon participative, rationnelle et durable afin qu’elle continue<br />
<strong>de</strong> remplir ses fonctions écologiques, sociales, culturelles et économiques dans l’intérêt<br />
<strong>national</strong> et sous-régional pour le bonheur <strong>de</strong>s génération présentes et futures » (Ndong<br />
Allogho et al., 2003)<br />
42 Ce résultat s’inscrit dans un pas <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> 15 ans : 2002-2018<br />
- 142 -
Pour atteindre ce résultat, <strong>la</strong> stratégie fixe <strong>de</strong>ux principaux objectifs qui paraissent<br />
totalement opposés, à savoir <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage et son exploitation durable.<br />
Il est donc question <strong>de</strong> trouver le juste équilibre entre ces <strong>de</strong>ux objectifs afin <strong>de</strong> satisfaire<br />
toutes les parties. Dans le contexte gabonais, concevoir <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> conservation et <strong>de</strong><br />
gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité qui permettent à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion d’exploiter <strong>la</strong> ressource sans pour<br />
autant mettre en péril son renouvellement relève du défi.<br />
Section XII - Le peu d’implication <strong>de</strong>s institutions <strong>national</strong>es <strong>de</strong> <strong>recherche</strong><br />
sur <strong>la</strong> question<br />
La <strong>recherche</strong> scientifique au Gabon se partage entre le secteur public et le secteur<br />
privé. En ce qui concerne le secteur privé, <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> scientifique est essentiellement menée<br />
par le <strong>Centre</strong> Inter<strong>national</strong>e <strong>de</strong> Recherche Médicale <strong>de</strong> Franceville (CIRMF) et les ONG<br />
environnementales. Comme nous avons pu le voir précé<strong>de</strong>mment, <strong>la</strong> problématique faune<br />
sauvage y est très <strong>la</strong>rgement abordée.<br />
Dans le cadre du secteur public, <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> scientifique est menée par les trois<br />
universités du pays et le CENAREST en col<strong>la</strong>boration avec <strong>de</strong>s universités et <strong>de</strong>s institutions<br />
<strong>de</strong> <strong>recherche</strong>s étrangères. Malheureusement, aucune <strong>de</strong> ces institutions <strong>national</strong>es ne poursuit<br />
un programme <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> sur <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse ni même sur <strong>la</strong> forêt<br />
ou le développement. Seuls quelques étudiants <strong>de</strong> l’Ecole Nationale <strong>de</strong>s Eaux et Forêts<br />
(ENEF), là encore <strong>de</strong> manière isolée et souvent avec l’appui <strong>de</strong>s ONGs <strong>de</strong> conservation,<br />
abor<strong>de</strong>nt <strong>la</strong> question dans le cadre <strong>de</strong> leur mémoire <strong>de</strong> fin d’étu<strong>de</strong>s (BTS). Cette situation peut<br />
paraître paradoxale vu <strong>la</strong> volonté manifestée par le pouvoir en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> valoriser ses<br />
ressources forestières dans le cadre d’une logique d’après pétrole. Le gouvernement gabonais<br />
à travers les différentes initiatives mises en p<strong>la</strong>ce (stratégie sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, mise en<br />
p<strong>la</strong>ce du réseau <strong>de</strong>s Parcs Nationaux, …) manifeste une réelle volonté <strong>de</strong> conserver et<br />
valoriser sa biodiversité. Néanmoins, il se <strong>la</strong>nce dans ce défi sans avoir une réelle politique <strong>de</strong><br />
formation et <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> scientifique al<strong>la</strong>nt dans ce sens. L’Université <strong>de</strong>s Sciences et<br />
Techniques <strong>de</strong> Masuku (USTM), institution qui forme les futures élites du pays dans les<br />
domaines <strong>de</strong>s sciences biologiques, semble être en marge <strong>de</strong> toutes les questions liées à <strong>la</strong><br />
gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité et à <strong>la</strong> problématique chasse et faune sauvage pourtant d’intérêt<br />
<strong>national</strong>. Les départements <strong>de</strong>s Lettres, Langues et Sciences Humaines <strong>de</strong> l’Université Omar<br />
Bongo <strong>de</strong> Libreville paraissent également peu impliqués. Le CENAREST quant à lui,<br />
- 143 -
pourtant riche <strong>de</strong> cinq instituts <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>, souffre d’un manque <strong>de</strong> ressources humaines<br />
qualifiées et n’a pas <strong>de</strong> stratégie capable d’asseoir <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> scientifique <strong>national</strong>e.<br />
Section XIII - Le piégeage et <strong>la</strong> chasse aux filets, <strong>de</strong>ux mo<strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois <strong>de</strong><br />
production en voix <strong>de</strong> disparition<br />
Deux auteurs se sont particulièrement intéressés à <strong>de</strong>s systèmes vil<strong>la</strong>geois <strong>de</strong><br />
production <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, à savoir les chasses au filets et le piégeage. Il s’agit <strong>de</strong><br />
Georges DUPRÉ avec son étu<strong>de</strong> sur « La chasse au filet chez les Nzabi 43 (République<br />
popu<strong>la</strong>ire du Congo) », (Dupré, 1976) et celle du « Câble pris au piège <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation :<br />
Technologie du piégeage et production cynégétique chez les Mvae au Cameroun » d’Edmond<br />
DOUNIAS (Dounias, 2000). Ces <strong>de</strong>ux étu<strong>de</strong>s traitent <strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong> chasse que l’on<br />
qualifierait <strong>de</strong> traditionnelles, mais pourtant <strong>de</strong> nos jours <strong>de</strong> moins en moins pratiquées voir<br />
interdites dans certains pays. Pourtant, elles mettent en exergue <strong>la</strong> maîtrise par l’Homme <strong>de</strong>s<br />
techniques, <strong>la</strong> connaissance du milieu et du gibier ainsi que le lien étroit qu’il entretient avec<br />
<strong>la</strong> forêt dont il fait partie. Ces connaissances traditionnelles sont peut être une <strong>de</strong>s clés <strong>de</strong>s<br />
équilibres dynamiques tant recherchés entre <strong>la</strong> conservation et l’exploitation rationnelle <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ressource faunique.<br />
XIII.1. La chasse au filet<br />
Il s’agit d’une technique qui consiste à encercler le gibier et le rabattre dans un enclos<br />
<strong>de</strong> filet. Les rabatteurs sont soit <strong>de</strong>s hommes, soit <strong>de</strong>s chiens munis <strong>de</strong> cloches car ces<br />
<strong>de</strong>rniers, les basendji 44 ont <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong> ne pas aboyer. La chasse au filet peut se faire<br />
pour une gamme assez <strong>la</strong>rge <strong>de</strong> gibier al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> l’Écureuil au Gorille. Elle permet d’attraper<br />
un ou plusieurs gibiers à <strong>la</strong> fois. C’est une activité communautaire qui peut réunir plusieurs<br />
familles voir plusieurs vil<strong>la</strong>ges. Selon Dupré, il existe plusieurs sortes <strong>de</strong> chasse selon leur<br />
durée, selon <strong>la</strong> nature du gibier (chasse du gibier dit ordinaires 45 , chasse au filet <strong>de</strong> gibier<br />
43 Les Nzabi se repartissent entre le Gabon et le Congo sur un vaste territoire centré sur le massif du Chaillu pour<br />
l’essentiel, domaine <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> forêt équatoriale. Leur système <strong>de</strong> production est axé autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et<br />
d’une agriculture itinérante.<br />
44 C’est du moins sous ce nom que ces chiens sont reconnus <strong>de</strong>puis 1939 par <strong>la</strong> Fédération canine inter<strong>national</strong>e.<br />
45 Il s’agit <strong>de</strong>s Céphalophes, <strong>de</strong> l’Athérure, du Potamochère, …<br />
- 144 -
arboricoles 46 , chasse au Gorille…) ou le type <strong>de</strong> milieu. Dans chacun <strong>de</strong>s cas, les<br />
particu<strong>la</strong>rités <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse portent sur le type, <strong>la</strong> longueur et le nombre <strong>de</strong> filets, sur <strong>la</strong> forme<br />
<strong>de</strong> l’enclos, sur le nombre <strong>de</strong> fois où il est constitué, sur <strong>la</strong> technique <strong>de</strong> rabattage, sur<br />
l’attribution <strong>de</strong>s postes, sur leur rotation en cours <strong>de</strong> chasse ainsi que sur les modalités <strong>de</strong><br />
partage. L’enclos, approximativement circu<strong>la</strong>ire, est constitué par <strong>la</strong> mise bout à bout <strong>de</strong>s<br />
filets individuels tendus, attachés les uns aux autres, accrochés aux branches <strong>de</strong>s arbustes<br />
dans leur partie supérieure et fixés au sol par <strong>de</strong>s branchettes.<br />
L’auteur distingue <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> <strong>la</strong> petite chasse. La gran<strong>de</strong> chasse (mbingu<br />
ibwimhu) est caractérisée par le fait que l’enclos est constitué un grand nombre <strong>de</strong> fois et que<br />
le gibier n’est pas reconnu au préa<strong>la</strong>ble. Ces expéditions <strong>de</strong> chasse durent plusieurs jours, et<br />
entraînent le dép<strong>la</strong>cement d’une partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion active du vil<strong>la</strong>ge qui s’installe pour<br />
toute <strong>la</strong> durée dans un campement. Le possesseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt 47 fait office d’organisateur ; il<br />
déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’emp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> l’enclos en fixant son centre et en décidant <strong>de</strong> l’orientation <strong>de</strong>s<br />
filets. La petite chasse (mbingu lebiku) qui se produit à n’importe quelle époque <strong>de</strong> l’année<br />
est entreprise pour tuer un animal qui a déjà été repéré 48 . Le nombre <strong>de</strong> filets est peu élevé, le<br />
plus souvent quatre ou cinq. L’enclos est constitué <strong>de</strong> façon à encercler <strong>la</strong> zone<br />
potentiellement habitée par le gibier traqué. Généralement, un seul enclos suffit pour <strong>la</strong><br />
capture du gibier. Cependant, dans le cas où il s'échappe l’enclos est constitué une <strong>de</strong>uxième<br />
fois selon un mouvement spécifique <strong>de</strong> rotation <strong>de</strong>s filets appelé uka<strong>la</strong><strong>la</strong> (qui signifie<br />
tourner).<br />
Le partage du gibier issu <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au filet est un cérémonial en soi. Cette opération<br />
qui se fait en forêt à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse consiste à distribuer <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> à tous les chasseurs<br />
mais <strong>la</strong> part que reçoit chacun d’eux dépend du rôle effectif qu’il a tenu dans <strong>la</strong> chasse. Ainsi,<br />
le gibier est approximativement divisé en <strong>de</strong>ux moitiés. La première revient à ceux qui ont eu<br />
<strong>la</strong> responsabilité immédiate <strong>de</strong> <strong>la</strong> capture, le tueur, éventuellement son ai<strong>de</strong> et le pisteur ou le<br />
possesseur <strong>de</strong>s chiens et l’autre moitié le (mbangha) est attribuée aux rabatteurs et aux<br />
46 Il s’agit <strong>de</strong> Singes et d’Écureuils.<br />
47 Près <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges ou à partir <strong>de</strong>s campements, <strong>la</strong> chasse au filet se déroule toujours dans une forêt qui est<br />
appropriée. Le lèbuki qui comprend à <strong>la</strong> fois les terrains <strong>de</strong> culture, <strong>de</strong>s rivières et une forêt est <strong>la</strong> partie <strong>de</strong>s<br />
terrains proches <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges sur <strong>la</strong>quelle le groupe <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce, itsuku, cultive, pêche et chasse. L’aîné qui est à<br />
<strong>la</strong> tête <strong>de</strong> l’itsuku est en même temps le nga lèbuki. Aucune production en particulier et surtout aucune chasse ne<br />
peut se dérouler sans son accord. C’est lui qui déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’opportunité <strong>de</strong> telle ou telle technique. Il peut afin <strong>de</strong><br />
préserver le potentiel cynégétique, restreindre <strong>la</strong> chasse au seul piégeage, technique beaucoup moins efficace et<br />
beaucoup moins dévastatrice que <strong>la</strong> chasse au filet. Il peut interdire toutes les sortes <strong>de</strong> chasse sur <strong>la</strong> forêt pour <strong>la</strong><br />
constituer en réserve.<br />
48 Il s’agit d’un animal dont le chasseur a repéré les traces qu’il a suivit jusqu’à i<strong>de</strong>ntifier <strong>la</strong> zone probable où se<br />
trouve le gîte. Dans certains cas, cet animal peut être un ravageur <strong>de</strong> culture dont le chasseur va suivre<br />
l’évolution <strong>de</strong>s attaques répétées <strong>de</strong>s cultures jusqu’à i<strong>de</strong>ntifier une zone idéale pour installer les filets.<br />
- 145 -
hommes <strong>de</strong> filet qui n’ont pas eu <strong>de</strong> responsabilité dans <strong>la</strong> capture mais dont <strong>la</strong> participation<br />
était nécessaire. Lors du partage, dans le cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au Gorille, le nganga ndja, le<br />
spécialiste du Gorille qui dirige <strong>la</strong> chasse et qui prépare les fétiches pour se les concilier et<br />
éviter les acci<strong>de</strong>nts, recevait le cœur, les mains et une partie du dos <strong>de</strong> tous les Gorilles, les<br />
tueurs prenaient le ventre et les abats. Le reste, c'est-à-dire <strong>la</strong> presque totalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>,<br />
était réparti à égalité entre tous les vil<strong>la</strong>ges ayant participé à cette chasse communautaire. En<br />
fait les différentes parties anatomiques du gibier correspon<strong>de</strong>nt aux différentes fonctions<br />
définies par <strong>la</strong> division du travail. La part qui revient à chacun <strong>de</strong>s postes est censée doter<br />
leurs receveurs <strong>de</strong> pouvoirs magiques qui leur permettront dans le futur d’assurer leur<br />
fonction avec efficacité. C’est le cas du cœur pour le nganga ndja, <strong>de</strong>s entrailles et <strong>de</strong>s abats<br />
pour le tueur, <strong>de</strong>s reins pour les grimpeurs-rabatteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au Singe, du cou et du foie<br />
pour les possesseurs <strong>de</strong> chiens. Un mauvais découpage <strong>de</strong> l’animal et <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong><br />
morceaux par d’autres que ceux à qui ils sont normalement <strong>de</strong>stinés a pour conséquence <strong>la</strong><br />
perte pour le chasseur <strong>de</strong> son efficacité en tant que tueur, rabatteur, pisteur, etc. Le retour à <strong>la</strong><br />
normale ne peut se faire qu’après <strong>la</strong> préparation d’un médicament magique. La part <strong>de</strong> vian<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> chasse qui peut revenir au nga lébuki, le propriétaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, ne lui revient pas en sa<br />
qualité <strong>de</strong> possesseur mais elle sanctionne aussi sa gestion habile <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt qui, toutes <strong>de</strong>ux,<br />
conditionnent le succès <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse.<br />
La chasse au filet et le partage du gibier mettent en exergue les re<strong>la</strong>tions quotidiennes<br />
entre les différents individus du vil<strong>la</strong>ge : le rôle <strong>de</strong>s anciens (nga lèbuki ; nganga ndja),<br />
l’égalité entre les chasseurs, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme, les re<strong>la</strong>tions entre les aînés et les jeunes,<br />
etc. C’est également un <strong>de</strong>s systèmes traditionnels <strong>de</strong> mise en valeur <strong>de</strong>s réalités culturelles et<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> cohésion sociale. Ainsi, selon l’auteur, <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse entre bien dans tous ses<br />
aspects en contradiction avec le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité sociale sans pour autant provoquer <strong>de</strong><br />
conflit. L’égalité <strong>de</strong>s chasseurs par exemple n’existe que sur les lieux immédiats <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse,<br />
<strong>la</strong> forêt. En effet, autant au vil<strong>la</strong>ge et dans toute <strong>la</strong> vie sociale hors chasse ce sont les rapports<br />
<strong>de</strong> séniorité définis à l’intérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> parenté qui modèlent les actes quotidiens, autant dans <strong>la</strong><br />
chasse ce sont les hommes entre eux qui se reconnaissent égaux <strong>de</strong>vant leur filet, abstraction<br />
faite <strong>de</strong> tous les rapports <strong>de</strong> séniorité et <strong>de</strong> parenté qui régissent leur vie ordinaire. Avant<br />
d’entrer en forêt un certain nombre d’entre eux doit recourir à l’emprunt d’un filet sans lequel<br />
ils ne peuvent être partie prenante dans cette égalité. Après <strong>la</strong> chasse et le partage <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong><br />
en forêt, <strong>de</strong> retour au vil<strong>la</strong>ge, l’égalité est entamée par <strong>de</strong>s prestations <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> que<br />
l’emprunteur <strong>de</strong> filet doit faire à ses aînés. Mais si <strong>la</strong> chasse entre hommes adultes n’apparaît<br />
- 146 -
pas au premier abord comme <strong>la</strong> totale négation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie au vil<strong>la</strong>ge c’est qu’entièrement<br />
socialisée, le contrôle <strong>de</strong>s aînés pour réel qu’il soit n’a que très rarement l’occasion <strong>de</strong><br />
s’extérioriser.<br />
XIII.2. Le piégeage<br />
Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> production <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse est probablement le plus répandu dans <strong>la</strong><br />
sous-région car il s’adresse à un grand nombre <strong>de</strong> chasseurs généralement les plus démunis et<br />
qui ne peuvent s’octroyer une arme à feu et <strong>de</strong>s cartouches pour <strong>la</strong> chasse au fusil. Le<br />
piégeage est souvent qualifié par les "conservationistes", <strong>de</strong> principal danger pour <strong>la</strong> faune.<br />
Pourtant, Dounias dans son étu<strong>de</strong> sur le piégeage chaez les Mvae du Cameroun p<strong>la</strong>i<strong>de</strong> en<br />
faveur <strong>de</strong> ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> production utilisant le câble qui selon lui, « pourrait même fournir <strong>la</strong><br />
base d’une forme <strong>de</strong> piégeage al<strong>la</strong>nt dans le sens d’une pratique durable, dès lors que l’on<br />
resitue les activités cynégétiques dans le cadre du fonctionnement global <strong>de</strong><br />
l’agroécosystème » (Gliessman, 1985 cité dans Dounias, 2000). Á <strong>la</strong> différence <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
au fusil, activité cynégétique active, car le chasseur est en contact direct avec sa proie, le<br />
piégeage peut être qualifié <strong>de</strong> "passif" dans le sens où le gibier est capturé en l’absence du<br />
chasseur. Il existe plusieurs types <strong>de</strong> piège dont <strong>la</strong> performance résulte, outre son aspect<br />
technique, <strong>de</strong> <strong>la</strong> capacité du piégeur à anticiper sur le comportement <strong>de</strong> l’animal. Un bon<br />
piège est l’aboutissement combiné d’une compétence technique et d’une connaissance<br />
éprouvée du milieu, <strong>de</strong> <strong>la</strong> biologie, <strong>de</strong> l’écologie et <strong>de</strong> l’éthologie <strong>de</strong>s proies. L’étu<strong>de</strong> du<br />
piégeage, tout comme nous l’avons vu précé<strong>de</strong>mment pour <strong>la</strong> chasse au filet, est « un bon<br />
moyen d’abor<strong>de</strong>r les savoirs et les représentations d’une société sur son environnement et<br />
d’en appréhen<strong>de</strong>r les évolutions » (Dounias, 2000).<br />
Les Mvae disposent d’une gamme très é<strong>la</strong>rgie <strong>de</strong> pièges dont les techniques peuvent<br />
se résumer à 6 systèmes <strong>de</strong> base. Ces systèmes sont exprimés en fonction du comportement<br />
escompté <strong>de</strong> l’animal par rapport au dispositif. Au total, 33 modèles <strong>de</strong> pièges et 44 variantes<br />
ont été i<strong>de</strong>ntifiés.<br />
Afin <strong>de</strong> montrer le rôle peu nuisible du piégeage, l’auteur compare les données<br />
obtenues lors d’une enquête <strong>de</strong> chasse réalisée sur le suivi <strong>de</strong> 14 chasseurs Mvae du vil<strong>la</strong>ge<br />
Nkoelon. Le suivi quantitatif sur 13 mois <strong>de</strong> chasse (mai 1990 à juin 1991) a mis en évi<strong>de</strong>nce,<br />
<strong>la</strong> capture <strong>de</strong> 2093 gibiers soit une biomasse estimée à 16 tonnes. Cinquante sept espèces<br />
gibiers capturés aux pièges ont été i<strong>de</strong>ntifiées. Les Artiodactyles avec 58% <strong>de</strong>s captures et<br />
- 147 -
77% <strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse sont les plus touchés. Ils <strong>de</strong>vancent les Rongeurs (18% <strong>de</strong>s captures ; 5%<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse) et les Primates (8% <strong>de</strong>s captures ; 11% <strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse). Cette répartition<br />
traduit une pression <strong>de</strong> chasse encore modérée, quoique importante si l’on s’en tient au fait<br />
que <strong>la</strong> pression cynégétique excessive se traduit par une baisse du taux <strong>de</strong>s ruminants au<br />
profit <strong>de</strong>s Primates (Lahm, 1996 ; Auzel, 1997 citée dans Dounias, 2000). L’analyse <strong>de</strong>s<br />
données montre en plus une prédominance <strong>de</strong>s captures <strong>de</strong>stinées à <strong>la</strong> vente ; 20% <strong>de</strong>s<br />
chasseurs ont utilisé le fusil <strong>de</strong> manière régulière et ont contribué à <strong>la</strong> capture <strong>de</strong> près <strong>de</strong> 40%<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse <strong>de</strong> gibier pour 27% du nombre total <strong>de</strong>s prises. Ce qui montre à suffisance que<br />
le fusil n’influe pas sensiblement sur le nombre d’animaux capturés, mais il influe fortement<br />
sur <strong>la</strong> taille <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers : c’est au moyen du fusil que l’on tue les plus gros gibiers. En<br />
résumé, le fusil parait actuellement l’instrument <strong>de</strong> chasse le plus nuisible pour <strong>la</strong> gran<strong>de</strong><br />
faune. Son extension est exacerbée par <strong>la</strong> vente <strong>de</strong> <strong>la</strong> venaison. Outre son ren<strong>de</strong>ment élevé,<br />
l’utilisation nocturne accroît <strong>la</strong> pression cynégétique (Dounias, 2000). Par contre, selon cette<br />
enquête, le piégeage contribue faiblement à <strong>la</strong> production <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier par rapport au<br />
fusil. C’est à tort que ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> production est incriminé car cette même étu<strong>de</strong> montre que<br />
le taux <strong>de</strong> perte (2% tant en nombre <strong>de</strong> captures qu’en biomasse) par pourrissement du gibier<br />
est tout à fait acceptable.<br />
Section XIV - La question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse outre at<strong>la</strong>ntique : cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> Guyane<br />
française<br />
La problématique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, quoique volontairement<br />
médiatisée pour le cas <strong>de</strong> l’Afrique Centrale, n’est pas qu’une réalité spécifique à cette région<br />
du mon<strong>de</strong>. En Europe par exemple, <strong>la</strong> chasse reste un sujet d’actualité même si certains pays<br />
donnent plus ou moins l’impression <strong>de</strong> contrôler les popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> gibiers sauvages.<br />
Cependant, les besoins vitaux <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions sont si différents <strong>de</strong>s réalités africaines que ces<br />
questions relèvent plutôt du prestige culturel d’une catégorie <strong>de</strong> personnes aisées ou fortunées<br />
qu’autres chose. Pourtant, <strong>la</strong> France avec ses DOM-TOM, connaît <strong>de</strong>s réalités comparables à<br />
celles <strong>de</strong>s pays du bassin du Congo. En Guyane française par exemple, <strong>la</strong> chasse est une<br />
activité qui comme en Afrique, procure avec <strong>la</strong> pêche, l’essentiel <strong>de</strong>s protéines <strong>de</strong>s sociétés<br />
forestières. Cette activité qui a subi <strong>de</strong> nombreuses mutations, au fur du temps, passant d’une<br />
activité <strong>de</strong> subsistance à <strong>la</strong> chasse commerciale, pose actuellement <strong>de</strong>s inquiétu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong><br />
durabilité <strong>de</strong>s prélèvements et les risques pour les espèces animales. Couplée aux activités<br />
- 148 -
aurifères, <strong>la</strong> chasse en Guyane <strong>de</strong>vient une composante du débat autour <strong>de</strong>s notions telle que<br />
<strong>la</strong> préservation <strong>de</strong> l’environnement ou le respect <strong>de</strong> <strong>la</strong> spécificité locale. Une équipe<br />
pluridisciplinaire <strong>de</strong> chercheurs <strong>de</strong> différentes institutions traitant <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faune sauvage (CNRS, ENGREF, IRD, ONC FS, ONF, CIRAD), s’est penchée sur <strong>la</strong><br />
question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en Guyane, dans le cadre du programme Ecosystèmes tropicaux<br />
conjoint du MEDD et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mission pour <strong>la</strong> Création du Parc <strong>de</strong> <strong>la</strong> Guyane, p<strong>la</strong>cé sous <strong>la</strong><br />
responsabilité du GIS Silvo<strong>la</strong>b-Guyane (Grenand et al., 2002).<br />
XIV.1. Les objectifs du programme<br />
L’objectif essentiel <strong>de</strong> ce programme était - au sein d’une politique globale <strong>de</strong><br />
l’environnement guyanais – d’aboutir à une gestion permettant d’assurer <strong>la</strong> durabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ressource gibier et par conséquent <strong>de</strong> garantir son exploitation raisonnée. Afin d’apporter une<br />
ai<strong>de</strong> à <strong>la</strong> décision <strong>de</strong>s autorités compétentes, le programme s’est posé les question suivantes :<br />
- Quel est l’état <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource ? Cette approche biologique et écologique visait à caractériser<br />
l’état <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions animales, non seulement dans les zones chassées <strong>de</strong> façon plus ou<br />
moins intensive, mais aussi dans <strong>de</strong>s zones libres <strong>de</strong> toute chasse<br />
- Qui chasse quoi ? Où, comment et pourquoi ? Cette approche socio-anthropologique du<br />
programme <strong>de</strong>vait apporter <strong>de</strong>s éléments sur les pratiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, leurs fon<strong>de</strong>ments<br />
historiques et leurs finalités socioéconomiques contemporaines<br />
- Comment gérer <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> ressource ? Cette question <strong>de</strong>vait mettre en valeur les<br />
tendances évolutives <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au cours <strong>de</strong>s vingt <strong>de</strong>rnières années et montrer <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />
qu’elle occupe actuellement dans les cultures et l’économie <strong>de</strong> <strong>la</strong> Guyane.<br />
Le site d’étu<strong>de</strong> du programme chasse en Guyane était constitué en majeure partie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
région nord. Il s’agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>la</strong> plus habitée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Guyane, assimilée à un véritable<br />
<strong>la</strong>boratoire, en ce sens que tous les types <strong>de</strong> chasse s’y rencontrent. Cinq sites ont été étudiés<br />
(Saint-Georges, Régina, Macouria, Counami et Mana/Awa<strong>la</strong>-Yalimapo). La région sud <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Guyane avait déjà fait l’objet d’enquêtes sur <strong>la</strong> chasse en autosubsistance (Trois Sauts,<br />
enquêtes 1976-77 ; enquêtes 1992-93) qui avait valeur <strong>de</strong> référence. Plusieurs autres sites non<br />
chassés du centre et du sud <strong>de</strong> <strong>la</strong> Guyane ont été abordés dans une perspective comparative.<br />
L’enquête a portée sur une popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> 173 chasseurs, répartis sur l’ensemble <strong>de</strong>s<br />
sites, sur une durée <strong>de</strong> huit mois, soit quatre mois en saison sèche et quatre mois en saison <strong>de</strong>s<br />
pluies. Les enquêtes en ethnoécologie s’appuyaient sur <strong>de</strong>s approches quantitatives et<br />
- 149 -
qualitatives. Elles ont été plus ou moins menées <strong>de</strong> <strong>la</strong> même manière que celles effectuées au<br />
Gabon par <strong>la</strong> WCS (enquêteurs locaux recrutés et formés). L’évaluation du statut <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune<br />
s’est faite avec les mêmes métho<strong>de</strong>s utilisées en forêts africaines, à savoir l’échantillonnage<br />
par transects couplé à d’autres métho<strong>de</strong>s c<strong>la</strong>ssiques (IKA, Distance Sampling...)<br />
XIV.2. Présentation <strong>de</strong> quelques résultats<br />
En ce qui concerne <strong>la</strong> chasse on peut noter que :<br />
- La chasse en Guyane a subi <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>s mutations au fil du temps. Elle est passée d’une<br />
activité d’autosubsistance à une activité lucrative entraînant également <strong>de</strong> profonds<br />
changements culturels. Cependant, en marge <strong>de</strong> l’aspect lucratif <strong>de</strong> cette activité, <strong>la</strong> chasse en<br />
Guyane reste avant tout un acte <strong>de</strong> sociabilité.<br />
- En Guyane comme en Afrique Centrale, <strong>la</strong> chasse commerciale est à corréler à<br />
l’urbanisation et à <strong>la</strong> croissance démographique.<br />
- Les armes à feux ont pris le <strong>de</strong>ssus sur le panel <strong>de</strong>s armes dites traditionnelles.<br />
Concernant les prélèvements et le commerce du gibier, il apparaît que :<br />
- La biomasse prélevée quels que soient les sites étudiés est en gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>stinée à <strong>la</strong><br />
vente<br />
- Les Pécaris, le Tapir et les Rongeurs constituent les principaux groupes exploités pour <strong>la</strong><br />
chasse aussi bien d’autosubsistance que celle à <strong>de</strong>s fins commerciales.<br />
- La consommation du gibier en Guyane est importante et contribue <strong>de</strong> façon considérable à<br />
l’alimentation <strong>de</strong> ses popu<strong>la</strong>tions au même titre que d’autres formes <strong>de</strong> production <strong>de</strong> vian<strong>de</strong><br />
plus conventionnelles<br />
- La légis<strong>la</strong>tion actuelle semble peu adaptée pour limiter <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse en Guyane et encore moins pour établir un système <strong>de</strong> surveil<strong>la</strong>nce sur l’état <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ressource et son utilisation.<br />
Concernant le statut <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune :<br />
- La chasse à un impact négatif sur certaines espèces d’oiseaux gibiers (Hocco, Agami, …)<br />
menacées <strong>de</strong> disparition<br />
- Les territoires soumis à une forte pression <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, sont recolonisés selon le principe du<br />
"source-puits"<br />
- 150 -
- L’influence du relief sur <strong>la</strong> <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> faune (Mammifères) est assez importante.<br />
Concernant <strong>la</strong> représentation et l’évolution <strong>de</strong>s savoirs cynégétiques :<br />
- Existence en Guyane d’un ensemble <strong>de</strong> valeurs culturelles qui ten<strong>de</strong>nt à réguler <strong>la</strong> pratique<br />
cynégétique.<br />
Nous pouvons constater que <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en Guyane a été abordée par <strong>de</strong>s<br />
équipes pluridisciplinaires appartenant à <strong>de</strong>s institutions <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>, à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> du<br />
gouvernement français, et non pas comme ce<strong>la</strong> est abordé en Afrique Centrale, par <strong>de</strong>s ONGs<br />
<strong>de</strong> conservation et <strong>de</strong>s programmes occi<strong>de</strong>ntaux où l’objectivité <strong>de</strong>s résultats peuvent au<br />
départ être mis en cause.<br />
Section XV – Conclusion<br />
Signe <strong>de</strong> l’importance que lui accor<strong>de</strong>nt le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité<br />
et <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> scientifique, divers étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> filière du gibier ont été réalisées<br />
au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières années dans plusieurs cadres parmi lesquels les programmes sous-<br />
régionaux <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>-développement et <strong>de</strong> conservation (ECOFAC, DABAC, APFT, WCS,<br />
WWF, CI, Nature +…) en Afrique Centrale en ailleurs. L’une <strong>de</strong>s particu<strong>la</strong>rités <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
problématique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse dans le bassin congo<strong>la</strong>is est qu’elle intéresse particulièrement <strong>la</strong><br />
communauté inter<strong>national</strong>e plus précisément les bailleurs <strong>de</strong> fonds occi<strong>de</strong>ntaux. C'est<br />
généralement à travers leurs appuis financiers, techniques, logistiques et au nom du<br />
"Développement" ou <strong>de</strong> politiques <strong>de</strong> Coopération, qu’on été menées ces nombreuses étu<strong>de</strong>s<br />
sur <strong>la</strong> faune et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier, mettant ainsi les pays africains dans une situation<br />
d’assistés sur une question pourtant cruciale pour leurs popu<strong>la</strong>tions. En effet, à travers <strong>la</strong><br />
chasse on <strong>de</strong>vine <strong>de</strong>s réalités socioculturelles essentielles dont les mutations entraîneraient<br />
probablement <strong>de</strong>s répercutions sur l’avenir <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions. Il est alors intéressant <strong>de</strong> se<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r au nom <strong>de</strong> quel Développement ces agitations sont mises en branle et pour le<br />
bénéfice <strong>de</strong> qui ? Autrement dit, pourquoi les stratégies <strong>de</strong> développement <strong>de</strong> l’Afrique et <strong>de</strong>s<br />
Africains est il pensé à Bruxelles ou à New York ? Il faut alors se référer à l’histoire pour<br />
mieux comprendre <strong>la</strong> position <strong>de</strong> l’Occi<strong>de</strong>nt par rapport à l’Afrique sur cette question. C’est<br />
probablement dans un esprit <strong>de</strong> culpabilité que ces actions impliquant <strong>de</strong> lourds financements<br />
sont entreprises mais là encore, quel est l’avis <strong>de</strong>s Africains ? L’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> bibliographie<br />
- 151 -
consultée sur les questions <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier montre l’existence <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ux approches distinctes : celle <strong>de</strong>s Sciences biologiques et celle <strong>de</strong>s Sciences sociales. Ces<br />
<strong>de</strong>ux approches sont inégalement retrouvées dans les politiques ambiguës et opaques<br />
développées par les bailleurs <strong>de</strong> fonds pour les pays du Sud qui se traduisent quelquefois sur<br />
le terrain par le financement par le même bailleurs, d’actions dont les objectifs sont en totale<br />
contradiction.<br />
Dans <strong>la</strong> première approche, avec le souci d’apporter <strong>de</strong>s solutions sur le court terme,<br />
<strong>la</strong> réflexion menée sur <strong>la</strong> chasse par les biologistes a généralement été orientée vers les<br />
aspects <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong> cette activité sur <strong>la</strong> ressource, <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> production du milieu et <strong>de</strong><br />
durabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière. Selon ces étu<strong>de</strong>s, il est désormais certain que <strong>la</strong> chasse et en particulier<br />
celle à but commercial est une activité en expansion qui, <strong>de</strong>puis les <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières décennies,<br />
s’est en quelques sorte "professionnalisée", suivant en ce<strong>la</strong> les évolutions technologiques,<br />
démographiques et économiques. Il apparaîtrait également à l’issu <strong>de</strong> ces étu<strong>de</strong>s, que <strong>la</strong> faune<br />
sauvage serait surexploitée au point que certaines espèces seraient menacées d’extinction et<br />
qu’il importe dès aujourd’hui, <strong>de</strong> ce préoccuper <strong>de</strong> ce problème. Mais comment ? Les<br />
diverses étu<strong>de</strong>s menées mettent en évi<strong>de</strong>nce l’importance, bien qu’informel, du secteur<br />
économique généré par <strong>la</strong> chasse et le commerce <strong>de</strong> gibier dans l’économie <strong>de</strong>s différents<br />
pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région. La suppression <strong>de</strong> l’activité cynégétique bien que rêvée par quelques<br />
déci<strong>de</strong>urs ou chercheurs, entraînerait une crise sociale telle, qu’elle ne peut être sérieusement<br />
envisagée. Il importe désormais <strong>de</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> contrôle et d’encadrement<br />
d’une chasse pouvant à <strong>la</strong> fois être durable et répondre aux besoins <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions en termes<br />
<strong>de</strong> revenus économiques. La tâche extrêmement complexe à mettre en œuvre est <strong>de</strong> concilier<br />
les impératifs <strong>de</strong> conservation avec <strong>la</strong> nécessité d’admettre <strong>la</strong> poursuite d’une activité <strong>de</strong><br />
chasse sans <strong>la</strong>quelle aucun développement n’est possible. Cette équation irrite les acteurs <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> conservation. C’est actuellement un défi qui est <strong>la</strong>ncé et pour lequel <strong>de</strong>s solutions <strong>de</strong>vront<br />
être innovantes. Il s’agit d’un défi tout simplement parce que<br />
- d’une part, dans le contexte actuel <strong>de</strong> crise économique frappant tous les pays du bassin<br />
congo<strong>la</strong>is, <strong>la</strong> commercialisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse est une réalité culturelle tant en zones<br />
rurales que citadines.<br />
- d’autre part on est en droit <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r jusqu’où les conservateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité<br />
biologique peuvent-ils aller dans leurs actions quant on sait qu’ils en arrivent parfois à<br />
s’opposer à <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> développement tel l’aménagement d’une route à proximité d’une<br />
aire protégées, considérant que celle-ci va faciliter l’écoulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse vers<br />
- 152 -
les marchés urbains, privant ainsi les popu<strong>la</strong>tions d’une alternative <strong>de</strong> désenc<strong>la</strong>vement et donc<br />
d’expansion économique.<br />
Par ailleurs, une série d’approches "popu<strong>la</strong>tionnelles" développées par <strong>de</strong>s<br />
programmes également occi<strong>de</strong>ntaux avec l’appui <strong>de</strong>s mêmes bailleurs <strong>de</strong> fonds, tente <strong>de</strong><br />
mo<strong>de</strong>ler <strong>la</strong> vision conservationniste développée actuellement. Ces approches consistent à<br />
mettre en avant <strong>la</strong> vision promue par les Sciences sociales qui, fort <strong>de</strong>s constats mis en<br />
évi<strong>de</strong>nce par les conservateurs, prônent <strong>la</strong> prise en compte simultanée, <strong>de</strong>s réalités humaines<br />
avec les réalités écologiques dans <strong>la</strong> quête d’un équilibre dynamique entre conservation et<br />
exploitation durable <strong>de</strong>s ressources fauniques. Cette fois encore, les États africains assistent<br />
impuissant à cette guerre d’opinions mais entre-temps, les popu<strong>la</strong>tions continuent d’être<br />
harcelées pour ce qui peut être considéré comme un simple réflexe <strong>de</strong> survie.<br />
Cette situation <strong>de</strong> blocage (puisque <strong>de</strong> nombreuses initiatives ont échoué et que <strong>la</strong><br />
question reste toujours d’actualité) liée à <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> du juste équilibre entre conservation et<br />
exploitation durable <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource faunique, justifie parfaitement l’approche développée<br />
dans cette thèse. En effet, l’idée centrale <strong>de</strong> notre thèse se veut innovatrice et surtout<br />
pragmatique. Partant du constat qu’une gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s travaux sur <strong>la</strong> question, <strong>la</strong>isse peu<br />
<strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce à l’Homme dans <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> <strong>de</strong> solutions viables, nous avons posé comme<br />
hypothèse <strong>de</strong> base que les solutions à <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> <strong>de</strong> l’équilibre dynamique entre<br />
conservation et exploitation durable <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource faunique en Afrique Centrale se trouvent<br />
chez les popu<strong>la</strong>tions rurales garantes <strong>de</strong>s savoirs et <strong>de</strong>s traditions et qu’il faut pour ce<strong>la</strong> les<br />
mettre en valeur. Les programmes <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong>vront prendre d’avantage en compte<br />
aussi bien l’Homme, comme faisant partie intégrante du contexte forestier, que ses savoirs<br />
traditionnels pour une meilleure gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource. Ainsi, pour réfléchir sur <strong>la</strong> question<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> faisabilité d’une gestion, <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage, nécessitant d’analyser <strong>de</strong> près une réalité<br />
locale (Takforyan, 2001), nous sommes partis d’un exemple précis pour :<br />
- d’une part, examiner <strong>la</strong> filière <strong>de</strong> production cynégétique locale (Chapitres 6, 7 et 8) en<br />
choisissant pour modèle <strong>de</strong> base <strong>la</strong> chasse au Potamochère, une espèce animale phare <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse à Makokou, pour nous gui<strong>de</strong>r dans les différentes stratégies utilisées par les acteurs <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> filière.<br />
- d’autre part, mettre en évi<strong>de</strong>nce l’importance culturelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage à<br />
travers les différents mo<strong>de</strong>s empiriques d’exploitation <strong>de</strong> celle-ci pour une meilleure<br />
compréhension du problème et, par <strong>la</strong> suite, proposer <strong>de</strong>s solutions qui tiennent compte <strong>de</strong> ces<br />
- 153 -
éalités jusqu’alors occultées. L’approche ethnoécologique <strong>de</strong> <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse nous<br />
paraît dans cette thèse une solution viable et pour le moins préa<strong>la</strong>ble à sa requalification tant<br />
aux yeux <strong>de</strong>s Gabonais que <strong>de</strong>s déci<strong>de</strong>urs internationaux.<br />
- 154 -
DEUXIÈME PARTIE<br />
Caractérisation <strong>de</strong>s savoirs<br />
ethnozoologiques et cynégétiques<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou :<br />
La filière Chasse à Makokou,<br />
une réalité<br />
tant socioéconomique que culturelle<br />
- 155 -
Chapitre V : Une réalité locale analysée : <strong>la</strong> chasse à<br />
Makokou<br />
La pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse à Makokou et les liens <strong>de</strong>s habitants avec <strong>la</strong> faune sauvage<br />
sont <strong>de</strong>s réalités culturelles locales qui ren<strong>de</strong>nt les Ogivins quasi dépendants <strong>de</strong> cette<br />
ressource. Cette activité <strong>de</strong> production cynégétique offre entre autres, l’occasion aux<br />
chasseurs <strong>de</strong> faire valoir leurs acquis traditionnels (savoirs transmis, connaissances<br />
empiriques, etc..;) qui, associés aux technologies mo<strong>de</strong>rnes, permettent d’augmenter le<br />
ren<strong>de</strong>ment. De plus, <strong>la</strong> chasse et surtout le partage <strong>de</strong> gibier, sont autant <strong>de</strong> systèmes qui<br />
participent <strong>de</strong> l’organisation <strong>de</strong>s sociétés vil<strong>la</strong>geoises où les rapports humains sont sans cesses<br />
mis à l’épreuve. Dans ce chapitre, nous décrivons :<br />
- d’une part, les systèmes <strong>de</strong> production <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à Makokou, en mettant l’accent<br />
sur les stratégies d’optimisation <strong>de</strong>s captures et les connaissances empiriques <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource<br />
et du milieu ;<br />
- d’autre part, nous analysons les <strong>de</strong>venirs <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et l’impact <strong>de</strong> celle-ci sur<br />
l’économie domestique <strong>de</strong>s ménages. Avant <strong>de</strong> conclure ce chapitre, nous faisons un encart<br />
sur <strong>la</strong> chasse à l’Éléphant qui illustre un autre regard que les Ogivins ont <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage à<br />
travers ce pachy<strong>de</strong>rme.<br />
Section I - Définitions<br />
Conformément à l’article 165 du co<strong>de</strong> forestier gabonais, « constituent <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong><br />
chasse, <strong>la</strong> poursuite, l’approche, le tir et <strong>la</strong> conduite d’une expédition dans le but <strong>de</strong> capturer<br />
ou d’abattre un animal sauvage ». Dans ce même co<strong>de</strong> forestier, l’article 164 mentionne que<br />
« nul ne peut chasser au Gabon s’il n’est détenteur d’un permis <strong>de</strong> chasse ou d’une licence <strong>de</strong><br />
chasse délivrée par l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts ». Cependant, une mention spéciale<br />
accor<strong>de</strong> aux vil<strong>la</strong>geois dans le cadre <strong>de</strong>s droits d’usages coutumiers que l’exercice <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse artisanale est autorisé (Article 253) uniquement dans les domaines forestiers ruraux<br />
(Article 254). Les droits d’usages coutumiers consistent à <strong>la</strong> satisfaction <strong>de</strong>s besoins<br />
personnels ou collectifs <strong>de</strong>s communautés vil<strong>la</strong>geoises qui portent sur <strong>la</strong> subsistance. Cette<br />
définition reste très vague et ouvre à <strong>de</strong> nombreuses controverses quant à l’application <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
- 156 -
loi sur le terrain. Mais dans tous les cas et selon l’article 216 <strong>de</strong> cette loi, sont interdits sur<br />
toute l’étendue du territoire <strong>national</strong> :<br />
- <strong>la</strong> chasse en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> fermeture, c'est-à-dire du 15 septembre au 15 mars<br />
(Cependant, <strong>la</strong> chasse coutumière peut être exercée tout au long <strong>de</strong> l’année)<br />
- <strong>la</strong> chasse sans permis ;<br />
- <strong>la</strong> chasse dans les aires protégées ;<br />
- le non respect <strong>de</strong>s normes <strong>de</strong> capture et d’abattages d’animaux ;<br />
- <strong>la</strong> poursuite, l’approche ou le tir du gibier à bord d’un véhicule terrestre, d’une<br />
embarcation ou d’un aéronef ;<br />
- le survol à moins <strong>de</strong> 200 mètres <strong>de</strong>s aires protégées ;<br />
- <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> nuit avec ou sans engin éc<strong>la</strong>irant ;<br />
- <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> capture aux moyens <strong>de</strong> drogues, d’appâts empoisonnés, <strong>de</strong> fusils fixes<br />
et d’explosifs ;<br />
- <strong>la</strong> chasse à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> pièges métalliques et <strong>de</strong> collets en câble d’acier ;<br />
- toutes les autres frau<strong>de</strong>s en matière cynégétique.<br />
Le non respect <strong>de</strong>s dispositions ci-<strong>de</strong>ssus est passif d’emprisonnement d’une durée <strong>de</strong><br />
quarante cinq jours à trois mois et d’une amen<strong>de</strong> <strong>de</strong> 25.000 (38 euros) à 1000.000 (1524<br />
euros) francs CFA ou <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux peine seulement.<br />
La question qui se pose est <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> ce qui est autorisé ou pas. En effet, que signifie<br />
par rapport aux réalités vil<strong>la</strong>geoises, pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> fermeture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, chasse artisanale et/ou<br />
encore domaines forestiers ruraux, animaux protégés ou pas, et bien d’autres <strong>de</strong> ces<br />
règlements ? Quelle est <strong>la</strong> limite <strong>de</strong>s droits d’usages coutumiers en matière <strong>de</strong> chasse ? C’est<br />
dans ce contexte assez confus et pour le moins difficile que j’ai mené mes <strong>recherche</strong>s à<br />
Makokou.<br />
Section II - Profil social <strong>de</strong>s chasseurs Ogivins<br />
À Makokou, on est "chasseur" dès le plus jeune âge. Très tôt déjà, les jeunes garçons<br />
se confectionnent <strong>de</strong> petites armes redoutables (fron<strong>de</strong>, sarbacane, arc, pièges, …) ou utilisent<br />
<strong>de</strong> nombreuses stratégies pour tuer ou capturer du petit gibier (Oiseaux, Rongeurs, Reptiles,<br />
Poissons). Les terrains <strong>de</strong> chasse sont généralement le jardin <strong>de</strong> case, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ntation ou tout<br />
simplement les terrains <strong>de</strong> jeux et le bord <strong>de</strong>s pistes qu’ils utilisent pour se rendre d’un endroit<br />
à un autre. D’autres enfants accompagnent très jeunes leurs parents à <strong>la</strong> chasse et acquièrent<br />
progressivement les réflexes <strong>de</strong> chasseur. Dans tous les cas, les jeunes apprennent très vite<br />
- 157 -
que l’animal sauvage est un gibier et que tout gibier, hormis certains interdits, est bon à<br />
consommer. La mise à mort <strong>de</strong> tout gibier <strong>de</strong>vient alors un réflexe banal.<br />
Au vu <strong>de</strong>s résultats que nous avons obtenus, <strong>la</strong> chasse en Ogooué-Ivindo n’est pas<br />
l’apanage d’une ethnie particulière. Contrairement aux tendances décrites (Chapitre II,<br />
paragraphe III), les trois principales ethnies <strong>de</strong> Makokou s’adonnent à <strong>de</strong>s <strong>de</strong>grés divers à<br />
cette activité <strong>de</strong> base. Que les chasseurs Kota, qui représentent 57% <strong>de</strong> notre échantillon,<br />
soient les plus nombreux s’explique par le fait qu’ils sont majoritaires dans <strong>la</strong> province (9<br />
vil<strong>la</strong>ges sélectionnés dont 34 chasseurs interrogés). Autrement dit en faisant le rapport du<br />
nombre <strong>de</strong> chasseurs par ethnie sur le nombre <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ges par ethnie, on obtient<br />
respectivement 3,4 pour les Kota, 4,6 pour les Fang et 10 pour les Kwélé. Ce qui<br />
grossièrement signifie qu’il y a autant <strong>de</strong> chasseurs chez les trois principales ethnies ou que<br />
les Kwélé seraient plus chasseurs que les Fang et les Kota.<br />
La moyenne d’âge <strong>de</strong>s chasseurs questionnés est <strong>de</strong> 41 ans avec un minimum <strong>de</strong> 21<br />
ans et un maximum <strong>de</strong> 75 ans. Les 30-40 ans sont les plus nombreux représentant 55% <strong>de</strong><br />
l’échantillon ; 72% <strong>de</strong>s chasseurs questionnés vivent maritalement avec une moyenne <strong>de</strong> 9<br />
personnes à charge (entre 3 et 35 personnes à charge) ; 68% <strong>de</strong>s chasseurs sont soit sans<br />
emploi rémunéré, soit n’ont jamais exercé une activité sa<strong>la</strong>riale, soit encore sont à <strong>la</strong> retraite.<br />
L’analyse <strong>de</strong>s résultats <strong>de</strong> l’enquête <strong>de</strong> chasse nous a permis <strong>de</strong> distinguer cinq<br />
catégories <strong>de</strong> chasseurs sur <strong>de</strong>s critères essentiellement économiques :<br />
- Les chasseurs vil<strong>la</strong>geois<br />
- Les chasseurs "prestataires <strong>de</strong> services"<br />
- Les chasseurs occasionnels<br />
- Les chasseurs semi-professionnels<br />
- Les chasseurs spécialisés<br />
II.1. Les chasseurs vil<strong>la</strong>geois<br />
Ils sont définis ici comme toutes personnes dépourvues d’activité sa<strong>la</strong>riale et vivant<br />
principalement du travail <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre et <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. On distingue ainsi <strong>de</strong>s retraités, <strong>de</strong>s<br />
personnes sans emploi et <strong>de</strong>s personnes étant involontairement sans travail. Les chasseurs<br />
vil<strong>la</strong>geois représentent 63% <strong>de</strong>s chasseurs questionnés. Les chasseurs vil<strong>la</strong>geois comme<br />
définis ci-<strong>de</strong>ssus sont <strong>de</strong>s personnes vivant à Makokou et/ou dans les vil<strong>la</strong>ges environnants.<br />
Le quotidien <strong>de</strong> ces personnes est basé sur <strong>la</strong> subsistance et <strong>la</strong> chasse, activité par défaut,<br />
apparaît comme <strong>la</strong> principale activité pourvoyeuse d’aliments carnés. Ces popu<strong>la</strong>tions sont<br />
- 158 -
par définition <strong>de</strong>s chasseurs-cueilleurs pour qui l’élevage, quoique existant, occupe peu <strong>de</strong><br />
p<strong>la</strong>ce sur le p<strong>la</strong>n alimentaire.<br />
Le chasseur vil<strong>la</strong>geois est en outre le principal fournisseur <strong>de</strong> gibier du marché <strong>de</strong><br />
Makokou. Il participe également du maintien en ville <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s alimentaires rurales en<br />
fournissant régulièrement du gibier aux membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille vivant à Libreville ou ailleurs.<br />
Ces <strong>de</strong>rniers fournissent en retour le chasseur en cartouches, <strong>la</strong>mpes-torches ou tout autre<br />
matériel nécessaire au bon déroulement <strong>de</strong> ses activités.<br />
II.2. Les chasseurs "prestataires <strong>de</strong> services"<br />
Cette catégorie regroupe les personnes qui ont <strong>la</strong> chasse comme principale activité et<br />
qui exercent cette <strong>de</strong>rnière pour le compte d’un tiers à <strong>de</strong>s fins avant tout commerciales. Cette<br />
tierce personne fournit tout le matériel nécessaire au bon déroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. À <strong>la</strong><br />
différence du vil<strong>la</strong>geois, le "prestataire <strong>de</strong> service" et le commanditaire entretiennent <strong>de</strong>s liens<br />
fidèles et complexes souvent résumés par le terme d’"associé", et/ou "abonné " ou encore<br />
parfois <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> maître à obligé. Le chasseur fournit régulièrement le gibier moyennant <strong>de</strong>s<br />
"honoraires" fixés par le commanditaire et qui peut se présenter sous diverses formes : une<br />
part du gibier, <strong>de</strong> l’argent, un service rendu… On retrouve dans cette catégorie <strong>de</strong> chasseur,<br />
les sans emploi qui vivent au dépend <strong>de</strong> quelqu’un qui peut être un membre <strong>de</strong> sa propre<br />
famille. Généralement ils habitent chez le commanditaire qui les entretient ou dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong><br />
celui-ci <strong>de</strong> quelques manières que ce soit. On retrouve par exemple dans cette catégorie, les<br />
chasseurs pygmées qui vivent aux alentours <strong>de</strong> Makokou. Les commanditaires sont<br />
généralement les commerçants(es) <strong>de</strong>s marchés, les restaurateurs et certains fonctionnaires<br />
friands <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Cette catégorie <strong>de</strong> chasseurs représente 7% <strong>de</strong> notre échantillon.<br />
II.3. Les chasseurs occasionnels<br />
Cette catégorie <strong>de</strong> chasseur regroupe à Makokou, tous ceux qui vont <strong>de</strong> temps en<br />
temps à <strong>la</strong> chasse et qui ne dépen<strong>de</strong>nt pas financièrement <strong>de</strong> cette activité. Il s’agit <strong>de</strong>s<br />
chasseurs par loisir et/ou ceux qui chasse lorsqu'une opportunité se présente. Généralement,<br />
on retrouve dans cette catégorie les fonctionnaires (administratifs, forces <strong>de</strong> l’ordre,<br />
militaires…) et autres employés, qui chassent le week-end, pendant les vacances ou encore<br />
lors <strong>de</strong>s missions. Les produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sont généralement consommés ou partagés et les<br />
- 159 -
trophées conservés. Certains commercialisent leurs prises pour « arrondir les fins <strong>de</strong> mois »<br />
comme ils le disent eux-mêmes. Cette catégorie représente 15% <strong>de</strong>s chasseurs enquêtés.<br />
II.4. Les chasseurs semi-professionnels<br />
Cette catégorie <strong>de</strong> chasseurs regroupe essentiellement les personnes qui exercent leur<br />
activité dans les chantiers forestiers pour alimenter le personnel en aliments carnés. Il s’agit<br />
souvent <strong>de</strong>s employés <strong>de</strong> l’entreprise qui dans le p<strong>la</strong>nning <strong>de</strong> travail, ont <strong>de</strong>s heures allouées<br />
pour faire <strong>la</strong> chasse. D’autres entreprises forestières recrutent les chasseurs dans les vil<strong>la</strong>ges<br />
environnants. L’entreprise fournit tout le matériel nécessaire au bon déroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
dans sa concession. Les motivations <strong>de</strong> l’entreprise sont <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ordres :<br />
- approvisionner le chantier en gibier <strong>de</strong> bonne qualité,<br />
- éviter que tous les employés s’adonnent à <strong>la</strong> chasse sur le chantier en<br />
responsabilisant certains d’entre eux. En effet, sur certains chantiers les employés s’adonnent<br />
tellement à <strong>la</strong> chasse que le ren<strong>de</strong>ment s’en trouve réduit.<br />
Cette catégorie <strong>de</strong> chasseur représente 11% <strong>de</strong> notre échantillon. Les produits <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse alimentent l’économat du chantier où tous les employés peuvent acheter du gibier à<br />
<strong>de</strong>s prix modiques. Cependant, <strong>de</strong>s circuits parallèles issus <strong>de</strong>s chantiers alimentent également<br />
le marché <strong>de</strong> gibier <strong>de</strong> Makokou.<br />
II.5. Les chasseurs spécialisés.<br />
Il s’agit ici <strong>de</strong>s chasseurs qui consacrent particulièrement leurs activités à <strong>la</strong> chasse<br />
d’une espèce animale ou d’une catégorie <strong>de</strong> gibier précis. Ce groupe <strong>de</strong> chasseurs recoupe les<br />
quatre autres catégories ci-<strong>de</strong>ssus. La motivation du chasseur spécialisé est avant tout d’ordre<br />
financière mais elle mobilise <strong>de</strong>s savoirs particuliers. On retrouve dans cette catégorie, <strong>de</strong>s<br />
chasseurs vil<strong>la</strong>geois, <strong>de</strong>s chasseurs "prestataires <strong>de</strong> services", <strong>de</strong>s chasseurs occasionnels et<br />
<strong>de</strong>s chasseurs semi-professionnels.<br />
Les animaux ciblés par ces chasseurs sont <strong>de</strong>s gibiers d’intérêt économique majeur tels<br />
que l’Eléphant (pour ses défenses et sa vian<strong>de</strong>), <strong>la</strong> Panthère (pour sa peau), le Potamochère et<br />
les Crocodiles (pour leur vian<strong>de</strong>). Cependant certains chasseurs ten<strong>de</strong>nt à se spécialiser dans<br />
<strong>la</strong> capture d’animaux plus mo<strong>de</strong>stes comme les Oiseaux (surtout les Perroquets vivants), les<br />
Athérures ou encore les Écureuils. On distingue cependant dans ce groupe, les chasseurs<br />
spécialistes stricts et les chasseurs spécialistes <strong>de</strong> circonstance. Les premiers sont<br />
- 160 -
essentiellement <strong>de</strong>s chasseurs d’Éléphants qui le sont <strong>de</strong>venus généralement après un rite<br />
initiatique. De fait, tuer un Éléphant pour les Ogivins n’est possible que si l’on est initié ou si<br />
on a hérité d’un "pouvoir". Généralement ces chasseurs ne doivent pas consommer les<br />
produits <strong>de</strong> leur chasse et ne doivent pas chasser d’autres gibiers sous peine <strong>de</strong> malédiction.<br />
Le second groupe concerne <strong>de</strong>s chasseurs qui en fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> accrue en un gibier<br />
particulier ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> « facilité » <strong>de</strong> capturer une espèce <strong>de</strong> gibier, se spécialisent. Ces <strong>de</strong>rniers<br />
n’ont aucun interdit sur <strong>la</strong> chasse d’autres gibiers. On retrouve dans ce groupe les chasseurs<br />
<strong>de</strong> Potamochères, Crocodiles et autres. Les chasseurs spécialisés sont peu représentés dans<br />
notre échantillon (10%) mais nous intéresseront particulièrement par <strong>la</strong> suite.<br />
La principale motivation du chasseur spécialiste est <strong>la</strong> rentabilité, le choix du gibier<br />
étant lié à l’intérêt économique <strong>de</strong> celui-ci. Ainsi à Makokou, le Potamochère et les<br />
Crocodiles (Faux Gavial et Crocodile nain) se distinguent nettement <strong>de</strong>s autres gibiers pour<br />
plusieurs raisons :<br />
- il s’agit <strong>de</strong> gibiers dont <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> est très appréciée <strong>de</strong>s consommateurs ce qui fait que <strong>la</strong><br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> est très élevée ;<br />
- il s’agit <strong>de</strong> gibiers dont <strong>la</strong> chasse re<strong>la</strong>tivement "facile" peut procurer plusieurs prises avec le<br />
moins d’investissement possible ;<br />
- il s’agit <strong>de</strong> gibiers abondants et re<strong>la</strong>tivement "faciles" à repérer.<br />
II.5.1. Les avantages<br />
Le chasseur spécialiste a <strong>de</strong>s clients "abonnés" et fidèles à qui il fournit régulièrement<br />
du gibier. Il <strong>de</strong>vient ainsi une "valeur sûre" pour les commerçantes qui se bousculent pour<br />
passer les comman<strong>de</strong>s. Cette garantie d’écouler les produits <strong>de</strong> sa chasse lui procure <strong>de</strong>s<br />
revenus réguliers. Le chasseur spécialiste, au fil <strong>de</strong>s expériences, accumule <strong>de</strong>s connaissances<br />
sur <strong>la</strong> forêt, <strong>la</strong> biologie et l’écologie <strong>de</strong> son gibier <strong>de</strong> choix, ce qui lui confère une certaine<br />
notoriété dans <strong>la</strong> communauté. Il est un "grand" chasseur sollicité et respecté <strong>de</strong> tous. Dans<br />
une certaine mesure il est craint car on lui attribue <strong>de</strong>s pouvoirs surnaturels surtout lorsque<br />
son gibier est considéré comme une "bête féroce".<br />
II.5.2. Les risques<br />
Le principal risque d’être un chasseur spécialiste est d’ordre économique. En effet,<br />
l’investissement pour <strong>la</strong> chasse, qui est spécifique au gibier chassé (type <strong>de</strong> fusil et <strong>de</strong><br />
- 161 -
cartouche pour les chasseurs au fusil, type <strong>de</strong> câble pour les chasseurs aux pièges, choix <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
zone <strong>de</strong> chasse, etc.), oblige quasiment le chasseur à réussir. De fait, un chasseur spécialisé<br />
peut très vite perdre sa clientèle à partir du moment où il <strong>de</strong>vient peu productif. Un autre<br />
risque i<strong>de</strong>ntifié, et pas <strong>de</strong>s moindre, est le fait que tous les chasseurs spécialisés, reconnus<br />
comme étant <strong>de</strong> grands chasseurs, sont vus par <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion comme utilisant <strong>de</strong>s pratiques<br />
magico-religieuses pour arriver à leurs fins. Ce qui fait que certains consommateurs (souvent<br />
<strong>de</strong>s initiés) refusent d’acheter leurs gibiers craignant <strong>de</strong> "tomber" ma<strong>la</strong><strong>de</strong>.<br />
Section III - Notion d’animal focal pour <strong>la</strong> chasse<br />
De <strong>la</strong> même manière que les conservateurs ont établi une liste <strong>de</strong>s espèces focales pour<br />
<strong>la</strong> conservation, les chasseurs Ogivins détiennent une liste d’espèces gibiers importantes pour<br />
<strong>la</strong> chasse. Les critères mis en avant par les chasseurs sont avant tout d’ordre économique.<br />
Selon eux, l’animal focal pour <strong>la</strong> chasse est avant tout « le gibier <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille, très prisé<br />
<strong>de</strong>s consommateurs donc recherché et qui peut rapporter gros ». Mais il s’agit également du<br />
gibier mythique, réputé dangereux et souvent associé à <strong>la</strong> sorcellerie. On peut citer comme<br />
exemple d’animaux focaux pour <strong>la</strong> chasse : l’Éléphant, le Gorille, le Buffle, le Potamochère,<br />
le Pangolin géant, le Chevrotain aquatique, les Céphalophes, le Faux Gavial et le Python.<br />
Chacun <strong>de</strong> ses gibiers représente plus ou moins une histoire pour le chasseur spécialisé. Ce<br />
<strong>de</strong>rnier en se spécialisant à <strong>la</strong> capture <strong>de</strong> ce ou ces gibiers, est sûr d’écouler au mieux sa<br />
marchandise. La notion <strong>de</strong> gibier focal pour <strong>la</strong> chasse est née tant <strong>de</strong> l’existence du chasseur<br />
spécialisé que d'une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> locale. L’animal focal est aussi le gibier qui confère au chasseur<br />
un statut social particulier. En effet, les chasseurs spécialisés sont d’autant plus respectés et<br />
craint que le gibier qu’ils chassent est considéré comme dangereux et/ou très rusé. Peu<br />
nombreux dans <strong>la</strong> région, ils sont généralement très sollicités surtout lorsque le gibier est<br />
considéré comme dangereux et nuisible. C’est le cas par exemple lorsqu’il s’agit <strong>de</strong><br />
l’Éléphant, nuisible pour les cultures mais également dangereux lorsqu’il rô<strong>de</strong> autour du<br />
vil<strong>la</strong>ge.<br />
À Makokou, le Potamochère est un animal qui se distingue particulièrement <strong>de</strong>s autres<br />
gibiers focaux. On note en effet, plusieurs chasseurs spécialisés dans <strong>la</strong> capture <strong>de</strong> cet animal<br />
et <strong>de</strong> nombreux autres qui ten<strong>de</strong>nt à le <strong>de</strong>venir. Le Potamochère est <strong>de</strong> nos jours, et<br />
spécifiquement dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou, un gibier débarrassé <strong>de</strong> tout interdit alimentaire,<br />
<strong>de</strong> tout tabou <strong>de</strong> capture et essentiellement chassé pour le commerce. Cette situation semble<br />
avoir évolué puisque jadis ce gibier, considéré comme très dangereux et « sale » vu ses mœurs<br />
- 162 -
(tendance à toujours se vautrer dans <strong>la</strong> vase) et qui pouvait se nourrir <strong>de</strong> charognes et même<br />
dans certains cas <strong>de</strong> cadavres humains, était peu apprécié <strong>de</strong>s consommateurs. Il semblerait<br />
que l’arrivée du fusil -et ce, souvent en grand nombre- rendant plus facile <strong>la</strong> capture <strong>de</strong>s<br />
Potamochères aurait fait évoluer les habitu<strong>de</strong>s alimentaires <strong>de</strong> certains, vu le contexte<br />
économique difficile actuel. Par <strong>la</strong> suite, l’amélioration <strong>de</strong>s connaissances sur le régime<br />
alimentaire <strong>de</strong> ce gibier en forêt aurait rassuré les plus réticents, faisant ainsi découvrir à<br />
l'ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion le goût « caché » particulier du Potamochère.<br />
Section IV - Organisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
La chasse à Makokou est comme nous l’avons vu, une activité à part entière<br />
généralement exercée par défaut et qui régit le quotidien d’un grand nombre d’Ogivins.<br />
Cependant, elle est souvent couplée à d’autres activités comme <strong>la</strong> cueillette, l’agriculture et <strong>la</strong><br />
pêche. C’est pourquoi chez les Kota par exemple, le mot chasse en lui-même n’existe pas.<br />
Ainsi, « Ma né té éditchi » souvent utilisé pour dire je vais à <strong>la</strong> chasse, signifie, plutôt, « je<br />
vais en forêt où je pourrais faire <strong>la</strong> chasse, <strong>la</strong> pêche et <strong>la</strong> cueillette ». La chasse à Makokou se<br />
pratique <strong>de</strong> jour comme <strong>de</strong> nuit, au fusil et/ou au piège, en toute saison et dans toutes les<br />
forêts sans exception. Ce qui fait <strong>de</strong> presque tous les chasseurs Ogivins, <strong>de</strong>s « hors-<strong>la</strong>-loi » par<br />
rapport à <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion gabonaise. Du point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong>s chasseurs, on pourrait bien sûr<br />
renverser <strong>la</strong> proposition en affirmant que <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion n’est pas adaptée à <strong>la</strong> réalité <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions rurales. Là est peut-être un <strong>de</strong>s fonds du problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au Gabon. De<br />
toutes les façons, nous partons du principe que <strong>la</strong> chasse est une activité vitale pour plusieurs<br />
familles Ogivines, prêtes à braver tous les interdits culturels et toutes les règles établies pour<br />
survivre.<br />
IV.1. Les lieux <strong>de</strong> chasse<br />
Il ressort <strong>de</strong> nos enquêtes que 82% <strong>de</strong> chasseurs affirment exercer leur activité dans<br />
<strong>de</strong>s terroirs ancestraux <strong>de</strong> chasse qui sont <strong>de</strong>s forêts comprenant soit <strong>de</strong>s anciens vil<strong>la</strong>ges, soit<br />
<strong>de</strong>s anciennes p<strong>la</strong>ntations (<strong>de</strong> café ou <strong>de</strong> cacao), soit d’anciens campements <strong>de</strong> chasse ou <strong>de</strong><br />
pêche. Ces territoires <strong>de</strong> chasse sont, soit à proximité du domicile (c'est-à-dire en moyenne<br />
entre 2 km et 10 km) pour 57% <strong>de</strong>s cas, soit très éloignés (c'est-à-dire à plus <strong>de</strong> 10 km du<br />
domicile). Il s’agit pour <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong> forêts re<strong>la</strong>tivement bien connues <strong>de</strong>s chasseurs dont <strong>la</strong><br />
plupart auraient hérité <strong>de</strong>s savoirs <strong>de</strong> leurs parents. Par exemple, sur les rives <strong>de</strong> l’Ivindo entre<br />
- 163 -
Ipassa et les chutes <strong>de</strong> Kongou, soit sur 36 km environ, nous avons i<strong>de</strong>ntifié 12 principaux<br />
terroirs ancestraux <strong>de</strong> chasse. Il s’agit <strong>de</strong> forêts qui sont soit <strong>de</strong>s anciens vil<strong>la</strong>ges, soit <strong>de</strong>s<br />
anciennes p<strong>la</strong>ntations, soit <strong>de</strong>s anciennes zones <strong>de</strong> campements <strong>de</strong> chasse et <strong>de</strong> pêche tout<br />
simplement. Le premier terroir <strong>de</strong> chasse après le quartier Loaloa <strong>de</strong> Makokou est <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong><br />
ZEMBI (1) située dans <strong>la</strong> réserve d’Ipassa. En outre, le terme « Ipassa » qui désigne en lui-<br />
même « <strong>la</strong> maison <strong>de</strong>s porcs-épics », en Kota « Ipassa ba gomba » désignait un lieu <strong>de</strong> chasse<br />
communautaire très célèbre et connu <strong>de</strong> tous. La mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve d’Ipassa sur ce<br />
site <strong>de</strong> chasse actuellement inclus dans le Parc National <strong>de</strong> l’Ivindo, a tout simplement<br />
dépossédé les vil<strong>la</strong>geois d’un gar<strong>de</strong>-manger ancestral. De nos jours, cette question n’est pas<br />
réglée puisque <strong>de</strong> nombreux chasseurs y pénètrent toujours en toute quiétu<strong>de</strong>, mettant parfois<br />
en danger <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s techniciens et chercheurs travail<strong>la</strong>nt dans cette forêt. Le problème est que<br />
longtemps protégée par <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>s chercheurs sur le site d’Ipassa, cette forêt constitue <strong>de</strong><br />
nos jours une zone d’abondance trop proche <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou. Les autres forêts <strong>de</strong>s<br />
alentours étant <strong>de</strong>venues pauvres en gibiers. La question est <strong>de</strong> savoir combien <strong>de</strong> temps <strong>la</strong><br />
forêt d’Ipassa va encore résister à cette pression démographique ? Il s’agit du principal défi<br />
que doivent affronter les gestionnaires du Parc.<br />
Après Ipassa, nous avons <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> MINYÉ ou MIÉ (2), <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> MIO-MIO (3), <strong>la</strong><br />
forêt <strong>de</strong> PENDO (4), <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> BAGNATE (5), <strong>la</strong> forêt d’ISSA (6), <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> MÉKO (7), <strong>la</strong> forêt<br />
<strong>de</strong> BÉSSABOKA (8), <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> MIMYEMÉKOMBA (9), <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> KOTO (10), <strong>la</strong> forêt<br />
MENAMATCHÉMA (11) et <strong>la</strong> forêt d’ILOLO (12) (cf carte 10 ci-<strong>de</strong>ssous). Ces terroirs sont<br />
l’apanage <strong>de</strong>s chasseurs kota <strong>de</strong>s quartiers Loaloa, Mbolo et Epassengué <strong>de</strong> Makokou, qui<br />
maîtrisent <strong>la</strong> navigation sur cette partie <strong>de</strong> l’Ivindo. Ils sont naturellement délimités et les<br />
chasseurs s’y meuvent en suivant <strong>de</strong>s sentiers connus, généralement <strong>de</strong>s pistes d’Éléphants,<br />
préa<strong>la</strong>blement marquées par <strong>de</strong>s coupes faites à <strong>la</strong> main et/ou à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> machettes, sur <strong>de</strong>s<br />
arbustes et <strong>de</strong>s branchages. Les chasseurs se dép<strong>la</strong>cent très peu hors piste. En effet, le risque<br />
<strong>de</strong> se perdre est toujours présent et seule <strong>la</strong> traque d’un gibier peut les détourner du sentier<br />
balisé. Et, lorsqu’il y a traque, le chasseur, pour éviter <strong>de</strong> se perdre, marque toujours son<br />
passage en faisant également <strong>de</strong>s coupes. C’est une précaution <strong>de</strong> base à prendre. Les<br />
chasseurs, par habitu<strong>de</strong> et du fait <strong>de</strong> l’abondance re<strong>la</strong>tive du gibier, sont très attachés à leur<br />
zone <strong>de</strong> chasse. Il n’existe pas vraiment <strong>de</strong> conflit lié à l’exploitation <strong>de</strong> ces terroirs, excepté<br />
lorsqu’un étranger (non originaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone <strong>de</strong> chasse) s’y aventure. C’est le cas <strong>de</strong>s Kwélé<br />
du quartier Zoatab <strong>de</strong> Makokou qui, <strong>de</strong>puis quelques temps, naviguent sur cette partie du<br />
fleuve pourtant très éloignée <strong>de</strong> leurs terroirs situés en amont <strong>de</strong> Makokou sur <strong>la</strong> rive gauche<br />
<strong>de</strong> l’Ivindo. Pour l’instant aucun inci<strong>de</strong>nt grave n'est à signaler, hormis quelques<br />
- 164 -
intimidations, mais cette ethnie semble s’imposer très vite. Excellent pêcheurs certains, pour<br />
se faire accepter <strong>de</strong>s Bakota, n’hésitent pas à leur apporter <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> dans <strong>la</strong> confection <strong>de</strong>s<br />
pirogues et même <strong>de</strong>s filets, techniques qu’ils maîtrisent parfaitement.<br />
Les Bakwélé ont toujours été considérés par les autres ethnies <strong>de</strong> <strong>la</strong> région comme <strong>de</strong>s<br />
"envahisseurs". Déjà, avec les Fang <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges en amont <strong>de</strong> Makokou, <strong>de</strong>s conflits avaient<br />
éc<strong>la</strong>tés dans les années 1950 amenant ces <strong>de</strong>rniers à se rabattre sur Makokou (chef <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ge<br />
Andock, vil<strong>la</strong>ge fang sur l’Ivindo, communication personnelle). Mais il semblerait que <strong>de</strong>s<br />
accords aient été passés entre ces <strong>de</strong>ux ethnies qui actuellement se côtoient. Les Fang<br />
exploitant <strong>la</strong> rive droite <strong>de</strong> l’Ivindo dont les forêts regorgent d’anciens vil<strong>la</strong>ges, campements<br />
et p<strong>la</strong>ntations. Les Bakwélé eux, se sont installés sur <strong>la</strong> rive gauche <strong>de</strong> l’Ivindo avec une<br />
disposition <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges montrant leur migration vers Makokou en provenance <strong>de</strong>s provinces<br />
<strong>de</strong> Ouesso au nord Congo. Cette migration semble être ralentie <strong>de</strong>puis que l’État gabonais a<br />
érigé Mvadhy, l’un <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges bakwélé les plus peuplés, en district avec le minimum<br />
d’instal<strong>la</strong>tions administratives nécessaires.<br />
Les terroirs <strong>de</strong> chasse sont <strong>de</strong>s forêts qui comportent généralement un sentier principal,<br />
définissant un parcours, qui les traverse d’un point à un autre (souvent d’une rivière à une<br />
autre), et qui est jouxté par plusieurs sentiers <strong>la</strong>téraux. Ceux-ci sont <strong>de</strong>s pistes annexes<br />
permettant d’atteindre certains bas-fonds et autres endroits propices pour <strong>la</strong> chasse (sites<br />
potentiels <strong>de</strong> nidification, arbres fruitiers, bauges ou salines par exemple). La cartographie <strong>de</strong><br />
ces pistes, met en exergue un réseau serré <strong>de</strong> sentiers dont le principal architecte est<br />
l’Éléphant. De fait, dans les forêts <strong>de</strong> Makokou, excepté à proximité <strong>de</strong> certains vil<strong>la</strong>ges, rares<br />
sont les endroits où ce pachy<strong>de</strong>rme n’est ou n’a été présent. En suivant ses traces, on se rend<br />
compte qu’elles convergent toutes soit vers une saline, soit vers un bauge, soit vers un arbre<br />
fruitier, soit vers un bas-fond marécageux ou un cours d’eau. Les sites les plus fréquentés par<br />
les Éléphants voient converger à travers <strong>la</strong> forêt, plusieurs sentiers et boulevards dont pour<br />
certains, le piétinement répété lié au taux <strong>de</strong> fréquentation, permettrait <strong>de</strong> ramasser une<br />
aiguille au sol. L’Éléphant choisit toujours les passages les plus faciles <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, c'est-à-dire<br />
le long <strong>de</strong>s lignes <strong>de</strong> crêtes, sur les f<strong>la</strong>ncs les moins abruptes, dans les bas-fonds les moins<br />
marécageux, etc … Ils ouvrent ainsi <strong>de</strong>s voies <strong>de</strong> pénétrations faciles dans <strong>la</strong> forêt,<br />
empruntées par un grand nombre d’animaux et par l’Homme. En effet, les chasseurs pour se<br />
repérer en forêt, utilisent énormément les traces animales. Ils essaient toujours <strong>de</strong> se "mettre<br />
dans <strong>la</strong> peau" du gibier qu’ils pourchassent pour mieux le suivre et le localiser. On se rend<br />
vite compte que <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s animaux en forêt utilisent les chemins empruntés par les<br />
Éléphants, ce qui facilite également leur dép<strong>la</strong>cement.<br />
- 165 -
Carte 10 : Localisation <strong>de</strong>s principaux terroirs <strong>de</strong> chasse le long <strong>de</strong> l’Ivindo entre <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou et les chutes <strong>de</strong> Kongou.<br />
d’après les travaux <strong>de</strong> Viano, 2005<br />
- 166 -
IV.2. Moyens <strong>de</strong> transport utilisés<br />
On distingue trois façons <strong>de</strong> rejoindre le lieu <strong>de</strong> chasse dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou : à<br />
pied, en pirogue et dans une moindre mesure en voiture.<br />
Le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cement pé<strong>de</strong>stre est le plus utilisé (75% <strong>de</strong>s cas). Rejoindre <strong>la</strong> zone<br />
<strong>de</strong> chasse à pied, ne nécessite aucun investissement supplémentaire à l’activité, si ce n’est<br />
l’aptitu<strong>de</strong> physique du chasseur, ce paramètre étant souvent mis <strong>de</strong> côté, dans le calcul <strong>de</strong><br />
l’effort <strong>de</strong> chasse réalisé. Le chasseur à pied s’enfonce dans <strong>la</strong> forêt en suivant <strong>de</strong>s sentiers<br />
connus. Dans sa progression, il a le souci permanent <strong>de</strong> s’éloigner le moins possible du vil<strong>la</strong>ge<br />
pour éviter <strong>de</strong> rendre difficile le transport du gibier. Ainsi, le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cement à pied<br />
limite les distances à parcourir et donc du territoire pouvant être couvert. Il limite également<br />
les prises et contraint le chasseur à sélectionner ses gibiers. Cependant, il n’est pas rare <strong>de</strong><br />
voir, dans certains cas, le chasseur revenir au vil<strong>la</strong>ge chercher <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> pour le transport d’une<br />
grosse prise.<br />
D’autres chasseurs, pour s’enfoncer le plus loin possible dans <strong>la</strong> forêt, utilisent un <strong>de</strong>s<br />
moyens <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cement assez répandu dans <strong>la</strong> province à savoir <strong>la</strong> pirogue (28% <strong>de</strong>s cas). En<br />
effet, le réseau hydrographique du bassin <strong>de</strong> l’Ivindo est si <strong>de</strong>nse que les cours d’eau<br />
constituent <strong>la</strong> secon<strong>de</strong> voie <strong>de</strong> communication après <strong>la</strong> route. Soulignons que, dans les années<br />
1920, les cours d’eau étaient d’ailleurs les seules voix <strong>de</strong> communications possibles dans <strong>la</strong><br />
région. On note <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> pirogues : les pirogues mues à <strong>la</strong> pagaie et les pirogues<br />
motorisées. La première catégorie <strong>de</strong> pirogue est <strong>la</strong> plus répandue et <strong>la</strong> plus utilisée pour les<br />
activités quotidiennes. Elles ont une taille qui varie <strong>de</strong> 3 m à 8 m <strong>de</strong> long et peuvent<br />
transporter entre 1 et 7 personnes adultes. La secon<strong>de</strong> catégorie <strong>de</strong> pirogue se distingue <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
première par le fait qu’elle est généralement plus gran<strong>de</strong> (entre 8 m et 15 m), et comporte à<br />
l’arrière un « p<strong>la</strong>teau » pour l’emp<strong>la</strong>cement du moteur. Elle est généralement utilisée pour <strong>de</strong>s<br />
dép<strong>la</strong>cements plus longs et peut transporter jusqu’à 15 personnes adultes. Toutes ces pirogues,<br />
<strong>de</strong> fabrication artisanale, sont monoxyles, c'est-à-dire faites à partir <strong>de</strong> grands arbres <strong>de</strong> forêt<br />
(ex : Okoumé, Padouck, Moabi, Douka, Parasolier, …) coupés, fendus en <strong>de</strong>ux, creusés au<br />
milieu puis profilés en forme <strong>de</strong> pirogue. Elles ont, selon <strong>la</strong> qualité du bois et selon l’entretien,<br />
une durée <strong>de</strong> vie comprise entre 5 et 15 ans. L’avantage <strong>de</strong> ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cement pour<br />
atteindre les zones <strong>de</strong> chasse est évi<strong>de</strong>nt (facilité d’accès et <strong>de</strong> transport <strong>de</strong> gibier) mais il<br />
nécessite un investissement onéreux : pour un moteur <strong>de</strong> type 15 CV, il faut, pour parcourir<br />
les 36 km d’Ipassa à Kongou, 60 litres d’essence et 1,5 litres d’huile <strong>de</strong> mé<strong>la</strong>nge. Ce qui<br />
- 167 -
evient à prévoir en plus du moteur et <strong>de</strong> <strong>la</strong> pirogue, environ 50 euros 49 <strong>de</strong> coût<br />
supplémentaire. Les chasseurs se voient donc contraints <strong>de</strong> maximiser le plus possible leurs<br />
prises, afin <strong>de</strong> rentabiliser ce dép<strong>la</strong>cement.<br />
La voiture constitue le troisième mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cement utilisé par les chasseurs pour<br />
accé<strong>de</strong>r aux zones <strong>de</strong> chasse (environs 10%). Il s’agit soit <strong>de</strong> véhicules à usage personnel,<br />
soient le plus souvent <strong>de</strong>s transports en commun. Dans le <strong>de</strong>uxième cas, les chasseurs utilisent<br />
les « taxis brousse », non seulement pour se rendre au lieu <strong>de</strong> chasse, mais également pour<br />
transporter le gibier. Tout comme <strong>la</strong> pirogue, ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cement présente le même type<br />
d’avantages et d’inconvénients. Le réseau routier est si peu <strong>de</strong>nse que ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
dép<strong>la</strong>cement se limite aux principaux axes autours <strong>de</strong> Makokou. Cependant, très récemment,<br />
avec l’arrivée <strong>de</strong>s exploitants forestiers, les chasseurs utilisant ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cement ont vu<br />
leur champ d’action s’étendre aux pistes forestières. Mais malheureusement pour eux, ces<br />
pistes se referment aussi vite qu’elles ont été ouvertes.<br />
Quelque soit les mo<strong>de</strong>s d’accès au lieu <strong>de</strong> chasse, cette activité en Ogooué-Ivindo se<br />
pratique en définitive à pied car seuls l’affût et/ou <strong>la</strong> traque à pied sont <strong>de</strong> mise dans cet<br />
environnement.<br />
Section V - Déroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au Potamochère à Makokou<br />
Dans ce sous-chapitre, nous traiterons uniquement <strong>de</strong>s spécificités <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au<br />
Potamochère dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou, sachant bien entendu que certaines techniques sont<br />
utilisables pour <strong>la</strong> capture d’autres gibiers.<br />
V.1. Le Potamochère à Makokou<br />
Le Potamochère est un animal bien connu <strong>de</strong>s Ogivins. Comme partout dans le reste<br />
du pays, il est souvent appelé par son nom en français d’Afrique, le « Sanglier ». Cependant à<br />
Makokou, les Kota le nomment Ngouéya, les Fang Ndjui et les Kwélé Guié. Considéré<br />
comme « bête féroce » par les uns et « ravageur <strong>de</strong> culture » par les autres, il n’en reste pas<br />
moins que le Potamochère met d’accord un grand nombre <strong>de</strong> personnes sur <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> sa<br />
vian<strong>de</strong> très appréciée <strong>de</strong>s consommateurs. Par contre, si le spectacle <strong>de</strong> nombreuses carcasses<br />
<strong>de</strong> Potamochères exposées ça et là sur les différentes p<strong>la</strong>ces <strong>de</strong> Makokou n’intéresse que les<br />
49 À titre <strong>de</strong> comparaison, le prix d’achat d’un Potamochère adulte à Makokou est en moyenne <strong>de</strong> 70 euros.<br />
- 168 -
passants qu’en tant que consommateurs, il faut se rapprocher <strong>de</strong>s principaux acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
filière (chasseurs et commerçants) pour mieux apprécier ce que représente cet animal pour<br />
eux.<br />
V.2. Spécificité <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi sur <strong>la</strong> chasse au Potamochère<br />
Le Potamochère est une espèce animale partiellement protégée au Gabon. Comme tous<br />
les autres animaux <strong>de</strong> sa catégorie, sa chasse, sa capture, sa détention, son commerce et sa<br />
circu<strong>la</strong>tion font l’objet d’une réglementation spéciale. Dans tous les cas selon <strong>la</strong> même loi<br />
gabonaise, ″il ne peut être abattu le même jour et par le même chasseur plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux (2)<br />
animaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> même espèce ni plus <strong>de</strong> quatre (4) animaux d’espèces différentes″. Les permis<br />
<strong>de</strong> chasse n’autorisent en principe que l’abattage <strong>de</strong>s mâles adultes <strong>de</strong>s espèces non protégées<br />
ou partiellement protégées. L’abattage d’une femelle gestante ou suitée est sanctionné<br />
conformément aux dispositions <strong>de</strong> l’article 275 <strong>de</strong> <strong>la</strong>dite loi. Les <strong>la</strong>titu<strong>de</strong>s annuelles<br />
d’abattage <strong>de</strong> Potamochère sont fixées comme suit : cf. Tableau 10 ci-<strong>de</strong>ssous.<br />
Tableau 10 : Latitu<strong>de</strong> annuelles d’abattage <strong>de</strong> Potamochère au Gabon.<br />
Espèce Nationaux et expatriés rési<strong>de</strong>nts Touristes non rési<strong>de</strong>nts<br />
Petite chasse Gran<strong>de</strong> chasse Petite chasse Gran<strong>de</strong> chasse<br />
Potamochère 5 5 4 1<br />
Extrait du tableau <strong>de</strong>s <strong>la</strong>titu<strong>de</strong>s annuelles d’abattage <strong>de</strong>s animaux partiellement protégés au Gabon (cf annexe)<br />
Selon le recensement <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> 1993 (le nouveau recensement <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion gabonaise n’étant pas disponible au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> rédaction <strong>de</strong> ce mémoire), <strong>la</strong><br />
commune <strong>de</strong> Makokou compte 4783 chasseurs potentiels (il s’agit du nombre total d’hommes<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> commune <strong>de</strong> Makokou). Par extrapo<strong>la</strong>tion, <strong>la</strong> loi gabonaise autoriserait donc le<br />
prélèvement <strong>de</strong> 23.915 (4783 x 5) Potamochères mâles adultes dans l’année pour <strong>la</strong> seule<br />
commune <strong>de</strong> Makokou et 119.090 Potamochères mâles adultes par an pour l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
province <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo. Même si les chasseurs représentaient 5% <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong><br />
Makokou, ce qui me semble être le strict minimum, nous aurions quand même un chiffre <strong>de</strong><br />
239 Potamochères mâles adulte abattus par an pour Makokou soit environ 17 tonnes <strong>de</strong><br />
vian<strong>de</strong> rien que pour ce gibier, ce qui est déjà re<strong>la</strong>tivement important.<br />
- 169 -
V.3. Les préparatifs avant <strong>la</strong> chasse au fusil<br />
La chasse au fusil est <strong>de</strong> loin <strong>la</strong> plus pratiquée à Makokou. En effet, 92% <strong>de</strong>s chasseurs<br />
interrogés déc<strong>la</strong>rent utiliser cette technique pour <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> jour (68%) et <strong>de</strong> nuit (32%) et,<br />
30% d’entre eux l’utilisent exclusivement. L’avantage du fusil pour <strong>la</strong> chasse au gros gibier<br />
n’est plus à démontrer et <strong>de</strong> nombreux chasseurs Ogivins ont même abandonné certaines<br />
pratiques traditionnelles <strong>de</strong> chasse notamment le piégeage, l’utilisation <strong>de</strong>s sarbacanes, <strong>de</strong>s<br />
arbalètes, <strong>de</strong>s sagaies et <strong>de</strong>s arcs. Pour <strong>de</strong>s gibiers considérés comme rusés, imprévisibles et<br />
dangereux comme le Potamochère, le fusil est une arme idéale. C’est également le<br />
compagnon <strong>de</strong> choix pour tout utilisateur <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt car il donne l’impression d’être en<br />
sécurité dans ce milieu d’apparence hostile.<br />
La phase qui précè<strong>de</strong> une partie <strong>de</strong> chasse est primordiale car d’elle dépendra les<br />
résultats. Tous les chasseurs Ogivins rencontrés sont unanimes là-<strong>de</strong>ssus. C’est pendant cette<br />
phase que sont fixés les objectifs <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, les lieux <strong>de</strong> chasse, le nombre <strong>de</strong> personnes<br />
<strong>de</strong>vant participer et tout le matériel nécessaire. Si, par exemple, l’objectif fixé est <strong>de</strong> ramener<br />
beaucoup <strong>de</strong> gibier pour une cérémonie particulière, il faudra s’organiser pour plusieurs jours<br />
<strong>de</strong> chasse. Ainsi, il faudra prévoir suffisamment <strong>de</strong> manioc et <strong>de</strong> condiments, faire un<br />
campement (si celui-ci n’existe pas) avec tout ce que ce<strong>la</strong> comporte, boucaner le gibier et<br />
organiser le transport. Les zones <strong>de</strong> chasse sont déterminées au préa<strong>la</strong>ble suivant <strong>de</strong>s critères<br />
d’abondance <strong>de</strong> gibier et d’accessibilité.<br />
Le choix <strong>de</strong>s armes et <strong>de</strong>s munitions est moins marqué dans <strong>la</strong> mesure où ne circule à<br />
Makokou que <strong>de</strong>ux types d’armes : le fusil calibre 12 et les carabines <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> chasse <strong>de</strong><br />
type 458. Le fait qu’il existe à Makokou une forte corré<strong>la</strong>tion entre ces carabines et <strong>la</strong> chasse<br />
à l’Éléphant, activité rigoureusement réglementée par <strong>la</strong> loi, limite leur utilisation. Le calibre<br />
12 est <strong>de</strong> loin l’arme <strong>la</strong> plus utilisée à Makokou. Les marques les plus rencontrées sont le<br />
Français Simplex (47%) et le Russe Baikal (32%). Certains fusils (près <strong>de</strong> 10%) ont été<br />
tellement reconstitués qu’il est difficile <strong>de</strong> déterminer <strong>la</strong> marque d’origine. La moyenne d’âge<br />
<strong>de</strong>s fusils est <strong>de</strong> 17 ans. Près <strong>de</strong> 60% <strong>de</strong>s chasseurs consultés affirment être propriétaires du<br />
fusil qu’ils utilisent. Ils l’on soit acheté neuf (30%), soit acheté en occasion (45%), soit encore<br />
hérité d’un parent (25%).<br />
Le choix <strong>de</strong>s cartouches pour le calibre 12 est également limité dans <strong>la</strong> mesure où il<br />
n’existe sur le marché que le double zéro (00) ; une cartouche <strong>de</strong> 00 coûte 600 FCFA sur le<br />
marché <strong>de</strong> Makokou. Il s’agit selon les chasseurs, d’une cartouche à <strong>la</strong>rge spectre qui a<br />
- 170 -
l’avantage <strong>de</strong> contenir plusieurs gros plombs, ce qui augmente les chances d’atteindre<br />
l’animal. Les autres types <strong>de</strong> cartouches les plus courantes sont <strong>la</strong> chevrotine 9 grains, le 4, le<br />
6 et le 8 ayant moins <strong>de</strong> succès dans <strong>la</strong> région. Une exception est faite pour <strong>la</strong> chevrotine à 9<br />
grains, cartouche utilisée pour chasser les plus gros gibiers. Mais cette <strong>de</strong>rnière coûte un peu<br />
plus cher (900 FCFA l’unité). La marque <strong>de</strong> cartouche congo<strong>la</strong>ise MACC (Photo 7), est <strong>la</strong><br />
plus rencontrée sur le marché <strong>de</strong> Makokou. C’est <strong>la</strong> moins chère et <strong>la</strong> proximité <strong>de</strong> <strong>la</strong> frontière<br />
du Congo facilite l’approvisionnement. D’autres marques <strong>de</strong> cartouches notamment les<br />
françaises VIRI et SAVANE (Photo 8) sont également présentes. Les cartouches pour <strong>la</strong><br />
chasse peuvent être achetées au marché au gibier ou tout simplement au marché chez<br />
n’importe quelle commerçante ayant pu se procurer un stock.<br />
La phase <strong>de</strong> préparation à <strong>la</strong> chasse, quoique spécifique à chaque chasseur, comporte<br />
tout <strong>de</strong> même <strong>de</strong>s règles communes à tous. Nous citerons ici quelques exemples et <strong>la</strong> liste est<br />
loin d’être exhaustive :<br />
- Il est interdit d’aller à <strong>la</strong> chasse si sa compagne est en menstrues, au risque <strong>de</strong> ne rencontrer<br />
aucun gibier ;<br />
- Le chasseur dont <strong>la</strong> compagne est enceinte doit prendre un « fétiche » spécial au risque <strong>de</strong> ne<br />
rencontrer aucun gibier. De plus l’Éléphant serait très sensible à <strong>la</strong> présence du chasseur dont<br />
<strong>la</strong> femme est enceinte, ce qui présente <strong>de</strong> nombreux risques ;<br />
- Il est déconseillé <strong>de</strong> copuler <strong>la</strong> veille d’une partie <strong>de</strong> chasse, au risque <strong>de</strong> ne rencontrer<br />
aucun gibier ;<br />
- Il est interdit d’aller en forêt le jeudi au risque <strong>de</strong> ne rien avoir et même <strong>de</strong> se perdre ;<br />
- Il est déconseillé d’emmener <strong>de</strong> l’argent et surtout <strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> monnaies en forêt lors<br />
d’une partie <strong>de</strong> chasse au risque <strong>de</strong> ne rencontrer aucun animal etc… ;<br />
Il est difficile d’obtenir une explication pour toutes ces restrictions préa<strong>la</strong>bles à <strong>la</strong><br />
chasse car les avis sont très divergents sur <strong>la</strong> question. Certains chasseurs ayant reçu ces<br />
recommandations au cours <strong>de</strong> leur initiation, les ont purement intégrées comme interdits et se<br />
gar<strong>de</strong>nt bien <strong>de</strong> les braver. Même si <strong>la</strong> partie <strong>de</strong> chasse est infructueuse, l’explication serait<br />
ailleurs. D’autres chasseurs ont d’une manière ou d’une autre bravé ces interdits, mais ont<br />
toujours fait <strong>de</strong> bonnes chasses. En fait, c’est généralement dans les situations <strong>de</strong> mauvaises<br />
chasse répétées que l’on prend conscience <strong>de</strong> ces restrictions. Le chasseur sera plus attentif et<br />
respectueux <strong>de</strong> ces règles lorsque par hasard il déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> les suivre et, par <strong>la</strong> suite, <strong>la</strong> chasse<br />
<strong>de</strong>vient fructueuse.<br />
- 171 -
Cartouches <strong>de</strong> <strong>la</strong> marque<br />
MACC vendues sur le<br />
marché <strong>de</strong> Makokou<br />
Photo A. Payne<br />
Photo 7 : La marque <strong>de</strong> cartouche congo<strong>la</strong>ise MACC est l’une <strong>de</strong>s plus vendues à Makokou.<br />
Photo J. Okouyi<br />
Photo 8: Á Makokou, les cartouches sont vendues sur le marché <strong>de</strong>s fruits et légumes<br />
Cartouches <strong>de</strong> <strong>la</strong> marque<br />
Savane vendues sur le<br />
marché <strong>de</strong> Makokou<br />
- 172 -
V.4. La Chasse du Potamochère au fusil dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou<br />
Ma né té editchi ba ngouéya y a kwa ézalé<br />
« Je vais en brousse avec mon fusil pour tuer le Potamochère »<br />
La chasse au Potamochère se distingue <strong>de</strong> celle <strong>de</strong>s autres gibiers, en particulier les<br />
céphalophes et les singes, par le fait :<br />
- d’une part, qu’il s’agit d’un animal qui reste indifférent aux différents leurres 50 <strong>de</strong>s chasseurs<br />
(voir paragraphe sur l’optimisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse) utilisés pour <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> jour,<br />
- d’autre part que c’est un gibier dont <strong>la</strong> rétine <strong>de</strong>s yeux ne réfléchit pas le faisceau lumineux<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> torche, technique utilisée pour <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> nuit (15% <strong>de</strong>s chasseurs questionnés<br />
pratiquent <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> nuit à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>mpe frontale).<br />
Le chasseur n’a d’autre choix que d’utiliser <strong>la</strong> technique qui consiste à pister l’animal<br />
en suivant ses traces, ce qui nécessite une parfaite lecture <strong>de</strong>s indices <strong>de</strong> passage <strong>de</strong>s animaux.<br />
C’est une technique utilisée par 57% <strong>de</strong>s chasseurs questionnés. Le Potamochère, tout comme<br />
le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage, est généralement difficile à observer particulièrement en forêt. Il<br />
utilise son sens très aiguisé, sa discrétion et parfois le camouf<strong>la</strong>ge pour se protéger <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
prédation et <strong>de</strong>s dérangements. Cependant, sa présence est détectée par les nombreux indices<br />
<strong>de</strong> passage que les chasseurs ont appris à déchiffrer au fil du temps et dont <strong>la</strong> connaissance est<br />
transmise <strong>de</strong> génération en génération.<br />
V.4.1. La traque du gibier<br />
Le chasseur, en entrant en forêt, suit dans un premier temps les boulevards 51<br />
d’Éléphants où il espère repérer les pistes 52 <strong>de</strong> Potamochères. En effet, ces animaux utilisent<br />
50 52% <strong>de</strong> chasseurs déc<strong>la</strong>rent utiliser ces leurres pour <strong>la</strong> capture <strong>de</strong>s Céphalophes et <strong>de</strong>s Singes. Cependant, il<br />
peut y avoir <strong>de</strong>s surprises lorsque le chasseur fait par exemple l’appel du Céphalophe en détresse car, l’Éléphant,<br />
le Gorille, le Chimpanzé, <strong>la</strong> Panthère et bien d’autres gibiers, peuvent y répondre.<br />
51 Le mot « boulevard », associé à Éléphants, désigne ces nombreux chemins comme le montre <strong>la</strong> Photo 9 ci-<br />
<strong>de</strong>ssous, caractéristiques du passage du pachy<strong>de</strong>rme, marqué au sol par un piétinement prononcé et que les autres<br />
animaux utilisent pour se dép<strong>la</strong>cer en forêt. La structure du boulevard est liée au substrat et aux écoulements <strong>de</strong>s<br />
eaux <strong>de</strong> pluies.<br />
52 Une « piste » elle, est le signe du passage d’un animal pouvant être suivi dans une certaine mesure, tel qu’une<br />
série d’empreintes. Pour les Potamochères, nous parlerons également <strong>de</strong> « coulée » (Photo 10) pour désigner les<br />
pistes fréquemment utilisées par ces <strong>de</strong>rniers (White et Edwards, 2001).<br />
- 173 -
fréquemment les boulevards d’Éléphants pour se dép<strong>la</strong>cer et surtout se rendre d’un arbre<br />
fruitier à un autre. Ces boulevards sont entrecoupés <strong>de</strong> nombreuses mares et bauges (Photo<br />
11) dans lesquelles se vautrent les Potamochères, afin <strong>de</strong> protéger leur peau contre les piqûres<br />
d’insectes et <strong>de</strong> se déparasiter. Les traces 53 observées sur ces sites sont souvent le point <strong>de</strong><br />
départ d’une longue et difficile traque. Ainsi, le chasseur va analyser les empreintes et suivra<br />
le gibier jusqu’à le rencontrer.<br />
La vue d’une empreinte fraîche <strong>de</strong> Potamochère, indique au chasseur <strong>la</strong> proximité du<br />
gibier « Ils viennent <strong>de</strong> passer il y quatre à cinq heures <strong>de</strong> temps » dit le chasseur. « Nous<br />
allons les rattraper après une ou <strong>de</strong>ux heures <strong>de</strong> marche » rétorque l’ai<strong>de</strong> chasseur.<br />
L’empreinte du Potamochère est assez particulière et ne peut être confondue avec celle<br />
du Buffle grossièrement semb<strong>la</strong>ble mais beaucoup plus gran<strong>de</strong>. Par ailleurs, elle est plus<br />
écartée que celle d’un Céphalophe moyen mais beaucoup plus trapue que celle du Sitatunga.<br />
Une empreinte fraîche se caractérise par :<br />
- l’absence <strong>de</strong> fines toiles d’araignées à peine visible dans le fond <strong>de</strong> l’empreinte ;<br />
- les éc<strong>la</strong>boussures encore humi<strong>de</strong>s sur le sol et/ou sur les feuilles.<br />
Les chasseurs associent à <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong>s empreintes, un certain nombre d’indices dont :<br />
- <strong>la</strong> salive <strong>de</strong>s animaux sur les restes <strong>de</strong> repas ;<br />
- l’o<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> l’animal encore perceptible quelque heure après leur passage ;<br />
- l’analyse <strong>de</strong>s crottes sur les sentiers ou au niveau <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong> repos ;<br />
- les marques sur les arbres et/ou arbustes ;<br />
- les marques au sol.<br />
L’état <strong>de</strong> ces indices dans <strong>la</strong> forêt, sera fonction du substrat et <strong>de</strong>s conditions<br />
météorologiques. Ainsi, selon que l’on soit en saison sèche ou en saison <strong>de</strong>s pluies, le<br />
chasseur ne dispose pas <strong>de</strong> <strong>la</strong> même aisance dans l’interprétation <strong>de</strong>s indices.<br />
V.4.2. L’influence <strong>de</strong>s saisons sur <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong>s traces<br />
Les interprétations liées à <strong>la</strong> lecture <strong>de</strong>s empreintes et autres indications du passage <strong>de</strong>s<br />
animaux, varient en fonction <strong>de</strong>s saisons. Si en saison <strong>de</strong>s pluies les traces animales<br />
53 Une « trace » désignera l’ensemble <strong>de</strong> débris <strong>de</strong> nourriture, <strong>de</strong> sites <strong>de</strong> repos ou <strong>de</strong> nidification (Photo 12) ou<br />
encore les fèces. Dans une certaine mesure, « trace » désignera également les marques territoriales tels que jets<br />
d’urine, o<strong>de</strong>ur sécrétées par <strong>de</strong>s g<strong>la</strong>n<strong>de</strong>s, fèces, marques sur les troncs d’arbres ou sur <strong>de</strong>s souches.<br />
- 174 -
disparaissent assez rapi<strong>de</strong>ment, elles ont néanmoins l’avantage d’être plus précises que celles<br />
observées en saison sèche qui sont plus difficiles à interpréter. Les chasseurs ont<br />
effectivement plus <strong>de</strong> succès pendant <strong>la</strong> saison <strong>de</strong>s pluies pendant <strong>la</strong>quelle ils affirment (à<br />
100%) repérer facilement les animaux. Ce succès est également lié à <strong>la</strong> forte disponibilité<br />
d’aliments dans <strong>la</strong> forêt en particulier <strong>de</strong>s fruits dont les pics <strong>de</strong> production correspon<strong>de</strong>nt à<br />
ces saisons humi<strong>de</strong>s. L’inconvénient <strong>de</strong> <strong>la</strong> saison <strong>de</strong>s pluies c’est qu’il faut systématiquement<br />
arrêter <strong>la</strong> marche en forêt dès qu’il pleut. Ce<strong>la</strong> présente <strong>de</strong> nombreux risques. Plusieurs<br />
chasseurs éviteront donc d’aller en forêt si le temps est trop pluvieux. En fait <strong>la</strong> chasse est<br />
propice après <strong>la</strong> pluie quand les animaux, comme par enchantement, sorte <strong>de</strong> leur cachette et<br />
sont moins pru<strong>de</strong>nts.<br />
Pendant <strong>la</strong> saison sèche, qui correspond au minimum <strong>de</strong> production fruitière en forêt<br />
(Hecketsweiler, 1992), les Potamochères préfèrent les bas-fonds et les bords <strong>de</strong>s rivières où ils<br />
peuvent, en fouil<strong>la</strong>nt dans <strong>la</strong> vase, trouver <strong>de</strong>s noix drainées, enfouies et conservées par les<br />
eaux. Les empreintes alors plus difficiles à interpréter sur <strong>la</strong> terre sèche, le sont moins sur les<br />
rives. Le chasseur va alors privilégier les investigations dans ces lieux. En cette saison, ce<br />
sont surtout les bauges seules jonchant les boulevards qui peuvent témoigner <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence<br />
<strong>de</strong>s Potamochères.<br />
V.4.3. L’approche <strong>de</strong>s animaux et <strong>la</strong> mise à mort<br />
Lorsqu’il vient au contact <strong>de</strong> <strong>la</strong> ban<strong>de</strong> le chasseur fait signe <strong>de</strong> l’attendre, lorsqu’il est<br />
accompagné d’ai<strong>de</strong>s. Ces <strong>de</strong>rniers se mettent systématiquement assis ou à p<strong>la</strong>t ventre ou<br />
encore se cachent silencieusement dans le creux <strong>de</strong>s arbres. Le chasseur disparaît alors en<br />
rampant dans le sous-bois, pour se rapprocher et quelquefois se retrouver en plein milieu <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ban<strong>de</strong>. De là, quelques minutes <strong>de</strong> tension après, plusieurs coups <strong>de</strong> feux retentissent. Les<br />
Potamochères surpris, sont connus pour ne fuir que lorsqu’ils sont certains du danger. Le<br />
chasseur en profite pour tirer sur plusieurs d’entre eux. C’est en général lorsqu’un individu <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> ban<strong>de</strong> repère le chasseur, qu’il se met à fuir, entraînant avec lui le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> troupe. Il n’est<br />
pas rare que <strong>de</strong>s chasseurs, tant qu’ils ne sont pas vus <strong>de</strong>s animaux, arrivent à bout d’une<br />
ban<strong>de</strong> entière <strong>de</strong> cette façon. Les animaux blessés qui s’enfuient, sont alors pistés et mis à<br />
mort soit par un coup machette, soit par un coup <strong>de</strong> fusil supplémentaire. Cette opération reste<br />
néanmoins très risquée car un animal blessé <strong>de</strong>vient très dangereux et le Potamochère détient<br />
auprès <strong>de</strong>s chasseurs une très mauvaise réputation « d’animal féroce ».<br />
- 175 -
Photo 9 : Boulevard d’Éléphant .<br />
50 cm<br />
Photo C. Doumenge<br />
Photo J. Okouyi<br />
Photo 10 : Coulée fraîche <strong>de</strong> Potamochères facilement repérable en forêt.<br />
1m<br />
- 176 -
Photo 11 : Bauge fraîchement fréquentée par les Potamochères.<br />
1 m<br />
Photo 12°: Site <strong>de</strong> nidification <strong>de</strong> Potamochère.<br />
5 m<br />
Photo J. Okouyi<br />
Photo J. Okouyi<br />
- 177 -
Certains chasseurs affirment être venus à bout <strong>de</strong> Potamochères adultes après plusieurs coups<br />
<strong>de</strong> feux (<strong>de</strong> 2 à 7 coups <strong>de</strong> feux selon les cas). D’autres chasseurs gar<strong>de</strong>nt encore en mémoire,<br />
<strong>de</strong>s charges <strong>de</strong> Potamochères blessés qui les a contraint à abattre l’animal du haut d’un arbre.<br />
V.5. Le transport du gibier en forêt<br />
Le Potamochère est un gibier <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille dont le poids peut atteindre 100 kg, ce<br />
qui rend le transport d’un animal entier très difficile. Ainsi, les animaux sont<br />
systématiquement éviscérés et/ou découpés en <strong>de</strong>ux pour faciliter le transport. Les viscères<br />
sont généralement consommés sur p<strong>la</strong>ce en forêt. Le transport du gibier se fait à dos<br />
d’homme, (Photo 13) soit à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> paniers et/ou <strong>de</strong> sacs, soit directement en transportant le<br />
gibier à <strong>la</strong> manière d'un sac à dos. Pour ce<strong>la</strong>, le chasseur fait <strong>de</strong>s entailles sous <strong>la</strong> peau <strong>de</strong><br />
l’animal et y fixe <strong>de</strong>s lianes en forme <strong>de</strong> bretelle. On distingue trois types <strong>de</strong> panier servant au<br />
transport du gibier :<br />
- Le panier en rotin Agouama (en Kota), le plus grand et souvent utilisés par les femmes pour<br />
transporter le manioc ou le bois. Il est vendu sur le marché <strong>de</strong> Makokou et orne toutes les<br />
cuisines <strong>de</strong> Makokou.<br />
- Le panier en liane forestière autre que le rotin ou Ikou<strong>la</strong>, plus multiforme et fabriqué en forêt<br />
pour <strong>la</strong> circonstance ;<br />
- Le sac Efouka qui représente tous les autres types d’embal<strong>la</strong>ge. Il peut s’agir <strong>de</strong> sac <strong>de</strong><br />
récupération (sac <strong>de</strong> riz, d’oignon…) ou tout simplement <strong>de</strong>s sacs c<strong>la</strong>ssiques <strong>de</strong> voyage.<br />
Pour <strong>de</strong>s animaux abattus en bordure <strong>de</strong> rivière par <strong>de</strong>s chasseurs en pirogue ou en<br />
bordure <strong>de</strong> route par <strong>de</strong>s chasseurs véhiculés, le transport est facilité et le gibier peut arriver<br />
au marché en entier. Ces cas <strong>de</strong> figure relèvent <strong>de</strong> <strong>la</strong> chance et restent peu fréquents.<br />
Le fait d’éviscérer l’animal a l’avantage non seulement <strong>de</strong> réduire son poids, mais<br />
également <strong>de</strong> limiter sa putréfaction. En effet, le Potamochère est très connu pour être un<br />
gibier qui se décompose très vite. Pour ce<strong>la</strong>, soit les chasseurs s’empressent <strong>de</strong> l’acheminer au<br />
plus vite vers le marché, soit ils adoptent l’un <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> conservation sur p<strong>la</strong>ce.<br />
V.6. Conservation du gibier en forêt<br />
Comme nous l’avons vu plus haut, <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère est connue pour se<br />
décomposer re<strong>la</strong>tivement vite. Après <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> l’animal, il suffit <strong>de</strong> quelques minutes<br />
seulement, pour voir le ventre <strong>de</strong> l’animal enfler, ce qui favorise <strong>la</strong> putréfaction. Le chasseur<br />
- 178 -
se presse alors <strong>de</strong> faire un trou dans <strong>la</strong> panse du cadavre pour faire sortir l’air et d’ouvrir<br />
l’animal pour le vi<strong>de</strong>r. Á partir <strong>de</strong> là, trois techniques <strong>de</strong> conservation du gibier en forêt<br />
s’offrent à lui:<br />
- La plus connue <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> conservation du gibier en forêt est le boucanage<br />
(Photo 14). Elle consiste à enfumer le gibier sous un feu doux ce qui permet, grâce à <strong>la</strong><br />
déshydratation et aux substances dégagées par <strong>la</strong> fumée, <strong>de</strong> conserver <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> plusieurs<br />
jours voir plusieurs semaines. Le seul inconvénient <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> cette technique à<br />
Makokou est que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> boucanée se vend très mal au marché et ne sera donc <strong>de</strong>stinée qu’à<br />
<strong>la</strong> consommation familiale ;<br />
- La <strong>de</strong>uxième technique <strong>de</strong> conservation du gibier est <strong>la</strong> mise à l’eau. Pour ce faire, le<br />
chasseur va plonger l’animal dans une eau courante le temps <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. Ce procédé permet<br />
<strong>de</strong> conserver le gibier pendant un à <strong>de</strong>ux jours ;<br />
- Le troisième procédé est <strong>la</strong> mise en terre. Le chasseur va creuser un trou d’environ un<br />
mètre <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur dans lequel il va recouvrir entièrement le gibier <strong>de</strong> feuilles mortes et <strong>de</strong><br />
feuilles <strong>de</strong> Marantacées. Ce procédé permet <strong>de</strong> conserver le gibier près <strong>de</strong> 3 jours après <strong>la</strong><br />
mise à mort.<br />
En général, dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou, les zones <strong>de</strong> chasse sont peu éloignées d’un<br />
vil<strong>la</strong>ge, d’une route ou d’une rivière, ce qui facilite le transport du gibier vers les points <strong>de</strong><br />
vente.<br />
- 179 -
Photo J. Okouyi<br />
Photo 13 : Utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> technique du sac à dos pour le transport du gibier en forêt après <strong>la</strong><br />
chasse.<br />
Photo 14 : Potamochère et Céphalophe bleu boucanés.<br />
Photo J. Okouyi<br />
- 180 -
V.7. Optimisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au Potamochère<br />
L’interprétation <strong>de</strong>s indices <strong>de</strong> passage <strong>de</strong>s animaux (technique utilisée par 57% <strong>de</strong>s<br />
chasseurs interrogés) n’est pas <strong>la</strong> seule arme que possè<strong>de</strong> le chasseur pour réussir sa quête.<br />
Dans ce sous-chapitre, nous examinons d’autres procédés disponibles utilisés par les<br />
chasseurs pour augmenter leurs chances d'abattre du gibier.<br />
V.7.1. La connaissance par chasseur <strong>de</strong> l’écologie et <strong>la</strong> biologie du gibier<br />
Le chasseur en fonction <strong>de</strong> sa parfaite connaissance du territoire <strong>de</strong> chasse va, au fur et<br />
à mesure, enregistrer les différentes zones <strong>de</strong> contact qu’il a auparavant eu avec les<br />
Potamochères. De plus, sa parfaite connaissance du régime alimentaire du gibier, l’amènera à<br />
i<strong>de</strong>ntifier au préa<strong>la</strong>ble les principaux sites potentiels <strong>de</strong> repas, susceptibles d’être fréquentés et<br />
<strong>de</strong> les sillonner pendant <strong>la</strong> chasse jusqu’à repérer le gibier. Il aura alors une représentation<br />
géographique <strong>de</strong>s dép<strong>la</strong>cements <strong>de</strong> <strong>la</strong> ban<strong>de</strong>, généralement basée sur l’existence <strong>de</strong> sites<br />
particuliers (site <strong>de</strong> repas, site <strong>de</strong> repos, souilles, rivières, forêts à sous-bois <strong>de</strong>nse et riche en<br />
Marantacées, …) que les Potamochères sillonnent à longueur <strong>de</strong> journée. Lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> traque du<br />
gibier, il va privilégier les investigations vers ces sites particuliers pour espérer au plus vite<br />
trouver <strong>la</strong> ban<strong>de</strong>. Ces <strong>de</strong>rniers sont généralement reliés entre eux par <strong>de</strong> nombreux sentiers<br />
créés par les Éléphants et dont les plus marqués par le piétinement témoignent <strong>de</strong><br />
l’importance <strong>de</strong> leur fréquentation. À l’approche d’un <strong>de</strong> ces sites, le chasseur est plus attentif.<br />
V.7.1.1. Le suivi du comportement alimentaire <strong>de</strong>s animaux<br />
Les enquêtes menées auprès <strong>de</strong>s chasseurs ont fait état d’au moins 38 espèces 54<br />
végétales consommées par les Potamochères en forêt, ce qui permettrait <strong>de</strong> qualifier cet<br />
animal d’omnivore à prédominance frugivore ou granivore. Parmi ces espèces i<strong>de</strong>ntifiées, on<br />
note le noisetier africain (Cou<strong>la</strong> edulis), arbre dont les Potamochères affectionnent<br />
particulièrement les fruits. Le chasseur est très tôt averti <strong>de</strong> leur présence par le bruit<br />
caractéristique <strong>de</strong> leurs mâchoires puissantes cassant <strong>la</strong> noix. C’est seulement durant <strong>la</strong><br />
pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> fructification <strong>de</strong> cet arbre (mi-janvier à mi-mai dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou), que<br />
les chasseurs <strong>de</strong> Potamochère ont plus <strong>de</strong> facilités à les repérer en forêt. C’est aussi <strong>la</strong> pério<strong>de</strong><br />
où les animaux sont le plus en chair (ou en graisse) mais se ven<strong>de</strong>nt malheureusement moins<br />
54 Voir liste <strong>de</strong> ces espèces végétales en annexe<br />
- 181 -
ien car ils sont abondants sur le marché. À côté du noisetier sauvage, les fruits mûrs du<br />
Moabi (Baillonel<strong>la</strong> toxisperma) tout comme ceux <strong>de</strong> l’Andok (Irvingia gabonensis) et bien<br />
d’autres dans ces forêts, très appréciés <strong>de</strong>s Potamochères, ont une o<strong>de</strong>ur particulière et assez<br />
forte, pouvant être perçue <strong>de</strong> loin par ces animaux. Il s’agit également d’une indication que le<br />
chasseur utilise et qui l’amène souvent à rencontrer d’autres gibiers comme les Céphalophes<br />
ou l’Eléphant.<br />
avons :<br />
Afin <strong>de</strong> vérifier les informations précé<strong>de</strong>ntes recueillies auprès <strong>de</strong>s chasseurs, nous<br />
- d’une part effectué une étu<strong>de</strong> du régime alimentaire <strong>de</strong>s Potamochères par <strong>la</strong> collecte<br />
et l’analyse <strong>de</strong>s contenus stomacaux <strong>de</strong> quelques animaux exposés à <strong>la</strong> vente sur le marché <strong>de</strong><br />
Makokou ;<br />
- d’autre part évalué, à l’ai<strong>de</strong> d’un inventaire botanique sur un transect <strong>de</strong> 5 kilomètres<br />
<strong>de</strong> long dans <strong>la</strong> forêt d’Ipassa fréquentée par les Potamochères, les disponibilités alimentaires<br />
potentielles.<br />
Dans le premier cas, l’analyse <strong>de</strong>s contenus stomacaux montre que le Potamochère,<br />
quoique étant une espèce animale a priori <strong>de</strong> régime alimentaire omnivore, a en forêt plutôt<br />
une préférence pour les produits végétaux. En effet, 78% <strong>de</strong>s contenus stomacaux sont<br />
composés <strong>de</strong> matières végétales et 7% <strong>de</strong> débris animaux, généralement <strong>de</strong>s vers <strong>de</strong> terre et<br />
<strong>de</strong>s insectes <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s Coléoptères. On retrouve également <strong>de</strong>s plumes d’oiseaux et une<br />
fois <strong>de</strong>s écailles <strong>de</strong> Pangolin géant. Les matières inertes (15%) sont essentiellement<br />
composées <strong>de</strong> petits cailloux, du sable et <strong>de</strong> terre et <strong>de</strong>s débris <strong>de</strong> matières p<strong>la</strong>stiques. Nous<br />
n’avons pas tenu compte <strong>de</strong>s matières liqui<strong>de</strong>s qui pouvaient représenter, dans certains cas,<br />
plus <strong>de</strong> 95% du poids du contenu stomacal et <strong>de</strong>s nombreux parasites caractéristiques du<br />
contenu stomacal <strong>de</strong> cet animal. Le Tableau 11 ci-<strong>de</strong>ssous présente les résultats <strong>de</strong> cette<br />
analyse.<br />
Tableau 11 : Composition <strong>de</strong>s différents contenus stomacaux analysés.<br />
Catégories Fruits Graines Feuilles Tiges Racines<br />
fréquence<br />
(%) 10 25 13 12 18<br />
Débris<br />
animaux<br />
Matières<br />
inertes<br />
Le Tableau 12 et <strong>la</strong> Figure 5 ci-<strong>de</strong>ssous présentent les pourcentages d’abondance <strong>de</strong>s<br />
56 espèces végétales retrouvées dans les 27 contenus stomacaux analysés. Ces espèces sont<br />
regroupées en 24 familles botaniques et les Marantacées avec 15% <strong>de</strong> l’abondance re<strong>la</strong>tive<br />
7<br />
15<br />
- 182 -
<strong>de</strong>s familles, sont les plus consommées par les Potamochères. Cette famille est pourtant<br />
composée d’espèces végétales peu nutritives pour un gibier qui affectionne particulièrement<br />
les graines oléagineuses. Ce chiffre peut s’expliquer en gran<strong>de</strong> partie par le fait que <strong>la</strong><br />
majorité <strong>de</strong>s contenus stomacaux ont été prélevés en saison sèche, pério<strong>de</strong> où <strong>la</strong> forêt est<br />
démunie en fruits. Le Potamochère, fréquentant plus souvent les bas-fonds humi<strong>de</strong>s en cette<br />
saison, généralement recouverts <strong>de</strong> Marantacées, se nourrira alors <strong>de</strong>s tiges, feuilles et racines<br />
<strong>de</strong>s représentants <strong>de</strong> cette famille. Cette hypothèse est renforcée par le fait que les<br />
Caesalpiniacées avec 12% <strong>de</strong>s abondances observées, viennent en secon<strong>de</strong> position <strong>de</strong>s<br />
espèces les plus retrouvées dans les contenus stomacaux. De fait, les arbres <strong>de</strong> cette famille,<br />
dont les fruits sont <strong>de</strong>s gousses déhiscentes, affectionnent les sols pauvres et sableux <strong>de</strong>s<br />
bords <strong>de</strong> rivières que fréquentent régulièrement les Potamochères.<br />
Tableau 12 : Répartition <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives <strong>de</strong>s familles et espèces observées (fruits,<br />
feuilles, tiges et racines confondues).<br />
Nombre Nombre <strong>de</strong> fois<br />
N° Famille<br />
d'espèces<br />
rencontrées Abondance re<strong>la</strong>tive (%)<br />
1 Amaryllidaceae 1 9 1,8<br />
2 Annonaceae 2 2 3,6<br />
3 Arecaceae 3 6 5,4<br />
4 Caesalpiniaceae 7 31 12<br />
5 Dilleniaceae 2 17 3,6<br />
6 Ebenaceae 1 1 1,8<br />
7 Euphorbiaceae 3 19 5,4<br />
8 Fabaceae 1 1 1,8<br />
9 Guttiferae 1 2 1,8<br />
10 Icacinaceae 1 1 1,8<br />
11 Irvingiaceae 2 4 3,6<br />
12 Loganiaceae 1 10 1,8<br />
14 Marantaceae 8 32 14,3<br />
13 Me<strong>la</strong>stomataceae 3 4 5,4<br />
15 Mimosaceae 4 15 7,1<br />
17 Moraceae 1 2 1,8<br />
16 Myrtaceae 1 1 1,8<br />
18 O<strong>la</strong>caceae 3 6 5,4<br />
19 Piperaceae 1 2 1,8<br />
20 Poaceae 3 9 5,4<br />
21 Rubiaceae 1 3 1,8<br />
22 Sapotaceae 3 7 5,4<br />
23 Vitaceae 1 5 1,8<br />
24 Zingiberaceae 2 10 3,6<br />
Total 56 / 100,0<br />
- 183 -
Dans <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s Euphorbiacées on retrouve le manioc (Manihot esculenta), ce<br />
tubercule tant apprécié <strong>de</strong>s Potamochères, qui n’hésitent pas à faire <strong>de</strong>s incursions dans les<br />
champs et à les ravager. Les chasseurs installent régulièrement <strong>de</strong>s pièges autour <strong>de</strong>s champs<br />
<strong>de</strong> manioc pour les capturer, ainsi que les Céphalophes et les gros Rongeurs.<br />
Sur les 38 espèces végétales potentiellement consommées par les Potamochères selon<br />
les chasseurs, notre analyse <strong>de</strong>s contenus stomacaux en a i<strong>de</strong>ntifié 9 espèces. Il s’agit <strong>de</strong><br />
Cou<strong>la</strong> edulis et Ongokea gore (O<strong>la</strong>caceae) ; Gambea <strong>la</strong>courtiana (Sapotaceae) ; Haumania<br />
liebrechtsiana et Megaphrynium macrostachyum (Marantaceae) ; Raphia sp. (Arecaceae) ;<br />
Pentaclethra eetvel<strong>de</strong>ana, (Mimosaceae) ; Uapaca heu<strong>de</strong>lotii (Euphorbiaceae) et Irvingia<br />
gabonensis (Irvingiaceae). Mais l’ensemble <strong>de</strong>s observations <strong>de</strong> terrain a montré que tous les<br />
fruits cités par les chasseurs ont été observés consommés par le Potamochère, montrant à<br />
suffisance une fois <strong>de</strong> plus <strong>la</strong> maîtrise parfaite qu’ont les chasseurs du comportement du gibier<br />
chassé. Ces <strong>de</strong>rniers en définitif préfèrent les drupes à pulpes molles ou fibreuses-juteuses,<br />
comme celles bleu noir <strong>de</strong> Dacryo<strong>de</strong>s buettneri, les drupes noirâtres <strong>de</strong> Santiria trimera, les<br />
drupes jaunes à pulpe fibreuse et sucrée d’Irvingia gabonensis, ainsi que sa graine<br />
oléagineuse, les arilles <strong>de</strong> Staudtia, les grosses drupes fibreuses et <strong>la</strong> graine <strong>de</strong> K<strong>la</strong>inedoxa<br />
gabonensis, les baies jaune <strong>de</strong> Uapaca heu<strong>de</strong>lotii et Uapaca guineensis, les fruits noir <strong>de</strong><br />
Canarium schweinfurthii, les fruits rouges et sucrés <strong>de</strong> P<strong>la</strong>giostyles african et les fruits à chair<br />
jaune soufre d’Ongokea gore, etc. (Wilks, 2000). Par ailleurs, contrairement à <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s<br />
mammifères frugivores, le Potamochère est un granivore ; <strong>de</strong> ce fait il est moins impliqué<br />
dans <strong>la</strong> dissémination <strong>de</strong>s graines, exceptées celles <strong>de</strong> Uapaca, si petites qu’elles semblent<br />
traverser intactes le processus <strong>de</strong> mastication et <strong>de</strong> digestion <strong>de</strong>s Potamochères (Christy,<br />
2003). En définitif, le Potamochère donne plutôt l’impression <strong>de</strong> consommer tout ce qu’il<br />
trouve sur son chemin.<br />
- 184 -
Figure 5 : Importance re<strong>la</strong>tive moyenne <strong>de</strong>s familles prépondérantes.<br />
Autres<br />
32%<br />
Marantaceae<br />
15%<br />
Zingiberaceae<br />
4%<br />
Caesalpiniaceae<br />
12%<br />
Arecaceae<br />
5%<br />
Euphorbiaceae<br />
5%<br />
Me<strong>la</strong>stomataceae<br />
5%<br />
Mimosaceae<br />
7%<br />
Sapotaceae<br />
5%<br />
O<strong>la</strong>caceae<br />
5%<br />
Poaceae<br />
5%<br />
En ce qui concerne les parties animales retrouvées dans les estomacs analysés et<br />
présentées dans le Tableau 13 ci-<strong>de</strong>ssous, le groupe <strong>de</strong>s insectes (54% <strong>de</strong>s observations)<br />
observés dans 21 <strong>de</strong>s 27 estomacs au total sont les plus consommés par les Potamochères. Ce<br />
groupe est suivi <strong>de</strong>s Vers <strong>de</strong> terre (Lombrics), <strong>de</strong>s Chenilles, <strong>de</strong>s Crabes, <strong>de</strong> plumes d’Oiseaux<br />
et d’écailles <strong>de</strong> Pangolin, ces <strong>de</strong>rniers éléments montrant à suffisance l’aspect charognard <strong>de</strong><br />
cet animal. En effet, le Potamochère ne dédaigne pas les carcasses d’autres animaux morts et<br />
parfois même, il chasse les Serpents et les petits Mammifères.<br />
- 185 -
Tableau 13 : Fréquence d’abondance <strong>de</strong>s parties animales retrouvées dans les estomacs <strong>de</strong><br />
Potamochères.<br />
N° Parties animales et inertes Nombre <strong>de</strong> fois observée Fréquence d’observation (%)<br />
1 Crabes* 4 8<br />
2 Ecaille <strong>de</strong> pangolin géant 1 2<br />
3 Grenouilles* 2 4<br />
4 Insectes*(Chenilles, coléoptères,<br />
fourmis, mouches, tiques…)<br />
26 54<br />
5 Lombrics 14 29<br />
6 Plumes d'oiseaux* 1 2<br />
Total 48 100%<br />
* = espèce nom déterminée<br />
La prédominance <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune <strong>de</strong>s milieux humi<strong>de</strong>s (Crabes, Grenouilles, Lombrics)<br />
dans les estomacs <strong>de</strong>s Potamochères, confirme leur fréquentation régulière <strong>de</strong> ces milieux. Il<br />
s’agit <strong>de</strong> compléments alimentaires disponibles aux endroits où les Potamochères aiment se<br />
rendre pour se vautrer dans <strong>la</strong> vase qu’ils retournent à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur groin, afin <strong>de</strong> se<br />
débarrasser <strong>de</strong>s parasites.<br />
Les éléments inertes retrouvés dans l’estomac <strong>de</strong>s Potamochères sont essentiellement<br />
du sable, <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre, <strong>de</strong>s cailloux (environ 70%) et <strong>de</strong>s matières p<strong>la</strong>stiques (30%).<br />
V.7.1.2. Cartographie <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong> repas potentiels.<br />
L’évaluation par l’inventaire botanique <strong>de</strong> <strong>la</strong> distribution d’abondance <strong>de</strong>s espèces<br />
fruitières potentiellement consommables par les Potamochères, nous a permis <strong>de</strong> mieux<br />
comprendre les motivations <strong>de</strong>s chasseurs à se diriger vers <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong> repas connus. Ainsi,<br />
sur les 5 km <strong>de</strong> transect échantillonnés 55 , nous avons recensé 3844 individus regroupés en 135<br />
espèces végétales et 35 familles botaniques (voir Tableau 14 ci-<strong>de</strong>ssous). Ainsi, <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s<br />
Caesalpiniaceae (26% <strong>de</strong> l’abondance re<strong>la</strong>tive totale) avec 20 espèces i<strong>de</strong>ntifiées et 1009<br />
individus, est dominante dans cette forêt. Elle est suivie <strong>de</strong>s Burseracées (12%) <strong>de</strong>s<br />
Papilionacées (11%) <strong>de</strong>s Euphorbiacées (11%), <strong>de</strong>s Annonacées (7%), <strong>de</strong>s O<strong>la</strong>cacées (4%),<br />
… La Figure 6 ci-<strong>de</strong>ssous montre l’importance <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives moyennes <strong>de</strong>s<br />
familles prépondérantes. Cependant, en faisant le rapport du nombre d’individus par famille<br />
(I) sur le nombre d’espèces par famille (E), on obtient <strong>la</strong> diversité re<strong>la</strong>tive moyenne qui p<strong>la</strong>ce<br />
55 Tous arbres d’un diamètre supérieur ou égal à 10 cm ont été recensés sur 5 m <strong>de</strong> part et d’autre du transect.<br />
- 186 -
<strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s Papilionacées en tête (429 individus repartis en 3 espèces) en termes <strong>de</strong><br />
diversité spécifique. Il aurait fallu à <strong>la</strong> famille Caesalpiniacées (1009 individus pour 20<br />
espèces) au moins 2860 individus (x = (20x429)/3) = 2860) et 858 individus aux Burseracées<br />
pour être aussi diversifiés que les Papilionacées.<br />
Tableau 14 : Synthèse <strong>de</strong>s données <strong>de</strong>s inventaires botaniques.<br />
Nombre<br />
d'espèce/famille<br />
Abondance<br />
re<strong>la</strong>tive<br />
moyenne<br />
Diversité<br />
re<strong>la</strong>tive<br />
moyenne<br />
(I/E)<br />
Nombre Famille<br />
Nombre<br />
d'espèce<br />
(E) d'individus/famille (I) (%)<br />
1 Anacardiaceae 6 49 1,3 8<br />
2 Annonaceae 7 262 6,8 37<br />
3 Apocynaceae 2 20 0,5 10<br />
4 Ba<strong>la</strong>nitaceae 1 3 0,1 3<br />
5 Bignoniaceae 1 3 0,1 3<br />
6 Burseraceae 6 468 12,2 78<br />
7 Caesalpiniaceae 20 1009 26,2 50<br />
8 Chrysoba<strong>la</strong>naceae 2 17 0,4 9<br />
9 Guttiferae 5 42 1,1 8<br />
10 Dipterocarpaceae 1 1 0,0 1<br />
11 Ebenaceae 5 43 1,1 9<br />
12 Euphorbiaceae 12 404 10,5 34<br />
13 F<strong>la</strong>courtiaceae 2 8 0,2 4<br />
14 Huaceae 1 38 1,0 38<br />
15 Irvingiaceae 3 67 1,7 22<br />
16 Lauraceae 1 40 1,0 40<br />
17 Lecythidaceae 2 61 1,6 31<br />
18 Loganiaceae 1 7 0,2 7<br />
19 Meliaceae 4 57 1,5 14<br />
20 Mimosaceae 8 101 2,6 13<br />
21 Moraceae 3 10 0,3 3<br />
22 Myristicaceae 4 98 2,5 25<br />
23 Myrtaceae 1 3 0,1 3<br />
24 O<strong>la</strong>caceae 6 170 4,4 28<br />
25 Pandaceae 2 89 2,3 45<br />
26 Papilionaceae 3 429 11,2 143<br />
27 Passifloraceae 2 5 0,1 3<br />
28 Rubiaceae 9 67 1,7 7<br />
29 Rutaceae 1 2 0,1 2<br />
30 Sapindaceae 4 52 1,4 13<br />
31 Sapotaceae 2 7 0,2 4<br />
32 Sterculiaceae 4 156 4,1 39<br />
33 Tiliaceae 2 21 0,5 11<br />
34 Ulmaceae 1 17 0,4 17<br />
35 Vio<strong>la</strong>ceae 1 18 0,5 18<br />
Total 135 3844 100,0<br />
- 187 -
Figure 6 : Importance <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives moyennes <strong>de</strong>s familles prépondérantes<br />
Autres<br />
19%<br />
Caesalpiniaceae<br />
26%<br />
Myristicaceae<br />
3%<br />
Burseraceae<br />
12%<br />
Mimosaceae<br />
3%<br />
Sterculiaceae<br />
4%<br />
Papilionaceae<br />
11%<br />
Figure 7 : Importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité re<strong>la</strong>tive moyenne <strong>de</strong>s 10 espèces<br />
Autres<br />
36%<br />
Papilionaceae<br />
18%<br />
Euphorbiaceae<br />
4%<br />
O<strong>la</strong>caceae<br />
4%<br />
Annonaceae<br />
7%<br />
Euphorbiaceae<br />
11%<br />
Annonaceae<br />
5%<br />
Huaceae<br />
5% Sterculiaceae<br />
5%<br />
Burseraceae<br />
10%<br />
Lauraceae<br />
5%<br />
Pandaceae<br />
6%<br />
Cesalpiniaceae<br />
6%<br />
- 188 -
La majorité <strong>de</strong>s fruits, feuilles, tiges, racines… <strong>de</strong>s espèces végétales appartenant aux<br />
différentes familles présentées dans le Tableau 14 ci-<strong>de</strong>ssus, sont consommées par les<br />
Potamochères ce qui suppose que leur production (qui peut s’étaler sur l’année) peut influer<br />
sur <strong>la</strong> fréquentation <strong>de</strong>s animaux dans <strong>la</strong> zone. Pour tester l’hypothèse <strong>de</strong> l’influence <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
distribution d’arbres fruitiers sur le comportement alimentaire <strong>de</strong>s Potamochères en termes <strong>de</strong><br />
présence ou absence potentielles sur un site donné, nous avons choisi au hasard 10 essences<br />
végétales dans le pool d’espèces qu’affectionnent particulièrement les Potamochères (1-Cou<strong>la</strong><br />
edulis (C) ; 2-K<strong>la</strong>inedoxa gabonensis (K) ; 3-Ongokea gore (O); 4-Gambea <strong>la</strong>courtiana (G) ;<br />
5-Pentaclethra eetvel<strong>de</strong>ana (P) ; 6-Uapaca heu<strong>de</strong>lotii (U) ; 7-Irvingia gabonensis (I) ; 8-<br />
Scorodophloeus zenkeri (S) ; 9- Trichoscypha acuminata (T) et 10-Dacryo<strong>de</strong>s buettneri (D)),<br />
et nous avons localisé leur distribution sur 500 m (soit une superficie <strong>de</strong> 0,5 ha) le long du<br />
transect inventorié. En tenant compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> phénologie <strong>de</strong> ces essences, nous projetons <strong>de</strong> voir<br />
dans quelle mesure ces 500 m <strong>de</strong> transects pourraient maintenir ou pas dans l’année une<br />
popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Potamochères, ce qui pourrait <strong>de</strong> fait, orienter les chasseurs vers <strong>de</strong>s zones<br />
sûres. La Figure 8 ci-<strong>de</strong>ssous est une esquisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> distribution <strong>de</strong> ces espèces le long du<br />
transect.<br />
Figure 8 : Esquisse <strong>de</strong> <strong>la</strong> distribution <strong>de</strong> ces espèces le long du transect<br />
Bauge<br />
Arbre mort<br />
Arbres fruitiers<br />
Boulevard d’éléphant<br />
Piste animale secondaire<br />
- 189 -
La distribution grossière <strong>de</strong> ces espèces végétales, potentiellement consommées par les<br />
Potamochères, nous donne une vague idée <strong>de</strong>s possibilités minimales, sur une superficie <strong>de</strong><br />
0,5 ha, qu’ont les animaux <strong>de</strong> disposer d’aliments et également les possibilités qu’ont les<br />
chasseurs, <strong>de</strong> repérer les sites <strong>de</strong> repas généralement fréquentés plusieurs fois par les<br />
Potamochères. Sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong> cette figure, et partant du fait que toutes les espèces sont en<br />
fructification, le Potamochère aurait sur 0,5 ha 51 possibilités <strong>de</strong> tomber sur les fruits ou les<br />
racines du Scorodophloeus zenkeri ; 19 possibilités sur les drupes du Dacryo<strong>de</strong>s buettneri ; 10<br />
possibilités sur les graines oléagineuses du Cou<strong>la</strong> edulis etc. Le chasseur, en repérant les<br />
indices <strong>de</strong> présences <strong>de</strong>s Potamochères (crottes, marques <strong>de</strong> fouilles, souilles, reliefs <strong>de</strong> repas,<br />
sites <strong>de</strong> repos ou <strong>de</strong> nidification, …) sous certains <strong>de</strong> ces arbres, pourra mieux apprécier le<br />
taux <strong>de</strong> fréquentation.<br />
V.7.2. L’utilisation <strong>de</strong>s leurres<br />
Le chasseur peut également utiliser d’autres stratégies (leurres, charmes <strong>de</strong> chasse)<br />
pour maximiser ses chances d’avoir du gibier. Le Potamochère reste <strong>la</strong> plupart du temps<br />
indifférent aux leurres du chasseur. Les plus connus pour <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> jour sont l’Iboupa<br />
(technique utilisée par 52% <strong>de</strong>s chasseurs questionnés) (Andzan chez les Fang) ou « l’appel »<br />
qui consiste à imiter le cri du Céphalophe en détresse (Iboupa y a ba mbizi ou "l’appel <strong>de</strong>s<br />
antilopes" mais qui fonctionne également avec tous les autres gibiers) et le cri <strong>de</strong> l’Aigle<br />
couronné, Mbé<strong>la</strong> (Iboupa y a ba tchéma ou "l’appel <strong>de</strong>s singes" mais, qui fonctionne<br />
également avec tous les autres gibiers). Certains chasseurs affirment utiliser cette ruse pour<br />
les Potamochères avec succès. Mais ils précisent tout <strong>de</strong> même l’utilisation <strong>de</strong> certains<br />
procédés traditionnels pour que l’appel soit efficace. Ainsi, dès son adolescence, le chasseur<br />
est initié à l’Iboupa. Cette initiation consiste à lui faire respirer <strong>de</strong>s mixtures à base <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt et à accompagner les chasseurs en forêt le plus souvent possible pour s’entraîner.<br />
Lorsqu’un chasseur initié entre en forêt, il cherchep dans un premier temps les traces fraîches<br />
(empreintes, crottes, reliefs <strong>de</strong> repas, …) du gibier qu’il est venu chasser. S’il voit une crotte<br />
fraîche, par exemple, il va en prendre une partie, l’écraser, <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>xer dans une feuille avec un<br />
peu <strong>de</strong> terre et ajouter une herbe séchée dont il connaît le secret ainsi qu'un peu <strong>de</strong> salive. La<br />
mixture prête, il va en inhaler une partie et accrocher le reste à <strong>la</strong> ceinture. Juste après, il<br />
pourra faire l’Iboupa <strong>de</strong> son choix avec succès. Le gibier (souvent le mâle adulte) alors leurré<br />
par l’appel du chasseur, se rapprochera et pourra être abattu à bout portant.<br />
- 190 -
C’est 25% <strong>de</strong>s chasseurs questionnés qui déc<strong>la</strong>rent utiliser <strong>de</strong>s fétiches pour optimiser<br />
<strong>la</strong> chasse. L’un <strong>de</strong>s plus connus est l’offran<strong>de</strong> aux ancêtres qui consiste à sacrifier un coq<br />
avant le départ pour <strong>la</strong> chasse. Le sang <strong>de</strong> l’animal est versé au sol en invoquant les esprits <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> forêt. La carcasse est, par <strong>la</strong> suite, soit consommée par les chasseurs, soit offerte au gardien<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> famille. Il s’agit d’un membre <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille, généralement très âgé, qui est garant <strong>de</strong>s<br />
traditions et <strong>de</strong>s savoirs <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille ou plus précisément du c<strong>la</strong>n. Il règle tous les conflits<br />
familiaux, dirige les cérémonies (décès, retrait <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil, naissance <strong>de</strong> jumeaux…) et soigne<br />
diverses ma<strong>la</strong>dies. Il connaît l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille re<strong>la</strong>tée à chaque départ pour <strong>la</strong> chasse à<br />
<strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> sa communauté qu'il a le <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> protéger contre toutes intrusions<br />
maléfiques.<br />
Lors <strong>de</strong> nos enquêtes, il nous a été rapporté par plusieurs personnes, l’existence d’une<br />
pratique spéciale <strong>de</strong> chasse qui permettrait d’abattre plusieurs gibiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> même espèce.<br />
Cette pratique fétichiste, serait utilisée par certains grands chasseurs spécialisés dans <strong>la</strong><br />
capture <strong>de</strong> tel ou tel animal. Elle consisterait tout simplement, dès l’abattage du premier gibier<br />
convoité, à copuler avec le cadavre <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier. De là, <strong>la</strong> rencontre avec d’autres gibiers,<br />
uniquement <strong>de</strong> <strong>la</strong> même espèce, sera facilitée et le chasseur pourra en abattre autant qu’il le<br />
souhaite. Pour <strong>la</strong> petite histoire, l’Athérure africain est le seul « gibier noble » au Gabon parce<br />
que le chasseur se gar<strong>de</strong>rait bien d’exercer ce fétiche sur cet animal. Ce serait l’une <strong>de</strong>s<br />
raisons évoquées par les consommateurs gabonais <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse permettant<br />
d'expliquer que l’Athérure soit l’espèce animale <strong>la</strong> plus appréciée dans ce pays.<br />
Pour <strong>la</strong> chasse au Potamochère, il existe un fétiche appelé étonga chez les Kota qui,<br />
enfouit dans le sol, va attirer le gibier à cet endroit. Le chasseur n’aura plus qu’à attendre à<br />
l’affût.<br />
À <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s chasseurs qui utilisent <strong>de</strong>s fétiches remercient les<br />
esprits <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt en leur offrant du gibier. Ils vont ainsi abandonner sur un arbre une carcasse<br />
et invoquer les esprits. Certains chasseurs égorgent un gibier et versent son sang par terre en<br />
invoquant les esprits.<br />
La nuit est moins propice à <strong>la</strong> chasse au Potamochère pourtant actif en cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> journée. Sa rétine, contrairement aux autres gibiers, ne réfléchit pas <strong>la</strong> lumière <strong>de</strong> <strong>la</strong> torche.<br />
La chasse à <strong>la</strong> <strong>la</strong>mpe frontale est très utilisée dans <strong>la</strong> région pour les gibiers autres que le<br />
Potamochère et son résultat est <strong>de</strong> loin supérieur aux leurres utilisés lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> jour.<br />
La chasse <strong>de</strong> nuit, plus facile, plus coûteuse mais plus rentable a, à Makokou, une connotation<br />
commerciale. Les Céphalophes et les Carnivores sont les premières cibles <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong><br />
- 191 -
chasse. Cependant, quelquefois, le chasseur <strong>de</strong> nuit peut tomber par hasard sur une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
Potamochères et réussir son coup. Mais malgré ce<strong>la</strong>, le Potamochère tout comme les Singes,<br />
reste un gibier préférentiellement chassé <strong>de</strong> jour.<br />
V.8. La capture <strong>de</strong>s marcassins<br />
La capture <strong>de</strong>s marcassins est une opération beaucoup plus périlleuse que <strong>la</strong> chasse au<br />
Potamochère en elle-même. En effet, il est impératif d’abattre tout d’abord <strong>la</strong> mère, connue<br />
pour défendre ses petits jusqu’au <strong>de</strong>rnier souffle. Les petits voyant leur mère au sol, vont dans<br />
un premier temps s’enfuir avec le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> ban<strong>de</strong>. Le chasseur en profite alors pour<br />
recouvrir entièrement le corps <strong>de</strong> <strong>la</strong> mère <strong>de</strong> feuilles <strong>de</strong> Marantacées. Puis il ira se cacher non<br />
loin <strong>de</strong> là et attendre, sachant que les petits reviendront systématiquement vers leur mère.<br />
Quelques temps après effectivement, ces <strong>de</strong>rniers vont rejoindre le cadavre <strong>de</strong> leur mère sous<br />
le feuil<strong>la</strong>ge. Le chasseur n’aura plus qu’à les capturer. À l’audition <strong>de</strong>s cris stri<strong>de</strong>nts <strong>de</strong>s<br />
marcassins pendant leur capture, il n’est pas rare <strong>de</strong> voir un <strong>de</strong>s adultes <strong>de</strong> <strong>la</strong> troupe (mâle ou<br />
femelle) revenir sur ses pas, ce qui est très dangereux pour le chasseur non averti qui peut se<br />
voir déchirer une jambe. Certains chasseurs utilisent cette technique pour abattre les gros<br />
mâles, plus rentables sur le marché. Les marcassins capturés sont soit consommés, soit gardés<br />
comme animal <strong>de</strong> compagnie. Malheureusement aucune expérience vil<strong>la</strong>geoise n’a abouti<br />
jusqu’alors. Les jeunes animaux meurent quelques semaines après leur capture.<br />
V.9. La chasse du Potamochère au collet<br />
Ma né té editchi ba ngouéya y <strong>la</strong>nga ka ba waya<br />
«Je vais à en brousse capturer les Potamochères avec mes pièges »<br />
Le piégeage, est probablement <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse <strong>la</strong> plus pratiquée dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
Makokou. Mais les chasseurs qui utilisent cette métho<strong>de</strong> font un complexe d’infériorité par<br />
rapport à ceux qui ont <strong>de</strong>s fusils, à tel point qu’ils se considèrent moins chasseurs que les<br />
autres. Ainsi, lors <strong>de</strong>s enquêtes dans les vil<strong>la</strong>ges, ne se déc<strong>la</strong>raient chasseurs que ceux qui<br />
pratiquent <strong>la</strong> chasse au fusil ou au moins les <strong>de</strong>ux. De plus, <strong>la</strong> chasse au collet à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
câbles d’acier, technique <strong>la</strong> plus utilisée pour <strong>la</strong> capture <strong>de</strong>s Potamochères est, <strong>de</strong>puis peu (4<br />
ans environ), interdite au Gabon (Article 216 du co<strong>de</strong> forestier gabonais). Cette disposition<br />
légale a rendu difficile <strong>la</strong> prise <strong>de</strong> données sur cette pratique. En dépit <strong>de</strong> ce fait, nous avons<br />
- 192 -
dans notre échantillon 8% <strong>de</strong>s chasseurs qui déc<strong>la</strong>rent n’utiliser que cette technique <strong>de</strong> chasse<br />
contre 54% qui pratiquent simultanément le piégeage et <strong>la</strong> chasse au fusil. Il s’agit donc <strong>de</strong><br />
techniques <strong>de</strong> chasse qui se complètent parfaitement. Parmi les chasseurs qui pratiquent le<br />
piégeage, 62% ont plus <strong>de</strong> quarante ans, ce qui tendrait à dire que cette technique est plus du<br />
domaine <strong>de</strong>s personnes âgées. Le piégeage est une activité masculine, mais il n’est pas rare <strong>de</strong><br />
voir <strong>de</strong>s femmes s’adonner à cette activité dans <strong>la</strong> région. Elles piègent essentiellement autour<br />
<strong>de</strong>s champs et visent le petit gibier.<br />
La chasse aux pièges est une activité ru<strong>de</strong> et moins évi<strong>de</strong>nte que <strong>la</strong> chasse au fusil qui<br />
requiert une connaissance très fine du milieu et du comportement <strong>de</strong> l’animal convoité. C’est<br />
une technique <strong>de</strong> chasse basée sur l’aptitu<strong>de</strong> du chasseur à prévoir le comportement <strong>de</strong><br />
l’animal. Ainsi, les phases <strong>de</strong> repérage <strong>de</strong>s pistes animales, du choix <strong>de</strong>s matériaux et<br />
d’instal<strong>la</strong>tion du piège représentent les 3/4 du temps nécessaire à cette activité. La branche <strong>de</strong><br />
fixation du piège (Photo 15) doit être soli<strong>de</strong>ment fixée au sol pour éviter que le gibier ne <strong>la</strong><br />
déterre. Les chasseurs possè<strong>de</strong>nt en général entre une et cinq lignes <strong>de</strong> pièges contenant en<br />
moyenne 25 pièges. La distance qui sépare <strong>de</strong>ux pièges est comprise entre 5 et 100 mètres.<br />
Les pièges sont visités en moyenne tous les <strong>de</strong>ux jours et <strong>de</strong>mi, selon <strong>la</strong> proximité <strong>de</strong>s lieux<br />
d’habitation mais, malgré ce<strong>la</strong>, certains gibiers sont retrouvés pourris. L’idée d’espacer les<br />
visites <strong>de</strong>s pièges <strong>de</strong> 3 jours en moyenne, <strong>de</strong> façon à <strong>la</strong>isser le moins d’o<strong>de</strong>ur humaine<br />
possible, ce qui effraierait les proies potentielles, est responsable <strong>de</strong> ce gâchis. Le taux <strong>de</strong><br />
réussite d’une ligne <strong>de</strong> pièges varie <strong>de</strong> zéro à 35% (Photo 16) et peut atteindre 100% dans les<br />
pério<strong>de</strong>s favorables et dans <strong>de</strong>s forêts giboyeuses. La durée <strong>de</strong> vie d’un piège est très variable<br />
et dépend fortement du taux <strong>de</strong> capture et <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité du bois utilisé.<br />
- 193 -
Câble en acier<br />
Photo 15 : Armement d’un piège à collet.<br />
Photo J. Okouyi<br />
Photo J. Okouyi<br />
Photo 16 : Exemple <strong>de</strong> piège à collet ayant capturé un gibier ; ici un Céphalophe bleu.<br />
Branche <strong>de</strong><br />
fixation du piège<br />
- 194 -
V.9.1. Les différents types <strong>de</strong> piège et leur fonctionnement<br />
Le piège peut être considéré comme une machine, écologiquement et surtout<br />
éthologiquement adaptée, qui ne fonctionne que grâce à l’intervention <strong>de</strong> l’animal, ne serait-<br />
ce que pour le déclenchement. On distingue à Makokou plusieurs sortes <strong>de</strong> pièges, dont les<br />
plus connus sont le collet à patte, le collet à cou, <strong>la</strong> fosse et le piège à glu (pour les Oiseaux).<br />
Le piège le plus utilisé pour <strong>la</strong> chasse au Potamochère est le collet à patte utilisant du<br />
câble en acier. Il s’agit <strong>de</strong> câbles, le plus souvent <strong>de</strong> même type que ceux observés sur les<br />
vélos, vendus couramment sur le marché par rouleau <strong>de</strong> 36 mètres à 9.000 FCFA soit environ<br />
14 euros. Il faut 1 à 2 mètres pour faire un piège ; ce matériau reste très abordable pour toutes<br />
les bourses. Cette technique est très répandue et est <strong>de</strong> loin <strong>la</strong> plus économique et <strong>la</strong> plus<br />
redoutable. Comme on l’entend souvent dire à Makokou, « c’est l’animal qui oublie le piège<br />
mais le piège lui, n’oublie jamais l’animal ». Le piège à collet à patte consiste à creuser un<br />
petit trou sur <strong>la</strong> piste du gibier convoité dans lequel sera installé et caché par <strong>de</strong> fins<br />
branchages et <strong>de</strong>s feuilles mortes le système <strong>de</strong> déclenchement. Autour du trou est installé le<br />
<strong>la</strong>sso en câble d’acier sur lequel sera fixé le déclencheur du piège et qui sera par ailleurs relié<br />
à un arbuste courbé qui se redressera une fois le piège déclenché. L’animal pris au piège sera<br />
alors suspendu, avec une <strong>de</strong> ses pattes nouées dans le <strong>la</strong>sso. Le choix du <strong>la</strong>sso et <strong>de</strong> l’arbuste<br />
est donc fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> taille du gibier convoité.<br />
Le collet à cou fonctionne sur le même principe que le collet à patte à <strong>la</strong> différence que<br />
le <strong>la</strong>sso est ici p<strong>la</strong>cé à <strong>la</strong> verticale. La tête <strong>de</strong> l’animal servira alors <strong>de</strong> déclencheur et le <strong>la</strong>sso<br />
se nouera au niveau du cou. Ce piège est souvent utilisé pour <strong>de</strong>s gibiers <strong>de</strong> taille mo<strong>de</strong>ste<br />
comme les gros Rongeurs, les petits Carnivores ou les Singes. Les Serpents ne sont pas à<br />
l’abri <strong>de</strong> ce piège. On peut observer ce type <strong>de</strong> piège aux alentours <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntations protégées<br />
par <strong>de</strong>s barrières et dont certains passages sont délibérément <strong>la</strong>issés ouverts pour les installer.<br />
Certains chasseurs habiles les installent sur <strong>de</strong>s arbres pour attraper les Singes et les petits<br />
Carnivores arboricoles (Nandinie, Chat doré...).<br />
Le piège à fosse, quoique moins utilisé <strong>de</strong> nos jours, a été pendant longtemps l’un <strong>de</strong>s<br />
pièges les plus utilisés pour <strong>la</strong> capture <strong>de</strong>s Potamochères. Le principe est simple : le chasseur<br />
creusait sur une piste <strong>de</strong> Potamochère, un trou d’environ <strong>de</strong>ux à trois mètres <strong>de</strong> <strong>la</strong>rgeur et <strong>de</strong><br />
profon<strong>de</strong>ur, dans lequel il fixait ou pas, <strong>de</strong>s pieux. Le trou était par <strong>la</strong> suite recouvert <strong>de</strong> fines<br />
branches et <strong>de</strong> feuilles mortes qui cédaient au passage <strong>de</strong>s animaux. Ce piège redoutable n’est<br />
pratiquement plus utilisé <strong>de</strong> nos jours pour plusieurs raisons parmi lesquelles, les risques<br />
d’acci<strong>de</strong>nt qu’il présentait aux autres usagers <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt non avertis.<br />
- 195 -
V.9.2. Déroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au piège<br />
Le chasseur va tout d’abord prospecter <strong>la</strong> zone <strong>de</strong> chasse et repérer toutes les pistes<br />
potentiellement fréquentées par les Potamochères. Une fois cette étape conclue, il <strong>de</strong>vra, au<br />
vu <strong>de</strong> sa connaissance du terrain, imaginer les dép<strong>la</strong>cements <strong>de</strong>s animaux sur ces pistes et<br />
choisir les endroits idéaux pour l’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s pièges. La ligne <strong>de</strong> pièges suivra alors une<br />
piste directe et non les ramifications souvent faites par <strong>de</strong>s animaux récalcitrants <strong>de</strong> <strong>la</strong> ban<strong>de</strong><br />
qui refusent <strong>de</strong> suivre <strong>la</strong> file indienne, système généralement adopté par les Potamochères lors<br />
<strong>de</strong> leur dép<strong>la</strong>cement. Les pièges une fois installés (au moins 3/4 d’heure sont nécessaires pour<br />
l’instal<strong>la</strong>tion d’un piège), le chasseur n’a plus qu’à rentrer chez lui et attendre.<br />
Le piégeage est souvent pratiqué autour <strong>de</strong>s cultures. Il permet ainsi non seulement <strong>de</strong><br />
les protéger contre d’éventuels animaux ravageurs, mais fournit également à l’agriculteur-<br />
chasseur un complément protéique pour son alimentation. Ce qui fait <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ntation et <strong>de</strong> ses<br />
alentours, <strong>la</strong> zone privilégiée d’un grand nombre <strong>de</strong> chasseurs utilisant cette technique.<br />
V.9.3. Les avantages et les limites <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au piège<br />
Nous l’avons déjà énoncé en partie dans les paragraphes précé<strong>de</strong>nts, <strong>la</strong> chasse au piège<br />
est <strong>de</strong> loin <strong>la</strong> plus économique, <strong>la</strong> plus rentable et <strong>la</strong> plus redoutable. C’est une technique à<br />
portée <strong>de</strong> tous et qui s’adresse à une gamme très <strong>la</strong>rge <strong>de</strong> gibiers. Elle peut procurer aux<br />
piégeurs habiles <strong>de</strong>s revenus conséquents. Cette technique nécessite un gros investissement <strong>de</strong><br />
base au départ pour <strong>de</strong>s résultats qui s’étaleront dans <strong>la</strong> durée. C’est une garantie pour le<br />
chasseur <strong>de</strong> toujours se procurer du gibier.<br />
Cependant, le piégeage présente <strong>de</strong> nombreuses limites parmi lesquelles le type et<br />
l’état du gibier au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> levée <strong>de</strong>s pièges. En fait, toute <strong>la</strong> problématique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
au piège est liée au fait qu’il n’est pas sélectif et les résultats peuvent être catastrophiques si le<br />
chasseur oublie <strong>de</strong> visiter ses pièges. De plus, le piégeage a le désavantage d’estropier les<br />
animaux qui, en se débattant peuvent échapper à <strong>la</strong> mort. C’est pour ces raisons, entres autres,<br />
que <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion gabonaise a interdit cette pratique au dépens <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois.<br />
La levée <strong>de</strong>s pièges est une étape délicate voire dangereuse. Plusieurs chasseurs ont été<br />
surpris et blessés mortellement par <strong>de</strong>s gibiers pris au piège. C’est pourquoi, le fusil est<br />
généralement utilisé pour <strong>la</strong> mise à mort <strong>de</strong>s gibiers dangereux.<br />
À Makokou, les gibiers capturés aux pièges ont parfois moins <strong>de</strong> succès auprès <strong>de</strong>s<br />
consommateurs que ceux chassés au fusil. La chasse au piège est souvent assimilée à<br />
- 196 -
l’utilisation <strong>de</strong> fétiches ce qui n'est pas le cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au fusil. En effet, plusieurs<br />
chasseurs solliciteraient <strong>de</strong>s nganga 56 pour attirer le gibier vers leur piège. Chez les Bakota<br />
par exemple, <strong>la</strong> capture d’une Tortue au piège est un mauvais présage pour le chasseur. Ce<br />
gibier représente <strong>la</strong> malédiction pour <strong>la</strong> chasse et le malheur pour <strong>la</strong> famille. Pour lever ce<br />
malheur, le chasseur doit obligatoirement consulter un nganga. C’est pourquoi les<br />
consommateurs avertis (les initiés en général) seront réticents à consommer un animal tué par<br />
le piégeage car les chasseurs utilisant cette technique <strong>de</strong> chasse à Makokou, sollicite très<br />
souvent les esprits <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt à travers les nganga pour attraper du gibier. Selon certains<br />
consommateurs, le gibier pris au piège serait moins bon en termes <strong>de</strong> goût, que celui chassé<br />
au fusil. Ce<strong>la</strong> peut tout simplement être lié au fait que ce gibier pris au piège est généralement<br />
en phase <strong>de</strong> décomposition avancé car il est difficile pour le chasseur <strong>de</strong> savoir exactement<br />
quand le piège s’est déclenché surtout si les phases <strong>de</strong> lever <strong>de</strong>s pièges sont distantes <strong>de</strong><br />
plusieurs jours.<br />
V.10. Variation saisonnière <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse à Makokou<br />
La chasse n’est pas une activité saisonnière à Makokou, même s’il y a <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s<br />
propices à cette activité. En dépit <strong>de</strong> <strong>la</strong> réglementation en vigueur au Gabon (pério<strong>de</strong><br />
d’ouverture et <strong>de</strong> fermeture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse), elle se pratique en tout temps et en toute saison.<br />
Cependant, on note <strong>de</strong>s tendances saisonnières beaucoup plus liées à <strong>la</strong> pratique d’autres<br />
activités comme l’agriculture, <strong>la</strong> pêche ou encore les cérémonies rituelles. Ainsi, les hommes<br />
occupés par exemple à débrousser les p<strong>la</strong>ntations entre juillet et septembre, s’adonneront<br />
moins à <strong>la</strong> chasse. Dans d’autres circonstances, cette même pério<strong>de</strong> correspondant au<br />
déroulement <strong>de</strong>s cérémonies <strong>de</strong> circoncision et <strong>de</strong> retrait <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil, <strong>la</strong> chasse sera intensément<br />
pratiquée mais le gibier sera moins visible sur le marché car <strong>de</strong>stiné directement à <strong>la</strong><br />
consommation pour ces circonstances. Nous verrons dans le chapitre qui suit, les tendances<br />
saisonnières <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence du gibier sur le marché <strong>de</strong> Makokou.<br />
Section VI - C<strong>la</strong>ssification <strong>de</strong>s gibiers d’après les chasseurs Ogivins<br />
Les chasseurs Kota, selon <strong>la</strong> perception qu’ils ont <strong>de</strong> leur proie, c<strong>la</strong>ssent les gibiers en<br />
trois « familles » distinctes : Les Botéinwou, les Botchingou et les Ekata<br />
56 Ce terme peu désigner selon le contexte un féticheur, un guérisseur ou encore un char<strong>la</strong>tan<br />
- 197 -
- La famille <strong>de</strong>s Botéinwou, « Sito a Botéinwou » regroupe tous les gibiers qui<br />
paraissent « étourdis » lorsqu’on les voit en forêt. Il s’agit par exemple du Céphalophe bai, du<br />
Chevrotain aquatique, du Sitatunga, <strong>de</strong> l’Athérure africain, et <strong>de</strong> bien d’autres espèces. La<br />
particu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong> ces animaux est liée au fait qu’ils sont quasi nocturnes et leur rencontre<br />
pendant <strong>la</strong> journée donne l’impression <strong>de</strong> proies faciles.<br />
- La famille <strong>de</strong>s Botchingou, « Sito a botchingou » regroupe les gibiers rusés dont <strong>la</strong><br />
chasse est difficile. Il s’agit d’animaux rapi<strong>de</strong>s, vifs, malins...dont <strong>la</strong> capture requiert<br />
beaucoup d’investissements. On retrouve dans cette famille, l’Eléphant, le Potamochère, le<br />
Gorille, le Chimpanzé, le Mandrill, tous les petits Singes, <strong>la</strong> Panthère, <strong>la</strong> Civette, les Genettes,<br />
le Chat doré, <strong>la</strong> Nandinie, les Mangoustes, les Céphalophes bleu, <strong>de</strong> Peters, à font noir, à dos<br />
jaune, à ventre b<strong>la</strong>nc, le Buffle, le Pangolin géant, l’Oryctérope, le Faux Gavial, et les<br />
Oiseaux.<br />
- La famille <strong>de</strong>s Ekata, « Sito a bokata » regroupe tous les gibiers plus lents, faciles à<br />
capturer mais non moins dangereux. Il s’agit d’animaux dont <strong>la</strong> capture peut se faire à <strong>la</strong><br />
main, avec une machette ou un simple bout <strong>de</strong> bois. On retrouve dans cette famille, le Python,<br />
les petits Pangolins, les <strong>de</strong>ux grosses Vipères, les Tortues, le Crocodile nain, le Poto, etc…<br />
Selon les chasseurs, certains animaux peuvent être c<strong>la</strong>ssés dans l’une ou l’autre <strong>de</strong> ces<br />
catégories. Ainsi, un chasseur spécialiste <strong>de</strong>s Crocodiles c<strong>la</strong>ssera ce gibier dans <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s<br />
Ekata dans <strong>la</strong> mesure où il les attrape assez facilement <strong>la</strong> nuit à <strong>la</strong> torche et à l’ai<strong>de</strong> d’un<br />
simple harpon. D’autres chasseurs moins courageux utiliseraient systématiquement le fusil<br />
pour venir à bout d’un Python qu’ils c<strong>la</strong>sseraient dans <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s Botchingou.<br />
Le Potamochère est un gibier qui vient en tête <strong>de</strong>s animaux appartenant à <strong>la</strong> famille<br />
<strong>de</strong>s Botchingou. Il semblerait qu’il ait acquis cette position au fil du temps. D'ailleurs, tous les<br />
chasseurs rencontrés affirment unanimement que ce gibier <strong>de</strong>vient <strong>de</strong> plus en plus rusé sur <strong>de</strong>s<br />
sites où il est « trop » chassé. À ce moment, seules les traces <strong>de</strong> passages ou les reliefs <strong>de</strong><br />
repas marquent sa présence sur le site. Ils <strong>de</strong>viennent plus silencieux et plus attentifs au<br />
moindre bruit qui les met directement en fuite vers les bas-fonds. Leurs sites <strong>de</strong> repos<br />
<strong>de</strong>viennent les plus éloignés possible <strong>de</strong>s « boulevards » d’Éléphants, couloirs généralement<br />
empruntés par les chasseurs sur lesquels ils repèrent les premières empreintes <strong>de</strong>s animaux<br />
dont ils se serviront pour <strong>la</strong> traque. Même le redoutable piège à collet semble être localisé<br />
alors que <strong>de</strong>s indications précises témoignent <strong>de</strong> l’abondance <strong>de</strong>s animaux. C’est le cas par<br />
exemple sur les rives <strong>de</strong> <strong>la</strong> rivière Oua, secteur <strong>de</strong> chasse surexploité dont seuls les chasseurs<br />
les plus habiles en tête <strong>de</strong>squels se trouvent les Pygmées, peuvent encore capturer <strong>de</strong>s<br />
Potamochères qui sont acheminés pour <strong>la</strong> vente sur le marché <strong>de</strong> Makokou.<br />
- 198 -
En marge <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>ssification précé<strong>de</strong>nte, les chasseurs Kota utilisent les expressions<br />
ci-<strong>de</strong>ssous pour désigner <strong>de</strong>s groupes d’animaux :<br />
- Batadji pour désigner l’ensemble <strong>de</strong>s Serpents ;<br />
- Boniodji qui regroupe l’ensemble <strong>de</strong>s Oiseaux ;<br />
- Ba sito ba matònò pour désigner l’ensemble <strong>de</strong>s animaux tachetés Carnivores ;<br />
- Ba tchéma pour désigner l’ensemble <strong>de</strong>s Singes y compris le Gorille et le<br />
Chimpanzé ;<br />
- Messili qui regroupe l’ensemble <strong>de</strong>s Antilopes<br />
- Bafè pour désigner l’ensemble <strong>de</strong>s Poissons.<br />
Ils utilisent également « Ba sito a messò » ou « Ba sito ba madjiba» et « Ba sito a<br />
myôngo » pour distinguer respectivement les animaux aquatiques (Crocodiles nain, Faux<br />
Gavial, Chevrotain aquatique, Guib d’eau ou Sitatunga, Loutres, Poissons…) <strong>de</strong>s animaux<br />
terrestres (Panthère, Céphalophes, Singes…). Il s’agit d’une c<strong>la</strong>ssification assez souple dans<br />
<strong>la</strong> mesure où par exemple l’Eléphant tout comme le Potamochère et bien d’autres espèces<br />
animales appartiennent aux <strong>de</strong>ux groupes du fait qu’ils apprécient les zones humi<strong>de</strong>s.<br />
On trouve également chez les chasseurs Bekwil, une c<strong>la</strong>ssification semb<strong>la</strong>ble. Les<br />
animaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s Botchingou correspon<strong>de</strong>nt chez les Bekwil à « Betitè kié » et les<br />
Ekata sont les « Betité Ngoua<strong>la</strong> ». Tout comme les Kota, les Bekwil considèrent que les<br />
Serpents, le Crocodile nain, le Faux Gavial, et les Tortues n’appartiennent pas au même<br />
groupe. Ils désignent l’ensemble <strong>de</strong>s Serpents par « Beniou » et le reste par « Betité di » qui<br />
signifie les animaux qui vivent dans l’eau. À côté <strong>de</strong> ce groupe, on trouve les « Betité ebos »<br />
qui désigne l’ensemble <strong>de</strong>s animaux vivant sur <strong>la</strong> terre ferme. Dans ce groupe on retrouve<br />
« Bèkièm» les Singes, et « Bèkir » les Antilopes.<br />
Section VII - Les autres animaux chassés<br />
Presque tous les animaux <strong>de</strong> taille raisonnable sont chassés à Makokou. Une gran<strong>de</strong><br />
majorité est <strong>de</strong>stinée à <strong>la</strong> consommation et le reste pour d’autres utilisations (voir chapitre<br />
VIII). Le Tableau 15 ci-<strong>de</strong>ssous présente les 44 espèces animales chassées dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
Makokou et <strong>la</strong> liste est loin d’être exhaustive. Parmi ces espèces, le Céphalophe bleu (75%<br />
<strong>de</strong>s cas cités), les autres Céphalophes et les Antilopes (78% <strong>de</strong>s cas cités), le Potamochère<br />
(67% <strong>de</strong>s cas cités), les Singes (43% <strong>de</strong>s cas cités) et l’Athérure (42% <strong>de</strong>s cas cités) sont les<br />
gibiers les plus chassés. Il s’agit <strong>de</strong> gibiers essentiellement <strong>de</strong>stinés à <strong>la</strong> consommation et à <strong>la</strong><br />
- 199 -
commercialisation ; 13% <strong>de</strong>s chasseurs déc<strong>la</strong>rent chasser toutes sortes <strong>de</strong> gibiers et 10% sont<br />
spécialisés soit dans <strong>la</strong> capture du Potamochère, soit dans celle du Céphalophe bleu, <strong>de</strong>s<br />
Singes ou encore d’Athérure. Ces gibiers sont en majorité chassés soit au fusil uniquement<br />
(30%), soit au piège uniquement (8%), soit encore au fusil et piège (53%), <strong>la</strong> chasse au filet et<br />
à <strong>la</strong> fosse étant <strong>de</strong> plus en plus rarement pratiquée.<br />
Les gibiers non chassés, d’après nos résultats, sont en majorité l’Eléphant (62%) le<br />
Gorille (33%), <strong>la</strong> Panthère (37%), le Chimpanzé (10%) et le Buffle (10%). Les raisons<br />
évoquées sont entres autres :<br />
- le manque d’arme adaptée (35%) et les risques liés à <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> ses animaux jugés<br />
trop dangereux (30%). Dans le cas <strong>de</strong> l’Eléphant et du Buffle par exemple, <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s<br />
chasseurs sont unanimes sur le fait que, s’ils possédaient <strong>de</strong>s armes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> type<br />
carabine 458, ils n’hésiteraient pas à les chasser ;<br />
- <strong>la</strong> non rentabilité <strong>de</strong> ces gibiers sur le marché <strong>de</strong> Makokou (15%). C’est le cas <strong>de</strong>s<br />
grands Singes et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Panthère dont <strong>la</strong> chair est peu appréciée <strong>de</strong>s consommateurs courants ;<br />
- l’idée que ces animaux sont responsables <strong>de</strong> <strong>la</strong> transmission <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>die (5%). C’est<br />
le cas par exemple <strong>de</strong> <strong>la</strong> transmission du virus Ébo<strong>la</strong> 57 -dont Makokou est une zone sensible-<br />
à l’homme par <strong>la</strong> manipu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s carcasses <strong>de</strong>s grands Singes atteints <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die ;<br />
- les interdits c<strong>la</strong>niques et totémiques (6%) ;<br />
- <strong>la</strong> peur <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi (3%).<br />
Quelque soit <strong>la</strong> métho<strong>de</strong> utilisée, <strong>la</strong> moyenne journalière <strong>de</strong> gibiers abattus par partie<br />
<strong>de</strong> chasse est <strong>de</strong> 5 animaux. Ce qui est non réglementaire puisque <strong>la</strong> loi interdit l’abattage le<br />
même jour et par le même chasseur, <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 2 animaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> même espèce, ni plus <strong>de</strong> 4<br />
animaux d’espèces différentes.<br />
57 Le Gabon a connu à ce jour trois épidémies d’Ébo<strong>la</strong> notamment en 1994 avec 49 cas déc<strong>la</strong>rés et 59% <strong>de</strong><br />
décès ; en 1996 avec 89 cas et 69% <strong>de</strong> décès et en 2002.<br />
- 200 -
Tableau 15 : Liste <strong>de</strong>s espèces animales chassées à Makokou<br />
Nom scientifique Nom en Français d'Afrique Nom Commun Nom en Kota Nom en Fang Nom en Kwelé<br />
ONGULES<br />
1 Cephalophus silvicultor Antilope noire Céphalophe à dos jaune Zibo Ndzib Ediam<br />
2 Cephalophus montico<strong>la</strong> Gazelle Céphalophe bleu Héli Okwung Kuié<br />
3 Cephalophus callipygus Antilope Céphalophe <strong>de</strong> Peters Mbizi Ndjiin Bir<br />
4 Cephalophus dorsalis Antilope dormante Céphalophe bai Eyibo Sou Ekine<br />
5 Cephalophus nigrifrons Antilope rouge Céphalophe à front noir Zombé Nzom Zouo<br />
6 Cephalophus leucogaster Antilope Céphalophe à ventre b<strong>la</strong>nc Muenga<strong>la</strong> Mié Mièn<br />
7 Hyemoschus aquaticus Chevrotain Chevrotain aquatique Iyonwou Vion Niakoloo<br />
8 Trage<strong>la</strong>phus spekei Antilope cheval Sitatunga ou Guib d'eau Bodiongo<br />
Mvul Bil<br />
9 Syncerus caffer nanus Buffle Buffle nain <strong>de</strong> forêt Niaté Nyare Zouom<br />
10 Potamochoerus p. albifrons Sanglier Potamochère Ngouéya Ndjui Guié<br />
11 Orycteropus afer Phacochère Oryctérope Ekoundassé Biam Biab<br />
12 Loxodonta africana cyclotis Eléphant Eléphant <strong>de</strong> forêt Zokou Nzoghe Zok<br />
PRIMATES<br />
13 Cercopithecus cephus Singe à queue rouge Moustac Mpéka Oussok Sok<br />
14 Cercopithecus nictitans Singe à nez b<strong>la</strong>nc Hocheur Zia Aveumeu Koye<br />
15 Cercopithecus pogonias Singe Guenon couronnée Pondé Isima Pir<br />
16 Cercopithecus neglectus Singe barbu Singe <strong>de</strong> Brazza Ponga ? ?<br />
17 Miopithecus ogouensis Ouistiti Ta<strong>la</strong>poin du nord Izembi Niatoungan Eziz<br />
18 Perodicticus poto ? Poto <strong>de</strong> Bosman Ikoumama Awun Dira<br />
19 Lophocebus albigena Singe mécanicien Mangabey à joues grises Calou Kak Koob<br />
20 Mandrillus sphinx Cynocéphale Mandrill Essetché Seuk Chaà<br />
21 Colobe guereza Singe b<strong>la</strong>nc Colobe guereza Issembou Sousouleu Zéguil<br />
22 Pan troglodytes Chimpanzé Chimpanzé Ekoutoundjia/Koua Waga Oua<br />
23 Goril<strong>la</strong> goril<strong>la</strong> Gorille Gorille Ndjia Ndji Guil<br />
PHOLIDOTES<br />
- 201 -
24 Smutsia gigantea Tatou Pangolin géant Pidjè Avil/Fuma Guime<br />
25 Uromanis tetradacty<strong>la</strong> Pangolin Pangolin à longue queue Kaka Kaa Zèl<br />
26 Phataginus tricuspis Pangolin Pangolin commun I<strong>la</strong>mouin Kaa Nguiémouss<br />
REPTILES<br />
27 Osteo<strong>la</strong>emus tetraspis Crocodile Crocodile nain Inkotchè Nkoum Mékokili<br />
28 Crocodylus cataphractus Caïman Faux gavial Ngandou Ngane Mban<br />
29 Bitis gabonica Vipère Vipère du Gabon Assoukamba Agbeu Woudka<br />
30 Bitis nasicornis Vipère Vipère Pé Agbeu Eguil<br />
31 Python sebae Boa Python Mbomo Voom Mbom<br />
32 Kinixys spp. Tortue Kinixys rongée/K.<strong>de</strong> Bell Kulu Nkul Kuil<br />
33 Varanus niloticus Iguane Varan Ngombé Nkag Gob<br />
RONGEURS<br />
34 Atherurus africanus Porc-épic Athérure/porc epic Ngomba Ngoum Gouo<br />
35 Thryonomys swin<strong>de</strong>rianus Hérisson Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> Etchingomba Mveup Ziégouo<br />
CARNIVORES<br />
36 Nandinia binotata Chat huant Nandinie Mbà<strong>la</strong> Mvè Doume<br />
37 Aonyx congica ? Loutre du Congo Ibangou Abang Nabouobwon<br />
38 Civettictis civetta Civette Civette d'Afrique Yoboo Nzu Gowou<br />
39 B<strong>de</strong>ogale nigripes Renard b<strong>la</strong>nc Mangouste à pattes noires Muendjèlè Mbarimbari Mé<br />
40 B<strong>de</strong>ogale sp. Renard Mangouste Ngania Mbarimbari Bok<br />
41 Panthera pardus Panthère Panthère Ngoye Nzé Goye<br />
OISEAUX<br />
42 Ceratogymna atrata Grand ca<strong>la</strong>o Grand Ca<strong>la</strong>o à casque noir Mouan Ongung Toutou<br />
43<br />
Haliaetus vocifer Vautour Aigle pêcheur<br />
Nioungou Ndzu Nayase<br />
44 Treron australis Pigeon voyageur Pigeon vert Mbéga Obung Aipépa<br />
- 202 -
Les chasseurs Kota sont formels sur l’existence <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux espèces <strong>de</strong> Chimpanzés<br />
distincts qu’ils nomment Ekoutoundjia et Koua. Le premier, comme son nom l’indique<br />
(Ekoutoundjia en Kota signifie le petit frère du Gorille), est un animal d’assez gran<strong>de</strong> taille<br />
qui arbore une toison argentée au dos, semb<strong>la</strong>ble à celle du mâle alpha chez les gorilles.<br />
Apprécié <strong>de</strong>s chasseurs, il est plus facilement repérable en forêt par les cris stri<strong>de</strong>nts qu’il<br />
émet pour communiquer avec d’autres individus. Le second est un animal <strong>de</strong> taille plus petite,<br />
très rusé, assez imprévisible et comme son nom l’indique, ressemb<strong>la</strong>nt à l’homme. Ce <strong>de</strong>rnier<br />
intéresse peu les chasseurs qui trouvent en lui un comportement très proche <strong>de</strong> l’homme. Les<br />
Fang et les Bekwil ne font pas cette distinction.<br />
Le nom Mbizi chez les Kota désigne non seulement le Céphalophe <strong>de</strong> Peters mais<br />
également le Céphalophe à patte b<strong>la</strong>nche (Cephalophus ogylbi) ou « Mbizi a makompu »,<br />
espèce pourtant non présente dans <strong>la</strong> région. Cependant selon certains chasseurs, mbizi a<br />
makompu vivrait en pleine forêt, en petite ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> 5 à 7 individus, ce qui est contraire au<br />
mœurs du Céphalophe d’Ogylbi beaucoup plus solitaire, comme <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s Céphalophes<br />
<strong>de</strong> sa taille. S’agirait-il d’une autre espèce <strong>de</strong> Céphalophe ou tout simplement d’une grossière<br />
confusion ? À Makokou, nous avons aussi collecté <strong>de</strong>s informations sur l’existence d’espèces<br />
rares comme l’Ezona qui désignerait pour certains, le Bongo (Trage<strong>la</strong>phus/Boocerus<br />
euryceros) : cette gran<strong>de</strong> antilope forestière est très prisée <strong>de</strong> certains chasseurs ; pour<br />
d’autres, c’est un animal à long coup communément appelé <strong>la</strong> Girafe, animal pourtant non<br />
présent au Gabon.<br />
Ce que les Bekwil <strong>de</strong> Makokou appèlent Chaà, pour désigner le singe Mandrill,<br />
représenterait plutôt en amont <strong>de</strong> l’Ivindo vers les vil<strong>la</strong>ges Mvadhy et Mazingo, le Drill<br />
(Mandrillus leucophaeus), une espèce cousine. De même que le singe mécanicien désigne le<br />
Colobe satan (Colobus satanas) du côté <strong>de</strong> Mékambo ou cette espèce est présente, à Makokou<br />
il s’agit du Cercocèbe à joues grises.<br />
Les Fang possè<strong>de</strong>nt un vocabu<strong>la</strong>ire spécifique pour <strong>la</strong> faune sauvage moins riche que<br />
les Kota et les Bekwil 58 . Ils désignent par exemple par Agbeu les <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s vipères Bitis<br />
nasicornis et Bitis gabonica, pourtant très différentes l’une <strong>de</strong> l’autre et par Kaa, les <strong>de</strong>ux<br />
petits pangolins Uromanis tetradacty<strong>la</strong> et Phataginus tricuspis. Cette confusion témoignerait<br />
probablement du peu d’intérêt qu’ils accor<strong>de</strong>nt à ces espèces animales. En effet, les Serpents<br />
excepté le Python, sont peu consommés par les Fang <strong>de</strong> Makokou.<br />
58 Nous utiliserons plus fréquemment le Kota pour désigner dans <strong>la</strong> suite du texte certaines espèces animales<br />
- 203 -
La signification <strong>de</strong>s noms d’animaux sauvages en <strong>la</strong>ngue vernacu<strong>la</strong>ire, témoigne <strong>de</strong><br />
l’intérêt que leur porte les communautés. À Makokou, les noms d’animaux ont une ou<br />
plusieurs significations, ou tout simplement une histoire. Ces noms du gibier en <strong>la</strong>ngue<br />
vernacu<strong>la</strong>ire (voir Tableau 16 ci-<strong>de</strong>ssous) représentent soit un caractère physique particulier<br />
<strong>de</strong> l’animal (exemple sa couleur, sa taille…), soit l’expression d’un <strong>de</strong> ses comportements les<br />
plus marqué (exemple son cri, ses mœurs…), soit encore l’expression du milieu dans lequel il<br />
vit, soit enfin l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’animal au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. Mais très souvent, le nom d’un<br />
animal est l’expression d’une attitu<strong>de</strong> humaine (ou vice versa). Ce qui montre à suffisance que<br />
le mon<strong>de</strong> animal et le mon<strong>de</strong> humain sont très liés ou ne font qu’un dans ces sociétés. Par<br />
exemple, quelqu’un qui dort trop <strong>la</strong> journée sera traité d’Eyibo comme le Céphalophe bai et<br />
un sourd se fera appelé Ngombé comme le Varan.<br />
Section VIII - Devenir <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
La gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s chasseurs (95%) déc<strong>la</strong>rent exercer cette activité pour<br />
l’autoconsommation. Cependant, à <strong>la</strong> question <strong>de</strong> savoir quelle part du gibier était <strong>de</strong>stinée à<br />
l’autoconsommation, il en ressort seulement une moyenne d’un gibier sur 3, le reste étant<br />
<strong>de</strong>stiné à <strong>la</strong> vente. Parallèlement, 93% <strong>de</strong>s chasseurs déc<strong>la</strong>rent vendre une partie <strong>de</strong>s produits<br />
<strong>de</strong> leur chasse. Le troc étant rare ou très déguisé dans <strong>la</strong> région, le chasseur n'a sans aucun<br />
doute que <strong>de</strong>ux objectifs lorsqu’il va en forêt. L’un est <strong>de</strong> ramener <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> pour<br />
l’alimentation familiale quotidienne et l’autre est <strong>de</strong> vendre une partie du gibier pour avoir <strong>de</strong><br />
l’argent, ce qui permettrait <strong>de</strong> couvrir ses besoins domestiques et autres. Mais rien n’est rigi<strong>de</strong><br />
dans cette façon <strong>de</strong> faire puisque <strong>la</strong> part <strong>de</strong> gibier allouée à l’une ou l’autre <strong>de</strong>s <strong>de</strong>stinations<br />
est très variable selon les cas ainsi qu’au long <strong>de</strong> l’année. Pourtant, il s’agit bien<br />
fondamentalement d’assurer sa subsistance même si l’activité revêt dans biens <strong>de</strong>s cas <strong>de</strong>s<br />
allures <strong>de</strong> commerce.<br />
VIII.1. Le gibier <strong>de</strong>stiné à l’autoconsommation<br />
Il peut s’agir <strong>de</strong> n’importe quel gibier, si tant est qu’il ne soit interdit <strong>de</strong> consommation<br />
par <strong>la</strong> famille et si sa chair est appréciée. On retrouve <strong>de</strong>s animaux entiers (généralement les<br />
petits gibiers comme les Rongeurs, les petits Singes et/ou les Céphalophes) ou encore <strong>de</strong>s<br />
parties animales. Les entrailles (bétchili en Kota) sont souvent appréciées par le chasseur.<br />
- 204 -
C’est une partie du gibier généralement consommée en forêt dès <strong>la</strong> sortie <strong>de</strong> chasse terminée.<br />
Ce<strong>la</strong> fait partie <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>isirs <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse que s’offre le chasseur avant le retour <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt.<br />
Tableau 16: Signification <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong>s animaux chassés à Makokou.<br />
Nom Nom Kota Signification<br />
Aigle pêcheur Nioungou Dji bé moi niongo, « qui est habile dans l’eau »<br />
Athérure/porc epic Ngomba Moi sito wa madji : se dit d’un animal très bon à manger »<br />
Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> Etchingomba « Qui ressemble à Ngomba mais moins bon à manger »<br />
Buffle nain <strong>de</strong> forêt Niaté Se dit d’un animal très fort ou très brave<br />
Céphalophe à dos jaune Zibo Moi sito nangananga, « animal noir »<br />
Céphalophe à front noir Zombé « Qui reste à côté <strong>de</strong> l’eau » ; Sito baïto te ka dja signifie<br />
« l’animal que les femmes ne doivent pas manger » sinon elles<br />
auront une durée <strong>de</strong>s menstrues trop longue (prolongation <strong>de</strong>s<br />
menstrues <strong>de</strong> 1 à 2 semaines)<br />
Céphalophe bai Eyibo « Qui dort trop <strong>la</strong> journée »<br />
Céphalophe bleu Héli Moi sito issik , « une petit antilope »<br />
Céphalophe <strong>de</strong> Peters Mbizi Eyombo a mbizi pour désigner l’o<strong>de</strong>ur du musc <strong>de</strong> cette antilope<br />
Chimpanzé Ekoutoundjia Le « petit du gorille », le moins fort, moins brutal que le gorille<br />
Chimpanzé Koua Singe au visage semb<strong>la</strong>ble à celui d’un homme<br />
Civette d'Afrique Yòbo Ibondjé ya Yòbo, du fait <strong>de</strong> son o<strong>de</strong>ur nauséabon<strong>de</strong><br />
Colobe guereza Issembou Du fait que sa queue est touffue et <strong>de</strong> couleur b<strong>la</strong>nche<br />
Crocodile nain Inkotchè O mé mbéya, « Qui vit dans les trous »<br />
Eléphant Zoku « Le plus gros, le chef »<br />
Faux Gavial Ngandou « Qui avale les gens »<br />
Gorille Ndjia « La force, le méchant, le danger, le brutal »<br />
Grand Ca<strong>la</strong>o à casque noir Mouan Du fait du casque qu’il porte sur sa tête et dont le cri est lié<br />
Guenon couronnée Pondé Du fait du cri qu’il émet et du fait qu’il raffole <strong>de</strong>s fruits du<br />
Parasolier<br />
Loutre du Congo Ibangou « Doigts courts »<br />
Mandrill Essetché Du fait du cri qu’il émet semb<strong>la</strong>ble à un fou rire<br />
Mangabey à joues gris Calou Du fait du cri qu’il émet<br />
Mangouste Ngania Se dit <strong>de</strong> cet animal très rusé dont <strong>la</strong> technique <strong>de</strong> pêche<br />
consiste à attraper les poissons en plongeant les mains dans les<br />
trous<br />
Mangouste à pattes noires Muendjèlè Du fait <strong>de</strong> sa couleur b<strong>la</strong>nche<br />
Nandinie Mbà<strong>la</strong> « Qui crie <strong>la</strong> nuit comme <strong>la</strong> panthère »<br />
Oryctérope Ekoundassé « Celui qui creuse le terre »<br />
Pangolin géant Pidjè Du fait <strong>de</strong> ses ongles très prononcés<br />
Panthère Ngoy Sito a pizo se dit d’un animal ou d’une personne puissante<br />
Pigeon vert Mbéga « Qui aime les voyages »<br />
Potamochère Ngouéya « Moi sito wa madji » : se dit d’un animal très bon à manger<br />
Poto <strong>de</strong> Bosman Ikoumama Ou Ekata : se dit d’un animal ou d’une personne qui est infirme,<br />
qui ne se dép<strong>la</strong>ce pas aussi vite que les autres<br />
Python Mbomo « Le plus gros <strong>de</strong>s serpents »<br />
Situtunga ou Guib d'eau Bodiongo « Animal haut sur pattes »<br />
Ta<strong>la</strong>poin du nord Izembi Moi ti bissiki,« le plus petit <strong>de</strong>s singes » = ouistiti<br />
Tortue Kulu Du fait <strong>de</strong> sa carapace<br />
Varan Ngombé « Malotchi » où « les oreilles bouchées » c'est-à-dire qui ne<br />
fuira que s’il te voit<br />
Vipère du Gabon Assoukamba « Serpent très engraissé ».<br />
- 205 -
De plus, le gibier éviscéré a l’avantage d’être plus léger au transport. Dans le cas du<br />
Potamochère par exemple, le <strong>la</strong>rd du ventre et l’estomac sont <strong>de</strong>s plus appréciés <strong>de</strong>s<br />
chasseurs. Une partie du gibier <strong>de</strong>stiné à l’autoconsommation est distribuée sous forme <strong>de</strong><br />
don : 92% <strong>de</strong>s chasseurs affirment procé<strong>de</strong>r ainsi avec <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille et/ou <strong>de</strong>s<br />
amis. Les raisons évoquées sont essentiellement sociales et altruistes. Des gibiers comme les<br />
petits Carnivores (Nandinie et Genettes) seront préférentiellement donnés aux oncles <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
famille.<br />
Le goût est à 80% le principal moteur du choix du gibier pour <strong>la</strong> consommation<br />
familiale, les autres critères étant <strong>la</strong> taille du gibier pour 10% <strong>de</strong>s cas et le fait qu’il soit moins<br />
rentable au commerce pour 10% <strong>de</strong>s cas. Zombé, Héli et Mbizi viennent en tête <strong>de</strong>s gibiers<br />
appréciés <strong>de</strong>s chasseurs pour leur goût. Zibo ne sera pas mangé, non pas parce qu’il a mauvais<br />
goût au contraire, mais parce que sa consommation est synonyme <strong>de</strong> malchance pour les<br />
chasses futures.<br />
Le dépeçage du gibier et son partage suivent <strong>de</strong>s règles bien connues <strong>de</strong> tous. Chaque<br />
partie animale est nommée (Tableau 17) et <strong>de</strong>stinée à qui <strong>de</strong> droit (Tableau 18). On constate<br />
ainsi que le fils <strong>de</strong> <strong>la</strong> sœur à une p<strong>la</strong>ce très importante dans ces sociétés qu’elle soit à tendance<br />
matrilinéaire ou patrilinéaire.<br />
Tableau 17 : Les différentes parties animales proposées lors du partage<br />
Partie animale Fang Kota Kwélé<br />
1 Tête (y compris cou) Lou Molo Lo<br />
2 Gigot avant Inam ya wo Enamo bo Mebès<br />
3 Gigot arrière Inam by obò Enamo ko Medo<br />
4 Poitrine Aboum Tow Bet<br />
5 Arrière train + queue Atab Ntaka Low<br />
6 Partie dorsale Nkong Inkanka Koun<br />
7 Ventre Amoun Hamoin Bet<br />
8 Viscères Bisòk miya Méant Ishi imon<br />
9 Estomac Inga/Avou ? Wiss<br />
10 Cœur Leum Léma/Sombé Lièm<br />
11 Poumon Ississa Epoupou Ipipil<br />
12 Foie Isòk Ehètchè Ichiék<br />
13 Intestin Miya Menya Midja<br />
- 206 -
Tableau 18: Chaque partie animale a un propriétaire <strong>de</strong> facto.<br />
Partie animale Fang Kota Kwélé<br />
1 Tête (y compris cou) Le fils <strong>de</strong> <strong>la</strong> sœur Le fils <strong>de</strong> <strong>la</strong> sœur Le fils <strong>de</strong> <strong>la</strong> sœur<br />
2 Gigot avant N’importe qui N’importe qui Famille, Vente<br />
3 Gigot arrière Belle mère du chasseur Famille Famille, Vente<br />
4 Poitrine Le père du chasseur Chasseur et les siens Chef <strong>de</strong> famille<br />
5 Arrière-train + queue Le père du chasseur Le fils <strong>de</strong> <strong>la</strong> sœur Mère, oncles, tantes<br />
6 Partie dorsale Le père du chasseur Famille Ai<strong>de</strong> chasseur<br />
7 Ventre Grands parents Chasseur N’importe qui<br />
8 Viscères Chasseur Chasseur N’importe qui<br />
9 Estomac Chasseur Chasseur Chasseur lui-même<br />
10 Cœur Chasseur Chasseur N’importe qui<br />
11 Poumon Chasseur Chasseur N’importe qui<br />
12 Foie Chasseur Chasseur N’importe qui<br />
13 Intestin Chasseur Chasseur N’importe qui<br />
Les Photos 17, 18, et 19 ci-<strong>de</strong>ssous montre les différentes parties gibier, nommées en<br />
Kota, Fang et Kwélé.<br />
Chez les Kwélé, personne d’autre que le chasseur ne doit consommer l’estomac du<br />
gibier qu’il a tué (en particulier wiss Guié soit l’estomac du Potamochère) au risque <strong>de</strong> voir<br />
les futures chasses du même gibier non fructueuses.<br />
La partie dorsale du gibier où Koun-tit comporte <strong>de</strong>ux sections particulière Niamiésa-<br />
tit et Nabawa-tit qui sont <strong>de</strong>s morceaux que l’on donne préférentiellement aux jeunes qui ont<br />
aidé à dépecer et/ou à transporter l’animal.<br />
VIII.2. Les gibiers vendus et leur <strong>de</strong>venir<br />
Comme nous l’avons énoncé plus haut, en moyenne 2 gibiers sur 3 sont vendus par<br />
93% <strong>de</strong>s chasseurs. Tous les gibiers chassés peuvent être vendus, mais <strong>la</strong> tendance serait<br />
d’exposer <strong>de</strong>s espèces prédominantes pour le commerce comme les Céphalophes, le<br />
Potamochère, le Pangolin géant, le Chevrotain aquatique (Photo 20), l’Athérure etc.. Les<br />
principaux clients sont les commerçants (es), les transporteurs, <strong>de</strong>s particuliers, les restaurants<br />
et autres. Pour écouler son produit, <strong>de</strong>ux possibilités s’offrent au chasseur :<br />
- 207 -
F : Inam by obò<br />
Kt : Enamo ko<br />
Kw : Medo<br />
F : Amoun<br />
Kt : Hamoin<br />
Kw : Bet<br />
Photo 17 : Différentes parties du gibier nommées en Kota, Fang et Kwélé (1).<br />
F : Lou<br />
Kt : Molo<br />
Kw :Lo<br />
F : Nkong<br />
Kt :Inkanka<br />
Kw : Koun<br />
F : Atab<br />
Kt : Ntaka<br />
Kw : Low<br />
Photo 18 : Différentes parties du gibier nommées en Kota, Fang et Kwélé (2).<br />
F : Lou<br />
Kt : Molo<br />
Kw :Lo<br />
F : Iinam ya wo<br />
Kt : Enamo bo<br />
Kw : Mebès<br />
Photo J. Okouyi<br />
Photo J. Okouyi<br />
- 208 -
F : Aboum<br />
Kt : To<br />
Kw : Bet<br />
Photo 19 : Différentes parties du gibier nommées en Kota, Fang et Kwélé (3).<br />
Photo 20 : Chevrotain aquatique exposé à <strong>la</strong> vente en bordure <strong>de</strong> route.<br />
F : Bisòk miya<br />
Kt : Méant<br />
Kw : Ishi imon<br />
Photo J. Okouyi<br />
Photo J. Okouyi<br />
- 209 -
Dans le premier cas, il ne peut se rendre à Makokou (cas <strong>de</strong>s chasseurs habitants <strong>de</strong>s<br />
vil<strong>la</strong>ges éloignés <strong>de</strong> Makokou). Le chasseur expose le gibier en bordure <strong>de</strong> route, accroché le<br />
plus souvent à une fourche. Les transporteurs communément appelés taxis brousse, sont alors<br />
les premiers clients. Ils ont souvent à bord <strong>de</strong> leur véhicule <strong>de</strong>s commerçantes qui font le<br />
dép<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ge en vil<strong>la</strong>ge pour acheter du gibier. Certaines d’entres elles, ou le<br />
chauffeur lui-même, sont abonnées aux chasseurs qu’elles fournissent en armes, munitions,<br />
torches, piles et autres matériel nécessaire à <strong>la</strong> chasse. Dans ce cas, le gibier abattu n’est plus<br />
exposé en bordure <strong>de</strong> route mais plutôt stocké dans <strong>la</strong> cuisine. Le client peut être tout<br />
simplement un usagé <strong>de</strong> <strong>la</strong> route qui peut (mais pas uniquement) être abonné à <strong>de</strong>s chasseurs.<br />
Dans ces conditions, le prix d’achat du gibier au chasseur est re<strong>la</strong>tivement moins cher et<br />
dépend <strong>de</strong> <strong>la</strong> distance par rapport à Makokou. Plus on s’éloigne <strong>de</strong> Makokou, plus le gibier<br />
coûtera moins cher car les frais <strong>de</strong> l’acheteur augmentent avec <strong>la</strong> distance.<br />
Dans le second cas, il peut lui-même se rendre à Makokou. À ce moment, le chasseur,<br />
à l’ai<strong>de</strong> d’un véhicule qu’il aura pris en course chez lui ou au lieu où il aura stocké le gibier,<br />
ramènera sa cargaison au marché <strong>de</strong> Makokou. La vue d’un taxi ou tout simplement d’un<br />
véhicule à l’approche du marché à gibier, déclenche systématiquement un assaut <strong>de</strong>s<br />
commerçantes qui espèrent acquérir du gibier. Le principe est, dans <strong>la</strong> bouscu<strong>la</strong><strong>de</strong>, <strong>de</strong> prendre<br />
possession du gibier avant même <strong>de</strong> négocier le prix avec le chasseur. Il n’est pas rare <strong>de</strong> voir<br />
cette quête du gibier dégénérer en dispute ou en bagarre. Le prix du gibier dans ce cas est<br />
re<strong>la</strong>tivement plus cher car il prend en compte le transport. Le chasseur dans certains cas va<br />
proposer ses produits directement aux restaurants <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce ou au seul hôtel existant à<br />
Makokou qui propose <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans sa carte. Les prix <strong>de</strong> vente sont encore<br />
plus élevés.<br />
Il existe une situation intermédiaire aux <strong>de</strong>ux précé<strong>de</strong>ntes. Ainsi, on note à Makokou<br />
<strong>de</strong>ux principaux points <strong>de</strong> ravitaillement en vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Il s’agit <strong>de</strong>s débarcadères <strong>de</strong><br />
Zoatab en amont et <strong>de</strong> Loaloa en aval <strong>de</strong> Makokou. Le premier est le point <strong>de</strong> chute <strong>de</strong> tous<br />
les chasseurs venant <strong>de</strong> l’amont <strong>de</strong> l’Ivindo et le second, <strong>de</strong>s chasseurs qui exercent entre<br />
Makokou et Kongou-Mingouli en aval. Les commerçantes assiègent ses débarcadères dès<br />
qu’elles ont une information sur le retour d’un chasseur ou d’une équipe <strong>de</strong> chasseurs.<br />
Certaines y passent près <strong>de</strong> 12 heures d’attente au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong> journée. À l’approche d’une<br />
pirogue, se produit le même déferlement qu’au marché.<br />
- 210 -
Tableau 19 : Les prix moyens fixés par le chasseur, <strong>de</strong> quelques gibiers les plus vendus<br />
(FCFA)<br />
Gazelle Antilopes Porc-<br />
épic<br />
Sanglier Petits<br />
singes<br />
Chevrotain Petit<br />
Pangolin<br />
Pangolin<br />
géant<br />
Entier 2900 10200 3100 37200 3000 6500 2000 35100<br />
Certains gros gibiers comme le Potamochère ou le Buffle sont vendus par morceaux.<br />
Ainsi, un gigot <strong>de</strong> Potamochère sera vendu 7000 FCFA (environ 11 euros) alors que celui du<br />
buffle vaudra 20000 FCFA (environ 30 euros). Les prix du chasseur sont très variables et<br />
fixés selon <strong>la</strong> valeur culturelle attribué à l’espèce animale, selon l’état du gibier et dans une<br />
moindre mesure, selon le client.<br />
Section IX - Les chasseurs et leur connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi sur <strong>la</strong> chasse<br />
Soixante pour cent <strong>de</strong>s chasseurs déc<strong>la</strong>rent connaître <strong>la</strong> loi sur <strong>la</strong> chasse. Mais<br />
lorsqu’on leur <strong>de</strong>man<strong>de</strong> quels éléments <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi ils connaissent, on constate assez vite que les<br />
choses sont très vagues. Ainsi, 37% d’entres eux sont au courant <strong>de</strong> l’existence d’une pério<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> fermeture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, et même dans ce cas, ils ont du mal à <strong>la</strong> situer dans l’année.<br />
Presque tous savent qu’il existe <strong>de</strong>s espèces protégées dont selon eux, <strong>la</strong> chasse serait<br />
interdite. Le Chevrotain aquatique (77% <strong>de</strong>s cas cités), l’Eléphant (67%) le Gorille (60%) le<br />
Pangolin géant (55%) le Chimpanzé (32%) et <strong>la</strong> Panthère (23%) sont les animaux les plus<br />
connus comme protégés par <strong>la</strong> loi. Il s’agit en fait, excepté l’Eléphant (espèce partiellement<br />
protégée), d’animaux intégralement protégés au Gabon. Certaines <strong>de</strong> ces espèces sont<br />
traditionnellement interdites <strong>de</strong> chasse (Panthère par exemple) et d’autres sont considérées<br />
comme trop « féroces » pour être chassées. Ces animaux, excepté l’Eléphant, ne seraient<br />
abattus que dans <strong>de</strong>s circonstances exceptionnelles. Le problème du braconnage se pose donc<br />
surtout pour <strong>de</strong>s espèces d’intérêt commercial comme le Chevrotain aquatique, le Pangolin<br />
géant, et le Potamochère dont <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> est très élevée.<br />
Par ailleurs, 82% <strong>de</strong>s chasseurs sont d’accord sur le fait que le gibier se fait <strong>de</strong> plus en<br />
plus rare. Le Potamochère (53% <strong>de</strong>s cas cités), le Pangolin géant (53%), et les Antilopes<br />
(45%) sont déc<strong>la</strong>rés <strong>de</strong>venir rares. L’Eléphant par contre serait <strong>de</strong> plus en plus abondant du<br />
fait <strong>de</strong> l’interdiction <strong>de</strong> sa capture, ce qui aurait <strong>de</strong>s conséquences néfastes pour les cultures.<br />
- 211 -
Section X - Impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sur l’économie domestique<br />
La chasse est <strong>la</strong> principale activité génératrice <strong>de</strong> revenus directs dans les vil<strong>la</strong>ges. Elle<br />
procure à près <strong>de</strong> 40% <strong>de</strong>s chasseurs interrogés, l’essentiel <strong>de</strong>s revenus. Pour 13% <strong>de</strong>s<br />
chasseurs, il s’agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> principale source <strong>de</strong> <strong>de</strong>vise. Les revenus nettes mensuels par chasseur<br />
(qui ne tiennent pas compte <strong>de</strong>s investissements) issus <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse varient entre<br />
50.000 FCFA et 200.000 FCFA voir plus. L’argent issu du commerce du gibier a un <strong>la</strong>rge<br />
spectre d’utilisation al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> l’achat <strong>de</strong> produits domestiques <strong>de</strong> base à <strong>la</strong> construction d’une<br />
maison, en passant par <strong>la</strong> sco<strong>la</strong>risation <strong>de</strong>s enfants. Cependant, l’achat d’alcool et <strong>de</strong> tabac<br />
(60% <strong>de</strong>s chasseurs) occupe une p<strong>la</strong>ce importante dans les dépenses <strong>de</strong>s chasseurs. Ceux qui<br />
déc<strong>la</strong>rent consommés <strong>de</strong> l’alcool en sortant <strong>de</strong> forêt, estiment que ce geste est leur principale<br />
récompense. Les chasseurs qui ne prennent pas d’alcool, ni ne fument (15%) sont<br />
généralement <strong>de</strong>s initiés.<br />
Aucun <strong>de</strong>s chasseurs interrogés n’a mentionné <strong>la</strong> dépense énergétique liée à l’effort<br />
physique et les risques qu’ils encourent, dans <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. Il s’agit <strong>de</strong> paramètres<br />
théoriques qui ne comptent pas dans le calcul <strong>de</strong>s gains. En effet si l’on tient compte <strong>de</strong><br />
l’effort physique, ce paramètre, quoique difficile à évaluer serait, couplé au temps mis pour <strong>la</strong><br />
chasse, probablement supérieur (en termes <strong>de</strong> dépense énergétique) aux gains même <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse. Mais ce raisonnement n’est plus va<strong>la</strong>ble si on prend en compte <strong>la</strong> jouissance culturelle<br />
liée à cette activité. Le seul investissement qui compte, aux yeux <strong>de</strong>s chasseurs, est <strong>la</strong> dépense<br />
effectuée pour l’achat <strong>de</strong> munitions, <strong>de</strong> torches, <strong>de</strong> piles, <strong>de</strong> câbles, pour le transport et…<br />
toutes dépenses en fait qui nécessitent une sortie d’argent. En parallèle, l’enquête <strong>de</strong> chasse<br />
menée n’a pu mettre en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>s paramètres comme le bien-être ou le p<strong>la</strong>isir d’aller en<br />
forêt quelqu’en soit l’issue. De facto, plusieurs chasseurs à Makokou, trouvent toujours le<br />
moyen et l’excuse pour se rendre en forêt. Certains y passent même plus <strong>de</strong> temps qu’au<br />
vil<strong>la</strong>ge. Aller en forêt et y passer <strong>de</strong>s heures voire <strong>de</strong>s jours est « tout à fait normal » pour eux.<br />
La forêt est pour eux un grenier, une pharmacie, un lieu <strong>de</strong> récréation, <strong>de</strong> distraction, <strong>de</strong><br />
méditation et d’apprentissage. Dans ce contexte, <strong>la</strong> chasse n’est qu’une activité comme une<br />
autre, indispensable à <strong>la</strong> survie et même tout simplement à <strong>la</strong> vie. La rentabilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
serait donc financière mais cette activité doit être aussi considérée en termes <strong>de</strong> bien-être et<br />
d'expérience.<br />
Sur un p<strong>la</strong>n culturel, dans une région où les popu<strong>la</strong>tions, majoritairement au chômage<br />
(c'est-à-dire sans emploi rémunéré) sont très ancrées dans <strong>la</strong> tradition, <strong>la</strong> chasse reste l’unique<br />
moyen d’ascension social pour les hommes. Comme nous le verrons dans le chapitre 9 <strong>de</strong><br />
- 212 -
cette thèse, lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> cérémonie <strong>de</strong> circoncision chez les Kota, le circoncis, dans sa traversée<br />
initiatique aura <strong>de</strong>s révé<strong>la</strong>tions sur sa capacité à <strong>de</strong>venir un grand chasseur donc un homme<br />
respecté dans <strong>la</strong> société. Chez les Bakwélé un jeune homme n’était reconnu chasseur que s’il<br />
avait tué un Gorille et ce, comme nous le verrons par <strong>la</strong> suite, <strong>la</strong> manière <strong>de</strong> le tuer comptait<br />
également.<br />
Section XI - Le problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse à l’Eléphant à Makokou<br />
Le cas <strong>de</strong> l’Eléphant à Makokou <strong>de</strong>vrait être pris en compte en tant que "problème <strong>de</strong><br />
société". Ce n’est peut-être pas l’objet central dans ce chapitre, mais il mérite d’être abordé<br />
car il influence d’une certaine manière <strong>la</strong> perception que les Ogivins ont <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage.<br />
En réalité, le conflit Homme-Animal à Makokou se réduit essentiellement à l’impact que<br />
l’Eléphant peut avoir sur les cultures, à tel point que cet animal est diabolisé par <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion.<br />
L’étu<strong>de</strong> que nous avons menée sur <strong>la</strong> question à Makokou et qui a porté sur 40<br />
propriétaires <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntations répartis dans 13 vil<strong>la</strong>ges (7 vil<strong>la</strong>ges Bakota et 6 vil<strong>la</strong>ges Fang) a<br />
montré que toutes les p<strong>la</strong>ntations étudiées (40 p<strong>la</strong>ntations au totale sur les 160 répertoriées)<br />
ont été plusieurs fois visitées et ce, quelque soit <strong>la</strong> saison, par <strong>de</strong>s animaux ravageurs. Ces<br />
p<strong>la</strong>ntations, situées en moyenne à 15 minutes à pied du vil<strong>la</strong>ge, comprenaient essentiellement<br />
<strong>de</strong>s cultures <strong>de</strong> manioc (97% <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntations contiennent cette culture), <strong>de</strong> bananiers (72,5%),<br />
<strong>de</strong> maïs (57,5%) et autres (Canne à sucre, Piment, Ananas, Taros, Concombre et Arachi<strong>de</strong>).<br />
Sur les 12,5 ha <strong>de</strong> superficie que représentent ces 40 p<strong>la</strong>ntations, 4,7 ha ont été totalement<br />
détruits en particulier les zones contenant les cultures <strong>de</strong> manioc (95% <strong>de</strong>s surfaces visitées)<br />
et <strong>la</strong> banane (20 % <strong>de</strong>s surfaces visitées) par <strong>de</strong>s animaux ravageurs en tête <strong>de</strong>squels se<br />
détachent le Hérisson ou Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> (60 % <strong>de</strong>s animaux incriminés) et l’Eléphant (32,5% <strong>de</strong>s<br />
animaux incriminés). Le reste <strong>de</strong>s ravageurs étant essentiellement composés du Sitatunga 59 <strong>de</strong><br />
l’Athérure et du Potamochère (7,5% <strong>de</strong>s animaux incriminés). Malgré le fait que l’Eléphant<br />
n’arrive qu’en <strong>de</strong>uxième position <strong>de</strong>s animaux nuisibles (Photo 21), tous les cultivateurs<br />
interrogés sont unanimes sur le fait que ce pachy<strong>de</strong>rme doit disparaître <strong>de</strong> leur forêt. Non<br />
seulement ils ne peuvent pas l’abattre par manque <strong>de</strong> fusils adaptés, par peur <strong>de</strong> l’animal mais<br />
surtout par crainte <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi ; cet animal leur fait du tort, créant ainsi <strong>la</strong> famine chez certaines<br />
familles. C’est dans ce contexte que, malgré <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion sur <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> ce pachy<strong>de</strong>rme,<br />
l’Éléphant est très souvent abattu à Makokou. Le suivi sur 3 années consécutives d’un<br />
59 Le Sitatunga consomme essentiellement les jeunes feuilles <strong>de</strong> manioc qu’il affectionne particulièrement, ce qui<br />
a pour conséquence d’entraîner un mauvais développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte et donc une mauvaise qualité du<br />
tubercule.<br />
- 213 -
chasseur d’Éléphant m’a permis d’estimer une moyenne <strong>de</strong> 2 Éléphants abattus tous les 3<br />
mois. En estimant à 15 chasseurs réguliers d’Eléphants dans <strong>la</strong> province, nous avons 120<br />
Éléphants qui seraient annuellement tués en Ogooué-Ivindo. À mon sens, ce chiffre est loin<br />
d’être surévalué. Entre juin et septembre 2004 par exemple, j’ai recensé 7 Éléphants tués<br />
uniquement aux alentours <strong>de</strong> <strong>la</strong> station d’Ipassa Makokou. La principale raison évoquée par<br />
les chasseurs était <strong>la</strong> protection <strong>de</strong>s cultures car selon eux, lorsque <strong>de</strong>s Éléphants visitent une<br />
p<strong>la</strong>ntation, le fait <strong>de</strong> tuer l’un d’entre eux, surtout le mâle adulte <strong>de</strong> <strong>la</strong> ban<strong>de</strong> 60 , amènerait le<br />
groupe à s’enfuir. En fait le problème est simple : nous avons d’une part <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong><br />
Makokou, en pleine expansion et qui empiète sur le territoire <strong>de</strong> l’Eléphant par le<br />
développement <strong>de</strong> cultures vivrières ; d’autre part, nous avons les Éléphants, dont <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion semble être assez importante dans <strong>la</strong> région, qui se font un p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong> visiter quand<br />
ils peuvent <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntations regorgeant d’aliments qu’ils prisent comme les bananes. Il <strong>de</strong>vient<br />
alors nuisible pour les cultivateurs en majorité très démunis et qui, en une nuit, peuvent voir<br />
disparaître <strong>la</strong> récolte prévue pour plusieurs années. Lorsque l’animal est abattu à proximité<br />
d’une zone d’habitation (Photo 22), ce qui représente en moyenne 5 tonnes <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> fraîche,<br />
tout le vil<strong>la</strong>ge se rue sur <strong>la</strong> carcasse qui peut être dépecée en quelques heures seulement.<br />
Le seul élément <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi qui protège les popu<strong>la</strong>tions est <strong>la</strong> battue administrative. Mais<br />
il s’agit d’une procédure administrative re<strong>la</strong>tivement complexe et qui intervient si tardivement<br />
que peu <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>geois l’initient et surtout ont <strong>la</strong> patience d’attendre. Ces <strong>de</strong>rniers se font<br />
justice eux-mêmes et <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong> fait <strong>de</strong>s hors-<strong>la</strong>-loi.<br />
Par ailleurs, 60% <strong>de</strong>s cultivateurs questionnés pensent que l’acharnement <strong>de</strong>s<br />
Éléphants sur les cultures relève <strong>de</strong> <strong>la</strong> sorcellerie. Certaines personnes auraient le pouvoir <strong>de</strong><br />
se métamorphoser en ce pachy<strong>de</strong>rme pour voler ou volontairement détruire les p<strong>la</strong>ntations <strong>de</strong>s<br />
autres. Le pachy<strong>de</strong>rme dans ce cas, serait un animal, beaucoup plus grand que d’ordinaire et<br />
très agressif. Seul un nganga zokou 61 , pourrait le tuer. Plusieurs anecdotes ont fait état<br />
d’Eléphants qui auraient été blessés ou tués autour <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntations et sur le coup, auraient<br />
entraîné <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> quelqu’un au vil<strong>la</strong>ge.<br />
60 Selon les chasseurs, le troupeau d’Éléphants comporte <strong>de</strong>s mâles adultes, ce qui est pourtant contraire à ce que<br />
l’on connaît <strong>de</strong> l’organisation social <strong>de</strong> ce pachy<strong>de</strong>rme dont le groupe est formé d’une matriarche et ses petits <strong>de</strong><br />
différentes générations. Les mâles sont très tôt éjectés du groupe et vivent généralement en solitaire<br />
61 Ce terme désigne le chasseur spécialiste <strong>de</strong> l’Éléphant qui utilise uniquement <strong>de</strong>s pouvoirs magiques pour<br />
venir à bout <strong>de</strong> l’animal<br />
- 214 -
Photo 21 : P<strong>la</strong>ntation <strong>de</strong> manioc ravagée par <strong>de</strong>s Éléphants<br />
Photo 22 : Un Éléphant mâle adulte abattu pour <strong>la</strong> protection <strong>de</strong>s cultures<br />
Photo J. Okouyi<br />
Photo J. Okouyi<br />
- 215 -
Chapitre VI : Le Commerce <strong>de</strong> Gibier à Makokou<br />
Le commerce <strong>de</strong> <strong>la</strong> venaison à Makokou est l’une <strong>de</strong>s principales activités qui découlent<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. Selon Lahm, 78% <strong>de</strong>s chasseurs ven<strong>de</strong>nt entre 50% et 67% <strong>de</strong> leurs prises le reste<br />
étant consommé au vil<strong>la</strong>ge. Près <strong>de</strong> 20% <strong>de</strong>s chasseurs ven<strong>de</strong>nt régulièrement <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong><br />
directement aux commerçantes <strong>de</strong> Makokou les autres circuits faisant intervenir <strong>de</strong>s<br />
intermédiaires (Lahm, 1993). Ce commerce permet aux chasseurs d’avoir <strong>de</strong>s revenus<br />
directement utilisables pour les besoins domestiques. Le commerce du gibier à Makokou suit<br />
une circuit vaste et complexe impliquant plusieurs acteurs, du chasseur au consommateur en<br />
passant par <strong>de</strong>s transporteurs et <strong>de</strong>s détail<strong>la</strong>nts. Afin <strong>de</strong> suivre et quantifier le trafic du gibier à<br />
Makokou, nous nous sommes intéressé au commerce <strong>de</strong> <strong>la</strong> venaison au sein <strong>de</strong>s marchés et<br />
restaurants <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville. Ce chapitre, analyse <strong>la</strong> filière commerciale <strong>de</strong> <strong>la</strong> venaison à Makokou en<br />
prenant en compte d’une part les acteurs et d’autre part <strong>la</strong> ressource. Nous présentons par <strong>la</strong><br />
suite le poids économique <strong>de</strong> ce commerce en insistant sur son impact sur les revenus<br />
domestiques <strong>de</strong>s commerçantes.<br />
Section I – Bref rappel <strong>de</strong>s principaux titres <strong>de</strong> <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion gabonaise en<br />
matière <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
Les conditions <strong>de</strong> détention, <strong>de</strong> transport et <strong>de</strong> commercialisation <strong>de</strong> tout animal<br />
sauvage, <strong>de</strong>s trophées et <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, sont définies par voie réglementaire. Tout<br />
gibier sauvage <strong>de</strong>stiné à <strong>la</strong> commercialisation, doit être abattu par un chasseur détenant l’un <strong>de</strong>s<br />
permis ou <strong>la</strong> licence <strong>de</strong> chasse prévus par <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion gabonaise. On distingue ainsi :<br />
- le permis <strong>de</strong> petite chasse ;<br />
- le permis <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> chasse ;<br />
- le permis scientifique <strong>de</strong> chasse ;<br />
- le permis scientifique <strong>de</strong> capture ;<br />
- <strong>la</strong> licence <strong>de</strong> capture commerciale <strong>de</strong>s animaux sauvages vivants (cf Article 174).<br />
Dans tous les cas, <strong>la</strong> commercialisation <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse est subordonnée à<br />
l’obtention d’agrément spécial (cf Article 198). De plus, cette activité est interdite pendant les<br />
pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> fermeture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse (en rappel, cette pério<strong>de</strong> s’étend du 15 septembre au 15<br />
mars). Toutefois, peuvent faire l’objet <strong>de</strong> transactions commerciales, pendant lesdites pério<strong>de</strong>s,<br />
les animaux vivants ou les produits <strong>de</strong> ces animaux résultant d’un programme d’élevage et<br />
- 216 -
munis d’un certificat d’origine délivré par l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts et d’un certificat<br />
<strong>de</strong> vente délivré par l’éleveur.<br />
En ce qui concerne les droits d’usages coutumiers, <strong>la</strong> commercialisation et le troc <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier, <strong>de</strong>s dépouilles et trophées provenant <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse traditionnelle sont interdits<br />
en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté vil<strong>la</strong>geoise. En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> ce cadre, <strong>la</strong> commercialisation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse dans les centres urbains par exemple, ne peut s’effectuer que par <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>urs<br />
agréés à l’intérieur <strong>de</strong>s centres commerciaux (marchés, boucheries, magasins d’alimentation,<br />
etc.), dans lesquels, les restaurateurs et autres consommateurs sont tenus <strong>de</strong> s’approvisionner<br />
contre remise d’un récépissé d’abattage pour chaque animal vendu. Nul ne peut exposer,<br />
préparer, distribuer ou transporter pour <strong>la</strong> vente, <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse non soumise à une<br />
inspection sanitaire préa<strong>la</strong>ble. Cette inspection peut s’effectuer en tout lieu et à tout moment par<br />
<strong>de</strong>s agents habilités.<br />
L’inobservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> réglementation sur <strong>la</strong> commercialisation, <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion ou <strong>la</strong><br />
détention <strong>de</strong>s animaux vivants, <strong>de</strong>s dépouilles ou <strong>de</strong>s trophées, est punie d’un emprisonnement<br />
al<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> quarante cinq jours à trois mois et d’une amen<strong>de</strong> <strong>de</strong> 25.000 (38 euros) à 1.000.000 <strong>de</strong><br />
Francs CFA (1.524 euros) ou <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux peines seulement.<br />
Les agents <strong>de</strong> l’inspection provinciale <strong>de</strong>s Eaux et Forêts <strong>de</strong> Makokou sont chargés <strong>de</strong><br />
faire respecter <strong>la</strong> loi. Cependant, ils sont trop peu nombreux (7 individus au total en 2004 dont<br />
l’inspecteur et son adjoint, <strong>de</strong>ux secrétaires et un chauffeur) et très mal équipés (1 seul véhicule<br />
utilisé par l’inspecteur, aucune pirogue ni <strong>de</strong> moteur hors-bord…) pour mener à bien leurs<br />
missions. Mais ils bénéficient en parallèle <strong>de</strong> l’appui technique, logistique et financier <strong>de</strong>s<br />
ONGs inter<strong>national</strong>es <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité (WCS et WWF) présentes sur le<br />
terrain. Comme il est très difficile pour les agents <strong>de</strong>s Eaux et Forêts et <strong>de</strong>s ONGs d’intervenir<br />
au moment <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, ils se focalisent alors sur le trafic du gibier dans et entre les vil<strong>la</strong>ges, ce<br />
qui est loin d’être apprécié par les vil<strong>la</strong>geois, jugeant que cette procédure empiète sur leurs<br />
droits d’usages coutumiers.<br />
La faune sauvage à Makokou est <strong>la</strong> matière première d’une activité <strong>de</strong> base, très<br />
répandue à savoir le commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Nous avons vu qu’il s’agit d’une activité<br />
le plus souvent à part entière dont l’expansion est liée à une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sans cesse en croissance<br />
<strong>de</strong>s consommateurs en produits du terroir dont <strong>la</strong> faune sauvage fait partie. La ville <strong>de</strong><br />
Makokou compte plusieurs points <strong>de</strong> ventes <strong>de</strong> gibiers (Figure 9) dont les plus connus sont les<br />
trois principaux marchés (Quartier Central, Zoatab et Mbolo), les débarcadères (ceux <strong>de</strong><br />
Zoatab, du pont, <strong>de</strong> Mbolo et Loaloa), l’hotel Bélinga Pa<strong>la</strong>ce et les restaurants.<br />
- 217 -
Figure 9 : Ville <strong>de</strong> Makokou et localisation <strong>de</strong>s principaux points <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> gibiers.<br />
Station<br />
d’Ipassa<br />
Vers Ovan<br />
Débarcadère<br />
<strong>de</strong> Loaloa<br />
Section II - Typologie <strong>de</strong>s acteurs du commerce du gibier à Makokou<br />
Les acteurs du commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse sont nombreux et regroupés en quatre<br />
catégories principales : les chasseurs (1), les intermédiaires (2), les commerçants (es), à<br />
l’éta<strong>la</strong>ge, en paquets et en marmites (3) et les restaurants (4). Leurs implications dans <strong>la</strong> filière<br />
du commerce restent très variables.<br />
II.1. Les chasseurs<br />
Marché<br />
du QC<br />
Débarcadère<br />
<strong>de</strong> Zoatab<br />
Ivindo<br />
Pont<br />
Marché<br />
<strong>de</strong> Zoatab<br />
Marché <strong>de</strong> Mbolo<br />
Débarcadère<br />
<strong>de</strong> Mbolo<br />
Bouniandjé<br />
Vers Mékambo<br />
Liboumba<br />
Vers<br />
Okondja<br />
Nous l’avons vu dans le chapitre précé<strong>de</strong>nt, ils sont les premiers maillons du commerce<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à Makokou. Ils interviennent en amont <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière mais sont <strong>de</strong> loin<br />
- 218 -
ceux qui <strong>la</strong> contrôlent le plus. Nous verrons par <strong>la</strong> suite s’ils sont ceux qui en tirent le plus <strong>de</strong><br />
bénéfices.<br />
II.2. Les intermédiaires<br />
Cette catégorie regroupe tous ceux qui vont acheter <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse directement<br />
aux chasseurs (en général dans les vil<strong>la</strong>ges), pour <strong>la</strong> revendre aux détail<strong>la</strong>nts du marché <strong>de</strong><br />
Makokou. On retrouve en tête <strong>de</strong> ce groupe les transporteurs, ou taxis brousse, qui sillonnent<br />
sans cesse les coins les plus reculés <strong>de</strong> <strong>la</strong> province. De vil<strong>la</strong>ge en vil<strong>la</strong>ge, en même temps qu’ils<br />
prennent <strong>de</strong>s clients, ils en profitent pour acheter du gibier à <strong>de</strong>s prix re<strong>la</strong>tivement bas qu’ils<br />
revendront avec bénéfice à Makokou. Le trafic du gibier n’est pas leur motivation première<br />
mais il leur permet <strong>de</strong> rentabiliser au mieux leurs dép<strong>la</strong>cements. Cette activité n’est pas sans<br />
risque pour eux puisqu’ils se font souvent contrôler par les agents <strong>de</strong>s Eaux et Forêts et du<br />
WWF en patrouille. Généralement, ces <strong>de</strong>rniers saisissent le gibier trouvé dans le véhicule mais<br />
ce<strong>la</strong> n’empêche pas les transporteurs <strong>de</strong> récidiver.<br />
Les transporteurs approvisionnent les commerçantes du marché à gibier <strong>de</strong> Makokou<br />
dans 67% <strong>de</strong>s cas. Même lorsqu’ils ne sont pas directement impliqués dans le commerce <strong>de</strong><br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse dans le cas où les commerçantes vont elles mêmes acheter le gibier aux<br />
chasseurs, leur métier <strong>de</strong> transporteur les conduit d’une manière ou d’une autre à intervenir<br />
dans <strong>la</strong> filière.<br />
II.3. Les commerçants(es).<br />
Ce groupe est <strong>de</strong> loin le plus impliqué dans le commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à<br />
Makokou. Il assure plus <strong>de</strong> 70% du commerce <strong>de</strong> gibier <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville. Cette activité est<br />
exclusivement féminine et 28 commerçantes plus ou moins spécialisées dans le commerce <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
venaison ven<strong>de</strong>nt quotidiennement du gibier sur les 3 marchés <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville. Les Fang avec 57%<br />
<strong>de</strong>s commerçantes i<strong>de</strong>ntifiées, sont les plus impliquées dans cette activité. Elles <strong>de</strong>vancent les<br />
Kota (32%) et d’autres ethnies (Kwélé, Shamaye, Bamiléké) représentant 11 % <strong>de</strong>s<br />
commerçantes (Figue 10). Soixante-dix-neuf pour cent d’entres elles ont un âge compris entre<br />
20 et 40 ans, cette jeunesse <strong>de</strong> <strong>la</strong> profession indiquant qu’il s’agit d’une activité en plein<br />
dynamisme. Le commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse semble peu compatible avec <strong>la</strong> vie maritale<br />
puisque plus <strong>de</strong> 85% <strong>de</strong> nos commerçantes se déc<strong>la</strong>rent célibataires avec une moyenne <strong>de</strong> 3<br />
enfants à charge. Elles commercent, pour 54% <strong>de</strong>s cas, <strong>de</strong>s produits autres que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
- 219 -
ousse. Il s’agit par exemple du commerce <strong>de</strong> boissons (locales ou importées), <strong>de</strong> manioc, <strong>de</strong><br />
poissons fumés, <strong>de</strong> légumes etc.<br />
On distingue 3 catégories <strong>de</strong> commerçantes <strong>de</strong> gibier : celles qui ven<strong>de</strong>nt à l’éta<strong>la</strong>ge<br />
(45%) sur le marché Afane, celles qui ven<strong>de</strong>nt du gibier en marmite (41%) et celles qui ven<strong>de</strong>nt<br />
du gibier en paquet (14%).<br />
Figure 10 : Répartition ethnique <strong>de</strong>s commerçantes <strong>de</strong> gibier à Makokou.<br />
Kota 32%<br />
Autres 11%<br />
II.3.1. Les commerçantes à l’éta<strong>la</strong>ge<br />
Fang; 57%<br />
Il s’agit du mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> gibier le plus rencontré à Makokou (Photo 23). Il consiste<br />
à exposer le gibier entier ou découpé <strong>de</strong>stiné à <strong>la</strong> vente sur les éta<strong>la</strong>ges en béton ou sur les<br />
tables en bois prévues à cet effet dans le secteur ″vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse″ du marché Afane. Chaque<br />
table, chaque coin <strong>de</strong>s éta<strong>la</strong>ges, sont loués quotidiennement (500 FCFA/jour ≈76 centimes<br />
d’euros) par les commerçantes au responsable du marché qui veille à l’entretien et à<br />
l’aménagement du site. Ainsi le dimanche, lorsque le marché Afane est fermé pour le<br />
nettoyage, les commerçantes envahissent <strong>la</strong> principale rue publique pour exposer leurs<br />
marchandises. Chaque jour, à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> brouettes ou <strong>de</strong> paniers à dos, les commerçantes<br />
ramènent le gibier au marché, qu’elles exposent à <strong>la</strong> vente. Ce procédé permet aux clients <strong>de</strong><br />
choisir librement les produits qui les intéressent. En revanche, le gibier exposé à même les<br />
tables, à l’air ambiant et envahit <strong>de</strong> mouches et <strong>de</strong> parasites, ne remplit aucune condition<br />
d’hygiène.<br />
- 220 -
En moyenne 8 commerçantes <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse sur les 13 au total i<strong>de</strong>ntifiées<br />
exposent quotidiennement leur marchandise à l’éta<strong>la</strong>ge au marché Afane. Ce chiffre diminue<br />
nettement le dimanche, jour <strong>de</strong> repos <strong>de</strong> plusieurs d’entre elles. Les Fang (84%) ont le<br />
monopole <strong>de</strong> ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vente. Les commerçantes <strong>de</strong> gibiers à l’éta<strong>la</strong>ge sont très popu<strong>la</strong>ires à<br />
Makokou. Elles ont un pouvoir d’achat comparable à celui d’un fonctionnaire moyen. Ce sont<br />
toutes <strong>de</strong>s femmes <strong>de</strong> caractère qui ont à Makokou un poids politique très fort.<br />
II.3.2. Les commerçantes en marmites<br />
Dans ce cas, le gibier est cuisiné, exposé sur les marchés dans <strong>de</strong>s marmites et vendu par<br />
morceaux à 100 FCFA (≈15 centimes d’euros). Ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vente concerne 41% <strong>de</strong>s<br />
commerçantes interrogées dont <strong>la</strong> majorité (67%) sont Kota. Elles s’approvisionnent en gibier<br />
directement auprès <strong>de</strong>s chasseurs, par <strong>de</strong>s intermédiaires ou encore auprès <strong>de</strong>s autres<br />
commerçantes du marché Afane. Le gibier vendu ainsi a l’avantage d’être non seulement à <strong>la</strong><br />
portée <strong>de</strong>s couches les plus défavorisées, mais intéresse particulièrement une clientèle<br />
masculine, re<strong>la</strong>tivement jeune et célibataire. De plus, le client qui a accès à <strong>la</strong> marmite choisit<br />
lui-même ses morceaux. Avec 300 FCFA (soit environ 45 centimes d’euros) on peut s’offrir 2<br />
morceaux <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> à 200 FCFA et un bâton <strong>de</strong> manioc à 100 FCFA. Pour le même montant,<br />
on ne peut même pas s’acheter une boîte <strong>de</strong> sardines qui coûte 350 FCFA à Makokou. Chaque<br />
commerçante expose en moyenne <strong>de</strong>ux marmites par jour et donc <strong>de</strong>ux espèces différentes. Les<br />
animaux les plus vendus en marmite sont le Céphalophe bleu, les Céphalophes moyens, le<br />
Potamochère, le Chevrotain aquatique, le Pangolin géant, les petits Singes, l’Athérure, <strong>la</strong><br />
Nandinie et le Python. Ils sont présentés soit en court-bouillon, soit cuisinés avec <strong>de</strong> <strong>la</strong> tomate,<br />
avec <strong>de</strong> l’arachi<strong>de</strong>, avec <strong>la</strong> pâte <strong>de</strong> Dika (Irvingia gabonensis, Irvingiaceae), à <strong>la</strong> sauce<br />
Nyémbwé <strong>de</strong> noix <strong>de</strong> palme (E<strong>la</strong>eis guineensis, Arecaceae) ou mé<strong>la</strong>ngé au Kumu (Gnetum<br />
africanum) qui sont (excepté <strong>la</strong> tomate) <strong>de</strong>s produits locaux.<br />
II.3.3. Les commerçantes en paquets<br />
La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse est ici cuisinée à l’étouffée dans <strong>de</strong>s feuilles <strong>de</strong> Marantacées<br />
(Photo 24) posées sur <strong>la</strong> braise. C’est un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> cuisson très apprécié dans <strong>la</strong> région.<br />
Cependant, les commerçantes qui s’adonnent à cette activité sont très irrégulières et donc<br />
difficiles à cerner. Elles sont confondues avec celles qui utilisent le même mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> préparation<br />
pour <strong>la</strong> vente du poisson.<br />
- 221 -
Photo 23 : Gibiers exposés à <strong>la</strong> vente à l’éta<strong>la</strong>ge sur le marché <strong>de</strong> Makokou<br />
Photo 24 : Céphalophe au paquet, marché <strong>de</strong> Makokou.<br />
Photo Okouyi<br />
Photo Okouyi<br />
- 222 -
En effet, ces <strong>de</strong>ux activités (commerce <strong>de</strong> gibier et <strong>de</strong> poisson d’eau douce en paquet)<br />
sont très liées. Le commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au paquet est une activité particulière dans le<br />
sens où les ven<strong>de</strong>uses vont pratiquer leur activité <strong>de</strong> jour comme <strong>de</strong> nuit. Dans <strong>la</strong> journée, à<br />
partir <strong>de</strong> 11 h, elles exposent leurs paquets sur les différents marchés <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville et <strong>la</strong> nuit, elles<br />
se regroupent à ces mêmes endroits et y restent tard jusqu’à 11h du soir. Les paquets sont<br />
exposés sur <strong>de</strong>s tables avec du manioc, prêts à être consommés. Le paquet est vendu<br />
1000 FCFA l’unité quelque soit l’espèce gibier. Chaque commerçante prépare en moyenne 25<br />
paquets par jour.<br />
La Figure 11 ci-<strong>de</strong>ssous présente les proportions <strong>de</strong>s différents mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vente du<br />
gibier à Makokou.<br />
Figure 11 : Répartition <strong>de</strong>s différents mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> gibier à Makokou.<br />
Marchés 45%<br />
II.4. Les restaurants et maquis<br />
Paquets 14%<br />
Marmites 41%<br />
Ce groupe, moins important à Makokou (9 restaurants au total proposent <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse au menu), assure le commerce d’environ 12% <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Les restaurants<br />
évoqués ici (excepté ceux <strong>de</strong> l’hôtel Bélinga Pa<strong>la</strong>ce et chez Tan-Kam, qui sont re<strong>la</strong>tivement<br />
bien aménagés) sont <strong>de</strong>s structures très mo<strong>de</strong>stes, souvent le salon d’une maison aménagé et<br />
équipé avec <strong>de</strong>s tables et <strong>de</strong>s chaises en p<strong>la</strong>stique ou <strong>de</strong> fabrication locale. Le service est<br />
généralement rapi<strong>de</strong> (le gibier est cuisiné à l’avance) et les p<strong>la</strong>ts re<strong>la</strong>tivement bon marché (<strong>de</strong><br />
- 223 -
1.000 FCFA à 3.000 FCFA excepté à l’hôtel où les prix sont compris entre 3.000 FCFA et<br />
7.000 FCFA). Pour <strong>la</strong> plupart d’entre eux, <strong>la</strong> seule différence avec <strong>la</strong> restauration en marmite,<br />
est le cadre, les p<strong>la</strong>ces assises, <strong>la</strong> détente musicale et <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> se procurer également <strong>de</strong>s<br />
boissons fraîches. Ces structures sont en fait <strong>de</strong>s bars-restaurants qui peuvent rester ouverts très<br />
tard le soir. Les femmes Kota prédominent dans ce commerce, mais <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité dans ce<br />
groupe rési<strong>de</strong> dans le fait que les étrangers (Figure 12), en particulier <strong>de</strong>ux Camerounaises<br />
(chez Tan-Kam et Mbolo) et un Béninois (Pili-Pili), y sont impliqués. Leurs restaurants sont<br />
très connus et attirent les amateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibier.<br />
Figure 12 : Répartition ethnique <strong>de</strong>s restaurateurs <strong>de</strong> Makokou<br />
Bamiléké; 22%<br />
Kota; 45%<br />
Béninois 11%<br />
Fang 22%<br />
- 224 -
Section III - Le commerce du gibier à Makokou<br />
III.1. Déroulement<br />
III.1.1. L’approvisionnement en vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
Il est évi<strong>de</strong>nt qu’il s’agit d’une étape cruciale au bon déroulement du commerce. La<br />
<strong>recherche</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> marchandise occupe au moins 3/4 du temps <strong>de</strong>s commerçantes. C’est <strong>la</strong> phase <strong>la</strong><br />
plus difficile et elle n’est pas sans risque pour les commerçantes les plus déterminées. La<br />
concurrence entre les différentes actrices et <strong>la</strong> crainte <strong>de</strong> l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts a<br />
amené ces commerçantes à développer un réseau d’informations <strong>de</strong> telle façon que tout<br />
dép<strong>la</strong>cement <strong>de</strong> chasseur, <strong>de</strong> transporteur et même <strong>de</strong> particulier est suivi <strong>de</strong> près. Le téléphone<br />
portable récemment arrivé à Makokou a renforcé ce réseau. De plus, l’emp<strong>la</strong>cement du marché<br />
Afane, poumon <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, où exercent les commerçantes <strong>de</strong> gibier, fait <strong>de</strong> ces femmes les<br />
meilleures informatrices <strong>de</strong> Makokou.<br />
Quatre vingt six pour cent <strong>de</strong>s commerçantes déc<strong>la</strong>rent s’approvisionner en même<br />
temps, et suivant l’occasion, auprès <strong>de</strong>s chasseurs (54%) et <strong>de</strong>s transporteurs (32%) à une<br />
fréquence <strong>de</strong> 2 à 3 fois par semaine. À Makokou <strong>la</strong> gare routière est à proximité du marché <strong>de</strong><br />
gibier. Tous les véhicules entrant dans <strong>la</strong> ville passent ou s’arrêtent à cet endroit. Ainsi, les<br />
commerçantes guettent et envahissent les véhicules dès leur arrivée, en espérant acheter du<br />
gibier à revendre. Le scénario est i<strong>de</strong>ntique pour les chasseurs et les transporteurs qui arrivent à<br />
Makokou en pirogue.<br />
Certaines commerçantes préfèrent aller dans les vil<strong>la</strong>ges ou directement au campement<br />
<strong>de</strong> chasse et y passer quelques jours. Elles approvisionnent les chasseurs en matériel<br />
indispensable à <strong>la</strong> chasse et en retour ont le monopole sur leur production.<br />
III.1.2. Le choix du gibier<br />
Le principe qui prévaut chez les commerçantes, est d’acheter le plus vite possible le<br />
gibier qui leur rapportera le plus d’argent. Elles <strong>recherche</strong>ront ou choisiront alors <strong>la</strong><br />
marchandise sur cette base. Mais les réalités sont souvent contraignantes. Si <strong>la</strong> rentabilité est<br />
une motivation première, l’inactivité en est une autre. Ainsi, une commerçante sera amenée à<br />
acheter du gibier, même s’il n’est pas très recherché par les consommateurs, pourvu qu’elle ait<br />
<strong>de</strong> quoi vendre donc d' être en activité. En fait, le marché <strong>de</strong> gibier est plus qu’un simple lieu <strong>de</strong><br />
- 225 -
vente pour ces femmes. Certaines y passent plus <strong>de</strong> temps qu’à leur propre domicile. Il n’est<br />
pas rare <strong>de</strong> voir à l’heure du déjeuner, les enfants tout comme les concubins, les rejoindre au<br />
marché où les atten<strong>de</strong>nt le repas du midi ou simplement un peu d’argent pour les besoins<br />
quotidiens.<br />
III.1.3. La conservation du gibier<br />
Le gibier acheté est soit directement exposé à <strong>la</strong> vente, soit dans 89% <strong>de</strong>s cas déc<strong>la</strong>rés,<br />
conservé dans <strong>de</strong>s congé<strong>la</strong>teurs pour être exposé à <strong>la</strong> vente plus tard. Ainsi, plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié du<br />
gibier exposé au marché (54%) avait plus ou moins séjourné au frais. Ces congé<strong>la</strong>teurs sont <strong>de</strong><br />
véritables entrepôts <strong>de</strong> gibier et chaque commerçante en possè<strong>de</strong> en moyenne 1,5. La chaîne du<br />
froid n’est malheureusement pas respectée puisque le gibier est tour à tour congelé puis<br />
décongelé et exposé à <strong>la</strong> vente puis recongelé s’il n’a pas été vendu et ainsi <strong>de</strong> suite.<br />
Dans le cas <strong>de</strong> gibier faisandé, les commerçantes préfèrent le découper et le faire<br />
bouillir. La vian<strong>de</strong> bouillie est par <strong>la</strong> suite découpée en petits morceaux et vendue en tas.<br />
L’inconvénient <strong>de</strong> ce procédé pour les commerçantes est que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> bouillie se vend<br />
beaucoup moins cher (moitié prix) que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> fraîche. La solution du boucanage pourtant à<br />
<strong>la</strong> portée <strong>de</strong>s commerçantes, s’avère encore moins intéressante. Le client assimilera toujours le<br />
gibier bouilli et boucané à <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> moindre qualité. Cependant, comme les prix sont<br />
re<strong>la</strong>tivement abordables, ils l'achèteront parfois parce qu’il existe <strong>de</strong>s recettes spécifiques à ce<br />
type <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>. L’une <strong>de</strong>s plus connues est celle qui consiste à cuisiner le gibier bouilli ou<br />
boucané avec <strong>de</strong> l’oseille (Rumex abyssinica ou Hibiscus acetosel<strong>la</strong>). Ce légume a <strong>la</strong><br />
particu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong> masquer les o<strong>de</strong>urs et le mauvais goût liés à <strong>la</strong> mauvaise qualité <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>.<br />
III.1.4. Le transport du gibier<br />
Le transport du gibier au marché, comme nous l’avons plus ou moins évoqué<br />
précé<strong>de</strong>mment se fait essentiellement à dos d’homme et en voiture. On distingue plusieurs cas<br />
<strong>de</strong> figure. Soit le gibier est acheminé <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges vers les marchés <strong>de</strong> Makokou par les taxis<br />
brousse (Photo 25) ou par <strong>de</strong>s particuliers, soit le gibier est acheminé <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt jusqu’aux<br />
débarcadères en pirogue, puis du débarcadère aux points <strong>de</strong> vente par les taxis <strong>de</strong> ville. Les<br />
transporteurs taxent <strong>la</strong> cargaison à l’unité. Plus l’animal est gros, plus il coûtera cher au<br />
transport. Généralement, pour éviter d’indisposer d’autres clients, les taxis sont pris en course<br />
- 226 -
(1.000 FCFA <strong>la</strong> course sur Makokou) avec uniquement le propriétaire du gibier, le prix <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
course couvrant celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> cargaison.<br />
Photo Okouyi<br />
Photo 25 : Transport <strong>de</strong> gibiers (Cephalophus dorsalis, C. montico<strong>la</strong> et Hyemoschus aquaticus)<br />
par un taxi brousse sur l’axe Makokou-Okondja.<br />
III.2. Les gibiers vendus<br />
L’enquête <strong>de</strong> commercialisation menée sur une année au marché <strong>de</strong> Makokou en suivant<br />
les 13 commerçantes à l’éta<strong>la</strong>ge, nous a permis d’i<strong>de</strong>ntifier au moins 43 espèces animales<br />
vendues pour un total <strong>de</strong> 5168 gibiers sauvages soit environs 90.943 kg. De ces 43 espèces, 18<br />
sont protégées intégralement (8 espèces) ou partiellement (10 espèces). Cette liste est loin<br />
d’être exhaustive puisqu’elle ne prend en compte que le gibier exposé publiquement à <strong>la</strong> vente<br />
sur le marché Afane <strong>de</strong> Makokou et non celui qui transite directement <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt à <strong>la</strong> cuisine.<br />
Cette partie du gibier moins visible est estimée à 30% <strong>de</strong> l’ensemble du gibier qui arrive à<br />
Makokou. Nous savons par exemple que le Singe <strong>de</strong> Brazza (Cercopithecus neglectus), le Rat<br />
<strong>de</strong> Gambie (Cricetomys gambianus et Cricetomys emini), les Écureuils, les Oiseaux et bien<br />
d’autres espèces animales sont régulièrement consommées à Makokou mais nous ne les avons<br />
pas vu exposées en vente au marché. Dans l’ensemble <strong>de</strong>s espèces recensées, 91% sont <strong>de</strong>s<br />
adultes (les adultes, les subadultes et les juvéniles ont été regroupés). Les femelles (53%) sont<br />
- 227 -
e<strong>la</strong>tivement plus abondantes que les mâles (47%). L’observation <strong>de</strong>s impacts <strong>de</strong>s plombs et les<br />
traces <strong>de</strong> câble sur les carcasses exposées au marché nous a permis <strong>de</strong> constater que près <strong>de</strong><br />
80% du gibier étaient abattus au fusil contre 18% au piège et 2% à <strong>la</strong> machette, à <strong>la</strong> <strong>la</strong>nce ou<br />
tout simplement attrapés à <strong>la</strong> main. Ce <strong>de</strong>rnier mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> capture concernait notamment les<br />
Reptiles et les petits Pangolins.<br />
Le groupe <strong>de</strong>s Ongulés est le plus représenté avec 84,8% <strong>de</strong>s effectifs et 12 espèces<br />
différentes. Il <strong>de</strong>vance les gros Rongeurs (6%) et les Primates (4,8%). Les Oiseaux et les<br />
Reptiles sont les moins représentés. Sur les 43 espèces <strong>de</strong> gibier i<strong>de</strong>ntifiées sur le marché, 11<br />
d’entres elles seulement représentent près <strong>de</strong> 95% du total <strong>de</strong>s ventes. Il s’agit respectivement<br />
du Céphalophe bleu (34,2%), du Potamochère (16,5%) du Céphalophe <strong>de</strong> Peters (14,2%), du<br />
Céphalophe Bai (14%), <strong>de</strong> l’Athérure africain (5,6%), du Chevrotain aquatique (2,2%), du<br />
Hocheur (2,1%), du Céphalophe à front noir (1,6%), du Mandrill (1,6%), du Guib d’eau (1,5%)<br />
et du Crocodile nain (1,2%). Le Tableau 20 ci-<strong>de</strong>ssous résume cette répartition taxonomique<br />
du gibier sur le marché. Dans <strong>la</strong> suite du texte, nous rassemblerons au sein d’un même groupe,<br />
tous les Céphalophes moyens.<br />
Tableau 20: Répartition par groupe taxonomique <strong>de</strong>s gibiers vendus à l’éta<strong>la</strong>ge sur marché <strong>de</strong><br />
Makokou<br />
Effectif % total Nombre % du total Espèce <strong>la</strong> plus<br />
Catégories total d’effectif d'espèces d’espèces représentée : % du total<br />
Ongulés 4380 84,8% 12 28% Céphalophe bleu : 34,2%<br />
Primates 249 4,8% 10 23% Hocheur : 2,1%<br />
Pholidotes 92 1,8% 3 7% Pangolin commun : 0,8%<br />
Reptiles 94 1,8% 7 16% Crocodile nain : 1,2%<br />
Rongeurs 308 6,0% 2 5% Athérure : 5,6%<br />
Carnivores 31 0,6% 6 14% Nandinie : 0,3%<br />
Oiseaux 14 0,3% 3 7% Ca<strong>la</strong>os spp. : 0,2%<br />
Total N=5168 100,0% N=43 100,0%<br />
Les dix espèces <strong>de</strong> gibier les plus observées sur le marché (Tableau 21) représentent<br />
96% <strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse totale soit 86.952 kg. Le Potamochère avec 54,1% <strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse totale,<br />
est le gibier le plus représenté sur le marché <strong>de</strong> Makokou. Il précè<strong>de</strong> les Céphalophes bai et <strong>de</strong><br />
Peters. Le Céphalophe bleu pourtant majoritaire en effectif, ce retrouve à <strong>la</strong> quatrième position<br />
juste avant le Guib d’eau. La Figure 13 ci-<strong>de</strong>ssous compare les pourcentages <strong>de</strong>s biomasses à<br />
ceux <strong>de</strong>s abondances et le Tableau 22 présente les 43 espèces <strong>de</strong> gibiers observées sur le<br />
marché <strong>de</strong> Makokou. Les Figures 14 et 15 présentent respectivement <strong>la</strong> répartition <strong>de</strong>s gibiers<br />
- 228 -
vendus par groupe taxonomique et l’histogramme <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives <strong>de</strong>s 11 gibiers les<br />
plus observés sur le marché.<br />
Tableau 21: Pourcentage <strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse <strong>de</strong>s 10 gibiers les plus abondants sur le marché<br />
N° Co<strong>de</strong> % total % <strong>de</strong> <strong>la</strong> biomasse totale<br />
1 Potamochère 16,5 54,1<br />
2 Céphalophe <strong>de</strong> Peters 14,2 14,3<br />
3 Céphalophe Bai 14 13,8<br />
4 Céphalophe bleu 34,2 6,5<br />
5 Guib d’eau 1,5 5,3<br />
6 Mandrill 1,6 2,3<br />
7 Chevrotain aquatique 2,2 1,2<br />
8 Céphalophe à front noir 1,6 1,1<br />
9 Athérure africain 5,6 0,7<br />
10 Cercopithèque nictitans 2,1 0,5<br />
Figure 13 : Comparaison <strong>de</strong>s % <strong>de</strong>s biomasses totales et <strong>de</strong>s % d’abondance totale <strong>de</strong>s 10<br />
gibiers les plus rencontrées sur le marché <strong>de</strong> Makokou<br />
%<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
% biomasse % total<br />
popo ceca cedo cemo trsp masp hyaq cenig ataf ceni<br />
Espèces<br />
Remarque : Voir Tableau 22 ci <strong>de</strong>ssous pour les co<strong>de</strong>s espèces<br />
- 229 -
Tableau 22 : Présentation générale <strong>de</strong>s gibiers i<strong>de</strong>ntifiés sur le marché <strong>de</strong> Makokou<br />
Ordre Famille<br />
Co<strong>de</strong> Effectif<br />
Poids moyen<br />
Nom scientifique Nom Commun espèce total % total (kg)<br />
1 Cephalophus silvicultor Céphalophe à dos jaune cesy 3 0,1 35,0<br />
2 Cephalophus montico<strong>la</strong> Céphalophe bleu cemo 1769 34,2 3,2<br />
3<br />
4<br />
Cephalophinae<br />
Cephalophus callipygus<br />
Cephalophus dorsalis<br />
Céphalophe <strong>de</strong> Peters<br />
Céphalophe bai<br />
ceca<br />
cedo<br />
733<br />
721<br />
14,2<br />
14,0<br />
17,0<br />
16,7<br />
5 Artiodactyles<br />
Cephalophus nigrifrons Céphalophe à front noir cenig 84 1,6 11,9<br />
6<br />
Cephalophus leucogaster Céphalophe à ventre b<strong>la</strong>nc cele 4 0,1 11,9<br />
7 Tragulidae Hyemoschus aquaticus Chevrotain aquatique hyaq 113 2,2 9,3<br />
8 Trage<strong>la</strong>phinae Trage<strong>la</strong>phus spekei S<strong>la</strong>ter Sitatunga ou Guib d'eau trsp 77 1,5 60,0<br />
9 Bovinae Syncerus caffer nanus** Buffle nain <strong>de</strong> forêt syca 16 0,3 25,0<br />
10<br />
Suidae Potamochoerus albifrons Potamochère popo 855 16,5 55,0<br />
11 Proboscidiens Elephantidae Loxodonta africana cyclotis* Eléphant <strong>de</strong> forêt loaf 3 0,1 2500<br />
12 Cercopithecus cephus Moustac cece 31 0,6 2,4<br />
13 Cercopithecus nictitans Hocheur ceni 110 2,1 4,2<br />
14 Cercopithecus pogonias Guenon couronnée cepo 7 0,1 2,2<br />
15<br />
16<br />
Cercopithecidae<br />
Miopithecus ogouensis<br />
Lophocebus albigena<br />
Ta<strong>la</strong>poin du nord<br />
Mangabey à joues grises<br />
miog<br />
loal<br />
2<br />
12<br />
0,0<br />
0,2<br />
0,7<br />
4,8<br />
17 Primates<br />
Mandrillus sphinx Mandrill masp 81 1,6 25,0<br />
18<br />
Colobus guereza Colobe guereza cogue 1 0,0 6,0<br />
19 Hominidae Pan troglodytes*** Chimpanzé patr 1 0,0 79<br />
20<br />
Goril<strong>la</strong> g goril<strong>la</strong>*** Gorille gogo 2 0,0 100<br />
21<br />
Loridae Perodicticus poto Poto <strong>de</strong> Bosman poto 2 0,0 1,5<br />
22 Viverridae Nandinia binotata Nandinie nabi 15 0,3 2,3<br />
23 Mustelidae Aonyx congica Loutre du Congo aoco 1 0,0 13<br />
24<br />
25<br />
Carnivores<br />
Viverridae<br />
Herpestidae<br />
Civettictis civetta<br />
B<strong>de</strong>ogale nigripes<br />
Civette d'Afrique cici<br />
Mangouste à pattes noires bdni<br />
5<br />
7<br />
0,1<br />
0,1<br />
13<br />
4,0<br />
26 Herpetsidae B<strong>de</strong>ogale sp. Mangouste bdsp 1 0,0 2<br />
27<br />
Felidae Panthera pardus Panthère papa 2 0,0 50<br />
28 Tubili<strong>de</strong>ntés Orycteropodidae Orycteropus afer Oryctérope oraf 2 0,0 47,0<br />
- 230 -
Ordre Famille<br />
Poids moyen<br />
Nom scientifique Nom Commun Co<strong>de</strong> Effectif % total (kg)<br />
29<br />
30 Pholidotes Manidae<br />
Smutsia gigantea<br />
Uromanis tetradacty<strong>la</strong><br />
Pangolin géant<br />
Pangolin à longue queue<br />
magi<br />
matet<br />
37<br />
14<br />
0,7<br />
0,3<br />
31,0<br />
1,5<br />
31<br />
Phataginus tricuspis Pangolin commun matr 41 0,8 1,5<br />
32 Crocodylidae Osteo<strong>la</strong>emus t tetraspis Crocodile nain croco 60 1,2 8,9<br />
33 Crocodylidae Crocodylus cataphractus Faux gavial crocat 8 0,2 15<br />
34 Viperidae Bitis gabonica Vipère du Gabon biga 5 0,1 2,5<br />
35<br />
36<br />
Reptiles Viperidae<br />
Boidae<br />
Bitis nasicornis<br />
Python sebae<br />
Vipère<br />
Python<br />
bina<br />
pyth<br />
4<br />
13<br />
0,1<br />
0,3<br />
2,5<br />
60<br />
37 Testudinae Kinixys spp. Kinixys rongée/K.<strong>de</strong> Bell kinixys 2 0,0 1,5<br />
38<br />
Varanidae Varanus niloticus Varan vani 2 0,0 3<br />
39 Rongeurs Hystricidae Atherurus africanus Athérure/porc epic ataf 289 5,6 2,1<br />
40<br />
Thryonomyidae Thryonomys swin<strong>de</strong>rianus Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> au<strong>la</strong>c 19 0,4 4,6<br />
41 Bucerohidae Ceratogymna atrata Grand Ca<strong>la</strong>o à casque noir ca<strong>la</strong>o 8 0,2 2,5<br />
42 Oiseaux Accipitridae Haliaetus vocifer Aigle pêcheur aigle 1 0,0 3,0<br />
43<br />
Columbidae Treron australis Pigeon vert pigeon 5 0,1 0,5<br />
Total<br />
5168 100,0<br />
* En ce qui concerne l’Éléphant, <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> arrivait sur le marché déjà découpée en petit morceaux. Nous avons évalué le poids total <strong>de</strong> ces morceaux à<br />
<strong>de</strong>ux paniers à dos soit environ 100 kg.<br />
** Le poids moyen mentionner pour le Buffle nain est celui du gigot, partie <strong>la</strong> plus retrouvée en vente sur le marché.<br />
*** le Gorille et le Chimpanzé ont été observés sur le marché découpés. Cependant, les mains et les pieds <strong>de</strong> ces animaux sont vendus séparément. Il<br />
s’agirait <strong>de</strong>s parties les plus appréciées <strong>de</strong> ces gibiers. Nous évaluons <strong>la</strong> quantité totale <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux espèces observées sur le marché à 30 kg.<br />
- 231 -
Figure 14 : Répartition <strong>de</strong>s gibiers vendus par groupe taxonomique<br />
Primates<br />
5%<br />
Pangolins<br />
2%<br />
Reptiles<br />
2%<br />
Rongeurs<br />
6%<br />
Carnivores<br />
1%<br />
Oiseaux<br />
0%<br />
Ongulés<br />
84%<br />
Figure 15 : Répartition <strong>de</strong>s 11 espèces les plus vendues sur le marché <strong>de</strong> Makokou<br />
34%<br />
17%<br />
30%<br />
cemo popo cepha<br />
moyen<br />
6%<br />
2% 2% 2%<br />
1% 1%<br />
ataf hyaq ceni masp trsp croco Autres<br />
5%<br />
- 232 -
Le gibier est présent sur le marché et commercé toute l’année. Cependant trois pics<br />
d’abondance semblent apparaître (Figure 16) en juillet, en novembre-décembre et mars-avril. Le<br />
pic <strong>de</strong> juillet, peut s’expliquer par une croissance nette <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion Ogivine liée aux<br />
migrations massives <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s vacances. La forte <strong>de</strong>man<strong>de</strong> en gibier est également en re<strong>la</strong>tion<br />
avec le besoin d’aliments carnés nécessaires à l’organisation <strong>de</strong>s cérémonies. Les pics <strong>de</strong><br />
novembre-décembre et mars-avril correspon<strong>de</strong>nt aux saisons propices à <strong>la</strong> chasse. Le gibier<br />
abon<strong>de</strong> sur le marché et les prix sont légèrement plus bas, les commerçantes stockant le gibier<br />
dans <strong>de</strong>s congé<strong>la</strong>teurs. Les tendances présentées ci-<strong>de</strong>ssus semblent se confirmer chaque année<br />
mais le pic <strong>de</strong> janvier est anormal dans le sens où il est lié cette année 2003 à une crise entre les<br />
commerçantes <strong>de</strong> gibier et le propriétaire du marché. Ce <strong>de</strong>rnier souhaitant augmenter les taxes<br />
<strong>de</strong> vente <strong>de</strong> 500 FCFA/jours à 1000 FCFA/jour, les commerçantes ont réagi par un boycott <strong>de</strong> son<br />
marché. La pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> septembre à novembre semble être moins propice au commerce car le<br />
gibier est moins abondant sur le marché. Toute l’activité est concentrée sur <strong>la</strong> mise en culture <strong>de</strong>s<br />
nouvelles p<strong>la</strong>ntations auxquelles <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong>s commerçantes s’adonnent. Si pour <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s<br />
gibiers vendus les tendances d’abondances re<strong>la</strong>tives sur le marché sont sensiblement stables<br />
(Figure 17), il semble exister <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s propices au commerce <strong>de</strong> Céphalophe bleu et <strong>de</strong><br />
Potamochère dont les courbes présentes <strong>de</strong>s pics d’abondances variés.<br />
Le pic du Potamochère <strong>de</strong> février à mai correspond à une saison propice à <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> se<br />
gibier. Comme nous l’avons déjà mentionné précé<strong>de</strong>mment, en saison <strong>de</strong>s pluies les<br />
Potamochères sont plus facilement repérables en forêt. Cette saison est également riche en fruits<br />
dont le noisetier sauvage (Cou<strong>la</strong> edulis) qu’affectionnent cet animal et qui, lorsqu’il en<br />
consomme, facilite son repérage. De plus, les femelles ont déjà mises bas entre novembre et<br />
janvier, avec un pic en décembre 62 et elles ont regagné <strong>la</strong> ban<strong>de</strong> avec les marcassins. La ban<strong>de</strong> est<br />
<strong>de</strong>venue plus gran<strong>de</strong>, plus bruyante et plus facile à répérer par les chasseurs.<br />
Le nombre d’espèces <strong>de</strong> gibier vendu sur le marché <strong>de</strong> Makokou serait <strong>de</strong> 44 si on prenait<br />
en compte un gibier particulier, le Silure géant (C<strong>la</strong>rias gariepinus ou Isouma en Fang, Issomé en<br />
Kota et Zoum en Kwélé) vendu non pas au marché au poisson (qui existe aussi à Makokou), mais<br />
plutôt au marché <strong>de</strong> gibier. Il s’agit d’un poisson <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille (il peut atteindre 1,7 m <strong>de</strong> long<br />
pour 25 kg) qui aurait été introduit dans l’Ivindo aux temps coloniaux pour approvisionner les<br />
compagnies en vian<strong>de</strong>. Aujourd’hui, il s’est re<strong>la</strong>tivement bien adapté au profit <strong>de</strong>s pêcheurs.<br />
Cependant l’impact écologique <strong>de</strong> cette introduction reste totalement inconnu. Le C<strong>la</strong>rias<br />
gariepinus est un "gibier" <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille qui arrive frais au marché et donc vendu découpé<br />
comme les autres gibiers. Le tas est vendu à 1.000 FCFA l’unité et un animal en entier peut<br />
62 Informations recueillies grâce à l’expérience d’élevage <strong>de</strong> Potamochères <strong>de</strong> Bakoumba.<br />
- 233 -
coûter 40.000 FCFA à l’achat au pêcheur et rapporter le double aux commerçantes. Nous avons<br />
recensé 144 spécimens lors <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong>, ce qui ferait <strong>de</strong> ce poisson le 6 e gibier le plus vendu<br />
après le Céphalophe bleu, le Potamochère, le Céphalophe Bai, le Céphalophe <strong>de</strong> Peters et<br />
l’Athérure africain. La technique <strong>de</strong> capture du Silure géant est particulière. À cet effet, les<br />
pêcheurs utilisent <strong>de</strong>s pièges simples composés d’une branche soli<strong>de</strong>, fixée sur <strong>la</strong> rive et dont<br />
l’extrémité qui pend à <strong>la</strong> surface <strong>de</strong> l’eau est accrochée une cor<strong>de</strong> d’environ 1 m. À l’extrémité <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> cor<strong>de</strong> plongée dans <strong>de</strong>s eaux calmes est fixé un gros hameçon appâté avec du savon. Il<br />
semblerait que le savon <strong>de</strong> Marseille soit l’appât le plus efficace pour <strong>la</strong> capture <strong>de</strong> ce poisson.<br />
Figure 16 : Abondance <strong>de</strong>s gibiers dans l’année sur le marché Afane <strong>de</strong> Makokou<br />
Effectif (N)<br />
600<br />
500<br />
400<br />
300<br />
200<br />
100<br />
0<br />
juin-02 juil-02 août-02 sept-02 oct-02 nov-02 déc-02 janv-03 févr-03 mars-03 avr-03 mai-03 juin-03<br />
Pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'année<br />
- 234 -
Figure 17 : Courbes <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong> 8 espèces gibiers sur le marché Afane <strong>de</strong> Makokou en<br />
différentes pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’année<br />
250<br />
200<br />
150<br />
100<br />
50<br />
0<br />
juin-02 juil-02 août-02 sept-02 oct-02 nov-02 déc-02 janv-03 févr-03 mars-03 avr-03 mai-03 juin-03<br />
cemo popo ceca cedo ataf hyaq ceni<br />
III.3. Caractérisation <strong>de</strong>s gibiers les plus vendus<br />
- Le groupe <strong>de</strong>s Ongulés (Artiodactyles et Proboscidiens) : Ce groupe est l’un <strong>de</strong>s plus<br />
représentés dans le commerce <strong>de</strong> gibier avec 10 espèces au total (Tableau 22). Sept d’entres elles<br />
apparaissent dans le groupe <strong>de</strong>s 10 gibiers les plus vendus à Makokou. Il s’agit du Céphalophe<br />
bleu, du Potamochère, <strong>de</strong>s Céphalophes Bai et <strong>de</strong> Peters, du Chevrotain aquatique, du<br />
Céphalophe à front noir et du Guib d’eau. Le chef <strong>de</strong> file <strong>de</strong> ce groupe est le Céphalophe bleu qui<br />
arrive en tête avec 34,2% <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s gibiers vendus. Il s’agit du plus petit <strong>de</strong>s<br />
Céphalophes forestiers. Re<strong>la</strong>tivement abondant, il est <strong>la</strong>rgement réparti dans <strong>la</strong> région. Ce n’est<br />
pourtant pas l’animal le plus recherché par les chasseurs et par les commerçantes en termes <strong>de</strong><br />
rentabilité mais son abondance sur le marché peut s’expliquer par le fait qu’il est l’un <strong>de</strong>s gibiers<br />
les plus faciles à capturer. Selon l’enquête menée auprès <strong>de</strong>s commerçantes, le Céphalophe bleu<br />
viendrait en troisième position <strong>de</strong>s gibiers les plus vendus après le Potamochère (54%) et<br />
l’Athérure africain (39%), ce qui est contraire aux données quantitatives présentées<br />
précé<strong>de</strong>mment. En fait, les commerçantes ont l’impression <strong>de</strong> moins en vendre simplement parce<br />
que leur vente est moins rentable que celle <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux autres. Pourtant, elles sont presque toutes<br />
- 235 -
unanimes à dire que lorsqu’il n’y a pas <strong>de</strong> gibier sur le marché (en termes <strong>de</strong> gibiers rentables), il<br />
y a tout <strong>de</strong> même du Céphalophe bleu à vendre.<br />
- Le groupe <strong>de</strong>s Primates (Cercopithecidae, Hominidae et Prosimien) : Ce groupe compte<br />
10 représentants dont 7 ont été souvent observés sur le marché. Le Hocheur avec 2,1% <strong>de</strong><br />
l’ensemble <strong>de</strong>s gibiers présents sur le marché, se distingue nettement <strong>de</strong>s autres. Ce petit singe est<br />
très bien représenté dans les forêts <strong>de</strong> Makokou. Généralement observé en ban<strong>de</strong>s<br />
polyspécifiques avec les Moustacs, le Cercocèbe à joues grises et le Pogonias, il a <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité<br />
d’être re<strong>la</strong>tivement plus bruyant que les autres et est donc facile à repérer. De plus, son nez b<strong>la</strong>nc<br />
et son pe<strong>la</strong>ge gris-noir facilitent son repérage dans <strong>la</strong> canopée. De taille légèrement supérieure à<br />
ses congénères (excepté le Cercocèbe qui est le plus grand <strong>de</strong>s quatre), il est souvent préféré par<br />
les chasseurs qui trouvent en lui un gibier « qui mérite une cartouche ». Des autres singes, le<br />
Mandrill avec 1,6% <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s gibiers recensés sur le marché semble également être très<br />
apprécié à Makokou. Ce singe semi-terrestre d’assez gran<strong>de</strong> taille est très grégaire et craint peu<br />
les chasseurs qui s’en donnent à cœur joie lorsqu’ils trouvent une ban<strong>de</strong>. Plusieurs individus<br />
d’une même ban<strong>de</strong> peuvent ainsi être tués par un chasseur habile.<br />
Le Gorille et le Chimpanzé sont également appréciés <strong>de</strong>s consommateurs Ogivins. Mais<br />
leur trafic est plus discret, ce qui a rendu difficile nos investigations. Les gibiers i<strong>de</strong>ntifiés sur le<br />
marché <strong>de</strong> Makokou l’ont été en observant <strong>de</strong> près <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> arrivée au marché déjà découpée et<br />
exposée en tas. De plus, sans <strong>la</strong> complicité <strong>de</strong>s commerçantes, nous serions passés à côté <strong>de</strong> cette<br />
information. De toute façon, nous avions toujours l’impression d’être les <strong>de</strong>rniers à être informés<br />
<strong>de</strong> l’existence chez telle ou telle commerçante <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> gibier. Certaines parties <strong>de</strong> l’animal<br />
telles que les membres (pieds et mains) qui seraient les parties les plus appréciées <strong>de</strong>s<br />
consommateurs, sont vendues à domicile. La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Gorille serait à 65% <strong>la</strong> plus <strong>de</strong>mandée par<br />
les clients. Les Fang auraient tendance à mieux l’apprécier que les Kota et les Kwélé.<br />
- Le groupe <strong>de</strong>s Carnivores (Viverridae, Mustelidae, Herpestidae, Felidae) : Six espèces<br />
appartenant à ce groupe ont pu être observées en vente sur le marché. Il s’agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> Nandinie, <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> gran<strong>de</strong> Loutre du Congo, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Civette africaine, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Mangouste à pattes noires, <strong>de</strong> l’une <strong>de</strong>s<br />
petites Mangoustes et <strong>de</strong> <strong>la</strong> panthère. Dans une région à majorité Kota où il existe plusieurs<br />
tabous sur les animaux tachetés dont <strong>la</strong> plupart sont <strong>de</strong>s carnivores, <strong>la</strong> Nandinie (0,3%)<br />
communément appelée chat huant, semble être le carnivore le plus apprécié <strong>de</strong>s consommateurs.<br />
Les autres gibiers <strong>de</strong> ce groupe en tête <strong>de</strong>squels se trouvent <strong>la</strong> Panthère et <strong>la</strong> Civette, sont plus<br />
chassées pour leur peau que pour leur vian<strong>de</strong> qui n’intéresse que <strong>de</strong>s clients initiés.<br />
- 236 -
- Le groupe <strong>de</strong>s Rongeurs : Il est représenté par l’Athérure africain (5,6% <strong>de</strong> l’ensemble<br />
<strong>de</strong>s gibiers vendus) et l’Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> (0,4%). Le premier est considéré comme un gibier noble et très<br />
apprécié <strong>de</strong>s consommateurs. Il est généralement capturé soit au fusil (52%) pendant <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong><br />
nuit, soit au piège (48%). L’Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> quant à lui est difficilement représenté sur le marché car il<br />
fait partie <strong>de</strong>s gibiers qui sont directement consommés par les chasseurs. De plus, le fait qu’il soit<br />
un animal lié aux zones anthropisées comme les p<strong>la</strong>ntations, le rend moins prestigieux que<br />
l’Athérure : « On va à <strong>la</strong> chasse à l’Athérure en brousse mais jamais à l’Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> que l’on<br />
attrape aux pièges <strong>de</strong>rrière <strong>la</strong> maison ou en bordure <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ntation pour éviter qu’il ne <strong>la</strong><br />
détruise » affirment certains chasseurs.<br />
- Le groupe <strong>de</strong>s Reptiles : Ce groupe est représenté par 7 espèces dont le Crocodile nain,<br />
le Faux Gavial, les <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s Vipères, le Python, le Varan du Nil et <strong>la</strong> Tortue terrestre.<br />
Apparemment les Ogivins auraient un penchant pour <strong>la</strong> chair du Crocodile nain (1,2% sur<br />
l’ensemble <strong>de</strong>s gibiers présents au marché). On peut aussi se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s’il ne s’agit pas tout<br />
simplement d’un gibier abondant et/ou facile à capturer ? Dans tous les cas, il serait plus<br />
abondant que le Faux Gavial, <strong>de</strong>venu très rare dans l’Ivindo et dans ses nombreux affluents, du<br />
fait d’une surexploitation. Le Python quant à lui est re<strong>la</strong>tivement abondant dans <strong>la</strong> région mais sa<br />
discrétion lui permet d’échapper aux chasseurs. Cependant, c’est un gibier si facile à capturer que<br />
dès qu’il est repéré en forêt, il n’a plus aucune chance.<br />
- Le groupe <strong>de</strong>s Pangolins et l’Oryctérope : Les 3 espèces <strong>de</strong> pangolins présents à<br />
Makokou ont été i<strong>de</strong>ntifiées sur le marché <strong>de</strong> Makokou. Le plus impressionnant reste le pangolin<br />
géant (0,8%), dont <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> est très prisée <strong>de</strong>s consommateurs. De plus sa taille lui permet d’être<br />
dans <strong>la</strong> catégorie <strong>de</strong>s gros gibiers rentables que les chasseurs <strong>recherche</strong>nt. L’équivalent du<br />
Pangolin géant en termes <strong>de</strong> rentabilité est l’Oryctérope. Mais cet animal mythique possé<strong>de</strong>rait<br />
<strong>de</strong>s vertus si maléfiques qu’il ne fait pas bon le présenter tel quel en vente sur le marché (voir<br />
Chapitre VIII). Pourtant, sa chair serait très appréciée <strong>de</strong>s connaisseurs. La vian<strong>de</strong> d’Oryctérope<br />
serait souvent présentée aux clients par certaines commerçantes comme étant du Pangolin géant.<br />
- Les Oiseaux : Contrairement à ce que pourraient montrer les chiffres du tableau ci-<br />
<strong>de</strong>ssus, il s’agit <strong>de</strong> gibiers très recherchés par les consommateurs Ogivins mais que les<br />
commerçantes ont du mal à se procurer. En vérité, il s’agit <strong>de</strong> gibiers que les chasseurs apprécient<br />
eux-mêmes et donc qu’ils gar<strong>de</strong>nt pour leur propre consommation. Néanmoins, nous avons pu<br />
i<strong>de</strong>ntifier 3 espèces lors <strong>de</strong> nos enquêtes. Le grand Ca<strong>la</strong>o à casque noir, gibier <strong>de</strong> taille notable<br />
- 237 -
dans ce groupe, a été recensé à 8 reprises <strong>de</strong>vant le Pigeon vert et l’Aigle pêcheur. Cependant, il<br />
ne serait pas l’oiseau le plus apprécié <strong>de</strong>s clients. La première p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s oiseaux les plus<br />
consommés serait tenue par <strong>la</strong> pinta<strong>de</strong> forestière (Numida spp.), oiseau pourtant non observé au<br />
marché durant notre enquête mais que plusieurs chasseurs affirment capturer régulièrement au<br />
piège ou au fusil.<br />
III.4. Les animaux les moins vendus sur le marché<br />
Certains gibiers sont peu ou presque pas vendus sur le marché <strong>de</strong> Makokou. Quatre<br />
raisons principales sont évoquées par les commerçantes à savoir :<br />
- les gibiers généralement non consommés par les clients sont peu rentables pour le<br />
commerce (54%) ;<br />
- le risque <strong>de</strong> contracter <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies (21%) ;<br />
- les interdits totémiques (14%) ;<br />
- enfin, <strong>la</strong> crainte <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi (11%).<br />
Deux espèces animales (l’Éléphant et le Céphalophe à ventre b<strong>la</strong>nc) et 3 groupes <strong>de</strong><br />
gibiers (les Serpents, les grands Singes et les animaux tachetés) constituent les gibiers peu ou pas<br />
vendus sur le marché Afane. L’Eléphant serait peu vendu sur le marché <strong>de</strong> Makokou, plus par le<br />
fait qu’il soit moins rentable pour le commerce (2/4) que par crainte <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi (1/4) ou par interdit<br />
totémique (1/4). Le Céphalophe à ventre b<strong>la</strong>nc est réputé pour transmettre à celui qui le touche ou<br />
qui le mange l’épilepsie. Ce serait pour cette raison qu’il est un gibier non consommé et donc non<br />
rentable au commerce. Les grands Singes (Gorille et Chimpanzés) seraient peu vendus autant par<br />
crainte <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi (1/5) que par les restrictions totémiques (1/5). Mais c’est plutôt le fait qu’ils<br />
soient moins rentables pour le commerce (3/5) du fait qu’ils n’intéressent qu’une clientèle<br />
particulière et peu nombreuse, qu’ils seraient peu vendus. Les Serpents, eux, auraient moins <strong>de</strong><br />
succès du fait <strong>de</strong> leur caractère mythique et dangereux comme les animaux tachetés qui sont<br />
moins rentables pour le commerce et présentent <strong>de</strong> nombreux interdits c<strong>la</strong>niques.<br />
III.5. Les prix<br />
Vingt cinq pour cent <strong>de</strong>s commerçantes fournissent les chasseurs en armes, munitions,<br />
torches, piles et ampoules pour <strong>la</strong> chasse, créant ainsi un lien socioéconomique puissant. Mais<br />
malgré ce<strong>la</strong>, c’est le chasseur qui, souvent après négociation, fixe le prix du gibier. Ce <strong>de</strong>rnier est<br />
déterminé en fonction <strong>de</strong> l’espèce animale (à 86%, les gibiers les plus sollicités par les<br />
- 238 -
commerçantes seront plus chers, le prix étant fixé au kilogramme), <strong>de</strong> sa taille et sa grosseur (à<br />
86%, entre <strong>de</strong>ux gibiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> même espèce, le plus gros sera le plus cher) et <strong>de</strong> <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong><br />
conservation du gibier (un gibier frais se vendra plus cher qu’un gibier <strong>de</strong> <strong>la</strong> même espèce <strong>de</strong><br />
moindre fraîcheur).<br />
Les commerçantes à l’éta<strong>la</strong>ge ven<strong>de</strong>nt leur gibier <strong>de</strong> 2 façons distinctes : soit l’animal est<br />
vendu en entier (41%), soit il est découpé en petits morceaux <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> (59%). Ces morceaux<br />
(entre 3 et 5 morceaux selon leur taille) sont vendus en tas <strong>de</strong> 500 FCFA à 1.000 FCFA selon<br />
l’espèce animale (Tableau 23). Le prix <strong>de</strong> vente d’un animal en entier sera plus flexible et<br />
négociable que le prix <strong>de</strong> vente du même animal en tas. La vente en tas est <strong>de</strong>ux fois plus rentable<br />
que <strong>la</strong> vente en entier. Mais ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vente n’est intéressant que pour les animaux <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> et<br />
<strong>de</strong> taille moyenne (<strong>de</strong> l’Éléphant au Céphalophe bleu en passant par les Singes <strong>de</strong> taille moyenne<br />
et les Reptiles). Les petits singes (le Moustac, le Hocheur et <strong>la</strong> Mone), les gros Rongeurs, et les<br />
petits et moyens Carnivores sont préférentiellement vendus en entier. Le Potamochère, le<br />
Pangolin géant, le Crocodile nain, le Faux Gavial, le Silure géant et le Python, sont <strong>de</strong>s gibiers<br />
qui se ven<strong>de</strong>nt à 1000 FCFA le tas, contrairement aux autres dont le tas est vendu à 500 FCFA.<br />
On note également une légère variation <strong>de</strong>s prix du gibier en fonction <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s du<br />
mois et en fonction <strong>de</strong>s saisons. Ainsi, les commerçantes (à 39%) auraient tendance à augmenter<br />
le prix <strong>de</strong> leur produit, <strong>de</strong> 500 FCFA (pour les petits gibiers) à 5.000 FCFA selon les gibiers,<br />
chaque fin <strong>de</strong> mois (entre le 25 et le 5 du mois d’après). C’est <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> idéale pour augmenter le<br />
chiffre d’affaires car les clients viennent <strong>de</strong> recevoir leur sa<strong>la</strong>ire. Cette tendance serait également<br />
observée dans une moindre mesure chaque quinzaine <strong>de</strong> mois moment où certains employés<br />
toucheraient une partie <strong>de</strong> leur sa<strong>la</strong>ire. Les fonctionnaires qui ont <strong>de</strong>s revenus stables, sont les<br />
clients <strong>de</strong> choix pour les ven<strong>de</strong>uses <strong>de</strong> gibier.<br />
Les prix varient également en fonction <strong>de</strong>s saisons. Ainsi, entre juin et septembre où le<br />
gibier se fait rare sur le marché, les prix sont nettement plus élevés (on observe une augmentation<br />
<strong>de</strong> 1.000 pour les petits gibiers à 10.000 FCFA pour les grands gibiers) qu’en saison <strong>de</strong>s pluies où<br />
le gibier est plus abondant. En fait, en saison sèche, non seulement les chasseurs ont moins <strong>de</strong><br />
temps pour pratiquer <strong>la</strong> chasse (<strong>la</strong> plupart sont occupés à débrousser <strong>de</strong> nouvelles p<strong>la</strong>ntations),<br />
mais aussi le gibier, plus difficile à chasser en cette pério<strong>de</strong>, est plus <strong>de</strong>stiné à l’organisation <strong>de</strong>s<br />
cérémonies (circoncision, retrait <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil, mariage coutumier, naissances…) qu’à <strong>la</strong> vente. Les<br />
commerçantes en cette saison sont plus mobiles et vont-elles mêmes dans les vil<strong>la</strong>ges passer les<br />
comman<strong>de</strong>s.<br />
- 239 -
Tableau 23: Répartition <strong>de</strong>s poids moyens et <strong>de</strong>s prix moyens à l’achat chez le chasseur <strong>de</strong>s 17 gibiers les plus vendus au marché <strong>de</strong> Makokou.<br />
Nbr<br />
Poids moyen Prix moyen animal Prix moyen au kg<br />
Nom scientifique Nom Commun Co<strong>de</strong> Effectifs N=5061 (kg)<br />
entier (Fcfa)<br />
(Fcfa)<br />
1 Atherurus africanus Athérure/porc-épic ataf 289 2,1 3000 1500<br />
2 Cephalophus callipygus Céphalophe <strong>de</strong> Peters ceca 733 17,0 10000 600<br />
3 Cephalophus dorsalis Céphalophe bai cedo 721 16,7 10000 600<br />
4 Cephalophus montico<strong>la</strong> Céphalophe bleu cemo 1769 3,2 3000 1000<br />
5 Cephalophus nigrifrons Céphalophe à front cenig 84<br />
noir<br />
11,9 8000 700<br />
6 Cercopithecus cephus Moustac cece 31 2,4 2500 1000<br />
7 Cercopithecus nictitans Hocheur ceni 110 4,2 3000 700<br />
8 Hyemoschus aquaticus Chevrotain aquatique hyaq 113 9,3 7000 800<br />
9 Lophocebus albigena Mangabey à joues<br />
loal 12<br />
grises<br />
4,8 3500 700<br />
10 Mandrillus sphinx Mandrill masp 81 25,0 15000 600<br />
11 Nandinia binotata Nandinie nabi 15 2,3 2000 1000<br />
12 Osteo<strong>la</strong>emust tetraspis Crocodile nain croco 60 8,9 7000 800<br />
13 Phataginus tricuspis Pangolin commun matr 41 2,0 2000 1100<br />
13 Potamochoerus albifrons Potamochère popo 855 55,0 30000 550<br />
14 Smutsia gigantea Pangolin géant magi 37 53,0 25000 500<br />
15 Thryonomys swin<strong>de</strong>rianus Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> au<strong>la</strong>c 19 4,6 3000 650<br />
16 Trage<strong>la</strong>phus spekei Sitatunga ou Guib trsp<br />
35,0<br />
d'eau<br />
17 Uromanis tetradacty<strong>la</strong> Pangolin à longue<br />
queue<br />
77<br />
matet 14<br />
25000 500<br />
2,0 2000 1000<br />
- 240 -
III.6. Provenance du gibier<br />
Il existe au moins cinq principaux axes <strong>de</strong> pénétration du gibier à Makokou comme<br />
l’indique <strong>la</strong> Figure 18 ci-<strong>de</strong>ssous. Il s’agit du fleuve Ivindo (amont et aval <strong>de</strong> Makokou) et les<br />
principales routes (Nationale 4 (N4) et <strong>la</strong> Régionale 15 (R15)) qui mènent à Makokou.<br />
- L’axe <strong>de</strong> provenance Makokou-Ovan : Quarante et un pour cent du gibier qui arrive au<br />
marché <strong>de</strong> Makokou provient <strong>de</strong> cet axe. Il s’agit d’une partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> N4 qui va <strong>de</strong> Makokou à<br />
Ndjolé puis <strong>de</strong> Ndjolé vers Libreville. C’est donc une route très fréquentée par les taxis brousses<br />
et autres véhicules qui transportent <strong>de</strong>s clients et <strong>de</strong> <strong>la</strong> marchandise entre Libreville et Makokou.<br />
Cet axe routier mène également à <strong>la</strong> ville d’Oyem, pôle agricole du pays qui entretient <strong>de</strong><br />
nombreux échanges commerciaux avec Makokou. Il y a 15 vil<strong>la</strong>ges d’agriculteurs-chasseurs<br />
entre Makokou, <strong>la</strong> capitale provinciale (9667 habitants) et <strong>la</strong> petite ville d’Ovan (972 habitants),<br />
distante <strong>de</strong> 100 km. Ce qui donne 15 possibilités <strong>de</strong> trouver du gibier en vente sur cette route<br />
entre les <strong>de</strong>ux localités. Le gibier part d’Ovan vers Makokou même si par <strong>la</strong> suite, il repassera par<br />
Ovan lorsqu’il sera exporté vers les villes <strong>de</strong> Boué et Libreville. Soixante quinze pour cent <strong>de</strong>s<br />
crocodiles nains présents sur le marché <strong>de</strong> Makokou proviennent du vil<strong>la</strong>ge Adoué sur cet axe<br />
routier. Abondants dans <strong>la</strong> région, les chasseurs armés d’harpons ou d’une simple machette, les<br />
chassent <strong>de</strong> nuit à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>mpes frontales. En fonction <strong>de</strong>s comman<strong>de</strong>s, le chasseur va les<br />
capturer vivant tout simplement en les attrapant à main nue ou à l’ai<strong>de</strong> d’un <strong>la</strong>sso coulissant fixé<br />
à l’extrémité d’une branche. L’animal capturé est attaché les membres <strong>de</strong>rrière le dos et peut ainsi<br />
attendre une semaine avant d’être récupéré par les commerçantes puis exposé en pleine léthargie<br />
en vente au marché.<br />
- L’axe <strong>de</strong> provenance Makokou-Okondja : Cet axe est <strong>de</strong> loin le plus giboyeux mais l’état<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> route et le manque <strong>de</strong> transport en commun fait que le gibier arrive re<strong>la</strong>tivement peu sur<br />
Makokou (32%). La forêt <strong>de</strong> cette partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> région était il y a peu <strong>de</strong> temps, avant l’arrivée <strong>de</strong>s<br />
exploitants forestiers (en 2002), l’une <strong>de</strong>s plus intactes du pays. Les vil<strong>la</strong>geois voyaient très peu<br />
d’étrangers et les véhicules étaient rares (en moyenne 2 fois par semaine). C’est le domaine <strong>de</strong>s<br />
Shamaye, habiles chasseurs, les seuls à encore utiliser dans <strong>la</strong> région <strong>la</strong> chasse au filet pourtant<br />
prohibée par <strong>la</strong> loi. Les prix payés aux chasseurs sont re<strong>la</strong>tivement bas sur cet axe. Après<br />
Bakouaka (180 km <strong>de</strong> Makokou) par exemple, un Céphalophe bleu coûtera en moyenne<br />
1.000 FCFA, un Céphalophe moyen 7.000 FCFA et un Potamochère adulte 15.000 FCFA.<br />
- 241 -
Figure 18 : Principaux axes <strong>de</strong> pénétration du gibier à Makokou.<br />
Zone <strong>de</strong> chasse du Crocodile nain<br />
Ovan,<br />
41%<br />
Loaloa,<br />
4%<br />
- L’axe <strong>de</strong> provenance Makokou-Mékambo : C’est un axe assez fréquenté par les<br />
automobilistes mais le gibier se fait rare (10%). Il faut aller après le vil<strong>la</strong>ge Batoua<strong>la</strong> (à 100 km<br />
<strong>de</strong> Makokou) pour espérer voir du gibier exposé à <strong>la</strong> vente sur <strong>la</strong> route. Mais les clients qui<br />
achètent ce gibier sont plus proches <strong>de</strong> Mékambo, où <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> existe, que <strong>de</strong> Makokou. Le<br />
gibier qui arrive sur Mékambo (2.771 habitants) <strong>de</strong> Mazingo ou d’Ekata/Malouma est<br />
préférentiellement consommé sur p<strong>la</strong>ce. Ce qui signifie que le gibier qui arrive à Makokou par<br />
cet axe routier, proviendrait plutôt <strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong> Bélinga encore giboyeuses. En effet, juste après<br />
<strong>la</strong> réouverture <strong>de</strong> <strong>la</strong> route Bélinga-Mvadhy en janvier 2003, nous avons enregistré du gibier qui<br />
provenait <strong>de</strong> ce nouvel axe, ce qui montre à suffisance que <strong>la</strong> route est bien un moteur<br />
d’expansion <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. C’est aussi va<strong>la</strong>ble pour toutes les nombreuses voies <strong>de</strong> pénétration<br />
en forêt ouvertes par les forestiers.<br />
Zoatab,<br />
13%<br />
Okondja,<br />
32%<br />
Mékambo,<br />
10%<br />
- 242 -
- L’axe <strong>de</strong> provenance Makokou-haut Ivindo : Il s’agit d’une <strong>de</strong>s plus ancienne voies<br />
d’accès à Makokou. Elle a été à l’origine <strong>de</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s migrations vers Makokou. De<br />
nombreux échanges commerciaux se font entre Makokou et les vil<strong>la</strong>ges Kwélé (8 vil<strong>la</strong>ges au<br />
total) situés tout le long <strong>de</strong> l’Ivindo, <strong>de</strong> Makokou à Mvadhy (voir à l’Ayina au sud Cameroun).<br />
Cet axe est régulièrement emprunté par les orpailleurs et autres commerçants ambu<strong>la</strong>nts <strong>de</strong><br />
Minkébé. Le gibier qui arrive par cet axe, provient <strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong> Minkébé, facilement<br />
pénétrables par les rivières Oua, Sing et Nouna. Les forêts <strong>de</strong> <strong>la</strong> Oua sont <strong>de</strong>s zones privilégiées<br />
pour <strong>la</strong> chasse au Potamochère, re<strong>la</strong>tivement abondant dans le secteur. De plus, <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>s<br />
chasseurs pygmées dans ces forêts <strong>la</strong>isse entrevoir peu <strong>de</strong> chance au gibier. L’avantage <strong>de</strong> ces<br />
forêts rési<strong>de</strong> dans le fait qu’elles sont bien drainées en rivières, ce qui facilite le transport <strong>de</strong><br />
gros gibiers en pirogue vers Makokou. Treize pour cent du gibier qui arrive à Makokou<br />
provient <strong>de</strong> cet axe.<br />
- L’axe <strong>de</strong> provenance Makokou-bas Ivindo : Ce territoire est le patrimoine <strong>de</strong>s Kota<br />
d’Epassengue, Mbolo et <strong>de</strong> Loaloa. Ils s’adonnent à <strong>la</strong> chasse entre Makokou et les chutes <strong>de</strong><br />
Kongou (34 km <strong>de</strong> navigation). Selon nos enquêtes, 4% du gibier qui arrive au marché <strong>de</strong><br />
Makokou proviendrait <strong>de</strong> cet axe. Mais ce chiffre est loin <strong>de</strong> <strong>la</strong> réalité car <strong>de</strong> nombreux clients<br />
non commerçants atten<strong>de</strong>nt au débarcadère <strong>de</strong> Loaloa, tout comme celui <strong>de</strong> Zoatab et le pont <strong>de</strong><br />
l’Ivindo, qui sont les marchés parallèles <strong>de</strong> Makokou les plus importants, pour acheter du<br />
gibier. Cette production ne transite pas par le marché du quartier central, ce qui fait que nous<br />
avons estimé ce circuit <strong>de</strong> vente direct à environ 30% <strong>de</strong> l’ensemble du gibier qui arriverait sur<br />
Makokou.<br />
III.7. Exportation vers d’autres centres urbains<br />
Nous estimons à 10% <strong>la</strong> part du gibier qui partirait <strong>de</strong> Makokou pour Libreville (Figure<br />
19). Au cours <strong>de</strong> notre enquête <strong>de</strong> marché, nous avons i<strong>de</strong>ntifié <strong>de</strong>ux commerçantes <strong>de</strong> vian<strong>de</strong><br />
<strong>de</strong> brousse originaires <strong>de</strong> Makokou qui exercent à Libreville. D’origine fang, ces commerçantes<br />
venaient régulièrement (en moyenne une fois par mois) s’approvisionner en gibier à Makokou<br />
pour le vendre à <strong>la</strong> capitale. À chaque dép<strong>la</strong>cement vers Libreville, <strong>la</strong> marchandise achetée et<br />
stockée dans différents congé<strong>la</strong>teurs du quartier central <strong>de</strong> Makokou où elles rési<strong>de</strong>nt,<br />
représentait entre 15 et 20 sacs <strong>de</strong> 50 à 100 kg, l’équivalent <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux pick-up 4x4 remplis, pour<br />
une valeur estimée entre 1 et 2 millions <strong>de</strong> FCFA. Les véhicules <strong>de</strong> transport pouvaient être<br />
n’importe lequel pourvu qu’ils aient <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce pour <strong>la</strong> marchandise. Le gibier congelé au<br />
- 243 -
départ, <strong>de</strong>vait supporter les 580 km qui séparent Makokou <strong>de</strong> <strong>la</strong> capitale et être recongelé au<br />
plus vite dès l’arrivée. À Libreville, ces commerçantes exposent leur marchandise l’une au<br />
marché d’Akébé et l’autre au feu rouge <strong>de</strong> IAI (Quartier <strong>de</strong> Libreville). Mais elles écoulent le<br />
plus souvent leur produit par le système <strong>de</strong> crédit. Le principe est <strong>de</strong> donner du gibier au<br />
potentiel client, généralement en milieu du mois, pério<strong>de</strong> où les familles ont le moins d’argent<br />
et attendre <strong>la</strong> fin du mois pour être payer. Ce système, basé sur <strong>la</strong> confiance présente plusieurs<br />
risques et <strong>de</strong> nombreuses commerçantes ont été ruinées par <strong>de</strong>s clients peu scrupuleux et non<br />
solvables.<br />
III.8. Légis<strong>la</strong>tion et commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
Il y a légèrement plus <strong>de</strong> commerçantes qui préten<strong>de</strong>nt connaître <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion sur <strong>la</strong><br />
faune sauvage que celles affirmant l'ignorer. Cependant, toutes connaissent les pério<strong>de</strong>s<br />
d’ouverture et <strong>de</strong> fermeture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et reconnaissent l’existence d’animaux protégés par <strong>la</strong><br />
loi. Dix espèces animales sont, selon elles, protégées par <strong>la</strong> loi. Il s’agit, <strong>de</strong> l’espèce <strong>la</strong> plus<br />
citée à <strong>la</strong> moins citée, le Chevrotain aquatique, le Pangolin géant, le Potamochère, l’Eléphant,<br />
le Mandrill, le Gorille, le Buffle, <strong>la</strong> Panthère, les Crocodiles et le Guib d’eau. Mais ce<strong>la</strong> ne les<br />
empêche pas d’en vendre à toute pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’année. Aucune d’entres elles n’aurait entendu<br />
parler d’une légis<strong>la</strong>tion spécifique au commerce d’animaux sauvages, ce qui leur éviterait <strong>de</strong><br />
penser que leurs activités sont illégales. Pourtant, <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion gabonaise autorise le commerce<br />
<strong>de</strong> gibier en <strong>de</strong>hors du domaine d’usage coutumier, notamment à travers <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong><br />
commerçantes reconnues par l’État, structures qui n’existent malheureusement pas encore à<br />
Makokou.<br />
- 244 -
Figure 19: Esquisse <strong>de</strong> trafic <strong>de</strong> gibier en Ogooué-Ivinodo<br />
Exportation <strong>de</strong> gibiers vers Libreville par<br />
voies terrestre ou par train via Boué (10%)<br />
Ovan<br />
Aval <strong>de</strong><br />
l’Ivindo,<br />
4%<br />
41%<br />
MAKOKOU<br />
Amont <strong>de</strong><br />
l’Ivindo, 13%<br />
32%<br />
10%<br />
Bélinga<br />
Makébé-Bakouaka<br />
sur <strong>la</strong> Route<br />
d’Okondja<br />
Mvadhy<br />
Batoua<strong>la</strong><br />
Malouma<br />
Mékambo<br />
Mazingo<br />
Ekata<br />
- 245 -
Section IV - L’apport du commerce du gibier dans les revenus domestiques<br />
IV.1. La p<strong>la</strong>ce du commerce du gibier dans les revenus <strong>de</strong>s commerçantes<br />
Plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié (54%) <strong>de</strong>s femmes du marché <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse <strong>de</strong> Makokou<br />
exercent en partie une autre activité <strong>de</strong> commerce telle que <strong>la</strong> vente <strong>de</strong> boisson, <strong>de</strong> poissons<br />
fumés, <strong>de</strong> légumes et autres. Mais parmi toutes ces activités, le commerce <strong>de</strong> gibier reste leur<br />
activité principale et donc <strong>la</strong> plus importante dans l’apport financier domestique. Selon les<br />
commerçantes, cet apport financier du commerce <strong>de</strong> gibier peut représenter entre 60% et 100%<br />
<strong>de</strong>s revenus du foyer dans <strong>la</strong> mesure où <strong>la</strong> majorité d’entre elles sont célibataires. Il s’agit <strong>de</strong><br />
revenus qui sont réguliers tant que l’activité est suivie.<br />
Les Tableaux 24, 25 et 26 suivants estiment les dépenses et les gains liés à l’activité<br />
<strong>de</strong>s 13 commerçantes du marché Afane suivies durant l’étu<strong>de</strong>, sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong>s 19 gibiers les plus<br />
vendus et dont nous avons pu avoir les prix moyens.<br />
Tableau 24 : Estimation <strong>de</strong>s investissements financiers à l’achat du gibier au chasseur.<br />
Prix moyen d’achat du gibier entier Prix total achat<br />
N° Co<strong>de</strong> espèce Effectif total au chasseur (FCFA)<br />
(FCFA)<br />
1 cemo 1769 3 000 5 307 000<br />
2 ceca 733 10 000 7 330 000<br />
3 cedo 721 10 000 7 210 000<br />
4 cenig 84 8 000 672 000<br />
5 hyaq 113 7 000 791 000<br />
6 trsp 77 25 000 1 925 000<br />
7 popo 855 30 000 25 650 000<br />
8 cece 31 2 500 77 500<br />
9 ceni 110 3 000 330 000<br />
10 loal 12 3 500 42 000<br />
11 masp 81 15 000 1 215 000<br />
12 magi 37 25 000 925 000<br />
13 matet 14 2 000 28 000<br />
14 matr 41 2 000 82 000<br />
15 croco 60 7 000 420 000<br />
16 ataf 289 3 000 867 000<br />
17 au<strong>la</strong>c 19 3 000 57 000<br />
18 nabi 15 2 000 30 000<br />
19 silure 144 25 000 3 600 000<br />
Total 5205 56 558 500<br />
- 246 -
Tableau 25 : Evaluation <strong>de</strong>s sommes totales <strong>de</strong>s ventes si le gibier a été préférentiellement<br />
vendu en entier<br />
N° Co<strong>de</strong> espèce Effectif total<br />
Prix moyen vente<br />
gibier en entier Total <strong>de</strong>s ventes<br />
1 cemo 1 769 5 000 8 845 000<br />
2 ceca 733 12 000 8 796 000<br />
3 cedo 721 14 000 10 094 000<br />
4 cenig 84 12 000 1 008 000<br />
5 hyaq 113 9 000 1 017 000<br />
6 trsp 77 35 000 2 695 000<br />
7 popo 855 45 000 38 475 000<br />
8 cece 31 5 000 155 000<br />
9 ceni 110 6 000 660 000<br />
10 loal 12 7 000 84 000<br />
11 masp 81 25 000 2 025 000<br />
12 magi 37 40 000 1 480 000<br />
13 matet 14 3 000 42 000<br />
14 matr 41 3 000 123 000<br />
15 croco 60 10 000 600 000<br />
16 ataf 289 5 000 1 445 000<br />
17 au<strong>la</strong>c 19 5 000 95 000<br />
18 nabi 15 3 500 52 500<br />
19 silure 144 40 000 5 760 000<br />
Total 5 205 83 451 500<br />
Selon le Tableau 24 ci <strong>de</strong>ssus, les commerçantes auraient dépensé pour l’achat <strong>de</strong> leur<br />
marchandise au moins Cinquante six millions cinq cent cinquante huit mille cinq cents FCFA<br />
(56.558.500 FCFA) en 12 mois. Si l’on rapporte ce chiffre aux 13 commerçantes, chacune<br />
aurait investi Quatre millions trois cent cinquante mille six cent cinquante quatre FCFA<br />
(4.350.654 FCFA) par an soit Trois cent soixante <strong>de</strong>ux mille cinq cent cinquante cinq FCFA<br />
(362.555 FCFA soit environ 553 euros) par mois.<br />
Sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong>s 5205 gibiers vendus en entier aux prix moyens présentés dans le tableau<br />
ci-<strong>de</strong>ssous, nos 13 commerçantes se seraient partagées en une année, un bénéfice <strong>de</strong> Vingt six<br />
millions huit cent quatre treize mille FCFA (83.451.500 – 56.558.500 = 26.893.000 FCFA) soit<br />
un revenu mensuel par commerçante <strong>de</strong> Cent soixante douze mille quatre cents FCFA<br />
((26.893.000/13 commerçantes)/12 mois = 172.400 FCFA environ 263 euros). L’évaluation <strong>de</strong>s<br />
frais comme ceux liés au transport est plus difficile à estimer car ils sont moins réguliers. Mais<br />
les commerçantes s’organisent pour les minimiser au maximum.<br />
Nous avons vu dans les paragraphes précé<strong>de</strong>nts que le gibier pouvait être vendu soit en<br />
entier, soit découpé en petits morceaux et vendu en tas ou encore découpés en quartiers vendus<br />
séparément. Ces parties sont généralement <strong>la</strong> tête et le cou, les viscères, les gigots et le reste.<br />
- 247 -
Les bénéfices tirés <strong>de</strong> ces mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ventes varient selon l’espèce, <strong>la</strong> taille du gibier et <strong>la</strong> qualité<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>. Ces bénéfices seraient plus importants que <strong>la</strong> vente du gibier en entier (Tableau<br />
26).<br />
Tableau 26 : Evaluation du montant total <strong>de</strong>s ventes si le mo<strong>de</strong> gibier découpé et vendu en tas<br />
a été privilégié par les commerçantes<br />
N° Co<strong>de</strong> espèce Effectif total<br />
Prix moyen vente <strong>de</strong> gibier<br />
découpé (Fcfa)<br />
Prix total vente gibier découpé<br />
(Fcfa)<br />
1 cemo 1 769 7 500 13 267 500<br />
2 ceca 733 19 500 14 293 500<br />
3 cedo 721 20 000 14 420 000<br />
4 cenig 84 17 500 1 470 000<br />
5 hyaq 113 11 500 1 299 500<br />
6 trsp 77 47 000 3 619 000<br />
7 popo 855 70 500 60 277 500<br />
8 cece 31 5 000 155 000<br />
9 ceni 110 7 000 770 000<br />
10 loal 12 12 500 150 000<br />
11 masp 81 18 500 1 498 500<br />
12 magi 37 61 000 2 257 000<br />
13 matet 14 3 000 42 000<br />
14 matr 41 3 000 123 000<br />
15 croco 60 15 000 900 000<br />
16 ataf 289 5 000 1 445 000<br />
17 au<strong>la</strong>c 19 5 000 95 000<br />
18 nabi 15 3 500 52 500<br />
19 silure 144 47 000 6 768 000<br />
Total 5 205 122 903 000<br />
Si l’on considère que le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> gibier découpé a été privilégié par les<br />
commerçantes du marché Afane, ces <strong>de</strong>rnières, en une année, se seraient partagées un bénéfice<br />
<strong>de</strong> Soixante six millions trois cent quarante quatre mille cinq cents FCFA (122.903.000 -<br />
56.558.500 = 66.344.500 FCFA) soit un revenu mensuel par commerçante <strong>de</strong> Quatre cent vingt<br />
<strong>de</strong>ux milles <strong>de</strong>ux cent quatre vingt cinq FCFA ((66.344.500 FCFA /13 commerçantes)/12 =<br />
425.285 FCFA soit environ 684 euros). Le Tableau 27 ci-<strong>de</strong>ssous compare les prix <strong>de</strong> vente en<br />
entier, découpé en partie et découpé en petits morceaux <strong>de</strong>s gibiers les plus vendus sur le<br />
marché <strong>de</strong> Makokou et <strong>la</strong> Figure 20 donne les proportions <strong>de</strong>s gibiers les plus rentables du<br />
commerce à l’éta<strong>la</strong>ge. Nous émettons toutefois <strong>de</strong>s réserves sur ces chiffres qui sont purement<br />
indicatifs et <strong>de</strong>vront être pris en compte comme tels.<br />
- 248 -
Tableau 27 : Comparaison <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong> vente en entier, découpé en partie et découpé en petit morceau <strong>de</strong>s gibier les plus vendus sur le marché <strong>de</strong><br />
Makokou<br />
Prix moyen<br />
achat gibier<br />
Prix moyen<br />
vente gibier<br />
Prix moyen<br />
vente <strong>de</strong><br />
gigot avant<br />
Prix moyen<br />
vente <strong>de</strong><br />
gigot arrière<br />
Nbre <strong>de</strong> tas<br />
obtenus sur 1<br />
gigot avant<br />
découpé<br />
Nbre <strong>de</strong> tas<br />
obtenus sur 1<br />
gigot arrière<br />
découpé<br />
Nbre <strong>de</strong> tas sur<br />
les autres parties<br />
<strong>de</strong> l’animal<br />
découpé<br />
Total tas<br />
sur un<br />
gibier Prix/tas<br />
Co<strong>de</strong><br />
Prix Total vente<br />
espèce en entier en entier entier en entier<br />
entrailles découpé<br />
cemo 3 000 5 000 - - - - - - 500 - - 7 500<br />
ceca 10 000 12 000 2 500 3 000 7 9 3 35 500 1 000 1 000 19 500<br />
cedo 10 000 14 000 2 500 3 000 7 9 4 36 500 1 000 1 000 20 000<br />
cenig 8 000 12 000 2 500 3 000 6 8 3 31 500 1 000 1 000 17 500<br />
hyaq 7 000 9 000 1 500 2 500 4 6 3 23 500 - - 11 500<br />
trsp 25 000 35 000 8 000 11 000 16 20 11 83 500 2 500 3 000 47 000<br />
popo 30 000 45 000 10 000 12 000 12 16 9 65 1 000 3 500 2 000 70 500<br />
cece 2 500 5 000 - - - 3 4 10 500 - - 5 000<br />
ceni 3 000 6 000 - - 2 3 4 14 500 - - 7 000<br />
loal 3 500 7 000 1 000 1 000 4 5 7 25 500 - - 12 500<br />
masp 15 000 25 000 2 000 2 000 7 7 9 37 500 - - 18 500<br />
magi 25 000 40 000 8 10 25 61 1 000 - - 61 000<br />
matet 2 000 3 000 - - - - - - - - - -<br />
matr 2 000 3 000 - - - - - - - - - -<br />
croco 7 000 10 000 - - - - - 14 1 000 1 000 - 15 000<br />
ataf 3 000 5 000 - - - - - - - - - -<br />
au<strong>la</strong>c 3 000 5 000 - - - - - - - - - -<br />
nabi 2 000 3 500 - - - - - - - - - -<br />
silure 25 000 40 000 - - - - - 44 1 000 3 000 - 47 000<br />
Le total <strong>de</strong>s morceaux <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>s vendus en tas a été calculé sur <strong>la</strong> base du suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> commercialisation <strong>de</strong> 12 espèces gibiers réparties comme<br />
suit : 14 gigots <strong>de</strong> ceca découpés et 2 ceca entiers découpés ; 14 cemo découpés, 22 gigots <strong>de</strong> popo découpés et 10 gigots vendus en entier ; 1 cenig<br />
découpé ; 2 croco découpés ; 4 hyaq découpés ; 2 silures géants découpés ; 3 ceni découpés ; 6 gigots <strong>de</strong> masp découpés et 3 gigots vendus en entier ;<br />
6 gigots <strong>de</strong> cedo découpés, 1 cedo découpé en entier et 2 gigots vendus en entier ; 2 gigots <strong>de</strong> trsp découpés et 4 gigots vendus en entier, et 2 gigots <strong>de</strong><br />
magi découpés.<br />
Prix<br />
tête+<br />
cou<br />
- 249 -
Figure 20 : Les gibiers les plus rentables du commerce à l’éta<strong>la</strong>ge.<br />
silure<br />
7%<br />
popo<br />
46%<br />
autres<br />
13%<br />
cemo<br />
11%<br />
ceca<br />
11%<br />
cedo<br />
12%<br />
Au vu <strong>de</strong>s analyses précé<strong>de</strong>ntes, nous estimons que le revenu moyen mensuel net<br />
d’une commerçante <strong>de</strong> gibier à l’éta<strong>la</strong>ge du marché Afane est compris entre 172.400 FCFA et<br />
425.285 FCFA. Ce qui s'échelonnerait selon <strong>la</strong> grille sa<strong>la</strong>riale gabonaise entre le sa<strong>la</strong>ire net<br />
d’un fonctionnaire <strong>de</strong> catégorie B2 et celui d’un fonctionnaire <strong>de</strong> catégorie A1 prime <strong>de</strong><br />
logement et <strong>de</strong> transport compris. En effet, un fonctionnaire gabonais <strong>de</strong> catégorie A1 (bac +<br />
5 minimum) à une base sa<strong>la</strong>riale <strong>de</strong> 220.000 FCFA dès son recrutement. Cette base évolue<br />
tous les 2 à 5 ans d’environ 20.000 Fcfa. À cette somme sont ajoutés les primes <strong>de</strong> logement<br />
(200.000 FCFA) et les primes <strong>de</strong> transport (17.000 FCFA) ce qui ramène le sa<strong>la</strong>ire net à payer<br />
<strong>de</strong> ce fonctionnaire à environ 440.000 FCFA. Neuf <strong>de</strong>s treize commerçantes à l’éta<strong>la</strong>ge<br />
affirment avoir construit leur maison et <strong>de</strong>puis toujours élevé leurs enfants avec les revenus<br />
tirés <strong>de</strong> cette activité.<br />
IV.2. La p<strong>la</strong>ce du Potamochère dans les revenus <strong>de</strong>s commerçantes.<br />
Nous l’avons vu dans les paragraphes précé<strong>de</strong>nts, le Potamochère avec 16,5% <strong>de</strong><br />
l’ensemble <strong>de</strong>s gibiers observés, est <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième espèce gibier <strong>la</strong> plus vendue sur le marché <strong>de</strong><br />
Makokou après le Céphalophe bleu. Sa masse corporelle (poids moyen 55 kg), son prix élevé<br />
- 250 -
au tas (1000 FCFA /tas contre 550 FCFA /kg) et <strong>la</strong> forte <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong>s consommateurs font <strong>de</strong><br />
cet animal le gibier le plus rentable du commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Soixante douze pour<br />
cent <strong>de</strong>s commerçantes déc<strong>la</strong>rent faire leur meilleur chiffre d’affaires en vendant uniquement<br />
du Potamochère, ce qui fait <strong>de</strong> ce gibier l’un <strong>de</strong>s plus recherchés pour le commerce. Le<br />
Potamochère est découpé en gigots et brûlé pour enlever le poil (Photo 26 et 27). La vian<strong>de</strong><br />
est par <strong>la</strong> suite nettoyée pour une meilleure présentation. Pour <strong>la</strong> vente, les commerçantes<br />
coupent <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> en petits morceaux pour faire <strong>de</strong>s tas (un tas est formé <strong>de</strong> 4 à 6 morceaux <strong>de</strong><br />
vian<strong>de</strong>). La vian<strong>de</strong> est découpée <strong>de</strong> manière transversale <strong>de</strong> telle sorte que chaque morceau<br />
contienne un peu <strong>de</strong> couenne et du <strong>la</strong>rd, qui sont les parties les plus appréciées <strong>de</strong>s<br />
consommateurs. Un tas constitué <strong>de</strong> morceaux <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> sans couenne ni <strong>la</strong>rd serait moins<br />
apprécié <strong>de</strong>s clients. Chez le Potamochère, rien n’est <strong>la</strong>issé <strong>de</strong> côté : <strong>de</strong> <strong>la</strong> tête aux pieds, il est<br />
totalement consommé.<br />
Le Potamochère constitue à lui seul 46% <strong>de</strong>s entrées d’argent, ce qui représente entre<br />
38.475.000 FCFA et 60.277.500 FCFA selon les mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ventes. Ramené au revenu<br />
mensuel <strong>de</strong> chaque commerçante, le Potamochère rapporterait à lui seul entre 82.211 FCFA<br />
(soit 48%) et 221.971 FCFA (soit 52%) <strong>de</strong>s revenus. À ce titre ce gibier, numéro un <strong>de</strong>s<br />
ventes à Makokou, mérite une attention particulière et on peut parler à Makokou <strong>de</strong> ″filière<br />
Potamochère″. D’où l’intérêt urgent <strong>de</strong> s’intéresser <strong>de</strong> près à <strong>la</strong> ressource sur un p<strong>la</strong>n<br />
écologique pour mieux évaluer si son exploitation actuelle est viable à terme.<br />
Okouyi<br />
Photo : J.<br />
- 251 -
Photo 26 : Le poil du Potamochère est brûlé pour préparer <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> à <strong>la</strong> vente.<br />
A.Payne<br />
Photo :<br />
Photo 27 : Quartiers <strong>de</strong> Potamochères exposé à <strong>la</strong> vente au marché Afane <strong>de</strong> Makokou<br />
Section V - Spécificités liées au commerce <strong>de</strong> gibiers dans les restaurants<br />
Le pouvoir d’achat à Makokou est re<strong>la</strong>tivement bas, ce qui fait que les clients<br />
potentiels <strong>de</strong>s restaurants <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce seront les fonctionnaires et les sa<strong>la</strong>riés d’établissements<br />
privés (entreprises forestières et minières) soit environ 15% <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion Ogivine. Sur les<br />
9 restaurants proposant <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au menu, 4 revendiquent <strong>la</strong> spécialité <strong>de</strong> leur<br />
établissement à ce produit, même s’ils proposent à 20% <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ts c<strong>la</strong>ssiques autres que le<br />
gibier.<br />
Les restaurateurs s’approvisionnent en moyenne une fois par semaine, autant chez les<br />
chasseurs que chez <strong>de</strong>s reven<strong>de</strong>urs parmi lesquelles les commerçantes du marché Afane<br />
(67%), ce qui signifie que le menu proposé sur <strong>la</strong> carte dépendra <strong>la</strong>rgement <strong>de</strong> ce qu’il y aura<br />
sur le marché. Ils possè<strong>de</strong>nt tous <strong>de</strong>s congé<strong>la</strong>teurs pour stocker et conserver <strong>la</strong> marchandise.<br />
Les gibiers vendus dans les restaurants sont généralement, du plus vendu au moins vendu :<br />
l’Athérure africain, le Potamochère, <strong>la</strong> Gazelle, l’Antilope (toutes les espèces <strong>de</strong> Cépalophes<br />
- 252 -
moyens confondues), le Chevrotain aquatique, le Crocodile nain, les Pangolins (les 3 espèces)<br />
et <strong>la</strong> Nandinie. Le gibier est présenté en p<strong>la</strong>ts cuisinés <strong>de</strong> 5 façons différentes : à <strong>la</strong> sauce<br />
Odika (9 restaurants sur 9), à <strong>la</strong> sauce Tomate (7/9), à <strong>la</strong> sauce d’Arachi<strong>de</strong> (3/9), à <strong>la</strong> sauce<br />
Nyembwé (2/9) et en bouillon simple (2/9). Ces p<strong>la</strong>ts sont généralement proposés avec un<br />
complément qui peut être soit du manioc, <strong>de</strong> <strong>la</strong> banane p<strong>la</strong>ntain, du taro ou du riz.<br />
Les gibiers qui ne seraient pas proposés dans ces restaurants sont les grands singes<br />
(Gorille, Chimpanzé et Mandrill), les grands carnivores (Panthère, Chat doré, Civettes,<br />
Mangouste), les Serpents (excepté le Python) et l’Eléphant. Les Oiseaux et les petits Rongeurs<br />
tel que les Écureuils sont complètement mis <strong>de</strong> côté dans <strong>la</strong> restauration. Aucun <strong>de</strong>s 9<br />
restaurants n’en a proposé jusqu’à ce jour dans leur menu et les clients ne semblent pas non<br />
plus les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r. Ces gibiers ne seraient pas rentables pour leur commerce disent-ils tous<br />
unanimement. Les gibiers les plus rentables pour les restaurateurs <strong>de</strong> Makokou (Figure 21)<br />
sont le Potamochère, l’Athérure, les Antilopes et les Crocodiles 63 . Ils constituent l’essentiel du<br />
chiffre d’affaires <strong>de</strong>s restaurants qui revendiquent leur "spécialisation" dans ce produit, mais<br />
proposent également <strong>de</strong>s repas conventionnels (poisson, vian<strong>de</strong> d’élevage).<br />
Figure 21 : Proportion <strong>de</strong>s gibiers les plus rentables dans le commerce en restaurants.<br />
ataf<br />
9%<br />
antilopes<br />
9%<br />
croco<br />
9%<br />
63 Ici, ce terme représente autant le Crocodile nain que le Faux Gavial.<br />
popo<br />
73%<br />
- 253 -
Section VI – Le commerce <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue<br />
La restauration <strong>de</strong> rue est une activité en pleine expansion à Makokou. Cette activité,<br />
comme l’a décrite Diouf (1981) 64 pour les restauratrices <strong>de</strong> Dakar, en rep<strong>la</strong>çant l’existence<br />
<strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>uses <strong>de</strong> rue dans le contexte global <strong>de</strong> <strong>la</strong> misère économique et <strong>de</strong> <strong>la</strong> modicité <strong>de</strong>s<br />
moyens <strong>de</strong>s travailleurs, est l’un <strong>de</strong>s moyens pour les femmes <strong>de</strong> Makokou <strong>de</strong> se procurer <strong>de</strong><br />
l’argent. Elles ven<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ts cuisinés <strong>de</strong> poisson, <strong>de</strong> poulet et <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> bœuf, ainsi que<br />
du Maïs, <strong>de</strong>s Atanga (Dacryo<strong>de</strong>s edulis) et bien d’autres produits prêts pour <strong>la</strong> consommation.<br />
Cependant, comme l’a décrit Bahuchet (1998) pour le cas <strong>de</strong> Yaoundé, le gibier occupe<br />
également à Makokou une p<strong>la</strong>ce importante dans le commerce <strong>de</strong> rue notamment à travers <strong>la</strong><br />
vente en paquet (14%) et en marmite (41%).<br />
Dans le premier cas, les Céphalophes, le Potamochère et l’Athérure sont les gibiers<br />
préférentiellement vendus sous cette forme. Seule <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> fraîche est utilisée pour <strong>la</strong> vente<br />
en paquet. La vian<strong>de</strong> contenue dans le paquet est cuite <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux façons distinctes : soit elle est<br />
cuite à l’étouffée directement dans le paquet posé sur <strong>la</strong> braise auquel cas, elle a un goût<br />
caractéristique d’aliment cuit au feux <strong>de</strong> bois, soit <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> a été cuite c<strong>la</strong>ssiquement dans<br />
une marmite puis empaqueté dans les feuilles <strong>de</strong> Marantacées pour <strong>la</strong> vente. La première<br />
préparation étant plus difficile à réaliser, les ven<strong>de</strong>uses pour <strong>la</strong> plupart vont opter pour le<br />
<strong>de</strong>uxième type <strong>de</strong> cuisson plus facile à réaliser malgré le fait qu’il soit moins apprécié. De<br />
toutes façons, quelque soit le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> cuisson, le prix est le même. Le paquet coûte<br />
1.000 FCFA, quelque soit l’espèce <strong>de</strong> gibier, le lieu <strong>de</strong> vente et <strong>la</strong> saison. Il peut être vendu<br />
moins cher dans le cas où <strong>la</strong> commerçante souhaite rapi<strong>de</strong>ment écoulé sa marchandise. En<br />
effet, ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vente n’est pas sans risques puisque lorsque les ventes ne sont pas bonnes,<br />
le gibier se perd. Les paquets sont transportés dans <strong>de</strong>s cuvettes sur <strong>la</strong> tête ou dans <strong>de</strong>s paniers<br />
<strong>de</strong> telle sorte que sur le chemin al<strong>la</strong>nt vers les points <strong>de</strong> ventes, les clients intéressés peuvent<br />
déjà acheter. Les commerçantes utilisent parfois leurs jeunes filles pour les remp<strong>la</strong>cer au<br />
marché, préparer le gibier ou encore transporter <strong>la</strong> marchandise. C’est l’une <strong>de</strong>s activités<br />
principales <strong>de</strong>s jeunes filles pendant les vacances, qui non seulement ai<strong>de</strong>nt leur maman, mais<br />
peuvent également gagner <strong>de</strong> l’argent. Elles apprennent très tôt à se prendre en charge<br />
financièrement <strong>de</strong> cette façon. Les paquets sont exposés sur <strong>de</strong>s tables en bordure <strong>de</strong> route<br />
(Photo 28) ou dans l’enceinte du marché ou tout simplement à même le sol dès que c’est<br />
possible.<br />
64 Diouf, 1981, cité dans Bahuchet et al., 1998.<br />
- 254 -
Par ailleurs, <strong>la</strong> vente en paquet est l’occasion pour les commerçantes <strong>de</strong> vendre <strong>de</strong>s<br />
gibiers moins courants comme <strong>la</strong> Nandinie, les Singes, les petits Pangolins et souvent <strong>de</strong>s<br />
animaux protégés comme le Chevrotain aquatique et le Pangolin géant. Dissimulé dans le<br />
paquet, ces vian<strong>de</strong>s peu c<strong>la</strong>ssiques et interdites échapperont aux regards indiscrets et à tout<br />
contrôle inopiné <strong>de</strong>s agents <strong>de</strong> l’État. Le commerce <strong>de</strong> gibier en paquet est souvent couplé à<br />
celui <strong>de</strong> <strong>la</strong> vente du poisson selon le même principe. Les commerçantes proposent ainsi<br />
plusieurs possibilités <strong>de</strong> choix aux clients. Les revenus issus <strong>de</strong> ce mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vente n'ont<br />
malheureusement pas été évalués du fait <strong>de</strong> l’irrégu<strong>la</strong>rité et <strong>de</strong> <strong>la</strong> mobilité <strong>de</strong>s commerçantes<br />
difficiles à suivre et surtout du peu <strong>de</strong> temps que nous avons consacré à cette enquête.<br />
Cependant, nous pensons que cette activité, tout comme celle présentée ci-<strong>de</strong>ssous, sont <strong>de</strong><br />
loin plus lucratives que le commerce à l’éta<strong>la</strong>ge. C’est pourquoi, certaines <strong>de</strong>s commerçantes<br />
à l’éta<strong>la</strong>ge ven<strong>de</strong>nt également et souvent simultanément, du gibier en paquet.<br />
Dans le second cas, <strong>la</strong> vente en marmite -que Bahuchet désigne par le terme d'"ai<strong>de</strong>s-<br />
mamans 65 " pour le cas <strong>de</strong> Yaoundé- est un système encore plus abordable pour les clients les<br />
plus démunis. Comme nous l’avons indiqué précé<strong>de</strong>mment, un morceau <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier,<br />
accompagné <strong>de</strong> soupe et quelquefois d'un peu <strong>de</strong> légumes coûte 100 FCFA 66 , ce qui reste<br />
re<strong>la</strong>tivement accessible à tous. Les commerçantes apportent chaque jour aux lieux <strong>de</strong> vente<br />
leurs marchandises contenues dans <strong>de</strong>s marmites, généralement entre 2 et 3, qu’elles exposent<br />
sur <strong>de</strong>s tables prévues à cet effet. À côté du gibier, elles apportent également avec elle soit du<br />
manioc, soit <strong>de</strong> <strong>la</strong> banane cuite soit du riz pour accompagner le repas <strong>de</strong> gibier. Dans certains<br />
cas, à l’ai<strong>de</strong> d’une brouette dans <strong>la</strong>quelle elles mettent leurs marchandises, une petite table et<br />
un banc ou simplement à l’ai<strong>de</strong> d’un panier, elles se dép<strong>la</strong>cent d’un lieu <strong>de</strong> vente privilégié à<br />
un autre, servant quelquefois <strong>de</strong>s clients sur leur chemin. Le consommateur choisit <strong>la</strong> portion<br />
directement dans <strong>la</strong> marmite. Il est servie dans une feuille <strong>de</strong> Marantacée ou dans un sachet en<br />
p<strong>la</strong>stique et, soit il consomme sur p<strong>la</strong>ce sur un banc ou une table installé à cet effet, soit il<br />
l’emporte. Contrairement à <strong>la</strong> vente en paquet, on trouve <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> boucanée dans les<br />
marmites. Cependant, les morceaux <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> sont re<strong>la</strong>tivement moins coûteux. Les outils <strong>de</strong><br />
travail <strong>de</strong> <strong>la</strong> ven<strong>de</strong>use se limite à <strong>de</strong>s marmites et <strong>de</strong>s embal<strong>la</strong>ges (feuilles <strong>de</strong> Marantacées et<br />
sachets p<strong>la</strong>stiques). Les couverts sont un investissement supplémentaire que refuse <strong>de</strong> faire les<br />
commerçantes du fait du mauvais comportement <strong>de</strong> certains clients qui tout simplement<br />
partent avec. Les sachets et les feuilles <strong>de</strong> Marantacées seraient plus adaptés à leurs<br />
investissements. La ven<strong>de</strong>use ne dispose pas <strong>de</strong> réchaud et vend sa cuisine qui refroidit au fil<br />
65 Les habitants <strong>de</strong> Yaoundé expliquent ce nom par une forme d’entrai<strong>de</strong> : les "ai<strong>de</strong>s-mamans" ai<strong>de</strong>nt <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion en proposant une nourriture bon marché, en même temps que les clients les ai<strong>de</strong>nt en mangeant chez<br />
elles (Babuchet, 1998).<br />
66 En guise <strong>de</strong> comparaison, <strong>la</strong> baguette <strong>de</strong> pain coûte 135 Fcfa, <strong>la</strong> boite sardine 300 Fcfa.<br />
- 255 -
<strong>de</strong> <strong>la</strong> journée. Comme à Yaoundé, les ven<strong>de</strong>uses à <strong>la</strong> marmite sont très nombreuses à<br />
Makokou. On les retrouve dans tous les quartiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville, aux endroits stratégiques tels les<br />
chantiers <strong>de</strong> construction, les débarcadères, les lieux <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vous popu<strong>la</strong>ires (les sta<strong>de</strong>s<br />
lors <strong>de</strong> match, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> l’indépendance lors <strong>de</strong>s manifestations publiques…). Pour<br />
reprendre Dongmo 67 cité par Bahuchet (1998), qui désignait les bidi bi nam, ces restaurants<br />
africains qui proposent <strong>la</strong> "nourriture du pays", le fond <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong>s ven<strong>de</strong>uses <strong>de</strong><br />
Makokou tient dans <strong>la</strong> proposition aux clients <strong>de</strong>s produits du terroir dont fait partis le gibier.<br />
Photo 28: Vente en paquet sur une <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ces <strong>de</strong> Makokou.<br />
Photo : J. Okouyi<br />
Le commerce <strong>de</strong> gibier et <strong>la</strong> restauration <strong>de</strong> rue entre dans le cadre <strong>de</strong> ce que les<br />
Africains désignent par le système D ou débrouil<strong>la</strong>rd. Ce secteur informel emploie <strong>de</strong><br />
nombreuses femmes et assure une fonction capitale en nourrissant à bon marché <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion<br />
active, quelquefois sur les lieux <strong>de</strong> travail où n’existe aucune cantine. Il intervient également<br />
dans le système éducatif <strong>de</strong>s enfants puisque <strong>la</strong> maman va apprendre très tôt à sa fille à se<br />
prendre en charge par l’apprentissage <strong>de</strong> petits métiers. Ces mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ventes <strong>de</strong> gibiers<br />
ren<strong>de</strong>nt également accessibles cette ressource à un plus grand nombre <strong>de</strong> personnes,<br />
contrairement à d’autres centres urbains comme Libreville, Franceville et Port-Gentil où le<br />
gibier semble être un produit <strong>de</strong> luxe.<br />
67 Dongmo, J.L (1990) L’approvisionnement alimentaire <strong>de</strong> Yaoundé. Faculté <strong>de</strong>s lettres et sciences humaines<br />
(Yaoundé), 230p<br />
- 256 -
Chapitre VII : La consommation du gibier à<br />
Makokou<br />
Nous l’avons vu dans le chapitre précé<strong>de</strong>nt, près <strong>de</strong> 90% du gibier qui arrive à<br />
Makokou, est consommé sur p<strong>la</strong>ce. Seuls 10% du gibier sont exportés principalement vers<br />
Libreville soit par voie terrestre (90%) soit par avion (10%). Makokou, ville en pleine<br />
expansion (<strong>de</strong> 9.667 habitants en 1993 à 12.000 habitants estimés en 2004), est un marché en<br />
soi et presque que tout le mon<strong>de</strong> y consomme <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Ce constat est l’un <strong>de</strong>s<br />
paramètres retenus dans cette thèse pour évaluer l’importance <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune<br />
sauvage dans cette région.<br />
Section I - Consommation <strong>de</strong> gibier au foyer<br />
Cent dix neuf (119) <strong>de</strong>s mille cinq cent seize (1516) ménages que compte <strong>la</strong> ville <strong>de</strong><br />
Makokou (pour un taux <strong>de</strong> sondage <strong>de</strong> 7,8%) ont fait l’objet <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> consommation<br />
du gibier au foyer (Payne, 2005). Ces ménages sont répartis dans les 9 principaux quartiers <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> ville et prennent en compte toutes les communautés ethniques et religieuses présentes à<br />
Makokou.<br />
Dans les ménages échantillonnés, le nombre <strong>de</strong> personnes par foyer varie entre 1 et 34<br />
avec une moyenne <strong>de</strong> 11 personnes et un écart-type <strong>de</strong> 6,4. Le tranche d’âge varie <strong>de</strong> 25 ans<br />
(14% <strong>de</strong> jeunes adultes) à plus <strong>de</strong> 50 ans (38% <strong>de</strong> vielles personnes). La tranche d’âge <strong>de</strong> 30 à<br />
50 ans (48%) est <strong>la</strong> plus nombreuse.<br />
Les 3 ethnies majoritaires <strong>de</strong>s foyers enquêtés sont les Fang, les Kota et les Kwélé<br />
avec respectivement 37%, 36% et 9,2% <strong>de</strong> l’échantillon. On trouve ensuite les Saké (3,3%),<br />
les Punu (1,7%) et les Haoussa (1,7%). Les autres ethnies rencontrées (Pygmées, Obamba,<br />
Nzébi, Massango, Bamiléké et Akélé) représentent chacune moins <strong>de</strong> 1% <strong>de</strong> l’échantillon.<br />
Enfin, dans 3 foyers, le chef <strong>de</strong> famille était étranger (malien, tchadien et congo<strong>la</strong>is).<br />
La religion majoritaire est le catholicisme, suivi du protestantisme et <strong>de</strong> l’is<strong>la</strong>m. Les<br />
autres religions citées sont multiples, reflétant les nombreux courants religieux présents en<br />
Afrique (Bettany, Pentecôte, Bwiti, Eglises éveillées…).<br />
- 257 -
I.1. Les consommateurs<br />
Nous avons regroupé les consommateurs <strong>de</strong> gibiers questionnés en quatre groupes<br />
distincts en prenant en compte uniquement <strong>la</strong> profession du chef <strong>de</strong> famille : les agriculteurs<br />
(40,3%), les professions libérales (24,4%), le retraités (21%) et les fonctionnaires (14,3%)<br />
(Figure 25). Le premier groupe représente l’ensemble <strong>de</strong>s sans emplois fixes, les chasseurs,<br />
les pêcheurs, et les cultivateurs. Le second groupe rassemble les commerçants, les artisans, et<br />
les prestataires <strong>de</strong> services. Les retraités désignent tous ceux qui ne sont plus en activité<br />
sa<strong>la</strong>riale touchant une pension retraite ou pas. Notons tout <strong>de</strong> même que près <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong>s<br />
retraités (41%) sont <strong>de</strong>s anciens fonctionnaires. Les fonctionnaires désignent tous ceux qui<br />
sont en activité, rémunérés directement par l’État ou sous forme <strong>de</strong> crédits délégués. Le<br />
questionnaire s’adressait à <strong>la</strong> maîtresse <strong>de</strong> maison dont 85% sont <strong>de</strong>s cultivatrices. Elles<br />
dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> leur partenaire pour les besoins financiers du foyer.<br />
Le résultat <strong>de</strong> cette hiérarchisation <strong>de</strong>s consommateurs <strong>de</strong> gibier <strong>de</strong> Makokou par<br />
l’intermédiaire <strong>de</strong>s chefs <strong>de</strong> familles est à l’image <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville ou plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion est "sans emploi 68 . Ce qui signifie que le pouvoir d’achat est re<strong>la</strong>tivement bas par<br />
rapport à d’autres chefs-lieux <strong>de</strong> province du pays.<br />
Figure 25: Répartition <strong>de</strong>s différentes catégories professionnelles représentant les foyers<br />
% total<br />
45<br />
40<br />
35<br />
30<br />
25<br />
20<br />
15<br />
10<br />
5<br />
0<br />
enquêtés<br />
40,3<br />
68 Sans activité rémunératrice.<br />
14,3<br />
24,4<br />
Agriculteurs Fonctionnaires Libéraux Retraités<br />
Corps professionel<br />
21<br />
- 258 -
Dans l’hypothèse que les croyances religieuses influeraient sur le comportement<br />
alimentaire <strong>de</strong>s a<strong>de</strong>ptes, <strong>la</strong> Figure 26 ci-<strong>de</strong>ssous présente les proportions <strong>de</strong>s tendances<br />
religieuses <strong>de</strong>s chefs <strong>de</strong> familles suivies.<br />
Figure 26 : Répartition <strong>de</strong>s tendances religieuse dans les foyers enquêtés.<br />
% total<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
55<br />
25<br />
Catholiques Protestants Musulmans Autres<br />
Réligions<br />
Ainsi, le catholicisme est <strong>la</strong> religion dominante dans l’échantillon que nous avons<br />
enquêté. Cette tendance peut être généralisée à l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville majoritairement<br />
catholique et protestante. Makokou a été pendant longtemps le siège d’un conflit entre ces<br />
<strong>de</strong>ux courants religieux qui a plus ou moins divisé les Ogivins. Mais en réalité, hormis les<br />
Musulmans qui ne consomment pas le Potamochère en re<strong>la</strong>tion avec leur restriction<br />
alimentaire sur le porc et qui tolèrent seulement les gibiers capturés vivants puis égorgés, le<br />
catholicisme, le protestantisme et les autres religions 69 influent moins sur le comportement<br />
alimentaire <strong>de</strong>s Ogivins.<br />
L’analyse <strong>de</strong>s données sur l’origine ethnique <strong>de</strong>s familles a mis en évi<strong>de</strong>nce une forte<br />
prédominance <strong>de</strong> couples monoethniques (Tableau 30). Ainsi, les hommes fang préfèrent les<br />
femmes fang et ainsi <strong>de</strong> suite. Il n’y a aucun couple Fang-Kwélé dans notre échantillon et les<br />
69 Cette catégorie représente ici les églises dites éveillées qui sont nombreuses à Makokou.<br />
5<br />
15<br />
- 259 -
Kota semblent plus ouverts aux re<strong>la</strong>tions ethniques mixtes (couple Kota-Saké en particulier).<br />
La proportion d’hommes et <strong>de</strong> femmes célibataires est plus élevée chez les Fangs par rapport<br />
aux autres ethnies. La composition ethnique du foyer peut influer sur <strong>la</strong> fréquence <strong>de</strong><br />
consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Très souvent, c’est <strong>la</strong> femme qui à 80% déci<strong>de</strong> du repas<br />
du jour, même si autant elle que son partenaire ravitaille le domicile en aliments.<br />
Tableau 30 : Répartition ethnique <strong>de</strong>s couples <strong>de</strong>s foyers interrogés<br />
Fang Kota Kwélé Autres ethnies T<br />
H F H F H F H F<br />
Fang H 3 34 ⁄ 4 ⁄ 0 ⁄ 2 43<br />
F 34 4 1 ⁄ 0 ⁄ 1 ⁄ 40<br />
Kota H ⁄ 1 1 32 ⁄ 4 ⁄ 3 41<br />
F 4 ⁄ 32 1 1 ⁄ 3 ⁄ 41<br />
Kwélé H ⁄ 0 ⁄ 1 0 10 ⁄ 0 11<br />
F 0 ⁄ 4 ⁄ 10 1 0 ⁄ 15<br />
Autres H ⁄ 1 ⁄ 3 ⁄ 0 2 8 14<br />
ethnies F 2 ⁄ 3 ⁄ 0 ⁄ 8 0 13<br />
T 43 40 41 41 11 15 14 13 218<br />
Remarque : Pour une meilleure lecture <strong>de</strong> ce tableau, il faut lire 3 hommes et 4 femmes fangs<br />
célibataires. La barre ⁄ signifie tout simplement qu’il n’y a aucun couple homosexuel dans<br />
notre échantillon.<br />
I.2. Caractérisation et hiérarchisation <strong>de</strong>s aliments d’origine animale consommés<br />
À Makokou, 96% <strong>de</strong>s foyers interrogés déc<strong>la</strong>rent consommer <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
(Vdb) dont 49% plusieurs fois par semaine. Le goût semble être le critère d’appréciation le<br />
plus important en comparaison avec les autres aliments d’origine animale. Cependant, cet<br />
aliment ne vient qu’en troisième position <strong>de</strong>s aliments d’origine animale les plus consommés.<br />
En effet le poisson, avec 48,7% est l’aliment d’origine animale le plus consommé par les<br />
foyers <strong>de</strong> Makokou (Figure 27). À Makokou on trouve <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> poissons : le poisson<br />
d’eau douce et le poisson surgelé <strong>de</strong> mer. Le poisson d’eau douce est sans doute l’aliment<br />
d’origine animale le plus consommé à Makokou. Avec un investissement minimum (branche<br />
<strong>de</strong> palmier souple, 2 mètres <strong>de</strong> fil en nylon et un hameçon en bout <strong>de</strong> ligne), il est possible <strong>de</strong><br />
s’en procurer tout au long <strong>de</strong> l’année. Il s’agit du passe-temps favori d’un grand nombre<br />
d’enfants pendant les week-ends et les vacances sco<strong>la</strong>ires. On peut le retrouver soit frais, soit<br />
- 260 -
le plus souvent fumé pour une meilleure conservation. Le poisson <strong>de</strong> mer est beaucoup moins<br />
apprécié. Il coûte re<strong>la</strong>tivement moins cher que son homologue d’eau douce mais les<br />
consommateurs Ogivins le c<strong>la</strong>ssent dans <strong>la</strong> catégorie <strong>de</strong>s produits « embaumés », donc <strong>de</strong><br />
mauvaise qualité alimentaire. C’est souvent <strong>la</strong> g<strong>la</strong>ce au moment <strong>de</strong> l’achat qui trompe les<br />
clients. Décongelé, ce poisson est généralement en phase avancée <strong>de</strong> décomposition.<br />
Figure 27 : Proportion d’aliments d’origine animale consommés à Makokou.<br />
% Total<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
48,7<br />
24,4<br />
Goût Consommation<br />
37<br />
48,7<br />
Vdb Poissons Produits d'élevage<br />
Aliment d'origine animale<br />
Les produits d’origine animale issus <strong>de</strong> l’élevage (vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> bœuf, poulet, mouton,<br />
porc et poisson <strong>de</strong> mer surgelé) sont au Gabon <strong>de</strong>s produits importés. Ils arrivent à Makokou<br />
surgelés, et sont <strong>de</strong> moins en moins appréciés <strong>de</strong>s consommateurs, le goût semb<strong>la</strong>nt être le<br />
facteur limitant. Mais ils occupent <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième position (26,9%) <strong>de</strong>s produits d’origine<br />
animale les plus consommés et le prix modique <strong>de</strong> certains <strong>de</strong> ces produits (poisson surgelé,<br />
abats, pattes <strong>de</strong> poule, côtes <strong>de</strong> porc…) semble y être pour quelque chose. Pourtant, ces<br />
produits surgelés mettent plusieurs jours <strong>de</strong> route pour arriver à Makokou et <strong>la</strong> chaîne du froid<br />
n’est pas du tout respectée. Les aliments surgelés sont recongelés plusieurs jours après avoir<br />
dégelés et sont proposés à <strong>la</strong> vente dans <strong>de</strong>s congé<strong>la</strong>teurs qui <strong>la</strong>issent à désirer.<br />
14,3<br />
26,9<br />
- 261 -
On peut aussi trouver sur le marché <strong>de</strong> Makokou <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> bœuf fraîche. Les<br />
Musulmans importent du Cameroun via <strong>la</strong> ville d’Oyem, <strong>de</strong>s bœufs <strong>de</strong> <strong>la</strong> race Ndama ou <strong>de</strong>s<br />
Zébus, pour les engraisser et les abattre. Un bœuf est tué une fois par semaine, tous les<br />
mercredis, à partir <strong>de</strong> 6h du matin et à 10h toute <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> est vendue. Cette vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> bonne<br />
qualité, est re<strong>la</strong>tivement chère (2.500 à 3.000 FCFA /kg selon les parties <strong>de</strong> l’animal<br />
<strong>de</strong>mandées). Les musulmans, tenant <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s commerces et vendant aux Ogivins les<br />
embaumés, se l’arrachent. C’est ici le signe qu’ils connaissent <strong>la</strong> mauvaise qualité <strong>de</strong> leurs<br />
propres produits. Souvent, ces <strong>de</strong>rniers achètent également dans les vil<strong>la</strong>ges aux alentours <strong>de</strong><br />
Makokou <strong>de</strong>s chèvres (Capra hircus), et <strong>de</strong>s moutons (Ovis aries) <strong>de</strong> races locales, qu’ils<br />
élèvent pour leur propre consommation et pour les fêtes du Ramadan. Ces animaux d’élevage<br />
domestique, pourtant à <strong>la</strong> portée <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois, sont rarement consommés par ceux-ci. Ils<br />
relèvent d'un usage très symbolique lors <strong>de</strong>s manifestations traditionnelles (mariage,<br />
naissance, retrait <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil, visite familiale…). Seules les vo<strong>la</strong>illes (poules et canard, surtout les<br />
œufs) sont quelquefois consommés dans l’alimentation quotidienne. Chez les Fang par<br />
exemple, par respect <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition, le repas du beau-fils sera toujours Onemekup, "<strong>la</strong> poule<br />
du vil<strong>la</strong>ge" (mâle ou femelle).<br />
I.3. Les gibiers préférentiellement consommés dans les foyers <strong>de</strong> Makokou<br />
Nous l’avons vu dans le chapitre précé<strong>de</strong>nt, presque tous les gibiers sont consommés à<br />
Makokou. Cependant, quelques espèces se distinguent nettement <strong>de</strong>s autres. La Figure 28 ci-<br />
<strong>de</strong>ssous présente les proportions <strong>de</strong> 3 possibilités <strong>de</strong> choix <strong>de</strong>s gibiers les plus consommés<br />
dans les foyers quelque soit les mo<strong>de</strong>s d’acquisitions 70 . Parmi les espèces les plus<br />
consommées, on note le Céphalophe bleu (42% <strong>de</strong>s gibiers les plus consommés en premier<br />
choix), le Potamochère (21,8%), les Antilopes à 16,8% (il s’agit ici du Céphalophe <strong>de</strong> Peters,<br />
du Céphalophe Bai et du Céphalophe à front noir) et enfin l’Athérure africain (13,4%). La<br />
catégorie espèces animales ″autres″ qui compte 5,9% <strong>de</strong>s gibiers consommés dans les foyers<br />
représente tous les gibiers moyennement ou peu consommés par les ménages. On distingue<br />
entre autres le Chevrotain aquatique, les Pangolins, les petits Singes et les Crocodiles. Dans ce<br />
tableau, on peut constater que le pourcentage <strong>de</strong>s autres espèces gibiers augmente au fur<br />
quand on passe au second puis au troisième choix, ce qui signifie entre autres que les espèces<br />
citées en premier et <strong>de</strong>uxième choix n’ont pas d’égales dans les préférences <strong>de</strong>s<br />
70 La question posée était qu’est ce que vous consommez le plus ? et non qu’est ce que vous aimeriez<br />
consommer ?<br />
- 262 -
consommateurs. Elles seront donc plus sujettes à une consommation intensive. Parmi ces<br />
espèces, seul le Potamochère est partiellement protégé. Le fait <strong>de</strong> rester dans <strong>la</strong> légalité<br />
pourrait également être une explication <strong>de</strong> <strong>la</strong> préférence <strong>de</strong> ces gibiers dits non protégés par <strong>la</strong><br />
loi. Le Céphalophe bleu est <strong>de</strong> moins en moins consommé en second et troisième choix. Ce<br />
qui explique pourquoi c’est l’espèce gibier <strong>la</strong> plus exploitée à Makokou (voir chapitre<br />
précé<strong>de</strong>nt). Le Potamochère quant à lui est constant dans les différents choix. Il représente<br />
donc une valeur sûre pour <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages. Autrement dit, il est le plus<br />
régulièrement consommé dans <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s ménages.<br />
Figure 28 : Gibiers les plus consommés dans les ménages <strong>de</strong> Makokou<br />
% Total<br />
45<br />
40<br />
35<br />
30<br />
25<br />
20<br />
15<br />
10<br />
5<br />
0<br />
21,8<br />
19,3<br />
16,8<br />
42<br />
1ier choix 2ème choix 3ème choix<br />
22,7 22,7<br />
21,1<br />
10,1<br />
13,4<br />
Antilopes cemo ataf popo Autres<br />
Espèces animales<br />
Près <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié (48,7%) <strong>de</strong> l’échantillon consomme <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse plus<br />
d’une fois par semaine dans les foyers <strong>de</strong> Makokou tandis que 3,4% n’en mangent jamais. Ce<br />
<strong>de</strong>rnier pourcentage représente les musulmans, car le gibier n’est pas abattu selon le rite<br />
is<strong>la</strong>mique. Cependant, une infime partie d’entres eux (1,6%) ne respectent pas ces règles dans<br />
<strong>la</strong> mesure où ils estiment que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse est un aliment pur. Le premier critère <strong>de</strong><br />
consommation <strong>de</strong> gibier décou<strong>la</strong>nt <strong>de</strong> cette figure est d’abord <strong>la</strong> disponibilité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource<br />
suivie <strong>de</strong> <strong>la</strong> possibilité financière d’en acheter et <strong>la</strong> préférence en termes <strong>de</strong> goût. Mais<br />
21,8<br />
18,5<br />
21,8<br />
5,9<br />
14,3<br />
27,7<br />
- 263 -
généralement, le critère financier est déterminant pour les familles n’ayant pas en leur sein <strong>de</strong>s<br />
chasseurs.<br />
I.3.1. Mo<strong>de</strong>s d’approvisionnement<br />
Le gibier consommé en famille est principalement acheté au marché Afane <strong>de</strong><br />
Makokou (à 80%) ou tout simplement ramené <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt par le chef <strong>de</strong> famille ou encore reçu<br />
sous forme <strong>de</strong> dons ou d’entrai<strong>de</strong> familiale. Cependant, certains membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille<br />
consomment du gibier en <strong>de</strong>hors du cadre familial notamment dans les restaurants ou dans <strong>la</strong><br />
rue, chez <strong>de</strong>s amis ou lorsqu’ils sont invités chez <strong>de</strong>s officiels. Quelquefois, les jeunes enfants<br />
capturent <strong>de</strong>s petits gibiers (petits Rongeurs et Oiseaux) qui sont pourtant consommés par tous<br />
les membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison bien que le chef <strong>de</strong> famille où <strong>la</strong> ménagère 71 ne considère pas ce<strong>la</strong><br />
comme étant du gibier.<br />
I.3.2. Le choix <strong>de</strong>s gibiers pour <strong>la</strong> consommation<br />
Le choix du gibier consommé est déterminé par plusieurs paramètres. On distingue<br />
ainsi l’influence du goût, les habitu<strong>de</strong>s alimentaires, <strong>la</strong> disponibilité du gibier, l’influence du<br />
prix, <strong>la</strong> facilité <strong>de</strong> capture <strong>de</strong> certaines espèces… (Figure 29).<br />
Le goût est à 40% le paramètre qui détermine le choix du gibier consommé. Cinquante<br />
sept pour cent <strong>de</strong>s ménages consomment le Potamochère selon ce critère. Il est suivi par<br />
l’Athérure (51,5%), les Antilopes (38,3%) et le Céphalophe bleu (31,1%). Pour mieux<br />
comprendre l’importance <strong>de</strong> ce paramètre dans le choix du gibier consommé, nous avons<br />
<strong>de</strong>mandé à certains chasseurs <strong>de</strong> nous faire une liste <strong>de</strong>s gibiers les plus et les moins appréciés<br />
par goût. À notre gran<strong>de</strong> surprise, il ressort <strong>de</strong> cette enquête que les gibiers d’o<strong>de</strong>ur plus forte<br />
seront les plus appréciés. Ainsi, les petits et gros rongeurs (Écureuil, Athérure et Rat <strong>de</strong><br />
Gambie), les petits carnivores (<strong>la</strong> Nandinie et les Genettes), les petits Singes et les Oiseaux<br />
auront <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ces <strong>de</strong> choix. Le Potamochère, les Antilopes et le Céphalophe bleu pourtant<br />
majoritairement consommés ne viendraient qu’ensuite. Chez les Antilopes par exemple, le<br />
Céphalophe à front noir, le Céphalophe bleu et le Céphalophe à ventre b<strong>la</strong>nc auraient a peu<br />
près le même goût contrairement au Céphalophe <strong>de</strong> Peters qui aurait un goût à part. Le<br />
Céphalophe bai serait moins goûteux que les autres. En ce qui concerne le Céphalophe à dos<br />
71 Ici il faut comprendre <strong>la</strong> responsable du foyer.<br />
- 264 -
jaune, il serait le moins apprécié <strong>de</strong> tous les Céphalophes. De plus, sa chair noire est<br />
synonyme <strong>de</strong> malchance et <strong>de</strong> malheur pour ceux qui <strong>la</strong> consomment. Pourtant, d’autres<br />
personnes disent qu’il aurait le même goût que le Sitatunga, plus apprécié. Il y aurait donc une<br />
double hiérarchisation du goût liée, d’une part aux gibiers <strong>de</strong> faible intérêt économique mais<br />
pourtant très appréciés et d’autre part aux gibiers plus c<strong>la</strong>ssiquement trouvés dans le<br />
commerce et plus rentables. La première <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux hiérarchisations du goût concernerait<br />
plus les chasseurs que les consommateurs.<br />
L’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> consommer <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse (21%) est <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième raison<br />
invoquée par les consommateurs. Avoir du gibier dans son assiette <strong>de</strong>vient presque un réflexe<br />
quotidien. Prendre un repas sans vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse ne serait, pour ces personnes, que manger<br />
partiellement. Il en va <strong>de</strong> même pour ceux qui ne peuvent dissocier un repas, quel qu’il soit,<br />
du manioc, même si ce <strong>de</strong>rnier est servi avec d’autres féculents (riz, pâtes, et autres).<br />
La disponibilité en vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse (17%) semble être <strong>la</strong> troisième motivation à sa<br />
consommation. Il s’agit <strong>de</strong> foyers qui ont <strong>de</strong>s réseaux d’approvisionnement permanents en<br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse ou encore ceux qui considèrent les autres produits carnés moins accessibles<br />
que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse.<br />
La facilité <strong>de</strong> chasse concerne les foyers où il y a <strong>de</strong>s chasseurs (environ 20% <strong>de</strong>s<br />
foyers). La <strong>recherche</strong> d’autres produits alimentaires <strong>de</strong>vient alors moindre. C’est pourtant<br />
dans cette catégorie que l’on voit souvent <strong>de</strong>s chasseurs vendre du gibier et acheter <strong>de</strong>s<br />
embaumés pour diversifier les p<strong>la</strong>ts quotidiens. Cependant, ces foyers auront tendance à ne<br />
consommer que <strong>de</strong>s gibiers faciles à capturer. Le Potamochère par exemple sera moins<br />
présent dans leurs assiettes.<br />
L’influence du prix (8%) est l’un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers paramètres retenus par les<br />
consommateurs. Il intervient peu dans <strong>la</strong> mesure où <strong>de</strong> nombreuses familles s’approvisionnent<br />
en vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse directement par <strong>de</strong>s liens familiaux. En effet, pour ces consommateurs le<br />
gibier est une ressource qui ne s’achète pas mais plutôt s’attribue par <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> liens<br />
parentaux ou d’entrai<strong>de</strong>. « Il n’est pas question <strong>de</strong> dépenser <strong>de</strong> l’argent pour acheter du<br />
gibier alors qu’un membre chasseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille peut nous en procurer » affirme une<br />
ménagère ; « l’argent sert à acheter du savon, <strong>de</strong> l’huile, <strong>de</strong>s habits… » conclut-elle.<br />
L’influence du prix est donc un paramètre ne concernant que les foyers sans chasseurs,<br />
souvent les non originaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> province qui doivent donc payer pour se procurer <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Il s’agit généralement <strong>de</strong> fonctionnaires.<br />
- 265 -
Figure 29 : Raisons invoquées par les foyers pour <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong>s principaux gibiers<br />
%<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
31,1<br />
28,7<br />
Goût Disponibilié Facilité <strong>de</strong> chasse Habitu<strong>de</strong> alimentaire Prix abordable Autres<br />
18<br />
10,6<br />
9,8<br />
1,6<br />
57<br />
19,3<br />
7 7<br />
6,1<br />
3,5<br />
51,5<br />
14,4<br />
13,4 13,4<br />
6,2<br />
1<br />
38,3<br />
7,4<br />
18,1<br />
15,9<br />
cemo popo ataf Antilopes<br />
Espèces animales<br />
Parmi les ménages interrogés, 51,2% disent pouvoir se passer <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse (le<br />
plus souvent si <strong>de</strong>s problèmes sanitaires ou leur santé les y obligent). Les foyers mangent<br />
plutôt moins <strong>de</strong> gibier qu’avant (56%) pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> baisse <strong>de</strong> moyens financiers (pas<br />
pour acheter du gibier mais pour acheter <strong>de</strong>s cartouches et tout matériel nécessaire à <strong>la</strong><br />
chasse), <strong>de</strong> moindre disponibilité du gibier (en forêt ou sur les lieux <strong>de</strong> vente) ou parce qu’il<br />
n’y a plus <strong>de</strong> chasseurs dans le foyer. Enfin, pour certains foyers, <strong>la</strong> pandémie d’Ébo<strong>la</strong> aurait<br />
plus ou moins modifié <strong>la</strong> consommation du gibier. Les grands singes (Gorilles, Chimpanzés et<br />
Mandrills) seraient les gibiers bannis <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation dans 80% <strong>de</strong>s cas.<br />
I.4. Importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère par rapport aux autres<br />
gibiers<br />
En nous focalisant particulièrement sur le Potamochère, on constate que sa vian<strong>de</strong> est<br />
consommée plusieurs fois par semaine par 22% <strong>de</strong>s foyers et plusieurs fois par mois dans<br />
57% <strong>de</strong>s cas. Huit pour cent <strong>de</strong>s foyers enquêtés n’en mangent jamais, soit parce qu’ils sont<br />
musulmans, soit parce qu’ils ne l'aiment pas, soit par tradition. En effet, dans ce <strong>de</strong>rnier cas <strong>de</strong><br />
figure, le Potamochère est frappé d'interdit alimentaire pour certains initiés. Il arrive aussi que<br />
7,4<br />
3,1<br />
- 266 -
seules quelques personnes du foyer ne consomment pas cette vian<strong>de</strong> pour les raisons<br />
préa<strong>la</strong>blement citées. Ils sont 48,7% à souhaiter en manger plus souvent mais 69,7% pensent<br />
pouvoir s’en passer. La consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère dans les foyers <strong>de</strong> Makokou<br />
est comprise entre 32 et 102 g/personne/jour avec une moyenne <strong>de</strong> 70 g/personne/jour (Payne,<br />
2004). Les foyers mangent principalement cette vian<strong>de</strong> dans leur alimentation quotidienne<br />
(44%) mais aussi lors <strong>de</strong>s cérémonies (retrait <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil et cérémonie <strong>de</strong> circoncision, fêtes<br />
diverses) à 33%, au retour <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse (9%), en l’obtenant sous forme d’entrai<strong>de</strong> familiale<br />
(9%) et dans d’autres circonstances (5%) comme au restaurant, chez les amis… (Figure 30)<br />
Figure 30 : Consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère, occasions citées<br />
Cérémonies<br />
33%<br />
Chasse<br />
9%<br />
Autres<br />
5%<br />
Dons<br />
9%<br />
Quotidien<br />
44%<br />
Précisons que <strong>la</strong> quantité <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère consommée par personne et par<br />
jour résulte d’un calcul très approximatif. En effet, <strong>la</strong> fréquence <strong>de</strong> consommation ne nous a<br />
jamais été donnée en termes très précis (« 1 ou 2 fois par mois » par exemple), <strong>la</strong><br />
consommation <strong>de</strong> Potamochère n’étant pas, en général, régulière. De même, pour <strong>la</strong> quantité<br />
achetée, à chaque fois les gens nous répondaient en termes <strong>de</strong> morceaux (« 2 à 3 tas ou 1<br />
gigot » par exemple) ; notre con<strong>version</strong> en poids correspond donc à une moyenne très<br />
- 267 -
grossière. Enfin, en divisant par le nombre total <strong>de</strong> personnes dans le foyer, nous avons mis<br />
enfants et adultes à égalité, ce qui ne reflète évi<strong>de</strong>mment pas <strong>la</strong> réalité.<br />
Le lieu d’approvisionnement en vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère reste préférentiellement le<br />
marché Afane <strong>de</strong> Makokou où il est acheté en gran<strong>de</strong> majorité (76,5%) sous forme <strong>de</strong> « tas »,<br />
vendu à 1000 FCFA l’unité. Quelquefois, il est vendu en gigot (37%). D’autres<br />
consommateurs s’approvisionnent en ce gibier directement auprès <strong>de</strong>s chasseurs (19%) ou<br />
dans d’autres circonstances (4,5%).<br />
Soixante dix huit pour cent <strong>de</strong>s foyers trouvent que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère est<br />
difficile à trouver à certaines pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> l’année et 71% i<strong>de</strong>ntifient cette pério<strong>de</strong> à <strong>la</strong> gran<strong>de</strong><br />
saison sèche (<strong>de</strong> juin à mi-septembre) contre 15% à <strong>la</strong> petite saison sèche. Ils avancent que<br />
pendant cette saison les gran<strong>de</strong>s ban<strong>de</strong>s que les chasseurs ont l’habitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> suivre pendant les<br />
saisons <strong>de</strong>s pluies disparaissent dans <strong>la</strong> forêt au profit <strong>de</strong> petites troupes <strong>de</strong> 5 à 10 individus<br />
plus difficiles à repérer en forêt.<br />
Pour 34,4% <strong>de</strong>s foyers, le prix du Potamochère a augmenté <strong>de</strong>puis quelques années,<br />
pour 5% il a diminué et pour 42% il est resté stable. Vingt et un pour cent pensent que c’est <strong>la</strong><br />
rareté ou l’abondance du Potamochère qui influencent son prix. Plus il y en aura sur le<br />
marché, plus ils feront <strong>de</strong>s affaires à l’achat chez les commerçantes désireuses d’écouler<br />
rapi<strong>de</strong>ment leur marchandise. Dix pour cent <strong>de</strong>s foyers attribuent <strong>la</strong> variation du prix du<br />
Potamochère acheté à sa provenance. Ainsi, plus le lieu <strong>de</strong> provenance est éloigné <strong>de</strong><br />
Makokou, plus le gibier coûtera cher. Ce n’est pas tant que le gibier serait cher à l’achat au<br />
chasseur ; au contraire, un Céphalophe coûtera environ 0,3 fois moins cher à Bakouaka, un<br />
vil<strong>la</strong>ge situé à 180 km sur <strong>la</strong> route d’Okondja qu’à l’achat chez un chasseur <strong>de</strong> Makokou. La<br />
variation du prix est surtout liée au transport du gibier, les taxis brousses faisant leur marge<br />
bénéficiaire en transportant du gibier. Un Potamochère peut coûter aussi cher que le prix du<br />
transport du client même s’il est attaché sur <strong>la</strong> toiture du véhicule. Les chauffeurs se justifient<br />
en présentant les risques qu’ils encourent à transporter ces marchandises dites à risques<br />
puisqu’en cas <strong>de</strong> contrôle par les agents <strong>de</strong> l’administration, ils se verront infliger <strong>de</strong> lour<strong>de</strong>s<br />
amen<strong>de</strong>s. Mais généralement, ils sont très prévoyant et se font peu surprendre, ce qui signifie<br />
qu’ils profitent au maximum <strong>de</strong> cette situation.<br />
- 268 -
Section II - Quelques spécificités liées à <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibier hors du<br />
cadre familiale<br />
La consommation <strong>de</strong> gibier en <strong>de</strong>hors du cadre familiale est courante à Makokou. On<br />
distingue notamment l’hôtel, les restaurants et maquis, <strong>la</strong> restauration <strong>de</strong> rue (en marmites et<br />
en paquets), chez <strong>de</strong>s amis ou lors d’une manifestation publique.<br />
II.1. La consommation du gibier en restauration<br />
Nous constatons à travers cette étu<strong>de</strong> que l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage au Gabon<br />
était sensée être réglementée partout sauf dans les restaurants. Dans ces lieux publics, le gibier<br />
est vendu à <strong>la</strong> carte au vu et au su <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong> et pendant toute l’année. Même les gibiers<br />
protégés sont proposés au menu. À Makokou, l’hôtel et les 4 restaurants qui revendiquent le<br />
<strong>la</strong>bel ″vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse″ sont parmi les plus sollicités <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce. Aucune manifestation<br />
publique (repas officiel, dîner d’affaires, repas <strong>de</strong> séminaires ou d’atelier), ou privée<br />
(anniversaire, retrait <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil, cérémonie <strong>de</strong> circoncision…) ne peut être appréciée à sa juste<br />
mesure s’il n’y a pas <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au menu.<br />
L’hôtel <strong>de</strong> Makokou est en tête <strong>de</strong>s établissements revendiquant le <strong>la</strong>bel "vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse". Il dispose d’une chambre froi<strong>de</strong> capable <strong>de</strong> stocker <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s quantités <strong>de</strong> gibier et<br />
qui a souvent servi à approvisionner <strong>de</strong>s clients prestigieux, désireux <strong>de</strong> ramener du gibier à <strong>la</strong><br />
fin <strong>de</strong> leur séjour. Il propose à ses clients une gamme assez <strong>la</strong>rge <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ts à base <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse fraîche dont les plus connu sont l’Athérure, les Céphalophes, le Potamochère, <strong>la</strong><br />
Nandinie, les Crocodiles, le Chevrotain aquatique, le Pangolin géant et le Python. Ces gibiers<br />
sont proposés avec les sauces Dika, Nyembwé, à <strong>la</strong> tomate ou tout simplement en court-<br />
bouillon. Ils sont généralement accompagnés <strong>de</strong> manioc, <strong>de</strong> banane ou du riz. Les prix varient<br />
<strong>de</strong> 5.000 FCFA à 7.000 FCFA le p<strong>la</strong>t et sont nettement plus élevés que les p<strong>la</strong>ts traditionnels<br />
vendus ailleurs. Les p<strong>la</strong>ts d’Athérure, <strong>de</strong> Nandinie, <strong>de</strong> Chevrotain aquatique, <strong>de</strong> Pangolin, <strong>de</strong><br />
Python et <strong>de</strong> Crocodiles sont les plus chers. Les p<strong>la</strong>ts <strong>de</strong> Potamochère et <strong>de</strong> Céphalophes sont<br />
les plus courants et les moins chers. Les petits Singes ne sont pas proposés à <strong>la</strong> carte mais<br />
peuvent être servis sur comman<strong>de</strong>. C’est aussi va<strong>la</strong>ble pour <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ts à base <strong>de</strong> vian<strong>de</strong><br />
boucanée que certains clients préfèrent.<br />
À <strong>la</strong> différence <strong>de</strong> l’hôtel, plusieurs autres restaurants moins prestigieux (le Pili Pili,<br />
Chez Tan Kam, les 9 Provinces et Mbolo) proposent du gibier à <strong>la</strong> carte mais à <strong>de</strong>s prix moins<br />
- 269 -
élevés. Le prix par p<strong>la</strong>t, compris entre 2.000 FCFA et 3.000 FCFA selon les restaurants, est le<br />
même pour toutes les espèces <strong>de</strong> gibier. Contrairement à l’hôtel <strong>de</strong> Makokou, le prix du p<strong>la</strong>t<br />
<strong>de</strong> gibier en restaurant est i<strong>de</strong>ntique sinon re<strong>la</strong>tivement moins cher que celui <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ts<br />
c<strong>la</strong>ssiques. La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier fraîche ainsi que celle boucanée peuvent être proposées avec<br />
les mêmes sauces qu’à l’hôtel. Le propriétaire du restaurant Pili Pili est un ancien cuisinier <strong>de</strong><br />
l’hôtel <strong>de</strong> Makokou qui s’est mis à son compte. C’est l’un <strong>de</strong>s premiers à avoir ouverts un<br />
établissement à Makokou ne proposant que du gibier. Aujourd’hui, il alterne entre gibier et<br />
p<strong>la</strong>ts c<strong>la</strong>ssiques tels que les embaumés (poisson <strong>de</strong> mer, poulet et vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> bœuf surgelés)<br />
ainsi que du poisson d’eau douce (frais et boucané). Hormis le cadre, les p<strong>la</strong>ts <strong>de</strong> gibier sont<br />
autant appréciés dans les restaurants qu’à l’hôtel.<br />
II.2. La restauration au marché en marmites et en paquets<br />
Ces mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vente, comme nous les avons décrits précé<strong>de</strong>mment sont un peu plus<br />
discrets mais tout aussi importants sinon plus que <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibier en restaurant. Ils<br />
s’adressent généralement à <strong>la</strong> majorité n’ayant pas assez d’argent pour s’offrir <strong>de</strong>s repas en<br />
restaurants ou à l’hôtel. Cette situation arrange tellement <strong>de</strong> personnes qu’elle semble normale<br />
pour tout le mon<strong>de</strong> sauf pour les conservateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité qui, à Makokou, donnent<br />
l’impression <strong>de</strong> prêcher dans le désert. La restauration en marmite et/ou en paquet est rapi<strong>de</strong><br />
et adaptée aux besoins <strong>de</strong> cette tranche <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Elle reflète le niveau <strong>de</strong> vie d’un<br />
grand nombre <strong>de</strong> Makovistes qui n’ont que ce moyen pour s’alimenter correctement à <strong>de</strong>s prix<br />
abordables. De plus, <strong>de</strong>s liens très étroits se sont créés entre le client et <strong>la</strong> commerçante qui<br />
dépassent le simple service rendu. Ces femmes du marché sont <strong>de</strong> véritables mères pour les<br />
plus démunis. Le client à souvent <strong>la</strong> possibilité <strong>de</strong> s’alimenter et <strong>de</strong> payer par <strong>la</strong> suite lorsqu’il<br />
aura <strong>de</strong> l’argent. Certains, pour payer leur <strong>de</strong>tte, rendront <strong>de</strong>s services à <strong>la</strong> ven<strong>de</strong>use tel que<br />
réaliser une course, transporter <strong>de</strong> <strong>la</strong> marchandises, débrousser une p<strong>la</strong>ntation…<br />
Section III - Perception du risque sanitaire lié à <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibier<br />
Le froid est le moyen <strong>de</strong> conservation le plus utilisé (58,8%), mais <strong>de</strong> nombreux foyers<br />
ne possèdant pas <strong>de</strong> réfrigérateur ni <strong>de</strong> congé<strong>la</strong>teur, cuisent tout <strong>de</strong> suite <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> (23,5%) ou<br />
<strong>la</strong> boucanent (21,8%). Ils préten<strong>de</strong>nt tous que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse <strong>de</strong> mauvaise qualité (ici il<br />
faut comprendre une vian<strong>de</strong> moins fraîche) entraîne <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies si on <strong>la</strong> consomme telle<br />
- 270 -
quelle. En d’autres termes, il est préférable <strong>de</strong> mettre au congé<strong>la</strong>teur un gibier en phase <strong>de</strong><br />
décomposition avancée pour que le froid selon eux « tue les microbes », avant <strong>de</strong> le cuire et<br />
<strong>de</strong> le consommer. Par ailleurs, 76% <strong>de</strong>s consommateurs pensent qu’on peut attraper <strong>de</strong>s<br />
ma<strong>la</strong>dies en mangeant <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse qu’elle soit <strong>de</strong> bonne qualité ou pas. Les<br />
ma<strong>la</strong>dies les plus fréquemment citée sont le parasitoses (29,4%) suivie du virus Ébo<strong>la</strong> (21%)<br />
et <strong>de</strong>s troubles digestifs (17,6%). L’un <strong>de</strong>s constats à ce niveau <strong>de</strong> l’enquête est qu’il y a <strong>de</strong><br />
fréquentes confusions entres <strong>de</strong>s maux qui seraient liés à <strong>la</strong> consommation d’une vian<strong>de</strong> non<br />
saine où ayant été cuisinée dans <strong>de</strong>s conditions d’hygiènes douteuses (troubles digestifs,<br />
diarrhées, vomissements…) et <strong>de</strong>s maux qui découleraient directement <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation<br />
<strong>de</strong> tel ou tel type <strong>de</strong> gibier (épilepsie, goitre, trouble du comportement…).<br />
La consommation accrue <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse est également responsable <strong>de</strong> <strong>la</strong> goutte,<br />
cette ma<strong>la</strong>die inf<strong>la</strong>mmatoire qui affecte particulièrement les articu<strong>la</strong>tions et à <strong>la</strong>quelle les<br />
personnes âgées sont très sensibles. Elle est liée à une accumu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l’aci<strong>de</strong> urique dans<br />
l’organisme, produit fini <strong>de</strong> <strong>la</strong> dégradation <strong>de</strong>s protéines animales. De nombreuses personnes<br />
à Makokou sont affecés par cette ma<strong>la</strong>die qu’ils appellent communément les "rhumatismes" et<br />
qui entre dans le cadre <strong>de</strong>s affections liées à <strong>la</strong> vieillesse mais en aucun cas le gibier n'est mis<br />
en cause par les popu<strong>la</strong>tions et ce malgré les informations <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins. Le cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> goutte<br />
liée au gibier est à mettre en parallèle avec celui du goitre pour le manioc. En effet, cette<br />
affection qui se manifeste par une hypertrophie <strong>de</strong> <strong>la</strong> g<strong>la</strong>n<strong>de</strong> thyroïdienne entraînant une<br />
grosseur du cou est liée à une forte consommation du manioc entraînant une carence en io<strong>de</strong>.<br />
Les femmes sont les sujets les plus sensibles mais cette réalité ne les empêche pas <strong>de</strong><br />
continuer à consommer cet aliment culturellement essentiel.<br />
Le plus par<strong>la</strong>nt dans <strong>la</strong> perception du risque sanitaire à consommer le gibier est<br />
l’interprétation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die Ébo<strong>la</strong>. Presque tous les Ogivins ont été informés du risque<br />
mortel <strong>de</strong> contracter cette ma<strong>la</strong>die en consommant <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Au début il y avait<br />
peu d’inquiétu<strong>de</strong> puisque les animaux incriminés étaient les grands Singes, généralement peu<br />
consommés par les foyers <strong>de</strong> Makokou (crise d’ Ébo<strong>la</strong> <strong>de</strong> 1994 et 1996). Cependant, une série<br />
<strong>de</strong> campagnes <strong>de</strong> prévention a étendu <strong>la</strong> gamme <strong>de</strong>s animaux potentiellement dangereux à<br />
tous les Singes et même à d’autres espèces dont <strong>la</strong> majorité est appréciée <strong>de</strong>s consommateurs<br />
(Céphalophes à dos jaune, Potamochère, Nandinie…). Lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise <strong>de</strong> 2002 72 qui toucha le<br />
nord-est du Gabon et le nord-ouest du Congo, l’espèce incriminée aurait même été un<br />
72 J’ai personnellement vécu cette crise en étant en cette pério<strong>de</strong> à Makokou lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> collecte <strong>de</strong>s données sur <strong>la</strong><br />
chasse. Le Gabon étant circonscrit pour limiter <strong>la</strong> propagation du virus, j’ai eu <strong>de</strong> nombreuses difficultés à me<br />
dép<strong>la</strong>cer notamment vers <strong>la</strong> France pour <strong>de</strong>s obligations universitaires.<br />
- 271 -
Potamochère et/ou un Céphalophe à dos jaune (Canopée n°24, juillet 2003). Sur le terrain on<br />
observa une réaction totalement inverse <strong>de</strong> ce que pouvait espérer les instances responsables<br />
du suivi <strong>de</strong> <strong>la</strong> pandémie. En effet, pendant cette crise <strong>de</strong> 2002 (122 cas dont 79% <strong>de</strong> décès,<br />
Ecofac, n°24, juillet 2003), pourtant <strong>la</strong> troisième du genre dans <strong>la</strong> région, le gibier continuait à<br />
affluer sur le marché <strong>de</strong> Makokou et <strong>la</strong> consommation n’aurait, semble-t-il, que très peu<br />
diminué. Il est important, afin <strong>de</strong> mieux comprendre l’état d’esprit qui animait les Ogivins <strong>de</strong><br />
rappeler que lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise <strong>de</strong> 1994, <strong>la</strong> première du genre au Gabon, avant que les chercheurs<br />
et mé<strong>de</strong>cins n’i<strong>de</strong>ntifient le virus d’ Ébo<strong>la</strong> comme responsable <strong>de</strong>s nombreux cas <strong>de</strong> décès au<br />
vil<strong>la</strong>ge Minkouka 73 près <strong>de</strong> Makokou, il existait plusieurs <strong>version</strong>s sur l’origine <strong>de</strong> cette<br />
ma<strong>la</strong>die. Les habitants par<strong>la</strong>ient <strong>de</strong> <strong>la</strong> « colère » d’un sorcier qui, pour se venger <strong>de</strong> <strong>la</strong> réaction<br />
<strong>de</strong> certains chasseurs du vil<strong>la</strong>ge n'ayant pas respecté une zone interdite <strong>de</strong> chasse, lui ayant<br />
refusé du gibier ou encore afin <strong>de</strong> réaffirmer ses pouvoirs maléfiques, aurait mis sur leur piste<br />
un Chimpanzé agonissant qu’ils ont tué et mangé et en seraient morts. Une autre <strong>version</strong><br />
par<strong>la</strong>it <strong>de</strong> produits chimiques stockés dans <strong>la</strong> forêt <strong>de</strong> Minkébé qui auraient empoisonné les<br />
grands Singes parmi lesquels celui que les chasseurs ont abattu agonisant, ramené au vil<strong>la</strong>ge<br />
et qui serait responsable <strong>de</strong> <strong>la</strong> contamination <strong>de</strong> plusieurs personnes au virus Ébo<strong>la</strong> (<strong>version</strong><br />
retenue jusqu’aujourd’hui). Il y eu tant <strong>de</strong> <strong>version</strong>s que le gouvernement décida <strong>de</strong> vacciner <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion gabonaise 74 contre <strong>la</strong> fièvre jaune parce que selon certaines institutions<br />
inter<strong>national</strong>es, cette ma<strong>la</strong>die était <strong>la</strong> cause <strong>de</strong>s décès <strong>de</strong> Makokou et qu’elle pouvait s’étendre<br />
à l’ensemble du pays. Par rapport à toutes ces incertitu<strong>de</strong>s et compte tenu <strong>de</strong>s croyances<br />
traditionnelles locales, les Ogivins ont commencé à remettre en cause l’existence réelle <strong>de</strong> ce<br />
virus ou encore <strong>de</strong> sous-estimer <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die et les risques <strong>de</strong> contaminations. « Si Ébo<strong>la</strong> tue,<br />
alors qu’il nous tue tous car nous avons faim et le gibier est notre seule nourriture » pouvait<br />
t’on entendre dire dans <strong>la</strong> rue <strong>de</strong> Makokou en cette pério<strong>de</strong>. « De toute façon, il faut bien<br />
cuire <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> pour ne pas attraper Ébo<strong>la</strong> » pouvaient affirmer certains pour ce motiver, en<br />
cette pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crise, à continuer à consommer du gibier. « Ébo<strong>la</strong> est une invention <strong>de</strong>s<br />
B<strong>la</strong>ncs pour nous empêcher <strong>de</strong> manger <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse » concluaient certains<br />
consommateurs. Il y a eu comme un ras le bol <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion se voyant restreindre ou<br />
interdire <strong>de</strong> consommer du gibier, aliment <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> importance socioculturelle pour eux.<br />
Ébo<strong>la</strong> fait peur mais n’a rien changé aux habitu<strong>de</strong>s alimentaires vis-à-vis <strong>de</strong>s grands Primates<br />
et <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage. Ces popu<strong>la</strong>tions ont cependant compris une chose essentielle, c’est<br />
73 Il s’agit d’un <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges où a sévi le virus Ébo<strong>la</strong>. Ce vil<strong>la</strong>ge n’existe plus.<br />
74 Étant en cette pério<strong>de</strong> étudiant à l’Université <strong>de</strong> Franceville au Gabon, située à environ 500 km <strong>de</strong> Makokou,<br />
j’ai été vacciné contre <strong>la</strong> fièvre jaune à cet effet.<br />
- 272 -
qu’il ne faut plus ramasser les animaux trouvés morts en forêt, quel que soit l’animal (Gami,<br />
2003).<br />
Section IV - Les interdits alimentaires liés à <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse<br />
En général, tous les gibiers sont comestibles mais <strong>de</strong> manière spécifique, toutes les<br />
vian<strong>de</strong>s ne sont pas consommées par tous et <strong>de</strong> <strong>la</strong> même manière. Les gibiers non consommés<br />
spécifiquement ne le sont pas par incompatibilités biologiques (empoisonnement par<br />
exemple), mais plutôt parce qu’ils sont soumis à <strong>de</strong>s restrictions alimentaires culturelles que<br />
nous désignons ici par le terme d'interdits alimentaires. On distingue plusieurs types<br />
d’interdits alimentaires que nous choisissons <strong>de</strong> regrouper en trois catégories : les interdits<br />
spécifiques aux femmes, les interdits c<strong>la</strong>niques et les interdits individuels acquis. Le Tableau<br />
31 à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> cette section présente une liste non exhaustive d’interdits alimentaires<br />
concernant quelques espèces animales.<br />
IV.1. Les femmes et les interdits alimentaires<br />
Le risque <strong>de</strong> consommer <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse n’est pas que sanitaire mais relève<br />
d’une représentation culturelle qui va bien au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s simples effets pathogènes sur <strong>la</strong> santé<br />
physique du consommateur. Prenons par exemple les femmes enceintes qui, quelque soit<br />
l’origine ethnique, représentent <strong>la</strong> catégorie <strong>la</strong> plus soumise aux restrictions alimentaires, au<br />
risque <strong>de</strong> générer chez le nouveau-né <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies ou <strong>de</strong>s malformations. Elles se verront<br />
interdire <strong>de</strong> consommer tout gibier d’apparence <strong>la</strong>i<strong>de</strong> (tous les Reptiles, certains Oiseaux, les<br />
Carnivores, certains Céphalophes, les Singes …) pour éviter que leur enfant à <strong>la</strong> naissance ne<br />
ressemble à ces animaux. Si une femme enceinte consomme <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tortue pendant sa<br />
grossesse, elle risquerait <strong>de</strong> mettre au mon<strong>de</strong> un enfant infirme. Celle qui consommerait le<br />
Varan rendra son enfant sourd. Le nouveau-né risquerait d’être chauve si <strong>la</strong> mère consomme<br />
certains Oiseaux et d’être très agité si elle consomme du Singe. Les petits carnivores auraient<br />
tendance à rendre le nouveau né coléreux. Ainsi, le comportement le plus marqué <strong>de</strong> l’animal<br />
consommé sera transmis au nouveau-né. Certains gibiers seront consommés comme aliment<br />
rituel. Ainsi, au risque <strong>de</strong> voir son enfant ressembler au Gorille (<strong>la</strong>rgement mieux accepté que<br />
le Chimpanzé), <strong>la</strong> maman préfèrerait consommer ce gibier pour transmettre à sa progéniture <strong>la</strong><br />
bravoure <strong>de</strong> cet animal.<br />
- 273 -
Chez les Kota, les animaux faisant partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille <strong>de</strong> <strong>la</strong> Panthère, c'est-à-dire les<br />
carnivores au pe<strong>la</strong>ge tacheté, sont strictement interdits <strong>de</strong> consommation à toutes les femmes<br />
(Mazzocchetti, 2005). Le risque est d’attraper <strong>la</strong> gale ou <strong>la</strong> lèpre en consommant ces gibiers.<br />
La consommation du Céphalophe à front noir par une femme serait à l’origine <strong>de</strong> menstrues<br />
abondantes, ce qui peut être très gênant au quotidien. Le pire pour les femmes reste selon<br />
elles, <strong>la</strong> consommation du Céphalophe à dos jaune qui leur fera perdre tout pouvoir <strong>de</strong><br />
séduction. Elle sera condamnée à n’être appréciée d’aucun homme ou n’aura aucune chance<br />
<strong>de</strong> se marier un jour.<br />
IV.2. Les interdits c<strong>la</strong>niques<br />
Chaque c<strong>la</strong>n, quelque soit son appartenance ethnique à Makokou (et probablement<br />
dans tout le pays), est incarné par un animal emblèmatique familial qu'il est soit interdit <strong>de</strong><br />
chasser, soit interdit <strong>de</strong> consommer. On peut dire qu’il existe autant <strong>de</strong> c<strong>la</strong>ns que d’espèces<br />
animales. Cependant, l’apparition d’un animal comme emblème <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille reste aussi<br />
diversifié que mystérieux. Ainsi Mazzocchetti lors <strong>de</strong> son étu<strong>de</strong> a i<strong>de</strong>ntifié quelques raisons<br />
invoquées par ses interlocuteurs pour le choix <strong>de</strong> l’animal totémique :<br />
- L’i<strong>de</strong>ntification chez l’animal <strong>de</strong>s traits <strong>de</strong> ressemb<strong>la</strong>nce (physique et psychologique) avec<br />
un défunt <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille ;<br />
- La reconnaissance par <strong>la</strong> lignée familiale d’un animal qui aurait aidé un <strong>de</strong> leurs ancêtres à<br />
éviter <strong>la</strong> mort en forêt ;<br />
- La reconnaissance par <strong>la</strong> lignée familiale d’un animal qui aurait veillé sur le corps d’un<br />
ancêtre défunt, le protégeant d’autres animaux voraces ;<br />
- La reconnaissance d’un animal protecteur <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille en forêt…<br />
Prenons par exemple le C<strong>la</strong>n du Potamochère (Hiengui), très célèbre chez les Fang.<br />
Cet animal est l’emblème d’une tribu Fang <strong>de</strong>s plus importantes du nord Gabon dont le<br />
comportement grégaire, solidaire, courageux et l’organisation sociale prononcée, a séduit une<br />
communauté entière qui s’i<strong>de</strong>ntifie dans leurs faits et gestes quotidiens aux réactions du<br />
Potamochère en forêt. Le c<strong>la</strong>n est organisé comme le serait une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochères en<br />
forêt. Par exemple, aucun fils Hiengui ne peut être abandonné par un autre Hiengui. Aucune<br />
personne non Hiengui ne peut s’en prendre à un Hiengui sans que <strong>la</strong> communauté entière ne<br />
s’en mêle. Dans <strong>la</strong> réalité quotidienne, il peut s’agir d’une dispute entre <strong>de</strong>ux enfants <strong>de</strong><br />
vil<strong>la</strong>ges ou quartiers voisins, qui finira en bagarre générale. Les Hiengui ont <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité<br />
- 274 -
d’être également très renfermés sur eux et les brassages avec d’autres c<strong>la</strong>ns ne sont pas<br />
toujours évi<strong>de</strong>nts. Cependant, il existe différents c<strong>la</strong>ns Hiengui dans le nord du Gabon dont il<br />
est impossible à l’heure actuelle <strong>de</strong> dire s’ils ont un lien ou pas entre eux. À Makokou, ces<br />
c<strong>la</strong>ns du Potamochère existent mais sont moins affichés que dans <strong>la</strong> ville d’Oyem. Chez les<br />
Hiengui, le Potamochère n’est pas interdit <strong>de</strong> consommation ni <strong>de</strong> chasse mais sera<br />
préférentiellement consommé lors <strong>de</strong> cérémonies bien particulières. Il existe toutefois <strong>de</strong>s<br />
précautions <strong>de</strong> base à prendre dans <strong>la</strong> manipu<strong>la</strong>tion du gibier qui, si elles ne sont pas<br />
respectées, pourraient causer malheur à <strong>la</strong> famille. Par exemple, le sang <strong>de</strong> l’animal tué doit<br />
toujours être recueilli pour <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s.<br />
Les Fang ne sont pas <strong>la</strong> seule ethnie du Gabon à avoir le Potamochère comme animal<br />
totémique. Ces c<strong>la</strong>ns du Potamochère existent également chez les Kota et les Téké du sud du<br />
pays.<br />
Cependant, <strong>de</strong> nos jours, ces réalités sont intériorisées et semblent bien éloignées <strong>de</strong>s<br />
préoccupations quotidiennes <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois qui n’hésitent plus à braver certains interdits. Mais<br />
comme il est connu qu’en Afrique, on ne meurt jamais <strong>de</strong> mort naturelle, c’est l’occasion pour<br />
les garants <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition (les ganga en général) <strong>de</strong> toujours rappeler à l’ordre certains actes<br />
profanateurs.<br />
IV.3. Les interdits acquis au cour <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie<br />
En marge <strong>de</strong>s interdits alimentaires <strong>de</strong> groupe (c<strong>la</strong>n, famille) comme pour ce que nous<br />
avons décrit précé<strong>de</strong>mment, il existe <strong>de</strong>s interdits propres à l’individu. Généralement, hormis<br />
les jumeaux pour qui l'on peut dire que les interdits son quasi innés, ils s’acquièrent au cours<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. On distingue ainsi les interdits initiatiques et les interdits liés au traitement d’une<br />
ma<strong>la</strong>die par un tradipraticien.<br />
IV.3.1. Les Jumeaux<br />
Les jumeaux sont <strong>de</strong>s êtres au statut bien à part dans les sociétés africaines. Ils sont<br />
vénérés et craints en même temps. Par cette ambivalence, ils inspirent <strong>de</strong> <strong>la</strong> chance et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
richesse pour certaines familles et <strong>la</strong> malchance pour d’autres. Ils sont <strong>la</strong> proie <strong>de</strong>s esprits du<br />
bien ou du mal qui rô<strong>de</strong>nt sans cesse autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille, attendant ainsi l’occasion <strong>de</strong><br />
pénétrer dans un corps <strong>de</strong> jumeaux. Ainsi, pour prévenir ce<strong>la</strong> dès <strong>la</strong> <strong>la</strong> grossesse, <strong>la</strong> mère subit<br />
<strong>de</strong>s bains <strong>de</strong> purification et se voit interdire <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> certains gibiers comme décrit<br />
- 275 -
dans le paragraphe VI.1. À <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong>s jumeaux, ces <strong>de</strong>rniers ainsi que leurs parents<br />
subissent systématiquement une série <strong>de</strong> rites à <strong>la</strong> mesure <strong>de</strong> l’évènement. C’est aussi un<br />
tournant <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s parents qui se verront ainsi interdire un certain nombre d'actes parmi<br />
lesquelles <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> certaines espèces animales. L’animal incarnant les jumeaux<br />
dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s sociétés gabonaises est le Perroquet gris à queue rouge ou Perroquet du<br />
Gabon (Psittacus erithacus). Chaque jumeau dès sa naissance se verra donné une plume rouge<br />
<strong>de</strong> perroquet qu’il gar<strong>de</strong>ra toute sa vie. Toute <strong>la</strong> vie du jumeau (mariage, naissance,<br />
anniversaire…) sera marquée par <strong>la</strong> présence <strong>de</strong>s plumes <strong>de</strong> cet animal.<br />
Les animaux interdits à <strong>la</strong> consommation dans le cas <strong>de</strong>s jumeaux sont ceux qui ont<br />
servi dans <strong>la</strong> préparation <strong>de</strong>s médicaments (cette liste peut varier selon le guérisseur) qui leur<br />
ont permis <strong>de</strong> bien arriver au mon<strong>de</strong>. À Makokou, les animaux souvent utilisés pour <strong>la</strong><br />
protection <strong>de</strong>s jumeaux sont le Bongo (Trage<strong>la</strong>phus euryceros ou ézona en Kota) dont le sang<br />
est mé<strong>la</strong>ngé à celui <strong>de</strong>s enfants qui le boiront par <strong>la</strong> suite ; <strong>la</strong> Loutre à joues b<strong>la</strong>nches (Ibango)<br />
et tous les carnivores tachetés <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille <strong>de</strong> Ngoye (Mazzocchetti 2005). Il s’agit souvent<br />
d’animaux rares ou difficiles à se procurer.<br />
IV.3.2. Les initiés<br />
Il s’agit d’une catégorie <strong>de</strong> personnes qui, après <strong>la</strong> traversée initiatique, se voit<br />
accor<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s droits ou interdire un certains nombres d'actes. Parmi les droits accordés et<br />
restreints, <strong>la</strong> faune sauvage est un enjeu majeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s rites initiatiques (Bwiti,<br />
Bwété, Mimbiri…). Ainsi, les animaux sont révélés sous forme <strong>de</strong> "films" qui défilent dans<br />
l’esprit <strong>de</strong> l’initié pendant sa traversée initiatique. Cette traversée initiatique est effectuée à<br />
l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’Iboga (Tabernanthe iboga, Apocynaceae), p<strong>la</strong>nte <strong>de</strong> base <strong>de</strong> ces cultes aux vertus<br />
mystiques, qui permet à l’initié d’entrer en contact avec ses ancêtres qui lui feront <strong>de</strong>s<br />
révé<strong>la</strong>tions sur sa vie future. Dans certains cas, certains <strong>de</strong> ces animaux seront interdits <strong>de</strong><br />
chasse et <strong>de</strong> consommation et dans d’autres cas, ils seront dédiés à l’initié. Les grands<br />
chasseurs d’Éléphants par exemple le sont <strong>de</strong>venus après un rite initiatique. Nous reviendrons<br />
sur cet aspect <strong>de</strong>s interdits dans le Chapitre IX, section V.<br />
- 276 -
Tableau 31: Récapitu<strong>la</strong>tif <strong>de</strong>s interdits alimentaires <strong>de</strong> quelques espèces animales et <strong>de</strong>s risques encourus en cas <strong>de</strong> transgression<br />
Animaux Femmes Femme enceinte Femme Al<strong>la</strong>itante Non circoncis Famille <strong>de</strong> jumeaux H/F Panthère<br />
Antilope <strong>de</strong> Bates<br />
(Neotragus batesi)<br />
Épilepsie Épilepsie Épilepsie<br />
L’enfant risque d’avoir les mêmes<br />
Risque <strong>de</strong> mort<br />
Bongo<br />
marques sur le corps que l’animal<br />
La femme ne p<strong>la</strong>ira plus<br />
Céphalophe à dos jaune aux hommes<br />
Menstruation<br />
Menstruation hémorragique<br />
Céphalophe à front noir hémorragique<br />
Céphalophe à ventre b<strong>la</strong>nc Épilepsie Risque d’avortement Épilepsie<br />
L’enfant aura une toux aiguë La queue : éviter l’érection<br />
Cercopithèque pogonias<br />
avant <strong>la</strong> circoncision<br />
Chevrotain aquatique<br />
Les fesses <strong>de</strong> l’enfant resteront<br />
rouges et ouvertes<br />
L’enfant n’aura que 4 doigts La queue : éviter l’érection<br />
Colobe guéreza<br />
avant <strong>la</strong> circoncision<br />
Donne <strong>la</strong> lèpre et <strong>la</strong> gale Risque <strong>de</strong> mort <strong>de</strong> l’enfant Risque <strong>de</strong> mort <strong>de</strong><br />
Ma<strong>la</strong>dies <strong>de</strong> peau ou mort Ma<strong>la</strong>dies <strong>de</strong> peau ou<br />
Carnivores tachetés<br />
l’enfant<br />
mort<br />
L’enfant sera très agité ce qui<br />
La queue : éviter l’érection<br />
Petits singes<br />
entraînera <strong>de</strong>s douleurs<br />
avant <strong>la</strong> circoncision<br />
Mangoustes Donne <strong>la</strong> lèpre et <strong>la</strong> gale Donne <strong>la</strong> lèpre et <strong>la</strong> gale Ma<strong>la</strong>dies <strong>de</strong> peau<br />
Risque <strong>de</strong> mourir Dangereux pour l’enfant et <strong>la</strong> mère Dangereux pour l’enfant<br />
Dangereux pour l’enfant et <strong>la</strong><br />
Oryctérope<br />
et <strong>la</strong> mère<br />
L’enfant se repli e sur lui-même et<br />
mère<br />
Pangolins<br />
ne peut pas sortir<br />
L’enfant n’aura qu’un seul testicule<br />
Rat <strong>de</strong> Gambie<br />
<strong>de</strong> sorti<br />
L’enfant aura <strong>de</strong>s problèmes <strong>de</strong><br />
Sitatunga<br />
coups<br />
L'enfant aura les membres courts L’enfant va beaucoup<br />
Tortue<br />
maigrir<br />
Varan L’enfant sera sourd<br />
Synthèse <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> Mazzocchetti, 2005, complété par Okouyi<br />
- 277 -
IV.3.3. Les médicaments<br />
Lorsque l’on se fait soigner par un guérisseur (que ce soit contre une ma<strong>la</strong>die ou contre<br />
un mauvais sort), si celui-ci utilise <strong>de</strong>s animaux dans <strong>la</strong> composition <strong>de</strong> ses médicaments, ils<br />
<strong>de</strong>viennent interdits à <strong>la</strong> consommation pour le patient et parfois même pour toute sa famille.<br />
Si l'on mange quand même l’animal, l’effet du médicament s’annule ou même s’inverse, c’est<br />
à dire qu’il peut causer <strong>la</strong> mort <strong>de</strong> <strong>la</strong> personne en question (Mazzocchetti, 2005). Dans ce<br />
<strong>de</strong>rnier cas <strong>de</strong> figure le ganga, avant qu’il ne soit trop tard, <strong>de</strong>vra proposer un contre-<br />
médicament, généralement à base d’une espèce animale prédatrice <strong>de</strong> <strong>la</strong> première avec<br />
<strong>la</strong>quelle a été effectuée le premier médicament.<br />
Section V - Évaluation du <strong>de</strong>gré d’information <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions enquêtées<br />
sur <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion en matière <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage<br />
Soixante et un pour cent <strong>de</strong>s foyers estiment que le gibier se raréfie dans <strong>la</strong> région et<br />
75,6% pensent que <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse contribue à le faire diminuer. Du<br />
moins, ils accusent le marché Afane, l’hôtel et les restaurants d’en être responsables car<br />
chacun d’entre eux, <strong>de</strong> manière individuelle, estime à 90% ne pas consommer assez <strong>de</strong> gibier<br />
pour en être responsable. Évi<strong>de</strong>mment à partir du moment où ils savent moins ce qui se passe<br />
chez les autres (du moins dans les familles où il n’y a pas <strong>de</strong> chasseur), il se sentent peu<br />
responsables du déclin <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune. Même s’ils louent et trouvent légitime l’activité <strong>de</strong>s<br />
commerçantes <strong>de</strong> gibier, ils n’en pensent pas moins qu'elles ont une responsabilité dans <strong>la</strong><br />
<strong>de</strong>struction <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune. « Nous mangeons parce qu’il y en a, et parce que ce n’est pas cher »<br />
affirme un abitué <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> rue. Ce <strong>de</strong>rnier d’ajouter « Les vrais responsables<br />
sont les étrangers (en faisant allusion aux exploitants forestiers et leurs cortèges d’ouvriers<br />
non originaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> province) qui viennent finir notre gibier ». Il faut se rappeler également<br />
(voir Chapitre II, section V) que les Ogivins estiment jusqu’à présent que <strong>la</strong> délocalisation <strong>de</strong>s<br />
activités <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>s biomédicales <strong>de</strong> Makokou vers Franceville avec le départ <strong>de</strong> quelques<br />
Singes alors détenus en captivité à Ipassa, a vidé leurs forêts <strong>de</strong> toute faune. Ce prétexte a<br />
longtemps servi <strong>de</strong> cheval <strong>de</strong> bataille aux Hommes politiques <strong>de</strong> Makokou, à l’époque<br />
farouchement opposés au pouvoir central, pour <strong>de</strong>s campagnes contestataires. « Ce n’est pas
nous (les Ogivins 75 ) qui sommes responsables du déclin <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune à Makokou, ce sont les<br />
autres » affirme un notable retraité d’un <strong>de</strong>s quartiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville qui confirme cet état d’esprit<br />
<strong>de</strong>s Ogivins à se sentir peu responsables <strong>de</strong> <strong>la</strong> raréfaction du gibier. Parallèlement, certains<br />
allochtones <strong>de</strong> <strong>la</strong> province trouvent que les Ogivins par rapport à d’autres régions du pays,<br />
sont <strong>de</strong>s « maniaques » <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation du gibier et qu’ils ne peuvent pas s’en passer. Ces<br />
comportements <strong>de</strong>s Ogivins sont marqués dans d’autres régions du pays où rési<strong>de</strong>nt certains<br />
<strong>de</strong>s ressortissants <strong>de</strong> l'Ogooué-Ivindo qui à n’importe quelle occasion, se procureront <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse pour leur alimentation. En vérité, ce comportement n’est pas typique <strong>de</strong>s<br />
Ogivins puisque <strong>de</strong>s ressortissants <strong>de</strong> nombreuses provinces, généralement celles où abon<strong>de</strong><br />
encore le gibier (Woleu-Ntem, Oyem, Ogooué-Lolo…), adoptent le même comportement. Par<br />
contre certaines ethnies Myéné <strong>de</strong> <strong>la</strong> côte gabonaise par exemple qui sont moins dépendantes<br />
du gibier adoptent le même comportement avec les produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> mer.<br />
Moins <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié (37,8%) <strong>de</strong>s foyers connaissent quelques lois sur <strong>la</strong> chasse mais<br />
84% sont capables <strong>de</strong> citer au moins 2 espèces protégées. C’est l’Éléphant qui est le plus<br />
souvent cité suivi du Chevrotain aquatique et du Gorille. Le Potamochère est cité comme<br />
espèce protégée par 6,7% <strong>de</strong>s foyers. La légis<strong>la</strong>tion citée pour l’Éléphant concerne<br />
l’interdiction du trafic <strong>de</strong> l’ivoire et les battues administratives, peu c<strong>la</strong>ire pour <strong>la</strong> majorité.<br />
Cependant pour environ 36% <strong>de</strong> ces consommateurs, <strong>la</strong> loi ne <strong>de</strong>vrait s’appliquer qu’aux<br />
chasseurs et aux commerçants. Eux, ils « achètent du gibier parce qu’il y en a sur le marché »<br />
et pensent que si <strong>la</strong> loi bloquait l’activité en amont (ce qui ne les arrange pas, bien entendu) ils<br />
y aurait moins <strong>de</strong> trafic et <strong>la</strong> faune sauvage se maintiendrais. « Ce n’est pas moi qui envoie le<br />
chasseur en forêt » disent certains consommateurs pour se donner bonne conscience.<br />
Section VI - Évaluation <strong>de</strong> l’opportunité <strong>de</strong> production <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
Potamochère par l’élevage à Makokou<br />
VI.1. Résultats <strong>de</strong> l’enquête auprès <strong>de</strong>s consommateurs<br />
Les foyers sont 77,3% à avoir déjà entendu parler d’élevage <strong>de</strong> gibier notamment<br />
d’Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> puisque le DABAC a fait diffuser plusieurs documentaires télévisés à ce sujet.<br />
Presque toute <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion était réticente à l’élevage du Potamochère qu’ils considèrent<br />
75 Ici il faut comprendre, les originaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> province <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo contrairement au terme Makoviste<br />
souvent utilisé et qui désigne en même temps les personnes originaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> province et les non originaires (qu’il<br />
soit gabonais ou pas), mais qui vivent à Makokou.<br />
- 279 -
comme un gibier féroce et difficile à contrôler. Même pour certains techniciens d’Ipassa, les<br />
Potamochères détenus en captivité <strong>de</strong>puis leur jeune âge, restent <strong>de</strong>s animaux très dangereux<br />
qu’ils approchent difficilement ou <strong>de</strong> loin. Si les Makovistes avaient le choix entre <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère sauvage ou <strong>de</strong> Potamochère provenant d’un élevage (au même prix),<br />
47,1% choisiraient du Potamochère sauvage alors que 40,3% prendraient <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> issue <strong>de</strong><br />
l’élevage, et 7,6% prendraient indifféremment l’un ou l’autre. La principale raison invoquée<br />
pour expliquer le choix du Potamochère sauvage est le goût - bien qu'ils ignorent tous le goût<br />
du Potamochère d'élevage - et le fait que ce soit une vian<strong>de</strong> « naturelle ». La notion d’élevage<br />
suppose en plus d’être en contact avec le "gibier 76 ", <strong>de</strong> le nourrir avec <strong>de</strong>s aliments parfois<br />
autres que ceux qu’il consomme en forêt. Le caractère naturel disparaît alors. Par ailleurs <strong>de</strong>s<br />
foyers refuseraient <strong>de</strong> manger une bête qu’ils ont élevée ou qui a côtoyé les hommes. En effet,<br />
bien que les parents abattus soient considérés comme <strong>de</strong>s gibiers, le petit Singe ou le petit<br />
Potamochère ou encore le petit Céphalophe que le chasseur rapporte vivant à <strong>la</strong> maison<br />
<strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s animaux domestiques et s’ils meurent, ne sont pas consommés. Ils sont jetés<br />
ou parfois enterrés <strong>de</strong>rrière <strong>la</strong> maison.<br />
Pour les partisans du Potamochère d’élevage, c’est le suivi sanitaire qui est<br />
déterminant dans leur choix. Ils considèrent que comme tous les animaux conventionnels<br />
élevés pour <strong>la</strong> consommation, le Potamochère suivi en élevage aura une vian<strong>de</strong> plus saine<br />
pour consommation. « Mieux vaut savoir ce qu’il mange pour être rassuré sur <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> sa<br />
vian<strong>de</strong> » affirment certains. En effet, il est connu que cet animal mange un peu du tout et<br />
n’importe quoi. Certains chasseurs ayant observé le Potamochère en train <strong>de</strong> consommer <strong>de</strong>s<br />
serpents et <strong>de</strong>s insectes "répugnants" comme <strong>la</strong> iule, ont refusé d’en manger par <strong>la</strong> suite ou du<br />
moins ne mangent plus que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> et non plus les entrailles. Selon notre enquête, 82,3%<br />
<strong>de</strong>s a<strong>de</strong>ptes <strong>de</strong> l’élevage <strong>de</strong> Potamochère se disent prêts à se <strong>la</strong>ncer dans l’aventure si on leur<br />
fournit du matériel et si on leur apprend les techniques d’élevage.<br />
VI.2. L’expérience d’élevage <strong>de</strong> Potamochère d’Ipassa<br />
L’une <strong>de</strong>s premières étapes <strong>de</strong> mes activités <strong>de</strong> terrain a consisté à mettre en p<strong>la</strong>ce dès<br />
l’année 2002 à <strong>la</strong> station d’Ipassa, un élevage expérimental <strong>de</strong> Potamochère. L’objectif était<br />
d’avoir à portée <strong>de</strong> main le matériel d’étu<strong>de</strong> d’autant plus que, l’observation <strong>de</strong>s<br />
76 Généralement à Makokou, l’animal sauvage est perçu en terme <strong>de</strong> gibier donc <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> à manger. L’idée d’un<br />
animal sauvage vivant avec l’Homme est toléré dans le cadre <strong>de</strong>s jeunes <strong>de</strong> certaines espèces (Primates surtout,<br />
les embryons <strong>de</strong>s gibiers comme les Céphalophes ou les Potamochères étant consommés) souvent attrapés après<br />
que l'on ait abattu leurs parents.<br />
- 280 -
Potamochères en forêt n’est pas chose facile. Le cadre s’y prêtait bien dans <strong>la</strong> mesure où il<br />
existait déjà autour d’Ipassa, <strong>de</strong>s enclos ayant servi à l’élevage <strong>de</strong>s Céphalophes (Feer, 1988).<br />
VI.1.1. Capture <strong>de</strong>s animaux<br />
La capture <strong>de</strong>s animaux <strong>de</strong>vait se faire, à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> filets, aux alentours d’Ipassa pour<br />
<strong>de</strong>s raisons logistiques. Pour ce<strong>la</strong>, nous disposions <strong>de</strong> 6 filets <strong>de</strong> 50 m <strong>de</strong> longueur sur 1,5 m<br />
<strong>de</strong> hauteur. L’idée était, après détection <strong>de</strong> <strong>la</strong> ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochères, <strong>de</strong> les rabattre vers le<br />
filet et d'attraper les marcassins et/ou les juvéniles. Mais plusieurs tentatives vaines ont<br />
montré <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> cette technique surtout sans l’utilisation <strong>de</strong> chiens rabatteurs. Ce qui<br />
n’était pas envisageable pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> sécurité liées à <strong>la</strong> présence d’Éléphants sur les<br />
sites choisis pour les captures. Nous parcourions les forêts à longueur <strong>de</strong> journée en suivant<br />
les traces <strong>de</strong>s Potamochères, comme le ferait un chasseur. Plusieurs ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Potamochères<br />
furent repérées pendant les <strong>de</strong>ux semaines <strong>de</strong> campagne, mais les animaux détectaient très<br />
vite notre présence et s’enfuyaient. À <strong>de</strong>ux reprises, le groupe, comme un seul homme, a<br />
foncé sur le filet qui malheureusement ne pouvait supporter une telle charge. À l’issue <strong>de</strong> ces<br />
échecs, nous nous sommes alors résigné à acheter <strong>de</strong>s marcassins et <strong>de</strong>s juvéniles <strong>de</strong><br />
Potamochères chez <strong>de</strong>s chasseurs qui avaient tués les parents et gardé les jeunes.<br />
VI.1.2. Animaux en captivité<br />
Trois marcassins (2 mâles et une femelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> même fratrie Photo 32), âgés d’environ<br />
4 semaines et achetés le 20 mars 2003 chez un chasseur au vil<strong>la</strong>ge Mbondou sur <strong>la</strong> route<br />
Makokou-Okondja, ont été les premiers pensionnaires <strong>de</strong> cet élevage expérimental. Un <strong>de</strong> ces<br />
marcassins fût nommé Pitchou par les techniciens <strong>de</strong> <strong>la</strong> station. Par <strong>la</strong> suite, nous avons pu<br />
acheter une jeune femelle, du même âge environ, au vil<strong>la</strong>ge Mintom sur <strong>la</strong> route Makokou-<br />
Ovan. Cette <strong>de</strong>rnière est malheureusement morte <strong>de</strong>ux mois après. La série <strong>de</strong> malheurs<br />
continua lorsqu’un <strong>de</strong>s techniciens <strong>de</strong> <strong>la</strong> station chargé <strong>de</strong> nourrir les animaux fut pris <strong>de</strong><br />
panique et blessa mortellement <strong>la</strong> femelle du groupe. En janvier 2004, nous avons acheté à<br />
nouveau une femelle juvénile qui avait été capturée au piège sur <strong>la</strong> route d’Andock. Cette<br />
<strong>de</strong>rnière n’a pas eu du mal à intégrer le groupe constitué alors <strong>de</strong> Pitchou et son frère.<br />
Malheureusement, en juin 2004 une attaque <strong>de</strong> panthère <strong>la</strong> tua elle et le frère <strong>de</strong> Pitchou. Ce<br />
<strong>de</strong>rnier par miracle échappa à <strong>la</strong> mort. Légèrement blessé, il se dirigea vers <strong>la</strong> station où il fût<br />
rattrapé par le personnel et mis en lieu sûr. Pitchou ne resta pas longtemps seul dans <strong>la</strong> mesure<br />
- 281 -
ou nous avons pu acquérir, quelques mois après, une femelle juvénile d’environ un an qui est<br />
sa compagne jusqu'alors. Cette <strong>de</strong>rnière, dénommé Toubo était <strong>la</strong> pensionnaire d’un agent <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> SEEG 77 <strong>de</strong> Mékambo, qui affecté dans une autre ville, ne pouvait emmener son animal. Il<br />
nous <strong>la</strong> confia alors pour une expérience <strong>de</strong> reproduction. En avril 2005, nous avons acheté<br />
<strong>de</strong>ux autres marcassins femelles dont une a été tuée par Pitchou. La survivante fut nommée<br />
Louli (Photo 33). Ce récit rend compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> difficulté <strong>de</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce une expérience<br />
d'élevage (Photo 34).<br />
L’élevage expérimental <strong>de</strong> Potamochère en semi-liberté nous permet d’avoir le<br />
matériel biologique <strong>de</strong> base pour <strong>de</strong>s observations biologiques et éthologiques à portée <strong>de</strong><br />
main. Il permet également <strong>de</strong> former les techniciens <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> sur <strong>la</strong><br />
manipu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s animaux vivants (Photo 35). Cet élevage est <strong>de</strong>venu actuellement partie<br />
intégrante <strong>de</strong> <strong>la</strong> station d’Ipassa et les Potamochères constituent une <strong>de</strong>s attractions du site.<br />
Les Potamochères <strong>de</strong> <strong>la</strong> station sont également utilisés pour tester le matériel <strong>de</strong><br />
télémétrie (collier, harnais, boucle, attractif…) prévu pour le projet d’étu<strong>de</strong> sur l’écologie du<br />
Potamochère dans le Parc <strong>de</strong> l’Ivindo.<br />
Photo J. Okouyi<br />
Figure 32 et 33 : Marcassins <strong>de</strong> <strong>la</strong> station, à gauche <strong>la</strong> fratrie <strong>de</strong> Pitchou et à droite Louli<br />
l’une <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières pensionnaires<br />
77 Société d’Énergie et d’Eaux du Gabon<br />
- 282 -
Photo J. Okouyi<br />
Figure 34: Pitchou à droite <strong>de</strong>bout et Toubo à gauche couché en position <strong>de</strong> soumission<br />
Figure 35 : Manipu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s animaux : Pesée hebdomadaire<br />
- 283 -
Chapitre VIII : Aspects culturels <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> faune sauvage à Makokou<br />
Section I – Introduction<br />
L’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage au Gabon, comme partout ailleurs dans <strong>la</strong> sous-<br />
région, est loin <strong>de</strong> se limiter à <strong>la</strong> seule prédation pour <strong>la</strong> consommation, comme certains<br />
auteurs ten<strong>de</strong>nt à le montrer (Steel, 1994 ; Lahm, 1993, 1996 ; Thibault, 2003…). L'animal<br />
sauvage quoique a priori toujours considéré comme une source alimentaire en milieu rural<br />
gabonais, revêt toutefois et ce, <strong>de</strong>puis toujours, <strong>de</strong>s aspects socioculturels et magico- religieux<br />
très importants, mais souvent occultés. La faune sauvage est présente dans les différents<br />
domaines <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie sociale et culturelle <strong>de</strong>s Gabonais. De <strong>la</strong> pharmacopée traditionnelle aux<br />
rites initiatiques, en passant par l’artisanat et <strong>la</strong> littérature orale, le mon<strong>de</strong> animal, souvent<br />
associé aux p<strong>la</strong>ntes, tient une p<strong>la</strong>ce capitale ; sans lui ces pratiques n’existeraient pas ou pour<br />
le moins n’auraient guère <strong>de</strong> sens. Ce chapitre tentera <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce ces différentes<br />
utilisations autres qu’alimentaires et les représentations <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage qui y sont<br />
associées. Les représentations en particulier mettent en lumière les re<strong>la</strong>tions si étroites que les<br />
Ogivins entretiennent avec le mon<strong>de</strong> animal forestier. Nous émettons l’hypothèse que <strong>la</strong> non<br />
prise en considération <strong>de</strong> ces autres usages <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage par <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion ou dans les<br />
programmes <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> celle-ci, a probablement été un facteur limitant et parfois même<br />
déterminant dans l’échec <strong>de</strong> certaines initiatives <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité animale au<br />
Gabon.<br />
Il est hors <strong>de</strong> question dans ce chapitre <strong>de</strong> vouloir embrasser en quelques pages<br />
l'ensemble <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions entre les hommes et les animaux, encore moins <strong>de</strong> cerner toute <strong>la</strong><br />
p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s animaux dans les sociétés Ogivines (Kota, Kwélé ou Fang). Ce champ <strong>de</strong> <strong>recherche</strong><br />
mériterait une <strong>recherche</strong> anthropologique approfondie. Je me limiterai à présenter quelques<br />
exemples montrant l'ampleur du sujet dans <strong>la</strong> région afin que ces aspects culturels soient<br />
mieux pris en compte. Mais avant ce<strong>la</strong>, il me semble intéressant à ce niveau <strong>de</strong> rappeler<br />
quelques fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions historiques entre les Hommes et les animaux.<br />
- 284 -
Section II - Définitions, et bref aperçu <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> l’ethnozoologie<br />
L'homme, animal lui-même, a <strong>de</strong>puis ses origines une vie commune avec les autres<br />
animaux. Aussi loin que remontent les vestiges humains et préhominiens dans les sites<br />
archéologiques, <strong>de</strong>s ossements animaux leurs sont associés : les Australopithèques, il y a 3<br />
millions d'années, mangeaient <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>, Homo habilis (2 Ma) chassait et fabriquait <strong>de</strong>s<br />
outils d'os et d'ivoire d'hippopotame. Très tôt, l'homme domina les autres animaux, et ceux-ci<br />
lui procurèrent une part importante <strong>de</strong> ses moyens d'existence. Le développement <strong>de</strong>s sociétés<br />
humaines est lié à l'exploitation du mon<strong>de</strong> animal.<br />
Les moyens d'utiliser les animaux et les produits que l'on tire <strong>de</strong> ceux-ci sont<br />
nombreux et d'une variété infinie. Pour l'alimentation, on prélève <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>, le sang, le <strong>la</strong>it<br />
dont on fait du beurre et <strong>de</strong>s fromages, les œufs, <strong>la</strong> graisse, et même les produits secondaires<br />
comme le miel ; toutes les parties du corps animal sont utilisées comme matériaux : les os<br />
(petits objets, colle), <strong>la</strong> corne et les bois, les <strong>de</strong>nts et les défenses (ivoire), l'écaille, les poils<br />
(<strong>la</strong>ine, feutre, pinceaux, b<strong>la</strong>ireaux), <strong>la</strong> peau (cuirs, fourrures), les soies et les crins (brosserie),<br />
les plumes (literie, parure, brosserie), les coquilles d'œufs, les excréments (chauffage, engrais,<br />
enduits), <strong>la</strong> graisse (éc<strong>la</strong>irage, chauffage), le musc (pharmacopée, parfumerie), le sang (colle,<br />
enduit), les <strong>la</strong>ques et colorants (cochenille, pourpre, etc.), <strong>la</strong> soie, <strong>la</strong> nacre (incrustations,<br />
boutons, perles), les éponges, le corail.<br />
De même, l'utilisation <strong>de</strong>s animaux par l'homme couvre <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s groupes<br />
zoologiques : tous les Vertébrés (Poissons, Reptiles, Amphibiens, Oiseaux et Mammifères),<br />
Mollusques, Arthropo<strong>de</strong>s (Crustacés, Insectes), Échino<strong>de</strong>rmes (Oursins), Poriphores<br />
(Éponges), Cœlentérés (Corail).<br />
Les hommes utilisent aussi l'énergie <strong>de</strong>s animaux (bât, portage, fou<strong>la</strong>ge, trait). Ils ont<br />
observé à travers le temps le mon<strong>de</strong> animal, forgeant un vocabu<strong>la</strong>ire spécialisé, c<strong>la</strong>ssifiant les<br />
animaux, les évoquant dans leurs représentations du mon<strong>de</strong> (mythes, légen<strong>de</strong>s, contes,<br />
proverbes), leur attribuant <strong>de</strong>s valeurs symboliques et entretenant avec eux <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions<br />
d'ordre magique et religieux 78 .<br />
L'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rapports entre les sociétés humaines et le mon<strong>de</strong> animal a favorisé <strong>la</strong><br />
création d'une discipline spécialisée, l'ethnozoologie. Ce terme a été forgé par <strong>de</strong>ux savants<br />
américains, J. Hen<strong>de</strong>rson et J. P. Harrington (Ethnozoology of the Tewa Indians) en 1914.<br />
Sur le p<strong>la</strong>n paléozoologique il ressort que certains animaux comme le Buffle, le<br />
Babouin, <strong>la</strong> Panthère, <strong>la</strong> Tortue, l’Éléphant sont anciennement établis à travers l’Afrique<br />
78 Source <strong>de</strong> l’article : http://www.memoclic.com/forum/bistrot/210159/page-4/unpt_titchienquijappe<br />
- 285 -
Centrale ; ancienneté qui expliquerait leur re<strong>la</strong>tion étroite avec le pouvoir royal en tant que<br />
regalia, c’est-à-dire les signes du pouvoir <strong>de</strong>s fondateurs <strong>de</strong> chefferies souvent appelés rois-<br />
chasseurs. De ce fait, <strong>la</strong> peau du Léopard, les défenses d’Éléphants, <strong>la</strong> carapace <strong>de</strong> <strong>la</strong> Tortue,<br />
les cornes du Bubale ou du Buffle, le fémur du Babouin figurent en bonne p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong><br />
panoplie <strong>de</strong>s regalia <strong>de</strong>s souverains du macrocosme bantou. Sans doute l’ancienneté <strong>de</strong> ces<br />
bêtes dans les parages <strong>de</strong>s rois-chasseurs aurait justifié leur re<strong>la</strong>tion symbolique avec le<br />
pouvoir, celui-ci prenant en compte les caractères physiques et instinctifs particuliers <strong>de</strong> ces<br />
animaux. Les chefs africains sont ainsi assimilés au Léopard pour dit-on sa beauté, sa férocité<br />
et son élégance ; au Buffle et à l’Éléphant pour leur puissance et leur virilité ; à <strong>la</strong> Tortue<br />
pour sa patience et sa sagesse ; au Babouin pour <strong>la</strong> ruse dont il fait preuve et à d’autres encore<br />
comme le Chien et le Coq pour leur fécondité et leur polygamie (Nizesete, 2001).<br />
L'homme a toujours dominé le mon<strong>de</strong> animal qui lui procure une part importante <strong>de</strong><br />
ses moyens d'existence. Dans une certaine mesure, et <strong>de</strong>puis longtemps, le développement <strong>de</strong>s<br />
sociétés humaines est lié à l'exploitation du mon<strong>de</strong> animal. De nos jours encore, cette re<strong>la</strong>tion<br />
étroite entre l’Homme et le mon<strong>de</strong> animal sauvage est restée très présente dans certaines<br />
sociétés africaines en dépit <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> <strong>la</strong> colonisation et aujourd’hui d’une certaine<br />
globalisation culturelle. En effet l’histoire, dont nous présentons brièvement quelques aspects<br />
par <strong>la</strong> suite, a sa part <strong>de</strong> responsabilité dans ce que nous constatons aujourd’hui.<br />
Section III - Les effets masqués <strong>de</strong> <strong>la</strong> colonisation<br />
En Afrique Centrale, <strong>la</strong> mainmise coloniale, qui ne dura pourtant qu’à peine trois<br />
quarts <strong>de</strong> siècle (1880-1930), bouleversa considérablement <strong>la</strong> région. Parallèlement à toutes<br />
les manifestations visibles <strong>de</strong> <strong>la</strong> colonisation dans <strong>la</strong> sous-région, fut accompli un énorme<br />
travail en profon<strong>de</strong>ur pour détruire les cultures et les religions locales. L’animisme et le<br />
polythéisme, courants religieux qui caractérisaient l’Afrique Centrale, <strong>de</strong>vaient être remp<strong>la</strong>cés<br />
par le christianisme qui constituait un élément clé du projet colonial 79 . Au nom <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
civilisation et du ″bien-être indigène″, tout ce qui était l’expression <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition ancienne<br />
était proscrit. Les missionnaires, fers <strong>de</strong> <strong>la</strong>nce <strong>de</strong> ces mutations, partirent en guerre contre<br />
l’habillement, à l’époque basée sur l’utilisation <strong>de</strong>s produits animaux et végétaux tandis que<br />
les chants, les danses et les arts p<strong>la</strong>stiques représentant très souvent le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt<br />
<strong>de</strong>vaient disparaître ou se <strong>la</strong>isser occi<strong>de</strong>ntaliser. Les cultes initiatiques, fondés sur l’usage <strong>de</strong>s<br />
79 Il est intéressant <strong>de</strong> souligner qu’au moment où l’Europe impose le christianisme à l’Afrique, il était remis en<br />
question sur son continent d’origine (Grenand comm. pers.)<br />
- 286 -
produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt étaient combattus. À partir <strong>de</strong> années 1930, ils furent tout simplement<br />
interdits par les colonisateurs, brisant ainsi tout repère culturel reliant le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s hommes à<br />
<strong>la</strong> forêt. Pourtant, ces sociétés initiatiques représentaient probablement le principal véhicule et<br />
garant <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition. Ce qui subsisterait <strong>de</strong> nos jours <strong>de</strong>s traditions et <strong>de</strong>s croyances est<br />
profondément oblitéré pour se conformer aux principes chrétiens, à tel point qu’il est<br />
aujourd’hui parfois difficile <strong>de</strong> séparer l’original <strong>de</strong> l’introduit (Van <strong>de</strong> Weghe, 2004).<br />
L’apparition <strong>de</strong> nos jours <strong>de</strong>s vestiges du christianisme (soutane, croix…) dans certains rites<br />
initiatiques au Gabon (Bwiti, Mimbiri…) seraient <strong>de</strong>s exemples témoignant <strong>de</strong> <strong>la</strong> profon<strong>de</strong>ur<br />
<strong>de</strong> ces mutations.<br />
Il est important <strong>de</strong> souligner que <strong>la</strong> colonisation, en détruisant et en manipu<strong>la</strong>nt les<br />
cultures, a profondément bouleversé les rapports que les popu<strong>la</strong>tions avaient avec le milieu<br />
naturel. En effet, <strong>de</strong>s croyances et <strong>de</strong>s rites qui traditionnellement avaient souvent tempéré le<br />
prélèvement <strong>de</strong>s ressources naturelles, furent remp<strong>la</strong>cés par une philosophie chrétienne selon<br />
<strong>la</strong>quelle l’Homme disposerait sans limitation <strong>de</strong>s ressources <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature. Ainsi chaque produit<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> nature serait un don <strong>de</strong> Dieu à <strong>la</strong> portée <strong>de</strong> tous (Van <strong>de</strong> Weghe, ibid).<br />
Malgré toutes ces mutations culturelles profon<strong>de</strong>s, plusieurs sociétés initiatiques ont<br />
persisté jusqu’à nos jours. Nous prenons en exemple, le cas du Sat_i, l’une <strong>de</strong>s confréries<br />
initiatiques <strong>de</strong>s plus célèbres au Gabon. Il s’agit du rite <strong>de</strong> <strong>la</strong> puberté <strong>de</strong>s hommes, très chère<br />
aux ethnies du nord-est du pays (Perrois, 1968). Ce rite initiatique est caractérisé chez les<br />
Bakota par le test <strong>de</strong> l’Homme-panthère ou Ngoye, une société secrète où ce félin est, plus<br />
qu’un symbole, un emblème ethnique.<br />
Section IV - La représentation animale dans les rites initiatiques du nord-<br />
est Gabon<br />
En Ogooué-ivindo, il existe plusieurs confréries initiatiques dont les plus célèbres sont<br />
le Munga<strong>la</strong>, le Ngoye et l’Isembwé propres au groupe Bakota ; le Ndéké pour les Kwélé ; le<br />
Mikan et le Mekoum chez les Fang. Tous ces rites initiatiques intègrent <strong>de</strong> manière directe ou<br />
indirecte, le mon<strong>de</strong> animal. Chez les Bakota, le Munga<strong>la</strong> et le Ngoye sont souvent pratiqués<br />
pendant le Satši, <strong>la</strong> célèbre cérémonie <strong>de</strong> circoncision tandis que chez les Fang, Mikan et<br />
Mekoum se dansent pendant les cérémonies du Gol.<br />
- 287 -
IV.1. Le Satši ou cérémonie <strong>de</strong> circoncision<br />
La cérémonie <strong>de</strong> circoncision Satši, que nous présentons brièvement dans cette partie,<br />
car ne faisant pas l’objet <strong>de</strong> cette thèse, reste <strong>la</strong> plus importante fête chez les ethnies <strong>de</strong><br />
l’Ogooué-Ivindo. Propre au groupe Bakota, elle est également pratiquée avec diverses<br />
variantes par les Fang et les Bakwélé mais <strong>de</strong> façon moins festive et moins spectacu<strong>la</strong>ire. Le<br />
caractère commun aux différentes ethnies <strong>de</strong> cette cérémonie est <strong>la</strong> circoncision en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong><br />
tout centre hospitalier avec l’utilisation d’instrument <strong>de</strong> coupe ordinaire (couteaux, <strong>la</strong>me <strong>de</strong><br />
rasoir…). La circoncision se déroule en saison sèche <strong>de</strong> juin à septembre, lorsque les enfants<br />
en âge d’être circoncis, n’ont plus d’école. Cette cérémonie, qui se déroule pendant plusieurs<br />
jours, rassemble plusieurs dizaines <strong>de</strong> personnes, ce qui nécessite une organisation préa<strong>la</strong>ble<br />
impressionnante. À cet effet, quelques mois avant, les familles vont en forêt s’approvisionner<br />
en vian<strong>de</strong>s et poissons qu’ils boucaneront et stockeront pour nourrir les invités ; ils en<br />
profitent également pour s’approvisionner en produits <strong>de</strong> bases pour <strong>la</strong> préparation <strong>de</strong>s<br />
«médicaments » indispensables au bon déroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> cérémonie. Le Satši comme<br />
mentionné précé<strong>de</strong>mment, se caractérise par <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> danse Munga<strong>la</strong> et par le test du<br />
Ngoye.<br />
IV.2. Le Munga<strong>la</strong> ou <strong>la</strong> danse du″″″″ cochon sauvage″″″″<br />
Il s’agit d’une confrérie initiatique masculine secrète durant <strong>la</strong>quelle le candidat reçoit<br />
un enseignement <strong>de</strong> protection, <strong>de</strong> guérison, et/ou tout simplement <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. Le Munga<strong>la</strong><br />
désigne autant <strong>la</strong> cérémonie, <strong>la</strong> danse (Photo 36), le masque et le danseur avec le masque. Ce<br />
rite est très répandu en pays bakota et intervient dans tous les évènements <strong>de</strong> leur vie :<br />
circoncision, <strong>de</strong>uil, naissance <strong>de</strong> jumeaux, réjouissances… Il se manifeste par <strong>de</strong>s danses<br />
rituelles au cours <strong>de</strong>squelles intervient le masque Munga<strong>la</strong>. Les femmes en sont exclues sauf<br />
les mères <strong>de</strong>s jumeaux et les jumelles considérées égales aux hommes. Pourtant, malgré le fait<br />
qu’il s’agisse d’une danse exclusive <strong>de</strong>s hommes, l’origine <strong>de</strong> cette société serait féminine<br />
comme nous le rappelle les Bakota :<br />
« Un groupe <strong>de</strong> femmes pêchaient dans une rivière et chantaient pour s’entraîner au<br />
travail. L’une d’elles, pour varier le chant, a ronflé comme un cochon sauvage. Elles prirent<br />
alors beaucoup <strong>de</strong> poissons. Plusieurs fois elles firent bonne pêche <strong>de</strong> cette façon. Alors les<br />
hommes, jaloux les suivirent et entendirent leur chant. L’un d’eux retint les paroles et fit aussi<br />
- 288 -
le ronflement du cochon. Les hommes interdirent alors aux femmes <strong>de</strong> chanter <strong>de</strong> cette façon<br />
et se réservèrent le ronflement du cochon sauvage » Ainsi fut créé le Munga<strong>la</strong>.<br />
(Perrois, 1968).<br />
On retrouve ainsi dans cette histoire notre animal phare, le Potamochère, désigné dans<br />
le texte ci-<strong>de</strong>ssus par le nom <strong>de</strong> cochon sauvage. Cet animal comme nous l’avons déjà indiqué<br />
dans un <strong>de</strong>s chapitres précé<strong>de</strong>nts (Chap. VII, IV.2.) a beaucoup inspiré les sociétés humaines.<br />
Après les Fang où certaines sociétés s’i<strong>de</strong>ntifient aux Potamochères (les c<strong>la</strong>ns <strong>de</strong>s Hiengui), le<br />
Potamochère apparaît à <strong>la</strong> base d’un <strong>de</strong>s cultes les plus importants en pays bakota. Il<br />
symbolise <strong>la</strong> productivité, <strong>la</strong> chance, <strong>la</strong> force, le courage, <strong>la</strong> cohésion familiale et bien d’autres<br />
caractères, que les sociétés attribuent à cet animal. Pendant <strong>la</strong> danse du Munga<strong>la</strong>, l’homme<br />
qui le figure imite à plusieurs reprises le ronflement du Potamochère, en le mimant dans<br />
certaines <strong>de</strong> ses réactions sociales <strong>de</strong> défense, <strong>de</strong> dép<strong>la</strong>cement, d’alimentation …<br />
Le Munga<strong>la</strong> est également une danse liée au culte <strong>de</strong>s ancêtres : le Bwété. Cet <strong>de</strong>rnier<br />
était le culte qui dominait toutes les pratiques rituelles bakota (en ce sens qu’ils utilisaient<br />
toujours <strong>la</strong> force <strong>de</strong>s défunts en sortant les reliquaires Bwété à chaque initiation). À cette<br />
occasion on exhibait les ossements <strong>de</strong>s défunts pour les vénérer. Il se caractérisait par <strong>de</strong>s<br />
sacrifices et <strong>de</strong>s offran<strong>de</strong>s à l’exclusion <strong>de</strong> danses ou <strong>de</strong> crises <strong>de</strong> possession qui mettaient en<br />
re<strong>la</strong>tion l’officiant avec l’esprit <strong>de</strong> l’ancêtre (Perrois, 1968). Le Munga<strong>la</strong> est <strong>de</strong>venu un<br />
substitut <strong>de</strong> cette dévotion aux morts <strong>de</strong>puis que le Bwété a été farouchement combattu et<br />
détruit par l’action conjuguée <strong>de</strong>s missionnaires, <strong>de</strong>s colons et <strong>de</strong>s féticheurs.<br />
IV.3. Le Ngoye ou confrérie <strong>de</strong>s hommes-panthères<br />
Il s’agit d’un groupement structuré à caractère <strong>de</strong> société secrète (mais sans initiation)<br />
qui comprend tous les individus doués du Ngoye, pouvoir surnaturel qui se manifeste avant<br />
toute chose par une métamorphose en Panthère. Le rituel Ngoye, qui est une partie importante<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> circoncision (le Satši), n’est pas une initiation mais plutôt un test par lequel <strong>la</strong> confrérie<br />
s’assure que le candidat est un homme-panthère ou ne l’est pas. S’il l’est, il fait partie <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
confrérie sans autre formalité. Si le test est négatif, le candidat est purement et simplement<br />
renvoyé, ce qui ne l’empêchera pas d’être circoncis avec autant d’honneurs que les autres.<br />
« Le test du Ngoye se passe en forêt en <strong>la</strong> seule présence <strong>de</strong>s hommes. Il s’agit <strong>de</strong> faire<br />
tourner le candidat autour d’un arbre Ibu<strong>la</strong> (P<strong>la</strong>giostyles africana). Au fur et à mesure que <strong>la</strong><br />
- 289 -
famille fait tourner le candidat, ce <strong>de</strong>rnier prend <strong>de</strong> <strong>la</strong> vitesse et si, au bout d’un moment, il<br />
s’é<strong>la</strong>nce en avant à travers <strong>la</strong> forêt d’un bond fantastique, c’est qu’il a le Ngoye en lui ; à<br />
l’inverse, si le candidat ne fait rien ou s’écroule à terre, c’est que l’on n’est pas en présence<br />
d’un homme-panthère », (Perrois, 1968).<br />
Le pouvoir du Ngoye est multiple et <strong>de</strong>stiné à <strong>de</strong>s fins licites (chasse, guérison,<br />
protection…). Toutefois, certains individus peuvent profiter <strong>de</strong> ce don pour <strong>de</strong>venir <strong>de</strong><br />
redoutables sorciers anthropophages. Cependant, l’équilibre entre les personnalités <strong>de</strong>s uns et<br />
<strong>de</strong>s autres est très instable, ce qui fait que tous les hommes-panthères sont respectés et craints.<br />
Photo 36 : Danseur du Munga<strong>la</strong>, cérémonie <strong>de</strong> circoncision à Loaloa, Makokou<br />
Photo A. Payne<br />
L’équivalent du Satši chez les Fang, en termes <strong>de</strong> manifestation popu<strong>la</strong>ire est le Gol. Il<br />
s’agit d’une danse qui se pratique essentiellement <strong>de</strong> nuit, pendant les cérémonies <strong>de</strong> retrait <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>uil et qui, tout comme le Satši, se déroule généralement en saison sèche au moment où le<br />
plus grand nombre <strong>de</strong> personnes est en vacances. Pendant les manifestations <strong>de</strong> retrait <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil<br />
se déroulent également les danses du Mikan et du Mekoum.<br />
- 290 -
IV.4. Le Mikan ou <strong>la</strong> danse <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pinta<strong>de</strong><br />
Il s’agit d’une danse exclusive <strong>de</strong>s femmes. Cependant, les hommes qui ne participent<br />
pas à cette danse peuvent néanmoins y assister. Au cours <strong>de</strong> celle-ci, les femmes imitent <strong>la</strong><br />
Pinta<strong>de</strong> donnant l’impression dans leur geste, d’être en transe donc en parfaite communion<br />
avec les esprits <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. Nous n’avons malheureusement pas pu déceler l’histoire <strong>de</strong> cette<br />
danse et <strong>la</strong> raison du choix <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pinta<strong>de</strong> mais, en lisant les écrits <strong>de</strong> Jean-Marie Lamb<strong>la</strong>rd, on<br />
peut comprendre <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce importante que peut avoir cet oiseau dans certaines sociétés en<br />
particulier chez les Fang (Lamb<strong>la</strong>rd, 2003). Cet auteur retrace dans son ouvrage, intitulé<br />
« L’oiseaux nègre ; L’aventure <strong>de</strong>s pinta<strong>de</strong>s dionysiaques » l’extraordinaire passé et <strong>la</strong><br />
signification culturelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pinta<strong>de</strong> au sein <strong>de</strong> diverses civilisations. L’« oiseau nègre »<br />
originaire d’Afrique comme il le décrit, figure dans l’écriture sacrée <strong>de</strong>s tombes égyptiennes.<br />
C’est dire l’importance qu’il peut revêtir au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté Fang dont les ancêtres<br />
lointains proviendraient, semble-t-il, d'Afrique Orientale. L’auteur nous révèle, entre autres,<br />
combien les liens <strong>de</strong> cet oiseau et <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture sont complexes, immémoriaux. Cet « oiseau<br />
nègre » a marqué les esprits. Dans <strong>la</strong> mythologie égyptienne, Sophocle en parle dans une <strong>de</strong><br />
ses tragédies, Ovi<strong>de</strong> le cite dans ses Métamorphoses, <strong>la</strong> Légen<strong>de</strong> dorée chrétienne en fait<br />
l’« oiseau du paradis », les peintres du Quattrocento (dont Carpaccio) le représentent dans<br />
maints tableaux, les Byzantins le vénèrent... Ornement <strong>de</strong> parcs princiers et symbole <strong>de</strong><br />
l’éternité, ce vo<strong>la</strong>tile tacheté ne va se généraliser dans les basses-cours et les fermes <strong>de</strong> France<br />
qu’au XIX e siècle (Lamb<strong>la</strong>rd, 2003).<br />
IV.5. Le Mekoum ou <strong>la</strong> danse <strong>de</strong>s hommes nus<br />
Il s’agit comme le Bwété chez les Bakota, du culte <strong>de</strong>s morts. Cette danse est réservée<br />
exclusivement aux hommes. Les femmes n’ont pas le droit d’assister et doivent rester dans<br />
leur cuisine lors <strong>de</strong> son déroulement. C’est une danse qui se pratique <strong>de</strong>rrière <strong>la</strong> maison<br />
uniquement <strong>la</strong> nuit à l’abri <strong>de</strong> tout regard car les danseurs sont nus comme <strong>de</strong>s vers.<br />
Cependant, les femmes participent au Mekoum en étant dans <strong>la</strong> cuisine et en répondant aux<br />
chants <strong>de</strong>s hommes. Si une femme, par ma<strong>la</strong>dresse, observe les hommes en train <strong>de</strong> danser le<br />
Mekoum, elle sera maudite et tombera ma<strong>la</strong><strong>de</strong> jusqu'à en mourir. Le mon<strong>de</strong> animal serait bien<br />
représenté dans cette danse, mais le caractère secret du Mekoum ne nous a guère permis <strong>de</strong><br />
déceler quoi que ce soit. En effet, les danseurs du Mekoum sont considérés comme <strong>de</strong>s<br />
sorciers redoutables et dès que l’on s’intéresse <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin à cette société, ou encore à<br />
- 291 -
l’un <strong>de</strong>s danseurs, on est suspecté <strong>de</strong> vouloir faire <strong>de</strong>s sacrifices ou quelque chose <strong>de</strong> ce genre,<br />
généralement pour acquérir un pouvoir.<br />
Section V - La symbolique <strong>de</strong>s objets animaux utilisés lors <strong>de</strong>s danses<br />
V.1. Les fonctions <strong>de</strong>s peaux et les plumes<br />
L’un <strong>de</strong>s points communs à tous ces rites initiatiques est que le danseur doit revêtir un<br />
aspect différent du quotidien. Cependant, les aspects mystérieux et mystiques que l’on donne<br />
au costume que porte le danseur ne sont possibles que s’il y a <strong>de</strong>s éléments qui motivent leur<br />
choix. Généralement, les peaux d’animaux et les plumes d’oiseaux tiennent une p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong><br />
choix dans <strong>la</strong> confection <strong>de</strong>s costumes. En effet, considérées comme <strong>de</strong> simples objets d'un<br />
point <strong>de</strong> vue trivial, elles représentent du point <strong>de</strong> vue religieux <strong>la</strong> somme <strong>de</strong>s savoirs <strong>de</strong>s<br />
différentes énergies <strong>de</strong>s divers sous-univers. Elles permettent <strong>de</strong> donner non seulement un<br />
aspect spécifique à <strong>la</strong> personnalité du danseur mais rappellent également que <strong>la</strong> danse est<br />
l’apanage <strong>de</strong>s animaux. L’Homme, en imitant une espèce animale dans ses pas <strong>de</strong> danse, en<br />
imitant le cri d’un animal ou en revêtant <strong>la</strong> peau ou les plumes <strong>de</strong> celui-ci entre en<br />
communion avec les esprits <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt liés aux animaux qu’il domine en cet instant.<br />
Malheureusement, les peaux et les plumes sont <strong>de</strong> nos jours <strong>de</strong> plus en plus absentes dans <strong>la</strong><br />
plupart <strong>de</strong>s accoutrements <strong>de</strong> danse. Aujourd’hui, leurs fonctions religieuses semblent se<br />
perdre au détriment <strong>de</strong> <strong>la</strong> simple fonction <strong>de</strong> décoration. Le Raphia fait désormais p<strong>la</strong>ce aux<br />
fibres <strong>de</strong> sacs en p<strong>la</strong>stique et les p<strong>la</strong>ces respectives <strong>de</strong>s peaux et plumes sont occupées par<br />
endroit par <strong>de</strong>s morceaux d’étoffes <strong>de</strong> couleur vive (Bibang, 1993). Ces objets sont plus<br />
faciles à obtenir, à confectionner et à entretenir qu’une peau <strong>de</strong> petit carnivore par exemple.<br />
V.2. Le rôle <strong>de</strong>s masques<br />
Les masques sont, avec les peaux et les plumes, les objets les plus utilisés lors <strong>de</strong>s<br />
danses. Ils ne sont pas conçus - comme on pourrait le croire – en temps qu'œuvre d’art mais<br />
plutôt pour être utilisés à l’occasion <strong>de</strong>s cérémonies sociales ou religieuses. Ils jouent sur le<br />
p<strong>la</strong>n culturel, un rôle non négligeable dans les cérémonies d’initiation, les rites <strong>de</strong> passage<br />
(naissance, mariage, funérailles). Ils peuvent diriger <strong>de</strong>s actes <strong>de</strong> divination et d’adoration,<br />
servent également <strong>de</strong> protection contre les esprits maléfiques et jouent le rôle d’intermédiaires<br />
entre le mon<strong>de</strong> invisible et les Hommes. La fabrication <strong>de</strong>s masques requiert <strong>de</strong>s bois<br />
- 292 -
spécifiquement adaptés à chaque situation. Le bois d’un masque <strong>de</strong> cérémonie funéraire est<br />
différent <strong>de</strong> celui d’une fête <strong>de</strong> naissance. Autour du choix du support ligneux se bousculent<br />
<strong>de</strong>s légen<strong>de</strong>s et <strong>de</strong>s histoires qui gui<strong>de</strong>nt les artisans. Le masque Fang par exemple, est une<br />
sculpture en bois léger ornée d’une chevelure en plumes d’oiseaux, avec une cagoule colorée<br />
portant <strong>de</strong>s cornes <strong>de</strong> Céphalophe, <strong>de</strong>s coquilles d’escargots, <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts <strong>de</strong> crocodiles et<br />
décorée <strong>de</strong> cauris. Tous ces éléments constituant le masque ont chacun une fonction précise<br />
que le sculpteur, guidé par les esprits qu’il évoque par <strong>de</strong>s chants lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> fabrication du<br />
masque, se doit <strong>de</strong> respecter lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> fabrication. Le masque n’est pas en réalité cette figure<br />
sculptée que l’on a coutume <strong>de</strong> voir, il est un personnage, un être qui représente à <strong>la</strong> fois une<br />
divinité et une force <strong>de</strong> <strong>la</strong> société humaine. Au moment où il le porte, le danseur est investi<br />
<strong>de</strong>s attributs reconnus à cette force divine sociale (Raponda-Walker, 1962 ;1983).<br />
V.3. Apport <strong>de</strong> <strong>la</strong> danse au corps<br />
Ce que tire le corps <strong>de</strong> <strong>la</strong> danse est le p<strong>la</strong>isir corporel (bien-être physique) mais<br />
également le p<strong>la</strong>isir mystique car le corps dansant est un corps vigoureux qui lutte, qui<br />
s’exprime et qui se célèbre. L’apport <strong>de</strong> <strong>la</strong> danse au corps met en harmonie trois éléments<br />
fondamentaux : le corps, les instruments <strong>de</strong> musique et <strong>la</strong> danse. La re<strong>la</strong>tion entre ces trois<br />
éléments est une re<strong>la</strong>tion d’homogénéité et surtout d’équilibre même si quelque part le corps<br />
qui se meut au son <strong>de</strong>s tam-tams est en transit c’est-à-dire que spirituellement il évolue dans<br />
une autre dimension (Raponda-Walker, 1962).<br />
Section VI - La question <strong>de</strong>s interdits.<br />
Cette question, complexe et délicate à cerner, est fortement liée à <strong>la</strong> dimension<br />
exocentrique <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie. Cette <strong>de</strong>rnière dans sa dimension spirituelle est l’apanage <strong>de</strong>s seuls<br />
initiés car, faites <strong>de</strong> protection et <strong>de</strong> prévention elle <strong>de</strong>meure profondément tributaire <strong>de</strong><br />
l’invisible sur quoi repose l’explication sociale <strong>de</strong>s faits. Les initiés cherchent à rattacher un<br />
fait social à <strong>la</strong> transgression d’un interdit tentant ainsi à traduire en règles efficaces<br />
l’inexplicable en l’explicable. Autrement dit, c’est par <strong>la</strong> vie dans sa dimension exocentrique<br />
que l’homme exprime sa personne et <strong>la</strong> fait agir sur les choses qu’il est sensé maîtriser<br />
(Bibang, 1993).<br />
- 293 -
VI.1. À quoi tiennent les interdits ?<br />
La réflexion est celle liée à l’image qui se définit comme toute représentation<br />
symbolique que l’initié a pu voir durant son voyage. L’image est aussi liée à <strong>la</strong> genèse <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
danse car, selon plusieurs personnes, les danses appartenaient autrefois aux animaux qui eux<br />
seuls donnaient aux hommes <strong>de</strong> quoi se nourrir. Les interdits alimentaires seraient donc, dans<br />
une certaine mesure, une façon pour l’homme <strong>de</strong> témoigner <strong>de</strong> sa reconnaissance vis-à-vis <strong>de</strong><br />
certains animaux.<br />
Les interdits à caractère initiatique sont importants car tout tourne finalement autour<br />
du <strong>de</strong>venir <strong>de</strong> l’initié et autour <strong>de</strong>s effets inattendus du serment. La contrainte qui est imagée<br />
<strong>de</strong>vient subitement psychologique et morale car elle atteint les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> <strong>la</strong> conscience<br />
<strong>de</strong> l’initié, amène celui-ci à s’éloigner <strong>de</strong> toute tentation et à vivre dans le secret <strong>de</strong> son<br />
serment faisant ainsi appel à <strong>la</strong> foi qui permet <strong>la</strong> résistance qu’on pose à toutes sortes <strong>de</strong><br />
tentations. Les interdits sont un moyen fidèle du respect religieux rituel car à eux seuls ils<br />
peuvent changer <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième vie <strong>de</strong> l’initié.<br />
VI.2. Les différents interdits<br />
Les interdits sont nombreux et aussi divers qu’il existe d’espèces animales. L’histoire<br />
<strong>de</strong> leur origine est tout aussi mystérieuse que relevant du hasard ou <strong>de</strong> faits banals <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie<br />
courante. On peut néanmoins les regrouper en <strong>de</strong>ux catégories : les interdits individuels et les<br />
interdits collectifs. Cependant à l’intérieur <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux groupes, on distingue <strong>de</strong>s interdits liés<br />
au sexe et à l’âge (ils touchent particulièrement les femmes et les enfants) ; ceux qui sont liés<br />
à l’état physiologique et qui touchent les femmes enceintes et al<strong>la</strong>itantes ; ceux qui sont liés à<br />
<strong>la</strong> guérison <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>dies <strong>de</strong> type psychosomatique et ceux qui touchent une catégorie d’enfant<br />
telle que les jumeaux et les albinos. Certains <strong>de</strong> ces interdits ont plus ou moins déjà été<br />
évoqués dans le chapitre précé<strong>de</strong>nt. Ce paragraphe est donc un complément d’information.<br />
VI.2.1. Les interdits individuels<br />
Ils sont pour <strong>la</strong> plupart initiatiques. Ainsi, l’initié au cours <strong>de</strong> son voyage aura <strong>de</strong>s<br />
révé<strong>la</strong>tions directives pour le restant <strong>de</strong> sa vie. Il recevra <strong>de</strong>s enseignements ou du moins <strong>de</strong>s<br />
instructions sur ce qu’il <strong>de</strong>vra faire ou ne pas faire. C’est le cas comme nous l’avons vu dans<br />
un <strong>de</strong>s chapitres précé<strong>de</strong>nts (Chap. V paragraphe II.5.), du chasseur spécialiste <strong>de</strong> l’Eléphant.<br />
- 294 -
En général, ce <strong>de</strong>rnier est un initié qui, au cours du voyage, a eu <strong>de</strong>s révé<strong>la</strong>tions qui feront <strong>de</strong><br />
lui un excellent chasseur <strong>de</strong> ce pachy<strong>de</strong>rme pour le bien <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté. Cependant, il se<br />
verra interdire <strong>la</strong> chasse d’autres gibiers. Plusieurs membres d’une même famille peuvent<br />
avoir <strong>de</strong>s interdits différents. Ils sont généralement d’ordre alimentaire mais aussi <strong>de</strong> chasse<br />
ou simplement <strong>de</strong> toucher. Plusieurs cas sont possibles : interdiction <strong>de</strong> chasser mais pas <strong>de</strong><br />
consommer ou interdiction <strong>de</strong> consommer mais pas <strong>de</strong> chasser. Ce <strong>de</strong>rnier cas est très<br />
fréquent chez les grands chasseurs pygmées Ba Aka <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou. Ces <strong>de</strong>rniers ne<br />
consomment que le gibier chassé par une autre personne qu'eux.<br />
VI.2.2 Les interdits collectifs<br />
Ils sont plus souvent liés à l’histoire du c<strong>la</strong>n ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille. On peut parler d’interdit<br />
<strong>de</strong> lignage. C’est dans cette rubrique que nous avons les interdits totémiques ou c<strong>la</strong>niques. Ils<br />
sont également d’ordre alimentaire ou autres et concernent une ou plusieurs espèces animales.<br />
Presque tous les taxons sont concernés mais on note une prédominance pour les Reptiles, les<br />
Carnivores et les Primates.<br />
L’histoire <strong>de</strong> l’origine <strong>de</strong>s interdits est très diverse. Ainsi, lors <strong>de</strong> nos enquêtes, nous<br />
en avons recueilli quelques unes dont certaines relèveraient <strong>de</strong> conte ou <strong>de</strong> légen<strong>de</strong> :<br />
« Au cours d’un incendie ayant causé <strong>la</strong> mort d’un membre <strong>de</strong> leur famille, <strong>la</strong> vue du cadavre<br />
calciné, ressemb<strong>la</strong>nt fortement à un Singe boucané, à amener cette famille à bannir ce gibier<br />
<strong>de</strong> leur alimentation. Au fil du temps, le Singe est <strong>de</strong>venu un interdit alimentaire pour tous les<br />
membres <strong>de</strong> cette famille et même pour l’ensemble du c<strong>la</strong>n sans autres explications aucunes »<br />
Informateur <strong>de</strong> Makokou<br />
Chez le groupe bakota <strong>de</strong> Makokou, <strong>la</strong> Panthère et les animaux tachetés sont <strong>de</strong> loin<br />
les plus concernés par les interdits. Mazzocchetti dans son mémoire a examiné en détaille <strong>la</strong><br />
p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s animaux tachetés chez les Kota et relevé ainsi, plusieurs interdits liés à ce groupe<br />
d’animaux (Mazzocchetti, 2005).<br />
- 295 -
Section VII - Aperçu <strong>de</strong> <strong>la</strong> pharmacozoognosie Ogivine où l’utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faune sauvage dans <strong>la</strong> fabrication <strong>de</strong> « médicaments » traditionnels.<br />
Le mon<strong>de</strong> animal est bien représenté dans <strong>la</strong> confection <strong>de</strong> produits traditionnels à<br />
usage <strong>de</strong> remè<strong>de</strong>s thérapeutiques utilisés autant en prévention que <strong>de</strong> manière curative. Ces<br />
« médicaments » sont en fait une combinaison <strong>de</strong> plusieurs produits biologiques (animaux et<br />
végétaux, mais aussi parfois humains) ou non, qui ont <strong>la</strong> particu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong> soigner les maux tant<br />
physiques que psychiques. Le contexte dans lequel ils sont prescrits et administrés est<br />
déterminant dans leur efficacité. Autrement dit, le même remè<strong>de</strong>, administré dans <strong>de</strong>s<br />
circonstances autres qu’initiatiques, aura peu ou pas d’effet. Ce qui signifie en d’autres termes<br />
que l’utilisation <strong>de</strong> ces « médicaments » est étroitement liée aux rites initiatiques.<br />
Dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou, presque tous les Ogivins ont, d’une manière ou d’une<br />
autre, déjà utilisé ces « médicaments ». De part le Satši ou autres rites initiatiques, il s’agit<br />
presque d’un passage obligatoire. De plus, <strong>la</strong> consultation d’un tradipraticien à Makokou est<br />
presque un réflexe. Certains patients quels qu’ils soient le font même avant ou après avoir<br />
consulté un mé<strong>de</strong>cin.<br />
VII.1. Les « Bwélé » ou médicaments à caractère <strong>de</strong> protection<br />
Dans cette rubrique, <strong>de</strong>ux espèces animales se distinguent nettement dans <strong>la</strong><br />
confection <strong>de</strong> médicaments : il s’agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> Civette africaine et du Perroquet gris du Gabon.<br />
Le ihindji ou le médicament <strong>de</strong> <strong>la</strong> civette est un remè<strong>de</strong> très connu et utilisé dans<br />
toutes les cérémonies rituelles et par les féticheurs. Il est composé d’au moins dix produits<br />
dont une peau <strong>de</strong> Civette, une herbe <strong>de</strong> forêt qui porte le nom Ihindji comme <strong>la</strong> Civette, <strong>de</strong>s<br />
excréments <strong>de</strong> Civette, <strong>de</strong> Chauves souris et d’Éléphants, <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre du bout du vil<strong>la</strong>ge…Le<br />
Ihindji est utilisé lors du Satši pour protéger le candidat contre les mauvais esprits qui<br />
pourraient troubler le bon déroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> cérémonie. Il protège également <strong>la</strong> famille <strong>de</strong><br />
tous les malheurs qui pourraient leur arriver. Il faut rappeler que les Ogivins, tout comme une<br />
gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s Gabonais, sont animés d’une hantise permanente <strong>de</strong>s mauvais esprits. Ce<br />
qui signifie que les familles possè<strong>de</strong>nt un esprit protecteur quel qu’il soit se manifestant à<br />
travers l’utilisation <strong>de</strong> « médicaments » du genre Ihindji. Dans certains cas, <strong>de</strong>s individus s’en<br />
remettent à l’Église pour protéger leur famille. Ce phénomène <strong>de</strong> protection par les Églises<br />
qui se substituent à celle <strong>de</strong>s esprits familiers est <strong>de</strong> plus en plus répandu <strong>de</strong> nos jours au point<br />
d’être érigé en phénomène <strong>de</strong> société au Gabon.<br />
- 296 -
La plume rouge du Perroquet gris du Gabon est <strong>de</strong> loin le remè<strong>de</strong> <strong>de</strong> protection le plus<br />
connu au Gabon. Hormis chez les Fang où elle ne semble jouer aucun rôle prépondérant, dans<br />
<strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s autres ethnies gabonaises cette plume est sujette à plusieurs interprétations. Elle<br />
est surtout utilisée dans les familles qui ont ou ayant eu <strong>de</strong>s jumeaux. Un mystère total existe<br />
sur les raisons du choix <strong>de</strong> cet oiseau et <strong>de</strong> sa plume rouge mais toujours est–il qu’aucun rituel<br />
concernant <strong>de</strong>s jumeaux ou <strong>la</strong> famille <strong>de</strong>s jumeaux ne peut se faire sans plumes <strong>de</strong> Perroquet.<br />
Il n’est pas rare <strong>de</strong> voir certains individus en porter sur leur tête, signe qu’ils viennent <strong>de</strong> subir<br />
une initiation. Les jumeaux ont chacun, dès leur naissance, une plume rouge <strong>de</strong> Perroquet<br />
qu’ils doivent gar<strong>de</strong>r toute leur vie. Cette plume, en cas <strong>de</strong> perte ou <strong>de</strong> vieillissement peut être<br />
changée lors d’une autre cérémonie <strong>de</strong>s jumeaux.<br />
Les jumeaux et leurs parents appartiennent à l’univers <strong>de</strong>s génies bienfaiteurs et<br />
protecteurs. Plusieurs espèces animales sont également utilisées pour <strong>la</strong> confection <strong>de</strong>s<br />
médicaments spécifiques aux jumeaux. Les plus connus sont <strong>la</strong> Civette africaine, les<br />
Crocodiles, <strong>la</strong> Panthère, le Python et le Cobra d’Afrique (Naja nigricollis), <strong>la</strong> Loutre du<br />
Congo, et le Bongo (Trage<strong>la</strong>phus euryceros ou Ezona en Kota). Le cœur et le sang <strong>de</strong> ces<br />
animaux sont les parties les plus utilisées dans les remè<strong>de</strong>s <strong>de</strong> protection pour les jumeaux. Le<br />
cœur est trempé pendant plusieurs heures dans une mixture <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ntes contenue dans un<br />
récipient. Le breuvage est par <strong>la</strong> suite servi aux jumeaux à <strong>la</strong> naissance avant toute autre<br />
boisson. Si ces animaux n’ont pu être obtenu, le guérisseur utilisera le cœur du Rat <strong>de</strong> Gambie<br />
en substitution.<br />
Lors <strong>de</strong>s cérémonies d’initiation à caractère <strong>de</strong> protection, un gibier est presque<br />
toujours au menu. Il s’agit <strong>de</strong> l’Athérure africain, animal mythique souvent utilisé par les<br />
féticheurs dans <strong>la</strong> lutte contre les esprits maléfiques. Il semblerait :<br />
- d’une part, que le goût amer <strong>de</strong> ce gibier aurait pour fonction <strong>de</strong> chasser tous les mauvais<br />
esprits qui tenteraient <strong>de</strong> pénétrer le corps <strong>de</strong> l’initié pendant <strong>la</strong> cérémonie ;<br />
- d’autre part, que <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> l’Athérure, par le fait qu’il ne peut jamais se <strong>la</strong>isser<br />
attraper vivant à cause <strong>de</strong>s épines qui couvrent son corps, confèrerait à l’initié une armure <strong>de</strong><br />
protection contre les esprits maléfiques qui tenteraient <strong>de</strong> pénétrer le corps <strong>de</strong> l’initié pendant<br />
<strong>la</strong> cérémonie.<br />
VII.2. Les médicaments magico-thérapeutiques ou fétiches<br />
On regroupe dans cette catégorie, les remè<strong>de</strong>s utilisant <strong>de</strong>s parties animales, <strong>de</strong>stinés à<br />
guérir les ma<strong>la</strong>dies physiques ou « c<strong>la</strong>ssiques » et les ma<strong>la</strong>dies psychosomatiques. Comme<br />
- 297 -
nous l’avons mentionné précé<strong>de</strong>mment, les Ogivins font très souvent appel au tradipraticien<br />
ou ganga pour venir à bout <strong>de</strong> plusieurs ma<strong>la</strong>dies. Cependant, lorsqu’on les interroge sur <strong>la</strong><br />
question, ces <strong>de</strong>rniers précisent moins volontairement les usages médicaux et médico-<br />
magiques qu’ils font <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune que ceux qu’ils font <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes. Pourtant les « pharmacies à<br />
quatre pattes » sont nombreuses et à travers les quelques exemples présentés dans le Tableau<br />
32 ci-<strong>de</strong>ssous, nous tenterons <strong>de</strong> montrer l’importance <strong>de</strong> cet aspect <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage à<br />
Makokou. Parmi les espèces citées dans le tableau, nous insisterons sur le cas du Python, du<br />
Potto, du Gorille et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vipère cornue du Gabon.<br />
- Le Python est un gibier très apprécié <strong>de</strong>s consommateurs à Makokou mais il est<br />
également recherché pour les vertus thérapeutiques <strong>de</strong> sa graisse. Cette <strong>de</strong>rnière, brûlée,<br />
produit une huile utilisée pour <strong>de</strong>s massages contre les douleurs <strong>de</strong> tous types et même pour<br />
<strong>de</strong>s fractures. L’efficacité <strong>de</strong> cette huile est reconnue mais serait accrue lorsque le massage est<br />
effectué par un guérisseur spécialiste. Cependant le Python, hormis sa chair tendre appréciée<br />
<strong>de</strong>s consommateurs et sa graisse utilisée comme décrit précé<strong>de</strong>mment, présente un intérêt très<br />
particulier pour certains féticheurs et leurs patients. En effet, cet animal possè<strong>de</strong>rait à<br />
l’extrémité <strong>de</strong> sa queue, un mystérieux anneau qui confèrerait richesse et pouvoir. Le serpent<br />
attrapé par le commun <strong>de</strong>s mortels, se débarrasserait mystérieusement <strong>de</strong> cet anneau. Seuls<br />
certains féticheurs auraient <strong>la</strong> recette pour s’emparer <strong>de</strong> cet anneau avant que le serpent d’un<br />
coup <strong>de</strong> queue, le propulse dans <strong>la</strong> nature. Certains hommes riches gabonais possè<strong>de</strong>raient cet<br />
anneau dont l’entretien nécessiterait <strong>de</strong>s sacrifices humains.<br />
- Le Potto est également un <strong>de</strong>s gibiers très recherchés <strong>de</strong>s féticheurs. Appartenant au<br />
mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nuit, il incarne tout comme les autres Prosimiens (Ga<strong>la</strong>gos), les esprits<br />
maléfiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. Il n’est d’ailleurs consommé que par ces entités ou par <strong>de</strong>s initiés. Mais<br />
son intérêt pour le ganga est ailleurs. En effet, le Potto est un animal qui a l’aptitu<strong>de</strong>, même<br />
mort, <strong>de</strong> s’accrocher très fermement aux branches. C’est pourquoi il sera recherché pour<br />
confectionner <strong>de</strong>s « médicaments » <strong>de</strong>vant conférer à celui qui l’utilise, le pouvoir<br />
d’attraction, <strong>de</strong> séduction et <strong>de</strong> richesse. Pour vouloir gar<strong>de</strong>r un emploi par exemple quelle<br />
que soit <strong>la</strong> situation, l’initié consultera le féticheur qui lui proposera une mixture fabriquée<br />
avec <strong>la</strong> patte du Potto.<br />
- 298 -
Tableau 32 : Liste non exhaustive <strong>de</strong> quelques recettes à usage médico-magique utilisant <strong>la</strong> faune sauvage<br />
Espèce animale Partie utilisée Utilisation médicinale Commentaires<br />
Cornes Traite les femmes enceintes qui La corne est attachée à une cor<strong>de</strong>, puis nouée autour <strong>de</strong>s seins, ce qui permet<br />
Céphalophe bleu<br />
présentent <strong>de</strong>s seins très volumineux à <strong>la</strong> longue <strong>la</strong> diminution du volume <strong>de</strong>s seins.<br />
Crâne Traitement <strong>de</strong> l’épilepsie Le crâne séché puis écrasé est mé<strong>la</strong>ngé à <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes administrées par voie<br />
orale au patient<br />
Chevrotain aquatique Poils Soigne les hémorroï<strong>de</strong>s Les poils sont séchés et mé<strong>la</strong>ngés à <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes. Massage et breuvage<br />
Colobe guéreza Poils Sou<strong>la</strong>ge le mal aux yeux On brûle les poils, on incise au niveau <strong>de</strong>s sourcils et on masse avec.<br />
Moustac Poils Rend l’enfant vigoureux Faire un petit paquet <strong>de</strong> poils et plonger en permanence dans l’eau du bain<br />
d’un nouveau-né<br />
- Arca<strong>de</strong> sourcilière Protège le chasseur <strong>de</strong>s attaques Séché, ce produit est mis dans <strong>la</strong> poche ou accroché sur <strong>la</strong> tête pour protéger<br />
- Poils du dos éventuelles <strong>de</strong> gorille en forêt. le chasseur contre d’éventuelles attaques <strong>de</strong> Gorille. En cas <strong>de</strong> rencontre, le<br />
Gorille se fait docile et disparaît immédiatement.<br />
Gorille<br />
Main, Os Pour renforcer <strong>la</strong> force physique Souvent utilisée par les féticheurs pour donner à un patient une force<br />
d’une personne<br />
surnaturelle (<strong>la</strong> main du Gorille est soit séchée soit bouillie et consommée).<br />
Os (humérus) Rend le nouveau né vigoureux Prendre l’humérus, le couper au milieu afin <strong>de</strong> lui donner l’aspect d’un<br />
verre. La femme enceinte pourra l’utiliser pour s’abreuver durant toute <strong>la</strong><br />
pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> gestation<br />
Pangolins Ecailles Pour soigner les rhumatismes On écrase les écailles pour en faire une poudre que l’on consomme<br />
Eléphant Dent Contre les infections <strong>de</strong>ntaires Faire bouillir et utiliser l’eau pour les soins <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nts. Mettre quelques<br />
gouttes sur <strong>la</strong> partie infectée ou cariée douloureuse.<br />
Potto Main, Os <strong>de</strong> l’avant Confère un pouvoir d’attraction et Les féticheurs utilisent <strong>la</strong> main du Potto pour donner à leurs patients le<br />
bras<br />
soigne les douleurs articu<strong>la</strong>ires. pouvoir <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r leur poste, leur femme…ou s’approprier les biens d'autrui<br />
Daman <strong>de</strong>s arbres Crâne Facilite l’accouchement On fait tremper le crâne dans <strong>de</strong> l’eau. La mère va boire et se masser avec.<br />
Vipères du Gabon Crâne Vaccin anti-venin Le crâne <strong>de</strong> <strong>la</strong> vipère du Gabon est séché, écrasé et mé<strong>la</strong>ngé à <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes.<br />
On administre ce vaccin sur le corps (tête, bras...) au moyen <strong>de</strong> scarifications<br />
Python Graisse Soigne les douleurs articu<strong>la</strong>ires et Brûlée, <strong>la</strong> graisse <strong>de</strong> python donne une huile efficace contre toutes les<br />
rhumatismales<br />
douleurs du corps.<br />
Tortue (Kinixys sp.) Carapace Contre les torna<strong>de</strong>s et les grands La carapace est brûlée et jetée en l’air. La carapace est brûlée, puis on fait<br />
vents, contres les douleurs<br />
<strong>de</strong>s incisions sur le dos du patient et on le masse avec les cendres.<br />
Os Contre les hémorroï<strong>de</strong>s et sou<strong>la</strong>ge les L’os <strong>de</strong> <strong>la</strong> patte arrière est accroché au niveau <strong>de</strong> <strong>la</strong> taille <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme<br />
grossesses difficiles<br />
enceinte. Il peut être brûlé et mé<strong>la</strong>ngé à <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes puis appliquer en<br />
massage<br />
Civette<br />
Testicules Hémorroï<strong>de</strong>s On brûle et on mé<strong>la</strong>nge avec <strong>de</strong> l’huile d’aman<strong>de</strong>, puis on frotte sur le ventre<br />
G<strong>la</strong>n<strong>de</strong> odorante Sou<strong>la</strong>ge le mal <strong>de</strong> ventre On brûle le tout et on masse<br />
- 299 -
- Le Gorille possè<strong>de</strong> aussi une p<strong>la</strong>ce symbolique <strong>de</strong> choix dans les pratiques magico-<br />
religieuses du nord-est du Gabon. Certaines parties du corps <strong>de</strong> ce Primate entrent dans <strong>la</strong><br />
composition <strong>de</strong> nombreux fétiches très connus <strong>de</strong>s lea<strong>de</strong>rs politiques, chefs <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ge ou<br />
autres dignitaires qui commanditent l’abattage du Gorille pour prélever les parties <strong>de</strong> son<br />
corps <strong>de</strong>mandées par les gangas. Ainsi, le cœur symbolise <strong>la</strong> force et <strong>la</strong> garantie au dignitaire,<br />
lorsqu’il prend <strong>la</strong> parole en public, d’être écouté. D’autres parties du corps <strong>de</strong> l’animal, telles<br />
que <strong>la</strong> tête, sont consommées dans le même but. Le membre antérieur droit, signe <strong>de</strong> <strong>la</strong> force<br />
d’attaque du gorille lors <strong>de</strong>s combats, donnera par analogie au candidat à l’élection <strong>la</strong> force <strong>de</strong><br />
dominer ses adversaires (Gami, 2003).<br />
L’abattage du gorille symbolise <strong>la</strong> bravoure du jeune chasseur chez les Bakwélé. Selon<br />
leur coutume, un jeune chasseur ne peut être intégré dans le cercle <strong>de</strong>s chasseurs que s’il a<br />
abattu un Gorille ou un Éléphant. Par ce geste, il démontre sa bravoure. Ainsi, l’abattage du<br />
Gorille ou <strong>de</strong> l’Éléphant permet au jeune chasseur <strong>de</strong> changer son statut social<br />
(Heckestweiler, 1991). Chez les Bakota du nord-est du Gabon, un grand chasseur est celui qui<br />
arrive à tuer un Gorille en lui tendant à bout <strong>de</strong> bras le fusil pour que celui-ci mor<strong>de</strong> le canon,<br />
et tout ce<strong>la</strong>, en restant couché sur le sol, ventre à terre. C'est une technique sportive et très<br />
courageuse. Si le gorille repousse le canon du fusil, le chasseur ne tire pas. Ainsi en étant<br />
allongé, il présente au gorille une attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> soumission. Ce type <strong>de</strong> chasse bakota a ici un<br />
caractère initiatique (pour <strong>de</strong>venir un vrai chasseur), <strong>de</strong> renforcement <strong>de</strong> notoriété (pour<br />
gar<strong>de</strong>r le titre <strong>de</strong> grand chasseur) et <strong>de</strong> respect social (car celui qui tue un Gorille <strong>de</strong> cette<br />
façon nécessite <strong>de</strong>s pouvoirs mystiques....). Le Gorille est également consommé comme<br />
aliment rituel lors du Satši, pour ses vertus <strong>de</strong> bravoure. Son cerveau (tout comme celui <strong>de</strong><br />
nombreux autres Singes) est réservé aux chefs, ce qui leur apporterait <strong>de</strong>s pouvoirs<br />
supplémentaires. Cependant, contrairement aux autres Singes dont <strong>la</strong> consommation du pénis<br />
donnerait un surcroît <strong>de</strong> puissance sexuelle, celui du Gorille, probablement du fait <strong>de</strong> sa petite<br />
taille n’est pas consommé. C’est aussi va<strong>la</strong>ble pour <strong>la</strong> queue du Potamochère dont <strong>la</strong><br />
consommation par les hommes rendrait le sexe f<strong>la</strong>sque.<br />
Il existe une re<strong>la</strong>tion médico-magique entre l'utilisation d’organes humains (crâne,<br />
cerveau, os, mains, sang, pieds et pénis) recherchés pour <strong>la</strong> confection <strong>de</strong> fétiches lors <strong>de</strong><br />
certains rites et ceux <strong>de</strong>s grands Singes. Tout porte à croire que ces Primates remp<strong>la</strong>ceraient,<br />
dans certains rituels macabres, l’homme dont certains organes étaient (quoique ces rites<br />
existent encore <strong>de</strong> nos jours) utilisés pour <strong>la</strong> confection <strong>de</strong> fétiches. En milieu urbain gabonais<br />
où le Gorille est absent, certains gangas n’hésitent pas à <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r <strong>de</strong>s organes humains pour<br />
<strong>la</strong> confection <strong>de</strong> fétiches.<br />
- 300 -
- Les Vipères cornues du Gabon (Bitis gabonica et Bitis nasicornis) sont <strong>de</strong>s gibiers<br />
très appréciés <strong>de</strong>s Ogivins en particulier <strong>de</strong>s Pygmées qui n’hésitent pas à les traquer même<br />
lorsqu’elles sont camouflées sous le feuil<strong>la</strong>ge. En fait, ce sont <strong>de</strong>s proies très faciles (Ekata)<br />
mais néanmoins très dangereuses. Leur venin mortel est l’un <strong>de</strong>s plus redoutés <strong>de</strong> tous les<br />
Serpents du Gabon et d’ailleurs. C’est l’une <strong>de</strong>s raisons pour lesquelles les gangas ont choisi<br />
les Vipères pour confectionner le fameux vaccin anti-venimeux traditionnel connu <strong>de</strong>s seuls<br />
initiés. Quand on sait que <strong>de</strong> nos jours, il n’existe peu ou pas <strong>de</strong> vaccin ou <strong>de</strong> sérum contre les<br />
morsures <strong>de</strong>s Serpents d’Afrique qui font <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong> victimes chaque année (plus d’une<br />
centaine pour <strong>la</strong> seule ville <strong>de</strong> Libreville en 2002 ; Chippaux, 1993), cette piste <strong>de</strong>vrait être<br />
prise au sérieux. Ainsi, les féticheurs, à partir du crâne <strong>de</strong> <strong>la</strong> Vipère séché et écrasé en poudre,<br />
mé<strong>la</strong>ngé à d’autres essences végétales, fabriqueraient une sorte <strong>de</strong> produit à effet concomitant<br />
<strong>de</strong> vaccin et <strong>de</strong> sérum contre les morsures <strong>de</strong>s Vipères et <strong>de</strong> tous les autres Serpents. Le<br />
produit qui se présente sous <strong>la</strong> forme d’une pâte, est appliqué sur <strong>de</strong>s scarifications faites sur<br />
les pieds, les bras, au dos, à <strong>la</strong> poitrine ou encore sur <strong>la</strong> tête. Ce produit a un effet préventif<br />
tout autant que curatif. Le Serpent à l’approche d’une personne vaccinée, s’éloignera toujours.<br />
Ce <strong>de</strong>rnier pourra même attraper <strong>de</strong>s Serpents dont l’agressivité sera anéantie par l’effet du<br />
vaccin-sérum. Enfin, si quelqu’un est mordu et ramené à temps chez un guérisseur, le même<br />
produit associé à <strong>de</strong>s incantations aura un effet curatif.<br />
- Les Pangolins, quelle que soit l’espèce, offrent suffisamment <strong>de</strong> caractéristiques<br />
remarquables pour qu’on les retrouve dans les légen<strong>de</strong>s, les interdits, les pratiques médicales<br />
et les représentations. Les Fang retiennent son aspect général souffreteux, <strong>la</strong> position <strong>de</strong> ses<br />
pattes avant en varus, pour en faire à <strong>la</strong> fois un agent et un remè<strong>de</strong> <strong>de</strong>s rhumatismes. Ils<br />
entrent dans <strong>la</strong> composition <strong>de</strong> <strong>la</strong> pharmacopée traditionnelle. Ils possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> nombreuses<br />
propriétés médicinales que l’on peut c<strong>la</strong>sser en <strong>de</strong>ux groupes : ils guérissent, d’une part <strong>de</strong>s<br />
ma<strong>la</strong>dies <strong>de</strong> déformation et en particulier les rhumatismes et le pian ; ils combattent d’autre<br />
part l’infertilité. Certains médicaments sont préparés à partir du Pangolin pour guérir <strong>de</strong>s<br />
maux internes au corps humain ; d’autres que nous considérerions comme magiques,<br />
éloignent les maux extérieurs : le Pangolin est utilisé pour éloigner les mauvais esprits. Les<br />
procédés pharmaceutiques sont à base d’écailles que l’on porte en collier ou en bagues. On<br />
peut aussi consommer une poudre d’écailles ou se masser avec un onguent fabriqué à partir <strong>de</strong><br />
cette poudre, pratique excellente contre les rhumatismes.<br />
Par ailleurs, les Pangolins font généralement l’objet d’interdits alimentaires. Une<br />
femme enceinte ne peut en manger ni le toucher ni le voir sous peine <strong>de</strong> faire un mauvais<br />
accouchement ; l’enfant pourrait naître enroulé, recouvert d’écailles ou avec les mains ou les<br />
- 301 -
pieds en varus. Chez les Fang, un adolescent ne peut en manger sans rester à tout jamais vieux<br />
garçon. Pour les ma<strong>la</strong><strong>de</strong>s du pian et les rhumatisants, il est recommandé d’éviter les<br />
Pangolins, car leur rencontre pourrait éveiller leurs douleurs. Le Pangolin peut donc<br />
engendrer les rhumatismes et l’infertilité ; il est à <strong>la</strong> fois mé<strong>de</strong>cine et agent <strong>de</strong> ma<strong>la</strong>dies ; c’est<br />
<strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chair qui déclenche particulièrement <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die redoutée et c’est<br />
l’écaille qui <strong>la</strong> guérit (Lobjoit, 1973).<br />
Section VIII - Les autres usages traditionnels <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage<br />
VIII.1. Aspects artisanaux <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage<br />
Il suffit d’entrer dans <strong>de</strong>s bureaux administratifs <strong>de</strong> Makokou, au domicile <strong>de</strong>s<br />
particuliers ou encore dans <strong>la</strong> cuisine d’une grand-mère au vil<strong>la</strong>ge ou encore d’observer les<br />
bijoux <strong>de</strong>s passants ou d’assister à une danse traditionnelle, pour se rendre compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce<br />
importante qu’occupe le mon<strong>de</strong> animal dans nos espaces <strong>de</strong> vie quotidiens. Le Tableau 33 ci-<br />
<strong>de</strong>ssous présente une liste non exhaustive <strong>de</strong> quelques utilisations actuelles du mon<strong>de</strong> animal<br />
rentrant dans le domaine <strong>de</strong> l’artisanat local.<br />
Tableau 33 : Quelques animaux encore utilisés dans l’artisanat local<br />
Animaux Parties du corps Utilisations<br />
Céphalophes et<br />
Antilopes<br />
Peaux, cornes, sabots Chaises, amulettes, instruments <strong>de</strong> musique (tamtam,<br />
cor, flûte, sifflet…), tapis <strong>de</strong> sol, sandales,<br />
étuis <strong>de</strong> machette et couteaux…<br />
Tam-tam, ustensiles, bijoux, chasse-mouches,<br />
<strong>de</strong>nts, ivoire, os<br />
décoration…<br />
Peaux, <strong>de</strong>nts Tam-tam, amulettes, sacs, étuis, aiguilles, bijoux...<br />
Eléphant Oreilles, poils <strong>de</strong> <strong>la</strong> queue,<br />
Reptiles (Varan,<br />
Serpents, Crocodiles)<br />
Carnivores Peaux, griffes, <strong>de</strong>nts, Sacs, étuis, décoration, bijoux, instruments <strong>de</strong><br />
crânes, queues<br />
danse, accoutrements…<br />
Oiseaux Plumes, becs, serres Ornementation, décoration, flèches, ustensiles <strong>de</strong><br />
cuisine…<br />
Athérure africain Épines Instrument <strong>de</strong> coiffure et <strong>de</strong> couture très utilisé<br />
dans les vil<strong>la</strong>ges. Il sert également à enlever les<br />
chiques ou épines sur le corps.<br />
Colobe guéreza Peaux, Poils Chasse-mouches<br />
circoncisions)<br />
(que l’on sort lors <strong>de</strong>s<br />
D’après Mazzocchetti, tableau complété (Mazzocchetti, 2005)<br />
Il existe <strong>de</strong>ux façons distinctes <strong>de</strong> préparer les Céphalophes à <strong>la</strong> consommation. Soit<br />
l’animal est dépecé, opération qui consiste à séparer <strong>la</strong> peau <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>, soit on <strong>la</strong>isse <strong>la</strong> peau<br />
sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> et l’animal est mis au feu pour brûler le poil. Sur le marché <strong>de</strong> Makokou, les<br />
- 302 -
Céphalophes sont généralement dépecés et les peaux sont vendues séparément soit séchées et<br />
tannées, soit telles quelles car certains consommateurs, souvent les moins nantis, en achètent<br />
pour les consommer. L’utilisation première <strong>de</strong>s peaux <strong>de</strong> Céphalophes reste l’artisanat local.<br />
Ainsi, <strong>la</strong> peau <strong>de</strong> Céphalophe tannée est un excellent cuir pour <strong>la</strong> confection <strong>de</strong>s meubles<br />
(dossier <strong>de</strong> chaises (Photo 37), transat…). On les retrouve également sur les amulettes, étuis<br />
<strong>de</strong> couteaux, <strong>la</strong>nières <strong>de</strong> sacs ou encore pour <strong>la</strong> confection <strong>de</strong>s sandales. Mais son utilisation <strong>la</strong><br />
plus sail<strong>la</strong>nte est <strong>la</strong> fabrication <strong>de</strong> tam-tam (Photo 38), instrument <strong>de</strong> musique <strong>de</strong> base pour<br />
toutes les cérémonies, danses et rituelles initiatiques. La peau <strong>de</strong> Céphalophe constitue sur le<br />
tam-tam, <strong>la</strong> partie sur <strong>la</strong>quelle on frappe à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong>s mains ou avec <strong>de</strong>s baguettes pour obtenir<br />
le son si caractéristique <strong>de</strong> cet instrument <strong>de</strong> musique. Tous les Céphalophes sont utilisés pour<br />
<strong>la</strong> confection <strong>de</strong> tambours. Mais les peaux les plus employées sont celles <strong>de</strong>s Céphalophes les<br />
plus rencontrés sur le marché (Céphalophe bleu, C. Bai et C. <strong>de</strong> Peters). Ce qui signifie a<br />
priori qu’ils sont chassés non seulement pour leur chair mais aussi pour leur peau.<br />
L’utilisation <strong>de</strong> l’ivoire d’Éléphant pour l’artisanat n’est plus à démontrer. Dans <strong>la</strong><br />
légis<strong>la</strong>tion gabonaise, ce pachy<strong>de</strong>rme est c<strong>la</strong>ssé dans <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s espèces animales<br />
partiellement protégées. Ce qui signifie que sa chasse est autorisée mais réglementée. En fait<br />
les choses sont beaucoup plus compliquées car parallèlement, même si l’Eléphant est<br />
partiellement protégé au Gabon, <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> chasse qui concerne essentiellement l’Eléphant, le<br />
Buffle, l’Hippopotame et les gran<strong>de</strong>s Antilopes, reste strictement interdite dans tout le pays.<br />
Seules les battues administratives sont autorisées et c’est uniquement dans ce cadre qu’un<br />
Éléphant peut être abattu. Mais nous avons vu précé<strong>de</strong>mment que <strong>la</strong> réalité sur le terrain est<br />
autre car partout au Gabon, l’Eléphant reste un gibier <strong>de</strong> choix dans les vil<strong>la</strong>ges. L’ivoire issu<br />
<strong>de</strong> cette chasse c<strong>la</strong>n<strong>de</strong>stine alimente alors un marché local très florissant. Pour s’en rendre<br />
compte, il suffit <strong>de</strong> visiter les principaux marchés artisanaux <strong>de</strong> Libreville qui sont les<br />
principales <strong>de</strong>stinations <strong>de</strong> l’ivoire provenant <strong>de</strong> l’intérieur du pays. L’artisanat local est le<br />
principal utilisateur <strong>de</strong> l’ivoire d’Eléphant. On y fabrique <strong>de</strong>s bijoux en ivoire, <strong>de</strong>s ustensiles<br />
<strong>de</strong> cuisine et <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> décoration.<br />
- 303 -
Peau <strong>de</strong><br />
l’antilope<br />
Bongo<br />
Photo 37 : Chaise du chef en peau <strong>de</strong> Bongo (Mbondou).<br />
Photo : F. Mazzocchetti<br />
Peau <strong>de</strong><br />
Céphalophe<br />
Photo 38: Tam-tam en peau <strong>de</strong> Céphalophe rouge (quartier Bor<strong>de</strong>aux à Makokou).<br />
Photo : F. Mazzocchetti<br />
- 304 -
Le prix <strong>de</strong> l’ivoire est en hausse ces <strong>de</strong>rnières années, ce qui correspondrait à une<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> croissante et à une plus gran<strong>de</strong> rareté. À Makokou, il est passé <strong>de</strong> 4.000 FCFA le<br />
kilogramme en 1998 à 7.000 FCFA à partir <strong>de</strong> 2003. À Libreville, certaines pointes peuvent<br />
être vendues entre 10.000 FCFA et 15000 FCFA le kilogramme. Avec <strong>de</strong>s pointes d’ivoire<br />
d’environ 12 kg en moyenne, un Eléphant rapporterait entre 150.000 FCFA et 200.000 FCFA<br />
(entre 230 et 305 euros) à un chasseur. Mais le plus important reste <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> qui, lorsqu’elle<br />
n’est pas abandonnée en forêt, peut nourrir un vil<strong>la</strong>ge pendant plusieurs jours puisque<br />
généralement elle est distribuée gratuitement par le chasseur.<br />
L’ivoire n’est pas <strong>la</strong> seule partie utilisée chez l’Eléphant. Depuis peu, il y a un marché<br />
florissant <strong>de</strong>s bijoux fabriqués avec le poil <strong>de</strong> <strong>la</strong> queue <strong>de</strong> ce pachy<strong>de</strong>rme. Nous n’avons<br />
malheureusement que peu <strong>de</strong> données sur ce trafic. Par contre l’utilisation <strong>de</strong> l’oreille <strong>de</strong><br />
l’Eléphant pour <strong>la</strong> fabrication <strong>de</strong>s tam-tams se fait <strong>de</strong> moins en moins et le pied <strong>de</strong> ce<br />
pachy<strong>de</strong>rme serait l’une <strong>de</strong>s parties les plus appréciées <strong>de</strong>s consommateurs.<br />
Les canines <strong>de</strong> Carnivores (Panthère, Chat doré, Civette…) sont <strong>de</strong>s bijoux en ivoire<br />
tout faits si l’on peut dire. Ils sont généralement portés tels quels sur une chaînette ou un<br />
bracelet. Certains bijoutiers préfèrent les polir pour leur donner un aspect luisant. Cependant,<br />
dans ce groupe d’animaux, <strong>la</strong> partie du corps <strong>la</strong> plus exploitée est <strong>la</strong> peau. En effet, cette robe,<br />
<strong>de</strong> couleur variable souvent tachetée et au pe<strong>la</strong>ge doux propre à cette famille d’animaux, a<br />
toujours intéressé les artisans du vêtement. La Panthère fut dans le passé très prisée pour sa<br />
robe. Mais <strong>de</strong> nos jours avec les lois <strong>national</strong>es et inter<strong>national</strong>es comme <strong>la</strong> CITES,<br />
l’exploitation <strong>de</strong> cet animal est interdite. Les peaux <strong>de</strong>s carnivores sont néanmoins encore<br />
exploitées <strong>de</strong> façon traditionnelle pour <strong>la</strong> confection. Elles servent notamment à <strong>la</strong> confection<br />
<strong>de</strong>s costumes <strong>de</strong> danse lors <strong>de</strong>s cérémonies initiatiques ou <strong>de</strong> danses traditionnelles.<br />
La plume rouge du Perroquet n’est pas uniquement utilisée pour les manifestations<br />
concernant les jumeaux. On <strong>la</strong> retrouve également sur <strong>de</strong>s masques ou encore <strong>de</strong>s chapeaux<br />
<strong>de</strong>s danseurs traditionnels. On peut également l’observer sur certaines flèches ou à l’extrémité<br />
<strong>de</strong>s hampes <strong>de</strong> <strong>la</strong>nces. Certaines amulettes en portent également sans qu’on en sache plus sur<br />
<strong>la</strong> signification <strong>de</strong> cette décoration. Peut-être ce choix est-il tout simplement lié à <strong>la</strong> splen<strong>de</strong>ur<br />
<strong>de</strong> cette couleur rouge vive typique <strong>de</strong> cet oiseau. Le Perroquet est loin d’être le seul Oiseau à<br />
être utilisé. L’Aigle couronné (Stephanoaetus coronatus), l’Aigle pêcheur (Haliaëtus vocifer)<br />
et le Vautour palmiste (Gypohierax angolensis), tout comme les grands Ca<strong>la</strong>os (Grand ca<strong>la</strong>o à<br />
casque noir, Ceratogymna atrata, Ca<strong>la</strong>o à joues grises Bycanistes subcylindricus…) et le<br />
- 305 -
magnifique Touraco géant (Corythaeo<strong>la</strong> cristata), sont recherchés pour <strong>la</strong> splen<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> leur<br />
plumage utilisé lors <strong>de</strong>s danses traditionnelles. L’importance <strong>de</strong>s plumes pour l’habillement<br />
est re<strong>la</strong>té dans certains contes comme celui du « Singe et <strong>de</strong> l’Aigle » :<br />
« Il était une fois, à l’époque où l’homme et les animaux vivaient ensemble, un roi qui <strong>de</strong>vant<br />
organiser une fête, avait besoin pour son costume, <strong>de</strong> <strong>la</strong> plus belle plume <strong>de</strong>s oiseaux. Il<br />
organisa alors une compétition dont l’Aigle et <strong>la</strong> Poule sortirent vainqueurs. Pour les<br />
départager, l’Aigle et <strong>la</strong> Poule <strong>de</strong>vaient confier chacun, sa plus belle plume à un animal <strong>de</strong><br />
son choix pour <strong>la</strong> rapporter le plus vite au roi. La Poule prit comme émissaire <strong>la</strong> Tortue<br />
tandis que l’Aigle fit confiance au Singe. Ce <strong>de</strong>rnier en cours <strong>de</strong> route, ne put s’empêcher <strong>de</strong><br />
s’arrêter sur l’arbre à bambou (Gambeya <strong>la</strong>courtiana) pour s’alimenter. Les mains sales, il<br />
continua son chemin et badigeonnât <strong>la</strong> plume <strong>de</strong> l’Aigle <strong>de</strong> sève. La Tortue par contre prit<br />
soin <strong>de</strong> protéger <strong>la</strong> plume <strong>de</strong> <strong>la</strong> Poule sous sa carapace pour éviter <strong>de</strong> l’abîmer. Arrivée chez<br />
le roi, le choix <strong>de</strong> <strong>la</strong> plume <strong>de</strong> <strong>la</strong> Poule, fut sans détour et <strong>de</strong>puis ce jour, cet oiseau pris p<strong>la</strong>ce<br />
à côté <strong>de</strong> l’homme tandis que l’Aigle fut condamné à rester en forêt. Depuis ce jour l’aigle<br />
voue au singe une haine sans précé<strong>de</strong>nt. Ainsi lorsqu’on entend l’Aigle, il crie sans cesse<br />
vengeance et n’hésite pas dès que c’est possible à tuer le premier Singe qu’il aperçoit dans <strong>la</strong><br />
canopée »<br />
Conte bakota recueilli avec plusieurs variantes à Makokou.<br />
Les épines <strong>de</strong> l’Athérure africain n’ont pas que <strong>de</strong>s effets désagréables. Ils sont très<br />
utilisés en milieu vil<strong>la</strong>geois pour extraire <strong>de</strong>s pieds ou <strong>de</strong>s mains les chiques, ces parasites<br />
nuisibles qui font <strong>de</strong>s ravages dans les vil<strong>la</strong>ges. L’extrémité pointue <strong>de</strong> l’épine <strong>de</strong> l’Athérure<br />
est une excellente aiguille qui permet <strong>de</strong> perforer <strong>la</strong> peau aux endroits les plus exigus <strong>de</strong>s<br />
pieds (entre les orteils, sous les ongles…) où le parasite aime nicher. Cette épine sert<br />
également à extraire tout corps étranger installé superficiellement sur <strong>la</strong> peau. Les femmes<br />
sont probablement les plus <strong>de</strong>man<strong>de</strong>uses <strong>de</strong> cet objet. Elles l’utilisent en particulier pour se<br />
faire et défaire les cheveux. Certaines s’en servent comme <strong>de</strong> pinces pour maintenir une<br />
coiffe.<br />
VIII.2. Les animaux et les poisons<br />
Deux espèces animales se distinguent nettement <strong>de</strong>s autres dans <strong>la</strong> confection <strong>de</strong><br />
poisons redoutables. Elles appartiennent au mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> nuit et sont du domaine <strong>de</strong>s<br />
- 306 -
féticheurs. Il s’agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> Panthère Ngoye et <strong>de</strong> l’Oryctérope Ekoundassé. Lorsque dans un<br />
vil<strong>la</strong>ge un chasseur tue l’un ou l’autre <strong>de</strong> ces gibiers, soit il ne le dit à personne, soit il ramène<br />
l’animal au vil<strong>la</strong>ge et les organes dangereux sont détruits publiquement. Dans le cas où il<br />
n’informe pas le vil<strong>la</strong>ge et que par malheur quelqu’un le découvre, le chasseur peut être banni<br />
ou, si entre-temps il y a eu <strong>de</strong>s décès au vil<strong>la</strong>ge, il sera tenu pour responsable et jugé par <strong>la</strong><br />
communauté comme tel.<br />
Chez <strong>la</strong> Panthère, les poils <strong>de</strong>s moustaches sont un poison lorsqu’on les avale tels<br />
quels. Mais le plus dangereux et tristement célèbre reste le foie <strong>de</strong> Panthère séché. Cet organe<br />
est un poison redoutable qui ne <strong>la</strong>isse aucune chance <strong>de</strong> survie à celui qui le consomme même<br />
à très faible dose (une cuillère à café suffirait à tuer 5 personnes adultes selon certaines<br />
sources d’informations). L’individu empoisonné présente très rapi<strong>de</strong>ment <strong>de</strong>s signes<br />
d’asphyxie caractéristiques, témoignant <strong>de</strong> l’effet du manque d’oxygénation du sang propre à<br />
ce poison. Une étu<strong>de</strong> biochimique serait fort intéressante sur <strong>la</strong> mise en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> toxicité<br />
<strong>de</strong> cet organe séché. Ce poison est couramment utilisé au Gabon et fait <strong>de</strong> nombreuses<br />
victimes chaque année. Il est souvent administré par voie orale par l’intermédiaire d’une<br />
boisson (généralement le vin <strong>de</strong> palme, boisson très appréciée <strong>de</strong> nombreux Gabonais) et<br />
souvent dans le cadre <strong>de</strong> règlements <strong>de</strong> compte.<br />
L’Oryctérope, quoique plus rare que <strong>la</strong> Panthère, est <strong>de</strong> loin plus dangereux en matière<br />
<strong>de</strong> poison. Pour donner une idée <strong>de</strong> sa nocivité, plusieurs chasseurs sont morts en essayant<br />
d’attraper cet animal dans son trou. Il semblerait que ses f<strong>la</strong>tulences sont si toxiques qu’ils en<br />
seraient morts asphyxiés. Seuls les Pygmées connaîtraient <strong>la</strong> technique sans risque pour<br />
dénicher l’Oryctérope dans son trou. Cependant, les f<strong>la</strong>tulences ne sont pas les seuls dangers<br />
chez cet animal. Les crottes séchées et les viscères (en fait tout ce qui touche à son tube<br />
digestif) seraient <strong>de</strong>s poisons mortels redoutables. D’après les chasseurs, même <strong>la</strong> Panthère<br />
qui généralement commence par manger les viscères <strong>de</strong> sa proie s’abstiendrait <strong>de</strong> le faire<br />
lorsqu’il s’agit <strong>de</strong> l’Oryctérope. Le poison issu <strong>de</strong>s crottes séchées <strong>de</strong> l’Oryctérope,<br />
s’administre comme le foie <strong>de</strong> <strong>la</strong> panthère. Cependant les symptômes sont différents, se<br />
présentant généralement sous forme <strong>de</strong> crise cardiaque.<br />
VIII.3. Les animaux et les noms <strong>de</strong> personnes et <strong>de</strong> lieux<br />
Le lien entre l’Homme et l’animal est également observé dans <strong>la</strong> nomination <strong>de</strong>s<br />
personnes et <strong>de</strong>s lieux. En effet, <strong>de</strong> nombreuses personnes (hommes et femmes compris) et<br />
vil<strong>la</strong>ges, portent dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou comme partout au Gabon, <strong>de</strong>s noms d’animaux<br />
- 307 -
où qui se rapportent à <strong>la</strong> faune sauvage. Il s’agit <strong>de</strong>s noms <strong>de</strong> famille puisqu’au Gabon comme<br />
dans toute <strong>la</strong> sous-région, les prénoms sont Français. Ces prénoms sont extraits du calendrier<br />
étant le plus souvent associés à une date anniversaire. Ainsi, tous les enfants nés un 10 mars<br />
porteront d’office le prénom <strong>de</strong> Vivien.<br />
L’animal a soit une signification symbolique pour <strong>la</strong> famille (totem), soit une<br />
ressemb<strong>la</strong>nce physique ou comportementale avec l’enfant car le nom lui est attribué quelques<br />
jours seulement après sa naissance. Ainsi les animaux les plus communément représentés sont<br />
<strong>la</strong> Panthère, l’Aigle couronné et l’Eléphant. Il s’agit d’animaux qui symbolisent <strong>la</strong> force,<br />
l’intelligence (surtout en ce qui concerne les <strong>de</strong>ux prédateurs pour leur adresse à <strong>la</strong> chasse),<br />
l’agressivité, etc. Plusieurs autres espèces <strong>de</strong> Mammifères, <strong>de</strong> Poissons ainsi que <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntes<br />
et <strong>de</strong>s fruits <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt ont également inspiré l’Homme dans <strong>la</strong> nomination <strong>de</strong>s personnes et<br />
<strong>de</strong>s lieux. Mais nous nous limiterons aux Mammifères cités ci-<strong>de</strong>ssus.<br />
- La Panthère (Ngoye chez les Kota et Nzé chez les Fang) : Chez les Kota, Ngoye est<br />
un nom très courant et généralement attribué aux hommes. Cet animal symbolise <strong>la</strong> force du<br />
jeune enfant observée dès ses premiers mouvements à <strong>la</strong> naissance. Il peut être également<br />
attribué à l’enfant tout simplement en mémoire d’un parent ou un ami qui porta ce nom. Chez<br />
les Fang, le nom Nzé est également courant et porté par les hommes. Cependant, les jeunes<br />
filles pourront se le voir attribué, mais sous une forme composée comme Nzé-Minko, Nzé-<br />
Ekekang ou Nzé-Ndong.<br />
Plusieurs vil<strong>la</strong>ges dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou portent le nom <strong>de</strong> <strong>la</strong> Panthère sous sa<br />
forme simple comme le vil<strong>la</strong>ge Nzé 80 situé à environ une centaine <strong>de</strong> kilomètres <strong>de</strong> Makokou<br />
sur <strong>la</strong> route <strong>de</strong> Mékambo et sous sa forme composée comme le quartier Ebadangoye <strong>de</strong><br />
Makokou ou les vil<strong>la</strong>ges Makatamangoye 81 1 et 2 sur <strong>la</strong> route d’Okondja.<br />
- L’Aigle couronné (Mbé<strong>la</strong> chez les Kota) : Le nom <strong>de</strong> ce grand Rapace est également<br />
très commun chez les Kota <strong>de</strong> Makokou que ce soit autant chez les filles que chez les garçons.<br />
On retrouve également ce nom sous une forme simple (exemple M Mbé<strong>la</strong> Jacques du quartier<br />
Loaloa) ou sous sa forme composée comme chez Bakadjimbé<strong>la</strong> qui signifie <strong>la</strong> sœur <strong>de</strong><br />
l’Aigle, nom que porte plusieurs filles <strong>de</strong> Makokou. Le nom Mbé<strong>la</strong> est également celui d’un<br />
vil<strong>la</strong>ge Kota/Mahongwé sur <strong>la</strong> route <strong>de</strong> Mékambo.<br />
80 Le vil<strong>la</strong>ge Nzé qui signifie <strong>la</strong> Panthère en Fang a été donné à ce vil<strong>la</strong>ge Kota pour <strong>la</strong> simple raison que c’est un<br />
Fang qui ayant suivi une compagne Kota, s’est installé le premier à cet endroit. Son nom est resté.<br />
81 Signifie les testicules <strong>de</strong> <strong>la</strong> Panthère en Kota.<br />
- 308 -
- L’Eléphant (Zokou en Kota et Nzoghe en Fang) : Le nom <strong>de</strong> ce pachy<strong>de</strong>rme tout<br />
comme les espèces décrites précé<strong>de</strong>mment, a inspiré plusieurs familles qui l’ont attribué à<br />
leurs enfants. Ainsi les Messieurs Zokou et Nzoghe sont nombreux à Makokou. Sur un tout<br />
autre p<strong>la</strong>n, l’expression « c<strong>la</strong>irière marécageuse » que les biologistes désignent quelquefois<br />
par Saline ou Baï et qui désignent ces c<strong>la</strong>irières forestières où se côtoient <strong>de</strong> nombreuses<br />
espèces <strong>de</strong> grands Mammifères, est désigné par les Kota <strong>de</strong> Makokou sous le terme<br />
Medjibazokou qui signifie « le marécage <strong>de</strong> l’Eléphant ». Ce qui signifie en d’autre terme que<br />
l’Eléphant est à l’origine <strong>de</strong> <strong>la</strong> formation <strong>de</strong> ces c<strong>la</strong>irières qui attirent par <strong>la</strong> suite <strong>de</strong><br />
nombreuses autres espèces animales forestières.<br />
VIII.4. Les animaux utilisés comme animal <strong>de</strong> compagnie<br />
Cette pratique est très répandue en Ogooué-Ivindo et l’enquête menée en 2001 sur <strong>la</strong><br />
détention d’animaux sauvages à Makokou a mis en évi<strong>de</strong>nce une prédominance <strong>de</strong>s Singes<br />
sur les autres espèces (Oiseaux, Pangolins et Potamochères essentiellement) (Okouyi, 2001).<br />
Sept espèces <strong>de</strong> Singes ont été recensées lors <strong>de</strong> cette étu<strong>de</strong>, totalisant 30 animaux (Figure<br />
32). Il s’agit du Hocheur (31%), du Mandrill (27%), du Moustac (13%) (Photo 39), du<br />
Chimpanzé (13%) (Photo 40), du Mangabey à joues grises (10%), du Colobe guéréza (3%), et<br />
du Gorille (3%). Soixante quatre pour cent (64%) <strong>de</strong>s individus recensés étaient âgés <strong>de</strong><br />
moins d’un an (Figure 33) et 63% étaient <strong>de</strong> jeunes mâles. Tous ces animaux étaient <strong>de</strong>s<br />
orphelins <strong>de</strong> chasse au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle les parents avaient été tués et consommés.<br />
Généralement, les Singes portent leurs petits sur eux (au dos pour les Gorilles et au ventre<br />
pour les autres). Lorsqu’ils sont abattus, le nourrisson reste accroché au cadavre <strong>de</strong> sa mère,<br />
ce qui permet au chasseur <strong>de</strong> s’en emparer sans trop <strong>de</strong> difficultés et ce, s'il n’est pas mort<br />
écrasé lors <strong>de</strong> <strong>la</strong> chute. Ils sont ensuite ramenés au vil<strong>la</strong>ge où ils sont généralement bien traités<br />
et vivent en re<strong>la</strong>tive bonne santé (83 % <strong>de</strong> animaux observés étaient en bonne santé : poids<br />
normal, comportement vif et en alerte). Mais, malgré ces soins sommaires, le taux <strong>de</strong><br />
mortalité reste très élevé. Plus d’un animal sur <strong>de</strong>ux meurt pendant <strong>la</strong> semaine qui suit sa<br />
détention. L’alimentation et <strong>la</strong> solitu<strong>de</strong> semblent être les premières causes <strong>de</strong> mortalité.<br />
Certains bébés à peine sevrés, sont directement mis au régime <strong>de</strong>s adultes. Ce qui n’est pas<br />
sans risque pour leur santé. Les petits Singes s’en tirent mieux que les Gorillons et les petits<br />
Chimpanzés. Ces <strong>de</strong>rniers attrapent très vite <strong>la</strong> diarrhée qui leur est fatale en quelques jours.<br />
Au contact <strong>de</strong>s enfants (Photo 41) ou d’animaux domestique (Photo 42) qui jouent sans cesse<br />
avec ces animaux, ces <strong>de</strong>rniers peuvent contracter <strong>de</strong>s ma<strong>la</strong>dies bénignes pour l’homme<br />
- 309 -
(rhumes, toux…) mais qui peuvent leur être fatale. La transmission <strong>de</strong>s pathologies <strong>de</strong>s Singes<br />
chez l’enfant reste incertaine. Ce fut justement l’objet d’une étu<strong>de</strong> menée par le CIRMF <strong>la</strong><br />
même année au cours <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle l’équipe sillonnait le pays pour faire <strong>de</strong>s prélèvements <strong>de</strong><br />
sang sur les Singes détenus comme animaux <strong>de</strong> compagnie.<br />
Figure 32 : Proportion <strong>de</strong>s différentes espèces <strong>de</strong> primates recensées chez les particuliers<br />
dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou.<br />
Colobe guéréza<br />
3 %<br />
Mangabé à<br />
joues grises<br />
10 %<br />
Chimpanzé<br />
13 %<br />
Mandrill<br />
27 %<br />
Gorille<br />
3 %<br />
Hocheur<br />
31 %<br />
Moustac<br />
13 %<br />
Figure 33: Histogramme <strong>de</strong> distribution <strong>de</strong> fréquences d’âge <strong>de</strong>s Singes détenus en captivité<br />
N<br />
20<br />
18<br />
16<br />
14<br />
12<br />
10<br />
8<br />
6<br />
4<br />
2<br />
0<br />
18<br />
8<br />
3<br />
1 2 3 4 5<br />
C<strong>la</strong>sses d'Âges<br />
C<strong>la</strong>sses d'âge 1: <strong>de</strong> 0 à 1 an; 2: <strong>de</strong> 1,1 ans à 2 ans; 3: 2,1 ans à 3 ans; 4: 3,1 ans à 4; 5: <strong>de</strong> 4,1 ans à plus. N =<br />
effectifs<br />
0<br />
1<br />
- 310 -
Photo 39 : Hocheur en captivité au quartier Mbolo <strong>de</strong> Makokou.<br />
J. Okouyi<br />
J. Okouyi<br />
Photo 40: Jeune Chimpanzé dans une cage au quartier Zoatab <strong>de</strong> Makokou. La solitu<strong>de</strong> est<br />
l’une <strong>de</strong>s premières causes <strong>de</strong> mortalité <strong>de</strong> ces bébés en captivité.<br />
- 311 -
J. Okouyi<br />
Photo 41 : Il peut y avoir transmission <strong>de</strong> zoonoses lors <strong>de</strong>s contacts entre ces Singes et les<br />
enfants. Un Moustac et sa jeune propriétaire à Makokou.<br />
Photo 42: Les animaux sauvages vivent en contact avec les animaux domestiques.<br />
J. Okouyi<br />
- 312 -
Les Singes ne sont pas les seuls animaux détenus comme animaux <strong>de</strong> compagnie.<br />
Nous avons recensé <strong>la</strong> même année sur Makokou, trois élevages <strong>de</strong> marcassins (4 individus au<br />
total) obtenus dans les mêmes conditions que les Singes et cinq Perroquets gris du Gabon.<br />
Les animaux détenus en captivité à Makokou, le sont généralement <strong>de</strong> manière<br />
transitoire puisque que tous les propriétaires interrogés espèrent revendre leur animal à un<br />
éventuel touriste ou passant. Il s’agit pour eux d’une source financière supplémentaire dont ils<br />
espèrent tirer un bon bénéfice. Un animal vivant et même jeune, peut coûter quatre à cinq fois<br />
plus cher que lorsqu’il est vendu mort comme gibier. Toutefois, cette activité reste très<br />
marginale.<br />
VIII.5. L'exploitation du comportement animal<br />
Moins évi<strong>de</strong>nte, mais néanmoins importante, est l'utilisation que font les chasseurs du<br />
comportement <strong>de</strong>s animaux qu'ils <strong>recherche</strong>nt. Comme nous l’avons plus ou mois déjà abordé<br />
dans le Chapitre VI précé<strong>de</strong>nt, une connaissance très fine <strong>de</strong> l'éthologie leur permet <strong>de</strong> repérer<br />
les animaux (à l'endroit où ils se nourrissent, sur leurs lieux <strong>de</strong> passage, aux saisons propices),<br />
<strong>de</strong> les approcher ou <strong>de</strong> les attirer (en se camouf<strong>la</strong>nt, en imitant leurs cris et leurs mouvements,<br />
ce qui provoque une réponse agressive <strong>de</strong> <strong>la</strong> proie) et <strong>de</strong> les tuer en profitant <strong>de</strong> leur réaction.<br />
Chaque technique du chasseur, chaque geste, voire l'arme dans certains cas, sont parfaitement<br />
adaptés au comportement <strong>de</strong> l'animal convoité (Dounias, 2000). Le chasseur va par exemple<br />
suivre les cris <strong>de</strong> certains Ca<strong>la</strong>os (Tockus hart<strong>la</strong>ubi ou Tropicranus albocristatus) pour<br />
repérer les ban<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Singes difficiles à repérer dans <strong>la</strong> canopée. En effet, ces Oiseaux<br />
chassent les insectes mis en mouvement par le dép<strong>la</strong>cement <strong>de</strong>s Singes. Ces <strong>de</strong>rniers en<br />
retour, bénéficient <strong>de</strong> <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> ces Oiseaux vigi<strong>la</strong>nts, à <strong>la</strong> vue perçante, qui les informent<br />
par leur cri d’a<strong>la</strong>rme <strong>de</strong> l’approche d’un prédateur. Le chasseur va par <strong>la</strong> suite imiter le cri <strong>de</strong><br />
l’Aigle, ce qui va entraîner une réaction d’agressivité et <strong>de</strong> protection <strong>de</strong> <strong>la</strong> ban<strong>de</strong> par le mâle<br />
alpha, qui foncera en direction du cri. Dans certains cas, si le Singe n’est pas à <strong>la</strong> bonne portée<br />
du fusil, le chasseur agite <strong>de</strong>s branches au sol, donnant l’impression à l'animal qu’un <strong>de</strong> ses<br />
congénères se fait attaquer. Le Singe en se rapprochant <strong>de</strong> plus près sera facilement abattu.<br />
L’animal est omniprésent dans <strong>la</strong> vie <strong>de</strong>s Ogivins auquel ils se réfèrent dans leurs faits<br />
et gestes quotidiens. On rapporte que l’homme apprit les vertus neurotoniques et stimu<strong>la</strong>ntes<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nte dénommée iboga (Tabernanthe iboga), après avoir remarqué le comportement<br />
étrange, l’état <strong>de</strong> violente excitation, <strong>de</strong>s Potamochères qui avaient mangé l’écorce et les<br />
racines <strong>de</strong> cet arbrisseau (Christy, 2003). Ce fut probablement le cas <strong>de</strong> nombreux végétaux<br />
- 313 -
qui, grâce à l’observation <strong>de</strong>s animaux, entrèrent ensuite dans l’alimentation ou l'usage<br />
médicinal <strong>de</strong>s Hommes comme c'est le cas <strong>de</strong>s fruits charnus ou <strong>de</strong> certaines écorces. Il est<br />
coutume <strong>de</strong> dire au Gabon : « Ce que le Singe consomme, l’Homme peut également le<br />
consommer ». Dans un autre registre, le c<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s Ndjui par exemple, règle ses pa<strong>la</strong>bres en<br />
s’inspirant <strong>de</strong>s réactions qu’auraient pu avoir les Potamochères en forêt face à un danger. Ils<br />
évoquent généralement <strong>de</strong>s proverbes mettant en scène ces animaux. Par ces phrases, ils<br />
sollicitent les esprits pour régler au mieux <strong>la</strong> crise.<br />
Section IX - La représentation animale dans <strong>la</strong> tradition orale<br />
Les chants, les contes, les mythes, les légen<strong>de</strong>s et les proverbes sont autant <strong>de</strong> moyens<br />
existants qu’ont les Africains pour transmettre le savoir <strong>de</strong> génération en génération. Ces<br />
sociétés d’Afrique noire, dites <strong>de</strong> « tradition orale » ont <strong>la</strong> parole véhicule par excellence du<br />
savoir et <strong>de</strong>s traditions. Bien qu’il s’agisse <strong>de</strong> récits hérités <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition, ne signifie<br />
nullement qu’ils se transmettent <strong>de</strong> façon immuable. En effet, le narrateur puise, dans un<br />
répertoire connu <strong>de</strong>puis longtemps, <strong>la</strong> trame <strong>de</strong> son récit et lui imprime sa marque propre qui<br />
sera fonction <strong>de</strong> l’heure, du lieu, du publique et <strong>de</strong> son talent spécifique. Il s’agit donc à <strong>la</strong> fois<br />
d’une création anonyme, en ce que ces récits sont issus <strong>de</strong> <strong>la</strong> mémoire collective, et d'une<br />
création individuelle, celle du narrateur.<br />
N’ayant pas personnellement travaillé sur l’expression orale <strong>de</strong> <strong>la</strong> tradition dans cette<br />
région, je me baserai sur les résultats <strong>de</strong> Mazzocchetti, une étudiante du master Espace Temps<br />
et Société <strong>de</strong> l’Université d’Orléans qui a travaillé dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou sur<br />
« L’Utilisation et <strong>la</strong> Représentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> Faune Sauvage (tachetée) chez les Bakota <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
région <strong>de</strong> Makokou (Gabon) » (Mazzocchetti, 2005). L’auteur a recensé un certain nombre <strong>de</strong><br />
contes Bakota (Tableau 34) mettant en scène <strong>la</strong> Panthère et le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune. Le tableau ci-<br />
<strong>de</strong>ssous fait une synthèse <strong>de</strong> quelques uns <strong>de</strong> ces contes en présentant uniquement le titre, les<br />
animaux impliqués, <strong>la</strong> morale du conte et si possible, l’auteur. L’objectif pour nous étant à<br />
travers ces quelques exemples <strong>de</strong> mettre <strong>de</strong> nouveau en évi<strong>de</strong>nce <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce importante<br />
qu’occupe le mon<strong>de</strong> animale dans les traditions orale Ogivines. Ces récits mettent<br />
généralement en scène les animaux entre eux et/ou les animaux avec les Hommes à une<br />
époque lointaine où ces <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s coexistaient et communiquaient.<br />
- 314 -
Tableau 34 : Exemples <strong>de</strong> contes (titres et auteurs uniquement)<br />
N° Titre Animaux<br />
impliqués<br />
Conte 1 La Panthère et <strong>la</strong> Tortue - Panthère<br />
(Ngoye na Kulu)<br />
- Tortue<br />
Conte 2 La Panthère et <strong>la</strong> Genette<br />
(Ngoye na Hindji)<br />
Conte 3 La Panthère et le Chat doré<br />
(Ngoye na Lobwa)<br />
Conte 4 La Panthère et les autres<br />
animaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt (Ngoye<br />
na ba Tchito ba bo Djima)<br />
Conte 5 La circoncision du fils <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
Panthère (Itchinda dja mwa<br />
na Ngoye)<br />
Conte 6 La Panthère et le<br />
Céphalophe bleu (Ngoye na<br />
Héli)<br />
Conte 7 La Panthère et le Silure<br />
(Ngoye na Issomé)<br />
- Panthère<br />
- Genette<br />
- Panthère<br />
- Chat doré<br />
- Panthère<br />
- le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faune<br />
- Panthère<br />
- Oryctérope<br />
- Tortue<br />
- Panthère<br />
- Céphalophe<br />
bleu<br />
- Panthère<br />
- Silure géant<br />
Morale du conte Auteur<br />
Ne faites pas aux autres ce que vous<br />
n’aimeriez pas que l’on vous fasse<br />
Explique pourquoi <strong>la</strong> Panthère (l’oncle) et<br />
<strong>la</strong> genette (neveu) vivent dans <strong>de</strong>s<br />
biotopes différents<br />
Raconte <strong>la</strong> genèse du conflit qui existe<br />
entre <strong>la</strong> Panthère (l’oncle) et le Chat doré<br />
(le neveu)<br />
Raconte pourquoi les Singes sont les<br />
seuls gibiers que l’on ne dépèce pas mais<br />
que l’on brûle avant <strong>la</strong> cuisson<br />
Explique que les problèmes peuvent être<br />
<strong>de</strong> n’importe quel ordre<br />
Dans <strong>la</strong> vie il y a toujours plus malin que<br />
soit<br />
Explique pourquoi à chaque fois que <strong>la</strong><br />
Panthère voit une Tortue, elle a<br />
l’impression <strong>de</strong> jouer avec en essayant <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> sortir <strong>de</strong> sa coque<br />
J-B Ibadaya,<br />
Ikota,,<br />
Mbondou<br />
Youta Benoit,<br />
Ikota,<br />
Makokou<br />
Loïc Gouwa,<br />
Ikota, Ntsiété<br />
Dominique<br />
Mabata, Ikota,<br />
Ntsiété<br />
Loïc Gouwa,<br />
Ikota, Ntsiété<br />
Vieux Ikota,<br />
Mbondou<br />
Ro<strong>la</strong>nd<br />
Boka<strong>la</strong>, Ikota,<br />
Makokou<br />
Pour plus d’information sur ces contes, on se reportera au mémoire <strong>de</strong> Florence Mazzocchetti, (Mazzocchetti<br />
2005).<br />
Les contes sont généralement utilisés par les parents pour éduquer leurs enfants. Ils<br />
sont assez souvent émaillés <strong>de</strong> proverbes qui servent à souligner <strong>la</strong> finalité morale <strong>de</strong><br />
l’histoire racontée ou bien à mettre en évi<strong>de</strong>nce une leçon tirée <strong>de</strong> <strong>la</strong> sagesse <strong>de</strong>s anciens. Il<br />
arrive même que le conte ne soit que l’illustration et le développement d’un proverbe qui en<br />
constitue en quelque sorte l’amorce. Cette liaison étroite entre le conte et le proverbe<br />
s’explique très bien par leur origine commune, puisque tous <strong>de</strong>ux participent <strong>de</strong> <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong><br />
définir <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> l’Homme dans <strong>la</strong> société et d’orienter son action et son existence dans un<br />
sens prescrit par <strong>la</strong> tradition.<br />
315
TROISIÈME PARTIE<br />
Valorisation <strong>de</strong>s savoirs<br />
ethnozoologiques et cynégétiques<br />
locaux par leur intégration dans les<br />
politiques et processus actuelles <strong>de</strong><br />
conservation<br />
316
Chapitre IX : Les atouts potentiels <strong>de</strong> l’après pétrole<br />
gabonais sont actuellement mal exploités.<br />
L’économie du Gabon comme nous l’avons vue dans <strong>la</strong> Première Partie est fortement<br />
dépendante <strong>de</strong> l’extraction <strong>de</strong>s ressources naturelles pour les marchés d’exportations. Les<br />
principaux secteurs sont le pétrole, le bois et le manganèse, le pétrole étant le secteur<br />
prédominant. Cette dépendance rend l’économie du Gabon vulnérable aux facteurs extérieurs<br />
tels que les fluctuations du prix du pétrole sur le marché mondial ou <strong>la</strong> crise économique<br />
asiatique du bois. Ces <strong>de</strong>ux événements ont plongé le pays dans une crise financière <strong>de</strong>puis<br />
1998 et entraîné un accroissement du taux <strong>de</strong> chômage, surtout parmi les jeunes, ce qui a eu<br />
pour conséquence une augmentation <strong>de</strong> <strong>la</strong> précarité poussant les Gabonais à se ruer <strong>de</strong> plus en<br />
plus sur les ressources naturelles disponibles pour leur subsistance. La faune sauvage, comme<br />
nous l’avons vu dans les chapitres précé<strong>de</strong>nts n’est pas en reste dans cette pression sur les<br />
ressources et certaines espèces animales paieraient <strong>de</strong> lourds tributs à l'activité cynégétique.<br />
La précarité <strong>de</strong>s Gabonais n’est évi<strong>de</strong>ment pas perçue comme telle par tous puisque ce<br />
pays, avec une <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions les plus faibles <strong>de</strong>s pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région et avec un <strong>de</strong>s<br />
revenus par habitant les plus élevés d’Afrique, est c<strong>la</strong>ssé par les instances inter<strong>national</strong>es<br />
comme étant un pays à revenus intermédiaires c'est-à-dire, situé entre les pays pauvres et les<br />
pays riches. Ce qui signifie en d’autres termes, que les rentes pétrolières et autres revenus tirés<br />
<strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong>s ressources naturelles ne se traduisent pas par un niveau <strong>de</strong> vie élevé <strong>de</strong>s<br />
Gabonais dont <strong>la</strong> majorité vivent avec moins <strong>de</strong> 50.000 FCFA (75 euros) par mois mais au<br />
contraire, profitent à une minorité <strong>de</strong> privilégiés du pays et à <strong>de</strong>s investisseurs étrangers.<br />
Le pétrole n’est pas <strong>la</strong> seule ressource dont le Gabon est spolié et qui ne profite qu’à<br />
une minorité <strong>de</strong>s Gabonais puisque actuellement, une politique d’"après pétrole" basée sur<br />
l’exploitation <strong>de</strong>s ressources forestières et minières est mise en p<strong>la</strong>ce. En effet, toutes les<br />
ressources du pays (Forêt, Manganèse, Uranium, Fer…) jusque là mises en réserve, sont<br />
<strong>de</strong>puis peu soumises à une exploitation totale, montrant ainsi peu <strong>de</strong> perspectives d’avenir à<br />
long terme pour l’économie du pays, surtout quant on voit comment <strong>la</strong> manne pétrolière a été<br />
et <strong>de</strong>meure gérée jusqu’à maintenant. Ainsi, <strong>la</strong> mauvaise gestion financière <strong>de</strong> l’économie du<br />
Gabon associée aux faiblesses <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique forestière ainsi que les impacts sociaux et<br />
environnementaux négatifs <strong>de</strong>s activités d’exploitation forestière sont à <strong>la</strong> base <strong>de</strong>s difficultés<br />
que connaissent les popu<strong>la</strong>tions rurales qui doivent en plus subir les restrictions d’une<br />
317
politique <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité. Nous discutons dans le présent Chapitre<br />
uniquement <strong>de</strong>s questions liées à l’exploitation <strong>de</strong>s ressources forestières et <strong>de</strong> protection <strong>de</strong><br />
l’environnement, dans l’objectif <strong>de</strong> rep<strong>la</strong>cer certaines réalités dans leurs contextes et <strong>de</strong><br />
montrer qu’il ne faut pas se tromper <strong>de</strong> cible dans <strong>la</strong> quête <strong>de</strong>s responsables <strong>de</strong> <strong>la</strong> dégradation<br />
<strong>de</strong>s milieux et <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource du pays. La question qui nous intéresse particulièrement est<br />
l’avenir <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions rurales dans les choix stratégiques du pays pour diversifier son<br />
économie trop dépendante du pétrole.<br />
Section I - L’exploitation forestière au Gabon ; une activité <strong>de</strong>structrice et<br />
précaire<br />
I.1. Le secteur forestier gabonais, un patrimoine surévalué et pourtant peu connu.<br />
Le secteur forestier gabonais est <strong>de</strong> nos jours présenté comme étant l’avenir<br />
économique du pays pouvant se substituer à l’amenuisement <strong>de</strong>s ressources pétrolières. Il est<br />
actuellement <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième source <strong>de</strong> <strong>de</strong>vises étrangères après le pétrole et représentait 15% <strong>de</strong>s<br />
exportations en 1995 (DGE, 2004). Comme ses voisins du bassin du Congo, le gouvernement<br />
gabonais et les bailleurs <strong>de</strong> fonds internationaux considèrent l’exploitation du bois comme<br />
essentielle au développement macro-économique du pays. Cette vision politique a conduit à<br />
une augmentation rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’exploitation forestière. Le gouvernement a récemment <strong>la</strong>ncé<br />
plusieurs actions politiques al<strong>la</strong>nt dans le sens du développement économique <strong>de</strong> ce secteur<br />
d’activité. L’une <strong>de</strong>s actions les plus marquantes est <strong>la</strong> révision <strong>de</strong> sa légis<strong>la</strong>tion en matière<br />
<strong>de</strong>s Eaux et Forêts. Ainsi, l’État gabonais assigne <strong>de</strong>ux objectifs principaux à sa politique<br />
forestière : l’industrialisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière (avec un accent marqué sur <strong>la</strong> transformation locale<br />
<strong>de</strong>s grumes) et <strong>la</strong> gestion durable <strong>de</strong>s massifs forestiers. Cependant, malgré cette volonté<br />
nettement affichée par les pouvoirs publics, le secteur bois gabonais connaît d’énormes<br />
difficultés et affiches d’énormes pertes financières. En effet, <strong>de</strong>puis 1994, <strong>la</strong> SNBG 82 est au<br />
bord <strong>de</strong> <strong>la</strong> faillite et a du mal à jouer son rôle <strong>de</strong> régu<strong>la</strong>teur et <strong>de</strong> p<strong>la</strong>que tournante du secteur<br />
bois au Gabon. Selon l’analyse <strong>de</strong> Carret, (Carret, 1995), le dysfonctionnement <strong>de</strong>s<br />
instruments <strong>de</strong> contrôle étatique serait à l’origine <strong>de</strong> cette situation. En effet, selon cet auteur,<br />
l’arrivée vers les années 1990 <strong>de</strong> nombreuses petites entreprises dans ce secteur d'activité et<br />
82 En rappel, <strong>la</strong> Société Nationale <strong>de</strong>s Bois du Gabon a le monopole mixte <strong>de</strong> commercialisation <strong>de</strong> l’Okoumé<br />
(Aucoumea k<strong>la</strong>ineana, Burseraceae) et <strong>de</strong> l’Ozigo (Dacryo<strong>de</strong>s buettneri, Burseraceae) en grumes.<br />
318
qui plus est, travail<strong>la</strong>nt pour <strong>la</strong> plupart en fermage 83 dans <strong>la</strong> zone côtière 84 , a créé une<br />
bipo<strong>la</strong>risation du secteur rendant ainsi les gran<strong>de</strong>s entreprises (+ <strong>de</strong> 10000 m 3 <strong>de</strong> bois par<br />
mois) peu compétitives 85 . L’invasion du secteur par ces petites entreprises n’a pu se réaliser<br />
qu’avec le concours <strong>de</strong> l’administration en charge du secteur, qui est responsable entre autres<br />
<strong>de</strong> l’attribution <strong>de</strong>s permis forestiers (cas ici <strong>de</strong>s PTE et <strong>de</strong>s coupes familiales généralement<br />
exploités en fermage) et <strong>de</strong>s quotas d’exportation (avec l’existence d’une mention spécifique<br />
pour les nationaux). Le bois issu <strong>de</strong> ce type d’exploitation, échappe volontairement à tout<br />
contrôle fiscal <strong>de</strong> <strong>la</strong> SNBG. Ainsi, le système <strong>de</strong> fermage sur <strong>de</strong>s concessions attribuées à <strong>de</strong>s<br />
Gabonais dans <strong>la</strong> première zone serait à l’origine pour le moment <strong>de</strong>s graves difficultés<br />
financières <strong>de</strong> <strong>la</strong> SNBG et pourrait dans le moyen terme être responsable d’une profon<strong>de</strong><br />
mutation <strong>de</strong> <strong>la</strong> structure <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière bois et d’une déforestation sévère <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone côtière<br />
(Carret, 1995).<br />
En plus <strong>de</strong>s difficultés rencontrées par le secteur forestier gabonais liées au<br />
dysfonctionnement <strong>de</strong>s instruments <strong>de</strong> contrôle étatique, les forêts gabonaises souffrent du<br />
peu <strong>de</strong> connaissances scientifiques sur l’ensemble <strong>de</strong> sa biodiversité, sa dynamique et sur son<br />
potentiel économique alors qu’elle est déjà fortement exploitée. En effet, peu <strong>de</strong> données<br />
existent sur le potentiel économique à terme <strong>de</strong> ce secteur et <strong>la</strong> capacité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource<br />
exploitée à se régénérer. S’il existe par exemple <strong>de</strong>s données scientifiques sur l’Okoumé 86 ,<br />
l’essence <strong>la</strong> plus exploitée au Gabon, on déplore un manque <strong>de</strong> connaissances <strong>de</strong> base sur<br />
plusieurs autres essences pourtant intensément exploitées sous le nom <strong>de</strong> bois divers. Ce qui<br />
est va<strong>la</strong>ble pour le bois, l’est également pour <strong>la</strong> faune sauvage qui est une ressource jusqu’à<br />
présent très marginalisée.<br />
Bien que les forêts du Gabon soient souvent décrites comme re<strong>la</strong>tivement intactes et<br />
offrant un potentiel important pour <strong>la</strong> production durable <strong>de</strong> bois, il est c<strong>la</strong>ir que <strong>la</strong> foresterie<br />
industrielle, prônée par <strong>la</strong> politique forestière actuelle, menace leur intégrité et <strong>la</strong> diversité<br />
biologique du pays. Les niveaux <strong>de</strong> production sont déjà bien supérieurs aux estimations <strong>de</strong><br />
production durable. En effet, d’après le Ministère <strong>de</strong>s Eaux et Forêts gabonais, <strong>la</strong> production<br />
83 Le fermage consiste à attribuer une concession forestière (un permis temporaire d’exploitation PTE ou coupe<br />
familiale) à un individu (un particulier) qui n’est pas une entreprise. Généralement, l’individu qui n’a pas les<br />
moyens d’exploiter sa concession, <strong>la</strong> propose à une entreprise d’exploitation forestière moyennant le versement<br />
d’un pourcentage. Le PTE tout comme <strong>la</strong> coupe familiale sont <strong>de</strong>s permis réservés aux nationaux<br />
84 Le secteur forestier gabonais à Okoumé est divisé en trois zones. La zone I ou zone côtière, <strong>la</strong> zone II qui<br />
comprend le bassin <strong>de</strong> <strong>la</strong> N’Gounié, <strong>la</strong> Nyanga et une partie du Haut-Ogooué, et <strong>la</strong> zone III qui est <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
Boué, Lastourville et Franceville.<br />
85 Les gran<strong>de</strong>s entreprises exploitent actuellement ce que l’on désigne par <strong>la</strong> ZAC ou Zone d’Attraction du<br />
Chemin <strong>de</strong> fer, qui est une ban<strong>de</strong> à cheval sur les zones II et III. Elles ont <strong>de</strong> ce fait quitté <strong>la</strong> zone I actuellement<br />
occupée par les petits exploitants.<br />
86 Voir par exemple les travaux <strong>de</strong> Nicole Muloko (Muloko, 2001)<br />
319
annuelle durable <strong>de</strong> bois est <strong>de</strong> 2 millions <strong>de</strong> m 3 . Cependant, en 2003, le Gabon a produit<br />
3.193.051 m 3 contre 3.230.000 m 3 en 2002. En 1996, les exportations s’élevaient en tout à 2,3<br />
millions <strong>de</strong> m 3 et à 2,7 millions en 1997. En 2002 et 2003, elles étaient retombées<br />
respectivement à 1.926.943 m 3 et 1.717.346 m 3 (DGE, 2004). Il est probable cependant que<br />
cette tendance évoluera <strong>de</strong> nouveau à <strong>la</strong> hausse étant donné les impératifs nationaux et<br />
internationaux <strong>de</strong> diversification <strong>de</strong> l’économie pour échapper à <strong>la</strong> dépendance du pays vis-à-<br />
vis du pétrole.<br />
Malgré les fréquentes déc<strong>la</strong>rations <strong>de</strong> <strong>la</strong> durabilité potentielle du secteur forestier au<br />
Gabon, cet écosystème reste pourtant re<strong>la</strong>tivement mal connu. L’intérêt pour <strong>la</strong> forêt s’est<br />
toujours concentré sur les essences et les espèces animales d’intérêt commercial mettant ainsi<br />
en péril une gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité biologique encore peu connue. L’inventaire et <strong>la</strong><br />
connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource biologique forestière <strong>de</strong>vraient apparaître comme un préa<strong>la</strong>ble à<br />
toute perturbation du milieu. Par ailleurs, peu d’évaluations systématiques <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong><br />
l’exploitation forestière sur les forêts gabonaises ont été réalisées. L’exploitation forestière au<br />
Gabon est sélective (quelques arbres seulement sont abattus) mais n’est pas durable. Elle<br />
cause en moyenne une perte <strong>de</strong> 10% <strong>de</strong> <strong>la</strong> canopée et jusqu’à 50% <strong>de</strong> <strong>la</strong> canopée peut être<br />
endommagée car plusieurs arbres sont d’habitu<strong>de</strong> abîmés ou détruits lors <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification et<br />
<strong>de</strong> l’abattage <strong>de</strong>s arbres exploités (Forest Monitor, 2001). De plus, ce secteur d’activité est<br />
caractérisé par le gaspil<strong>la</strong>ge. En effet, les forestiers abattent souvent <strong>de</strong>s arbres qui ne sont pas<br />
commercialisées 87 , <strong>de</strong>s grumes sont brûlées et abandonnées le long <strong>de</strong>s pistes forestières, dans<br />
les dépôts temporaires et dans les camps.<br />
I.2. La paupérisation <strong>de</strong>s sociétés traditionnelles par l’exploitation forestière<br />
La contribution <strong>de</strong>s revenus du secteur forestier au bien-être <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion du pays<br />
dans son ensemble et <strong>de</strong>s gens vivant à <strong>la</strong> périphérie <strong>de</strong>s activités d’exploitation forestière est<br />
discutable. En effet ce secteur, même s’il est considéré comme le <strong>de</strong>uxième employeur après<br />
<strong>la</strong> fonction publique (PFE, 1994), n’offre aux Gabonais que <strong>de</strong>s emplois précaires et <strong>de</strong>s<br />
sa<strong>la</strong>ires dérisoires, comparés à ceux d’autres secteurs d’activités (secteurs <strong>de</strong>s mines ou du<br />
bâtiment par exemple) dans les mêmes conditions. La tendance va même dans l’ensemble<br />
vers une paupérisation culturelle et socioéconomique <strong>de</strong>s localités concernées pendant et<br />
après le départ <strong>de</strong> l’entreprise. En effet, lorsqu’une entreprise forestière arrive et s’installe au<br />
87 Ces espèces sont souvent utilisées localement à <strong>de</strong>s fins diverses (fruit, aman<strong>de</strong>s, écorces, <strong>la</strong>tex…)<br />
320
voisinage d’une localité, elle fait miroiter à travers une activité précaire une vie mo<strong>de</strong>rne<br />
meilleure aux popu<strong>la</strong>tions locales qui se traduit dans <strong>la</strong> réalité par un cortège <strong>de</strong> maux 88 ,. Ces<br />
<strong>de</strong>rnières n’ayant pas <strong>de</strong> droits fonciers reconnus par l’État, les sociétés n’ont donc aucune<br />
obligation envers elles. Le développement économique et social d’une localité à travers<br />
l’instal<strong>la</strong>tion d’une entreprise forestière n’est pas une condition sine qua non et ne figure nulle<br />
part dans le cahier <strong>de</strong>s charges <strong>de</strong> celle-ci. En raison <strong>de</strong>s conflits potentiels avec les<br />
popu<strong>la</strong>tions vil<strong>la</strong>geoises qui découlent généralement <strong>de</strong> l’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> l'entreprise forestière<br />
dans une localité, les sociétés ont tendance à installer leur chantier aussi loin que possible <strong>de</strong>s<br />
vil<strong>la</strong>ges pour les éviter au maximum. Mais, malgré les distances, les vil<strong>la</strong>ges et les sociétés ne<br />
peuvent s’ignorer complètement. Elles attirent forcément les vil<strong>la</strong>geois en quête d’activités<br />
rémunératrices.<br />
Face à cette situation, les gran<strong>de</strong>s sociétés forestières comme Leroy Gabon et Rougier,<br />
qui ont souvent <strong>de</strong>s permis d’exploitation sur plusieurs années (en moyenne 20 ans) ten<strong>de</strong>nt,<br />
malgré elles, à se substituer à l’État en construisant <strong>de</strong>s écoles, <strong>de</strong>s dispensaires et autres<br />
structures sociales pour les employés <strong>de</strong> leurs sociétés, ce qui profite aux vil<strong>la</strong>geois <strong>de</strong>s<br />
alentours du chantier. Pourtant, ces infrastructures restent sommaires et <strong>de</strong> qualité variable.<br />
De plus, ces communautés forestières artificielles disparaissent avec le départ <strong>de</strong> l’entreprise<br />
tout comme le chantier forestier lui-même <strong>de</strong>venu presque un vil<strong>la</strong>ge au fil du temps. Les<br />
mutations culturelles et sociales engendrées (migration, réorganisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie sociale et<br />
culturelle liée aux activités <strong>de</strong> l’entreprise, attachement aux valeurs monétaires) ont<br />
généralement <strong>de</strong>s répercutions irréversibles sur les popu<strong>la</strong>tions locales qui aspirent à une vie<br />
matériellement meilleure et migrent alors vers <strong>de</strong>s centres urbains après le départ <strong>de</strong><br />
l’entreprise forestière. Dans d’autres cas, ils se ruent sur les ressources naturelles dont ils font<br />
commerce pour l’obtention <strong>de</strong> revenus immédiats permettant <strong>de</strong> préserver un standing social<br />
acquis.<br />
Les conditions sociales <strong>de</strong>s employés <strong>de</strong> beaucoup <strong>de</strong> sociétés d’exploitation forestière<br />
sont loin d’être parfaites. Les "camps <strong>de</strong> base" comme ils les appellent, sont souvent situés en<br />
pleine forêt, loin <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges. La nourriture, lorsqu’il y a approvisionnement du chantier, est<br />
en général vendue à <strong>de</strong>s prix très élevés dans <strong>de</strong>s sortes d’économats, ce qui encourage les<br />
employés à se tourner vers <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse et le poisson d’eau douce <strong>de</strong> qualité et <strong>de</strong> goût<br />
meilleurs et très bon marché. Le niveau <strong>de</strong> logement <strong>de</strong>s employés (Photo 43) est variable et,<br />
dans certains camps, l’aération est insuffisante et les conditions d’hygiènes (fosses septiques<br />
88 Parmi ces maux, on distingue <strong>la</strong> monétarisation <strong>de</strong>s biens et services, l’émergence <strong>de</strong> nouveaux besoins dits<br />
mo<strong>de</strong>rnes, <strong>la</strong> corruption, le braconnage, l’individualisme, <strong>la</strong> jalousie…<br />
321
dérisoires, absence d’eau potable…) sont déplorables. Les employés vivent généralement au<br />
chantier avec femmes et enfants et peuvent héberger plusieurs membres <strong>de</strong> leur famille. Dans<br />
le cas où il n’existe aucune structure éducative pour les enfants, ces <strong>de</strong>rniers sont livrés à eux-<br />
mêmes, les parents ayant peu <strong>de</strong> temps à leur consacrer dans <strong>la</strong> journée. Dans certaines zones<br />
d’exploitation, seuls les cadres les plus haut p<strong>la</strong>cés ont accès à l’eau courante. La majorité <strong>de</strong>s<br />
employés sont dépendants <strong>de</strong>s rivières qui sont éloignées et dont l’eau n’est pas toujours<br />
potable en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong> pollution causée par les activités d’exploitation forestière.<br />
Les activités <strong>de</strong>s sociétés forestières ont plusieurs impacts sur <strong>la</strong> santé. Les grumiers<br />
transportent souvent plus <strong>de</strong> 50 tonnes <strong>de</strong> bois, alors que ce volume n’est pas réglementaire.<br />
Les acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> <strong>la</strong> route sont fréquents (Photo 44). La poussière générée par les activités<br />
d’exploitation forestière salit <strong>la</strong> lessive <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois près <strong>de</strong>s concessions ce qui augmente<br />
considérablement les travaux <strong>de</strong>s femmes et provoque <strong>de</strong>s toux chez les enfants. Les services<br />
fournis par les centres <strong>de</strong> santé sont variables. En raison <strong>de</strong> l’isolement <strong>de</strong>s camps forestiers,<br />
les employés ne peuvent pas se rendre facilement dans les vil<strong>la</strong>ges ou dans les villes pour<br />
obtenir <strong>de</strong>s services médicaux ce qui accentue les déficiences <strong>de</strong>s centres médicaux.<br />
I.3. L’opacité du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s forestiers<br />
Il existe un manque d’informations sur les sociétés d’exploitation forestière opérant au<br />
Gabon en particulier : «Qui opère ?» et «Où ?», ce qui entrave les tentatives d’évaluation <strong>de</strong><br />
leurs performances. Il est pratiquement impossible d’évaluer si ces sociétés contribuent au<br />
développement du pays ou si elles prélèvent seulement les ressources naturelles du pays sans<br />
rien <strong>la</strong>isser <strong>de</strong> positif et <strong>de</strong> durable <strong>de</strong>rrière elles. Le constat sur le terrain est favorable à <strong>la</strong><br />
c<strong>la</strong>sse politique ou à une minorité enrichies <strong>de</strong> commissions et <strong>de</strong> pots <strong>de</strong> vins par <strong>la</strong><br />
contreban<strong>de</strong> <strong>de</strong>s gros volumes <strong>de</strong> bois vendus. Les données officielles disponibles au<br />
Ministère <strong>de</strong>s Eaux et Forêts (inventaires forestiers, cartographie <strong>de</strong> <strong>la</strong> végétation, <strong>de</strong>s permis,<br />
etc.) sont généralement vieilles <strong>de</strong> plus d’une dizaine d’années et ce <strong>de</strong>rnier ne semble pas<br />
motivé à chercher ou à mettre à <strong>la</strong> disposition <strong>de</strong>s acteurs compétents les informations les plus<br />
récentes. On sait toutefois que les capitaux étrangers dominent le secteur forestier au Gabon.<br />
Les sociétés d’exploitation forestière asiatiques, face à <strong>la</strong> crise dans leur région, ont<br />
maintenant étendu leur présence au Gabon. L’entreprise Bordamur est détenue par <strong>la</strong> société<br />
ma<strong>la</strong>ise, Rimbunan Hijau et a été décrite comme le plus grand concessionnaire du pays avec<br />
plus d’un million d’hectares situés principalement dans le nord-ouest du pays. FOBO est une<br />
autre entreprise ma<strong>la</strong>ise importante. Mais les entreprises contrôlées par <strong>de</strong>s capitaux<br />
322
européens restent encore <strong>de</strong>s concessionnaires importants comme par exemple Rougier<br />
(700.000 hectares), CEB-Thanry (505.000 hectares), Leroy-Sonae (654.000 hectares), SHM-<br />
Interwood (estimé à 300.000 hectares) et Basso Timber Industries (450.000 hectares) (Forest<br />
monitor, 2001).<br />
Photo 43 : Base vie <strong>de</strong>s ouvriers <strong>de</strong> <strong>la</strong> SHM<br />
Photo 44 : Grumier acci<strong>de</strong>nté<br />
J. Okouyi<br />
J. Okouyi<br />
323
Jusqu’au milieu <strong>de</strong>s années 1990, l’Europe et les pays du bassin méditerranéen<br />
(principalement <strong>la</strong> Turquie et le Maroc) étaient les principaux importateurs <strong>de</strong> bois gabonais,<br />
<strong>la</strong> France étant le plus gros importateur. Toutefois, <strong>de</strong>puis 1993, l’Asie est <strong>de</strong>venue<br />
progressivement <strong>la</strong> première <strong>de</strong>stination du bois gabonais et <strong>la</strong> Chine a remp<strong>la</strong>cé <strong>la</strong> France en<br />
tant que premier importateur. En 1992, 62% <strong>de</strong>s exportations <strong>de</strong> grumes gabonaises partaient<br />
vers l’Europe et 12% vers l’Asie. En 1995, plus <strong>de</strong> 40% <strong>de</strong>s exportations totales étaient<br />
<strong>de</strong>stinées à l’Asie et principalement à <strong>la</strong> Chine, à l’Indonésie et à <strong>la</strong> Corée du Sud. L’année<br />
d’après, 51% du bois gabonais était <strong>de</strong>stiné à l’Asie, tandis que 38% <strong>de</strong>s exportations étaient<br />
<strong>de</strong>stinées à l’Europe et aux pays du bassin méditerranéen. En 1998, l’Europe a repris <strong>de</strong> peu<br />
sa position d’importateur principal <strong>de</strong> bois gabonais, en gran<strong>de</strong> partie à cause <strong>de</strong> <strong>la</strong> crise<br />
asiatique. En 1999, l’Asie est à nouveau <strong>de</strong>venue le plus grand marché d’exportation, <strong>la</strong> Chine<br />
représentant un total <strong>de</strong> 906.000 m 3 <strong>de</strong> grumes dont 835.000 m 3 d’Okoumé et d’Ozigo. La<br />
France était <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième <strong>de</strong>stination <strong>de</strong> bois gabonais avec 521.000 m 3 <strong>de</strong> grumes exportées,<br />
dont 373.000 m 3 d’Okoumé et d’Ozigo.<br />
L’exploitation forestière par l’ouverture <strong>de</strong>s pistes <strong>de</strong> débardage, est reconnue comme<br />
étant le principal responsable <strong>de</strong> <strong>la</strong> pénétration <strong>de</strong>s chasseurs vers <strong>de</strong>s forêts éloignées riches<br />
en faune (Forest monitor, 2001). Il s’en suit une prédation importante sur cette ressource alors<br />
peu méfiante. La chasse pratiquée dans ces conditions l’est généralement à <strong>de</strong>s fins<br />
commerciales. Certaines sociétés forestières frian<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibiers sauvages,<br />
notamment celles où les responsables sont <strong>de</strong>s asiatiques, encouragent vivement <strong>la</strong> chasse<br />
dans leurs concessions. Cependant, même si certains auteurs (White, 1998…) ten<strong>de</strong>nt à<br />
minimiser les effets directs (perturbation liée au bruit, <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s niches écologiques,<br />
etc.) <strong>de</strong> l’exploitation forestière sur <strong>la</strong> faune, il n’en <strong>de</strong>meure pas moins que cette activité est à<br />
<strong>la</strong> base <strong>de</strong> <strong>la</strong> dégradation du couvert forestier ce qui entraîne <strong>la</strong> fragmentation <strong>de</strong>s milieux,<br />
l’érosion du sol (surtout sur les pentes) et <strong>la</strong> pollution (organique et/ou chimique). En effet, les<br />
produits chimiques utilisés pour traiter le bois contre les insectes xylophages, polluent les<br />
cours d’eaux tandis que <strong>la</strong> <strong>de</strong>struction par le feu <strong>de</strong>s grumes inutilisées accroît <strong>la</strong> quantité <strong>de</strong><br />
particules et <strong>de</strong> poussière dans l’air.<br />
Les multiples partenaires du Gabon dans le secteur économique forestier, avec l’appui<br />
<strong>de</strong> certaines autorités du pays, sont tous impliqués <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin non seulement dans <strong>la</strong><br />
dégradation <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité biologique du pays, mais également dans <strong>la</strong> dégradation du tissu<br />
économique rural et dans celle <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s Gabonais. En plus <strong>de</strong> ce<strong>la</strong>, les<br />
popu<strong>la</strong>tions locales se voient empêchées d'accé<strong>de</strong>r aux ressources naturelles vitales pour leur<br />
subsistance en l’occurrence <strong>la</strong> faune sauvage, sous prétexte qu’elles seraient les principales<br />
324
esponsables <strong>de</strong> sa raréfaction. Par ailleurs, faute <strong>de</strong> reconnaître son incapacité à mettre en<br />
p<strong>la</strong>ce une gestion cohérente <strong>de</strong> l’environnement favorable à sa popu<strong>la</strong>tion, les autorités<br />
gabonaises se sont <strong>la</strong>ncées récemment et en le criant à tue-tête, dans une politique hasar<strong>de</strong>use<br />
<strong>de</strong> valorisation <strong>de</strong> sa diversité biologique par <strong>la</strong> promotion <strong>de</strong> l’écotourisme. Le<br />
développement <strong>de</strong> cette activité au Gabon est <strong>de</strong>venue le cheval <strong>de</strong> bataille d’une politique<br />
<strong>national</strong>e et inter<strong>national</strong>e essoufflée par les <strong>de</strong>ttes et qui constitue <strong>de</strong> nos jours, une occasion<br />
comme tant d’autres <strong>de</strong> drainer <strong>de</strong>s capitaux étrangers vers le pays afin d’enrichir encore et<br />
encore une élite déjà très discréditée.<br />
Section II - L’écotourisme au Gabon, <strong>la</strong> nouvelle « religion » colonisatrice<br />
ou le moyen <strong>de</strong> détourner l’ai<strong>de</strong> publique inter<strong>national</strong>e<br />
« Treize parcs nationaux ! Récemment converti à l’écologie, le prési<strong>de</strong>nt gabonais transforme<br />
son pays, et joue <strong>la</strong> carte du tourisme pour financer ses projets ».<br />
Il s’agit là du titre d’un <strong>de</strong>s articles parus dans le journal Le Point n°1689 du 27<br />
janvier 2005, qui résume en quelque sorte <strong>la</strong> nouvelle problématique politique du Gabon.<br />
« Omar Bongo, le Prési<strong>de</strong>nt du Gabon, cherche une fois <strong>de</strong> plus, le moyen d’attirer les<br />
capitaux étrangers pour financer ses projets ». Ainsi, après le pétrole, le bois, le manganèse,<br />
l’uranium, le fer, l’or…, <strong>la</strong> faune sauvage et les paysages <strong>de</strong>viennent les arguments que le<br />
Prési<strong>de</strong>nt a trouvé pour détourner une fois <strong>de</strong> plus l’ai<strong>de</strong> publique inter<strong>national</strong>e. Les Parcs<br />
Nationaux du Gabon ne représentent en rien une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> réelle du peuple gabonais qui n’y<br />
trouve jusque là que peu d’intérêts pour ce projet ambitieux et contraignant par rapport à leurs<br />
réalités quotidiennes mais constituent plutôt les ambitions répétées d’un seul homme<br />
s’appuyant sur les tendances protectionnistes <strong>de</strong> groupes <strong>de</strong> pression issus du Nord. Par<br />
rapport aux contraintes liées aux parcs nationaux, on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r aujourd’hui si cette<br />
option est <strong>la</strong> meilleure solution pour protéger les forêts gabonaises et s’il n’existe pas d’autres<br />
options <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité et <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s ressources moins<br />
contraignantes. Par ailleurs, si les objectifs du prési<strong>de</strong>nt du Gabon sont c<strong>la</strong>irement affichés,<br />
qu’en est il <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong>s pays ou <strong>de</strong>s institutions inter<strong>national</strong>es qui ai<strong>de</strong>nt le Gabon à financer<br />
ce projet ? Plusieurs journaux (National Geographic, Le Point…) ont écrit <strong>de</strong>s articles sur<br />
l’origine <strong>de</strong> <strong>la</strong> création <strong>de</strong>s Parcs Nationaux gabonais qu’il est intéressant <strong>de</strong> re<strong>la</strong>ter ici :<br />
325
« La scène est surréaliste. Elle se déroule en mai 2002 dans <strong>la</strong> suite d’un pa<strong>la</strong>ce new-yorkais.<br />
Le prési<strong>de</strong>nt du Gabon, Omar Bongo, accueille chaleureusement un écolo-aventurier<br />
américain <strong>de</strong> retour d’une expédition pé<strong>de</strong>stre <strong>de</strong> 3200 km en forêt équatoriale africaine.<br />
Mike Fay raconte à son hôte comment durant 456 jours, guidé par <strong>de</strong>s Pygmées et<br />
accompagné d’un photographe du magazine National Geographic, il a effectué <strong>de</strong>s<br />
rencontres fabuleuses <strong>de</strong> Gorilles, Eléphants, <strong>de</strong> Chimpanzés, <strong>de</strong> Guépards…Il révèle au<br />
prési<strong>de</strong>nt que son pays, malgré l’exploitation forestière et <strong>la</strong> chasse pour <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse, recèle encore <strong>de</strong>s sanctuaires sauvages méritant une protection immédiate. Le<br />
prési<strong>de</strong>nt Bongo est fasciné par le récit et les photos <strong>de</strong> cet Indiana Jones vert. À 67 ans, il<br />
découvre enfin <strong>la</strong> véritable nature <strong>de</strong> son pays. La vision <strong>de</strong> <strong>la</strong> Sainte Vierge vo<strong>la</strong>nt dans le<br />
ciel new-yorkais ne l’aurait pas d’avantage étonné. Au point qu’il se tourne vers son ministre<br />
<strong>de</strong>s Affaires étrangères pour lui <strong>la</strong>ncer : Mais pourquoi n’ai-je pas été informé <strong>de</strong>s richesses<br />
<strong>de</strong> mon pays ? Véridique …. Après l’or noir, l’or vert …. De retour à Libreville, le prési<strong>de</strong>nt<br />
gabonais charge le représentant du WCS au Gabon <strong>de</strong> délimiter les futurs parcs…. Fin août,<br />
le WCS présente treize sites exceptionnels au prési<strong>de</strong>nt, qui s’empresse <strong>de</strong> les faire c<strong>la</strong>sser<br />
comme parcs nationaux. Il en fait glorieusement l’annonce lors du Sommet mondial du<br />
développement durable à Johannesburg, en 2002 » Le Point n°1689 du 27 janvier 2005.<br />
Cette histoire ironique connue et racontée par tous présente, d’une part l’originalité <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> décision du prési<strong>de</strong>nt du Gabon <strong>de</strong> prendre les choses en main pour protéger les forêts<br />
gabonaises et <strong>de</strong> penser aux générations futures (nous rappelons qu’il n’en a pas fait autant<br />
pour le pétrole et pour les autres ressources minières du pays) mais d’autre part, elle montre<br />
l’irrationalité <strong>de</strong> cette décision et <strong>la</strong> manière cavalière dont elle a été prise. En effet, l’analyse<br />
à froid <strong>de</strong> <strong>la</strong> décision du prési<strong>de</strong>nt du Gabon <strong>de</strong> <strong>la</strong>ncer son pays dans cette aventure fait<br />
prendre conscience <strong>de</strong>s réalités qui seront difficiles à surmonter entre autres le <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions rurales déjà acculées par les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité et autres<br />
exploiteurs du pays et <strong>la</strong>issées pour compte par l’administration gabonaise. Le plus éloquent<br />
dans cette histoire, est <strong>la</strong> réaction <strong>de</strong>s pays occi<strong>de</strong>ntaux qui selon ce journal, « se bousculent<br />
pour offrir <strong>la</strong> perfusion financière nécessaire durant les premières années ». Le Gabon<br />
apparemment n’aurait pas les moyens <strong>de</strong> sa politique <strong>de</strong> conservation et <strong>de</strong>s parcs nationaux<br />
et solliciterait une fois <strong>de</strong> plus une ai<strong>de</strong> extérieur sans fin. En effet, comme le précise le même<br />
article dans le journal Le Point, <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce et l’inventaire <strong>de</strong>s richesses <strong>de</strong>s parcs coûtera<br />
15 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs par an, une fortune pour le gouvernement gabonais, qui n’est décidé à<br />
en apporter que 2 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs. « Après tout, nous offrons déjà 10% <strong>de</strong> notre pays au<br />
326
mon<strong>de</strong>, ce<strong>la</strong> suffit » aurait dit le Prési<strong>de</strong>nt gabonais, ce qui confirmerait une fois <strong>de</strong> plus<br />
l’irrationalité <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce du projet.<br />
II.1. Le fleuve <strong>de</strong>s <strong>de</strong>vises se perd dans <strong>de</strong> nombreuses poches avant d’arroser trop<br />
mo<strong>de</strong>stement <strong>la</strong> nature<br />
Après <strong>la</strong> création <strong>de</strong>s Parcs Nationaux du Gabon l’Union européenne, qui avait déjà<br />
investi 62 millions d’euros pour protéger les forêts <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région dans le cadre du<br />
programme ECOFAC, a dû voté 32 millions d’euros supplémentaires dont 10% pour le<br />
Gabon. L’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> France (AFD et FFEM) se monte à plus <strong>de</strong> 40 millions d’euros (environ<br />
26 milliards <strong>de</strong> FCFA soit 1,8% du budget <strong>de</strong> l’État en 2003 89 ) et celui <strong>de</strong>s États-Unis s’élève<br />
à 53 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs (environ 35 milliards <strong>de</strong> FCFA soit 2,5% du budget du pays en 2003)<br />
pour les forêts du bassin Congo<strong>la</strong>is dont 5 <strong>de</strong>s 11 zones écologiques i<strong>de</strong>ntifiées se trouvent au<br />
Gabon. Les ONG américaines avec en tête <strong>de</strong> file <strong>la</strong> WCS et WWF ont promis <strong>de</strong> doubler<br />
l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> leur gouvernement. Ces chiffres sont divulgués officiellement mais il y a peu <strong>de</strong><br />
transparence dans leur gestion et surtout leur <strong>de</strong>stination. Sur le terrain, les forêts sont<br />
toujours pillées par les entreprises forestières et les popu<strong>la</strong>tions sont toujours aussi<br />
précarisées. Reste néanmoins une certitu<strong>de</strong>, à savoir que cet argent ne transite pas par les<br />
caisses <strong>de</strong> l’État gabonais, reconnu pour sa mauvaise gestion financière. En effet, que ce soit<br />
l’argent <strong>de</strong> l’Europe, <strong>de</strong> <strong>la</strong> France et <strong>de</strong>s États-Unis, il transite par <strong>de</strong>s structures représentant<br />
sur p<strong>la</strong>ce ces pays (AFD et FFEM pour <strong>la</strong> France ; Délégation UE pour l’Europe ; GTZ pour<br />
l’Allemagne; WCS et WWF pour les USA…) et qui sont donc autonomes : Il s’agit en<br />
quelque sorte d’États dans un État, rattachés souvent aux ambassa<strong>de</strong>s <strong>de</strong> ces pays.<br />
L’incohérence <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> ces différentes structures à fait récemment naître un maître mot :<br />
<strong>la</strong> synergie <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds ce qui signifierait en d’autres termes faire une sorte <strong>de</strong> trêve<br />
dans cette nouvelle conquête <strong>de</strong> l’Afrique, surtout pour <strong>de</strong>s pays dont les re<strong>la</strong>tions<br />
diplomatiques et économiques avec les pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région sont soumises à ru<strong>de</strong>s épreuves.<br />
En effet, <strong>la</strong> sous-région Afrique Centrale, cette fois ci à travers l’enjeu <strong>de</strong> sa forêt, est une fois<br />
<strong>de</strong> plus le théâtre d’une guerre d’intérêts, d’une part entre les différents pays d’Europe entre<br />
eux, d’autre part entre l’Europe et les USA. Ces compétitions sont à leurs tours dépassées par<br />
celles qui émergent entre l’Occi<strong>de</strong>nt et l’Asie. Les Parcs Nationaux gabonais représentent en<br />
quelques sortes <strong>de</strong>s champs <strong>de</strong> bataille, mineurs certes, où s’affrontent les intérêts <strong>de</strong>s<br />
89 En 2003, le budget <strong>de</strong> l’État gabonais était <strong>de</strong> 1408,6 Milliard <strong>de</strong> Fcfa.<br />
327
différentes ONGs <strong>de</strong> conservation entre elles mais aussi entres bailleurs <strong>de</strong> fonds. Ainsi, en<br />
Ogooué-Ivindo par exemple, les Parcs <strong>de</strong> Minkébé et <strong>de</strong> Mwagné apparaissent comme les<br />
chasses gardées du WWF alors que les Parcs <strong>de</strong> l’Ivindo et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lopé seraient les<br />
"propriétés" du WCS. Ces ONGs mènent souvent <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> terrain non concertées et<br />
financent <strong>de</strong>s projets en parallèle qui ne sont en fait que <strong>de</strong>s doublons. À côté <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux ONGs<br />
américaines citées précé<strong>de</strong>mment, l’Union européenne finance également le projet<br />
"Réhabilitation et Redynamisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa" à Makokou dont les<br />
objectifs ne sont pas ceux <strong>de</strong>s ONGs <strong>de</strong> conservation ce qui à certain moment sur le terrain<br />
prête à confusion surtout chez les popu<strong>la</strong>tions locales comprenant peu cet engouement pour<br />
leurs forêts et surtout comprenant moins pourquoi elles ne tirent directement aucun profit <strong>de</strong><br />
tout cet argent mis à disposition <strong>de</strong>s projets. L’instal<strong>la</strong>tion d’un projet ou d’une ONG <strong>de</strong><br />
conservation dans une localité à plus ou moins les mêmes effets chez les popu<strong>la</strong>tions que<br />
l’instal<strong>la</strong>tion d’une entreprise forestière. Sauf que, dans ce cas <strong>de</strong> figure, les popu<strong>la</strong>tions<br />
<strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s acteurs d’un film où elles sont les méchants pourchassés par les ONG qui<br />
apparaissent comme les « bons samaritains » qui viennent sauver <strong>la</strong> forêt gabonaise en danger.<br />
Par rapport à cette guerre d’intérêt, le Gabonais opportuniste va profiter <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation<br />
en se mettant au service du plus offrant même aux dépens du bien fondé <strong>de</strong>s objectifs du<br />
projet et <strong>de</strong>s potentielles répercutions sur les popu<strong>la</strong>tions. Ne pouvant profiter directement <strong>de</strong><br />
cette manne provi<strong>de</strong>ntielle <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong> fonds, en partie en raison <strong>de</strong> ses carences, en partie<br />
en raison <strong>de</strong> l’ajustement institutionnel, l’État s’en remet à ces institutions pour l’ai<strong>de</strong>r à<br />
développer le pays (aménagement <strong>de</strong>s pistes, constructions <strong>de</strong>s routes, <strong>de</strong>s dispensaires, <strong>de</strong>s<br />
écoles…) aux endroits où ils interviennent. Quant aux Gabonais, ils cherchent <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong><br />
loin à grappiller l’argent <strong>de</strong> ces projets. En guise d’exemple, les multiples rencontres<br />
(Ateliers, Séminaires, Conférences…) organisées ça et là par les institutions <strong>national</strong>es et<br />
inter<strong>national</strong>es sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong>s forêts gabonaises ont fait naître une nouvelle "profession"<br />
au Gabon localement nommée les « perdiémistes 90 ». Il s’agit <strong>de</strong> fonctionnaires, toujours les<br />
mêmes, compétents ou pas, qui sont à l’affût <strong>de</strong> toute rencontre sur les questions qui touchent<br />
<strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin à <strong>la</strong> forêt et l’environnement. Efficaces ou pas, ils intéressent les<br />
organisateurs car leur présence justifie l’implication <strong>de</strong> tous dans un débat qui se veut<br />
démocratique. Sur le terrain, les projets occi<strong>de</strong>ntaux sur <strong>la</strong> forêt œuvrant généralement dans<br />
<strong>de</strong>s endroits reculés du pays où règne <strong>la</strong> "misère", attirent énormément <strong>de</strong> Gabonais qui<br />
souhaiteraient y travailler et aspirer à une vie meilleure. Cette situation crée nécessairement<br />
90 Ceux qui sont à l’affût <strong>de</strong> rencontre <strong>national</strong>es ou inter<strong>national</strong>es où ils se font inviter pour percevoir <strong>de</strong>s perdiem,<br />
ce qui leur permet d’arrondir les fins <strong>de</strong> mois.<br />
328
un déséquilibre social qui facilite les interventions dans les vil<strong>la</strong>ges. En effet, lorsque le<br />
programme ECOFAC par exemple est arrivé à <strong>la</strong> Lopé, vil<strong>la</strong>ge perdu en plein cœur <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt<br />
gabonaise, tout le mon<strong>de</strong> espérait y travailler mais seule une infime partie <strong>de</strong> cette popu<strong>la</strong>tion<br />
n’a pu être recrutée créant ainsi <strong>de</strong>s frustrations et <strong>de</strong> <strong>la</strong> jalousie chez les autres. De plus, par<br />
rapport aux objectifs <strong>de</strong> conservation du programme ECOFAC dont les prestataires 91 sont<br />
appelés <strong>de</strong>s "écogar<strong>de</strong>s", certains vil<strong>la</strong>geois se sont vus confiés le rôle <strong>de</strong> gendarme au sein<br />
<strong>de</strong>s communautés riveraines au projet dont les leurs. La suspicion, <strong>la</strong> trahison, <strong>la</strong> corruption et<br />
bien d’autres maux ont fait p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> quiétu<strong>de</strong> du vil<strong>la</strong>ge et aux valeurs qui ont généralement<br />
caractérisées l’Afrique Noire que sont <strong>la</strong> solidarité familiale, l’entrai<strong>de</strong>, le respect <strong>de</strong>s anciens,<br />
l’hospitalité… Cette situation, qui a permis au programme ECOFAC <strong>de</strong> "contrôler" <strong>la</strong> zone<br />
d’intervention, a créé <strong>de</strong>s tensions aux seins <strong>de</strong>s communautés dont certaines sont encore<br />
victime près <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux ans après l’arrêt du projet.<br />
À côté <strong>de</strong>s Gabonais il y a les expatriés qui, travail<strong>la</strong>nt ou col<strong>la</strong>borant à ces<br />
programmes européens, profitent <strong>de</strong> cette manne financière. En effet, généralement entre 30%<br />
et 40% <strong>de</strong>s fonds alloués par <strong>de</strong>s bailleurs au Gabon sont utilisés pour les consultances, les<br />
expertises, les assistances techniques et autres (cf. Manuel <strong>de</strong> procédure <strong>de</strong> l’UE pour les<br />
projets financés par le FED - le 9 e FED pour le cas cité -). Chaque projet occi<strong>de</strong>ntal qui se met<br />
en p<strong>la</strong>ce au Gabon ou dans <strong>la</strong> sous-région est d’abord une source potentielle <strong>de</strong> travail en<br />
expatriation pour les Occi<strong>de</strong>ntaux et ce<strong>la</strong>, avec tous les avantages et les inconvénients que<br />
ce<strong>la</strong> comporte. Mais on peut penser qu’il s’agit d’une <strong>de</strong>s motivations présentées comme un<br />
plus par les bailleurs ! Les sa<strong>la</strong>ires <strong>de</strong>s employés locaux sont généralement dérisoires et les<br />
in<strong>de</strong>mnités <strong>de</strong> fonction d’un agent <strong>de</strong> l’État affecté à un <strong>de</strong> ces projets (les homologues<br />
comme on les appelle servent généralement <strong>de</strong> vitrine du projet) ne doivent<br />
réglementairement pas dépasser 50% du sa<strong>la</strong>ire brut que lui donne <strong>la</strong> fonction publique ce<br />
sa<strong>la</strong>ire étant <strong>de</strong> 200.000 FCFA par mois (environ 305 euros). Cependant certains avantages<br />
liés aux activités du projet (véhicule <strong>de</strong> fonction, frais <strong>de</strong> fonctionnement…) compensent ces<br />
frustrations bien que restant nettement très éloignés <strong>de</strong>s émoluments <strong>de</strong>s collègues<br />
occi<strong>de</strong>ntaux.<br />
En somme, le secteur forestier gabonais, présenté comme l’avenir économique du pays<br />
subira sans être pessimiste, le même sort que le pétrole mais cette fois ci, avec un impact<br />
direct et visible sur l’environnement et <strong>la</strong> subsistance <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions locales déjà fragilisées<br />
par les inégalités.<br />
91 Tout le personnel <strong>national</strong> recruté par un projet financé par l’Union Européenne dans le cadre du FED est<br />
composé <strong>de</strong> prestataires <strong>de</strong> services qui sont liés au projet par <strong>de</strong>s contrats à durée déterminée.<br />
329
II.2. L’écotourisme au Gabon pour qui ?<br />
Pour revenir à l’écotourisme - sachant que <strong>la</strong> manne provi<strong>de</strong>ntielle <strong>de</strong>s bailleurs <strong>de</strong><br />
fonds pour les parcs nationaux n’est que provisoire -, l’État propose <strong>de</strong> développer un<br />
tourisme <strong>de</strong> nature avec peu <strong>de</strong> visiteurs rapportant beaucoup <strong>de</strong> <strong>de</strong>vises. Cette stratégie, qui<br />
contraste avec celle développée en Afrique Orientale et Australe, a déjà été mise en p<strong>la</strong>ce<br />
dans d’autres pays notamment au Costa Rica mais les résultats restent très mitigés. Dès lors,<br />
<strong>la</strong> question est <strong>de</strong> savoir comment le Gabon pourra relever ce défi sachant qu’il s’est engagé, à<br />
<strong>la</strong> fois dans l’exploitation <strong>de</strong> ses ressources forestières (l’industrie du bois il faut le rappeler<br />
est <strong>la</strong> 2 e source d’entrée <strong>de</strong> capitaux pour le pays et le 2 e employeur après l’administration)<br />
mais aussi à préserver sa forêt. Ces <strong>de</strong>ux stratégies <strong>de</strong> développement ne sont certes pas<br />
incompatibles mais <strong>la</strong> ba<strong>la</strong>nce n’est pas équitable car il y a trop d’intérêts dans le secteur<br />
forestier pour que ce pays, même s’il peut compter sur l’ai<strong>de</strong> inter<strong>national</strong>e pour <strong>la</strong> protection<br />
ou une meilleur gestion <strong>de</strong> ses forêts, puisse maintenir le cap <strong>de</strong> ses engagements.<br />
Par rapport à l’une ou l’autre <strong>de</strong>s stratégies proposées par le Gabon, le sort <strong>de</strong> sa<br />
popu<strong>la</strong>tions est quasi le même. Nous avons évoqué précé<strong>de</strong>mment les impacts <strong>de</strong><br />
l’exploitation forestière sur <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion, mais qu’en est t’il <strong>de</strong> l’écotourisme ? Qui sont les<br />
touristes qui peuvent venir au Gabon en petit nombre chaque année et payer le prix fort ? Pour<br />
mieux comprendre le contexte gabonais, il faut savoir que <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s sites d’intérêt<br />
écotouristique majeur pour le pays (Loango, Langoué, Minkébé…) sont très enc<strong>la</strong>vés et plus<br />
ou moins éloignés <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges et que ces sites restent, pour <strong>la</strong> plupart, les terroirs ancestraux<br />
<strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions auxquels elles sont attachées culturellement et économiquement. Même si,<br />
dans certains cas, <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges se sont dép<strong>la</strong>cés du fait <strong>de</strong> l’abondance d’animaux nuisibles ou<br />
dangereux (Eléphant, Buffle, Gorilles…) les anciens emp<strong>la</strong>cements sont toujours exploités.<br />
Prenons l’exemple du propriétaire néer<strong>la</strong>ndais <strong>de</strong> l’écolodge 92 du parc <strong>de</strong> Loango situé au sud-<br />
ouest du pays : ce <strong>de</strong>rnier <strong>de</strong>man<strong>de</strong> 300 euros par jour à ses clients (soit le sa<strong>la</strong>ire <strong>de</strong> base<br />
mensuel d’un fonctionnaire gabonais <strong>de</strong> catégorie A1) et espère avoir au moins 11.000 nuitées<br />
par an pour équilibrer ses comptes (Lewino, 2005). Il est évi<strong>de</strong>nt que ce tourisme ne s’adresse<br />
pas aux nationaux, excepté une franche très restreinte <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion. Généralement les<br />
touristes qui payent ce prix sont ceux qui ne viennent pas en Afrique pour voir <strong>la</strong> misère du<br />
peuple et encore moins le connaître. Ils vivent dans un rêve exotique qui les font partir <strong>de</strong><br />
chez eux pour arriver directement en <strong>de</strong>s lieux paradisiaques où l’opérateur touristique fait<br />
92 Le prix d’investissement pour <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> cette structure, l’achat <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux avions pour le transport <strong>de</strong>s<br />
clients et pour fon<strong>de</strong>r une entreprise <strong>de</strong> construction a été <strong>de</strong> 5 millions <strong>de</strong> dol<strong>la</strong>rs<br />
330
tout pour que ce<strong>la</strong> soit ainsi. Ce qui signifie en d’autres termes que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion est tenue à<br />
l’écart <strong>de</strong> ces endroits d’autant plus qu’elle est accusée <strong>de</strong> <strong>de</strong>struction <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage<br />
dont l’abondance et <strong>la</strong> visibilité est le fond <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> ce marché. Alors, à quel moment<br />
bénéficieraient-elles <strong>de</strong>s retombées du tourisme ? De fait, l’opérateur touristique paye <strong>de</strong>s<br />
taxes à l’État mais celles-ci ne sont jamais redistribuées localement. De plus, on incite les<br />
popu<strong>la</strong>tions à confectionner <strong>de</strong>s objets artisanaux qu’elles pourront revendre à l’opérateur<br />
touristique qui les revendra par <strong>la</strong> suite à ses touristes. En somme, ce tourisme sélectif<br />
éviterait certes les effets du tourisme <strong>de</strong> masse sur <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion humaine et animale et sur les<br />
milieux comme c’est le cas pour les pays d’Afrique Orientale et Australe mais les retombées<br />
directes sur les popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> cette activité prônée par le gouvernement restent mitigées et<br />
semblent profiter, encore une fois, uniquement à un nombre restreint <strong>de</strong> personnes...mais cette<br />
fois-ci au détriment <strong>de</strong> <strong>la</strong> subistance <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions rurales qui se voient interdire l’accès à<br />
<strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> production ancestrales ou plus simplement indispensables à leur survie. Le<br />
tourisme a déjà fait ses preuves dans certains pays d’Afrique en ce qui concerne <strong>la</strong> protection<br />
<strong>de</strong>s animaux et <strong>de</strong>s milieux (Chardonnet, 1995) mais à quand <strong>la</strong> protection <strong>de</strong>s Hommes face<br />
à cette activité qui contribue <strong>de</strong> façon directe ou indirecte à accroître <strong>la</strong> pauvreté ?<br />
Section III - Le <strong>de</strong>venir du Parc National <strong>de</strong> l’Ivindo (PNI)<br />
Le PNI, nous l’avons vue précé<strong>de</strong>mment (voir chapitre III, &V.2) est, par rapport à<br />
son emp<strong>la</strong>cement actuel, l’un <strong>de</strong>s parcs les plus problématiques du réseau <strong>de</strong>s parcs gabonais.<br />
Ses limites nord et nord-est sont très proches <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges (en particulier les vil<strong>la</strong>ges entre<br />
Makokou et Ovan) et sa zone tampon 93 englobe une partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou. De fait,<br />
l’emp<strong>la</strong>cement géographique du parc est une source <strong>de</strong> conflits entre les gestionnaires du parc<br />
et les popu<strong>la</strong>tions riveraines qui voient leur espace vital d’activité se restreindre<br />
considérablement. La rivière Ivindo qui traverse <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou, est le principal<br />
pourvoyeur <strong>de</strong> poissons et autres services aux Ogivins <strong>de</strong> Makokou. Ces <strong>de</strong>rniers utilisent<br />
l’Ivindo pour s’enfoncer le plus loin possible dans <strong>la</strong> forêt à <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> <strong>de</strong> zones <strong>de</strong><br />
productions toujours plus riches dont une partie du PNI fait actuellement partie. Il est<br />
nécessaire, pour mieux comprendre <strong>la</strong> situation, <strong>de</strong> rappeler que l’idée <strong>de</strong> l’emp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong>s<br />
93 La zone tampon est selon <strong>la</strong> loi 16/01 (Article 77), une zone <strong>de</strong> protection à <strong>la</strong> périphérie du parc, <strong>de</strong>stinée à<br />
marquer <strong>la</strong> transition entre l’aire du parc <strong>national</strong> et les zones où les activités forestières, minières, cynégétiques<br />
ou agricoles sont librement pratiquées. La <strong>la</strong>rgeur d’une zone tampon est d’au moins 5 kilomètres. Cependant,<br />
selon l’article 78 <strong>de</strong> <strong>la</strong> même loi, toutes activités forestières, minières, aquacoles, cynégétiques, agricoles et<br />
touristiques à l’intérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone tampon sont réglementées par arrêté du Ministère chargé <strong>de</strong>s Eaux et Forêts.<br />
331
limites nord et nord-est actuelles du PNI est une volonté <strong>de</strong> l’administration d’intégrer<br />
l’ancienne réserve MAB d’Ipassa dans ce nouveau parc. « La réserve d’Ipassa connaît<br />
d’énormes difficultés <strong>de</strong> gestion et doit profiter du cadre institutionnel et <strong>de</strong> gestion du PNI<br />
pour se maintenir » proposait l’administration gabonaise contre l’avis du WCS qui,<br />
auparavant, avait proposé les limites nord et nord-est du PNI à plus <strong>de</strong> 15 kilomètres <strong>de</strong> <strong>la</strong> rive<br />
gauche <strong>de</strong> l’Ivindo. En fait, le WCS avait proposé un parc <strong>de</strong> moitié plus petit que le PNI<br />
actuel, qui englobait les alentours <strong>de</strong> <strong>la</strong> saline <strong>de</strong> Langoué où il a actuellement sa base, une<br />
partie <strong>de</strong> l’Ivindo entre les chutes <strong>de</strong> Kongou et Mingouli et une partie <strong>de</strong> <strong>la</strong> rivière Djidji (cf.<br />
carte ci-<strong>de</strong>ssous). Le PNI s’est donc vu attribué toutes les difficultés <strong>de</strong> gestion qu’avait <strong>la</strong><br />
réserve d’Ipassa et les conflits potentiels avec les popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> Makokou qui exploitent<br />
l’Ivindo et ses rives <strong>de</strong> Makokou jusqu'au <strong>de</strong>là <strong>de</strong>s chutes <strong>de</strong> Kongou.<br />
III.1. Le PNI, établissement pourvoyeur <strong>de</strong> biens et services aux Ogivins en phase <strong>de</strong><br />
fermeture<br />
Comment réagiriez vous si, du jour au len<strong>de</strong>main, on vous annonce que <strong>la</strong> seule<br />
épicerie du vil<strong>la</strong>ge va fermer ses portes et que rien d’autre ne <strong>la</strong> remp<strong>la</strong>cera ? Je pense que les<br />
Ogivins ont eu en quelque sorte les mêmes émotions lors <strong>de</strong> l’annonce <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce du<br />
PNI surtout que, dans leur cas, ils <strong>de</strong>vaient réagir avec beaucoup moins d'opportunités <strong>de</strong><br />
toutes sortes et sans compensation. Seule l’envie d'assurer leur subsistance gui<strong>de</strong> leurs actions<br />
qui restent méprisées ou incomprises.<br />
La pénétration dans le PNI peut se faire à n’importe quel endroit <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, <strong>de</strong>rrière<br />
les vil<strong>la</strong>ges, en suivant une piste forestière… Mais le passage le plus utilisé par les riverains<br />
pour s’enfoncer dans cette forêt qui est <strong>de</strong>venue le parc, reste le fleuve Ivindo. Que ce soit en<br />
pirogue motorisée ou à <strong>la</strong> rame, plusieurs dizaines d’usagers entrent et sortent du parc par <strong>la</strong><br />
rivière. Les principales activités menées dans le PNI sont connues 94 et tournent<br />
essentiellement sur <strong>la</strong> chasse, <strong>la</strong> pêche, l’agriculture itinérante, <strong>la</strong> cueillette/collecte et<br />
l’extraction du sable. Le parc est fréquenté toute l’année et en toute les saisons. Toutefois, les<br />
campements <strong>de</strong> pêche/chasse (voir Carte 11) sont plus fréquentés pendant les mois <strong>de</strong> juin à<br />
septembre, pério<strong>de</strong> favorable à <strong>la</strong> pêche. Actuellement, une équipe du CIFOR travail sur <strong>la</strong><br />
valeur économique <strong>de</strong> ce parc pour les popu<strong>la</strong>tions.<br />
94 Voir travaux <strong>de</strong> Marion Viano sur <strong>la</strong> caractérisation <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Makokou à l’intérieur du<br />
PNI (Province <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo, Gabon), (Viano, 2005).<br />
332
Carte 11 : Localisation <strong>de</strong>s campements <strong>de</strong> chasse et <strong>de</strong> pêche le long <strong>de</strong> l’Ivindo<br />
III.2. Extension <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve naturelle MAB-UNESCO d’Ipassa à l’ensemble du PNI<br />
Les ressources du PNI, dans sa configuration actuelle, seront toujours exploitées par<br />
les popu<strong>la</strong>tions riveraines car ses limites empiètent sur leurs zones vitales d’activités. Ce<br />
qui amènera toujours l’administration du parc à être en conflit avec les popu<strong>la</strong>tions. Une<br />
solution à ce problème reste le zonage du parc en plusieurs aires comme le propose les<br />
Réserves <strong>de</strong> Biosphère <strong>de</strong> l’UNESCO.<br />
Les Réserves <strong>de</strong> Biosphère sont <strong>de</strong>s aires portant sur <strong>de</strong>s écosystèmes terrestres et<br />
côtiers/marins qui visent à promouvoir <strong>de</strong>s solutions pour réconcilier <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
333
iodiversité avec son utilisation durable. Elles sont reconnues sur le p<strong>la</strong>n inter<strong>national</strong>,<br />
proposées par les gouvernements nationaux et restent sous <strong>la</strong> seule souveraineté <strong>de</strong> l'État sur<br />
le territoire duquel elles sont situées. Elles constituent en quelque sorte <strong>de</strong>s <strong>la</strong>boratoires<br />
vivants d'étu<strong>de</strong> et <strong>de</strong> démonstration <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion intégrée <strong>de</strong>s terres, <strong>de</strong> l'eau et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
biodiversité (Unesco, 2003). Elles sont aussi <strong>de</strong>s lieux d’exécution <strong>de</strong>s programmes <strong>de</strong><br />
l’Homme et <strong>la</strong> Biosphère <strong>de</strong> l’UNESCO. Les Réserves <strong>de</strong> Biosphère doivent remplir trois<br />
fonctions majeures, qui ce complètent et se renforcent mutuellement :<br />
• Fonction <strong>de</strong> conservation : contribuer à <strong>la</strong> conservation <strong>de</strong>s paysages, <strong>de</strong>s<br />
écosystèmes, <strong>de</strong>s espèces et <strong>de</strong>s gènes ;<br />
• Fonction <strong>de</strong> développement : favoriser un développement économique et humain<br />
respectueux <strong>de</strong>s particu<strong>la</strong>rités socioculturelles et environnementales ;<br />
• Fonction logistique : encourager <strong>la</strong> <strong>recherche</strong>, <strong>la</strong> surveil<strong>la</strong>nce, l'éducation et<br />
l'échange d'information concernant les questions locales, <strong>national</strong>es et mondiales <strong>de</strong><br />
conservation et <strong>de</strong> développement.<br />
Carte 12 : Représentation schématique <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong>s réserves <strong>de</strong> biosphère<br />
Copyright Unesco<br />
Les Réserves <strong>de</strong> Biosphère ne font pas l'objet d'une convention inter<strong>national</strong>e mais<br />
obéissent simplement à <strong>de</strong>s critères communs qui leur permettent <strong>de</strong> remplir convenablement<br />
leurs trois fonctions. Elles forment un réseau mondial qui favorise les échanges d'information,<br />
d'expériences et <strong>de</strong> personnel. Elles sont organisées selon trois zones interconnectées : l'aire<br />
334
centrale, <strong>la</strong> zone tampon et l'aire <strong>de</strong> transition où seulement l'aire centrale doit être protégée<br />
par <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion <strong>national</strong>e. Certaines Réserves <strong>de</strong> Biosphère comportent <strong>de</strong>s zones<br />
appartenant simultanément à d'autres systèmes d'aires protégées (comme les Parcs Nationaux<br />
et les Réserves Naturelles) ou bénéficient d'une autre reconnaissance inter<strong>national</strong>e (telle que<br />
<strong>la</strong> Liste du patrimoine mondial ou les sites <strong>de</strong> Ramsar).<br />
Carte 13: Zonation d’une réserve <strong>de</strong> biosphère<br />
Carte 14: Exemple <strong>de</strong> réserve <strong>de</strong> biosphère<br />
Copyright Unesco<br />
Copyright Unesco<br />
335
Ci-<strong>de</strong>ssus, le système <strong>de</strong> « zonage » <strong>de</strong> <strong>la</strong> Réserve <strong>de</strong> biosphère <strong>de</strong> l'Archipel <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gua<strong>de</strong>loupe. Elle se compose<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux unités : <strong>la</strong> forêt tropicale humi<strong>de</strong> du Parc <strong>national</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> Gua<strong>de</strong>loupe et <strong>la</strong> zone maritime <strong>de</strong> <strong>la</strong> Réserve<br />
naturelle du Grand Cul <strong>de</strong> Sac Marin qui comprend <strong>de</strong>s mangroves, <strong>de</strong>s petites îles et <strong>de</strong>s récifs coralliens. Les<br />
aires <strong>de</strong> transition abritent un grand nombre <strong>de</strong> petites villes et <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ges dotés <strong>de</strong> multiples instal<strong>la</strong>tions<br />
touristiques. Des régimes <strong>de</strong> gestion différents sont appliqués à chaque zone et à chaque type d'écosystème.<br />
L'établissement d'une Réserve <strong>de</strong> Biosphère représente <strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce un véritable<br />
défi, celui <strong>de</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce un mécanisme approprié, par exemple un comité chargé <strong>de</strong><br />
p<strong>la</strong>nifier et <strong>de</strong> coordonner toutes les activités qui se déroulent sur le site. C'est cette dimension<br />
humaine qui confère aux Réserves <strong>de</strong> Biosphère leur spécificité, c'est-à-dire que leur gestion<br />
représente une sorte <strong>de</strong> "pacte" entre les popu<strong>la</strong>tions locales et <strong>la</strong> société dans son ensemble.<br />
Les règles <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion doivent donc être ouvertes, évolutives et adaptables. Une telle<br />
approche requiert persévérance, patience et imagination. Mais elle met les popu<strong>la</strong>tions locales<br />
en meilleure position pour faire face aux pressions politiques, économiques et sociales<br />
extérieures qui seraient susceptibles d'affecter les valeurs écologiques et culturelles <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
région. On en répertoriait 394 en 2001 réparties dans 94 pays. On en compte plus <strong>de</strong> 480 en<br />
2006 réparties dans plus <strong>de</strong> 100 pays sur les cinq continents.<br />
Étant donné qu’Ipassa est une réserve <strong>de</strong> <strong>la</strong> biosphère du réseau MAB, il est possible<br />
que ce concept soit étendu à l’ensemble du PNI. La Carte 15 ci <strong>de</strong>ssous est une esquisse <strong>de</strong><br />
zonage du PNI. Elle a été réalisée sur <strong>la</strong> base <strong>de</strong> 35 missions <strong>de</strong> prospection (pé<strong>de</strong>stre et<br />
fluviale) dans l’ensemble du PNI qui nous ont permis <strong>de</strong> caractériser les zones du parc peu ou<br />
pas exploitées par les popu<strong>la</strong>tions. Selon cette carte :<br />
- les zones en rouge sur <strong>la</strong> carte correspondraient aux aires centrales reliées entre elles par <strong>de</strong>s<br />
corridors ;<br />
- les zones en vert correspondraient aux zones tampon dans lesquelles les activités dites<br />
traditionnelles seront réglementées ;<br />
- les zones en b<strong>la</strong>nc autour du parc seraient les aires <strong>de</strong> transitions. Cette proposition <strong>de</strong>vra<br />
bien entendu faire l’objet <strong>de</strong> discussion avec tous les acteurs possibles et aboutir à <strong>la</strong> mise en<br />
p<strong>la</strong>ce d’un protocole d’entente sur <strong>la</strong> gestion du PNI.<br />
336
Esquisse <strong>de</strong> zonage du Parc <strong>de</strong> l Ivindo<br />
Mvoun g<br />
Ovan<br />
Ivindo<br />
Ivindo<br />
L o uli<br />
Makokou<br />
#<br />
Carte 15<br />
Mié<br />
W om b a<br />
Djidji<br />
Boka<br />
Mouniandjé<br />
Ipassa<br />
Aire centrale<br />
Zone tampon<br />
Aire <strong>de</strong> transition<br />
_<br />
_<br />
_ _ _<br />
_<br />
_<br />
_<br />
Gab hydro line shp<br />
Gab vile shp<br />
Gab rte shp<br />
Gab hydro surf shp<br />
Gab pn poly shp<br />
5 Kilom<br />
W<br />
N<br />
S<br />
E<br />
Okouyi, 2006<br />
337
Chapitre X : La filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, une<br />
solution d’avenir pour les Ogivins.<br />
Section I. La chasse, une réalité Ogivine <strong>de</strong> « non gestion »<br />
L’enquête <strong>de</strong> chasse que nous avons menée, met en évi<strong>de</strong>nce <strong>la</strong> réalité déjà connue au<br />
Gabon et dans <strong>la</strong> sous-région qu’est l’exploitation intense <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage. En effet, à<br />
Makokou, un gibier au minimum est tué chaque jour. Il faut le comprendre comme s’il<br />
s’agissait <strong>de</strong> consommateurs d’une ville qui iraient tous les jours acheter <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> dans un<br />
commerce. C’est une réalité locale, mais aussi <strong>national</strong>e. À Makokou, le gibier est chassé tout<br />
d’abord pour être consommé par le chasseur et les siens. En cas <strong>de</strong> besoin d’argent entre autres,<br />
même s’il s’agit d’un seul animal, une partie <strong>de</strong> celui-ci sera <strong>de</strong>stiné à <strong>la</strong> vente. D'ailleurs,<br />
comme nous l’avons vu précé<strong>de</strong>mment (Tableau 18), il existe sur l’animal <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong>stinées<br />
à cet effet (partage ou vente).<br />
Makokou ne fait pas exception aux tendances statistiques <strong>national</strong>es <strong>de</strong>s prélèvements<br />
<strong>de</strong> gibiers par taxons. Ainsi, le groupe <strong>de</strong>s Artiodactyles avec les Céphalophes, le Potamochère<br />
et les Antilopes sont les plus touchés par <strong>la</strong> chasse et également les plus <strong>de</strong>stinés à <strong>la</strong> vente. Ces<br />
animaux sont facilement tués pendant <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> nuit au fusil et à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong>mpe torche et se<br />
retrouvent souvent dans les collets métalliques <strong>de</strong>s pièges. Le Céphalophe bleu, les<br />
Céphalophes Bai et <strong>de</strong> Peters (plus <strong>de</strong> 50% <strong>de</strong>s proie capturés ; Lahm, 1993) et le Potamochère<br />
semblent être les gibiers principalement <strong>de</strong>stinés à <strong>la</strong> vente. Hormis le Céphalophe bleu, il<br />
s’agit <strong>de</strong> gibier <strong>de</strong> taille moyenne dont une partie peut être <strong>la</strong>rgement <strong>de</strong>stinée à <strong>la</strong><br />
consommation et l’autre à <strong>la</strong> vente. La particu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong> Makokou vient du fait que le groupe <strong>de</strong>s<br />
Rongeurs (Athérure africain et Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong>), quoique autant chassé que les Céphalophes sont<br />
moins présents sur les éta<strong>la</strong>ges <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges. Il s’agit, tout comme une gamme très <strong>la</strong>rge<br />
d’animaux (Oiseaux, Ecureuils, Tortues, Serpents, Varan, petits Carnivores etc..), <strong>de</strong> gibiers qui<br />
passent directement <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt à <strong>la</strong> cuisine du chasseur. Les chasseurs en vendront par nécessité<br />
ou en cas d’excé<strong>de</strong>nt. Le groupe <strong>de</strong>s Primates est également touché par <strong>la</strong> chasse. Les petits<br />
Singes arboricoles font les frais d’une chasse diurne basée sur l’utilisation <strong>de</strong>s leurres. Très<br />
souvent, ce sont les mâles adultes du groupe qui sont abattus, ce qui entraîne <strong>de</strong>s perturbations<br />
dans <strong>la</strong> cohésion sociale du groupe.<br />
La chasse à Makokou se caractérise également par <strong>la</strong> spécialisation <strong>de</strong>s chasseurs dans<br />
<strong>la</strong> capture <strong>de</strong> tel ou tel gibier d’intérêt économique. Ainsi, le Potamochère vient en tête <strong>de</strong>s<br />
- 338 -
gibiers choisis et les chasseurs adoptent diverses stratégies pour atteindre leur objectif. Ces<br />
stratégies sont une association <strong>de</strong> pratiques traditionnelles, <strong>de</strong> connaissances empiriques du<br />
gibier, du milieu et <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> nouvelles technologies (fusil, câble en acier).<br />
La chasse à Makokou est un moyen <strong>de</strong> se procurer <strong>de</strong> l’argent <strong>de</strong> manière re<strong>la</strong>tivement<br />
facile. Le souci <strong>de</strong> pérennisation <strong>de</strong> cette activité est évi<strong>de</strong>nt et il est plus qu’urgent <strong>de</strong><br />
s’inquiéter <strong>de</strong> l’avenir <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource mais <strong>de</strong> quelle manière ? Si les Ogivins souhaitent<br />
toujours exercer cette activité pour leur bien-être d’abord, il est nécessaire d’adopter, soit les<br />
mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource faunique qui existent (mais peu appliqués sur le terrain), soit<br />
<strong>de</strong> réfléchir sur <strong>de</strong> nouveaux systèmes <strong>de</strong> gestion plus soucieux <strong>de</strong>s pratiques traditionnelles <strong>de</strong><br />
gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage. Ces systèmes <strong>de</strong> gestion traditionnels existaient notamment avec<br />
les nga lébuki qui contrô<strong>la</strong>ient l’accès aux ressources et <strong>la</strong> pérennité <strong>de</strong> celle-ci.<br />
I.1. Les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière<br />
La typologie <strong>de</strong>s pratiques cynégétiques a permis <strong>de</strong> distinguer plusieurs catégories <strong>de</strong><br />
chasseurs : les chasseurs vil<strong>la</strong>geois ; les prestataires <strong>de</strong> services ; les occasionnels ; les semi-<br />
professionnels et les spécialisés. Cependant, <strong>la</strong> limite entre les unes et les autres <strong>de</strong> ces<br />
catégories n’est pas franche. Seuls les chasseurs spécialisés nous ont principalement intéressé<br />
dans cette thèse parce que <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s "grands chasseurs" et les chasseurs <strong>de</strong> Potamochères<br />
sont issus <strong>de</strong> cette catégorie. Ces <strong>de</strong>rniers intègrent les 13% <strong>de</strong>s chasseurs dont cette activité est<br />
<strong>la</strong> principale source <strong>de</strong> <strong>de</strong>vises. Le chasseur spécialisé est un homme dont l’âge varie entre 33<br />
ans et 45 ans. Il vie en général maritalement et à <strong>de</strong>s enfants à charge. Il est propriétaire <strong>de</strong> son<br />
fusil et indépendant dans son organisation. Il va en forêt seul ou se fait accompagner d’un ai<strong>de</strong><br />
chasseur-porteur, souvent un <strong>de</strong> ses enfants ou un jeune homme membre <strong>de</strong> sa famille qu’il<br />
souhaite initier à <strong>la</strong> chasse.<br />
Le chasseur spécialiste fait <strong>la</strong> réputation du gibier et le gibier fait <strong>la</strong> réputation du<br />
chasseur. Les <strong>de</strong>ux sont étroitement liés au point que <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> l’un évoque l’autre. À<br />
Makokou, <strong>la</strong> vue d’un Potamochère en forêt ou sur le marché fait, pour les connaisseurs,<br />
référence à un chasseur nommé « Bebox » réputé doué pour <strong>la</strong> capture <strong>de</strong> ce gibier et qui est<br />
l’un <strong>de</strong>s principaux fournisseurs du marché <strong>de</strong> Makokou. C’est va<strong>la</strong>ble pour « Monsieur<br />
Crocodile », un chasseur Kwélé également très connu à Makokou, spécialisé dans <strong>la</strong> capture <strong>de</strong><br />
ce reptile ainsi que « Monsieur Eléphant ». Ces chasseurs sont connus et respectés pour leurs<br />
prouesses. Ils font vivre le marché <strong>de</strong> gibier <strong>de</strong> Makokou et les commerçantes qui y exercent ;<br />
- 339 -
ils sont sollicités pour venir à bout d’animaux nuisibles ou dangereux etc. Ces situations leur<br />
confèrent un statut <strong>de</strong> notable dans <strong>la</strong> société.<br />
I.2. Les mo<strong>de</strong>s d’appropriation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource<br />
I.2.1. Les stratégies d’acquisition<br />
On distingue <strong>de</strong>ux principaux mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> productions cynégétiques à Makokou : <strong>la</strong> chasse<br />
au fusil et le piégeage. Autrefois, <strong>la</strong> chasse au filet (encore pratiquée dans certaines régions <strong>de</strong><br />
Makokou 95 ), l’utilisation <strong>de</strong>s sarbacanes, d’arcs et <strong>de</strong> sagaies étaient <strong>de</strong> mise dans <strong>la</strong> région.<br />
Ces techniques ont toutes été remp<strong>la</strong>cées par le fusil. Seuls les adolescents s’adonnent encore à<br />
l’utilisation <strong>de</strong> sarbacanes et <strong>de</strong> fron<strong>de</strong>s pour <strong>la</strong> capture <strong>de</strong> petits gibiers (Oiseaux, petits<br />
Rongeurs) que ce soit au vil<strong>la</strong>ge, au champ ou en accompagnant leurs parents en forêt. Ils<br />
développent ainsi leurs réflexes <strong>de</strong> chasseurs.<br />
La chasse au fusil semble être <strong>la</strong> technique <strong>la</strong> plus utilisée pour <strong>la</strong> capture du gibier et<br />
ce, <strong>de</strong>puis que l’utilisation du piège <strong>de</strong> type collet avec câble en acier est interdite par <strong>la</strong><br />
légis<strong>la</strong>tion gabonaise. La question est <strong>de</strong> savoir comment les vil<strong>la</strong>geois se procurent le gibier<br />
sachant qu’en moyenne il existe entre 3 et 10 fusils par vil<strong>la</strong>ge et que les cartouches sont peu<br />
accessibles ? La réponse est toute simple : les vil<strong>la</strong>geois continuent <strong>de</strong> pratiquer le piégeage à<br />
l’insu <strong>de</strong> l’administration ce qui montre à suffisance les limites <strong>de</strong> cette légis<strong>la</strong>tion qui, <strong>de</strong><br />
surcroît, les assimile directement à <strong>de</strong>s « braconniers »...d’autant plus que l'administration ne<br />
favorise en rien l’acquisition <strong>de</strong>s fusils pour le vil<strong>la</strong>ge ou tout autre moyen <strong>de</strong> production<br />
nécessaire à <strong>la</strong> subsistance <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions. La chasse au piège est <strong>de</strong> ce fait plus discrète mais<br />
tout aussi efficace que celle au fusil surtout lorsqu’elle est pratiquée en bordure <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntations.<br />
Elle permet d’avoir du gibier pratiquement tous les jours surtout lorsque les tubercules <strong>de</strong><br />
manioc sont bien formés. Contrairement au idées conçues et détractrices <strong>de</strong> cette technique <strong>de</strong><br />
production cynégétique, le piégeage est en soit un mo<strong>de</strong> sélectif <strong>de</strong> capture. À travers le choix<br />
<strong>de</strong>s matériaux (taille <strong>de</strong> <strong>la</strong> branche fixatrice, taille du câble, etc.), <strong>de</strong>s pistes animales, du gibier<br />
à piéger et <strong>de</strong>s sites <strong>de</strong> piégeage cette technique, très diversifiée, est tout à fait respectueuse <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> forêt et <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource. Cette sélectivité du piège s’exprime également à travers le système<br />
<strong>de</strong> déclenchement, conforme à <strong>la</strong> morphologie <strong>de</strong>s gibiers visés. Les pièges sont adaptés au<br />
milieu dans lequel les espèces évoluent. Certains pièges sont réservés à <strong>de</strong>s gibiers particuliers.<br />
95 La chasse au filet est <strong>de</strong> moins en moins pratiquée dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou. Cependant, ont peu encore<br />
l’observé chez les Shamaye sur <strong>la</strong> route Makokou-Okondja, à Demi-pays chez les Mahongwé et chez les Pygmées<br />
Bako<strong>la</strong> du Canton Djadié.<br />
- 340 -
Cette sélectivité spécifique (pièges pour gibiers arboricoles, pièges pour Rongeurs terrestres,<br />
pièges pour Céphalophes…) rend compte d’un important savoir écologique sur <strong>la</strong> forêt.<br />
L’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s gibiers disponibles et <strong>de</strong>s lieux probables <strong>de</strong> capture nécessite une gran<strong>de</strong><br />
connaissance du milieu naturel, <strong>de</strong>s facultés d’observation et <strong>de</strong> longues années<br />
d’apprentissage.<br />
Comme l’a démontré Dounias dans son étu<strong>de</strong> au Cameroun, le piégeage est autant ou<br />
même moins productif que <strong>la</strong> chasse au fusil (Dounias, 2000). À Makokou, en raison <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
légis<strong>la</strong>tion elle paraît moins utilisée et nous verrons encore dans le chapitre qui suit, que les<br />
gibiers exposés à <strong>la</strong> vente au marché <strong>de</strong> Makokou sont majoritairement chassés au fusil. Ce qui<br />
signifie en d’autre termes, et vu ce que nous avons évoqué précé<strong>de</strong>mment, que les gibiers<br />
chassés au fusil seraient préférentiellement <strong>de</strong>stinés à <strong>la</strong> commercialisation et ceux chassés aux<br />
pièges seraient <strong>de</strong>stinés à <strong>la</strong> consommation du chasseur et <strong>de</strong>s siens. Certaines techniques <strong>de</strong><br />
pièges incluant l’usage du câble, pourraient même fournir <strong>la</strong> base d’une forme <strong>de</strong> piégeage<br />
al<strong>la</strong>nt dans le sens d’une pratique durable, dès lors que l’on resitue les activités cynégétiques<br />
dans le cadre du fonctionnement global <strong>de</strong> l’agroécosystème (Dounias, 2000).<br />
En effet, <strong>la</strong> chasse au piège pratiquée en bordure <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ntations constitue également un<br />
moyen <strong>de</strong> lutte contre les ravageurs <strong>de</strong> culture. La chasse au fusil, quant à elle, reste en pleine<br />
expansion surtout <strong>de</strong>puis les perturbations liées à <strong>la</strong> guerre au Congo où plusieurs chasseurs <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> région ont pu s’acheter à bas prix <strong>de</strong>s fusils <strong>de</strong> chasse. Il est actuellement plus nuisible que le<br />
piégeage, surtout pour <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> faune, les Oiseaux et les Singes arboricoles ; son extension est<br />
exacerbée par <strong>la</strong> vente <strong>de</strong> <strong>la</strong> venaison, son ren<strong>de</strong>ment est élevé et c’est un instrument <strong>de</strong> chasse<br />
aveugle, mettant en péril <strong>de</strong>s catégories d’animaux pourtant à faible valeur marchan<strong>de</strong><br />
(Dounias, 2000). Plusieurs acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> chasse qui ont eu lieu surtout pendant <strong>la</strong> nuit et ont<br />
causé <strong>la</strong> mort d’individus, sont à mettre à l’actif du fusil. Le fusil représente également un<br />
danger pour certains chasseurs peu expérimentés qui pensent être hors <strong>de</strong> tout danger lorsqu’ils<br />
entrent avec cette arme en forêt. Ils sont moins attentifs et prennent plus <strong>de</strong> risques en<br />
affrontant <strong>de</strong>s animaux potentiellement dangereux. Pour donner un exemple, on signalera que<br />
certains chasseurs sont décédés en ayant tenté d’abattre un buffle avec un calibre 12 muni <strong>de</strong><br />
cartouche 00.<br />
I.2.2. Les systèmes d’accès et d’allocation <strong>de</strong>s ressources<br />
Généralement, les chasseurs vont exercer leur activité dans <strong>de</strong>s forêts connues. Ils<br />
perpétuent <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s acquises lors <strong>de</strong> leur initiation à <strong>la</strong> chasse, consistant à accompagner<br />
- 341 -
les parents dans <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> cette activité. Ces forêts sont d’abord <strong>de</strong>s anciens vil<strong>la</strong>ges, <strong>de</strong>s<br />
anciennes p<strong>la</strong>ntations ou encore <strong>de</strong>s forêts fréquentées jadis par un <strong>de</strong>s leurs. Ces ensembles<br />
constituent les terroirs <strong>de</strong> chasse dont le mo<strong>de</strong> d’appropriation se fait à travers le lignage. Ainsi,<br />
aucune <strong>de</strong>s forêts <strong>de</strong>s alentours <strong>de</strong> Makokou ou à proximité <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges n’est sans propriétaire.<br />
Elles appartiennent toutes à un lignage, représenté par un aîné, garant <strong>de</strong>s traditions et <strong>de</strong>s<br />
savoirs et responsable autant du bien-être <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté que du maintien <strong>de</strong>s ressources<br />
forestières dont il a <strong>la</strong> charge. L’aîné qui est possesseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, oriente le chasseur qui veut<br />
aller en forêt, lui donne <strong>de</strong>s consignes et <strong>de</strong>s conseils et le bénit pour <strong>la</strong> chasse. Il règle<br />
également les conflits entre chasseurs et soigne si possible ceux qui auraient braver un interdit.<br />
La notion <strong>de</strong> possesseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, nga lébuki comme les nommaient les Nzabi du Congo et<br />
qui existait à Makokou, est <strong>la</strong> base <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’un système <strong>de</strong> gestion traditionnelle <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> forêt et <strong>de</strong> ses ressources qu’il serait fort intéressant <strong>de</strong> promouvoir. Aucune production, en<br />
particulier et surtout aucune chasse ne pouvait se faire sans son accord. Il pouvait, afin <strong>de</strong><br />
préserver le potentiel cynégétique, restreindre <strong>la</strong> chasse à une technique moins dévastatrice (le<br />
piégeage par rapport au fusil et au filet). Il pouvait interdire toutes les sortes <strong>de</strong> chasse en forêt<br />
pour <strong>la</strong> constituer en réserve. Cette interdiction était matérialisée par un signe attaché à un arbre<br />
au bord d’un chemin traversant <strong>la</strong> forêt. Pour renforcer cette interdiction le possesseur <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
forêt pouvait rendre infructueuse toute chasse faite à son insu. Pour ce<strong>la</strong> il lui suffisait <strong>de</strong><br />
ramasser dans <strong>la</strong> forêt une branche ou une feuille et <strong>de</strong> <strong>la</strong> rapporter au vil<strong>la</strong>ge. C’était l’action<br />
<strong>de</strong> « ramasser <strong>la</strong> forêt ». Lorsqu’il décidait d’ouvrir à nouveau <strong>la</strong> forêt, il rapportait ce qu’il y<br />
avait prélevé rendant non seulement possible toutes les chasses mais leur garantissant le succès.<br />
La mise en réserve <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt qui permet <strong>la</strong> reconstitution <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune, pouvait résulter d’une<br />
stratégie du possesseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt qui consistait à fermer <strong>la</strong> chasse dans sa forêt au moment où<br />
toutes les forêts voisines étaient ouvertes à <strong>la</strong> chasse. Le gibier ainsi chassé <strong>de</strong> partout, venait se<br />
réfugier dans sa forêt mise en réserve. Cette notion <strong>de</strong> possesseur <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt, pourrait être<br />
complémentaire du système foncier actuel qui fait que l’État est propriétaire <strong>de</strong> toutes les terres<br />
du pays. À <strong>la</strong> différence du système <strong>de</strong>s forêts communautaires actuellement prôné par<br />
plusieurs institutions et qui semblerait avoir <strong>de</strong>s difficultés à fonctionner, les forêts ancestrales<br />
ne pouraient être soumises à aucune exploitation autre que coutumière.<br />
Dans ce système d’accès à <strong>la</strong> ressource, les allochtones sont peu admis. Les seules<br />
possibilités qui leur sont offertes sont rendues possibles en contractant <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong> parenté ou<br />
d’amitié avec les possesseurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt ou un membre <strong>de</strong> sa famille.<br />
- 342 -
I.2.3. Le partage du gibier<br />
Tous les chasseurs partagent d’une manière ou d’une autre le fruit <strong>de</strong> leur chasse. Il<br />
s’agit d’un système d’entre-ai<strong>de</strong> encore présent dans les sociétés Ogivines. La part <strong>de</strong> gibier<br />
consommée par rapport à <strong>la</strong> part vendue varie fortement d’une localité à l’autre. À Makokou,<br />
78% <strong>de</strong>s chasseurs ven<strong>de</strong>nt entre 50% et 67% <strong>de</strong> leurs prises, dont 22% sont consommés au<br />
vil<strong>la</strong>ge. Près <strong>de</strong> 20% <strong>de</strong>s chasseurs ven<strong>de</strong>nt régulièrement <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> en ville (Lahm 1993).<br />
Comme nous l’avons déjà évoqué précé<strong>de</strong>mment, <strong>de</strong> nombreux chasseurs ne consomment eux-<br />
mêmes, que le gibier venant d’autres chasseurs. Leurs gibiers sont systématiquement partagés<br />
avec <strong>la</strong> famille ou au vil<strong>la</strong>ge avec d’autres chasseurs pouvant leur en redistribuer également. Ce<br />
système permet <strong>de</strong> renforcer les liens entres les différents individus et les différentes familles<br />
pratiquant ce système. La distribution du gibier suit <strong>de</strong>s normes préétablies et l’animal en lui-<br />
même est déjà une entité divisée et à plusieurs ayants droits.<br />
I.2.3.1. Les parties animales pré attribuées<br />
Un gibier peut grossièrement être découpé en 8 parties 96 selon <strong>la</strong> taille et l’espèce<br />
animale qui sont préa<strong>la</strong>blement <strong>de</strong>stinées à ceux qui ont participé à <strong>la</strong> chasse, à un membre <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> famille ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté ou tout simplement à <strong>la</strong> vente. De ces différentes parties, les<br />
entrailles peuvent faire l’objet d’un autre découpage mais généralement cette partie est <strong>de</strong>stinée<br />
au chasseur.<br />
I.2.3.2. L’importance du lignage dans le partage du gibier<br />
L’analyse <strong>de</strong>s données sur le partage du gibier a mis en évi<strong>de</strong>nce l’importance du fils <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> sœur 97 dans les sociétés Ogivines. En effet, que ce soit chez les Fang, les Kota ou les Kwélé,<br />
<strong>la</strong> tête du gibier qui symbolise <strong>la</strong> réflexion, l’orientation, l’intelligence, <strong>la</strong> sagesse, etc. sera<br />
<strong>de</strong>stinée au neveu. L’importance <strong>de</strong> celui-ci dans <strong>la</strong> société gabonaise est lié au fait que<br />
« l’enfants <strong>de</strong> <strong>la</strong> sœur est le vrai enfant, l’enfant du sang ». Il n’y a chez l’oncle chasseur, aucun<br />
doute sur son lien <strong>de</strong> parenté avec le neveu qui est l’enfant enfanté par sa sœur. Le neveu est le<br />
chef <strong>de</strong> famille qui, s’il le souhaite, peut même prendre pour épouse <strong>la</strong> femme <strong>de</strong> l’oncle. C’est<br />
sur lui que repose <strong>la</strong> responsabilité <strong>de</strong> gui<strong>de</strong>r et <strong>de</strong> protéger <strong>la</strong> famille. Lorsqu’il est l’aîné <strong>de</strong>s<br />
96 Ces parties sont (1) <strong>la</strong> tête et le cou, (2) les gigots avant, (3) les gigots arrière, (4) <strong>la</strong> poitrine, (5) l’arrière-train,<br />
(6) le dos, (7) <strong>la</strong> partie ventrale et (8) les entrailles.<br />
97 Au Gabon on considère le fils <strong>de</strong> <strong>la</strong> sœur comme étant le neveu, <strong>la</strong> fille <strong>de</strong> <strong>la</strong> sœur, <strong>la</strong> nièce mais le fils et <strong>la</strong> fille<br />
du frère sont <strong>de</strong>s enfants.<br />
- 343 -
enfants, ses décisions peuvent concerner tous les évènements <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille. Il s’agit là <strong>de</strong>s<br />
fon<strong>de</strong>ments du lignage matrilinéaire.<br />
Notre analyse montre également que chez les Fang, dont l’ascendance est à<br />
prédominance paternelle, le neveu a les mêmes privilèges. La mère <strong>de</strong> <strong>la</strong> femme occupe une<br />
p<strong>la</strong>ce telle quelle recevra le gigot arrière du gibier qu’aura tué son gendre.<br />
I.3. La complémentarité entre <strong>la</strong> chasse et les autres activités <strong>de</strong> production<br />
La chasse à Makokou est une activité généralement couplée à d’autres activités telles<br />
que l’agriculture, <strong>la</strong> pêche et <strong>la</strong> collecte en forêt ou elle est associée à <strong>de</strong>s activités<br />
professionnelles comme nous l’avons vu dans le cas <strong>de</strong>s chantiers forestiers. Avoir avec soi un<br />
fusil (une arme b<strong>la</strong>nche pour ceux qui n’ont pas <strong>de</strong> fusil) lorsqu’on est en forêt est un réflexe<br />
naturel car le gibier peut être rencontré en toute circonstance. Cependant, ces armes sont<br />
également <strong>de</strong>s outils <strong>de</strong> défense en cas d’agression. Les circonstances où peut être rencontré un<br />
gibier potentiel en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> l’organisation stricte <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sont une partie <strong>de</strong> pêche, <strong>la</strong><br />
cueillette en forêt, un dép<strong>la</strong>cement à <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ntation, un cheminement entre <strong>de</strong>ux vil<strong>la</strong>ges, etc.<br />
Certains agents <strong>de</strong> l’État à Makokou ont systématiquement dans leur véhicule ou leur pirogue<br />
une arme <strong>de</strong> chasse, même lorsqu’ils vont en mission officielle dans les vil<strong>la</strong>ges. Ils espèrent<br />
rencontrer sur leur chemin un animal qui agrémentera le repas d’après mission. Ce qui montre<br />
dans l’ensemble une faible spécialisation d'activités très liées et complémentaires dans le temps<br />
et dans l’espace et sur un p<strong>la</strong>n monétaire et culturel.<br />
Les réalités <strong>de</strong> Makokou sont plus ou moins semb<strong>la</strong>bles à celles que Takforyan<br />
(Takforyan, 2001) décrit dans son étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse dans l’est du Cameroun. On peut<br />
considérer que <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> pêche partagent l’année en <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s. La chasse<br />
connaît une saison principale, d’une durée d’environs 6 mois correspondant en majeure partie<br />
aux pério<strong>de</strong>s <strong>de</strong> pluies. En <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> <strong>la</strong> saison à prédominance cynégétique, <strong>la</strong> pêche prend plus<br />
ou moins le re<strong>la</strong>is <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, les popu<strong>la</strong>tions tirant profit <strong>de</strong> <strong>la</strong> décrue <strong>de</strong>s rivières durant les<br />
saisons sèches. La pêche peut être pratiquée en association avec <strong>la</strong> chasse, lorsque les <strong>de</strong>ux<br />
activités peuvent être combinées sur un même espace et durant une même pério<strong>de</strong>. La<br />
saisonnalité <strong>de</strong> l’activité cynégétique est moins évi<strong>de</strong>nte à Makokou et <strong>la</strong> chasse continue d’être<br />
pratiquée en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s saisons propices ; il en est <strong>de</strong> même pour <strong>la</strong> pêche. Pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong><br />
commodité, tous les campements <strong>de</strong> chasse sont localisés près d’un cours d’eau, ce qui permet<br />
<strong>de</strong> s’adonner à <strong>la</strong> pêche dans les moments <strong>de</strong> <strong>la</strong> journée où le chasseur ne visite pas par exemple<br />
ses pièges.<br />
- 344 -
Quant à <strong>la</strong> cueillette, elle est pratiquée tout le long <strong>de</strong> l’année avec <strong>de</strong>s pics entre<br />
novembre et mai. Cette pério<strong>de</strong> est dominée par les pluies et <strong>la</strong> forêt en cette saison est riche en<br />
fruits. La cueillette à Makokou consiste à ramasser les fruits, les p<strong>la</strong>ntes à usages alimentaires<br />
(ex : le Gnetum africanum, Gnetaceae), utilitaires (les Marantacées du genre Megaphrynium et<br />
Sarcophrynium ; le raphia…) magico-religieux (l’Iboga), etc. Cette activité coïnci<strong>de</strong> pour<br />
beaucoup avec <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse car les Hommes sont en cette saison en compétition avec<br />
les animaux pour les fruits (Cou<strong>la</strong> edulis, Irvingia gabonensis, Trichoscypha acuminata etc.)<br />
qu’ils affectionnent autant. Contrairement aux autres régions du Gabon et <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région, <strong>la</strong><br />
collecte <strong>de</strong> produits animaux pour l’alimentation tels que les insectes (chenilles, <strong>la</strong>rves <strong>de</strong><br />
Charançon, etc.), les escargots, etc. est négligeable. Les chenilles, les sauterelles et bien<br />
d’autres insectes constituent au sud-est Gabon, dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>teaux Batéké où <strong>la</strong> faune<br />
sauvage est <strong>de</strong>venue rare, l’essentiel <strong>de</strong> l’apport protéique <strong>de</strong> base <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions (Okouyi,<br />
obs. pers.).<br />
Les p<strong>la</strong>ntations et les jachères font à Makokou comme un peu partout dans l’ensemble<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région, l’objet d’une chasse d’appoint, essentiellement en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s saisons<br />
cynégétiques prépondérantes. Elles permettent aux chasseurs <strong>de</strong> se procurer les proies<br />
re<strong>la</strong>tivement faciles que représentent les prédateurs <strong>de</strong>s récoltes. Les chasseurs combinent ainsi,<br />
dans une certaine mesure, <strong>la</strong> chasse et l’agriculture au sein d’un même espace, ce qui leur<br />
permet <strong>de</strong> continuer à disposer <strong>de</strong> ressources fauniques en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong>s saisons cynégétiques<br />
prédominantes en complément du poisson et <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> cueillette et sans que ce<strong>la</strong> leur<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’effort supplémentaire.<br />
I.4. Conclusion<br />
La chasse à Makokou est, au vu <strong>de</strong>s espèces prélevées et <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> capture, une<br />
activité re<strong>la</strong>tivement spécialisée et adaptée aux conditions naturelles et socioéconomiques<br />
locales. Elle a connu comme partout dans <strong>la</strong> sous-région, divers changements technologiques et<br />
culturels ainsi que les conséquences du développement économique avec <strong>de</strong>s répercussions<br />
sociales non négligeables. Pour bon nombre d’Ogivins <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse s’intègre dans<br />
une stratégie <strong>de</strong> subsistance où se combinent diverses sources <strong>de</strong> revenus. Cependant, cette<br />
activité <strong>de</strong> subsistance trouve également une motivation culturelle très forte qui dynamise<br />
continuellement les savoirs cynégétiques locaux dans un but d’optimiser les captures. La chasse<br />
est généralement associée à d’autres activités (agriculture, pêche, cueillette, petits commerces<br />
variés, prestations <strong>de</strong> service, etc…) et permet d’assurer un revenu mo<strong>de</strong>ste mais nécessaire à <strong>la</strong><br />
- 345 -
survie <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille. En effet, il existe une forte interactivité et complémentarité entre <strong>la</strong> chasse<br />
et ces autres activités, à <strong>la</strong> fois en termes <strong>de</strong> pratiques et sur le p<strong>la</strong>n monétaire. La chasse, <strong>la</strong><br />
pêche, <strong>la</strong> cueillette et, dans une moindre mesure, l’agriculture sont donc combinées par les<br />
Ogivins afin <strong>de</strong> répondre aux exigences <strong>de</strong> <strong>la</strong> subsistance et <strong>de</strong> <strong>la</strong> culture. Cette combinaison est<br />
effectuée tout au long <strong>de</strong> l’année, les différentes activités se succèdant dans le temps, mais aussi<br />
au sein d’une même pério<strong>de</strong> et sur un même espace. La pêche prend le re<strong>la</strong>is <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
durant <strong>la</strong> saison sèche, tout en lui fournissant un complément pendant <strong>la</strong> saison cynégétique et<br />
inversement.<br />
Les structures <strong>de</strong> parenté sont un déterminant majeur <strong>de</strong> l’accès et <strong>de</strong> <strong>la</strong> répartition <strong>de</strong>s<br />
ressources. Le gibier constitue aussi une source clé en tant que marqueur <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions sociales<br />
et <strong>de</strong> parenté. En effet, les règles qui conditionnent les possibilités d’exploitation<br />
« traditionnelles » <strong>de</strong>s ressources naturelles forestières reposent essentiellement sur les liens <strong>de</strong><br />
parenté, puisque l’accès aux terroirs est conditionné dans <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s cas par l’appartenance<br />
<strong>de</strong>s individus à un lignage « ayant droit » sur une zone géographique donnée.<br />
Section II : Le commerce <strong>de</strong> gibiers, une issue sociale pour <strong>de</strong>s femmes<br />
Ogivines<br />
Les enquêtes <strong>de</strong> commercialisation du gibier nous ont permis <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce<br />
l’importance <strong>de</strong> cette activité dans l’économie domestique <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Makokou. Par<br />
rapport aux difficultés liées au manque d’emploi que connaît <strong>la</strong> région, le trafic <strong>de</strong> gibier<br />
apparaît comme une solution qui ira en se développant tant que <strong>la</strong> ressource sera disponible et<br />
ce, en dépit <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> protection existantes même ci celles-ci se développent. Il génère <strong>de</strong>s<br />
revenus substantiels pour les commerçantes et contribue donc, par extension, à l’économie<br />
<strong>national</strong>e. Cette tendance est générale dans le pays puisqu’il existe <strong>de</strong>s marchés <strong>de</strong> gibier<br />
sauvage dans presque tous les centres urbains du pays. Plusieurs enquêtes <strong>de</strong> commercialisation<br />
<strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse ont été effectuées un peu partout dans le pays (Steel, 1994 ; DABAC,<br />
2003 ; WCS-WWF, 2002) et, à chaque fois, le gibier sauvage occupe une p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> choix.<br />
- 346 -
II.1. Le "pouvoir" <strong>de</strong>s femmes où l’impact du commerce <strong>de</strong> gibier sur <strong>la</strong> dynamique sociale à<br />
Makokou<br />
Dans une société où les femmes sont majoritairement sans emploi rémunéré, les<br />
hommes les tiennent sous leur domination car elles sont totalement dépendantes d’eux sur le<br />
p<strong>la</strong>n matériel et financier. À Makokou, certaines femmes échappent à ce statut notamment les<br />
commerçantes <strong>de</strong> gibier (quelque soit le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vente <strong>de</strong> gibier) dont <strong>la</strong> majorité sont<br />
célibataires où mènent une vie <strong>de</strong> famille monoparentale. Fort est <strong>de</strong> croire que cette activité est<br />
incompatible avec une vie maritale. Ainsi, lorsque l’on examine <strong>de</strong> près l’activité journalière <strong>de</strong><br />
ces femmes, il ne reste que peu <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce pour <strong>la</strong> vie au foyer. Elles sont présentes au marché <strong>de</strong><br />
7 h à 18 h voire plus. Prenons l’exemple d’une commerçante à l’éta<strong>la</strong>ge : dès 5 h du matin, elle<br />
se lève pour apprêter le gibier qui sera vendu <strong>la</strong> journée. Lorsqu’il s’agit du Potamochère par<br />
exemple, elle va le mettre au feu pour brûler les poils et le nettoyer afin qu’il soit présentable<br />
sur l’éta<strong>la</strong>ge. Cet apprêt est aussi va<strong>la</strong>ble pour les Singes 98 , le Pangolin géant et les<br />
Crocodiles 99 . Si <strong>la</strong> commerçante a <strong>de</strong>s enfants à bas-âge, <strong>la</strong> situation est souvent plus<br />
compliquée. En effet, les c<strong>la</strong>sses ouvrant à 8 h, <strong>la</strong> commerçante, si elle n’habite pas loin du<br />
point <strong>de</strong> vente et si elle n’a personne pour <strong>la</strong> re<strong>la</strong>yer, est obligée <strong>de</strong> revenir chez elle afin<br />
d’apprêter les enfants pour l’école. Le risque pour elle est <strong>de</strong> rater un arrivage ou tout<br />
simplement <strong>de</strong>s clients que ses consoeurs n’hésiteront pas à détourner vers leurs éta<strong>la</strong>ges.<br />
Généralement, <strong>la</strong> ven<strong>de</strong>use prépare un repas pour <strong>la</strong> journée qu’elle <strong>la</strong>isse à <strong>la</strong> maison ou<br />
qu’elle ramène au marché pour nourrir les enfants à l’heure du déjeuner 100 . Certains concubins<br />
ou époux les rejoignent au marché pour également se restaurer. Même si <strong>la</strong> marchandise prévue<br />
pour <strong>la</strong> journée est écoulée, il est souhaitable <strong>de</strong> rester sur p<strong>la</strong>ce au marché pour se ravitailler en<br />
gibier surtout en milieu d’après-midi, pério<strong>de</strong> à <strong>la</strong>quelle les taxis brousses reviennent <strong>de</strong>s<br />
vil<strong>la</strong>ges. L’activité <strong>de</strong> vente ne consiste pas uniquement à exposer le gibier et attendre ; les<br />
commerçantes doivent découper le gibier, faire <strong>de</strong>s tas, attirer <strong>la</strong> clientèle en s’égosil<strong>la</strong>nt et<br />
surtout surveiller <strong>la</strong> marchandise qui exposée à l’air libre, attire non seulement les mouches qui<br />
se donnent à cœur joie pour y déposer leurs œufs, mais également les chiens errants qui<br />
n’hésitent pas à détourner une carcasse à leur insu. Mais tout ce<strong>la</strong> s'effectue dans une ambiance<br />
conviviale car le marché <strong>de</strong> gibier n’est pas uniquement un lieu <strong>de</strong> commerce ; il est également<br />
98<br />
C’est généralement le Mandrill qui nécessite qu’on le découpe et brûle ses poils avant <strong>la</strong> vente. Les autres Singes<br />
sont souvent vendus en entier.<br />
99<br />
Ces gibiers ont <strong>de</strong>s écailles qu’il faut retirer avant <strong>de</strong> les exposer à <strong>la</strong> vente en les faisant bouillir pendant<br />
plusieurs heures.<br />
100<br />
Le système <strong>de</strong> cantine n’existe pas au Gabon et les enfants sont obligés <strong>de</strong> rentrer chez eux à l’heure du<br />
déjeuner. Ceux qui ne peuvent rentrer chez eux, errent dans <strong>la</strong> cour <strong>de</strong> l’école ou dans <strong>la</strong> rue en attendant <strong>la</strong><br />
réouverture <strong>de</strong>s c<strong>la</strong>sses.<br />
- 347 -
un lieu <strong>de</strong> rencontre, <strong>de</strong> discussion, <strong>de</strong> distraction (plusieurs bistrots jouxtent le marché <strong>de</strong><br />
gibier) et même <strong>de</strong> jeux pour les enfants. Le soir, elles doivent enfin s’occuper <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison,<br />
<strong>de</strong>s enfants et du conjoint. Généralement avant 21h, elles sont couchées. Le calendrier peut être<br />
plus compliqué lorsque les commerçantes doivent aller elles-mêmes à <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
marchandise.<br />
Les commerçantes <strong>de</strong> gibier à l’éta<strong>la</strong>ge en dépit <strong>de</strong>s apparences, sont très solidaires<br />
entres elles. Elles forment une sorte <strong>de</strong> groupe hiérarchisé mais re<strong>la</strong>tivement cloisonner où les<br />
anciennes jouent un rôle prépondérant. Les re<strong>la</strong>tions intragroupes, favorisées par <strong>de</strong>s liens <strong>de</strong><br />
parenté et d’amitié, sont renforcées par le système <strong>de</strong> tontine 101 auquel <strong>la</strong> majorité sont<br />
adhérentes. Ce système très en vogue au Cameroun, fait peu à peu son chemin au Gabon. Il<br />
consiste à cotiser un certain montant par pério<strong>de</strong> (généralement par semaine ou chaque fin <strong>de</strong><br />
mois) et à tour <strong>de</strong> rôle chacune <strong>de</strong>s participantes percevra <strong>la</strong> totalité <strong>de</strong>s cotisations. C’est ce<br />
système qui notamment a permis à <strong>de</strong> nombreuses commerçantes <strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong>s projets tels que<br />
<strong>la</strong> construction <strong>de</strong> leur maison ou encore l’achat d'un véhicule d’occasion.<br />
L’une <strong>de</strong>s particu<strong>la</strong>rités <strong>de</strong> ces femmes, comme nous l’avons déjà évoqué plus haut,<br />
c’est le pouvoir <strong>de</strong> pression politique qu’elles représentent à Makokou. Il est coutume<br />
d’entendre dire à Makokou que pour gagner une élection, il faut avoir le soutien du marché du<br />
Quartier Central. Le propriétaire <strong>de</strong> ce marché M. Afane en a lui-même fait les frais lors <strong>de</strong><br />
l’élection municipale <strong>de</strong> 2003 où il était un <strong>de</strong>s candidats. Durant cette pério<strong>de</strong>, il refusa <strong>de</strong><br />
prendre en compte les revendications <strong>de</strong>s commerçantes <strong>de</strong> son marché, notamment celles du<br />
marché à gibier, d’améliorer leurs conditions <strong>de</strong> travail 102 , dans <strong>la</strong> mesure où elles payaient une<br />
sorte <strong>de</strong> taxe journalière <strong>de</strong> 500 FCFA par commerçante (soit environ 1.872.000 FCFA par an<br />
pour 13 commerçantes). Elles ont alors toutes unanimement voté contre lui en plus <strong>de</strong> lui<br />
montrer ouvertement par une campagne contestataire qu’elles le désavouait. La réaction<br />
immédiate <strong>de</strong> M Afane fût <strong>de</strong> les chasser <strong>de</strong> son marché, mais il est vite revenu à <strong>la</strong> raison.<br />
Aujourd’hui le marché a subi une cure <strong>de</strong> jouvence au grand p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong>s commerçantes, mais<br />
beaucoup reste à faire. Dans un autre registre, un <strong>de</strong>s inspecteurs <strong>de</strong>s Eaux et Forêts <strong>de</strong><br />
Makokou aurait été muté après avoir entrepris <strong>de</strong>s actions à l’encontre <strong>de</strong>s commerçantes <strong>de</strong><br />
gibier. Ces <strong>de</strong>rnières auraient fait une marche protestataire dans Makokou qui aurait valu le<br />
départ en urgence <strong>de</strong> cet inspecteur. Depuis lors, tous les agents <strong>de</strong> l’État <strong>de</strong> ce secteur qui<br />
viennent à Makokou et même les ONGs <strong>de</strong> conservation présentes sur p<strong>la</strong>ce, au risque <strong>de</strong> subir<br />
le même sort, se gar<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> les inquiéter. En définitive, les commerçantes <strong>de</strong> gibier <strong>de</strong><br />
101<br />
Système <strong>de</strong> rentes viagères collectives qui résultent <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en commun d’un capital, et qui peuvent être<br />
reportées sur les survivants.<br />
102<br />
Les commerçantes <strong>de</strong>mandaient entre autres <strong>de</strong> nettoyer régulièrement leur espace sensible <strong>de</strong> travail,<br />
d’aménager les éta<strong>la</strong>ges en les faisant en béton plus soli<strong>de</strong> et <strong>de</strong> fournir <strong>de</strong>s tables et <strong>de</strong>s chaises.<br />
- 348 -
Makokou sont <strong>de</strong>s actrices <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière avec lesquelles il faut composer et non chercher à<br />
combattre.<br />
II.2. Le commerce <strong>de</strong> gibier à Makokou, plus <strong>de</strong> 10 ans après<br />
En 1993, Sally Lahm publiait ses résultats sur une étu<strong>de</strong> du suivi sur 3 mois (janvier à<br />
mars 1990) du commerce <strong>de</strong> gibier sur le marché <strong>de</strong> Makokou. En 1996, le même auteur<br />
publiait les données d’une enquête vil<strong>la</strong>geoise <strong>de</strong> chasse menée dans 3 localités différentes. Le<br />
Tableau 28 ci-<strong>de</strong>ssous juxtapose ces données aux résultats obtenus dans cette thèse pour avoir<br />
une idée <strong>de</strong> l’évolution <strong>de</strong>s tendances. Plus <strong>de</strong> dix ans après, celles-ci sont sensiblement les<br />
mêmes (Figure 22). Les Ongulés (57,5% ; N = 254) étaient déjà les gibiers les plus soumis à <strong>la</strong><br />
pression cynégétique dans les vil<strong>la</strong>ges et les plus vendus (82,5% ; N = 160) par les<br />
commerçantes du marché <strong>de</strong> Makokou. Le Céphalophe bleu était déjà en tête <strong>de</strong>s gibiers<br />
chassés (37,4%) et commercialisés (56,3%). Les Primates semb<strong>la</strong>ient plus chassés ave 18,5 %<br />
du total (N= 254 individus). Ce groupe venait après les Ongulés et avant les Rongeurs. Ils<br />
étaient également plus représentés sur le marché <strong>de</strong> Makokou (9,4% contre 4,8% actuellement).<br />
Le Hocheur à lui seul représentait 5,5% du total <strong>de</strong>s captures. Les différentes crises d’Ébo<strong>la</strong> où<br />
les Primates ont été <strong>la</strong>rgement incriminés, auraient-elles fait diminuer leur consommation à<br />
Makokou ? L’Athérure africain (11%) était également plus présent qu’actuellement<br />
contrairement au Potamochère, ces dix <strong>de</strong>rnières années ayant été favorables au développement<br />
<strong>de</strong> son commerce. La surprise vient du fait que chez les Carnivores, <strong>la</strong> Nandinie aurait pris <strong>la</strong><br />
p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> Panthère (1,6%) autrefois plus chassée, probablement pour sa peau, à une époque où<br />
le commerce <strong>de</strong> ces produits était florissant et moins réprimé par <strong>la</strong> loi.<br />
Tableau 28 : Analyse <strong>de</strong>s tendances d’abondance <strong>de</strong> gibier sur le marché <strong>de</strong> Makokou en 1993<br />
et en 2004<br />
Groupes<br />
taxonomiques<br />
Lahm, commerce sur le marché<br />
<strong>de</strong> Makokou (1993)<br />
étu<strong>de</strong> sur 3 mois<br />
Lahm, Chasse dans 3<br />
vil<strong>la</strong>ges <strong>de</strong> Makokou<br />
(1996) ; étu<strong>de</strong> sur ? mois<br />
Okouyi, commerce sur le<br />
marché <strong>de</strong> Makokou<br />
(2004) ; étu<strong>de</strong> sur 12<br />
mois<br />
N = 160 % total N=254 % total N=5168 % total<br />
Ongulés 132 82,5 146 57,5 4380 84,8<br />
Primates 15 9,4 47 18,5 249 4,8<br />
Carnivores 1 0,6 12 4,7 31 0,6<br />
Reptiles 2 1,3 5 2 94 1,8<br />
Rongeurs 9 5,6 35 13,8 308 6<br />
Pholidotes 1 0,6 9 3,5 92 1,8<br />
- 349 -
Figure 22 : Tendance évolutive du commerce <strong>de</strong> gibier au marché <strong>de</strong> Makokou<br />
% <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives<br />
90<br />
80<br />
70<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
1993 1996 2004<br />
Ongulés Primates Carnivores Reptiles Rongeurs Pholidotes<br />
Groupes taxonomiques<br />
Cette Figure met également en évi<strong>de</strong>nce <strong>la</strong> corré<strong>la</strong>tion entre les animaux chassés aux<br />
vil<strong>la</strong>ges et les gibiers retrouvés sur le marché <strong>de</strong> Makokou. Les courbes <strong>de</strong> commercialisation<br />
<strong>de</strong> gibiers <strong>de</strong> 1993 et 2004 sont semb<strong>la</strong>bles à celle <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse <strong>de</strong> 1996, ce qui montre que le<br />
gibier chassé à Makokou a été, durant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> considérée, majoritairement commercialisé.<br />
II.3. Le commerce <strong>de</strong> gibier Ogivin par rapport au reste du pays<br />
Les ONGs WCS et WWF ont effectué récemment une étu<strong>de</strong> <strong>national</strong>e <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au Gabon (WCS et WWF, 2002). Dix sept marchés (5 à Libreville<br />
et 12 à l’intérieur du pays) ont été suivis pendant environ une dizaines d’années. Il ressort <strong>de</strong><br />
cette étu<strong>de</strong> que 95 espèces animales sont commercialisées au Gabon dont 34 espèces ayant un<br />
statut <strong>de</strong> protection intégrale ou partielle. Au total 81.041 individus ont été recensés. La Figure<br />
23 ci-<strong>de</strong>ssus compare les abondances re<strong>la</strong>tives aux différents groupes taxonomiques <strong>de</strong>s<br />
données <strong>de</strong> marchés du WCS avec celles présentées dans ce chapitre. On constate que le groupe<br />
<strong>de</strong>s Rongeurs contrairement aux Ongulés, est nettement moins abondant sur le marché <strong>de</strong><br />
Makokou que sur les autres marchés nationaux. De plus, le ″phénomène″ Potamochère (2,86%<br />
sur le p<strong>la</strong>n <strong>national</strong>) semble être spécifique à <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou puisque ce gibier<br />
n’intervient qu’à <strong>la</strong> septième p<strong>la</strong>ce sur le p<strong>la</strong>n <strong>national</strong> <strong>de</strong>rrière l’Athérure africain (27,1%) le<br />
- 350 -
Céphalophe bleu (26,33%), le Céphalophe bai (9,64%), le Céphalophe <strong>de</strong> Peters (6,6%), le<br />
Hocheur (4,76%) et le Moustac (4,72%) (WCS Gabon, 2002). La Figure 24 compare les<br />
abondances re<strong>la</strong>tives <strong>de</strong> 8 espèces les plus abondantes sur le marché <strong>de</strong> Makokou et par rapport<br />
à <strong>la</strong> tendance <strong>national</strong>e.<br />
Figure 23 : Comparaison <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives <strong>de</strong>s différents groupes taxonomiques<br />
% d'abondance<br />
90<br />
80<br />
70<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
38,7<br />
6<br />
3,7<br />
0,6<br />
1<br />
1,8<br />
WCS (Gabon) OKOUYI (Makokou)<br />
40,5<br />
Rongeurs Carnivores Pangolins Ongulés Reptiles Primates Oiseaux<br />
84,8<br />
Groupe taxomique<br />
Figure 24 : Comparaison <strong>de</strong>s abondances re<strong>la</strong>tives par espèce <strong>de</strong>s 6 principaux gibiers<br />
%<br />
40<br />
35<br />
30<br />
25<br />
20<br />
15<br />
10<br />
5<br />
0<br />
16,5<br />
2,86<br />
% total à Makokou (Okouyi) % total, tendance <strong>national</strong>e (WCS)<br />
14,2 14<br />
6,6<br />
9,64<br />
34,2<br />
26,33<br />
1,6<br />
0,61<br />
1,8<br />
2,13 2,2 1,95<br />
popo ceca cedo cemo masp hyaq ataf ceni<br />
Espèces<br />
14<br />
5,6<br />
4,8<br />
27,1<br />
1,2<br />
2,1<br />
0,3<br />
4,76<br />
- 351 -
Selon cette enquête <strong>national</strong>e, l’Athérure africain est le gibier le plus commercialisé au<br />
Gabon. Il est suivi du Céphalophe bleu. À Makokou, ce Rongeur pourtant également apprécié<br />
<strong>de</strong>s consommateurs Ogivins, ne vient qu’en cinquième position, après les Céphalophes et le<br />
Potamochère. Cette particu<strong>la</strong>rité <strong>de</strong> Makokou peut s’expliquer par <strong>de</strong>s <strong>de</strong>nsités re<strong>la</strong>tivement<br />
élevées d’autres espèces animales en forêt qui <strong>la</strong>isse le choix aux chasseurs et par le fait que ce<br />
Rongeur sera préférentiellement consommé par le chasseur.<br />
II.4. La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse l’aliment carné le moins cher <strong>de</strong> Makokou<br />
À Makokou, comme nous l’avons déjà suggéré, le prix au kilogramme <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse est moins cher que celui <strong>de</strong>s autres produits alimentaires d’origine animale (Tableau<br />
29). En effet, que ce soit en comparaison avec le poisson fumé d’eau douce (dont le prix moyen<br />
au kg est d’environ 5.000 FCFA ; Photo 29), le poisson d’eau douce frais (dont le prix moyen<br />
au kg est d’environ 2.000 FCFA ; Photo 30) ou le reste d’aliments communément appelés à<br />
Makokou les embaumés, pour désigner les aliments surgelés d’origine animale, <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse reste l’un <strong>de</strong>s produits les moins chers et l’un <strong>de</strong>s plus aisément disponibles. De plus,<br />
les Ogivins y sont particulièrement attachés culturellement. Au Cameroun également selon<br />
Bahuchet et Ioveva (1998), le gibier qui reste l’aliment le plus apprécié et pourvu d’une image<br />
très valorisée, n’est plus un met <strong>de</strong> luxe comme il le fût naguère. Il est <strong>de</strong>venu le menu<br />
quotidien <strong>de</strong> milliers <strong>de</strong> passants, employés et fonctionnaires. Cette situation n’est pas typique<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région puisque elle se généralise en Afrique Orientale et Australe. En effet, lors<br />
d’une enquête sur <strong>de</strong>ux années, menée par Barnett (2002) sur le commerce <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong><br />
d’origine sauvage il ressort que cette ressource est moins chère que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> troupeaux<br />
domestiques dans six <strong>de</strong>s sept pays étudiés 103 . Ainsi en Tanzanie et au Kenya par exemple, <strong>la</strong><br />
vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse représente souvent <strong>la</strong> seule source <strong>de</strong> protéines pour les popu<strong>la</strong>tions car <strong>la</strong><br />
vian<strong>de</strong> d’animaux domestiques est rare et atteint <strong>de</strong>s prix prohibitifs. Au Zimbabwe et au<br />
Botswana, <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse est respectivement 75% et 30% moins chère que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
troupeaux domestiques.<br />
103 Botswana, Kenya, Ma<strong>la</strong>wi, Mozambique, Tanzanie, Zambie et Zimbabwe.<br />
- 352 -
Tableau 29 : Comparaison <strong>de</strong>s prix au kg <strong>de</strong> certains gibiers sauvages avec ceux d’autres<br />
produits c<strong>la</strong>ssiques <strong>de</strong> l’alimentation à Makokou<br />
Produit Prix au kg (Fcfa)<br />
Gibier sauvage<br />
Prix au kg (Fcfa)<br />
Ragoût <strong>de</strong> boeuf 1600 ataf 1574<br />
Rognon <strong>de</strong> boeuf 1400 ceca 640<br />
Tripe <strong>de</strong> boeuf 1750 cedo 646<br />
Queue <strong>de</strong> boeuf 2000 cemo 1014<br />
Ailes <strong>de</strong> poulet 1400 cenig 684<br />
Cuisses <strong>de</strong> poulet 1400 cece 991<br />
Ailes <strong>de</strong> din<strong>de</strong> 1500 ceni 722<br />
Poulet entier 2000 hyaq 821<br />
Pattes <strong>de</strong> poulet<br />
POISSON<br />
1350 loal 716<br />
Daura<strong>de</strong> 1650 nabi 1028<br />
Bar 1600 croco 828<br />
Capitaine 1650 matr 1127<br />
Poisson rouge 1600 popo 532<br />
Bossus 1450 magi 471<br />
Disque 1500 au<strong>la</strong>c 797<br />
Sole 1700 trsp 498<br />
Maqueraux 1300 masp 610<br />
À cette réalité économique s’ajoute le fait que les embaumés sont <strong>de</strong> moins en moins<br />
consommés par certains Ogivins qui suivent <strong>de</strong> près l’actualité inter<strong>national</strong>e. De <strong>la</strong> vache folle<br />
à <strong>la</strong> grippe aviaire en passant par <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> ″synthétique″, ils ont opté pour les produits du<br />
terroir dont <strong>la</strong> faune sauvage fait partie. Seuls les jeunes, au fait du mo<strong>de</strong>rnisme, revendiquent<br />
les produits dit « <strong>de</strong>s b<strong>la</strong>ncs » dans lesquels ils ont une entière confiance. Les parents eux,<br />
préfèrent <strong>de</strong>s produits plus traditionnels même si <strong>de</strong>puis peu, à travers <strong>la</strong> pandémie d’Ébo<strong>la</strong>,<br />
« les b<strong>la</strong>ncs » essayent <strong>de</strong> les dissua<strong>de</strong>r <strong>de</strong> consommer l’un <strong>de</strong>s produits phare <strong>de</strong> leur<br />
alimentation (Canopée N°24, Juillet 2003).<br />
II.5. Le contexte légis<strong>la</strong>tif admis pour le commerce <strong>de</strong> gibier<br />
Le commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au Gabon, s’inscrit dans le domaine <strong>de</strong> l’économie<br />
informelle. Les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière développent donc une attitu<strong>de</strong> opportuniste et parfois<br />
irresponsable. À Makokou, les commerçantes <strong>de</strong> gibier représentent un pouvoir d’action et <strong>de</strong><br />
pression telle, que l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts évite <strong>de</strong>s accrochages. De fait, sur ce<br />
marché sont vendus au vu et au sus <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s espèces intégralement et partiellement<br />
protégées comme le Pangolin géant (Photo 31), le Chevrotain aquatique et bien d’autres.<br />
- 353 -
Photo Okouyi<br />
Photo 29: Poissons fumés exposés à <strong>la</strong> vente au marché <strong>de</strong> Makokou (Le tas est vendu<br />
2000 FCFA)<br />
Photo Okouyi<br />
Photo 30 : Poissons d’eau douce exposés à <strong>la</strong> vente au débarcadère <strong>de</strong> Loaloa. Le tas est vendu<br />
2000 FCFA<br />
Paquet <strong>de</strong> poisson<br />
frais à 2000 Fcfa<br />
Tas <strong>de</strong> poissons<br />
fumés à 2000 Fcfa<br />
- 354 -
Le gibier est vendu toute l’année bienqu'il existe une légis<strong>la</strong>tion en matière<br />
d’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage au Gabon qui mentionne l’existence <strong>de</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse,<br />
dans <strong>la</strong>quelle <strong>de</strong>vraient également s’insérer nos commerçantes. La légis<strong>la</strong>tion gabonaise fait<br />
allusion, sans être très c<strong>la</strong>ire, à l’activité <strong>de</strong> vente <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse mais le cadre est<br />
peu défini, ce qui suppose qu’il serait souhaitable que les commerçantes s’organisent<br />
juridiquement pour exercer leurs activités en toute légalité. Mais les réalités <strong>de</strong> terrain, nous<br />
l’avons vu dans ce chapitre, sont autres. Plusieurs questions peuvent alors être posées sur<br />
l’applicabilité <strong>de</strong> cette légis<strong>la</strong>tion sur le terrain ou tout simplement sur le refus <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions, en fonction <strong>de</strong>s réalités locales <strong>de</strong> se conformer à cette loi. Il s’agit <strong>de</strong> questions<br />
<strong>de</strong> fond qui méritent d’être posées et dont <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> <strong>de</strong> réponses <strong>de</strong>vrait intéresser <strong>de</strong> près<br />
les gestionnaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage.<br />
Photo : J. Okouyi<br />
Photo 31: On retrouve sur le marché <strong>de</strong> Makokou, <strong>de</strong>s espèces intégralement protégées<br />
comme ce Pangolin géant.<br />
II.6. Conclusion<br />
Les chasseurs après avoir fourni <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> à leur famille sont à l’origine <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
majeure partie du commerce <strong>de</strong> cette ressource. Au début ils vendaient d’abord les excès <strong>de</strong><br />
vian<strong>de</strong> dans le cadre d’une économie <strong>de</strong> subsistance. Puis par rapport à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, certains<br />
chasseurs en ont fait une activité à part entière. Par <strong>la</strong> suite, ils ont été re<strong>la</strong>yés dans ce trafic<br />
par <strong>de</strong>s transporteurs (taxis brousses) puis les commerçantes locales en quête <strong>de</strong> profit. En<br />
- 355 -
effet à Makokou tout comme dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s villes africaines <strong>de</strong> <strong>la</strong> région, le commerce <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse est l’apanage <strong>de</strong>s femmes. En 1999, Bahuchet et Iovéva indiquaient 80%<br />
<strong>de</strong> femmes parmi les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> gibier <strong>de</strong> Yaoundé contre près <strong>de</strong> 100% à Libreville<br />
(Houben, comm. pers.). Le gibier sauvage est aujourd’hui une source <strong>de</strong> revenus importants<br />
pour ces femmes. Cette activité leur a également permis <strong>de</strong> s’épanouir financièrement et<br />
socialement dans un contexte local où <strong>la</strong> femme reste généralement au foyer.<br />
Le commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse n’est pas c<strong>la</strong>irement légiféré au Gabon. Aucun<br />
article <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle loi forestière ne le stipule. Cependant, il existe à l’heure actuelle un draft<br />
<strong>de</strong>s décrets d’application <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi 16/01 qui <strong>de</strong>vrait lever le voile sur cette question. Ce<br />
<strong>de</strong>rnier précise que le commerce <strong>de</strong> gibier sauvage pourra s’exercer en toute quiétu<strong>de</strong> mais<br />
uniquement dans le cadre <strong>de</strong> groupements <strong>de</strong> commerçantes ayant obtenu un agrément. Pour<br />
l’heure à Makokou et probablement par ignorance <strong>de</strong> l'exercice <strong>de</strong> leur droit à <strong>la</strong> subsistance,<br />
les commerçantes mènent cette activité dans un esprit d’illégalité et donc d’irresponsabilité.<br />
Par leur pouvoir <strong>de</strong> pression politique, elles ont réussi jusque là à échapper au contrôle <strong>de</strong><br />
l’administration mais cette situation n’est pas viable à terme. Informer les commerçantes <strong>de</strong><br />
leurs droits à exercer cette activité et les amener à les responsabiliser serait franchir une étape<br />
non négligeable pour une meilleure gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage.<br />
Les gens chassent et ven<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> pour gagner leur vie, et d’autres achètent et<br />
consomment parce qu’ils en ressentent le besoin (Bahuchet et al., 1998). Le chapitre qui suit<br />
tentera <strong>de</strong> mieux comprendre, à travers les données récoltées lors <strong>de</strong> l’enquête <strong>de</strong><br />
consommation dans les ménages <strong>de</strong> Makokou, l’importance et <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse dans l’alimentation <strong>de</strong>s Ogivin urbains.<br />
Section III – Le gibier, un aliment culturel à Makokou<br />
La consommation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse est un paramètre très délicat à déterminer ;<br />
très souvent le gibier suit <strong>de</strong>s parcours aussi divers que complexes. Pour un gibier qui<br />
arriverait dans une cuisine, rien ne garantit qu’il sera consommé uniquement par cette famille.<br />
Non seulement une part <strong>de</strong> gibier peut être commercialisée (même en petits morceaux),<br />
l’autre part du gibier pouvant être <strong>de</strong>stinée à l’entrai<strong>de</strong> familiale. La part <strong>de</strong>stinée uniquement<br />
à <strong>la</strong> consommation familiale est très irrégulière dans le temps et donc reste très difficile à<br />
déterminer.<br />
À Makokou nous l’avons vu, <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse peut être consommée dans trois<br />
lieux principaux : restaurant (celui <strong>de</strong> l’hôtel y compris), dans <strong>la</strong> rue ou à domicile. Ce qui<br />
- 356 -
donne plusieurs possibilités <strong>de</strong> trouver cet aliment dont le prix peut être très abordable à<br />
certains endroits. De plus, <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource en gibiers sauvages offre encore aux<br />
consommateurs <strong>de</strong> Makokou <strong>de</strong> nombreuses possibilités <strong>de</strong> choix.<br />
III.1. La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, une source diversifiée <strong>de</strong> nourriture et <strong>de</strong> protéines<br />
De nombreux gibiers appartenant à différents groupes taxonomiques sont<br />
régulièrement consommés à Makokou aussi bien par les sociétés traditionnelles <strong>de</strong> chasseurs-<br />
cueilleurs que par les communautés rurales et les popu<strong>la</strong>tions urbaines. Les groupes<br />
taxonomiques les plus consommés sont les Artiodactyles avec les Céphalophes, le<br />
Potamochère et les Antilopes ; le groupe <strong>de</strong>s Rongeurs avec l’Athérure et l’Au<strong>la</strong>co<strong>de</strong> ; les<br />
Primates avec les petits Singes, les oiseaux avec les Ca<strong>la</strong>os, les Pinta<strong>de</strong>s forestières et les<br />
Perdrix et enfin les Reptiles avec les Crocodiles et le Python. Ces gibiers sont généralement<br />
cuisinés avec <strong>de</strong>s condiments locaux tels que le Dika, <strong>la</strong> noix <strong>de</strong> palme et l’arachi<strong>de</strong> qui sont<br />
<strong>de</strong>s spécialités régionales. Ainsi, <strong>de</strong>s ménagères utilisent pour <strong>la</strong> cuisson <strong>de</strong> certains gibiers au<br />
paquet et au feu <strong>de</strong> bois, un condiment à base <strong>de</strong> sels minéraux que l’on peut obtenir en<br />
récupérant <strong>de</strong> <strong>la</strong> cendre d’une branche <strong>de</strong> palmier brûlée ou d’autres végétaux. Le p<strong>la</strong>t cuisiné<br />
avec ce "sel indigène" spécial s’appel le Sukuté très connu dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou. Le<br />
gibier frais ou le poisson <strong>de</strong> rivière frais est généralement associé aux feuilles <strong>de</strong> manioc,<br />
produit <strong>de</strong> base du Sukuté dont <strong>la</strong> cendre rend digeste les feuilles et ramollit <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>. Cette<br />
gran<strong>de</strong> diversité <strong>de</strong> gibiers sauvages et <strong>de</strong> cuissons donnent plusieurs possibilités aux<br />
popu<strong>la</strong>tions d’avoir toujours <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> dans leurs assiettes, d’autant plus que les produits<br />
d’élevage existants (mouton, chèvre, poulet, canard, cochon) sont généralement peu<br />
consommés et réservés pour <strong>de</strong>s cérémonies (offran<strong>de</strong>s, dot, mariage…). La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier<br />
n’est pas <strong>la</strong> seule source <strong>de</strong> protéines à Makokou. On y retrouve également du poisson d’eau<br />
douce (frais ou fumé) qui est l’aliment le plus consommé à Makokou. Re<strong>la</strong>tivement plus cher<br />
que le gibier au kilogramme, le poisson fumé est le mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vente du poisson <strong>de</strong> rivière le<br />
plus rencontré à Makokou. Sous cette forme fumée, le poisson peut se conserver plusieurs<br />
mois et fera donc l’objet <strong>de</strong> trafic entre les vil<strong>la</strong>ges et Makokou et entre Makokou et les autres<br />
villes du pays (Libreville, Franceville, Oyem, etc..).<br />
En estimant grossièrement <strong>la</strong> consommation ménagère d’une espèce comme le<br />
Potamochère, les Ogivins avec 70 g/personne/jour, sont au <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> <strong>la</strong> moyenne <strong>national</strong>e en<br />
consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse estimée par Steel à 47 g/personne/jour (Steel, 1994). Ce<br />
- 357 -
ésultat semble être prévisible vu les difficultés d’approvisionnement et les réalités locales<br />
évoquées précé<strong>de</strong>mment.<br />
D’ailleurs, en comparant les résultats <strong>de</strong>s enquêtes <strong>de</strong> consommation <strong>de</strong> <strong>la</strong> DABAC<br />
sur le marché <strong>de</strong> Libreville, à ceux <strong>de</strong> Makokou (Figure 31), on se rend compte, en analysant<br />
les différentes espèces les plus appréciées et ramenées à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Makokou, que <strong>la</strong><br />
tendance est à une consommation nettement supérieure en vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à Makokou qu’à<br />
Libreville. Ce qui tend à confirmer que <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou est en elle-même un marché en<br />
pleine croissance à <strong>la</strong> fois en raison <strong>de</strong> son isolement géographique et <strong>de</strong> son expansion<br />
démographique.<br />
Figure 31: Comparaison <strong>de</strong>s gibiers les plus appréciés <strong>de</strong>s consommateurs Librevillois et<br />
ceux <strong>de</strong> Makokou<br />
%<br />
70<br />
60<br />
50<br />
40<br />
30<br />
20<br />
10<br />
0<br />
18<br />
58,8<br />
42<br />
Dabac, Libreville Okouyi, Makokou<br />
13,4<br />
22<br />
21,8<br />
Antilopes ataf popo Autres<br />
Espèces gibiers<br />
L’étu<strong>de</strong> du DABAC a également révélé que plus <strong>de</strong> <strong>la</strong> moitié <strong>de</strong>s consommateurs<br />
urbains <strong>de</strong> gibiers (55% à Libreville) se trouvent insatisfaite par les conditions d’hygiène dans<br />
lesquelles s’organise <strong>la</strong> filière <strong>de</strong> commercialisation <strong>de</strong>s vian<strong>de</strong>s <strong>de</strong> brousse. Selon cette même<br />
enquête, 70 % <strong>de</strong>s personnes interrogées ont une préférence pour <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibier<br />
sauvage (par rapport au gibier d’élevage). Parmi eux, 27% évoquent l’habitu<strong>de</strong> alimentaire et<br />
60% <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> consommer <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> sauvage car elle est plus naturelle (méfiance vis-à-<br />
5<br />
5,9<br />
- 358 -
vis du caractère « chimique/artificiel » du gibier d’élevage). Soixante cinq pour cent <strong>de</strong>s<br />
librevillois déc<strong>la</strong>rent consommer du gibier à l’extérieur du ménage (majoritairement en visite<br />
chez <strong>de</strong>s parents ou amis et dans une moindre mesure dans les restaurant ou les maquis).<br />
En 1996, Lahm distinguait déjà les gibiers préférentiellement <strong>de</strong>stinés à <strong>la</strong><br />
consommation <strong>de</strong>s ménages <strong>de</strong> ceux <strong>de</strong>stinés au commerce. Il ressort <strong>de</strong> ses résultats que le<br />
groupe <strong>de</strong>s Artiodactyles (66%), les Rongeurs (63%) les Carnivores (67%) et les Reptiles<br />
(100%) étaient préférentiellement <strong>de</strong>stinés au commerce tandis que les Primates (60%) et les<br />
Pangolins (89%) étaient <strong>de</strong>stinés à <strong>la</strong> consommation domestique. Les tendances sont les<br />
mêmes actuellement où <strong>de</strong>s gibiers comme le Potamochère et les Céphalophes seront<br />
préférentiellement vendus. En 1993, le même auteur a estimé <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibier en<br />
zone rurale dans l’Ogooué-Ivindo entre 100 et 170 g /personne/jour. Par rapport à notre<br />
estimation <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère à Makokou, soit<br />
70 g /personne/jour, ce gibier représenterait entre 41% et 70% <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation totale <strong>de</strong><br />
gibier en milieu vil<strong>la</strong>geois d’il y a plus <strong>de</strong> 10 ans. Ce qui suppose en d’autres termes et par<br />
extrapo<strong>la</strong>tion que, soit <strong>la</strong> consommation urbaine en gibier est supérieure à celle du vil<strong>la</strong>ge,<br />
soit <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibier a <strong>la</strong>rgement augmentée ces <strong>de</strong>rnières années.<br />
Les résultats <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibiers à Makokou sont comparables à ceux que<br />
l’on observe dans <strong>la</strong> sous-région Afrique Centrale et ailleurs mais ils font cependant<br />
apparaître <strong>de</strong>s nuances. En effet, l’étu<strong>de</strong> menée par Atoukam et al. (2002) sur <strong>la</strong><br />
consommation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier dans l’Adamaoua au Cameroun, a mis en évi<strong>de</strong>nce une<br />
prédominance <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> boucanée sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> fraîche cette <strong>de</strong>rnière étant plus onéreuse<br />
que <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> boucanée. Toutes les couches sociales sont impliquées dans cette consommation<br />
mais <strong>de</strong>s interdits alimentaires et les prescriptions religieuses en limitent <strong>la</strong> consommation.<br />
Les musulmans dans l’ensemble répugnent le boucané du fait que les animaux n’aient pas été<br />
tués selon le rituel approprié. Les femmes et surtout les femmes enceintes, tout comme c’est<br />
le cas à Makokou, ne sont pas autorisées à consommer <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> certains gibiers pour <strong>de</strong>s<br />
raisons <strong>de</strong> santé du bébé. Cependant, si les interdits frappent surtout les femmes et les enfants,<br />
les hommes sont par conséquent autorisés à consommer <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> quelques animaux afin<br />
d’acquérir ou <strong>de</strong> renforcer leur courage (Buffle, Eléphant), leur prestige (Panthère, Lion), leur<br />
sagesse et leur adresse (Lièvre, Singes), leur virilité (Pangolin). Enfin à l’Adamaoua, le<br />
rapport qualité/quantité/prix est favorable à un trafic <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier boucanée, dont le<br />
marché est en pleine expansion en dépit <strong>de</strong>s mesures répressives entreprises <strong>de</strong>puis quelques<br />
années (Atoukam et al., 2002).<br />
- 359 -
L’Afrique Centrale n’est pas <strong>la</strong> seule région où le gibier sauvage est très consommé.<br />
L’étu<strong>de</strong> menée par Barnett (2000) a montré qu’au Kenya dans le district Kitui, 80% <strong>de</strong>s<br />
foyers consomment chaque mois, près <strong>de</strong> 14,1 kg <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse et que dans <strong>la</strong> région<br />
rurale <strong>de</strong> Kweneng au Botswana, 46% <strong>de</strong>s foyers en consomment au moins 18,2kg. Très<br />
souvent <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse représente <strong>la</strong> seule source <strong>de</strong> protéines car <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> d’animaux<br />
domestiques est rare et atteint <strong>de</strong>s prix prohibitifs.<br />
III.2. Vers une production légale <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier<br />
Dans les chapitres précé<strong>de</strong>nts, nous avons vu :<br />
- d’une part, que <strong>la</strong> chasse est le principal mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> production <strong>de</strong> gibier sauvage et que<br />
<strong>la</strong> faune sauvage est l’une <strong>de</strong>s principales sources d’aliments carnés d’intérêt nutritionnel et<br />
culturel pour les popu<strong>la</strong>tions ;<br />
- d’autre part, que le développement commercial <strong>de</strong> cette activité <strong>la</strong>issait peu <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce<br />
au renouvellement optimal <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource.<br />
De plus, à partir du moment où les stratégies actuelles <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage<br />
ten<strong>de</strong>nt à exclure l’Homme <strong>de</strong>s milieux producteurs <strong>de</strong> gibier se pose alors le problème <strong>de</strong><br />
l’accès à <strong>la</strong> ressource dont dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> nombreuses popu<strong>la</strong>tions pour leur subsistance. L’une<br />
<strong>de</strong>s alternatives proposées par le projet DABAC pour répondre aux problèmes d’accès à <strong>la</strong><br />
ressource fut <strong>de</strong> proposer d’élever le gibier sauvage afin d’alimenter les centres urbains. Feer<br />
(1996), dans son étu<strong>de</strong> sur « Les potentialités <strong>de</strong> l’exploitation durable et d’élevage du gibier<br />
en zone forestière tropicale », a examiné en détail <strong>la</strong> question <strong>de</strong> production <strong>de</strong> gibier sauvage.<br />
Selon cet auteur, l’élevage <strong>de</strong> gibiers sauvages présente <strong>de</strong>s avantages certains, mais soulève<br />
<strong>de</strong>s problèmes zootechniques et économiques souvent non résolus. Ainsi, alors que <strong>la</strong> chasse<br />
s’exerce sur <strong>de</strong> grands espaces et concerne <strong>de</strong> faibles <strong>de</strong>nsités animales, l’élevage d’espèces<br />
sauvages ne <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au contraire que <strong>de</strong> petites surfaces clôturées où sont concentrés <strong>de</strong><br />
nombreux animaux avec <strong>la</strong> possibilité d’intervenir dans le processus <strong>de</strong> <strong>la</strong> production. Bien<br />
que <strong>de</strong> multiples contraintes économiques existent dès le départ comme le prix <strong>de</strong> revient <strong>de</strong>s<br />
matériaux d’équipement, <strong>de</strong>s aliments, <strong>de</strong> <strong>la</strong> main d’œuvre et <strong>de</strong> l’énergie, les paramètres<br />
biologiques <strong>de</strong>s espèces choisies jouent un rôle <strong>de</strong> premier p<strong>la</strong>n. Comparer les potentialités<br />
<strong>de</strong>s espèces revient à considérer leur reproduction, leur croissance, leurs besoins énergétiques<br />
et leur comportement. Certaines <strong>de</strong> ces caractéristiques peuvent être manipulées dans le but<br />
d’accroître <strong>la</strong> production et les ren<strong>de</strong>ments mais seulement dans <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> <strong>la</strong> p<strong>la</strong>sticité<br />
biologique <strong>de</strong>s animaux.<br />
- 360 -
L’expérience du projet DABAC sur l’élevage du Potamochère n’a pas abouti, mais<br />
celle <strong>de</strong> SODEPAL 104 reste une piste prometteuse qui nous a amené à mettre en p<strong>la</strong>ce<br />
l’élevage d’Ipassa. Cette société a mis en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>puis 1996 une expérience d’élevage <strong>de</strong><br />
Potamochères en semi-liberté et en intensif dont les premiers résultats sont encourageants et<br />
sont à promouvoir. Cette expérience unique en son genre en Afrique Centrale pourrait être le<br />
fer <strong>de</strong> <strong>la</strong>nce <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> d’alternatives à <strong>la</strong> production <strong>de</strong> gibier sauvage dans <strong>la</strong> sous-<br />
région si l’entreprise avait d’autres ambitions que d’œuvrer uniquement pour le social. En<br />
effet, SODEPAL est née <strong>de</strong> <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> l’entreprise COMILOG 105 <strong>de</strong> maintenir les activités<br />
à Bakoumba, localité située au sud-est du Gabon où cette entreprise avait <strong>de</strong>s activités. En<br />
1986, l'achèvement du réseau ferroviaire Transgabonais offrit à COMILOG un accès direct à<br />
<strong>la</strong> mer par Libreville, rendant alors inutile l'acheminement du minerai <strong>de</strong> manganèse jusqu'à<br />
Pointe-Noire. Le téléphérique n'ayant plus lieu d'être, l'activité économique et sociale assurée<br />
par <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> COMILOG menaça <strong>de</strong> disparaître avec les instal<strong>la</strong>tions et le personnel<br />
désormais sans emploi. Conscient du dilemme que représentait <strong>la</strong> cessation <strong>de</strong> son activité à<br />
Bakoumba, COMILOG entreprit <strong>de</strong> proposer une recon<strong>version</strong> d'une partie du personnel en<br />
p<strong>la</strong>ce ainsi que <strong>de</strong>s instal<strong>la</strong>tions en créant un parc animalier à vocation d'élevage (espèces<br />
locales et espèces importées d’autres régions d’Afrique). Il s'agissait d'un moyen <strong>de</strong> conserver<br />
une activité locale, d'assurer <strong>la</strong> pérennité du tissu social et <strong>de</strong> valoriser <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s visant à<br />
une amélioration <strong>de</strong> l'autonomie alimentaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone. SODEPAL développe plusieurs<br />
activités parmi lesquelles <strong>la</strong> pisciculture, l’élevage semi-extensif d’animaux importés<br />
(Impa<strong>la</strong>s, Gnous, Damalisques à front b<strong>la</strong>nc, Autruches) (Source<br />
http://perso.wanadoo.fr/so<strong>de</strong>pal/).<br />
L’expérience d’élevage <strong>de</strong> Potamochère <strong>de</strong> <strong>la</strong> station <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> d’Ipassa s'inscrit<br />
dans <strong>la</strong> perspective <strong>de</strong> combler le déficit <strong>de</strong> connaissances <strong>de</strong> bases sur <strong>la</strong> biologie et<br />
l’écologie <strong>de</strong> cet animal, informations nécessaires et préa<strong>la</strong>bles à toutes initiatives d’élevage,<br />
que SODEPAL n’a malheureusement pas entrepris. L’un <strong>de</strong>s problèmes qu’a rencontré <strong>la</strong><br />
SODEPAL fût d’avoir dès le début, une mortalité élevée <strong>de</strong>s individus, probablement liée<br />
entre autres, à une mauvaise adaptation à leur nouvel environnement. Les Potamochères <strong>de</strong><br />
Bakoumba, pour <strong>la</strong> plupart, proviennent <strong>de</strong> <strong>la</strong> région côtière gabonaise où ils ont été capturés<br />
et transportés. Sachant qu’il a été décrit avec incertitu<strong>de</strong> plusieurs sous- espèces <strong>de</strong><br />
Potamochères (éxistence <strong>de</strong> variantes phénotypiques observables sur le terrain) dans <strong>la</strong> sous-<br />
région (Malbrant et al., 1949), l’idée d’une incompatibilité génétique entre les Potamochères<br />
104 Société d’Exploitation du Parc <strong>de</strong> <strong>la</strong> Lékédi<br />
105 Compagnie Minière <strong>de</strong> l’Ogooué. La COMILOG est une firme du groupe ERAMET qui exploite du<br />
manganèse au Gabon.<br />
- 361 -
existants et ceux importés a été émise comme hypothèse pour expliquer les difficultés<br />
d’élevage <strong>de</strong> SODEPAL. Les éventuels différences génétiques auraient <strong>de</strong>s retombées sur <strong>la</strong><br />
gestion <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions sauvages (fragmentation <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions) ainsi que <strong>de</strong>s conséquences<br />
pour l’élevage. Le projet d’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> variabilité génétique <strong>de</strong>s Potamochères au Gabon <strong>de</strong><br />
l’IRET, en col<strong>la</strong>boration avec les chercheurs <strong>de</strong> l’unité <strong>de</strong> Génétique (UGENET) du CIRMF<br />
pourrait apporter <strong>de</strong>s réponses à ces questions.<br />
III.3. Conclusion<br />
La consommation <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à Makokou est très spécifique à <strong>la</strong> région et<br />
diffère sensiblement <strong>de</strong> celle du reste du pays. Re<strong>la</strong>tivement enc<strong>la</strong>vée, <strong>la</strong> ville <strong>de</strong> Makokou est<br />
très éloignée <strong>de</strong>s principaux centres d’approvisionnement (à environ 580 km <strong>de</strong> Libreville,<br />
430 km <strong>de</strong> Franceville et 400 km d’Oyem) en aliments <strong>de</strong> première nécessité. Ce qui fait que,<br />
inéluctablement, <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse disponible apparaît comme une valeur sûre pour<br />
l’alimentation carnée <strong>de</strong>s Ogivins. La gamme <strong>de</strong> gibiers consommés est <strong>la</strong>rge et l’abondance<br />
re<strong>la</strong>tive <strong>de</strong> cette ressource à Makokou fait que <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion a facilement accès à cet aliment<br />
qui est directement en compétition avec les produits c<strong>la</strong>ssiques importés donc, re<strong>la</strong>tivement<br />
plus chers. De plus, ces produits surgelés communément appelés embaumés sont à Makokou<br />
généralement <strong>de</strong> mauvaises qualités. Ils subissent les aléas du transport et <strong>la</strong> chaîne du froid<br />
n’est pas respectée. Les consommateurs surtout les visiteurs que représentent les Ogivins<br />
habitants à Libreville où dans d’autres régions du pays, les apprécient <strong>de</strong> moins en moins et<br />
revendiquent <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong>s produits du terroir. Ils participent <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière en<br />
rapportant dans <strong>de</strong>s g<strong>la</strong>cières au terme <strong>de</strong> leur séjour à Makokou <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s quantités <strong>de</strong><br />
gibiers obtenues soit <strong>de</strong>s parents, soit qu’ils ont acheté au marché <strong>de</strong> Makokou dont les prix<br />
sont beaucoup moins chers que sur les marchés <strong>de</strong> Franceville ou <strong>de</strong> Libreville. Les marchés,<br />
les rues et les restaurants <strong>de</strong> Makokou offrent plusieurs possibilités d’accès à <strong>la</strong><br />
consommation du gibier. La restauration <strong>de</strong> rue se distingue nettement par <strong>la</strong> qualité <strong>de</strong> ses<br />
services et <strong>de</strong>s prix très abordables pour un grand nombre <strong>de</strong> consommateurs.<br />
En dépit <strong>de</strong> sa consommation généralisée, <strong>la</strong> faune sauvage est soumise à <strong>de</strong>s<br />
restrictions alimentaires strictes qui limitent l’exploitation <strong>de</strong> certaines espèces. Les femmes,<br />
surtout celles qui sont enceintes et les enfants sont les catégories les plus soumises à ces<br />
restrictions alimentaires. Les hommes, généralement les initiés sont plutôt invités à<br />
consommer certaines espèces <strong>de</strong> gibiers pour le prestige. De tous les gibiers consommés le<br />
Potamochère et quelques Céphalophes semblent être débarrassés <strong>de</strong> tout tabou alimentaire et<br />
- 362 -
font partie <strong>de</strong>s gibiers les plus consommés. En effet, au fil du temps, ces gibiers ont pris une<br />
importance économique telle qu’autant les chasseurs, les commerçantes et les consommateurs<br />
participent d'une pression maximale sur ces espèces.<br />
Enfin, les problèmes d’accès à <strong>la</strong> ressource gibier pour une exploitation commerciale,<br />
liés à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s Parcs Nationaux et aux mesures <strong>de</strong> conservations basées sur <strong>la</strong><br />
répression, créent <strong>de</strong>s situations conflictuelles entre les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière et l’administration<br />
qui forcément se conclueront <strong>de</strong> plus en plus au dépens <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions.<br />
L’une <strong>de</strong>s alternatives envisageables à moyen et long terme serait <strong>de</strong> promouvoir à<br />
Makokou l’élevage non seulement d’espèces animales conventionnelles mais également <strong>de</strong><br />
gibier sauvage. En effet, <strong>la</strong> validité <strong>de</strong>s alternatives à <strong>la</strong> chasse comme le petit élevage<br />
domestique, l’élevage du gibier et même <strong>la</strong> pisciculture se discutent plus sur le p<strong>la</strong>n<br />
économique qu’écologique. L’expérience <strong>de</strong> <strong>la</strong> DABAC près <strong>de</strong> Libreville et celle <strong>de</strong><br />
SODEPAL à Bakoumba sont <strong>de</strong>s expériences qui pourraient être initiées dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
Makokou dans le cadre <strong>de</strong> projets pilotes ne serait ce que pour montrer à <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion que<br />
l’élevage d’animaux (conventionnels ou sauvages) pour <strong>la</strong> consommation est possible et que<br />
les embaumés qu’ils achètent tout comme les animaux <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt pourraient n'être plus<br />
indispensables à leur alimentation.<br />
Section IV – La faune sauvage est omniprésente dans les sociétés Ogivines<br />
La région <strong>de</strong> Makokou est très connue sur le p<strong>la</strong>n <strong>national</strong> et inter<strong>national</strong> par <strong>la</strong><br />
qualité <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> en écologie forestière qui y ont été mené. En effet, entre<br />
1960 et 1990, plus <strong>de</strong> 400 publications et revues scientifiques ont été écrites à partir <strong>de</strong>s<br />
travaux <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>s effectués dans <strong>la</strong> région. Malgré tout ce travail <strong>de</strong> <strong>recherche</strong>, on déplore<br />
encore aujourd’hui un manque <strong>de</strong> données ethnoécologiques et anthropologiques sur <strong>la</strong><br />
région. De fait, hormis les travaux <strong>de</strong> Perrois dans les années 1960, et quelques uns <strong>de</strong> Lahm<br />
dans les années 1980, peu d’étu<strong>de</strong>s prennent en compte l’Homme dans les rapports étroits et<br />
multiples qu’il entretient avec <strong>la</strong> forêt et en particulier <strong>la</strong> faune sauvage. Seules les étu<strong>de</strong>s sur<br />
<strong>la</strong> chasse ont été abordées (Lahm, 1993 et 1996, Okouyi, 2001) mais là aussi, sous l’angle <strong>de</strong><br />
l’impact <strong>de</strong> cette activité sur <strong>la</strong> ressource faunique. Pourtant, lorsqu’on arrive dans <strong>la</strong> région<br />
<strong>de</strong> Makokou, pour peu que l’on ait un œil averti, on est très vite frappé par le nombre <strong>de</strong>s<br />
exemples, tels que ceux présentés dans le chapitre VIII, mettant en re<strong>la</strong>tion l’Homme et le<br />
mon<strong>de</strong> animal. Les Gabonais aiment à désigner <strong>de</strong> façon péjorative d’ailleurs, leurs<br />
compatriotes <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo (en particulier les Bakota et les Bakwélé) comme étant les<br />
- 363 -
ethnies les plus « primitives » du pays. C’est en fait une manière ma<strong>la</strong>droite d’affirmer ou <strong>de</strong><br />
reconnaître involontairement que ces ethnies sont parmi les rares ethnies du pays à<br />
s’accrocher à leur i<strong>de</strong>ntité culturelle. La pratique du Satši et autres rites traditionnels, <strong>la</strong><br />
variabilité <strong>de</strong>s différents mo<strong>de</strong>s d’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité biologique dans <strong>la</strong> région et bien<br />
d’autres éléments témoignent <strong>de</strong> cet ancrage culturel. Ceci malgré <strong>la</strong> perte <strong>de</strong>s savoirs, liée<br />
d’une part à <strong>la</strong> fracture entre les anciens et les jeunes et d’autre part à l’émergence <strong>de</strong>s Églises<br />
dites "éveillées" (Église évangélique, Église pentecôtiste…). Les anciens meurent avec leur<br />
savoir et <strong>la</strong>issent <strong>de</strong>rrière eux <strong>de</strong>s générations sans repère et en manque d’i<strong>de</strong>ntité culturelle.<br />
Dans certaines familles, il <strong>de</strong>vient même impossible <strong>de</strong> remonter <strong>la</strong> lignée à plus <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
générations. Dans d’autres cas, ils n’ont plus <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ge, élément <strong>de</strong> base pourtant essentiel<br />
dans l’entretien et le maintien <strong>de</strong>s traditions. À Makokou comme partout ailleurs dans le pays,<br />
les Églises éveillées s’attaquent directement à tous les rites initiatiques ou cultes traditionnels.<br />
Les vil<strong>la</strong>ges sont envahis d’évangélistes qui sous prétexte <strong>de</strong> purification au « nom <strong>de</strong> Jésus »,<br />
détruisent les « fétiches » rencontrés sur leur chemin. Ils perquisitionnent dans les maisons et<br />
détruisent tout ce qui ressemble <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin à un fétiche : amulettes, cornes d’antilopes,<br />
paniers contenant <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> familles, reliquaires, masques…<br />
Pour revenir aux résultats <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong>s <strong>recherche</strong>s scientifiques menés dans cette<br />
région, nous pensons qu’ils ont <strong>la</strong>rgement contribué à mettre en p<strong>la</strong>ce les politiques actuelles<br />
<strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> biodiversité telles qu'elles sont appliquées sur le terrain. L’analyse<br />
même <strong>de</strong> l’histoire d’Ipassa (voir chapitre II, paragraphe V) nous conforte dans cette<br />
hypothèse. Ainsi, en examinant par exemple <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s espèces animales protégées au Gabon,<br />
les chasseurs constatent qu’il s’agit pour <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s gibiers qu’ils apprécient le plus<br />
(Chevrotain aquatique, Pangolin géant, Crocodiles, Gorille, Éléphant…) et dont certaines sont<br />
loin d’être menacées dans leur région car re<strong>la</strong>tivement abondantes (Observations<br />
personnelles). De plus le fait qu’une majorité <strong>de</strong>s animaux sur ces listes ont été <strong>de</strong>s sujets<br />
d’étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> nombreux chercheurs ayant travailler à Ipassa et ailleurs au Gabon, on peut<br />
s’attendre à ce qu’un jour les différentes étu<strong>de</strong>s biologiques et écologiques <strong>de</strong>s espèces en<br />
cours, si elles ne prennent pas en compte les besoins <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions, influeront d’avantage<br />
sur <strong>la</strong> révision <strong>de</strong> ces listes. En 2002 par exemple, les listes d’animaux protégés publiées dans<br />
<strong>la</strong> nouvelle loi forestière gabonaise se sont vues rallongées <strong>de</strong> quatre espèces (Baleine à bosse,<br />
Megaptera novaeangliae ; Pélican b<strong>la</strong>nc, Pelicanus onocrotalus ; Picatharte à cou gris,<br />
Picathartes oreas et Tortue luth, Dermochelys coriacea) pour les animaux intégralement<br />
protégés et six espèces (Tortue verte, Chelonia mydas ; Tortue olivâtre, Lepidochelys<br />
olivacea ; Tortue imbriquée, Eretmochelys imbricata ; Perroquet vert, Poicephalus robustus ;<br />
- 364 -
Inséparable à tête rouge, Agapornis pul<strong>la</strong>ria et Canard d’Hart<strong>la</strong>ub, Pteronetta hart<strong>la</strong>ubi) pour<br />
les espèces partiellement protégées. Aucune <strong>de</strong>s espèces existantes auparavant sur ces listes<br />
n’a été déc<strong>la</strong>ssée pour <strong>de</strong>venir espèce dite ordinaire ce qui serait tout simplement un scandale<br />
pour les écologistes.<br />
D’autre part, nous pensons que si en parallèle, <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s en sciences sociales (plus<br />
particulièrement en ethnoécologie) avaient été menées sur le même site et à <strong>la</strong> même époque,<br />
<strong>la</strong> vision conservatrice <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong>s ressources fauniques à Makokou et au Gabon aurait<br />
été plus au fait <strong>de</strong>s réalités culturelles locales comme en témoignent les éléments présentés<br />
dans ce chapitre. Ce qui aurait également influé sur <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion en matière <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ressource biologique car dans cette <strong>de</strong>rnière, <strong>la</strong> prise en compte <strong>de</strong>s besoins <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions<br />
est actuellement regroupée dans <strong>la</strong> rubrique <strong>de</strong>s « droits d’usages coutumiers » dont <strong>la</strong><br />
définition est si vague que l’on peut tout mettre sous cette expression. Que signifie « droits<br />
d’usages coutumiers » et quelles en sont les limites ? Dans <strong>la</strong> partie qui suit l’analyse <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
légis<strong>la</strong>tion traitant <strong>de</strong> ces questions nous permettra <strong>de</strong> relever les controverses qui font<br />
qu’aujourd’hui, cette loi est peu adaptée aux besoins primaires <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions.<br />
L’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage au Gabon, comme partout ailleurs dans <strong>la</strong> sous-<br />
région, a toujours été présentée sous l’aspect <strong>de</strong> <strong>la</strong> prédation pour l’alimentation et donc<br />
séparée <strong>de</strong> son contexte culturel. La chasse a alors été tenue pour responsable <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
dégradation <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité faunique, ce qui a orienté les différents légis<strong>la</strong>tions et programmes<br />
<strong>de</strong> conservation sur le terrain. Cependant, nous avons constaté à travers ce chapitre que<br />
l’exploitation <strong>de</strong> cette ressource est loin <strong>de</strong> se limiter à <strong>la</strong> seule prédation pour <strong>la</strong><br />
consommation. Même si cette <strong>de</strong>rnière est l’une <strong>de</strong>s principales motivations du chasseur, elle<br />
est généralement et étroitement associée à une volonté <strong>de</strong> maximiser tous les atouts procurés<br />
par le gibier. Cette vision du chasseur est une motivation certes secondaire, mais tout aussi<br />
importante que l’intérêt pour <strong>la</strong> vian<strong>de</strong>. Il s’agit d’un état d’esprit et donc d’une réalité<br />
culturelle à prendre en compte lorsqu’on souhaite mettre en p<strong>la</strong>ce un projet <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faune sauvage dans cette région. On note également comme motivation <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> dominer<br />
l’animal, <strong>la</strong> curiosité, <strong>la</strong> peur, <strong>la</strong> colère face aux animaux ravageurs ou encore l’idée tout<br />
simplement <strong>de</strong> s’approprier les pouvoirs <strong>de</strong> l’animal en le tuant. Le Serpent par exemple<br />
représente à Makokou <strong>la</strong> peur, l’esprit du mal et <strong>la</strong> mort. Cette image négative du Serpent est<br />
accentuée par <strong>la</strong> vision chrétienne <strong>de</strong> cet animal qui serait une réincarnation du Mal.<br />
L’Homme lui vouera une haine sans précé<strong>de</strong>nt et souvent à tort. Il suffit <strong>de</strong> voir un Serpent<br />
pour <strong>de</strong>voir le tuer. Pourtant dans certaines traditions gabonaises comme celle <strong>de</strong>s Téké du<br />
- 365 -
sud du pays, le Serpent est un justicier qui peut certes faire du mal mais également du bien.<br />
Dans cette région infestée <strong>de</strong>s Serpents parmi les plus dangereux au mon<strong>de</strong> (Vipères cornues<br />
du Gabon, Cobras, Mambas…) une morsure mortelle (c'est-à-dire que le ganga ne peut vous<br />
soigner) est interprétée comme <strong>la</strong> punition d'une mauvaise action. Mais malheureusement,<br />
toutes ces considérations, ayant un rôle régu<strong>la</strong>teur du comportement humain, ten<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> nos<br />
jours à disparaître.<br />
Pour revenir à nos propos, il serait souhaitable, vue que certaines expériences <strong>de</strong><br />
gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage au Gabon ont été <strong>de</strong>s échecs, d’examiner d’autres solutions parmi<br />
lesquelles <strong>la</strong> prise en compte (les questions du comment, à quel niveau et dans quel sens restes<br />
ouvertes) <strong>de</strong>s divers mo<strong>de</strong>s traditionnels d’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource faunique.<br />
- 366 -
Chapitre XI : La loi 1/82 déguisée en loi 16/01 en<br />
matière <strong>de</strong>s Eaux et Forêts<br />
C’est sous <strong>la</strong> pression du FMI et <strong>de</strong> <strong>la</strong> Banque mondiale en 1998 que le Gabon a été<br />
amené à réactualiser <strong>la</strong> loi 1/82 dite loi en matière <strong>de</strong>s Eaux et Forêts. Cette loi qui date <strong>de</strong><br />
1982 a été conçue explicitement pour faciliter l’exploitation commerciale <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt et<br />
encourager <strong>la</strong> prépondérance <strong>de</strong>s capitaux étrangers dans le secteur forestier (Forest monitor,<br />
2001). Sous sa première <strong>version</strong>, <strong>la</strong> loi était incomplète, inadaptée aux réalités locales <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions et peu <strong>de</strong>stinée à préserver les ressources naturelles. Plus encore, près <strong>de</strong> trois<br />
quarts <strong>de</strong>s décrets prévus n’ont jamais été écrits. En décembre 2001, <strong>la</strong> loi 1/82 a été abrogée<br />
après <strong>la</strong> publication officielle <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle loi 16/01 qui malgré tout, diffère très peu <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
précé<strong>de</strong>nte comme nous le verrons ci-<strong>de</strong>ssous.<br />
Section I. Synthèse <strong>de</strong>s dispositions nouvelles liées à l’exploitation forestière<br />
La nouvelle loi, telle que présentée par l’ONG américaine Global Forest Watch (cité<br />
dans Forest monitor, 2001) dans son étu<strong>de</strong> récente <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique forestière gabonaise et <strong>de</strong> sa<br />
mise en œuvre, a été conçue pour répondre à certains défauts techniques <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique<br />
forestière actuelle et pour accroître <strong>la</strong> transformation du bois dans le pays. Une fois <strong>de</strong> plus,<br />
les intérêts commerciaux d’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt ont été mis en avant. Dans <strong>la</strong> nouvelle loi<br />
forestière, les permis d’exploitation sont octroyés pour 20 à 40 ans dans le cadre d’un système<br />
d’appels d’offres publiques prenant avant tout en compte les aptitu<strong>de</strong>s techniques et<br />
financières <strong>de</strong>s sociétés. La taille maximum d’un permis sera <strong>de</strong> 600.000 hectares ce qui serait<br />
considéré comme plus approprié que <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> 200.000 hectares jusque là fixée pour<br />
remplir les objectifs techniques <strong>de</strong> gestion durable <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. Les p<strong>la</strong>ns <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>vront<br />
être soumis et approuvés au cours <strong>de</strong>s trois premières années. Il est aussi prévu <strong>de</strong> créer un<br />
Fonds National pour <strong>la</strong> Forêt pour entretenir les pratiques <strong>de</strong> gestion durable. La plus gran<strong>de</strong><br />
partie <strong>de</strong>s forêts sera c<strong>la</strong>ssée soit comme forêts <strong>de</strong> production, soit en aires protégées.<br />
Certaines forêts <strong>de</strong>viendront <strong>de</strong>s forêts rurales, réservées aux communautés qui pourront tirer<br />
<strong>de</strong>s revenus soit en les exploitant, soit en les louant à <strong>de</strong>s sociétés d’exploitation forestière.<br />
La nouvelle loi forestière encourage une plus gran<strong>de</strong> industrialisation <strong>de</strong>s forêts mais<br />
abor<strong>de</strong> peu <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> prépondérance <strong>de</strong>s capitaux étrangers dans l’industrie. Elle ne<br />
contient aucune disposition assurant que l’exploitation industrielle <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt contribuera à<br />
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combattre <strong>la</strong> pauvreté si ce n’est par <strong>la</strong> prévision <strong>de</strong> contributions fiscales accrues. La<br />
nouvelle loi n’est pas très c<strong>la</strong>ire sur <strong>la</strong> façon dont elle va s’attaquer à <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faiblesse <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> <strong>la</strong> Direction <strong>de</strong>s Forêts ou sur <strong>la</strong> façon dont elle va s’assurer que les<br />
activités d’exploitation sont correctement contrôlées et que <strong>la</strong> loi est appliquée. Si le système<br />
d’offres publiques suit le modèle créé au Cameroun, il privilégiera les aptitu<strong>de</strong>s financières<br />
par rapport aux aptitu<strong>de</strong>s techniques. Ce<strong>la</strong> signifie que ceux qui sont les plus compétents d’un<br />
point <strong>de</strong> vue technique pour mettre en œuvre une gestion durable <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt dans une<br />
concession donnée ne seront pas forcément ceux à qui seront octroyés les concessions.<br />
Section II - Les dispositions <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi 16/01 re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> faune sauvage et<br />
aux droits d’usages coutumiers<br />
Dans le détail, les <strong>de</strong>ux lois diffèrent peu en ce qui concerne les dispositions re<strong>la</strong>tives à<br />
l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage et celles liées aux droits d’usages coutumiers, puisque l’on<br />
rencontre dans les <strong>de</strong>ux <strong>la</strong> même disposition qui est censée prendre en compte les besoins <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions rurales. En effet, les incohérences et les chevauchements qui ont toujours<br />
caractérisés <strong>la</strong> loi 1/82 se retrouvent tels quels dans <strong>la</strong> loi 16/01. Dans le cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune<br />
sauvage, hormis une augmentation du nombre d’espèces animales protégées, l’essentiel <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
loi reste i<strong>de</strong>ntique. On peut néanmoins revenir plus en détail sur :<br />
- le choix <strong>de</strong>s espèces animales sur ces listes (voir annexe I et II) qui semble avoir été<br />
pris fortuitement ou motivé par <strong>de</strong>s chercheurs passionnés ou, comme c’est le cas pour les<br />
nouvelles espèces protégées, par <strong>la</strong> pression <strong>de</strong>s ONG <strong>de</strong> conservation ;<br />
- les quotas <strong>de</strong> chasse attribués aux nationaux et aux étrangers qui ne reposent pas sur<br />
<strong>de</strong>s données scientifiques sur les espèces animales. Ces chiffres semblent avoir été pris au<br />
hasard ou encore, ils sont motivés comme nous l’avons vu dans le chapitre VI section V.2, par<br />
<strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> restreindre <strong>la</strong> chasse au maximum ;<br />
- les nombreux permis et licences <strong>de</strong> chasse qui ne sont presque jamais sollicités par<br />
les chasseurs ruraux vu <strong>la</strong> complexité du dossier à constituer et les dé<strong>la</strong>is pour les obtenir.<br />
Très souvent le fusil <strong>de</strong> chasse est un héritage légué sur plusieurs générations dont il est<br />
difficile <strong>de</strong> connaître l’origine. Ce qui rend délicate <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>risation <strong>de</strong> cette arme pour<br />
qu’elle soit conforme à <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion ;<br />
- l’existence d’une pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> fermeture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. En effet, cette disposition,<br />
c<strong>la</strong>irement affichée dans l’ancienne loi forestière (n° 679/PR/MEFE du 28 Juillet 1994 fixant<br />
les pério<strong>de</strong>s d'ouvertures et <strong>de</strong> fermetures <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sur l’ensemble du territoire gabonais),<br />
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l’est moins dans le nouveau co<strong>de</strong>. Ainsi, l’article 215 fait allusion à cette disposition sans<br />
toutefois préciser les dates ou <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> fermeture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au Gabon. En marge <strong>de</strong><br />
l’article 215, un <strong>de</strong>s alinéas <strong>de</strong> l’article 275 re<strong>la</strong>tifs aux sanctions fait également référence à<br />
une pério<strong>de</strong> d’ouverture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse dont les dates restent inconnues ou du moins, ne sont<br />
mentionnées nulle part. Par ailleurs, cette disposition <strong>de</strong> l’ancien co<strong>de</strong> forestier, qui est<br />
vraisemb<strong>la</strong>blement calqué sur le modèle français <strong>de</strong> <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage, est<br />
fortement mise en question. Cette disposition <strong>de</strong> l’ancien co<strong>de</strong> forestier est plus ou moins<br />
reprise dans <strong>la</strong> nouvelle loi, ce qui <strong>la</strong>isse entendre que durant près <strong>de</strong> six mois les popu<strong>la</strong>tions<br />
ne <strong>de</strong>vraient pas avoir accès à <strong>la</strong> faune sauvage sur toute l’étendue du territoire ; dans <strong>la</strong><br />
réalité cette disposition est tout simplement peu concevable. L’idée <strong>de</strong> base sur <strong>la</strong>quelle elle<br />
reposerait est <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> <strong>la</strong>isser les animaux se reproduire pendant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> fermeture<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse afin que leurs popu<strong>la</strong>tions se renouvellent. Or, en forêt équatoriale, peu <strong>de</strong><br />
données scientifiques existent sur les saisons <strong>de</strong> reproduction <strong>de</strong> <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s espèces<br />
gibiers. Toutefois, à partir <strong>de</strong> données existantes (voir Feer, 1988 pour les Céphalophes <strong>de</strong><br />
Peters et Bai), l’hypothèse selon <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s espèces gibiers se reproduisent toute<br />
en une même pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’année est peu probable et reste à vérifier 106 . Ce qui signifie en<br />
d’autres termes que cette disposition, en l’état actuel <strong>de</strong>s constats préa<strong>la</strong>bles, ne <strong>de</strong>vrait pas<br />
exister ou <strong>de</strong>vrait pour le moins être adaptée à <strong>la</strong> biologie et l’écologie <strong>de</strong> chaque espèce<br />
gibier.<br />
- le chevauchement <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi concernant l’interdiction <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> chasse au Gabon et<br />
les battues administratives. En effet, autant l’administration harcèle les popu<strong>la</strong>tions lorsqu’un<br />
Eléphant est abattu par elles, autant cette même administration autorise l’abattage <strong>de</strong>s<br />
Eléphants sous le prétexte <strong>de</strong> battue administrative. À Makokou par exemple, il peut se passer<br />
entre 6 mois et plusieurs années avant que l’administration ne délivre une autorisation <strong>de</strong><br />
battue administrative (Obs. Pers.). Dans plusieurs cas, <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> n’aboutit purement et<br />
simplement pas. Lorsque l’autorisation est accordée le sinistré, s’il n’est pas chasseur, cherche<br />
un spécialiste <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> chasse pour se faire justice. La probabilité pour que l’Éléphant<br />
abattu soit celui qui a causé les dégâts est très faible. De plus, l’Éléphant est souvent abattu<br />
très loin du lieu du sinistre qui, détruit, ne <strong>de</strong>vrait plus logiquement attirer les Pachy<strong>de</strong>rmes.<br />
Dans d’autres cas, le sinistré s’en remet à l’administration <strong>de</strong>s Eaux et Forêts qui démunie,<br />
sollicite généralement les forces <strong>de</strong> l’ordre (police, gendarmerie et/ou militaire) pour abattre<br />
106 Même si le maximum <strong>de</strong> naissance d’un certain nombre d’animaux gibiers (Potamochère, Céphalophes…) est<br />
observé pendant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> forte disponibilité en fruits (entre novembre et juin ) celle-ci, contrairement au<br />
calendrier officielle <strong>de</strong>s saisons, est moins rigi<strong>de</strong> et varie d’année en année. Les animaux attendront toujours les<br />
conditions écologiques favorables pour investir dans <strong>la</strong> reproduction (Feer, 1988).<br />
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les Éléphants. Ces <strong>de</strong>rniers, à partir du moment où il y a une autorisation, s’en donnent à cœur<br />
joie, ce qui fait que ce volet <strong>de</strong> <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion constitue aujourd’hui l’une <strong>de</strong>s portes ouvertes<br />
vers <strong>de</strong>s excès.<br />
En ce qui concerne <strong>la</strong> pratique commerciale <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au Gabon, <strong>la</strong> loi 16/01 est peu<br />
c<strong>la</strong>ire. Il n’existe aucun article qui stipule c<strong>la</strong>irement que <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse commerciale<br />
et le commerce du gibier sont légiférés au Gabon. En effet, cette loi fait référence à une<br />
licence <strong>de</strong> capture <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage à but commercial dont les articles 166, 177, 179, 192,<br />
193, et 194 font état, mais <strong>de</strong> manière indirecte, prêtant ainsi à confusion et à interprétation.<br />
De plus, l’article 173 ne mentionne l’existence que <strong>de</strong> 6 sortes <strong>de</strong> permis et licences au Gabon<br />
dont une licence <strong>de</strong> capture commerciale d’animaux sauvages mais uniquement d’animaux<br />
vivants, ce qui signifie en d’autres termes que <strong>la</strong> licence <strong>de</strong> capture à but commercial<br />
d’animaux sauvages morts n’existe pas et donc que <strong>la</strong> chasse commerciale n’est pas<br />
c<strong>la</strong>irement reconnue au Gabon. C’est aussi va<strong>la</strong>ble pour <strong>la</strong> commercialisation <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> chasse à <strong>la</strong>quelle seul l’article 197 fait référence précisant qu’elle serait subordonnée à<br />
l’obtention d’un agrément spécial. Si <strong>la</strong> commercialisation <strong>de</strong> gibier nécessite un agrément<br />
spécial, ce<strong>la</strong> sous-entend que l’activité n’est pas c<strong>la</strong>irement autorisée ou admise. Il faudra<br />
attendre les décrets d’applications <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle loi, dont un brouillon non publié circule<br />
actuellement, pour être c<strong>la</strong>irement édifié sur <strong>la</strong> question. D'ors et déjà, un <strong>de</strong>s décrets pris en<br />
application <strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong> l’article 197 <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi 16/01 fixe les conditions <strong>de</strong> détention, <strong>de</strong><br />
transport et <strong>de</strong> commercialisation <strong>de</strong> tout animal sauvage, <strong>de</strong>s trophées et <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse au Gabon. Ce décret s’il est publié, comportera trois titres :<br />
- <strong>de</strong>s définitions ;<br />
- <strong>de</strong> <strong>la</strong> détention et <strong>de</strong> <strong>la</strong> circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s produit <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse ;<br />
- <strong>de</strong> <strong>la</strong> commercialisation <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse.<br />
Un autre décret, pris en application <strong>de</strong>s dispositions <strong>de</strong>s articles 12 et 197 <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi<br />
16/01 portera sur l’organisation <strong>de</strong>s groupements vil<strong>la</strong>geois <strong>de</strong> chasseurs et <strong>de</strong>s groupements<br />
<strong>de</strong> ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse. Toutefois, ces activités seront régies par l’article 215 ce qui<br />
signifie qu’elles ne pourront être menées que durant <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> d’ouverture <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, c'est<br />
à dire pendant six mois, ce qui comme nous l’avons vu dans le Chapitre VII, ne correspond<br />
pas aux besoins <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions. En attendant seul l’article 197, peu c<strong>la</strong>ir en l’état, donne<br />
actuellement <strong>de</strong>s indications sur <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et le commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse au Gabon.<br />
Déjà <strong>la</strong> loi 1/82 comportait le décret n° 190/PR/MEFCR du 4 mars 1987 qui fixait les<br />
modalités <strong>de</strong> détention, <strong>de</strong> circu<strong>la</strong>tion et commercialisation <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et le<br />
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décret n° 677/PR/MEFE du 28 Juillet 1994 re<strong>la</strong>tif à l'agrément spécial <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong>s<br />
produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. La ressemb<strong>la</strong>nce <strong>de</strong> ces textes renforce l’idée que les <strong>de</strong>ux lois sont peu<br />
différentes dans ce domaine et que le commerce <strong>de</strong> gibier au Gabon n’est pas c<strong>la</strong>irement<br />
défini malgré les réalités décrites dans le chapitre VII.<br />
Une nouveauté remarquable <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi n°16/01 par rapport à <strong>la</strong> loi 1/82 en matière <strong>de</strong><br />
gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage, est <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion gabonaise <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sportive. Les articles 203<br />
à 207 y font référence. Cette notion nouvelle au Gabon n’a fait l’objet d’aucun débat public et<br />
pourra se heurter aux sensibilités <strong>national</strong>es dans certaines régions. En effet, <strong>la</strong> chasse au<br />
Gabon comme nous l’avons vu dans les chapitres précé<strong>de</strong>nts, a également une motivation<br />
culturelle non négligeable qui pourrait être un frein au développement <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sportive<br />
dans ce pays.<br />
Nous faisons remarquer à ce niveau qu’aucun aspect <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi gabonaise en matière<br />
d’Eaux et Forêts ne tient compte <strong>de</strong>s croyances traditionnelles et <strong>de</strong>s savoirs locaux <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions en matière <strong>de</strong> faune sauvage. Pourtant, dans le chapitre IX <strong>de</strong> cette thèse, nous<br />
avons i<strong>de</strong>ntifié un certain nombre d’usages et <strong>de</strong> restrictions liés à <strong>la</strong> faune sauvage qui<br />
pourraient <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong> loin compléter le chapitre droits d’usages coutumiers <strong>de</strong> cette loi<br />
dans l’optique d’une valorisation <strong>de</strong>s connaissances empiriques et <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> gestion<br />
traditionnels existants sur <strong>la</strong> ressource faunistique. La légis<strong>la</strong>tion gabonaise actuelle sur les<br />
Eaux et Forêts souffre d’une inadéquation avec les besoins <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions et nécessite donc<br />
une adaptation aux réalités locales notamment aux savoirs locaux. Cette approche prospective<br />
<strong>de</strong>vrait conduire à une prise en compte locale <strong>de</strong>s réalités <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions et aboutir à une<br />
régionalisation <strong>de</strong>s décrets d’application <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi pour qu’elle puisse répondre au mieux aux<br />
attentes <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions et induire secondairement leur adhésion à <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion <strong>national</strong>e.<br />
Dans un autre registre, l’exercice <strong>de</strong>s droits d’usages coutumiers qui est libre et gratuit<br />
dans le domaine forestier rural a pour objet <strong>la</strong> satisfaction <strong>de</strong>s besoins personnels ou collectifs<br />
<strong>de</strong>s communautés vil<strong>la</strong>geoises qui portent notamment sur :<br />
- l’utilisation <strong>de</strong>s arbres comme bois <strong>de</strong> construction et celle du bois mort ou <strong>de</strong>s branches<br />
comme bois <strong>de</strong> feu ;<br />
- <strong>la</strong> récolte <strong>de</strong>s produits forestiers secondaires, tels que les écorces, le <strong>la</strong>tex, les champignons,<br />
les p<strong>la</strong>ntes médicinales ou comestibles, les pierres, les lianes ;<br />
- l’exercice <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et <strong>de</strong> <strong>la</strong> pêche artisanales ;<br />
- le pâturage en savane, en c<strong>la</strong>irières et l’utilisation <strong>de</strong> branches et feuilles pour le fourrage ;<br />
- <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> l’agriculture <strong>de</strong> subsistance ;<br />
- les droits <strong>de</strong> pacage et d’utilisation <strong>de</strong>s eaux (Article 252 et 253).<br />
- 371 -
Selon cette même loi, l’exercice <strong>de</strong>s droits d’usage coutumiers en matière <strong>de</strong> chasse et<br />
<strong>de</strong> faune sauvage (Article 7 du décret n°692/PR/MEFEPEPN du 24 août 2004) est autorisé,<br />
sous réserve :<br />
- <strong>de</strong> n’utiliser que <strong>de</strong>s armes et engins non prohibés dont <strong>la</strong> liste, conformément à l’article 258<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> même loi, <strong>de</strong>vrait être proposée par le Ministère en charge <strong>de</strong>s Eaux et Forêts mais<br />
n’existe toujours pas. Le piège <strong>de</strong> type collet utilisant le câble en acier, le piège à fosse ainsi<br />
que l’utilisation <strong>de</strong>s poisons sont interdits au Gabon ce qui <strong>la</strong>isse peu <strong>de</strong> choix aux chasseurs<br />
n’ayant pas <strong>de</strong> fusil et qui en plus ont perdu <strong>la</strong> maîtrise <strong>de</strong> l’usage <strong>de</strong>s lianes autrefois utilisées<br />
pour confectionner ce type <strong>de</strong> piège.<br />
- <strong>de</strong> n’abattre que les animaux non protégés. Par rapport à ce<strong>la</strong>, le choix <strong>de</strong>s chasseurs est<br />
également limité dans <strong>la</strong> mesure où <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong> ces animaux dits protégés sont également les<br />
plus intéressants pour <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> vente du gibier. De plus, le risque d’une augmentation <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> pression sur les gibiers dits non protégés (Céphalophes, petits Singes et Rongeurs) est alors<br />
plus prononcé, ce qui ne résout évi<strong>de</strong>ment pas le problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> surexploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune.<br />
- <strong>de</strong> ne vendre les produits issus <strong>de</strong> l’exercice <strong>de</strong>s droits d’usage coutumiers qu’aux membres<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté vil<strong>la</strong>geoise. Là encore, <strong>la</strong> loi ne prend pas en compte les systèmes<br />
traditionnelles <strong>de</strong> partage du gibier dans les vil<strong>la</strong>ges. En effet, comme nous l’avons vu<br />
précé<strong>de</strong>mment, le gibier est rarement vendu aux membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté dans les vil<strong>la</strong>ges.<br />
Les systèmes <strong>de</strong> partage, <strong>de</strong> dons et d’entrai<strong>de</strong>s sont privilégiés pour le renforcement <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
cohésion sociale. De plus, les membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> communauté, en plus <strong>de</strong>s liens parentaux qui les<br />
lient, sont généralement dans <strong>de</strong>s situations sociales i<strong>de</strong>ntiques <strong>de</strong> précarité ce qui ne favorise<br />
pas le développement d’une activité commerciale interne. Dans ce contexte, on comprend que<br />
le gibier sera préférentiellement vendu à <strong>de</strong>s clients extérieurs à <strong>la</strong> communauté.<br />
Pour tout ce qui concerne les droits d’usages coutumiers <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi 16/01, les limites<br />
entre ce qui est autorisé et ce qui ne l’est pas sont très floues. Tout dépend alors <strong>de</strong><br />
l’interprétation <strong>de</strong> <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion par les uns et les autres, un peu comme c’est le cas pour <strong>la</strong><br />
Bible chez les religieux. En effet, à Makokou par exemple, on se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>, sur quelle base les<br />
agents <strong>de</strong>s Eaux et Forêts avec l’appui du WWF, interviennent dans les vil<strong>la</strong>ges où <strong>la</strong><br />
popu<strong>la</strong>tion est censée exercer ses droits d’usages coutumiers en matière <strong>de</strong> chasse. Pourtant il<br />
existe <strong>de</strong>s endroits comme dans les chantiers forestiers où le grand braconnage est effectué au<br />
vu et au su <strong>de</strong> tout le mon<strong>de</strong> mais où les interventions <strong>de</strong> l’administration sont rarement<br />
effectuées avec <strong>la</strong> même détermination que dans les vil<strong>la</strong>ges. Un tel arbitraire ne peut que<br />
nuire, là encore, à l’application <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi.<br />
- 372 -
L’article 259 stipule que l’exercice <strong>de</strong>s droits d’usages coutumiers en matière <strong>de</strong><br />
chasse et <strong>de</strong> faune sauvage est strictement limité à l’utilisation <strong>de</strong>s armes et engins figurant<br />
sur une liste établie par arrêté du ministre chargé <strong>de</strong>s Eaux et Forêts. Cette liste jusqu’à nos<br />
jours est inexistante et, même si elle l’était, elle serait réduite aux armes <strong>de</strong> chasse<br />
communément utilisées actuellement par les vil<strong>la</strong>geois à savoir les petits calibres (calibre 12 e<br />
14 mm). Les gros calibres ne sont que rarement utilisés pour <strong>la</strong> chasse à l’Éléphant ou encore<br />
pour celle du Buffle.<br />
Nous avons vu dans le Chapitre V, Section V.2 que <strong>la</strong> loi autorisait <strong>la</strong> chasse d’au<br />
moins 23.915 (= 4.783 chasseurs potentiels x 5 Potamochères autorisés par an) Potamochères<br />
mâles adultes dans l’année pour <strong>la</strong> seule commune <strong>de</strong> Makokou et 119.090 (= 23.818<br />
chasseurs potentiels x 5 Potamochères autorisés par an) Potamochères mâles adultes par an<br />
pour l’ensemble <strong>de</strong> <strong>la</strong> province <strong>de</strong> l’Ogooué-Ivindo. Même si les chasseurs représentaient 5%<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Makokou, ce qui me semble être le strict minimum, nous aurions quand<br />
même un chiffre <strong>de</strong> 239 (= (4783 x 5)/100) Potamochères mâles adultes abattus par an pour<br />
Makokou soit environ 17 tonnes (= 239 x 70 kg) <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> rien que pour ce gibier. Ces<br />
chiffres sont re<strong>la</strong>tivement importants pour un gibier dont <strong>la</strong> <strong>de</strong>nsité re<strong>la</strong>tive est évaluée à 2,7<br />
ind/km 2 avec un taux <strong>de</strong> production <strong>de</strong> 135 kg/km 2 /an (White, 1994) et correspon<strong>de</strong>nt plus ou<br />
moins à <strong>la</strong> réalité d’au moins 855 Potamochères observés sur <strong>la</strong> marché <strong>de</strong> Makokou si l’on<br />
part <strong>de</strong> l’hypothèse qu’environ 18% <strong>de</strong> <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> Makokou chasse ce gibier. Ce<br />
pourcentage est plus vraisemb<strong>la</strong>ble que l’hypothèse basse <strong>de</strong> 5%. Selon cette logique, on doit<br />
admettre que l’exploitation du Potamochère à Makokou rentrerait dans le cadre <strong>de</strong> ce qui est<br />
autorisé par <strong>la</strong> loi gabonaise même si ces chiffres montrent à suffisance une forte exploitation<br />
<strong>de</strong> cette espèce animale. Par ailleurs, les actions <strong>de</strong> répressions observées sur le terrain en<br />
faveur d’une conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage au Gabon ne figure nulle part dans <strong>la</strong><br />
légis<strong>la</strong>tion gabonaise. Ainsi que nous l’avons mentionné précé<strong>de</strong>mment dans ce chapitre,<br />
aucun article n’autorise les agents <strong>de</strong>s Eaux et Forêtss ou du CNPN, encore moins ceux du<br />
WWF et du WCS, à intervenir dans les espaces coutumiers <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges. Seul l’interprétation à<br />
sens unique <strong>de</strong> cette loi souvent ambiguë permet ces exactions. Enfin, cette même loi est<br />
imprécise sur l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans les concessions forestières où les<br />
employés s’adonnent à cœur joie au braconnage. Mais dans ce cas <strong>de</strong> figure l’administration<br />
semble moins regardante que lorsqu’elle intervient dans les vil<strong>la</strong>ges.<br />
L’une <strong>de</strong>s situations complexes non prévues par <strong>la</strong> nouvelle loi est celle qui a trait au<br />
chevauchement <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone tampon d’un parc naturel avec le domaine forestier rural d’une<br />
communauté. Cette situation conflictuelle est observée dans <strong>la</strong> partie nord et nord-est du Parc<br />
- 373 -
<strong>de</strong> l’Ivindo où, à certains endroits, <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier est située à moins <strong>de</strong> 3 km <strong>de</strong>s<br />
habitations. Cette partie du parc est le domaine forestier <strong>de</strong> communautés <strong>de</strong> Makokou qui ont<br />
même <strong>de</strong>s anciens vil<strong>la</strong>ges à moins d’un kilomètre <strong>de</strong> <strong>la</strong> station d’Ipassa. Une fois encore, il<br />
nous faut attendre les décrets d’application <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle loi pour être fixés sur l’usage <strong>de</strong><br />
cette zone tampon.<br />
Section III - Propositions sur l’aménagement du Chapitre droits d’usages<br />
coutumiers du co<strong>de</strong> forestier gabonais<br />
En définitive, au regard <strong>de</strong> l’analyse <strong>de</strong>s articles qui concerne <strong>la</strong> chasse et l’utilisation<br />
<strong>de</strong>s ressources fauniques, nous pouvons affirmer qu’en l’état actuel <strong>la</strong> loi 16/01 n’est<br />
favorable ni à une conservation, ni à une exploitation viable <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage au Gabon.<br />
Elle favorise par contre dans sa lecture et dans ses tentatives d’applications, l’émergence<br />
d’abus et surtout <strong>de</strong> conflits entre l’administration et les popu<strong>la</strong>tions locales. Le co<strong>de</strong> forestier<br />
gabonais rend actuellement illégale les sources <strong>de</strong> revenu <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions les plus démunies<br />
au profit d’exploitant <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt plus nantis qui peuvent s’acquiter facilement <strong>de</strong> toutes taxes.<br />
C’est dans ce contexte que cette loi <strong>de</strong>vrait être modifiée comme nous le proposons dans cette<br />
thèse, par l’intégration <strong>de</strong>s savoirs ethnozoologiques et cynégétiques i<strong>de</strong>ntifiés ci <strong>de</strong>ssus, afin<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> rendre plus adaptée aux réalités locales et aux popu<strong>la</strong>tions.<br />
Nous proposons par exemple d’aménager le chapitre «droits d’usages coutumiers» du<br />
co<strong>de</strong> forestier d’une part en légiférant l’utilisation <strong>de</strong> procédés cynégétiques locaux comme<br />
ceux i<strong>de</strong>ntifier dans le chapitre V et d’autre part, en intégrant un article sur <strong>la</strong> notion <strong>de</strong><br />
«possesseur» <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt. En effet, <strong>la</strong> chasse au colet, actuellement interdite au Gabon <strong>de</strong>vrait<br />
être réhabilitée au dépend d’une chasse au fusil à caractère plus commerciale. Le piégeage<br />
n’est pas seulement un procédé permettant d’attraper du gibier, il est également un savoir<br />
cynégétique appartenant au patrimoine culturel <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions. Ce savoir est transmit <strong>de</strong><br />
génération en génération. Réhabiliter <strong>la</strong> chasse au piège au Gabon, qu’il utilise le cable en<br />
acier ou tout autre matériau pour <strong>la</strong> confection du <strong>la</strong>sso, est une solution qui rendra plus<br />
humaine <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion gabonaise en matière <strong>de</strong> faune. Cependant, cette solution passe<br />
nécessairement par une responsabilisation <strong>de</strong>s chasseurs sur le nombre <strong>de</strong> ligne <strong>de</strong> piège<br />
installé et <strong>la</strong> fréquence <strong>de</strong> visite <strong>de</strong>s pièges qui <strong>de</strong>vrait figurer dans un protocole d’entente<br />
entre l’association <strong>de</strong>s chasseurs et les autorités administratives locales. En marge <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
au piège, <strong>la</strong> chasse au filet <strong>de</strong>vrait être promue.<br />
- 374 -
Il est également possible <strong>de</strong> favoriser le développement du chasseur spécialiste, plus<br />
responsable et plus facile à suivre dans leur activité cynégétique que les autres catégories <strong>de</strong><br />
chaseur. En effet, un article en faveur <strong>de</strong>s chasseurs spécialistes permettrait non seulement <strong>de</strong><br />
responsabiliser ces acteurs mais également <strong>de</strong> mieu cibler les gibiers chassés et ainsi mieu<br />
suivre le prélèvement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource. Par ailleurs même si le co<strong>de</strong> forestier est <strong>national</strong>, il est<br />
important <strong>de</strong> faire ressortir les spécificités par province afin <strong>de</strong> décentraliser les textes<br />
d’applications et les rendre ainsi plus proche <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions donc mieux applicables. Si<br />
l’Éléphant par exemple a pratiquement disparu <strong>de</strong>s savanes altogovéennes (province du sud<br />
du pays), ce pachy<strong>de</strong>rme est encore bien représenté en Ogooué Ivindo. La légis<strong>la</strong>tion sur<br />
l’Éléphant ne <strong>de</strong>vrait pas être <strong>la</strong> même à ces <strong>de</strong>ux endroits du pays dans <strong>la</strong> mesure où les<br />
dégâts causés par exemple sur les cultures dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou, apparaissent comme<br />
<strong>de</strong>s injustices chez les Ogivins <strong>de</strong> plus en plus démunis, ce qui creusent sans cesse <strong>de</strong>s<br />
inégalités sources <strong>de</strong> tensions raciales. Les popu<strong>la</strong>tions d’Éléphants <strong>de</strong>vrait être gérée par <strong>de</strong>s<br />
prélèvements controlés en Ogooué Ivindo et totalement protégées dans le Haut Ogooué.<br />
Plusieurs moyens <strong>de</strong> contrôle et <strong>de</strong> suivit peuvent être mis en p<strong>la</strong>ce et il ne s’agit que d’une<br />
question <strong>de</strong> volonté à tous les niveaux.<br />
Section IV. Les forêts communautaires, un concept inadapté au Gabon<br />
Nous avons souhaité dans ce sous-chapitre traiter à part <strong>de</strong> <strong>la</strong> question <strong>de</strong>s forêts<br />
communautaires parce que ce concept, expérimenté au Cameroun avec <strong>de</strong>s résultats très<br />
mitigés (Angerand, 2006) est, d’une part intégré dans <strong>la</strong> loi 16/01 (Sous-section 5, Article 156<br />
à 162) comme une <strong>de</strong>s nouveautés et d’autre part a été proposé comme solution pour une<br />
meilleure gestion collective <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage par les popu<strong>la</strong>tions vil<strong>la</strong>geoises. La forêt<br />
communautaire, selon le co<strong>de</strong> forestier gabonais, est une portion du domaine forestier rural<br />
affecté à une communauté vil<strong>la</strong>geoise en vue <strong>de</strong> mener <strong>de</strong>s activités ou d’entreprendre <strong>de</strong>s<br />
processus dynamiques pour une gestion durable <strong>de</strong>s ressources naturelles à partir d’un p<strong>la</strong>n <strong>de</strong><br />
gestion simplifié (Article 156). Elles sont créées dans les conditions fixées par voie<br />
réglementaire dans le domaine forestier rural, à <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’un vil<strong>la</strong>ge, d’un regroupement<br />
<strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ges, d’un canton, dans l’intérêt général <strong>de</strong>s communautés vil<strong>la</strong>geoises concernées<br />
(Article 157). Les forêts communautaires sont confiées directement aux popu<strong>la</strong>tions qui en<br />
dépen<strong>de</strong>nt. Celles-ci peuvent déci<strong>de</strong>r d’exploiter elles-mêmes leur forêt, <strong>de</strong> s’organiser en<br />
coopérative ou <strong>de</strong> confier cette tâche à une entreprise extérieure (Angerand, 2006). Le terme<br />
<strong>de</strong> forêt communautaire n’est pas rigoureusement défini et on parle aussi selon les régions <strong>de</strong><br />
- 375 -
« foresterie sociale » ou <strong>de</strong> « gestion forestière à assise communautaire ». L’absence d’une<br />
norme définissant cette notion a entraîné <strong>de</strong>s abus : en particulier, rien n’interdit une<br />
entreprise qui se contente <strong>de</strong> reverser une taxe aux élites d’un vil<strong>la</strong>ge <strong>de</strong> déc<strong>la</strong>rer qu’elle<br />
pratique une « gestion communautaire ». Au Cameroun, <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong>s ces forêts a été<br />
peu encadrée et a eu pour conséquence une explosion <strong>de</strong> l’exploitation illégale b<strong>la</strong>nchie par <strong>de</strong><br />
faux certificats d’exploitation en « foresterie communautaire » (Angerand, 2006). Cependant,<br />
l’un <strong>de</strong>s problèmes majeurs liés à <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’une forêt communautaire reste <strong>la</strong><br />
délimitation <strong>de</strong> celle-ci qui est préa<strong>la</strong>ble aux questions d’appropriation et d’accès à <strong>la</strong><br />
ressource.<br />
III.1. Les alentours <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges gabonais sont pour <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s terroirs artificialisés<br />
Au Gabon, <strong>la</strong> terre appartient à l’État et ce <strong>de</strong>rnier concè<strong>de</strong> aux popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s droits<br />
sur celle-ci. Pour mieux comprendre le système foncier actuellement mis en p<strong>la</strong>ce au Gabon,<br />
il faut se référer à l’histoire <strong>de</strong> <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> <strong>la</strong> politique coloniale en Afrique Centrale<br />
que nous n’abor<strong>de</strong>rons pas ici en détail. Toutefois, pour mieux étayer nos propos, nous nous<br />
référons à cette politique qui vers les années 1945 visait, pour mieux contrôler les<br />
popu<strong>la</strong>tions, à les regrouper le long <strong>de</strong>s principaux axes routiers. Le résultat est cette<br />
configuration particulièrement allongée <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges gabonais le long <strong>de</strong>s routes avec tous les<br />
avantages et les inconvénients que ce<strong>la</strong> comporte. Dans certains cas, <strong>de</strong>s communautés<br />
différentes ont été regroupées pour former <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges qui par <strong>la</strong> suite ont évolué en<br />
groupement <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ges, canton, district pour <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s organisations administratives <strong>de</strong> type<br />
entité départementale et commune. Ces dép<strong>la</strong>cements <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions font qu’aucune<br />
communauté locale n’est originaire du site où elle se trouve actuellement. Cette réalité se<br />
traduit par l’existence :<br />
- d’une part <strong>de</strong>s terroirs <strong>de</strong> production qui sont pour <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s anciens vil<strong>la</strong>ges qui<br />
attirent pour <strong>de</strong>s raisons culturelles et économiques, et ce<strong>la</strong> en fonction <strong>de</strong>s saisons <strong>de</strong><br />
productions, <strong>de</strong> nombreuses communautés vers ces anciens sites ;<br />
- d’autre part, <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> production à proximité <strong>de</strong>s emp<strong>la</strong>cements actuels <strong>de</strong>s<br />
vil<strong>la</strong>ges qui sont <strong>de</strong>s "terroirs artificiels" et qui, sur un p<strong>la</strong>n culturel, ont peu d’intérêt pour les<br />
vieilles générations.<br />
Pour les jeunes cependant, ces nouveaux sites ten<strong>de</strong>nt peu à peu à <strong>de</strong>venir le référentiel<br />
<strong>de</strong> base sur lequel ils peuvent se reconstruire une "tradition". Ces "terroirs artificiels" ne sont<br />
généralement <strong>la</strong> propriété <strong>de</strong> personne si ce n’est, celle du premier venu ou celle du plus fort<br />
- 376 -
qui se l’approprie. Ils font l’objet d’une surexploitation et <strong>de</strong> peu <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s ressources par<br />
les vil<strong>la</strong>geois eux-mêmes contrairement aux zones <strong>de</strong> productions <strong>de</strong>s anciens vil<strong>la</strong>ges qui<br />
sont les vrais terroirs coutumiers, exploités <strong>de</strong> façon cyclique et dans un souci <strong>de</strong> préservation<br />
même si les contraintes liées à <strong>la</strong> distance interviennent. Les réalités décrites permettent <strong>de</strong><br />
comprendre pourquoi les Gabonais adhèrent peu au concept <strong>de</strong> gestion communautaire et aux<br />
politiques environnementales <strong>de</strong> gestion participatives basées sur <strong>de</strong>s "terroirs artificiels" qui<br />
incarnent historiquement le contraire <strong>de</strong> ce qui est préconisé.<br />
III.2. La question <strong>de</strong> <strong>la</strong> légitimité <strong>de</strong>s "terroirs coutumiers" dans <strong>la</strong> conservation<br />
Des programmes <strong>de</strong> conservation comme ECOFAC se sont intéressés <strong>de</strong> près ou <strong>de</strong><br />
loin aux systèmes d’accès à <strong>la</strong> ressource notamment à travers <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> "terroir vil<strong>la</strong>geois"<br />
dans le but <strong>de</strong> confiner les activités <strong>de</strong> production <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions dans certains secteurs<br />
forestiers, ce qui leur éviterait d’empiéter sur les aires protégées. Cette notion <strong>de</strong> "terroir<br />
vil<strong>la</strong>geois" n'a guère dépassé le sta<strong>de</strong> <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> sur le terrain ; cette tâche,<br />
consistant à délimiter <strong>de</strong>s zones forestières en se basant sur <strong>de</strong>s informations collectées auprès<br />
<strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois et à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> cartographie participative, s’est révélée être plus complexe qu’on<br />
ne peut l’imaginer. En effet, Vermeulen (2000) dans son article sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce et <strong>la</strong> légitimité <strong>de</strong>s<br />
terroirs vil<strong>la</strong>geois dans <strong>la</strong> conservation le montre à suffisance. L’idée <strong>de</strong> délimiter <strong>la</strong> forêt est<br />
une transgression forte <strong>de</strong>s réalités locales fondées sur <strong>la</strong> notion d’espace parcouru et qui<br />
stimule le désir <strong>de</strong> tout chasseur d’explorer et d’étendre son champ d’action : « <strong>la</strong> forêt n’a<br />
pas <strong>de</strong> limite, il existe <strong>de</strong>s zones forestières qui appartiennent à tel ou tel vil<strong>la</strong>ge mais où nous<br />
avons également accès par <strong>de</strong>s ententes mutuelles 107 ». Peu d’étu<strong>de</strong>s ont été réalisées sur cette<br />
question au Gabon et plus précisément dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou ce qui fait que nous<br />
partirons dans notre analyse <strong>de</strong>s expériences menées ailleurs dans <strong>la</strong> sous-régions (Tableau<br />
35) qui peuvent être éventuellement transposées sur notre terrain d’étu<strong>de</strong>.<br />
107 Nous traduisons ici <strong>la</strong> pensée d’un chasseur <strong>de</strong> Makokou qui explique qu’il ne comprend pas qu’on lui<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> ne pas aller chasser dans telle ou telle forêt.<br />
- 377 -
Tableau 35 : Synthèse <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> “terroir” dans le cadre <strong>de</strong> <strong>la</strong> Phase 1 d’ECOFAC<br />
Pays Vil<strong>la</strong>ge Ethnie Nombre<br />
d’habitants<br />
Superficie du<br />
terroir (km 2 )<br />
Indicateur Source<br />
Cameroun Ekom Badjoué 192 355 Anciens vil<strong>la</strong>ges, pistes<br />
forestières, cabanes <strong>de</strong><br />
chasse.<br />
Dethier, 1995,<br />
Joiris, 1995.<br />
Cameroun Malen Badjoué 156 125 Pistes, cabanes <strong>de</strong> chasse. Debroux et<br />
Cameroun Mekas Boulou 293 25 à 30km en<br />
partant <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
piste<br />
Anciens vil<strong>la</strong>ges, pistes<br />
forestières, cabanes <strong>de</strong><br />
chasse.<br />
Congo Diba Mboko 52 70 Cabanes <strong>de</strong> chasse, lignes<br />
Congo Oleme Mboko<br />
Bakota<br />
Congo Ollémé Bakota 144 10km à partir<br />
<strong>de</strong> pièges, pistes<br />
Dethier, 1993<br />
Joiris, 1995<br />
Gally &<br />
Jeanmar, 1996<br />
142 81 Lignes, cabanes, sentiers Gally &<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> piste<br />
Zones <strong>de</strong> cueillette et <strong>de</strong><br />
pêche<br />
Congo Bossouaka Bakota 187 277 Chasse, cueillette,<br />
Congo Mbandza Mboko 518 25km à partir<br />
Centrafrique Kanare Yanguéré<br />
Ibomba<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> piste<br />
exploitation or, cabanes<br />
<strong>de</strong> chasse.<br />
89 (117) 120 Lignes et cabanes <strong>de</strong><br />
chasse, sentiers, sites<br />
diamantifères, anciens<br />
vil<strong>la</strong>ges.<br />
Centrafrique Bakota Bakota 397 450-500 Chasse, pêche, collecte,<br />
pistes, cabanes<br />
Jeanmar, 1996<br />
Gami & Lia,<br />
1995<br />
Lia & Gami,<br />
1995<br />
Gami, 1995<br />
Dethier, 1996,<br />
Gally &<br />
Jeanmar, 1996<br />
Dethier, 1996<br />
Centrafrique Ngandi Ngandi 90 Pièges Dethier, 1996<br />
Tableau extrait <strong>de</strong> l’article <strong>de</strong> Vermeulen sur <strong>la</strong> P<strong>la</strong>ce et légitimité <strong>de</strong>s terroirs vil<strong>la</strong>geois dans <strong>la</strong> conservation.<br />
Il est important <strong>de</strong> rappeler encore une fois qu’au Gabon, comme un peu partout dans<br />
<strong>la</strong> sous-région, <strong>la</strong> terre appartient à l’État et ce <strong>de</strong>rnier concè<strong>de</strong> aux popu<strong>la</strong>tions rurales <strong>de</strong>s<br />
portions du foncier pour <strong>de</strong>s usages dits traditionnels. D’un autre côté, on déduit aisément <strong>de</strong><br />
ce qui précè<strong>de</strong>, qu’il existe une conception <strong>de</strong> l’espace toute différente pour les communautés<br />
elles-mêmes rattachées à <strong>de</strong>s ensembles ethniques dont l’originalité est évi<strong>de</strong>nte. Face à ce<strong>la</strong>,<br />
il ressort <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s menées sur les terroirs que les indicateurs, retenus par <strong>de</strong>s auteurs <strong>de</strong><br />
disciplines variées, diffèrent sensiblement, soit en fonction <strong>de</strong> l’objectif poursuivi (c'est-à-dire<br />
- 378 -
l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse), soit en fonction <strong>de</strong> <strong>la</strong> sensibilité particulière <strong>de</strong> chaque auteur à<br />
différentes problématiques. On constate rapi<strong>de</strong>ment <strong>la</strong> très gran<strong>de</strong> amplitu<strong>de</strong> entre les<br />
superficies recommandées, lesquelles sont rarement ramenées à une variable pertinente <strong>de</strong><br />
comparaison (comme <strong>la</strong> <strong>de</strong>nsité <strong>de</strong> popu<strong>la</strong>tion au km 2 ). Autant l’hétérogénéité culturelle <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions que les méthodologies employées déterminent in fine les différences d’amplitu<strong>de</strong>s<br />
entre les terroirs 108 et finages 109 étudiés (Vermeulen, 2000). On remarque immédiatement que<br />
les superficies sont toujours les plus gran<strong>de</strong>s lorsque les critères cynégétiques sont en jeu. Il<br />
est probable dans ce cas que <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges exploitent actuellement comme par le<br />
passé <strong>de</strong> vastes parcours <strong>de</strong> chasse. À <strong>la</strong> nuance fondamentale près que <strong>la</strong> proportion exploitée<br />
<strong>de</strong> ce finage et l’intensité <strong>de</strong> cette exploitation à un moment donné sont bien plus importants<br />
que par le passé.<br />
Cette constatation nous amène à questionner <strong>la</strong> pertinence d’indicateurs portant sur<br />
<strong>de</strong>s activités cynégétiques dans <strong>la</strong> délimitation <strong>de</strong>s zones d’exploitation vil<strong>la</strong>geoise prévues<br />
dans les p<strong>la</strong>ns <strong>de</strong> gestion. L’étendue <strong>de</strong> l’occupation spatiale actuelle <strong>de</strong> l’espace forestier est<br />
en effet fortement dépendante <strong>de</strong> cet indicateur, lequel dépend aujourd’hui <strong>de</strong>s conditions<br />
socio-économiques <strong>national</strong>es et parfois inter<strong>national</strong>es (dans le cas d’une activité <strong>de</strong> chasse<br />
concurrencée par <strong>la</strong> culture cacaoyère par exemple). Si l’on admet l’hypothèse selon <strong>la</strong>quelle<br />
d’une façon générale <strong>la</strong> superficie <strong>de</strong>s parcours <strong>de</strong> chasse est très vaste car leur exploitation<br />
repose sur <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> rotation saisonnière qui permettent au milieu <strong>de</strong> se régénérer<br />
(Joiris, 1996 cité dans Vermeulen, 2000), il ne faut pas perdre <strong>de</strong> vue que l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s finages<br />
est re<strong>la</strong>tivement récente et <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> leur étendue avant intégration dans un système<br />
contemporain d’économie monétaire est pour le moins fragmentaire.<br />
Quand bien même les terroirs vil<strong>la</strong>geois seraient déterminés correctement selon une<br />
méthodologie normalisée et englobant les mo<strong>de</strong>s actuels d’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource, rien<br />
ne permet d’affirmer que les systèmes <strong>de</strong> rotations soient encore opérationnels ou tout<br />
simplement possibles. Parce que les terroirs <strong>de</strong> chasse sont fonction <strong>de</strong> l’accès à <strong>la</strong> ressource,<br />
<strong>de</strong> l’abondance <strong>de</strong> celle-ci et <strong>de</strong> <strong>la</strong> pression humaine, ils ne ressemblent plus à ceux du passé<br />
et sont vraisemb<strong>la</strong>blement en extension continue en fonction <strong>de</strong> l’épuisement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource<br />
elle-même accentuée par <strong>de</strong>s facteurs allogènes. Lorsque cette extension n’est plus<br />
108 Terroir : ensemble <strong>de</strong>s terres soumises au cycle cultural (y compris les jachères et les recrus forestiers),<br />
divisées en lots géométriques assignés; portion du finage où les logiques d’occupation du sol sont dominantes.<br />
109 Finage (dérivé étymologique <strong>de</strong> l’arcfinus romain) : réserves foncières, qui peuvent porter <strong>de</strong>s bois ou <strong>de</strong>s<br />
pâtures et sur lesquelles peuvent s’exercer <strong>de</strong>s droits d’usage ; terres en friches (ou “ vierges ”), limites sans<br />
bornages qui renvoient à l’idée <strong>de</strong> confins, portions d’espace éloignées d’un centre où les usages d’une<br />
communauté s’affaiblissent au profit d’une autre, suivant une représentation topocentrique où proximité et<br />
éloignement <strong>de</strong>s lieux d’habitation sont les références dominantes (Karsenty & Marie, 1997 cité dans<br />
Vermeulen, 2000).<br />
- 379 -
socialement possible, le système <strong>de</strong> chasse se concentre alors sur <strong>de</strong>s espèces plus petites<br />
(Dethier, Jeanmart, 1997 cité dans Vermeulen, 2000).<br />
Déterminer l’occupation spatiale et fon<strong>de</strong>r une délimitation <strong>de</strong> zones à exploitation<br />
vil<strong>la</strong>geoise sur un indicateur majeur <strong>de</strong> chasse pour é<strong>la</strong>borer <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> gestion revient<br />
donc à fon<strong>de</strong>r <strong>la</strong> démarche sur une activité fortement influencée par <strong>la</strong> donne extérieure aux<br />
systèmes dits “traditionnels” ou “coutumiers”. Ce qui est une manière tronquée <strong>de</strong> prendre en<br />
compte les réalités <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions locales. De plus, dans le cadre <strong>de</strong> notre zone d’étu<strong>de</strong> nous<br />
l’avons vu, le caractère économique <strong>de</strong> l’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage est souvent<br />
primordial, ce qui signifie que <strong>la</strong> notion <strong>de</strong> terroir a <strong>de</strong> moins en moins <strong>de</strong> p<strong>la</strong>ce surtout en ce<br />
qui concerne les zones <strong>de</strong> production à proximité <strong>de</strong>s emp<strong>la</strong>cements actuels <strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>ges.<br />
Dans le contexte décrit précé<strong>de</strong>mment où les terroirs ancestraux sont "oubliés"et où<br />
prédomine <strong>la</strong> prise en compte <strong>de</strong>s "terroirs artificialisés" par <strong>la</strong> politique actuelle <strong>de</strong> gestion<br />
collective <strong>de</strong>s ressources naturelles, l’organisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en communauté reste une<br />
utopie au Gabon. Cependant, l’approche qui consiste à organiser les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière<br />
chasse <strong>de</strong> manière individuelle et non pas en communauté, <strong>de</strong>vrait être mieux prise en<br />
compte. Elle consisterait à fédérer en associations légales les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière, quelle que<br />
soit leur appartenance ethnique.<br />
En définitive, pour clore cette section, nous pouvons affirmer que <strong>la</strong> loi gabonaise en<br />
matière <strong>de</strong>s Eaux et Forêts ne favorise pas les popu<strong>la</strong>tions rurales qui sont <strong>la</strong>issées pour<br />
compte et subsistent dans <strong>la</strong> "précarité" et l’incertitu<strong>de</strong> du len<strong>de</strong>main et qui sont harcelées par<br />
cette même administration sous prétexte qu’elles seraient responsables <strong>de</strong> <strong>la</strong> dégradation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
diversité faunique. Par conséquent, elles se rebellent s’appuyant sur le droit <strong>de</strong> subsister, ce<br />
qui se traduit par <strong>de</strong>s exactions auxquelles <strong>la</strong> faune sauvage paye <strong>de</strong> lourds tributs. Pourtant<br />
que <strong>de</strong>man<strong>de</strong>nt ces popu<strong>la</strong>tions si ne ce n’est d’accé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s conditions d’existences<br />
meilleures. Dans <strong>la</strong> partie qui suit, nous tenterons justement d’examiner à travers certains<br />
débats d’idées, le fait que ces popu<strong>la</strong>tions soient naturellement 110 conservatrices ou pas. Pour<br />
ce<strong>la</strong>, nous nous appuierons sur l’approche culturelle <strong>de</strong> l’écologie propre à certains auteurs<br />
qui se sont intéressés à <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> durabilité <strong>de</strong>s pratiques dites « traditionnelles » <strong>de</strong><br />
production cynégétique.<br />
110 Notons que le qualitatif <strong>de</strong> naturel est ambigu car il gar<strong>de</strong> souvent chez les militants écologistes le sens d’une<br />
non modification/perturbation par l’Homme, réalité en fait quasi-inexistante, et ce <strong>de</strong>puis longtemps (Grenand,<br />
1999).<br />
- 380 -
Chapitre XII : Le caractère naturellement<br />
conservateur <strong>de</strong>s pratiques traditionnelles ; réalité<br />
ou mythe ; vers une production du gibier ?<br />
Section I – Le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’écologie culturelle<br />
L’hypothèse forte posée dans cette thèse est <strong>la</strong> prise en compte <strong>de</strong> <strong>la</strong> composante<br />
humaine dans <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> du juste équilibre dynamique entre conservation et exploitation<br />
durable <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource faunique. En d’autres termes, comment mieu prendre en compte les<br />
savoirs cynégétiques dans <strong>la</strong> politique actuelle <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage ? Les<br />
popu<strong>la</strong>tions observées présentent encore, comme nous avons pu le voir dans les chapitres<br />
précé<strong>de</strong>nts, un attachement social et culturel à <strong>la</strong> ressource faunistique et aux différentes<br />
activités <strong>de</strong> production qui pourraient être mieux prises en compte dans <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> <strong>de</strong>s<br />
solutions à <strong>la</strong> conservation. En effet, à Makokou comme nous avons pu le voir précé<strong>de</strong>mment,<br />
<strong>la</strong> chasse est une activité d’importance autant culturelle, socioéconomique qu’alimentaire. Les<br />
limites entre ces trois paramètres sont très floues et les objectifs d’une partie <strong>de</strong> chasse<br />
peuvent à tout moment être dominés par l’un ou l’autre <strong>de</strong> ces paramètres. Étant donné que<br />
nous nous intéressons à <strong>la</strong> prise en compte <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions et <strong>de</strong> leurs savoirs indigènes dans<br />
les politiques <strong>de</strong> gestion équilibrée <strong>de</strong>s ressources animales, il est judicieux <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si<br />
elles sont elles-mêmes conservatrices (cas <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong>structeurs <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s dites<br />
traditionnelles <strong>de</strong> production cynégétique) et si, malgré les divers mutations indéniables<br />
survenues (économie <strong>de</strong> marché, dévaluation du FCFA…), elles le resteront ?<br />
Cette question <strong>de</strong> l’importance désormais accordée aux dimensions locales <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
gestion <strong>de</strong>s ressources naturelles basée sur les pratiques « traditionnelles » et les « savoirs<br />
indigènes », propres aux sociétés qui seraient naturellement conservationnistes et dont<br />
l’Occi<strong>de</strong>nt aurait beaucoup à apprendre en matière <strong>de</strong> gestion, a déjà été examinée par<br />
plusieurs anthropologues notamment les spécialistes <strong>de</strong> l’écologie culturelle. En effet, cette<br />
branche <strong>de</strong>s Sciences humaines qui représente un courant anthropologique constitué sous<br />
l’impulsion <strong>de</strong> J.H Steward 111 entre 1930 et 1960, a pour principal objet d’étu<strong>de</strong> les aspects<br />
111 L’idée <strong>de</strong> base <strong>de</strong> Steward est que le milieu naturel et les sociétés humaines ne sont pas <strong>de</strong>ux sphères séparées<br />
mais une seule, à l’intérieur <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle culture et environnement se situent en re<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> réciprocité. Cet auteur<br />
ne considère donc pas comme objet <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> primaire l’organisation sociale ou les comportements religieux,<br />
contrairement à ce que font les culturalistes et les structuralistes. En revanche, il insiste sur <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> faire<br />
- 381 -
matériels <strong>de</strong>s re<strong>la</strong>tions entre une popu<strong>la</strong>tion et son environnement naturel (Grenand, 1999).<br />
Ces re<strong>la</strong>tions découlent du phénomène d’adaptation <strong>de</strong> toute société à son environnement. Les<br />
travaux <strong>de</strong> l’écologie culturelle ont pour vocation d’i<strong>de</strong>ntifier et <strong>de</strong> caractériser les éléments<br />
constitutifs <strong>de</strong> l’environnement et, sur le p<strong>la</strong>n humain, divers aspects tels que les techniques et<br />
l’intensité <strong>de</strong> production, ainsi que <strong>la</strong> contribution alimentaire et énergétique <strong>de</strong>s ressources<br />
naturelles (Takforyan, 2001). Cette science <strong>de</strong> par son analyse approfondie <strong>de</strong>s systèmes<br />
culturels dans leurs re<strong>la</strong>tions avec le milieu naturel, n’est pas étrangère à l’essor <strong>de</strong>s idées, qui<br />
ren<strong>de</strong>nt compte <strong>de</strong> sociétés menant une vie en harmonie avec <strong>la</strong> nature, notamment grâce à un<br />
respect symbolique et religieux <strong>de</strong> celle-ci et, sur un p<strong>la</strong>n pratique, du fait d’une sous-<br />
exploitation <strong>de</strong>s ressources en lien avec <strong>de</strong>s besoins limités (Sahlins, 1972 cité dans<br />
Takforyan, 2001). Certains auteurs (Hames, 1987 ; Vickers, 1991 ; Alvard, 1993, cités dans<br />
Takforyan, 2001) ce sont par contre posé <strong>la</strong> question du caractère volontaire ou indirect <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
conservation : les popu<strong>la</strong>tions locales sont elles conservatrices et peut-on parler d’un « Bon<br />
Sauvage Écologique », ou bien les cas <strong>de</strong> soutenabilité ne sont-ils que <strong>la</strong> conséquence d’une<br />
re<strong>la</strong>tive abondance <strong>de</strong>s ressources? Le débat, reste ouvert. De toute façon, <strong>la</strong> gestion, si elle<br />
est admise, ne peut être pensée et vécue que par <strong>la</strong> nécessité <strong>de</strong> pérenniser les ressources.<br />
L’idée <strong>de</strong> protection en soi n’existe pas dans ces communautés.<br />
En matière <strong>de</strong> chasse s’est développé une théorie dite <strong>de</strong> « l’exploitation optimale ».<br />
Les chasseurs sont censés rentabiliser leur activité <strong>de</strong> chasse, en suivant une logique <strong>de</strong><br />
maximisation à court terme du taux <strong>de</strong> prélèvement par unité <strong>de</strong> temps ou, <strong>de</strong> manière<br />
équivalente, <strong>de</strong> minimisation du temps consacré à <strong>la</strong> production, au vu <strong>de</strong> leurs besoins et<br />
compte tenu <strong>de</strong> <strong>la</strong> technologie dont ils disposent. On parle également d’un « régime<br />
alimentaire optimal », qui correspond à une sélection et à un c<strong>la</strong>ssement <strong>de</strong>s proies<br />
potentielles selon leur « profitabilité », c'est-à-dire leur apport énergétique par unité <strong>de</strong> temps<br />
passé à les poursuivre ; les gibiers <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> taille et dont <strong>la</strong> capture est aisée comme les<br />
Potamochères font partie <strong>de</strong> ce régime et possè<strong>de</strong>nt un « rang » élevé au sein <strong>de</strong> celui-ci.<br />
L’écologie culturelle et <strong>la</strong> théorie <strong>de</strong> l’exploitation optimale ont fait l’objet <strong>de</strong><br />
nombreux travaux sur <strong>la</strong> chasse, notamment publiés dans <strong>la</strong> revue Human Ecology. Les étu<strong>de</strong>s<br />
portant sur les sociétés indigènes d’Amérique Latine et d’Amazonie sont les plus abondantes.<br />
On peut cité ceux <strong>de</strong> Hames (1979) et <strong>de</strong> Vickers (1991), ainsi que diverses étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cas<br />
dans l’ouvrage <strong>de</strong> Redford & Padoch (1992). Mais malgré tous ces débats, il semble difficile<br />
<strong>de</strong> conclure si les popu<strong>la</strong>tions locales sont conservationnistes ou pas ; du moins, selon Hames<br />
<strong>de</strong> nombreuses étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> cas, ce qui a profondément induit <strong>la</strong> floraison <strong>de</strong>s <strong>recherche</strong>s, non seulement en<br />
écologie humaine mais aussi en ethnosciences. Il est également nécessaire <strong>de</strong> rappeler que l’écologie <strong>de</strong>s<br />
popu<strong>la</strong>tions est née <strong>de</strong> ce courant <strong>de</strong> pensée (Grenand, 1999).<br />
- 382 -
(1987) cité par Takforyan (Takforyan, 2001), n’a-t-on jamais pu le prouver. Mais en définitif,<br />
quelles que soient les logiques sous-jacentes <strong>de</strong>s pratiques, les auteurs soulignent l’importance<br />
<strong>de</strong>s conditions socioéconomiques actuelles, qui ne permettent plus cette durabilité, même si<br />
elle a existé un jour ; il en va <strong>de</strong> même pour les biologistes, l’ouverture vers l’extérieur et le<br />
développement du commerce apparaissent comme <strong>de</strong>s facteurs <strong>de</strong> forte perturbation <strong>de</strong>s<br />
systèmes « traditionnels ». D’où l’intérêt d’axer <strong>la</strong> réflexion pour le cas <strong>de</strong> Makokou et du<br />
Gabon, vers <strong>de</strong>s stratégies d’accompagnement <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière pour aboutir à une<br />
exploitation et une production pérennes <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource.<br />
Section II. La faune sauvage menacée par l’alliance <strong>de</strong>s pratiques mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> production<br />
cynégétique et les savoirs locaux<br />
Le Gabon, tout comme les pays <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région n’est pas épargné par les mutations<br />
socioéconomiques majeures (crise du café et du cacao, dévaluation du FCFA, crise asiatique<br />
du bois…) survenues ces <strong>de</strong>rnières années. Les conséquences <strong>de</strong> ces mutations à gran<strong>de</strong><br />
échelle sont localement perçues chez les popu<strong>la</strong>tions locales par <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> subsistance<br />
<strong>de</strong> plus en plus difficiles qui nécessitent <strong>de</strong>s aménagements ou <strong>de</strong>s changements <strong>de</strong> stratégies<br />
<strong>de</strong> production. Parmi ces stratégies, on note une évolution <strong>de</strong>s pratiques cynégétiques qui, non<br />
seulement utilisent <strong>de</strong>s produits dits mo<strong>de</strong>rnes 112 <strong>de</strong> chasse comme les armes à feu à<br />
percussion centrale et le câble en acier, mais associent à ces instruments <strong>de</strong>s savoirs<br />
cynégétiques traditionnels pour rentabiliser les prises. Dans cette section, avant <strong>de</strong> discuter <strong>de</strong><br />
l’impact <strong>de</strong>s associations entre pratiques mo<strong>de</strong>rnes et savoirs indigènes sur l’économie<br />
domestique et sur <strong>la</strong> ressource, nous reviendrons d’abord sur les systèmes locaux d’accès à <strong>la</strong><br />
ressource qui ont un rôle déterminant dans les pratiques cynégétiques.<br />
II.1. Les systèmes d’accès et d’appropriation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource<br />
L’acquisition d’une zone <strong>de</strong> chasse à Makokou, tout comme c’est le cas pour les terres<br />
cultivables et même pour <strong>la</strong> construction d’un campement ou d’un vil<strong>la</strong>ge, suit généralement<br />
<strong>la</strong> règle du « premier arrivé » (Takforyan, 2001). Très souvent le prospecteur pionnier <strong>de</strong>vient<br />
par <strong>la</strong> suite le chef et propriétaire du nouveau site découvert. En effet comme nous l’avons vu<br />
précé<strong>de</strong>mment, les dép<strong>la</strong>cements forcés <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions vers les principaux axes routiers, ont<br />
112 Nous utilisons ici le mot "mo<strong>de</strong>rne" associé à <strong>de</strong>s outils pour désigner tout objet importé <strong>de</strong>s pays<br />
occi<strong>de</strong>ntaux. Cependant, l’introduction du fusil en Afrique est probablement aussi ancienne que l’émergence <strong>de</strong><br />
certaines pratiques cynégétiques.<br />
- 383 -
abouti à l’émergence <strong>de</strong> vastes zones <strong>de</strong> forêts inhabitées 113 . Plusieurs vil<strong>la</strong>ges, comme ceux<br />
situés sur <strong>la</strong> <strong>national</strong>e 4 entre Makokou et Ovan, quittant ainsi les profon<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt et<br />
les bords <strong>de</strong> l’Ivindo, se sont reconstitués ça et là en bordure <strong>de</strong> route, généralement aux<br />
intersections avec <strong>de</strong>s petits cours d’eaux ou <strong>de</strong>s rivières. Les chasseurs ont toujours été en<br />
tête <strong>de</strong>s prospecteurs <strong>de</strong> nouvelles zones <strong>de</strong> production autour <strong>de</strong>s nouvelles imp<strong>la</strong>ntations<br />
qu’ils s’attribuent systématiquement en les délimitant par <strong>de</strong>s marques 114 sur les arbres qu’ils<br />
font le long <strong>de</strong>s sentiers. Dès qu’une zone <strong>de</strong> forêt a été fréquentée pour <strong>la</strong> première fois par<br />
un pionnier qui y a <strong>la</strong>issé ses marques, son accès <strong>de</strong>vient systématiquement réglementé par<br />
celui-ci, alors considéré comme propriétaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> zone. Plusieurs raisons obligent quiconque<br />
souhaiterait accé<strong>de</strong>r à cette zone, <strong>de</strong> s’adresser au pionnier : pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> sécurité liées<br />
par exemple à l’instal<strong>la</strong>tion <strong>de</strong> pièges qui peuvent être mortels pour celui qui n’est pas averti<br />
<strong>de</strong> leurs emp<strong>la</strong>cements ou encore pour éviter <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> chasse ; mais avant tout pour<br />
éviter <strong>de</strong>s conflits liés à l’exploitation <strong>de</strong>s ressources du milieu.<br />
Les zones <strong>de</strong> chasse sont pour <strong>la</strong> plupart transmises au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille étendue, <strong>de</strong><br />
père en fils, d’oncle à neveu ou encore <strong>de</strong> beau père à gendre 115 . Cet héritage peut prendre <strong>de</strong>s<br />
ramifications plus complexes mais généralement il se fait par le lien du sang. Cette<br />
transmission ne représente pas un héritage en tant que tel puisqu’il n’existe pas <strong>de</strong> répartition<br />
officielle <strong>de</strong> l’espace entre les différentes familles. Elle n’est donc pas figée dans le temps.<br />
Une zone <strong>de</strong> chasse abandonnée est accessible à tout chasseur du vil<strong>la</strong>ge et parfois à <strong>de</strong>s<br />
allochtones non autorisés. Toutefois, <strong>la</strong> transmission se réalise <strong>de</strong> fait car, que ce soit en<br />
matière <strong>de</strong> chasse ou dans tout autre domaine, le fils ou le neveu marche sur les traces du père<br />
ou <strong>de</strong> l’oncle, le beau fils hérite <strong>de</strong>s droits d’accès à <strong>la</strong> ressource <strong>de</strong> sa femme, etc. Les<br />
chasseurs exercent leur activité <strong>de</strong> chasse <strong>de</strong> préférence sur les sites où leur père se rendait,<br />
c'est-à-dire là où ils l’ont suivi durant leur enfance, faisant ainsi leurs premiers apprentissages<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> forêt et <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse. Cette réalité observée à Makokou, se retrouve chez <strong>de</strong> nombreuses<br />
autres communautés dans <strong>la</strong> sous-région. Ainsi, dans l’est du Cameroun, Takforyan en<br />
décrivant l’importance <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> <strong>la</strong> parenté pour l’accès et l’allocation <strong>de</strong>s ressources<br />
forestières <strong>de</strong>s communautés <strong>de</strong> Gouté et Djémiong, met en évi<strong>de</strong>nce également l’importance<br />
du patrilignage d’un même vil<strong>la</strong>ge dans les règles d’accès aux zones <strong>de</strong> production<br />
113 Ces zones <strong>de</strong> forêts sont inhabitées <strong>de</strong> façon permanente mais sont néanmoins fréquentées par les chasseurs.<br />
En effet à l’heure actuelle, aucune forêt gabonaise n’est dépourvue d’activité humaine comme ten<strong>de</strong>nt à<br />
l’affirmer certains conservationistes.<br />
114 Il s’agit généralement d’écorces arrachées, d’arbustes coupés pour marquer une piste.<br />
115 Le gendre fait partie intégrante <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille. Lorsqu’il s’agit <strong>de</strong> l’époux <strong>de</strong> l’aîné, il fait office <strong>de</strong> chef <strong>de</strong><br />
famille et est consulté au même titre que le neveu. De par sa liaison maritale, il bénéficie <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> propriété<br />
coutumière <strong>de</strong> son épouse. Mais pour ce<strong>la</strong>, il faut qu’il soit installé auprès <strong>de</strong> ses beaux parents et participe à <strong>la</strong><br />
vie familiale.<br />
- 384 -
cynégétique. Les allochtones apparentés ou amis sont admis sous conditions ou purement et<br />
simplement expulsés <strong>de</strong> ces forêts vil<strong>la</strong>geoises s’ils sont découverts. L’auteur décrit<br />
également les règles <strong>de</strong> bon voisinage entre communautés marquées par l’existence <strong>de</strong> zones<br />
tampons qui correspon<strong>de</strong>nt au chevauchement <strong>de</strong>s limites entre terroirs vil<strong>la</strong>geois. Ce cas <strong>de</strong><br />
figure n’existe pratiquement pas dans notre zone d’étu<strong>de</strong> tellement les terroirs vil<strong>la</strong>geois<br />
actuels sont artificialisés et font l’objet <strong>de</strong> bien peu d’intérêt sur le p<strong>la</strong>n culturel. Les conflits<br />
entres chasseurs <strong>de</strong> vil<strong>la</strong>ges voisins sont rares et les rapports <strong>de</strong> bon voisinage sont privilégiés.<br />
À Gouté et Djémiong, le système d’allocation du gibier est dominé par <strong>de</strong>s obligations <strong>de</strong><br />
redistribution où l’on retrouve <strong>la</strong> prégnance <strong>de</strong>s systèmes <strong>de</strong> parenté. Les échanges et <strong>la</strong><br />
circu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong>s biens participent à <strong>la</strong> cohésion interne <strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong> parenté. C’est ce que<br />
nous avons également observé à Makokou quoique dans cette région, <strong>la</strong> prédominance <strong>de</strong><br />
l’activité commerciale amène généralement les chasseurs à privilégier <strong>la</strong> vente <strong>de</strong> leur prise à<br />
<strong>la</strong> redistribution au sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille. Mais néanmoins, l’argent obtenu à travers <strong>la</strong> vente du<br />
gibier pourra servir autant le chasseur que sa famille é<strong>la</strong>rgie, ce qui amène généralement ses<br />
membres à être plus indulgents sur <strong>la</strong> fait qu’il ait choisi <strong>de</strong> vendre son gibier plutôt que <strong>de</strong> le<br />
distribuer.<br />
En définitive, les structures <strong>de</strong> parenté sont un déterminant majeur <strong>de</strong> l’accès et <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
répartition <strong>de</strong>s ressources. Le gibier constitue aussi une source clé en tant que marqueur <strong>de</strong>s<br />
re<strong>la</strong>tions sociales et <strong>de</strong> parenté. En effet, les règles qui conditionnent les possibilités<br />
d’exploitation « traditionnelles » <strong>de</strong>s ressources naturelles forestières reposent essentiellement<br />
sur ces liens, puisque l’accès aux terroirs est conditionné dans <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s cas par<br />
l’appartenance <strong>de</strong>s individus à un lignage « ayant droit » sur une zone géographique donnée.<br />
Les structures <strong>de</strong> parenté sont donc <strong>de</strong> facto un frein à l’invasion <strong>de</strong>s territoires <strong>de</strong> chasse par<br />
<strong>de</strong>s allogènes.<br />
II.2. Les savoirs locaux au service d’une rentabilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
La chasse à Makokou est, au vu <strong>de</strong>s espèces prélevées et <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> capture, une<br />
activité re<strong>la</strong>tivement spécialisée et adaptée aux conditions naturelles et socioéconomiques<br />
locales. Nous avons pu le constater dans le chapitre V avec l’émergence <strong>de</strong> chasseurs<br />
spécialisés dans <strong>la</strong> capture <strong>de</strong> tel ou tel gibier d’intérêt commercial. Cette activité <strong>de</strong><br />
production a connue, dans le temps et comme partout dans <strong>la</strong> sous-région, diverses mutations<br />
culturelles dans ses objectifs, <strong>de</strong>s améliorations techniques et un essor économique avec <strong>de</strong>s<br />
répercussions sociales non négligeables.<br />
- 385 -
Les outils <strong>de</strong> production cynégétiques prédominants dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou sont,<br />
nous l’avons vu, <strong>la</strong> chasse au fusil et <strong>la</strong> chasse aux pièges <strong>de</strong> type collet utilisant du câble en<br />
acier. Les autres mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> production telles que <strong>la</strong> chasse au filet, à l’arbalète, à <strong>la</strong> sagaie, à<br />
l’arc, le piège à fosse ou l’assommoir sont <strong>de</strong>s pratiques quasi abandonnées ou du moins pour<br />
certaines techniques, restent du domaine <strong>de</strong>s enfants dans leur phase d’apprentissage <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
chasse et en particulier l’acquisition <strong>de</strong> réflexes prédateurs. La prédominance <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au<br />
fusil et le collet est associée une tendance à l’exploitation "commerciale <strong>de</strong> subsistance" <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ressource faunique dans <strong>la</strong> région. Ces techniques, comme c'est le cas pour le Potamochère,<br />
permettent <strong>de</strong> maximiser les captures <strong>de</strong> gibiers qui seront préférentiellement <strong>de</strong>stinées à <strong>la</strong><br />
vente. Ce qui signifie en d’autres termes que le caractère "traditionnel" <strong>de</strong>s pratiques<br />
cynégétiques est fortement remis en cause sauf si l’on accepte que le fusil et le collet soient<br />
considérés comme étant l’évolution inéluctable <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> production vil<strong>la</strong>geoises à<br />
Makokou, ce qui serait plus vrai pour le collet que le fusil bien entendu. Mais évi<strong>de</strong>ment à<br />
partir du moment où les outils dits mo<strong>de</strong>rnes (fusils, cartouches, câbles, torches, piles…),<br />
nécessaires à <strong>la</strong> pratique <strong>de</strong> ces types <strong>de</strong> chasse ne sont pas à <strong>la</strong> portée <strong>de</strong> tous, le caractère<br />
traditionnel est mis à mal par l’émergence d’une chasse <strong>de</strong> spécialistes. Ce qui reviendrait<br />
donc à dire que dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou, il n’y a presque plus <strong>de</strong> système <strong>de</strong> production<br />
cynégétique traditionnel contrairement à d’autres endroits du Gabon (Haut-Ogooué, Nyanga)<br />
ou <strong>de</strong> <strong>la</strong> sous-région (sud-est Cameroun). Les savoirs et les pratiques locales concernant <strong>la</strong><br />
chasse sortent alors <strong>de</strong> leur fonction communautaire ancienne et s'adaptent à ces nouvelles<br />
techniques d’acquisition <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource afin <strong>de</strong> rentabiliser les captures. Le fusil par exemple<br />
sera soumis à une série <strong>de</strong> pratiques qui le rendra plus efficace dans le sens où il <strong>de</strong>vra faire<br />
mouche à tous les coups. La veille <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse, le fusil est <strong>la</strong>vé avec une solution composée<br />
<strong>de</strong> feuilles et racines <strong>de</strong> diverses espèces végétales puis est p<strong>la</strong>cé à un endroit sûr. Plusieurs<br />
autres procédés existent sur lesquels nous ne appesantirons pas ici. Dans ce cas <strong>de</strong> figure, le<br />
fusil n’est plus considéré, comme une simple arme à feu, mais plutôt comme une composante<br />
à part entière du chasseur qui au moment où il l’utilisera sera en parfaite symbiose avec cet<br />
outil. Les cartouches <strong>de</strong>stinées à <strong>la</strong> chasse sont également "préparées" selon <strong>de</strong>s procédés<br />
simi<strong>la</strong>ires. La phase <strong>de</strong> préparation qui précè<strong>de</strong> une partie <strong>de</strong> chasse est déterminante dans les<br />
objectifs à atteindre. À Makokou l’ensemble <strong>de</strong>s fétiches que possè<strong>de</strong> un chasseur, sont<br />
généralement orientés vers un accroissement <strong>de</strong> <strong>la</strong> production <strong>de</strong> ce <strong>de</strong>rnier. Lorsqu’une zone<br />
<strong>de</strong> chasse <strong>de</strong>vient moins productive par exemple, l’idée <strong>de</strong> l’épuisement <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource n’est<br />
pas envisagée. Le chasseur cherchera sans cesse un fétiche plus puissant jusqu’à ce qu’il se<br />
- 386 -
ésigne à croire qu’il est maudit par <strong>de</strong>s forces maléfiques jalouses plutôt que <strong>de</strong> penser à une<br />
possible raréfaction du gibier.<br />
Par rapport à cette approche <strong>de</strong> <strong>la</strong> rentabilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse par les vil<strong>la</strong>geois, l’idée<br />
<strong>de</strong> mettre en p<strong>la</strong>ce un système local <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage basé sur <strong>la</strong> valorisation <strong>de</strong>s<br />
pratiques cynégétiques traditionnelles et <strong>de</strong>s savoirs locaux n’a presque plus <strong>de</strong> sens. En effet,<br />
les chasseurs <strong>de</strong> Makokou sont déjà tous dans cette logique <strong>de</strong> maximisation <strong>de</strong>s prises car <strong>la</strong><br />
faune sauvage constitue pour eux une source <strong>de</strong> revenu indispensable. Tous les procédés sont<br />
bons pour augmenter <strong>la</strong> production cynégétique <strong>de</strong>stinée à <strong>la</strong> consommation et à <strong>la</strong><br />
commercialisation. Cette réalité <strong>de</strong>vrait nous conduire vers d’autres pistes <strong>de</strong> réflexion telle <strong>la</strong><br />
production d’animaux sauvages comme nous le verrons par <strong>la</strong> suite.<br />
Par ailleurs, même les "indigénistes" qui croient en une forêt durablement gérée par les<br />
vil<strong>la</strong>geois, grands connaisseurs <strong>de</strong> cet environnement qui auraient beaucoup à nous apprendre<br />
sur <strong>la</strong> gestion <strong>de</strong> ce milieu et <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> sa diversité (Takforyan, 2001, Roulet, 2004),<br />
ne peuvent aujourd’hui remettre en question les changements qui ont amené les popu<strong>la</strong>tions à<br />
exploiter comme elles le peuvent (ou comme elles le veulent) <strong>la</strong> ressource faunique pour leur<br />
subsistance et si possible, pour améliorer leurs conditions <strong>de</strong> vie. Dans ce cas <strong>de</strong> figure, si <strong>la</strong><br />
ressource faunique ne se renouvelle plus ou n’est pas exploitée dans le sens <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
pérennisation <strong>de</strong>s activités vil<strong>la</strong>geoises, les inquiétu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s conservationnistes seront alors<br />
justifiées, ce qui nous oblige à développer d’autres axes <strong>de</strong> réflexions.<br />
Face à <strong>de</strong>ux tendances antagonistes qui préconisent d’un côté <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong><br />
conservation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource faunique qui exclut l’Homme et ses pratiques <strong>de</strong>s milieux<br />
naturels, <strong>de</strong> l’autre un <strong>la</strong>isser-faire qui s’appuie sur l’affirmation que les popu<strong>la</strong>tions seraient<br />
"naturellement conservatrices", il nous semble judicieux d’explorer d’autres voies :<br />
- d’une part, d’opter pour <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> production <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource faune sauvage<br />
comme ce<strong>la</strong> a été proposé par le DABAC et SODEPAL, en complément <strong>de</strong> <strong>la</strong> production<br />
d’espèces animales plus conventionnelles et d’une chasse associative plus organisée ;<br />
- d’autre part, en réexaminant pour le cas du Gabon et en particulier <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong><br />
Makokou, <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion en matière <strong>de</strong>s Eaux et Forêts sur les aspects <strong>de</strong> <strong>la</strong> localisation et le<br />
rôle <strong>de</strong>s réserves et parc nationaux qui doivent prioritairement être profitables aux popu<strong>la</strong>tions<br />
et non pas comme c’est le cas actuellement uniquement à l’État.<br />
Dans le premier cas, les annexes VIII et IX détaillent les entreprises <strong>de</strong> <strong>recherche</strong><br />
menées jusque là pour tester <strong>la</strong> faisabilité d’un projet <strong>de</strong> production <strong>de</strong> Potamochère à<br />
Makokou et pour mieux comprendre les causes <strong>de</strong> l’échec <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux premières expériences.<br />
- 387 -
Dans le second cas, <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion est peu précise et aucun article <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi 16/01 ne<br />
stipule c<strong>la</strong>irement que <strong>la</strong> chasse commerciale au Gabon est autorisée sous telles ou telles<br />
conditions. Nous proposons alors <strong>de</strong> tester sur le terrain (voir le détail dans les annexes IX et<br />
X) <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’une association et d’un projet <strong>de</strong> fédération <strong>de</strong>s chasseurs et <strong>de</strong>s<br />
commerçantes <strong>de</strong> gibier <strong>de</strong> Makokou.<br />
Section III – La production <strong>de</strong> gibiers sauvages, une activité prospère et<br />
d’avenir pour le Gabon …<br />
La SODEPAL l’a compris très tôt en se <strong>la</strong>nçant dès 1996 dans une tentative <strong>de</strong><br />
production intensive et extensive du Potamochère. Le Projet DABAC s’est également<br />
intéressé à l’élevage du Potamochère mais, tout comme <strong>la</strong> SODEPAL, il n’a pas pris <strong>la</strong><br />
précaution <strong>de</strong> se munir <strong>de</strong> toutes les donnes scientifiques et techniques préa<strong>la</strong>bles à l’élevage<br />
d’une telle espèce animale. L’initiative <strong>de</strong> <strong>la</strong> DABAC s’étant soldée par un échec total, celui<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> SODEPAL persiste encore mais reste très fragile et en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong>s objectifs fixés (voir<br />
Chapitre VIII, & VII.2). Ces <strong>de</strong>ux initiatives ont néanmoins eu le mérite d’avoir initié <strong>la</strong> mise<br />
en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> standards d’élevage du Potamochère au Gabon.<br />
Le Potamochère, comme nous l’avons vu dans cette thèse, est le gibier phare <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
filière chasse et du commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à Makokou. Il est préférentiellement<br />
chassé pour être commercé et les vil<strong>la</strong>geois maximisent leurs prises en utilisant une panoplie<br />
<strong>de</strong> techniques alliant outils mo<strong>de</strong>rnes et savoirs traditionnels <strong>de</strong> production cynégétique. La<br />
configuration du groupe liée au comportement grégaire et re<strong>la</strong>tivement peu méfiant <strong>de</strong>s<br />
Potamochères, permet au chasseur <strong>de</strong> tuer plusieurs individus en une partie <strong>de</strong> chasse et <strong>la</strong><br />
rencontre d’une ban<strong>de</strong> marque généralement <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> <strong>la</strong> traque. C’est un gros gibier qui peut<br />
faire le bonheur du repas domestique mais également qui se vend très bien sur le marché. Cet<br />
animal est le <strong>de</strong>uxième gibier le plus abondant sur le marché <strong>de</strong> Makokou après le<br />
Céphalophe bleu. Cette situation semble être caractéristique <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou puisque<br />
d’après l’étu<strong>de</strong> du WCS, le Potamochère (2,9%) arriverait en septième position <strong>de</strong>s gibiers les<br />
plus vendus sur un p<strong>la</strong>n <strong>national</strong> après l’Athérure (27,1%), le Céphalophe bleu (26,3%), le<br />
Céphalophe Bai (9,6%), le Céphalophe <strong>de</strong> Peters (6,6%), le Cercopithèque nictitans (4,8%) et<br />
le Moustac (4,7%). Le Potamochère est le gibier le plus rentable du commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
brousse à Makokou. Avec un prix moyen <strong>de</strong> vente à <strong>la</strong> découpe <strong>de</strong> 70.500 FCFA il rapporte à<br />
lui seul entre 48% et 52% <strong>de</strong>s bénéfices aux commerçantes. Ce qui fait <strong>de</strong> ce gibier, autant<br />
pour les chasseurs que pour les commerçantes, une ressource capitale.<br />
- 388 -
Par ailleurs, le Potamochère comme nous l’avons vu précé<strong>de</strong>mment, a également<br />
inspiré beaucoup <strong>de</strong> sociétés traditionnelles dans leur organisation et dynamique sociale. Il est<br />
autant totem chez les Fang que chez les Bakota et les Batéké du sud. Mais malgré cette<br />
reconnaissance symbolique, il est <strong>de</strong> nos jours débarrassé <strong>de</strong> tout interdit <strong>de</strong> chasse et<br />
alimentaire. Cette situation semble avoir évolué récemment puisque selon les données <strong>de</strong><br />
Lahm, (Lahm, 1993) son exploitation s’est accrue ces <strong>de</strong>rnières années, probablement à cause<br />
<strong>de</strong> l’expansion <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au fusil et l’utilisation du câble en acier pour le collet qui sont <strong>de</strong>s<br />
techniques plus adaptées à <strong>la</strong> capture <strong>de</strong> ce gibier. Encore <strong>la</strong>rgement présent dans les forêts <strong>de</strong><br />
Makokou, il paye un lourd tribut à une chasse commerciale intensive. Gibier d’excellence, il<br />
est en même temps respecté et craint <strong>de</strong>s chasseurs qui <strong>de</strong> retour <strong>de</strong> chasse, se vantent <strong>de</strong> leurs<br />
prouesses.<br />
Partant <strong>de</strong> ces constats, il est évi<strong>de</strong>nt que pour ce gibier comme pour plusieurs autres<br />
espèces animales, l’intérêt <strong>de</strong> préserver <strong>la</strong> ressource, non pas uniquement pour le p<strong>la</strong>isir <strong>de</strong><br />
conserver mais pour continuer à l’exploiter et ce, <strong>de</strong> manière viable, est en jeu. Ce qui nous<br />
amène une fois <strong>de</strong> plus à axer <strong>la</strong> réflexion vers les initiatives <strong>de</strong> production <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource<br />
comme celles entreprises par <strong>la</strong> SODEPAL et le DABAC, d’autant plus que le Potamochère,<br />
contrairement à d’autres gibiers <strong>de</strong> même taille, est une espèce poly-embryonnaire et qui<br />
présente <strong>de</strong>s caractéristiques zootechniques favorables à son élevage. À ce titre, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
Feer (1996) sur les potentialités <strong>de</strong> l’exploitation durable <strong>de</strong> l’élevage du gibier en zone<br />
forestière tropicale p<strong>la</strong>i<strong>de</strong> en faveur <strong>de</strong>s Suidés dont <strong>la</strong> majorité <strong>de</strong>s espèces offrent <strong>de</strong>s<br />
possibilités intéressantes d’élevage. Selon cet auteur, partant du fait que tout éleveur souhaite<br />
obtenir <strong>la</strong> plus forte production possible en un minimum <strong>de</strong> temps, les espèces sauvages dont<br />
les femelles sont les plus productives et/ou les jeunes ont <strong>la</strong> croissance <strong>la</strong> plus rapi<strong>de</strong>,<br />
<strong>de</strong>vraient retenir l’attention <strong>de</strong> départ. Par <strong>la</strong> suite, les performances <strong>de</strong> production pourront<br />
être améliorées en modifiant les conditions d’élevage ou, à terme, en sélectionnant les<br />
reproducteurs. Les Rongeurs et les Suidés ont <strong>de</strong>s temps <strong>de</strong> gestation courts et <strong>de</strong>s rythmes <strong>de</strong><br />
reproduction nettement plus rapi<strong>de</strong> que les Ruminants <strong>de</strong> poids équivalent. Leur nombre <strong>de</strong><br />
mise bas annuel est généralement supérieur à <strong>de</strong>ux.<br />
Il est cependant nécessaire <strong>de</strong> partir <strong>de</strong> ce qui a manqué au DABAC et ce qui freine <strong>la</strong><br />
SODEPAL, pour maximiser les chances <strong>de</strong> réussite. L’initiative d’élevage du Potamochère<br />
que nous avons mise en p<strong>la</strong>ce à <strong>la</strong> station d’Ipassa va dans le sens <strong>de</strong> cette réflexion. Le<br />
Potamochère produit en élevage ne <strong>de</strong>vra pas être pris en compte au moins dans un premier<br />
temps comme un moyen <strong>de</strong> lutter contre le braconnage ou encore <strong>de</strong> remp<strong>la</strong>cer <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong><br />
chasse mais au contraire, elle <strong>de</strong>vra être complémentaire à <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> chasse offrant une<br />
- 389 -
possibilité <strong>de</strong> choix aux consommateurs. La gestion du cheptel tant forestier que d’élevage<br />
posera alors moins <strong>de</strong> problèmes dans <strong>la</strong> mesure où les vil<strong>la</strong>geois comme les éleveurs auront<br />
pris conscience <strong>de</strong> l’intérêt <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource pour leur activité. Cette approche nécessite<br />
toutefois une révision <strong>de</strong> <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion sur <strong>la</strong> faune sauvage qui ne favorise pas à l’heure<br />
actuelle <strong>la</strong> promotion d’initiatives d’élevage ainsi qu'une meilleure connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
ressource.<br />
Section IV – …mais pour ce<strong>la</strong>, <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource et<br />
l’encadrement <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière sont <strong>de</strong>s préa<strong>la</strong>bles indispensables<br />
En partant du postu<strong>la</strong>t <strong>de</strong> « mieux connaître pour mieux gérer » et dans le souci <strong>de</strong><br />
tester les propositions que nous ferions, nous avons mené en parallèle à cette thèse plusieurs<br />
activités <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> dont une étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> biologie et l’écologie du Potamochère dans le Parc<br />
National <strong>de</strong> l’Ivindo que <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d'une association qui <strong>de</strong>vrait accompagner les<br />
acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière dans leur activité. Dans le premier cas, les <strong>recherche</strong>s ont été menées dans<br />
le cadre <strong>de</strong> mes activités au sein <strong>de</strong> l’IRET en partenariat avec le PSVAP 116 . Le but <strong>de</strong> cette<br />
étu<strong>de</strong> étant tout simplement <strong>de</strong> compléter les connaissances scientifiques <strong>de</strong> base sur le<br />
Potamochère afin <strong>de</strong> mieux entreprendre l’initiative d’élevage. La métho<strong>de</strong> choisie pour cette<br />
étu<strong>de</strong> était le suivi télémétrique <strong>de</strong>s Potamochères in situ, <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> du site et <strong>la</strong> mise en<br />
p<strong>la</strong>ce du dispositif <strong>de</strong> capture <strong>de</strong>s animaux qui fut une étape préa<strong>la</strong>ble et indispensable (voir<br />
annexes VIII et IX). L’idée <strong>de</strong> base <strong>de</strong> cette démarche, qui vise également <strong>la</strong> réalisation d’un<br />
post-doc, est <strong>de</strong> pouvoir compléter les <strong>recherche</strong>s menées dans cette thèse qui, comme nous<br />
l’avons vu, sont orientées vers l’ethnoécologie. En effet, nous espérons tout au long <strong>de</strong> notre<br />
travail avoir donné, d’une part une meilleure idée <strong>de</strong>s motivations et <strong>de</strong>s modalités<br />
d’exploitation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage par les popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong> Makokou et avoir décrit d’autre part<br />
un certain nombre <strong>de</strong> manquements <strong>de</strong> l’administration gabonaise à accompagner ces<br />
popu<strong>la</strong>tions dans leurs activités <strong>de</strong> subsistance. Notre tâche serait incomplète si nous ne<br />
faisions pas <strong>de</strong>s propositions concrètes pour améliorer <strong>la</strong> situation actuelle. En particulier,<br />
nous avons rédigé puis soumis pour financement au FFEM dans le cadre <strong>de</strong> son programme<br />
Petites Initiatives, un autre projet <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> dont le titre est : « Valorisation durable <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
faune sauvage au Gabon par <strong>la</strong> promotion d’élevage <strong>de</strong> gibier et <strong>la</strong> responsabilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
filière » (voir annexe X). Malheureusement, <strong>la</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong> n’a pas abouti et ce projet est en<br />
116 Le PSVAP est le principal bailleur <strong>de</strong> ce projet <strong>de</strong> 25000 euros<br />
- 390 -
suspens. Ce projet <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> a été présenté au FFEM par l’association Fondation<br />
Ressources Naturelles Oubliées (WRF) que nous avons mis en p<strong>la</strong>ce à Makokou et dont les<br />
objectifs sont :<br />
- promouvoir <strong>la</strong> <strong>recherche</strong> développement sur <strong>la</strong> faune sauvage ;<br />
- promouvoir <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce d’unités d’élevage d’animaux sauvages à Makokou (voir<br />
annexe XI) ;<br />
- accompagner les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière (chasseurs, transporteurs, commerçantes,<br />
consommateurs) dans leurs activités <strong>de</strong> telle sorte qu’un équilibre s’installe entre leurs<br />
attentes et celles <strong>de</strong> l’administration.<br />
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- 401 -
TABLES DES MATIÈRES<br />
REMERCIEMENTS................................................................................................................................................... - 4 -<br />
SOMMAIRE ............................................................................................................................................................... - 6 -<br />
Introduction......................................................................................................................................................... - 13 -<br />
Section I – Constats re<strong>la</strong>tifs à <strong>la</strong> cynégétique en Afrique Centrale .....................................................................................- 13 -<br />
Section II – Problématique et hypothèses ...........................................................................................................................- 15 -<br />
Section III - Approches méthodologiques...........................................................................................................................- 17 -<br />
PREMIÈRE PARTIE : LE GABON,PAYS EXCEPTIONNEL,SITUATION EXCEPTIONNELLE .......... - 19 -<br />
Chapitre I : Contexte général <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong>............................................................................................................. - 20 -<br />
Section I - Le Gabon, pays exceptionnel.............................................................................................................................- 20 -<br />
I.1. Contexte général......................................................................................................................................................- 20 -<br />
I.2. Situation économique..............................................................................................................................................- 28 -<br />
Section II - Malgré ce potentiel en ressources naturelles élevé, le Gabon connaît <strong>de</strong>s réalités économiques et sociales<br />
difficiles..............................................................................................................................................................................- 30 -<br />
II.1 Une faible agriculture industrielle...........................................................................................................................- 30 -<br />
II.2. Des importations alimentaires prononcées.............................................................................................................- 31 -<br />
II.3. Une exploitation forestière non viable ...................................................................................................................- 32 -<br />
II.4. La fin <strong>de</strong>s rentes pétrolières ...................................................................................................................................- 33 -<br />
II.5. Les Défis à venir ....................................................................................................................................................- 34 -<br />
II.6. Le DSRP du Gabon................................................................................................................................................- 35 -<br />
Section III - Les Parcs Nationaux du Gabon, une solution d’avenir ...................................................................................- 36 -<br />
III.1. L’enjeu économique .............................................................................................................................................- 37 -<br />
III.2. L’enjeu écologique et scientifique ........................................................................................................................- 38 -<br />
III.3. L’enjeu social .......................................................................................................................................................- 41 -<br />
III.4. Des difficultés <strong>de</strong> mises en œuvre <strong>de</strong>s parcs et <strong>de</strong>s contraintes en perspectives ...................................................- 42 -<br />
III.5. Conclusion............................................................................................................................................................- 44 -<br />
Chapitre II : Présentation du site d’étu<strong>de</strong> .......................................................................................................... - 45 -<br />
Section I - Le cadre naturel.................................................................................................................................................- 45 -<br />
I.1. Données climatiques................................................................................................................................................- 45 -<br />
I.2. La forêt du nord-est du Gabon.................................................................................................................................- 47 -<br />
I.3. La faune <strong>de</strong> <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou ..........................................................................................................................- 49 -<br />
Section II - Le cadre humain...............................................................................................................................................- 49 -<br />
II.1. La popu<strong>la</strong>tion Ogivine ...........................................................................................................................................- 49 -<br />
II.2. Une situation démographique préoccupante ..........................................................................................................- 53 -<br />
Section III - Le cadre économique ......................................................................................................................................- 54 -<br />
III.1. Le fer <strong>de</strong> Bélinga ..................................................................................................................................................- 54 -<br />
III.2. De nombreux filons d’or alluvial..........................................................................................................................- 54 -<br />
III.3. Il était une fois le Café et le Cacao .......................................................................................................................- 55 -<br />
III.4. Une économie <strong>de</strong> subistance prospère ..................................................................................................................- 55 -<br />
Section IV - Pertinence du choix <strong>de</strong> Makokou....................................................................................................................- 64 -<br />
Section V - Le Cadre institutionnel.....................................................................................................................................- 65 -<br />
V.1. La Station <strong>de</strong> Recherche d’Ipassa-Makokou..........................................................................................................- 65 -<br />
V.2. Le Parc National <strong>de</strong> l’Ivindo (PNI)........................................................................................................................- 73 -<br />
Chapitre III : Le modèle et les métho<strong>de</strong>s utilisées.............................................................................................. - 75 -<br />
Section I – Synthèse <strong>de</strong> données disponibles sur le Potamochère.......................................................................................- 75 -<br />
I.1. C<strong>la</strong>ssification...........................................................................................................................................................- 75 -<br />
I.2. Description morphologique. ....................................................................................................................................- 76 -<br />
I.3. Données écologiques et éthologiques......................................................................................................................- 78 -<br />
Section II - Le Potamochoerus porcus du Gabon ...............................................................................................................- 84 -<br />
Section III - Le choix <strong>de</strong> l’espèce .......................................................................................................................................- 85 -<br />
III.1. Importance socioéconomique du Potamochère.....................................................................................................- 85 -<br />
III.2. Intérêt alimentaire.................................................................................................................................................- 85 -<br />
III.3. Le potentiel d’élevage...........................................................................................................................................- 86 -<br />
III.4. Les dégâts sur les cultures. ...................................................................................................................................- 86 -<br />
III.5. Le Potamochère, l’animal non charismatique <strong>de</strong> <strong>la</strong> conservation. ........................................................................- 86 -<br />
Section IV – Métho<strong>de</strong>s utilisées..........................................................................................................................................- 87 -<br />
IV.1. Métho<strong>de</strong>s utilisées pour les enquêtes sur les pratiques « traditionnelles » <strong>de</strong> production cynégétiques. ..............- 87 -<br />
IV.1.1. L’utilisation <strong>de</strong>s questionnaires .........................................................................................................................- 88 -<br />
VI.1.2. Les entretiens informels ou semi structurés.......................................................................................................- 98 -<br />
- 402 -
VI.1.3. Traitement et analyse <strong>de</strong>s données.....................................................................................................................- 99 -<br />
VI.2. Métho<strong>de</strong>s utilisées pour vérifier les données sur l’écologie <strong>de</strong>s Potamochères ....................................................- 99 -<br />
VI.2.1. Collecte et analyse <strong>de</strong>s contenus stomacaux......................................................................................................- 99 -<br />
VI.2.2. Les inventaires botaniques...............................................................................................................................- 100 -<br />
Chapitre IV : État <strong>de</strong>s connaissances sur le secteur vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique Centrale et implications <strong>de</strong>s<br />
bailleurs <strong>de</strong> fonds .............................................................................................................................................. - 101 -<br />
Section I – Introduction ....................................................................................................................................................- 101 -<br />
Section II - Bref aperçu historique <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en Afrique Centrale................................................................................- 106 -<br />
II.1. Le rôle <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans l’exploration <strong>de</strong> l’Afrique................................................................................- 106 -<br />
II.2. L’approvisionnement <strong>de</strong>s métropoles par les colonies.........................................................................................- 107 -<br />
II.3. Pratiques cynégétiques et gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage au temps <strong>de</strong>s colonies .....................................................- 108 -<br />
II.4. De <strong>la</strong> préservation à <strong>la</strong> conservation.....................................................................................................................- 109 -<br />
Section III – Les productions cynégétiques vues par le programme Européen (ECOFAC)..............................................- 111 -<br />
III.1. Les termes <strong>de</strong> références <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse menées dans le cadre d’ECOFAC ........................................- 112 -<br />
III.2. Les métho<strong>de</strong>s utilisées pour les étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse et son impact sur <strong>la</strong> faune ................................................- 114 -<br />
III.3. Synthèse <strong>de</strong>s résultats obtenus ............................................................................................................................- 114 -<br />
III.4. Analyse <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s utilisées et <strong>de</strong>s résultats obtenus .....................................................................................- 116 -<br />
Section IV - La chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique Centrale vues par le projet européen DABAC ............- 118 -<br />
Section V - La filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au Gabon vue par le programme européen Avenir <strong>de</strong>s Peuples <strong>de</strong>s Forêts Tropicales<br />
(APFT)..............................................................................................................................................................................- 121 -<br />
V.1. La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse où le lien entre les villes et les campagnes gabonaises ......................................................- 122 -<br />
V.2. Les données sur les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière...............................................................................................................- 122 -<br />
V.3. Les motivations <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière au Gabon ..............................................................................................- 123 -<br />
V.4. Des perspectives et recommandations..................................................................................................................- 124 -<br />
Section VI - L’implication <strong>de</strong>s ONGs <strong>de</strong> conservation sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique<br />
Centrale.............................................................................................................................................................................- 126 -<br />
VI.1. L’initiative du WWF au Gabon ..........................................................................................................................- 126 -<br />
VI.2. Les étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> chasse et <strong>la</strong> filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse au Gabon vues par <strong>la</strong> WCS...........................................- 128 -<br />
VI.3. La chasse et l’industrie .......................................................................................................................................- 129 -<br />
Section VII - Le Groupe <strong>de</strong> travail CITES sur <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique Centrale.................................................- 133 -<br />
Section VIII - L’intervention <strong>de</strong> l’UICN sur <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse en Afrique Centrale : l’UICN-BRAC ...................- 135 -<br />
Section IX - La FAO et <strong>la</strong> problématique chasse et vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse en Afrique Centrale.............................................- 138 -<br />
Section X - Les interventions du Fond Français pour l’Environnement Mondial (FFEM) sur les questions <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et<br />
faune sauvage en Afrique Centrale ...................................................................................................................................- 139 -<br />
Section XI - Une stratégie <strong>national</strong>e sur les vian<strong>de</strong>s <strong>de</strong> brousse pour le Gabon................................................................- 141 -<br />
Section XII - Le peu d’implication <strong>de</strong>s institutions <strong>national</strong>es <strong>de</strong> <strong>recherche</strong> sur <strong>la</strong> question.............................................- 143 -<br />
Section XIII - Le piégeage et <strong>la</strong> chasse aux filets, <strong>de</strong>ux mo<strong>de</strong>s vil<strong>la</strong>geois <strong>de</strong> production en voix <strong>de</strong> disparition ..............- 144 -<br />
XIII.1. La chasse au filet..............................................................................................................................................- 144 -<br />
XIII.2. Le piégeage......................................................................................................................................................- 147 -<br />
Section XIV - La question <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse outre at<strong>la</strong>ntique : cas <strong>de</strong> <strong>la</strong> Guyane française......................................................- 148 -<br />
XIV.1. Les objectifs du programme ............................................................................................................................- 149 -<br />
XIV.2. Présentation <strong>de</strong> quelques résultats ...................................................................................................................- 150 -<br />
Section XV – Conclusion..................................................................................................................................................- 151 -<br />
DEUXIÈME PARTIE : CARACTERISATION DES SAVOIRS ETHNOZOOLOGIQUES ET<br />
CYNEGETIQUES DE LA REGION DE MAKOKOU : LA FILIERE CHASSE A MAKOKOU, UNE<br />
REALITE TANT SOCIOECONOMIQUE QUE CULTURELLE .................................................................... - 155 -<br />
Chapitre V : Une réalité locale analysée : <strong>la</strong> chasse à Makokou..................................................................... - 156 -<br />
Section I - Définitions.......................................................................................................................................................- 156 -<br />
Section II - Profil social <strong>de</strong>s chasseurs Ogivins ................................................................................................................- 157 -<br />
II.1. Les chasseurs vil<strong>la</strong>geois .......................................................................................................................................- 158 -<br />
II.2. Les chasseurs "prestataires <strong>de</strong> services"...............................................................................................................- 159 -<br />
II.3. Les chasseurs occasionnels ..................................................................................................................................- 159 -<br />
II.4. Les chasseurs semi-professionnels.......................................................................................................................- 160 -<br />
II.5. Les chasseurs spécialisés......................................................................................................................................- 160 -<br />
Section III - Notion d’animal focal pour <strong>la</strong> chasse............................................................................................................- 162 -<br />
Section IV - Organisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse..............................................................................................................................- 163 -<br />
IV.1. Les lieux <strong>de</strong> chasse.............................................................................................................................................- 163 -<br />
IV.2. Moyens <strong>de</strong> transport utilisés...............................................................................................................................- 167 -<br />
Section V - Déroulement <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au Potamochère à Makokou .................................................................................- 168 -<br />
V.1. Le Potamochère à Makokou ................................................................................................................................- 168 -<br />
V.2. Spécificité <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi sur <strong>la</strong> chasse au Potamochère ...............................................................................................- 169 -<br />
V.3. Les préparatifs avant <strong>la</strong> chasse au fusil................................................................................................................- 170 -<br />
V.4. La Chasse du Potamochère au fusil dans <strong>la</strong> région <strong>de</strong> Makokou .........................................................................- 173 -<br />
V.5. Le transport du gibier en forêt..............................................................................................................................- 178 -<br />
V.6. Conservation du gibier en forêt............................................................................................................................- 178 -<br />
- 403 -
V.7. Optimisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse au Potamochère ..........................................................................................................- 181 -<br />
V.8. La capture <strong>de</strong>s marcassins....................................................................................................................................- 192 -<br />
V.9. La chasse du Potamochère au collet.....................................................................................................................- 192 -<br />
V.10. Variation saisonnière <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse à Makokou...................................................................................................- 197 -<br />
Section VI - C<strong>la</strong>ssification <strong>de</strong>s gibiers d’après les chasseurs Ogivins ..............................................................................- 197 -<br />
Section VII - Les autres animaux chassés.........................................................................................................................- 199 -<br />
Section VIII - Devenir <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse ..............................................................................................................- 204 -<br />
VIII.1. Le gibier <strong>de</strong>stiné à l’autoconsommation ..........................................................................................................- 204 -<br />
VIII.2. Les gibiers vendus et leur <strong>de</strong>venir....................................................................................................................- 207 -<br />
Section IX - Les chasseurs et leur connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi sur <strong>la</strong> chasse.............................................................................- 211 -<br />
Section X - Impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse sur l’économie domestique.............................................................................................- 212 -<br />
Section XI - Le problème <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse à l’Eléphant à Makokou.......................................................................................- 213 -<br />
Chapitre VI : Le Commerce <strong>de</strong> Gibier à Makokou .......................................................................................... - 216 -<br />
Section I – Bref rappel <strong>de</strong>s principaux titres <strong>de</strong> <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion gabonaise en matière <strong>de</strong> commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse.- 216 -<br />
Section II - Typologie <strong>de</strong>s acteurs du commerce du gibier à Makokou ............................................................................- 218 -<br />
II.1. Les chasseurs .......................................................................................................................................................- 218 -<br />
II.2. Les intermédiaires................................................................................................................................................- 219 -<br />
II.3. Les commerçants(es)............................................................................................................................................- 219 -<br />
II.4. Les restaurants et maquis .....................................................................................................................................- 223 -<br />
Section III - Le commerce du gibier à Makokou ..............................................................................................................- 225 -<br />
III.1. Déroulement .......................................................................................................................................................- 225 -<br />
III.2. Les gibiers vendus ..............................................................................................................................................- 227 -<br />
III.3. Caractérisation <strong>de</strong>s gibiers les plus vendus.........................................................................................................- 235 -<br />
III.4. Les animaux les moins vendus sur le marché .....................................................................................................- 238 -<br />
III.5. Les prix...............................................................................................................................................................- 238 -<br />
III.6. Provenance du gibier ..........................................................................................................................................- 241 -<br />
III.7. Exportation vers d’autres centres urbains ...........................................................................................................- 243 -<br />
III.8. Légis<strong>la</strong>tion et commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse...................................................................................................- 244 -<br />
Section IV - L’apport du commerce du gibier dans les revenus domestiques...................................................................- 246 -<br />
IV.1. La p<strong>la</strong>ce du commerce du gibier dans les revenus <strong>de</strong>s commerçantes................................................................- 246 -<br />
IV.2. La p<strong>la</strong>ce du Potamochère dans les revenus <strong>de</strong>s commerçantes...........................................................................- 250 -<br />
Section V - Spécificités liées au commerce <strong>de</strong> gibiers dans les restaurants ......................................................................- 252 -<br />
Section VI – Le commerce <strong>de</strong> <strong>la</strong> rue.................................................................................................................................- 254 -<br />
Chapitre VII : La consommation du gibier à Makokou .................................................................................. - 257 -<br />
Section I - Consommation <strong>de</strong> gibier au foyer....................................................................................................................- 257 -<br />
I.1. Les consommateurs ...............................................................................................................................................- 258 -<br />
I.2. Caractérisation et hiérarchisation <strong>de</strong>s aliments d’origine animale consommés .....................................................- 260 -<br />
I.3. Les gibiers préférentiellement consommés dans les foyers <strong>de</strong> Makokou ..............................................................- 262 -<br />
I.4. Importance <strong>de</strong> <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère par rapport aux autres gibiers ..............................- 266 -<br />
Section II - Quelques spécificités liées à <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibier hors du cadre familiale ..........................................- 269 -<br />
II.1. La consommation du gibier en restauration .........................................................................................................- 269 -<br />
II.2. La restauration au marché en marmites et en paquets ..........................................................................................- 270 -<br />
Section III - Perception du risque sanitaire lié à <strong>la</strong> consommation <strong>de</strong> gibier.....................................................................- 270 -<br />
Section IV - Les interdits alimentaires liés à <strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse....................................................................................- 273 -<br />
IV.1. Les femmes et les interdits alimentaires .............................................................................................................- 273 -<br />
IV.2. Les interdits c<strong>la</strong>niques ........................................................................................................................................- 274 -<br />
IV.3. Les interdits acquis au cour <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie..................................................................................................................- 275 -<br />
Section V - Évaluation du <strong>de</strong>gré d’information <strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions enquêtées sur <strong>la</strong> légis<strong>la</strong>tion en matière <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune<br />
sauvage .............................................................................................................................................................................- 278 -<br />
Section VI - Évaluation <strong>de</strong> l’opportunité <strong>de</strong> production <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> Potamochère par l’élevage à Makokou.................- 279 -<br />
VI.1. Résultats <strong>de</strong> l’enquête auprès <strong>de</strong>s consommateurs..............................................................................................- 279 -<br />
VI.2. L’expérience d’élevage <strong>de</strong> Potamochère d’Ipassa ..............................................................................................- 280 -<br />
Chapitre VIII : Aspects culturels <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage à Makokou ........................................ - 284 -<br />
Section I – Introduction ....................................................................................................................................................- 284 -<br />
Section II - Définitions, et bref aperçu <strong>de</strong>s fon<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> l’ethnozoologie......................................................................- 285 -<br />
Section III - Les effets masqués <strong>de</strong> <strong>la</strong> colonisation ...........................................................................................................- 286 -<br />
Section IV - La représentation animale dans les rites initiatiques du nord-est Gabon ......................................................- 287 -<br />
IV.1. Le Satši ou cérémonie <strong>de</strong> circoncision................................................................................................................- 288 -<br />
IV.2. Le Munga<strong>la</strong> ou <strong>la</strong> danse du″ cochon sauvage″ ...................................................................................................- 288 -<br />
IV.3. Le Ngoye ou confrérie <strong>de</strong>s hommes-panthères...................................................................................................- 289 -<br />
IV.4. Le Mikan ou <strong>la</strong> danse <strong>de</strong> <strong>la</strong> Pinta<strong>de</strong> ....................................................................................................................- 291 -<br />
IV.5. Le Mekoum ou <strong>la</strong> danse <strong>de</strong>s hommes nus ..........................................................................................................- 291 -<br />
Section V - La symbolique <strong>de</strong>s objets animaux utilisés lors <strong>de</strong>s danses ...........................................................................- 292 -<br />
V.1. Les fonctions <strong>de</strong>s peaux et les plumes .................................................................................................................- 292 -<br />
V.2. Le rôle <strong>de</strong>s masques.............................................................................................................................................- 292 -<br />
V.3. Apport <strong>de</strong> <strong>la</strong> danse au corps.................................................................................................................................- 293 -<br />
Section VI - La question <strong>de</strong>s interdits. ..............................................................................................................................- 293 -<br />
VI.1. À quoi tiennent les interdits ? .............................................................................................................................- 294 -<br />
- 404 -
VI.2. Les différents interdits........................................................................................................................................- 294 -<br />
Section VII - Aperçu <strong>de</strong> <strong>la</strong> pharmacozoognosie Ogivine où l’utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage dans <strong>la</strong> fabrication <strong>de</strong><br />
« médicaments » traditionnels...........................................................................................................................................- 296 -<br />
VII.1. Les « Bwélé » ou médicaments à caractère <strong>de</strong> protection .................................................................................- 296 -<br />
VII.2. Les médicaments magico-thérapeutiques ou fétiches........................................................................................- 297 -<br />
Section VIII - Les autres usages traditionnels <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage...................................................................................- 302 -<br />
VIII.1. Aspects artisanaux <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage ...................................................................................- 302 -<br />
VIII.2. Les animaux et les poisons...............................................................................................................................- 306 -<br />
VIII.3. Les animaux et les noms <strong>de</strong> personnes et <strong>de</strong> lieux ...........................................................................................- 307 -<br />
VIII.4. Les animaux utilisés comme animal <strong>de</strong> compagnie .........................................................................................- 309 -<br />
VIII.5. L'exploitation du comportement animal...........................................................................................................- 313 -<br />
Section IX - La représentation animale dans <strong>la</strong> tradition orale..........................................................................................- 314 -<br />
TROISIÈME PARTIE : VALORISATION DES SAVOIRS ETHNOZOOLOGIQUES ET<br />
CYNEGETIQUES LOCAUX PAR LEUR INTEGRATION DANS LES POLITIQUES ET PROCESSUS<br />
ACTUELLES DE CONSERVATION.........................................................................................................................316<br />
Chapitre IX : Les atouts potentiels <strong>de</strong> l’après pétrole gabonais sont actuellement mal exploités. ......................317<br />
Section I - L’exploitation forestière au Gabon ; une activité <strong>de</strong>structrice et précaire............................................................ 318<br />
I.1. Le secteur forestier gabonais, un patrimoine surévalué et pourtant peu connu.......................................................... 318<br />
I.2. La paupérisation <strong>de</strong>s sociétés traditionnelles par l’exploitation forestière................................................................. 320<br />
I.3. L’opacité du mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s forestiers............................................................................................................................. 322<br />
Section II - L’écotourisme au Gabon, <strong>la</strong> nouvelle « religion » colonisatrice ou le moyen <strong>de</strong> détourner l’ai<strong>de</strong> publique<br />
inter<strong>national</strong>e ........................................................................................................................................................................ 325<br />
II.1. Le fleuve <strong>de</strong>s <strong>de</strong>vises se perd dans <strong>de</strong> nombreuses poches avant d’arroser trop mo<strong>de</strong>stement <strong>la</strong> nature ................. 327<br />
II.2. L’écotourisme au Gabon pour qui ?......................................................................................................................... 330<br />
Section III - Le <strong>de</strong>venir du Parc National <strong>de</strong> l’Ivindo (PNI) ................................................................................................. 331<br />
III.1. Le PNI, établissement pourvoyeur <strong>de</strong> biens et services aux Ogivins en phase <strong>de</strong> fermeture .................................. 332<br />
III.2. Extension <strong>de</strong> <strong>la</strong> réserve naturelle MAB-UNESCO d’Ipassa à l’ensemble du PNI.................................................. 333<br />
Chapitre X : La filière vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, une solution d’avenir pour les Ogivins. ....................................... - 338 -<br />
Section I. La chasse, une réalité Ogivine <strong>de</strong> « non gestion » ............................................................................................- 338 -<br />
I.1. Les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière..........................................................................................................................................- 339 -<br />
I.2. Les mo<strong>de</strong>s d’appropriation <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource............................................................................................................- 340 -<br />
I.3. La complémentarité entre <strong>la</strong> chasse et les autres activités <strong>de</strong> production ..............................................................- 344 -<br />
I.4. Conclusion.............................................................................................................................................................- 345 -<br />
Section II : Le commerce <strong>de</strong> gibiers, une issue sociale pour <strong>de</strong>s femmes Ogivines..........................................................- 346 -<br />
II.1. Le "pouvoir" <strong>de</strong>s femmes où l’impact du commerce <strong>de</strong> gibier sur <strong>la</strong> dynamique sociale à Makokou .................- 347 -<br />
II.2. Le commerce <strong>de</strong> gibier à Makokou, plus <strong>de</strong> 10 ans après ....................................................................................- 349 -<br />
II.3. Le commerce <strong>de</strong> gibier Ogivin par rapport au reste du pays ................................................................................- 350 -<br />
II.4. La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse l’aliment carné le moins cher <strong>de</strong> Makokou........................................................................- 352 -<br />
II.5. Le contexte légis<strong>la</strong>tif admis pour le commerce <strong>de</strong> gibier .....................................................................................- 353 -<br />
II.6. Conclusion ...........................................................................................................................................................- 355 -<br />
Section III – Le gibier, un aliment culturel à Makokou ....................................................................................................- 356 -<br />
III.1. La vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse, une source diversifiée <strong>de</strong> nourriture et <strong>de</strong> protéines ........................................................- 357 -<br />
III.2. Vers une production légale <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> gibier ..................................................................................................- 360 -<br />
III.3. Conclusion..........................................................................................................................................................- 362 -<br />
Section IV – La faune sauvage est omniprésente dans les sociétés Ogivines....................................................................- 363 -<br />
Chapitre XI : La loi 1/82 déguisée en loi 16/01 en matière <strong>de</strong>s Eaux et Forêts.............................................. - 367 -<br />
Section I. Synthèse <strong>de</strong>s dispositions nouvelles liées à l’exploitation forestière ................................................................- 367 -<br />
Section II - Les dispositions <strong>de</strong> <strong>la</strong> loi 16/01 re<strong>la</strong>tives à <strong>la</strong> faune sauvage et aux droits d’usages coutumiers....................- 368 -<br />
Section III - Propositions sur l’aménagement du Chapitre droits d’usages coutumiers du co<strong>de</strong> forestier gabonais..........- 374 -<br />
Section IV. Les forêts communautaires, un concept inadapté au Gabon...........................................................................- 375 -<br />
Chapitre XII : Le caractère naturellement conservateur <strong>de</strong>s pratiques traditionnelles ; réalité ou mythe ; vers<br />
une production du gibier ?................................................................................................................................ - 381 -<br />
Section I – Le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l’écologie culturelle.....................................................................................................- 381 -<br />
Section II. La faune sauvage menacée par l’alliance <strong>de</strong>s pratiques mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> production cynégétique et les savoirs<br />
locaux ..........................................................................................................................................................................- 383 -<br />
Section III – La production <strong>de</strong> gibiers sauvages, une activité prospère et d’avenir pour le Gabon … ..............................- 388 -<br />
Section IV – …mais pour ce<strong>la</strong>, <strong>la</strong> connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource et l’encadrement <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière sont <strong>de</strong>s préa<strong>la</strong>bles<br />
indispensables...................................................................................................................................................................- 390 -<br />
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES.....................................................................................................................392<br />
TABLES DES MATIÈRES .................................................................................................................................... - 402 -<br />
- 405 -
RÉSUMÉ<br />
La problématique <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage en Afrique Centrale a presque toujours été abordée par<br />
l’aspect négatif <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong>s activités humaines sur cette <strong>de</strong>rnière. Souvent, <strong>la</strong> chasse et le<br />
commerce <strong>de</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse sont tenus pour responsables du déclin <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage forestière.<br />
Sous l’égi<strong>de</strong> <strong>de</strong> Bailleurs <strong>de</strong> Fonds, (FAO, BM, UE, ONGs Inter<strong>national</strong>es…) plusieurs étu<strong>de</strong>s ten<strong>de</strong>nt<br />
à mettre en évi<strong>de</strong>nce l’impact négatif <strong>de</strong> ces pratiques sur <strong>la</strong> biodiversité au point <strong>de</strong> l’ériger en<br />
phénomène <strong>de</strong> société. La question que se posent les auteurs est toujours celle <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse<br />
sur les popu<strong>la</strong>tions animales et <strong>la</strong> perdurabilité <strong>de</strong> cette activité. Cette vision occi<strong>de</strong>ntale a conduit à<br />
promouvoir en Afrique Centrale <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage basées sur l’exclusion<br />
<strong>de</strong>s popu<strong>la</strong>tions <strong>de</strong>s zones <strong>de</strong> production dont certaines englobent <strong>de</strong>s terroirs coutumiers.<br />
Dans cette thèse, nous essayons <strong>de</strong> rep<strong>la</strong>cer ce débat dans un contexte local où les popu<strong>la</strong>tions<br />
rurales, déjà marginalisées par le pouvoir en p<strong>la</strong>ce au Gabon, doivent subsister au quotidien dans <strong>la</strong><br />
précarité. L’exploitation commerciale <strong>de</strong> <strong>la</strong> faune sauvage, une ressource parmi tant d’autres, apparaît<br />
alors pour elles comme une solution d’avenir.<br />
Pour ce faire, nous avons examiné <strong>de</strong> près <strong>la</strong> filière chasse et particulièrement le commerce <strong>de</strong><br />
<strong>la</strong> vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> brousse à Makokou, une <strong>de</strong>s localités gabonaises aux alentours <strong>de</strong> <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> faune<br />
sauvage est encore omniprésente. L’étu<strong>de</strong> a porté sur le suivi du Potamochère, une <strong>de</strong>s espèces phares<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> chasse et du commerce <strong>de</strong> gibier à Makokou.<br />
Il ressort <strong>de</strong> notre étu<strong>de</strong> que <strong>la</strong> chasse à Makokou, même si elle est d’abord une réalité<br />
culturelle, est <strong>de</strong>venue au fil du temps une activité lucrative. Les chasseurs allient savoirs cynégétiques<br />
traditionnels et outils mo<strong>de</strong>rnes pour rentabiliser au maximum leur activité. Face à cette réalité, toute<br />
politique <strong>de</strong> conservation qui viserait à contrer cette tendance serait vouée à l’échec d’où l’intérêt pour<br />
<strong>la</strong> faune sauvage comme pour les popu<strong>la</strong>tions, d’accompagner les acteurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> filière vers une<br />
exploitation pérenne <strong>de</strong> <strong>la</strong> ressource aussi bien qu’un élevage <strong>de</strong> celle-ci.<br />
ABSTRACT<br />
The issue of wildlife in Central Africa has almost always been approached from the aspect of<br />
the negative impact of human activities. Hunting and the trading of bush meat are often seen as the<br />
main factors responsible for the <strong>de</strong>cline of forest wild life. Studies fun<strong>de</strong>d by various sponsors (FAO,<br />
World Bank, European Union, Inter<strong>national</strong> NGOs) tend to imply the negative impact of those<br />
practices on the biodiversity. The question that the authors are concerned about is always the impact of<br />
hunting on animal popu<strong>la</strong>tions and the sustainability of these activities. In Central Africa this<br />
“Western vision” has led to the promotion of wildlife management policies that exclu<strong>de</strong> local people<br />
from priority production zones that sometimes inclu<strong>de</strong> traditional hunting areas.<br />
In this study we try to p<strong>la</strong>ce the <strong>de</strong>bate in a local context where the rural peoples are already<br />
marginalized by the Gabonese government and have to live their daily lives in precarious conditions.<br />
From this perspective the commercial exploitation of wildlife, which is one resource among many<br />
others, seems to be a promising solution. We have carried out a <strong>de</strong>tailed study of the network of<br />
hunting and bush meat trading in Makokou, one of the Gabonese areas where wildlife is still<br />
omnipresent. The study focuses on the system of exploitation of the red river hog, one of the most<br />
important species for hunting and game tra<strong>de</strong> in Makokou. It shows that over the course of time<br />
hunting has become a lucrative activity in Makokou, even though it is in the first p<strong>la</strong>ce a traditional<br />
activity. In or<strong>de</strong>r to increase the profitability, hunters combine traditional knowledge with mo<strong>de</strong>rn<br />
tools. Any conservation policy aimed at preventing this will be con<strong>de</strong>mned to failure. It is therefore in<br />
the interest of the wildlife as well as the human popu<strong>la</strong>tions to encourage the different actors to<br />
become involved in the sustainable exploitation of the resource including the breeding of the species.<br />
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