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de montaigne

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LIVRE TROISIESME. 745<br />

Mais,eftant délia receuë, il en dira félon l'vfage, plus quefelon Nature. Non<br />

par opinion, mais en vérité, l'excellente ôc meilleure polke, eft à chacune nation,<br />

celle foubs laquelle elle s'eft maintenue. Sa forme & commodité effentielle<br />

dépend <strong>de</strong> l'vfagc. Nous nous <strong>de</strong>fplaifons volontiers <strong>de</strong> la condition<br />

prefente: Mais ie tiens pourtant, que d'aller dcfirantle comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong><br />

peu, en vnEftat populaire: ou en la Monarchie, vne autre etpece <strong>de</strong> gouuernement,<br />

c'eft vice ôc folie.<br />

Ayme l'eftat tel que tu le Vois eftre,<br />

S'il eft Royal, chéris la Royauté,<br />

S'il eft <strong>de</strong> peu, ou bien communauté,<br />

Chéris le aufii, car Dieu t'y a fai£l naiftre.<br />

Ainfi en parloir le bon monfieur <strong>de</strong> Pibrac, que nous Venons <strong>de</strong> perdre :vn<br />

efprit fi gentilles opinions fifoines, les mœurs fi douces. Cette perte, Ôc celle<br />

qu'en mefme temps nous auons. fai <strong>de</strong> <strong>de</strong> monfieur <strong>de</strong> Foix, font pertes<br />

importantes à noftre couronne. le ne fçay s'il refte à la France <strong>de</strong>quoy fub-<br />

{litu'èr vne autre coupple, pareille a c^s <strong>de</strong>ux Gafcons, en fynecrité, ôc en fuffifance,pourlcconleil<strong>de</strong><br />

nos Roys. C'eftoyent ames diuerfement belles, ôc<br />

certesfelon le ficelé, rares ôc b^les, chacune en fa forme. Mais qui les auoit<br />

logées en cet aage,fidcfconucnables ôc h difproportionneesà noftre corruption,<br />

8c à nos témpeftes? Rien ncprelfe vnEftat quel'innouation: le changement<br />

donne feulforme al'iniuftice^àla tyranniefQuand quelque pièce<br />

î*e démanche, on peut l'eftayer: on peut s'oppofer àce,que l'altération ôc corruption<br />

naturelle à toutes chofes, ne nous efloigne trop <strong>de</strong> nos commencemens<br />

ôc principes: Mais d'entreprendre <strong>de</strong> refondre vne fi gran<strong>de</strong> maife,<br />

ôc <strong>de</strong> changer les fon<strong>de</strong>ments d'vn fi grand baftiment, c'eft à faire à ceux<br />

. qui pour <strong>de</strong>feraffer effacent: qui veulent amen<strong>de</strong>r les <strong>de</strong>rfauts particuliers,<br />

par vne confufion vniuerfcUe, ôc guarir les maladies par la mort: non tam c; c<br />

commutandarum quàmeuertendarum rerumeupidi. Le Mon<strong>de</strong> eft inepte à fegua- off<br />

rir: Il eft fi impatient <strong>de</strong> ce qui le preffe, qu'il ne vife qu'à s'en <strong>de</strong>ffaire, fans regar<strong>de</strong>r<br />

à quel prix. Nous voyons pa*r mille exemples, qu'il fe guarit ordinairement<br />

à fes <strong>de</strong>fpcns- la <strong>de</strong>feharge du mal prefent, n'eft pas guarifon, s'il n'y a en<br />

gênerai amen<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> condition. La fin du Chirurgien, n'eft pas<strong>de</strong> faire<br />

mourir la mauuaife chair: ce n'eft que l'acheminement <strong>de</strong> fa cure: il regar<strong>de</strong><br />

au<strong>de</strong>là, d'y faire renaiftre la natutelle,ôc rendre la partie à fon <strong>de</strong>u eftre. Quiconque<br />

propofe feulement d'emporter ce qui le mafche,il <strong>de</strong>meure court:<br />

carie bien ne fucce<strong>de</strong> pas necefTairement au mal: vn autre mal luy peut fuecc<strong>de</strong>r;<br />

ôc pire. Comme il aduint aux tueurs <strong>de</strong> Cefar, qui ietterentia Chofepubliqueà<br />

tel poind, qu'ils eurentà fe repentir <strong>de</strong> s'en eftre méfiez. A plufieurs<br />

<strong>de</strong>puis, iufques à nos fie<strong>de</strong>s, il eft aduenu <strong>de</strong> mefmes. Les François mes contcmporaneesfçauentbien<br />

qu'en dire. Toutes gran<strong>de</strong>s mutations efbranlcnt<br />

l'Eftat, Ôc le <strong>de</strong>fordonnent. Qui viferoit droit à la guarifon, ôc en confulteroit<br />

auant toute œuure, fe refroidiroit volontiers d'y mettre la main. Pacuuius<br />

Calauius corrigea le vice <strong>de</strong> ce procé<strong>de</strong>r, par vn exemple inhgnc. Ses concitoyens<br />

eftoient mutinez contre leurs magiftrats; luy perfonnage <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />

RRr<br />

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