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de montaigne

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g5r s<br />

ESSAIS DE MICHEL DE MONTAIGNE.<br />

mien j où il nc.tient qu'à faute <strong>de</strong> courage: En fa plus gran<strong>de</strong> cfmotion, ie I'ay<br />

tenu dix heures à cheual:Souffrez feulemcnt,vous n'auez que faite d'autre régime:<br />

loviez, dilhez,courcz, faictes cecy, & faictes encore cela, h vous pouuez;<br />

voftre <strong>de</strong>fbauche y fetuira plus, qu'elle n'y nuira. Dictes-en autantà vn vérole,<br />

à vn goutteux, à vn hernieux. Les autres maladies, ont <strong>de</strong>s obligations<br />

plus vniuerfellcs, gehennent bien autrement nos actions, troublent tout noftre<br />

ordre, ôc engagent à leur confi<strong>de</strong>ration, tout l'eftât <strong>de</strong> la vie. Cette-cy ne<br />

faict que pinfer la peau: elle vous laiffe l'entcn<strong>de</strong>mentjôc la volonté en voftre<br />

difpoution, ôc la langue, ôc les pieds, ôc les mains. Elle vous eftfeiilc pluftoft<br />

qu'elle ne vousaffoupit. L'ame eft frapee<strong>de</strong> l'ar<strong>de</strong>ur d'vncfiéure, 5c atterrée<br />

d'vne cpilcpfie,ôc difloquee par vne afprc micraine,ôc enfin cftonnee par toutes<br />

les maladies qui bleffcnt la maffe, ôc les plus nobles parties-.!lcy,on ne l'attaque<br />

point. S'il luy va mal, à fa coulpe: Elle fe trahit elle-mefmèxs abandonne,<br />

ocfc<strong>de</strong>fmontc.il n'y a que les fols qui fe laiffent perfua<strong>de</strong>r, que ce corps<br />

dur ôc malïif, qui fe cuyt en nos rognons, fc pujffc diffoudreparbreuuagcs.<br />

Parqupy <strong>de</strong>puis qu'il eft cfbranlé, il n'eft que <strong>de</strong> luy donner paflàge,aufti bien<br />

le prendra-ik le remarque encore cette particulière commodité: que c'eft vn<br />

mal, auquel nous auonspeuà<strong>de</strong>uincr. Nous iommes difpenfez du trouble,<br />

auquel les autres maux nous iettent, pat l'incertitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> leurs caufes, conditions,<br />

ôc progrez: Trouble infiniment pénible. Nous n'auons que faire <strong>de</strong><br />

confultations ôc interprétations doctorales: les fens nous montrent que c'eft,<br />

ôc où C'eft. Par tels argumens, ôc forts ôcfoibles, comme Cicero le mal <strong>de</strong> fa<br />

vicillefTc, i'effaye d'endormir ôc amufer mon imagination, ôc- graiffer fes<br />

playes. Si elles s'empirent <strong>de</strong>main, <strong>de</strong>main nous y pouruoyrons d'autres efchappatoires.<br />

Qujï foit vray. Voicy <strong>de</strong>puis <strong>de</strong> nouueau,que les plus légers<br />

mouuemens efpreignent le pur fang <strong>de</strong> mes reins. Quoy pour cela? ie ne laiffe<br />

.<strong>de</strong> me mouuoir comme <strong>de</strong>uant, Ôcpicquer après mes chiens, d'vne iuuenilc<br />

ar<strong>de</strong>ur, ôc infolente. Et trouue que i'ay grand raifon, d'vn fi important acci<strong>de</strong>nt:<br />

qui ne mecoufte qu'vne fout<strong>de</strong> poifanteur,ôc altération en cette partie.<br />

C'eft quelquegroffepierre,quifoulle Ôc coftfommcla fubftance<strong>de</strong> mes roignons:<br />

ôc ma vie,queievui<strong>de</strong> peu à peu: non fans quelque naturelle douceur, ~"<br />

comme vn excrément déformais fuperflu ôc empefehant. Or fens-ie quelque<br />

chofe qui croufle: ne vous atten<strong>de</strong>z pas que faille m'amufant à recognoiftre .<br />

mon poux, ôcmesvrines,poury prendre quelque preuoyancc ennuyeufe. Ic<br />

feray affez à temps à fentir le mal, fans l'allonger par le mal <strong>de</strong> la peur. Qui<br />

craint <strong>de</strong> fouffrir, il fouffre <strong>de</strong>fia <strong>de</strong> ce qu'il craint. Ioint que ladubitation ôc<br />

ignorance <strong>de</strong> ceux, qui fe méfient d'expliquer les refforts <strong>de</strong> Nature, ôc fes internes<br />

progrez: octant <strong>de</strong> faux prognoftiques <strong>de</strong> leur art, nous doit faire cognoiftre,<br />

qu'il a fes moyens infiniment incognus. Il y a gran<strong>de</strong> incertitu<strong>de</strong>,<br />

variété ôc obfcurité,en ce qu'il nous promet ou menace. Sauf la vieilleffe, qui<br />

eft vn figne indubitable <strong>de</strong> l'approche <strong>de</strong> la mort; <strong>de</strong> tous les autres acci<strong>de</strong>nts,<br />

ievoypeu<strong>de</strong>fignes<strong>de</strong>l'aducnir,furquoy nousayons à fon<strong>de</strong>rnoftre diuination.<br />

ïencmeiugcque par vray fentiment, non par difeours: Aquoy faire?<br />

puifque ie n'y veuxapportet que l'attente ôc la patience. Voulez-vous fçauoir<br />

j<br />

combien

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