Mobilier et objets d'art des 18e et 19e siècles - Tajan
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165 PRÉSENT DE NAPOLÉON IER<br />
À SON FRÈRE JÉRÔME ROI DE WESTPHALIE<br />
Canon rayé, « maté », façonné à pans avec hausse à trois feuill<strong>et</strong>s <strong>et</strong> guidon réglable.<br />
Au tonnerre <strong>et</strong> en demi-ronde bosse or alternent : décor de losanges, rosaces, bouqu<strong>et</strong>s<br />
de roses. Les motifs accueillent le marquage de Bout<strong>et</strong> dans une barr<strong>et</strong>te, <strong>et</strong><br />
insculpés le poinçon du canonnier Leclerc <strong>et</strong> ceux de Versailles. Du tonnerre à la bouche,<br />
courent enrichies d’or <strong>et</strong> délicatement ciselés, guirlan<strong>des</strong> de volutes, palmes,<br />
rosaces <strong>et</strong> semi de pointillés. Des palmes ciselées <strong>et</strong> dorées soulignent l’embouchure.<br />
Le pan droit du canon porte l’inscription : BOUTET DIRECTEUR ARTISTE <strong>et</strong> le<br />
pan gauche : MANUFRE (manufacture) A VERSAILLES. La queue de culasse polie au<br />
clair est gravée de losanges, feuillages <strong>et</strong> médaillons.<br />
Sphinge, lion ailé <strong>et</strong> dragon en demi ronde bosse d’or rehaussent l’acier poli de la platine.<br />
Sur le chien se <strong>des</strong>sinent un reptile <strong>et</strong> une palme feuillagée. Le ressort de batterie<br />
est adouci par un gal<strong>et</strong> <strong>et</strong> le bassin<strong>et</strong> se double d’or pris de forge. Une vis perm<strong>et</strong><br />
de régler la sensibilité de la détente. Au-<strong>des</strong>sus du ressort de batterie s’inscrit gravé<br />
: BOUTET <strong>et</strong> au-<strong>des</strong>sous A VERSAILLES.<br />
De merveilleuses ciselures d’urnes, de médaillons <strong>et</strong> de rosaces enrichissent les garnitures<br />
en acier. La contre-platine à ros<strong>et</strong>tes au décor de crosses <strong>et</strong> palmes reçoit les<br />
têtes de vis guillochées. Des rangs de perles ceinturent les passants de bagu<strong>et</strong>te à<br />
pans. Fanon de baleine <strong>et</strong> embout argent constituent la bagu<strong>et</strong>te originelle.<br />
La monture en ronce de noyer se caractérise par un fût long <strong>et</strong> une crosse à joue.<br />
Une superbe volute sculptée en relief décore la joue de crosse. Les prises de main<br />
encadrées sont très finement quadrillées. Le pont<strong>et</strong> se prolonge par la précieuse<br />
sculpture d’une feuille d’acanthe enroulée. Des incrustations de filigrane d’acier développent<br />
<strong>des</strong> frises de palmes, <strong>des</strong> rosaces <strong>et</strong> <strong>des</strong> ailes de papillon, alors que <strong>des</strong><br />
incrustations d’argent représentent <strong>des</strong> fleurons, <strong>des</strong> guirlan<strong>des</strong> de losanges <strong>et</strong> <strong>des</strong><br />
palmes. Sur la face externe de la crosse s’inscrit une plaque d’argent découpée, au<br />
monogramme J.N. sous couronne de JÉRÔME NAPOLÉON ROI DE WESTPHALIE.<br />
Estimaton sur demande<br />
C<strong>et</strong>te carabine a figuré du 29 mai au 29 novembre 2002 dans une exposition organisée à<br />
Kassel, ancienne capitale du Roi Jérôme <strong>et</strong> consacrée au royaume de Westphalie. Elle était<br />
ainsi présentée : Carabine de Jérôme Bonaparte (1784-1860) Roi de Westphalie (1807-1813).<br />
Cadeau de son frère l’Empereur Napoléon Ier lors de son accession au trône à Kassel (1807).<br />
Fabriquée par la Manufacture de Versailles (signée : Bout<strong>et</strong>, Manufacture à Versailles) provenant<br />
de la collection du Roi de Prusse Frédéric Guillaume III (1797-1840).<br />
Un p<strong>et</strong>it manuscrit conservé au Musée de l’Armée mentionne les noms <strong>des</strong> personnages français<br />
<strong>et</strong> étrangers ayant passé commande à la Manufacture de Versailles <strong>des</strong> armes blanches<br />
ou à feu. Relié en maroquin vert, il porte sur le plat supérieur, en l<strong>et</strong>tres d’or « Manufacture<br />
Impériale d’Armes de Versailles, année 1800 » <strong>et</strong> sur le dos « Mémorial jusqu’en 1818 ». Nous<br />
avons pu y relever que Bonaparte, <strong>et</strong> plus tard Napoléon avait commandé nombre de pistol<strong>et</strong>s,<br />
fusils <strong>et</strong> carabines dont nous ne connaissons pas les <strong>des</strong>tinataires. Mais si Jérôme Napoléon<br />
Roi de Westphalie a bien fait exécuter fusils <strong>et</strong> pistol<strong>et</strong>s, la Manufacture n’a pas fabriqué de<br />
carabine commandée par ses soins. La carabine présentée provient donc bien de celles commandées<br />
par les soins de l’Empereur.<br />
Jérôme Bonaparte (1784-1860). C’est le plus jeune <strong>des</strong> frères de Napoléon <strong>et</strong> son préféré.<br />
Après le 18 brumaire, il est installé aux Tuileries. Le Premier Consul décide qu’il fera carrière<br />
dans la marine. En 1803 désirant visiter les Etats-Unis, il s’arrête à Baltimore ou il épouse<br />
Elisabeh Patterson. Après la rupture de son mariage imposée par son frère, il prend le titre de<br />
prince français avec une rente d’un million. Jérôme est promu contre-amiral <strong>et</strong> décoré du<br />
Grand-Aigle de la Légion d’Honneur. Il commande un corps d’auxiliaires allemands<br />
en Prusse <strong>et</strong> en Pologne (1806-1807). Le 7 juill<strong>et</strong> 1807 le royaume de<br />
Westphalie lui est attribué par son frère en vertu du traité de Tilsitt, <strong>et</strong> Jérôme<br />
épouse Catherine du Wurtenberg. Le roi va gouverner avec l’aide d’un secrétaire<br />
d‘état <strong>et</strong> de quatre ministres sous la surveillance de Napoléon. A plusieurs<br />
reprises, <strong>des</strong> scandales éclatent, Jérôme cachant mal ses multiples fredaines.<br />
Pourtant Catherine qui l’adore, ferme les yeux <strong>et</strong> son plus grand chagrin est<br />
de ne pas avoir d‘enfant. Il mécontente aussi l’Empereur avec les lenteurs de<br />
ses préparatifs militaires. Le roi est à la tête d’un corps d’armée pour la campagne<br />
de Russie en 1812. Après les revers de Napoléon, Jérôme perd son<br />
royaume en 1813. Il participe à la bataille du Mont Saint-Jean en 1815 où à la<br />
tête de la 6ème division d’infanterie sa mission est d’enlever le château de<br />
Hougaumont <strong>et</strong> reçoit une blessure lors de c<strong>et</strong> assaut. Jérôme a la joie d’être<br />
nommé par Napoléon III gouverneur <strong>des</strong> Invali<strong>des</strong> <strong>et</strong> peu après Maréchal de<br />
France en 1850. Les armoiries de Jérôme Roi de Westphalie sont écartelées<br />
de celles <strong>des</strong> états constituant son royaume <strong>et</strong> pour confirmer son allégeance<br />
à l’Empereur brochant le tout : les quatre quartiers de l’Empire français.<br />
Nicolas Noël Bout<strong>et</strong> (1761-1833). Le plus célèbre arquebusier français de la<br />
Révolution <strong>et</strong> de l’Empire est le “Directeur Artiste” de la Manufacture de<br />
Versailles. Nicolas est l’aîné d’une famille de six enfants <strong>et</strong> il épouse le 13 octobre<br />
1788 Marie-Louise Emilie Desainte, fille de l’arquebusier du Roi Louis XVI.<br />
Bout<strong>et</strong> sera directeur de la Manufacture de Versailles de 1793 à 1818. Il reprend<br />
le titre d’arquebusier du Roi <strong>et</strong> <strong>des</strong> Princes la même année en gardant<br />
son magasin rue de Richelieu à Paris. Fournisseur <strong>des</strong> gouvernements successifs<br />
de la Révolution à la Restauration, ses armes de luxe ont été offertes<br />
en récompense ou en présent à de nombreux dignitaires <strong>et</strong> souverains de<br />
l’Europe <strong>et</strong> du proche orient.<br />
Jean Leclerc est arquebusier <strong>et</strong> « canonnier » de l’Empereur à Paris de 1807<br />
à 1810. Il exerce 35 (puis) 78 rue <strong>des</strong> gravilliers. Il est le principal fournisseur<br />
<strong>des</strong> canons montés par Bout<strong>et</strong>.<br />
Les carabines <strong>et</strong> la Manufacture de Versailles. La naissance en l’An III (1794)<br />
de la République de la Manufacture de Carabines de Versailles est liée à la<br />
nécessité de doter les troupes françaises de carabines de guerre pour faire<br />
face à celles utilisées par les troupes autrichiennes. La Manufacture de<br />
Versailles sous la direction de Nicolas Noël Bout<strong>et</strong> produira les prestigieuses<br />
armes de la garde du Directoire, <strong>des</strong> Gar<strong>des</strong> Consulaires <strong>et</strong> Impériales <strong>et</strong> peu<br />
avant sa ferm<strong>et</strong>ure, celles de la Maison du Roi Louis XVIII. A ces productions,<br />
Bout<strong>et</strong> ajoutera celles <strong>des</strong> armes de luxe qui ont fait la réputation à travers le<br />
monde de la Manufacture de Versailles <strong>et</strong> de l’arquebuserie française.<br />
Sur les carabines de luxe, les canons à pans sont matés <strong>et</strong> bleuis, gravés <strong>et</strong><br />
dorés aux motifs de vases, palmes, carquois, rosaces, <strong>des</strong>sins géométriques.<br />
Ils sont généralement l’œuvre de Nicolas Leclerc. Les canons sont intérieurement<br />
rayés, « il fallait passer 2510 fois l’outil pour former chaque raye ; deux<br />
hommes en rayaient trois par jour ».<br />
Les sculptures de la monture sont réalisées en relief <strong>et</strong> non pas en creux ce<br />
qui est une recherche de difficulté, mais qui rend l’arme plus belle. Les fûts restent<br />
longs, <strong>et</strong> Bout<strong>et</strong> est le premier à prolonger la sous-garde par une pièce de<br />
bois dur superbement sculptée.<br />
Les garnitures sont en argent, en or ou en vermeil. Elles sont parfois en acier<br />
ciselé en demi-ronde-bosse superbement exécutées avec une technique particulièrement<br />
délicate.<br />
Pour la réalisation de ces somptueuses armes, Bout<strong>et</strong> réuni à Versailles <strong>des</strong><br />
spécialistes de chaque corps de métier. Il sait marier harmonieusement tous<br />
les matériaux nobles : argent, ébène, or, ivoire. Le Directeur Artiste s’inspire de<br />
l’antiquité, il m<strong>et</strong> en scène la mythologie, <strong>et</strong> dans la perfection associe à la<br />
symétrie les lauriers de l’abondance <strong>et</strong> les fruits de la victoire promis par<br />
Napoléon.