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dimanche 2 décembre

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muiiu EXCELSIOR-DIMANCHE ■iiiiiiniiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii > iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiin 12 luiiiiiiiiiiMiiiiiiHiiiiiunniiiiHiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiuiiiiiiiiiiiiiniiiii iiiiiiiniiiiiiiiiii LE 2 DÉCEMBRE 1923 iiiiiiim<br />

LA SEMAINE COMIQUE<br />

LE MONSIEUR QUI A DES<br />

TALENTS DE SOCIÉTÉ<br />

■— Tenez, dit M. Tibère, rï est aisé, avec<br />

une simple clé, un peu de talent et quelque<br />

adresse, de remplacer l'orchestre le plus stylé.<br />

— Un léger modulement en voix de tête va<br />

leprodmre à vos oreilles charmées l'aimable<br />

ri ont du rossignol.<br />

— Un coup de langue habile en arrachera le<br />

hurlement plaintif des grands steamers transatlantiques.<br />

— Et avec le concours de quelques verres de<br />

cristal elle vous jouera tous les airs célèbres<br />

eu jazz-band.<br />

Alors, légitimement fier de son petit succès,<br />

M. Tibère prend congé.<br />

Malheureusement, arrivé devant sa porte,<br />

il n'est plus capable de faire jouer sa clé... dans<br />

la serrure I iDc SS nt înedu. & VAK&J<br />

LFsêœnorïo'<br />

Nous nous trouvons en mesure — les<br />

premiers comme toujours — de publier<br />

in extenso la sensationnelle conférence<br />

que le célèbre Pbiléas Fogg vient de faire au<br />

" Reform-Club " de Londres, devant une<br />

immense assemblée. Malgré son grand âge,<br />

1'éminent globe-trotter a peu changé : il est<br />

demeuré svelte, sec et froid. Ayant salué de<br />

la paupière ses auditeurs enthousiastes, il a<br />

pris la parole en ces termes :<br />

" Ladies and gentlemen,<br />

" Devant marier ma septième fille dans<br />

vingt minutes, je donnerai, de mon second<br />

tour du monde, une relation brève, cependant<br />

complète. Quand j'eus gagné mon fameux<br />

pari, mon ami Sullivan, le gros perdant, m'interpella<br />

: " J'espère que vous m'offrirez ma<br />

revanche ! " Je répondis : " Quand vous voudrez.<br />

" Il reprit : " Bien entendu, vous accomplirez<br />

le même trajet. " Je répliquai : "Oui.<br />

Et dans le même délai — mais à condition<br />

que vous ne m'obligiez pas à m'embarquer<br />

au moment, par exemple, où la Grande-Bretagne<br />

entrerait en guerre, car, loyal fils d'Albion,<br />

je m'engagerais pour combattre ( tonnerre<br />

d'applaudissements) ; ni, non plus, à une époque<br />

où les territoires que je dois traverser seraient<br />

ravagés par quelque épidémie ou cataclysme<br />

naturel." Sullivan déclara : "J'accepte vos<br />

réserves. J'entends seulement rester le maître<br />

de l'heure. " Et nous signâmes le " covenant ",<br />

" Le pacte conclu, je dis à Sullivan que le<br />

dépit lui avait troublé le jugement : les progrès<br />

de la civilisation et de la science ne pouvaient<br />

manquer, en effet, d'accélérer, d'année<br />

en année, la rapidité des communications. Je<br />

ne me trompais point : en effet, en 1910, un<br />

jeune journaliste français, M. Jagerschmidt,<br />

envoyé par la direction d'Excclsior, réussit<br />

à boucler le tour du monde en quarante-trois<br />

jours... Cependant les années passaient, et<br />

Sullivan persistait à ne pas me donner le signal<br />

du départ. Qu'attendait-il ? Nous n'en parlions<br />

jamais, mais chacun savait que l'autre<br />

y pensait toujours...<br />

(A ce moment, tous les regards se tournent<br />

Vers M. Sullivan, qui opine, assis au premier<br />

rang. Mouvement de curiosité intense. On emporte<br />

vingt dames étouffées.)<br />

" ... Puis la grande guerre éclata. Un an<br />

après, le jour où la paix fut signée, Sullivan<br />

me dit : "Allez, maintenant.<br />

" Je partis le soir même, laissant mes<br />

enfants à la garde de mon fidèle. Passe-Partout,<br />

devenu si gros qu'il ne peut plus passer nulle<br />

part. Mais, détestant me déplacer seul, j'emmenai<br />

ma chère femme, Aouda. Mr. Fix, devenu,<br />

comme vous savez, directeur de la police,<br />

m'avait promis, pour racheter ses mauvais<br />

procédés d'autrefois, de favoriser, par tous<br />

moyens, mon voyage.<br />

" Il me le facilita, en effet... jusqu'à Calais.<br />

Mais la traversée de la France me valut tout<br />

de suite un léger retard, car elle me prit une<br />

semaine : mon express demeura cinq jours<br />

sous un tunnel, sans que personne sût pourquoi<br />

et sans que j'en voulusse descendre, le<br />

chef de train ne cessant de réjjéter : " Départ<br />

dans cinq minutes. " Le parcours de l'Italie,<br />

jusqu'à Brindisi, s'accomplit, normalement,<br />

en huit jours. Je regagnai du temps sur mer,<br />

à bord d'un courrier britannique, et débarquai<br />

en Egypte. Mr. Fix avait câblé à son collègue<br />

de Port-Saïd de se mettre à ma disposition.<br />

Mais je n'eus pas le plaisir de rencontrer<br />

ce gentleman, non plus qu'aucune autre autorité<br />

anglaise : les indigènes en révolte avaient,<br />

en effet, bloqué le personnel du protectorat<br />

dans les caves. On m'emprisonna dans un<br />

sarcophage, et je ne dus la liberté qu'à ma<br />

chère femme, dont la qualité d'Hindoue trouva<br />

grâce devant les rebelles. Tout trafic officiel<br />

demeurant suspendu, nous prîmes place à<br />

bord d'une " dahabieh ", sorte de péniche<br />

îlate à voile, qui mit douze jours pour longer<br />

a mer Rouge jusqu'à Aden.<br />

Ï<br />

" Mon second tour du monde ne s'annonçait<br />

pas bien : j'avais mis vingt-neuf jours et<br />

neuf heures à parcourir une distance autrefois<br />

franchie en douze jours et trois heures. Mais<br />

je me promettais d'user, le cas échéant, de<br />

ce merveilleux véhicule : l'avion. Toutefois,<br />

je n'y voulais monter qu'à la dernière extrémité,<br />

une chute en pleine eau ou même en<br />

plein sol demeurant souvent irrémédiable.<br />

D'Aden à Bombay, la traversée, sur bâtiment<br />

britannique, débuta impeccablement. Mais<br />

notre commodore apprit en cours de route,<br />

par T. S. F., que son navire, ancien paquebot<br />

allemand, était attribué au Portugal. À la latitude<br />

du cap Gardafui, un torpilleur portugais<br />

vint en prendre possession pour l'amener à<br />

Mozambique. Tout ce que nous concéda le<br />

grave commandant du torpilleur, ce fut de<br />

nous déposer à Zanzibar — crochet qui me<br />

détournait passablement de ma ligne. A Zanzibar,<br />

nous dûmes attendre un mois le départ<br />

d un bateau pour les Indes. Heureusement,<br />

j'aime le jeu : je supportai l'attente sans mélancolie<br />

dans cette îie peuplée de joueurs effrénés.<br />

" De Zanzibar à Bombay, douze jours, ponctuellement,<br />

sur bâtiment britannique. Au<br />

débarqué, je fis mes calculs : j'étais en route<br />

depuis quatre-vingt-un jours. Je pris soin<br />

de défalquer la journée d'avance que la marche<br />

du soleil devait me donne-, au retour à Londres<br />

— quoique je n'aie jamais bien compris pourquoi.<br />

" Restaient quatre-vingts jours. Je marquai,<br />

en outre, une heure à mon crédit, due au pas-<br />

sage de l'heure d'été à l'heure d'hiver : restaient<br />

soixante-dix-neuf jours vingt-trois heures,<br />

net. Ce calcul achevé, je constatai qu'il m'était<br />

impossible, avec les moyens de transport<br />

actuels, de me rendre depuis Bombay jusqu'à<br />

Londres en soixante minutes. Mais un Anglais,<br />

même quand la bataille est perdue, n'en<br />

demeure pas moins un Anglais...<br />

(Ouragan d'applaudissements. Acclamations<br />

prolongées.)<br />

"...Je vous rappelle, ladies and gentlemen,<br />

que je marie ma fille dans dix minutes... Je<br />

résolus donc d'aller jusqu'au bout... De Bombay<br />

à Calcutta, tt's a long way, comme dit le<br />

poète. Notre locomotive britannique filait<br />

à parfaite allure, quand elle fut arrêtée par un<br />

grand troupeau de femmes cheminant sur la<br />

voie : c'étaient des Hindoues féministes qui,<br />

selon les prospectus qu'elles nous distribuèrent,<br />

en " avaient assez d'être brûlées, chaque fois<br />

qu il plaisait à leurs époux de mourir ". Elles<br />

chantaient en chœur des refrains de la Veuve<br />

joyeuse, traduits en maharatti. A leur tête<br />

était la fille du Rajah de Gran-Teykar. qui,<br />

reconnaissant en mon Aouda sa cousine, la<br />

somma de se joindre à la bande. Comme ma<br />

chère femme refusait, ces forcenées l'arrachèrent<br />

de mes bras. Je sautai hors du train,<br />

qui repartit.<br />

"Quand Aouda eut expliqué quelle s était<br />

remariée avec moi parce que je l'avais sauvée<br />

du bûcher, on nous fit fête et la fille du Rajah<br />

s'empressa de confier à un éléphant le soin de<br />

nous mener à Calcutta. Mais une nouvelle<br />

difficulté surgit : les éléphants, qui sont des<br />

bêtes aussi intelligentes que l'homme, trouvant<br />

qu'à la fin ils avaient trop bon dos, venaient<br />

de se constituer en syndicat de défenses. (Sourires.)<br />

Il fallut parlementer avec le secrétaire<br />

de la C. G. T. — Confédération Générale des<br />

Trompes... Quand j'arrivai à Calcutta, jetais<br />

en route depuis cent jours.<br />

" Le trajet Calcutta-Shang-Haï, sur bâtiment<br />

britannique, s'effectua correctement :<br />

ci, vingt jours. Mais à Shang-Haï, arrêt complet<br />

du trafic maritime : en effet, les bateaux<br />

à destination du Japon s'approvisionnaient<br />

en pétrole et en charbon extraits d'un territoire<br />

mandchou revendiqué par plusieurs<br />

puissances ; en attendant le règlement du<br />

litige, puits et mines restaient sous séquestre,<br />

ce qui revient à dire qu'on ne les exploitait<br />

point. Enfin, j'eus la chance de trouver un<br />

indigène qui consentit à nous mener à Yeddo<br />

en hydroplane. Je le payai d'avance et m'assis,<br />

avec ma chère Aouda, dans l'appareil. Alors<br />

l'indigène attacha l'hydroplane à la poupe<br />

d'une petite goélette en partance, qui nous<br />

prit en remorque. Il nous avait bernés. Mais<br />

nous étions en route, et, quinze jours plus<br />

tard, nous touchions à Yeddo.<br />

" Là, cent quarante-neuf jours après mon<br />

départ de Londres, nous embarquâmes sur<br />

un steamer américain : je pressentais que cette<br />

sorte de navire me vaudrait un retard nouveau...<br />

En effet, en plein Pacifique, nous<br />

apprîmes qu'un bolchevik sibérien avait caché<br />

une bombe dans la chambre de chauffe. En<br />

réalité, cette bombe était un casque de samouraï,<br />

et le prétendu bolchevik un antiquaire<br />

pour nouveaux riches, qui, désirant donner<br />

au bronze une certaine patine truquée, avait<br />

demandé-à un chauffeur de l'introduire dans<br />

la chaudière. L'arrêt, ordonné sous la crainte<br />

d'une explosion en cours de marche, prolongé<br />

par les recherches, l'enquête, nous valut<br />

un retard de soixante-dix-sept heures. J'abordai<br />

à San-Francisco après cent soixante-trois<br />

jours de voyage.<br />

" Puis ce fut le parcours " Océan to Océan ",<br />

sur chemin de fer : à Lincoln, en Nebraska.<br />

le personnel du train apprit qu'un match de<br />

boxe mettrait aux prises, dans celte ville, la<br />

semaine suivante, Carpentras, champion des<br />

poids lourds d'Europe, et Depincett, son rival<br />

d'Amérique. Tous les employés descendirent<br />

pour assister à la rencontre, et les voyageurs<br />

durent en faire autant. Nous ne touchâmes<br />

New-York que treize jours plus tard.<br />

"La traversée vers l'Angleterre avait assez<br />

bien commencé, quand un multimilliardaire<br />

de Chicago s'aperçut qu'il avait oublié dans<br />

sa chambre un fume-cigarettes auquel il tenait<br />

fort : il paya le capitaine et l'équijsage pour<br />

faire demi-tour, et indemnisa tous les passagers...<br />

Je touchai enfin Liverpool, après une<br />

absence de cent quatre-vingt-dix-neuf jours...<br />

Je n'étais plus qu'à cinq heures de Londres:<br />

je mis neuf jours pour y parvenir. C'était la<br />

grève générale des chemins de fer Je ne pus<br />

nie procurer qu'un vieux tank, dans lequel<br />

je regagnai Londres, avec ma chère Aouda,<br />

exactement deux cents jours après mon départ<br />

de la capitale.<br />

Vous avez déjà deviné que mon pari se<br />

trouvait perdu. Sullivan avait su choisir son<br />

heure : au degré de civilisation auquel les événements<br />

récents nous ont portés,* il faut deux<br />

cents jours en moyenne pour • accémplir le<br />

tour du monde. Tel est le progrès de l'humanité.<br />

Ladies and gentlemen, good bye ! Je vais<br />

marier ma septième fille. "<br />

(Ovations inoubliables. Philéas Fogg a disparu.<br />

L'assistance, délirante, se partage le tapis<br />

de table, la carafe, le verre d'eau et le sucre, en<br />

souvenir.) HENRI FALK.

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