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contraire, il faut s'empresser chacun de son côté,<br />

d'offrir à l'assistance les grandes jarres de bili-bili<br />

appelées DJIGLAO, parce que c'est dans ce gros<br />

village que se sont développées ces nouvelles<br />

habitudes.<br />

Pour montrer l'importance de la réception, il faut «<br />

tuer » la journée entière autour de ces jarres. Les<br />

commandes sont régulièrement renouvelées. Dès<br />

qu'une jarre est vide, il faut tout de suite la remplacer<br />

par une autre toujours plus grande avec un meilleur<br />

vin. Parfois, on ignore l'identité de ceux qui<br />

renouvellent les commandes. Les uns se réclament<br />

proches du beau-fils, les autres proches du beau-père,<br />

de la belle-mère, ou même d'un tout autre lien proche<br />

ou éloigné de ces derniers La journée s'écoule dans<br />

l'insouciance totale.<br />

• Visite d'amitié.<br />

Autrefois, une visite d'amitié était longuement<br />

préparée. Le visiteur était entouré d'une affection<br />

particulière Cette affection apparaissait dans la<br />

qualité du repas : lait, poulet, ou poissons pour les<br />

gens du fleuve En tout cas le plus bel animal de la<br />

maison lui était destiné (bouc castré, canard, coq)<br />

Aujourd'hui, l'ami visiteur a à peine le temps de<br />

s'asseoir Les salutations échangées se font parfois<br />

avec l'alcool Le repas est oublié et programmé à la<br />

fin de la visite Evidemment, le visiteur n'a plus ni<br />

goût, ni appétit. Il est parfois malade, violemment<br />

secoué, par les doses insurgées d'alcool la veille.<br />

• Deuils, visites de condoléances.<br />

Autrefois, le processus d'un enterrement étaient<br />

subdivisés en deux grands parties - dès la matinée,<br />

les femmes étaient chargées de puiser une grande<br />

quantité d'eau pour les foules qui convergeaient dès 8<br />

heures au domicile du défunt, et les hommes<br />

s'attaquaient au creusement de la tombe et autres rites<br />

funèbres.<br />

Aujourd'hui, les femmes gardent le même rôle de<br />

même que les hommes, mais c'est le bili-bili qui<br />

remplace l'eau. Tout le bili-bili environnant est<br />

collecté, mais au frais de la personne endeuillée et<br />

parfois sans son avis. Au moment où le cadavre<br />

rentre sous terre, tout le monde est presque sous, cela<br />

dénature la mort...<br />

Après l'enterrement et durant 6 à 12 mois, les<br />

visites de condoléances se succèdent, programmées<br />

exclusivement le jour du marché local. A chacun des<br />

visiteurs, ils faut offrir du bili-bili. Bien que les<br />

visiteurs ne viennent pas tous les mains vides ; ceux<br />

qui amènent quelque chose le reprennent aussitôt,<br />

converti en bili-bili.<br />

23<br />

3.4. Sous emploi du temps6 et malnutrition.<br />

Si le bili-bili, crée un gros volume de travail<br />

souvent non rentable pour la brasseuse, il crée un<br />

sous-emploi du temps pour l'ensemble de la<br />

population consommatrice.<br />

La consommation du bili-bili crée un véritable<br />

sous emploi du temps. Le jour d'un marché local est<br />

considéré par la plupart des consommateurs (trices)<br />

comme un jour de fête. Dès 8 heures du matin, les<br />

spécialistes du bili-bili font le tour du village pour<br />

goûter presque tous les vins préparés. Cette<br />

promenade est accompagnée d'une publicité gratuite,<br />

canalisant au fur et à mesure, les nombreux<br />

demandeurs du bon bili-bili qui convergent vers le<br />

marché. De 12 h à 13 h, le marché de bili-bili<br />

s'installe. Un brouhaha monte de la place des<br />

ca<strong>user</strong>ies plates, des discussions sans sujets, des<br />

interpellations à tue-tête, se développent autour des<br />

jarres toujours pleines. La journée passe, l'après-midi<br />

surprend tout le monde, assis à même le sol, les yeux<br />

imbibés d'alcool, la bouche bavant de salive et de<br />

débris de cola rouge. La soirée se poursuivra dans les<br />

domiciles, des brasseuses. Là, nourriture, bétail et<br />

autres biens de la maison sont relégués au second<br />

plan. Les enfants sont priés de se débrouiller euxmêmes,<br />

s'ils veulent manger. Pour beaucoup de<br />

consommateurs et consommatrices, la journée se<br />

terminera dans l'inconscience totale et le lendemain<br />

difficile à démarrer. Comme chaque jour est un jour<br />

d'un ou plusieurs marchés de bili-bili, la sensation de<br />

récupération physique se fera de nouveau devant le<br />

bili-bili.<br />

3.5. De la santé publique et du développement de<br />

la sorcellerie.<br />

Nous avons évoqué plus haut que le<br />

développement des alcools a entraîné un grave<br />

problème de malnutrition dans la communauté. Or,<br />

l'on sait aujourd'hui que la malnutrition est le premier<br />

facteur des maladies aussi bien des enfants que des<br />

adultes. En 1993, nous écrivons ceci -. « la<br />

consommation de l'arki donne les effets suivants :<br />

refus de la nourriture, troubles nerveux, grande<br />

consommation d'eau et sensation des poumons qui<br />

brûlent. Au bout de cinq années de consommation<br />

excessive, on atteint une phase critique. Cinq autres<br />

années encore sans modération conduisent<br />

inéluctablement à la mort « (J.K. op. cit p. 440). En<br />

1999, ce constat reste malheureusement vrai.<br />

Certains diront qu'il a même empiré. Ne dit-on pas<br />

qu'un esprit saint ne peut se trouver que dans un<br />

corps saint ? C'est pour cela qu'en pays Tupuri, les<br />

6 Problème déjà souligné par Guillard(1955-1957) et repris par nous-mêmes<br />

en 1993 in« Bien manger et bien vivre » Anthropologie Alimentaire (pp. 433<br />

- 442)

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