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touristiques fréquemment par des milliers d’étrangers<br />
venus des quatre coins du monde, son environnement<br />
sain, son climat doux qui était favorable à tous les êtres<br />
vivants de la planète, ses habitants affables qui ne se<br />
querellaient presque jamais...Embarrassé, Fouloumou,<br />
qui venait pour la première fois en ville, regardait à<br />
droite, jetait un cou d’œil à gauche, dévorant tout ce qui<br />
s’offrait à sa vue, courant à chaque fois le risque de se<br />
faire écraser par une voiture dont la route sans trottoir<br />
était remplie. Son oncle dut l’arrêter par le bras comme<br />
s’il eût été un aveugle. Ceux qui les rencontraient les<br />
saluaient cordialement en demandant les nouvelles du<br />
village. L’oncle Bihina se pressait alors de répondre<br />
que tout allait pour le mieux au village, excepté ce<br />
grand malheur qui venait de frapper sa famille. Et il<br />
ajoutait : „ Voici mon neveu Fouloumou dont les<br />
parents viennent de trépasser. Je vais l’inscrire à<br />
l’école... “ Ainsi, il entretenait tous ceux qui prêtaient<br />
oreille à ses discours prolixes.<br />
Comme ils avaient bifurqué à droite, ils<br />
s’arrêtèrent devant une villa beige qui se dressait<br />
majestueusement au milieu d’une clôture, tel un palais<br />
royal. „ Nous y sommes, fils “ dit l’oncle Bihina en<br />
appuyant sur le bouton de la sonnerie qui se trouvait<br />
juste à côté du portail. Aussitôt, trois mignons enfants,<br />
dont une fille et deux garçons, tous richement habillés,<br />
vinrent ouvrir le grand portail peint en vert. Ayant<br />
reconnu leur père, ils lui sautèrent au cou en disant :<br />
- Te voilà enfin, papa ! Nous nous sommes languis<br />
de toi...Qui est-il celui-là ?<br />
- C’est votre cousin Fouloumou dont j’ai été célébrer<br />
les funérailles des défunts parents.<br />
Dorénavant, il vivra chez nous...<br />
- Non, non et non ! ripostèrent en chœur les enfants.<br />
Il est très laid et très maigre pour être<br />
notre cousin ! Nous ne voulons pas de lui ! Qu’il rentre<br />
immédiatement !<br />
Depuis lors, ces enfants n’avaient jamais<br />
considérer Fouloumou comme leur „ frère “. Méchants<br />
et sadiques, ils le battaient pour le plaisir de le voir<br />
pleurer. Ils aimaient écouter ses pleurs qui étaient<br />
devenues comme leurs chansons. Quand ils étaient<br />
lassés, leur mère, qui était un peu obèse, prenait la<br />
relève et corrigeait sans ménagement le pauvre<br />
orphelin. Lorsque son mari essayait d’intervenir, elle<br />
menaçait de divorcer ; car, estimait-elle, celui-ci<br />
accordait plus d’importance à ce rejeton qu’à ses<br />
propres enfants. Craignant de provoquer un scandale,<br />
l’oncle Bihina se taisait, se contentant de voir peiner<br />
son neveu. Sans protecteur, Fouloumou – dont le corps<br />
sans cesse soumis aux coups de bâtons était devenu<br />
rugueux comme la peau d’un pachyderme – maigrissait<br />
à vue d’œil. Il ne mangeait jamais à sa faim et faisait<br />
les corvées les plus pénibles.<br />
Pourtant, à l’école, l’orphelin se montra d’une<br />
intelligence incomparable. Travailleur, il sortait<br />
toujours premier de sa classe. Ses matières de<br />
prédilection étaient le calcul, le français, la géographie,<br />
l’histoire et la science. Le sérieux et l’assiduité avec<br />
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lesquels il menait ses études le prédisposait à un bel<br />
avenir. Ce qui rendait ses cousins très jaloux ; eux qui<br />
n’avaient jamais ramené de bonnes notes à la maison en<br />
dépit des livres et de l’encadrement que leur<br />
procuraient leurs parents. Fouloumou, lui, n’avait pour<br />
seules fournitures que ses vieux cahiers qu’il avait<br />
achetés grâce à la sueur de son front et dont il ne se<br />
séparait jamais. Mais cela ne l’empêchait pas pour<br />
autant d’être très brillant, de brûler des étapes. Ainsi, au<br />
bout de quelques années seulement, il obtint son<br />
C.E.P.E, lequel lui ouvrit les portes du collège où il fut<br />
aimé de tous ses enseignants qui voyaient en lui un<br />
génie.<br />
Lorsque Fouloumou arriva en Terminale,<br />
Hélène, cette année-là, entra nouvellement en<br />
Troisième. C’était une grande fille timide qui ne<br />
supportait pas le regard curieux des garçons. Elle avait<br />
une bouche sensuelle et une poitrine voluptueusement<br />
garnie. Cependant ses grosses fesses et son buste la<br />
rendaient quelque peu difforme. Nonobstant cette<br />
laideur apparente, Fouloumou l’aimait par dessus tout ;<br />
car pensait-il, elle était bien éduquée, étant originaire de<br />
campagne. La jeune fille lui rendait le même amour<br />
chaste. Chaque seconde qui passait épanouissait<br />
davantage l’inclination qu’ils avaient l’un pour l’autre.<br />
Finalement, ils se promirent de se marier au terme de<br />
leurs études.<br />
Après l’obtention du Baccalauréat (mention<br />
bien), Fouloumou fut reçu premier au concours d’entrée<br />
à l’Ecole Nationale Supérieur d’Agronomie. La<br />
formation dura trois ans. Et puisqu’il était encore major<br />
de sa promotion, il fut affecté comme le Chef de Poste<br />
Agricole de Bimi, petite ville arrondissementale située<br />
à une cinquantaine de kilomètres de Garoua. La même<br />
année, il se maria avec Hélène qui, entre temps était<br />
devenue infirmière. Le jeune couple s’installa dans une<br />
belle villa qu’il équipa progressivement de meubles,<br />
d’ustensiles et d’autres appareils électroménagers<br />
coûteux.<br />
Au début, le jeune ingénieur eut toutes les<br />
peines du monde pour convaincre les villageois à qui il<br />
était sensé inculquer les méthodes scientifiques<br />
relatives au développement et à la modernisation de<br />
l’agriculture. Ceux-ci en effet n’écoutaient pas ses<br />
conseils, disant qu’il n’était qu’un prétentieux, qu’il ne<br />
savait rien de l’agriculture. Comment un enfant, un<br />
„ fœtus “ comme ils disaient, pouvait-il prétendre leur<br />
enseigner les techniques culturales ? Eux qui avaient<br />
appris l’art de manier la houe depuis leur tendre<br />
jeunesse et qui connaissaient tous les secrets de la<br />
terre ? Oui, ils savaient que l’abondance des récoltes ne<br />
dépendait que de la bonne volonté des dieux ; que s’ils<br />
étaient fâchés, il fallait au plus vite leur offrir des<br />
sacrifices, sinon un grand malheur frappait toute<br />
l’humanité ; qu’enfin la sécheresse qui sévissait tant ces<br />
dernières années était indubitablement due à la<br />
négligence dont faisaient preuve certains individus à<br />
l’égard du „ dieu des pluies. “ Pour changer et dissuader<br />
toutes ces vielles mentalités rétrogrades, Fouloumou