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Agone 11 - Atheles

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fin que de garantir la sécurité de ces procédures marchandes : la démocratie est l'organisation politique qui<br />

permet aux individus d'assurer eux−mêmes l'immunité du libre déploiement de leurs résolutions<br />

personnelles (3).<br />

En considérant un ordre social affranchi des intentions des individus qui l'animent et de toute volonté<br />

politique constructiviste, le libéralisme s'inscrit dans la logique d'une émancipation par rapport à la morale et à<br />

la politique : c'est essentiellement un économisme que légitime la foi en l'efficience et l'équité des mécanismes<br />

de marché. Encore faut−il que l'ensemble des activités instituant la société civile puisse être ramené à un<br />

ensemble d'activités marchandes. Or, cette perspective n'est envisageable qu'à la condition de concevoir la<br />

rareté−− la tension immanente entre la parcimonie de la nature et la diversité indéfinie des désirs humains −−<br />

comme le germe des antagonismes qui dressent les hommes les uns contre les autres, c'est−à−dire l'origine de<br />

tous les problèmes moraux et politiques. L'émancipation politico−morale est alors justifiée du fait que la<br />

concurrence économique sur le marché, qui n'est que la forme marchande de ces conflits, apparaît aussi<br />

comme le principe de leur résolution : le marché est à la fois le moyen optimal de répartition des ressources<br />

rares et le cadre naturel pour une croissance équilibrée de ces mêmes ressources (4).<br />

La théorie de l'équilibre général, qui rend compte abstraitement des échanges effectués par un grand nombre<br />

d'individus sur un nombre fini de marchandises, est la démonstration aujourd'hui usuelle de ces compétences<br />

attribuées au marché (5). Soit donc un ensemble d'individus parfaitement autonomes au sens où chacun d'eux<br />

mène indépendamment des autres une conduite rationnelle consistant à affecter les moyens rares dont il<br />

dispose de façon à satisfaire au mieux ses fins propres. Chaque individu est personnalisé par sa faculté à<br />

classer par ordre de préférence les paniers de biens auxquels il peut prétendre, par sa capacité à produire selon<br />

les technologies existantes et par des dotations en droits de propriété sur certains biens. La répartition<br />

originelle entre les individus de chacune de ces caractéristiques est supposée être issue d'une loterie naturelle.<br />

Il s'agit alors de montrer que les échanges économiques permettent l'amélioration de cette situation initiale.<br />

Les individus, chacun dans l'isolement de sa sphère privée, déterminent selon le calcul rationnel de leur<br />

satisfaction leurs offres et demandes de biens, puis se portent sur les marchés correspondants afin d'y<br />

annoncer ces propositions. Suit alors un processus de tâtonnement (dirigé en théorie par un<br />

commissaire−priseur) duquel surgit un système de prix tel que, sur tous les marchés, offres et demandes<br />

s'équilibrent : c'est l'équilibre général, qui a entre autres qualités d'être efficace, au sens où il représente un état<br />

dans lequel il n'est plus possible à un individu d'augmenter sa satisfaction sans détériorer celle d'au moins un<br />

de ses congénères. Les échanges ne s'effectuent que lorsqu'ils sont jugés avantageux par tous les individus.<br />

Ce que démontre la théorie de l'équilibre général, c'est la parfaite compatibilité de comportements a priori<br />

non coordonnés : d'un désordre apparent, ils aboutissent à l'auto−institution d'un ordre parfait. Ce résultat est<br />

néanmoins inséparable de cette conception singulière d'un individu qui n'a de relations qu'avec des objets et le<br />

système de prix correspondant (seul médium d'information sur le comportement d'autrui). L'homo<br />

oeconomicus est donc un sujet quitte de tout lien social, de toute passion, et qui n'a d'autre visée que<br />

l'assouvissement fonctionnel de son intérêt personnel. Absent au regard de ses semblables, il n'a pour eux que<br />

de l'indifférence (6). à cette conception instrumentale du désir correspond celle, quantitative, de la rareté : la<br />

tension entre la finitude des ressources disponibles et l'infinitude des désirs humains ne peut être tempérée que<br />

par l'augmentation de la richesse matérielle. Le but de l'humanité est de tendre vers l'abondance, car l'entente<br />

et la fraternité ne se trouvent nulle part ailleurs. Et le moyen d'atteindre cette fin est donné par cela même qui<br />

en crée l'impérieuse nécessité : la rareté, qui force les hommes à s'affronter −− par la guerre puis par cette<br />

forme équanime de la guerre qu'est la concurrence économique entre gens raisonnables −−, les conduit à en<br />

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