de pindare. - Notes du mont Royal

Notes du mont Royal
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Z, JE*
OLYMPIQUES
DE
PINDARE.

^i vu.
V„..„ --^_,i

x JE: S
OLYMPIQUES
D E
PINDARE,
TRADUITES EN FRANÇOIS^ juxri
A F E C
DES REMARQUES HISTORIQUES,
Plndaram qaif^iû ftnJet xmnbri,
Jule, ccntisj ope DoUlei,
Nititur permis, vitreo datuius
Nomina ponto.
k Horat. lit. 4. Ol. 1.
\
A PAR I S,
CGUERIN & DEt-^Toun,"^
?*«< c t A u D E - A. BRIASSON, > rue S. Jacques.
JLAUKHN T DURAND, 3
VDESAINT &SAILLANT, irueS.Jean deBeauv.
A L T O N,
r Chez AIME' DELAROCHK
M. D CC. L I V.
AVEC PRIVILEGE DU R&1>
|.»i font*.'**

AVERTISSEMENT.
f*'/Z refle quelque droit, à un
& Auteur fur un Ouvrage imprime,
a cefi fans doute xdui d»
marquer tordre dans lequel il faut
le lire. Les beautés de Pindare
ne feront que très-imparfaitement
fendes 3 fi l'on fe jette au hasard
dans cette lecture, fi même on ne
s'affujettit pas à l'ordre obfervi
dans Varrangement des Pièces qui
compofent ce Livre. Le Difcours
préliminaire, VHifloire des Jeux
Olympiques, les Sommaires s les
Odes & les Remarques hifloriques:
tel efi cet ordre fi indifpenfable.
Le Lecteur efl prié de commencer
par rejlituer dans fon Exemplaire
les corrections qui fuivent: ce font
des fautes de t Imprimeur,\, ou des
changemens faits pour diminuer
le nombre de celles échapées à
T Auteur.

a. *
FAUTES A CORRIGER,
DISCOURS SUR FINDARE.
in -Ag* 9) Hg** xi. qui veulent être lues, lifex..
$• lelquelks veulent être lues.
Pitge 16, ligne 8, de ces traits fuperbes &
précis, liftz., précis fie fuperbes.
JïISTOIRE DES JEUX OLYMPIQUES;
Page xix, ligne t, Se à calmer, lifex,, &
calmer.
Page -xhtiii, /*j»* }6, avec 4or«|re de ky départir
, /i/ix,, avec ordre de les obliger à fe
départir.
4 .
Page li, ligne IJ, & /vivantes, laquelle,
fiir un char attelé de quatr* «hèvaux, remporta
le prix de la courfe , lifef., laquelle remporta
le prix de la courfe des Chars attelés de
«juatre chevaux.
Page Ixix, ligne ij, & l'opulence de ces per-
Ibnnes, lifex., & l'opulence du Maître.
Page Ixxxv, ligne 13 . par le but > lifex.,
par la fia,
ARGUMENS, ODES ET REMARQUES.
' Page 11, ligne 10, c'eft, ajoutez., 1». Aid.
ligne 14., ajoutez., t". Que. l'éloge des Jeux
Olympiques > par lequel Pindare commence fou
Oae , demandoit qu'il parlât de Pelops, Inftituteur
oii l Reftaurateur de ces Jeux 5 J°. que
l'Hiftoire de Tantale n'eft point amenée (ans
x raifon dans l'éloge du Tyran de Syracufe, Prince
ambitieux & plein de vices ,tjui avoit plus d'un
trait de rèuemblance avec le Tyran de Sypile.
La dernière ftrophe nous apprend que l'Ode efl
plus morafe qu'elle ne le parole d'abord»

T*ge i j, ligne ij. Il s'eft ghlK ici uae erreur
Cri ce qui concerne les Latins , lefquels n'ont
jamais divifë leurs Odes en ftrophes, antiftrophes
Se épodes. Je ne voudrais pas néanmoins
aflurer, avec M. Dacier, que les Odes
d'Horace fbient continues. Je penfe que le»
Latins, comme nous, les partageoient en ftrophes
ou couplets.
Page zt, ligne 10, dans la Sicile, ajoutez. f
il en a efliiyé lui-même.
Paçe x;; ligne i, aucun terme, ajoutez,,
certain.
Aid. ligne 13 c? 14, à quelques malheurs,
lifex., aux plus grands malheurs.
• Page 19, ligne dernière, les autres hommes t
etex, autres.
Toge 34, ligne %6, des divinités, ajoutez ,
de fa Cour.
toge 48, ligne 18, vertus domeftiques, itex,
domeftiques.
Aid. ligne 19, atteint les, lifex,, touche à»
{on Palais aux.
Page ti, ligne 13, etoit allé laver, lifex.,
etoit allée laver, conformément aux mœurs
(impies de ce fiéde, fes vétemens à la rivière,
toge ji, Urne 10, parce qu'ils étoient, lifex,,
parce qu'ils nabitoient.
Page go, ligne 14, d'un jeune homme, lifex,
des jeunes hommes.
Page 7%, ligne 8, l'on doit donner, lifex,,
de même doit-on donner.
Aid. ligne 9, fi cet homme, lifex, fi ce
mortel.
Page 77, ligne 3 , accoucha de la, lifex, ea
conçut la.
Aid. ligne 9, dans Phéfàne, lifex, de Phefane.
Page 8?, ligne 18 , attendant que le Dieu les
inftruifit, lijex, efpérant que le Dieu les inC
truiroiti
Page 93, ligne 1, béotique, ajoutez, oreille
béotienne.
Page 97, ligne 10 &fuiv. pour la (aire palier,
tac. Itfex, pour qu'elle pafle d'une matfon dans
fautre, honore fon alliance te force les amis.

Page 100, ligne j, quoiqu'ils ne portaient,
lifet, & n'y portèrent.
loge iot, ligfie penult. car elle, lifez,, eai~
i'Ifle.
Page idj, ligne 7, honorés, lifez,, protégés
la juîhce de mon Hymne.
Page 107, Zigw» dernière, trois Tributs, Ji/ôt »
Tribus.
?«£« 114, Hgnt « > qu'une charge, lifez,
qu'un office.
?«g« 118, ligne dernière, de fes Héros, lifez,
4e ces Athlètes.
Page 110, Hpw 25 , depuis Eaque, ajoutez,
fon premier Roi.
?«re 113 , /fg»« 4, & ne leur biffe, ajoutez,
vers leur patrie. 1
Pare ni, lipM 7, ne mangeaûent, i

DISCOURS
S U R
A
MONSIEUR DE VILLE,
DE L'ACADéMIE DES SCIENCES
& Belles-Lettres de Lyon , & de la
Société Royale de la même Ville %
Ingénieur du Roi , Lieutenant ordinaire
de fa Vénerie.
JE S confidérations d'un grand
K poids, MON CHER AMI, m'ont
empêché jufqu'à préfent de
mettre au jour ma Traduâion de
Pindare, quoiqu'achevée depuis longtemps
: la difficulté de fentreprife ,"
l'inutilité de ces fortes d'Ouvrages
pour le progrès des Lettres, Pefpérance
de voir enfin paroître la Traduâion
de feu M, l'Abbé Maffieuf
• a

» D I S C O U R S
Cette dernière confidération à la
vérité, s'eft évanouie infenfiblement.
Quelle apparence que le dépôt de cet
illuftre Auteur, prêt à paner peut-être
en de nouvelles mains, parvienne au
bout de trente ans dans celles du
Public, & que le troifième dépofitaire
en fane! un, ufage , que les
deux/premiers, tout éclairés qu'ils
étotent , n'ont pas cru en devoir
iaire ? Les connoiffances rares 9 les
talens fupérieurs de M. l'Abbé Maffieu,
garantiffoient lefuccès de fon
travail, s'il avoit eu le temps de lui
donner la perfeûiort dont il étoit
capable : il faut croire que la mort
nous a envié ce tréfor littéraire. Cependant
les autres confidérations fub-
£itoient dans toute leur force.
•Le-fiécle paflé, «e fiécle des Lettres,
des Sciences & des Arts, que larévobttiqn

SUR P ï N D 4 R E.' $
jamais placé. U apportait dans Iç
combat la douceur, l'aménité de fejs
mœurs ; & fe fervantadretitesieot dç
fes connoiflances extrêmement étendues
, il en ornok, il en embelli/Toit
fon armure ,. •& intéreflbk Souvent
contre -la raiibn. A la tête 4e l'autre
fe mit DejÇpréaux , qui devait beaucoup
aux Anciens, & qyi trop fief
d'une érudition acquise à grandsfrais,
fe préfesntoit toujours d'un air
dur , bizarre , quelquefois farouche
(} )„ & perçoit, par fa fo>ugue &
fes eoiportemeas,toutrayanta^eque
.lui dannoitlajt^mpfi de fçs artfies, {^ç
4îarti le plus jufle n'a pas«$é le -plus
•heureux; détruit par fes propres victoires
, nojusiKoyons difparoîfire cha-
5ue jour, les admirateurs dp la bellg
ntiqiùté. Jamais ûécfe »e ft&nioins
,hellâpfte.ii&p$ui .que |e gflrtiiÇQnr
iraiKç f^anaiptien*,.peuj>,&r#r- V#ojcroUr
W*? ^f>tuy«l AtH^e-^*,) yient
de deiceadre fcr .I'arene, ay

% D I S C O U R S
phyfique, & de jetterfon gantelet:
îl attend fans doute que .quelque
combattant le relève.
Dans cette querelle littéraire, Pîndare
eft toujours celui des Anciens ,
fur lequel on s'acharne le plus. Ses
délateurs , croyant apparemment lé
bien louer, foûtiennent que fes beautés
renfermées dans fa langue , ne
peuvent être rendues par la foiMeffe,
difons avec eux, par la bafleffe de la
nôtre ; qu'il eft impoffible que celleci
s'élève jufqu'à la hauteur des penfées
& des expreffions du Poëte Grec.
Ses détracteurs foûtiennent, au-contraire
, que ce Poëte n'offre par-tout
qu'un galimathias impénétrable, qui
ne vaut pas la peine d'être entendu,
Les moins outrés lui accordent des
beautés de diâion , le mérite frivole
•d'être un excellent Ecrivain , & un
-très-médiocre Auteur. Comment ofer
faire voir contre le fentîment des
premiers, qu'il eft poflîble d'atteindre
à cette fublimité ; & contre l'opinion
des féconds, qu'elle ne préfente
que des idées intelligibles Çc raifonnables,
qu'elle a des beautés effenjielles)
Ajoutez la difficulté réelle d§'

SUa PlNDARE. J
la traduction , & vous xonviendrez
que ce font des précipices de tous côtés
(i). Une langue fobre, modefte,
timide même, pourra-t-eue en eiFet
nous tranfinettre le feu, F éclat y le
merveilleux des/ éxpreffions & des
penfées toutes divines de Pindare ?
D'ailleurs, MON CHER AMI;
une idée que l'expérience ne confirme
que trop ; les meilleures traductions
, loin d'être utiles à l'avancement
des Lettres , y font peut-être
miifiblés. Voyons-nous, afin de ne
citer qu'un exemple, que la belle
Traduction des deux Poèmes d'Homère
, nous ait infpiré un grand
amour pour l'Auteur, & que pleins
de zélé nous nous foyons efforcés de
remonter jufqu'à lui? Telle eft l'inconféquence
des hommes :. ils ne s'affectionnent
aux chofes qu'à proportion
de ce qu'elles leur coûtent de
peines & de foins, malgré leur éloi-
;nement décidé pour le travail, &
eur penchant â fe tourner fans cefie
f
vers ce qu'il y a de plus facile. Soyez
afluré que celui qui étudie, foït Homère
,' foit Pindare , dans fa langue
(t) Haç Kfgft lupus, h*ç omis. Horat.
a nj

S Dl S C O U R. $- .
naturelle, contraûe pour foa Auteur
inreforte dépanïon ,qui leporte à ert
infpirerfé gbftt, àWetëntfr e le culte;
àfflrett.qûe celui qui ne'técônnbîrque
par- des verfiolnsy faidiffeVent fur le
compte de l'original, fe Contente, lî
la verfion eft bonne ,.cPen confeiller
Jroidementlaleûure ,pef ruade qu'elle
{ttffkf&C fi etfe^ëfl médiocre ou matfvaife
; ff rie co^eifféW d£ fr^ér ti faf
rghrâf, dcmr'îa copïé'rièltfr a pisfait
concevoir une grande'idée , ni la
rerfion langtirffante quï Fa ennuyé»
C'eft ainfi que les fources précieufeà
de la Grèce fe tariifent peu à peit
|>our nous ; ou qu'elles ne coulent
jufqu'à nous, que par quelques canaux
étroits/ & bourbeux , qui en

S XT R P I ïf 0 A R E. 7
Poê'te que vous ne connoHBezqHepar
moi. Il me parut que vous retrouviez
dans ma copie des étincelles dç ce
beau feu qui brûle dans l'original:
vous en étiez faifi , tranfporté ; ûâûffement,
tranfport qui ne partoient que
de l'illufion que vous faifbit Pamitié.
Mais, Favouerai-je, cette imprenion,
toute fufpeâe qu'elle me devort être',
faite fur un homme d'un jugement foUV
de & d'un goût exquis *, n'a pas peu
ajouté à ht tentation que Pon a tou- fgff*
jours de fe produire. Je commençai tium.
à me perfuader, que s'il eft difficile , Herat
il n'en peut-être pas imposable de
faire avec quelque fuccès, même dans
une langue fage & mefurée , ce que
les Italiens (3) ont fait depuis longtemps
dans une langue plus nombreuse,
& ce que les Anglois ( 4 )
viennent de faire, dans une langue
audacieufe , il eft vrai , & plus propre
à fe guinder vers ce genre de
fublime. La Traduâion de Pindare
( 1) Ode Al Pindaro, &c cïoe Olimpie r
Pithie , &c. Tradotte s» partfrofi, c in rima
Tofcana, da Aleflàndro Adimari... Cou oCfervazioni,
&c. in Pif* îiyi , in-folio.
(4) Traduâion Analoife par M. weft, annoncée
dans le Journal de Maty , 17 %o.
aiv

t D I S C O U R S
manque foncièrement à notre Litté*
rature : nous en fommes réduits à
quelques verfions latines, les unes
Ettérales , les autrçs paraphrafées ,
toutes également fans force & fans
vie; à deux traductions françoifesfj)
du commencement du i y me . fiécle ,
déteftables pour le temps même où
elles ont paru ; enfin, à huit ou neuf
Odes répandues dans quelques Livres
imprimes, ( 6 ) qui ne fervent qu'à
exciter nos regrets , fur ce que des
Traducteurs fi habiles n'ont pas pouffé
plus loin leur travail. Cette vue de
notre difette, jointe à la bonne opinion
que vous vous efforciez de me
faire prendre de mon Ouvrage, acheva
de me déterminer. Je penfai néanmoins
que je ne pouvois marcher avec
(j) Les Olympioniques, Pythioniquesr>&c. de
Pindare. traduites de Grec en François , par F.
Marin Champenois. Pam.Thibouft, i«i7.«n-8°.
Le Pindare Thebain traduit de Grec en François
, mêlé de vers 8c de profe , avec des figures.
&c parlaGaufie.Parw.Lacquehay, T«îI«. in-S°.
(«) Mémoires de l'Académie des Itiferiptionsî
fix Odes traduites par feu M. l'Abbé Maflîeu ,
les i re . i"». ii"«. & i4*« des Olympiques,
la i r *. des Pythiques. & la i re . des Iftnmiq«es.
Deux, la 4 1 "*. & la 5 œ *. des Olympiques , traduites
pat M. l'Abbé Sallier.
Cours de Belles-Lettres, Tome i, la it"*.
Ode Olympiq. traduite car M. l'Abbé Bajteu^.

SV-RPIN-DARE. 9
trop de précaution dans une carrière
fi périllèufe. Quelque prenantes
qu'ayent été vos follicitations ,

mérité, & ce que- c'étoit que ces
jeux ; fi l'on ne connoît pas les exercices
reçus, leurs régies, leur difcipline
? Je n'ai point négligé les recherches
pour rendre cette Hiftoire inftructive,
& je me flatte d'avoir employé
tous les ornemens qui pouvoient
là rendre intéreffante. Que
vous dirai-je de plus, à vous, MON
CHER AMI , qui voulûtes bien mettre
en œuvre les premiers matériaux que
j'en avois raffemblés , & la première
difpofition que j'en avois formée ) It
•cft vrai que quand je fuis revenu fur
ce travail avec les richenes acquifesi
dans de nouvelles leâitres, j'ai été
obligé de le refondre ; mais au moins
dois-je reconnoître que j'ai profité
d'une infinité d'excellentes chofes qui'
Vous appartiennent ; 6t à Dieu ne
plaife, qu'à l'exemple à'Iolas, leqner
courant dans nos Jeux avec les cavales
d'Hercule, ne nommoit point le
rhaître de ces courfiers, je remporte
feul une victoire, qui vous feroit due
en partie. La reconnbifTance de ce
que je dois aux Anciens & aux Modernes
eft auflî fincère. Je cite affez
«xaftement ceux-là, & la plupart du

- S U R P I N B À R E. II
tems ceux-ci ; mais pour éviter ta
confufion des citations, je m'en dit
penfe quelquefois, fur tout par rapport
aux Modernes , qui ne font que
répéter ce qu'ont dit les Ancien*.
Qu'on ne me fafle donc pas l'injuftice
de croire que, foit dans cette Partie,
foit dans celle des Remarques, je
cherche à diffimuler les fources qui
m'ont enrichi, pour en tirer une vaine
gloire. Inconcevable tout ce que j'ai
pris dans les fçavantes DhTertations*
(7) de MM. BHrette, Freret,Ge-
«îoyn, Bannier, & de tant d'autres
qu il' feroit trop long de nommer. Je*
n'y ai pas feulement puifé des faits r
qu'ils avoient eux-mêmes tiré» d'ailleurs
, je me fuis approprié des morceauxentiers,
tels qu'ilsles ont écrits,,
parce que je les ai trouvés très-bien,
& que ç'auroit été une folie de vouloir
faire mieux , & une très-faufTe
délicateffe de donner de foi fur ce
fujetdes chofes égales ou inférieures r
It mieux efi l'ennemi du bien, ( 8 y,
comme vous le dkes fi fenfément. M{E
i) Mémoires de l'Acte. ëksJnfcrnptïotK.Scaïi
(g) Reptrto quoi eft ogàmum, qui i»*luti

Il D I S C ô U R s
conduite après tout eft appuyée fur
des exemples illuftres. Le Poëte Afranius
Ce déclaroit publiquement plagiaire
, & prétendoit que fon aveu
raifort difparoître le plagiat : ce n'eft
plus qu'un emprunt, difoit-il ,. dont
le Public doit me fçavoir gré., puifqu'il
tourne à Ton avantage. Je n'ai
fait en ces rencontres que les chanr
f
emens néceffaires pour mettre tout
mon ton , & ôter la bigarrure
o
des divers ftyles ;, ce qui n'étoit pasune
petite difficulté. Il y a pourtant
beaucoup de chofes àmoi, telles que
la defcription du ftade> &c. qui peuvent
jultifier que je n'ai pas fait ces
emprunts par impuifïance, mais par
k perfuafion- intime que le vrai mérite
del'Hiftorienne confiftepas dans,
ces vains fcrupules. De l'exactitude
dans les faits., de la clarté, de la précision-,
de l'élégance dans la difpofition
, des liaifons firaples &. naturelles
, un flaîeconvenable à chaque
partie. & au tout,.voilà-ce qu'on exige
de lui.. S'erabarraffe-t-on au fusplus
, quand on voit un beau tableau,.
fi le Peintre a broyéluï-même fes.
couleurs , s'il les a mêlées fur £&

STJR.PlNDA.RE. Tf
palette, où s'il les a reçues toutes
préparées ? .
L'Argument compofe la trcfcfième
Partie, & préfente l'analyfe féche
de l'Ode qu'il précède. Je n'ai pascru-devoir
imiter M... l'Abbé Maflieu,
dont les fommaires font des- dHTertations
en forme, fouvent plus longuesque
l'Ode même. Il ne leur avoir,
donné cette étendue que pour remplir
quelques féances. de l'Académie
des Infcnptions.,. ou pour fervir deleçons
au Collège royal. Comme je
n'ai à m'acquitter d'aucun de ces devoirs-.,
je me fuis, contenté de mettre
à la main de mes lecteurs un fimple
fil fufHfant pour les conduire dans les
tours & détours de ce labyrinthe, &
les faire juger par. eux-mêmes combien
il y a d'art dans ce. defordre
apparent.
A l'égard de la Traduftïbn deSt.
Odes,vons,fçavez„MoN CHER AMI,.
avec quel fbin je l'ai travaillée.Quand
j£ m'y mis la première fois (9), emporte
par mon Auteur, je me figurai
cendre toutes && beautés dans une:
•_ b) H y a pfns

i4 D I S C O U R S '
paraphrafe chargée de mots grands
& pompeux. Au bout de quelques
années, lorfque je confrontai mon
ébauche à l'original, je m'apperçus
aifément que je ne mettois que de
l'arrogance & de l'enflure à la place
de la grandeur & de la majefté ; quece
nombre de mots & d'épithétes ,
comme un, monceau de cendres froides
, étouffoit tout fon feu ; & que
d'un corps animé de ht plus belle vie
& d'un embonpoint admirable , il
nereftoit plus qu'un cadavre pâle T
languiflant, plein de boufKflures. Je
fentis que pour bien traduire Pindare,.
il falloit s'attacher à la précilîon des
idées & des termes ; que fes expreffions
font non feulement fi magnifiques
, mais fi énergiques & fi juftes,
qu'on ne pouvoit exprimer toute la
force ou toute l'élévation de la penfée
, qu'en rendant le mot propre
dont il fe fert : enfin je fentis qu'avec
cet Auteur il n'efl prefque point d'équivalents
y. & que pour peu qu'on
prenne de licence, on commet une
infidélité. Je fis donc une féconde
traduction aufii littérale qu'il me fut
poffible i & ce nouveau, travail prc>-

SUR P î N D À R E. Tf
duifit bien un corps, qui a voit à peu*
près la hauteur de l'original, dans
lequel on appercevoit des nerfs, des.
mufcles, des veines, dont la difpofition
promettoit de la force ; mais un
corps décharné, vuidé defang, couvert
d'une peauféche & brûlée : c'eft
de ces deux traduirions , que les yeux
conftamment fixés fur mon modèle >
j*ai formé celle que je donne aujourd'hui
, ou je n'ai rien oublié pour atteindre
à la perfeâîôn , qur manquoit
aux deux autres- ' ,
Autant que je Par'pu-, j r àï gardé le
tour de rexpreflion & dé la penfée ,.
adoptant tout ce qui n'eft que hardi r
extraordinaire, fi vous votdez audacieux
; & ne changeant que ce qui
aurait été barbare. Pour Touer la prudence
, l'aâivîté, h vigilante des ancêtres
de "theron >j'ai dit en un feul
mot avec Pindate, eu égard k la firua-i
tion â'Agrigente' oit régnaient ces-
Princes , qa*Us ont été l'œil de la Sicile.
(10) J'ai tranfporté auxpenfées^
Pavetigiement naturel des hommes;
fur l'avenir (n) J . l'ai.préféré cette
(.10) Ode i lne . Srrcrpï. a
lu.) Ode 11."*. Suoph. *

i£ D i s c o v R s
image des Jeux Olympiques à la description
la plus fleurie : Cefi de là que
fe voit avec avantage la gloire des Jeux
Olympiques , lorfque la légèreté ^ la
force, l'adrejfe^qudjuiffêeffar 2e péril,
combattent dajis.. la carrière de Pelops.
(ix) Pindare-offre à chaque pas de
ces traits fuperbes & précis- ; mais
ceux mêmes qui n'ont pas cet éclat,
ont un air. étranger , qu'il et oit de
mon-devoir de faifir, parce qu'enfin
ce Poète eft un Grec, qui au milieu
de laFrance doit conferver l'air & le
ton de l'ancienne Grèce.
Peut-être cependant ai-je porté
trop loin le fcrupule de l'exactitude.
J'apprens du moins que des perfonnes
très-verfées dans la Langue Gtbr
que, & dont je refpeûe-les lumières
& le goût, fi elles ne m'en; font pas
un reproche.,, en marquent dé l'étonnement,
& regardent comme redondantes
& inutiles, certaines épithétes.
Pourquoi traduire, par exemple*
une- coupe toute d'or, (i 3) & non pas*
fimplement une coupe d'orï.... Je
prie ces critiques de conûdérer que-
11) Ode ire; Stroph. KR..
i Ode 7"** SnoRÏ. K.

SUR P I N D A » ï. 17
Pindare n'emploie pas un mot qui ne
dife quelque chofe, & que Pépithéte
toute, n'eftpas auffi oifive qu'elle le
paroît à la première vue : elle nous
apprend quily avoitdes coupes qui
rr'étoient pas entièrement d'or, foît
que le-pied, la poignée y fiiflent d'une
matière différente., foît qu'il y eût
divers métaux mêlés enfemble ; (14)
mais que celle dont parle Pindare
étoit toute d'or, par où il relève infiniment
fa comparaifon. Voilà ce qui
m'a déterminé à rendre en cet endroit
l'épithéte toute; dans les autres la réflexion
montrera de même la néceffité,
la jufteffe de quelques mots que
l'on croit d'abord fuperflus. On veut
qu'un Traducteur foit animé de l'efprit
qui anima le Paëte : La Mufe ,
fuivant l'emblème ingénieux- de Platon,
eil une pierre d'aimant ;le Poète
dans fon enthouuafme eft un anneau
qui s'unit à cette pierre, & l'interprète
un autre anneau attiré par le
premier, 8>n qui par fon moyen reçoit
(14) Ces coupes ppuvoient pourtant s'appelle*
des coupes d'Or, parce que le vafe , le caliceétoit
de ce métal, ou parce que ce metalntomt
tvoit fvu lès autres matières employées.

ï8 D I S C O U R S
une partie de la vertu magnétique. Je
n'oferois me flater que l'on recônnoiffe
en moi cet effet, mais je ne
fçaurois dire que je ne Faye pas
éprouvé.
Au reite, je me fuis conformé à la
divifîon des Strophes, toutes les fois
que l'ont permis les enjambemens autorifés
dans la Poëfie Grèque. Cette
méchaniqueeft dticarafctèrede l'Ode,
qui ne va que par fauts & par bonds :
elle appartient d*ailleurs fingulièrement
à notre Poète, puifque l'ufagé
de ces divifions n'a commencé que
peu de temps avant fonfiécte, & que
félon la conje&ure d'un Sçavant ,
(15,) il fut peut-être le premier qui
s'en fcrvit, d'abord dans fes dithyrambes
à caufe de l'audace de cette
compofition , cnfuite dans fes Odes.
Avec Pîndaïe plus qu'avec tout autre
Poëte, l'efprit a befoin de ce repos, &
je ne puis m'empccher de regarder cette
omiffion comme une faute dans la
Traduftion de M. l'Abbé Maffiett. De
fon texte continu, prefque fans paufe,
fans partage, il réfulte une conrufion
de chofes & de mots très-defagréable.
(1$) M. Dacier„

S U R P I N D A R E. IÇ>
ta marche de fa première Ode Olympique
embarraflee, contrainte, n'a.
point cette ipipétuofité qui ftape dans
Foriginal, & qui devroitfe retrouver
dans la copie,aumoins matériellement.
Des Remarques purement historiques
terminent l'ouvrage. Les difciifïions
grammaticales font profcrites
depuis lpng-rteinps, de nos Commentaires.
AVqttôt ferveni-eïïes en. effet %
îinon à faire-montre d'une érudition
fort importune aux gens du monde,
& dont tes Sçavansfont peu touchés ï
Lorfque j'ai adopté un fens par préférence
à un autre que l'expreflion
de l'Auteur ferable également préfenter
, je ne l'ai fait qu'après beaucoup
de méditation, & déterminé par le
rapport de ce qui précède ou de ce
qui fuit. Malgré cela, je ne doute pas
que je ne me fois trompé très-fouverçt
; je {npplië ceux qai pieodront
la peine de me lire avec le; foin
néceflaire pour obferver ces fortes
«le fautes, 4« daigner les relever.
(16) La confeitation fera courte
(16) Tuntum abifl utfiribi contra ms nolimut^
*t ttiam m/tximi optemnu Cic. Tuftùl. quïftk.
klI.Cap.i.

io D I S C O U R S
entre nous : fi la critique me përfua.de,
je n'y répondrai qu'en me corrigeant
; & fi je ne crois pas devoir y
déférer , je n'entreprendrai point de
juftifier ma réfiftance par une réplique
, qui nous mette dans le cas de
faire de part & d'autre un grand étalage
de raifonnemens & de grec ,
pour demeurer enfuite chacun dans
notre opinion, comme il arrive ordinairement.
Voilà mes difpofitions ,
MON CHER. AMI, pour les erreurs de
cette efpéce , & pour toutes les autres
de quelque nature qu'elles foient.
Que de reconnoiflance pourtant ne
dois-je pas marquer d'avance à ces
Critiques, puifque retrancher une
faute de mon ouvrage, c'eft y ajouter
un degré de perfection ; & que les
uns m'auront rendu réellement ce bon
office, & les autres auront eu intention
4e me le rendre.
M. Dacier, & M. l'Abbé Maflîeu
qui l'imite en cela, m'ont laifle un
modèle pour mon Commentaire, que
peut-être aurois-je dû fuivre ; mais il
faut en convenir, je m'en fuis écarté
précifément par les raifons qui en failoienttout
(«mérite à leurs yeux.

S U R P l N D À R E . il
Trois cara&ères dominants dans les
remarques deM^.Dacier; iineparaplirafe
du texte, oïl fans cefle à genoux
& l'encenfoir à la main, elle
drefle des Autels à Homère ; une recherche
affeâée de prétendus rapports
, foit dans les expreflïons, foit
dans les mœurs, entre les deux Poèmes
grecs & nos Livres faints ; un
deflein formé de juftifier tout par des
allégories forcées, aiuquellesafluréfnent
le Poète n'a jamais fongé. Dans
rimpo.ffibilité de rendre fejifibles par
fa traduction les différentes beautés
de fon Auteur , M"*. Dacier fe flatte
de tranfmettre ainfi le fublime & le
merveilleux qui y régnent. Ne s'eftelle
pas abufée, & ce culte plus
qu'idolâtre,ce fanatifme outré, n'eftil
pas infiniment plus propre â ôter la
confiance qu'à l'infpirer ? N'y a-t-il
point d'ailleurs d'indiferétion (17)
dans ces comparaifons éternelles du
Texte de l'Iliade ou de l'Odiffée ,
avec le Texte facré ? Faut-il doncindifpenfablement
qu'Homère ait puifé
dans les divines fources de l'Ecriture
X17) PindaitaaoAfcsiadifcrets qui font ta
jMtmes par»Uélcs.

MX D I S C O V R s
pour parler de l'Être fuprême,'comm€
il le fait en quelques endroits ? Ne
fuffit-il pas de la connoiflance que
donnent de Dieu les fimples lumières
naturelles à un génie qui a de l'élévation
? en un mot, tous ces dévelopemens
jugés fi néceffaires, ne rendentils
pas uifpéûes des beautés qui çoû-t
tent tant d'efforts à foire entrevoir ;
& peut-on fe flatter de bonne foi ,
que ceux qui ne les fentiront pas à la
le£Uire du texte , aillent en chercher
le fens ou le fentiment dans laremarr
que ? Je ne lé penferai jamais : Ter
preuve que j'en .ai faite fur des personnes
d'un efprittrès-cultivé, & fur
des perfonnes qui n'avoient reçu
qu'une culture commune; cette épreuve,
dis-je, m'a convaincu que ce commentaire
artificieux ne gagnoit rjeri
fur les unes, & excédoit les autres.
Mais les Commentateurs trop fem.blables
à ces anciens Paladins , qui fe
campoient à la tête d'un pont pour
forcer les paffants à confeffer les perfections
de leurs Dames, & qui n'en
remportoient fouyent que de ,dangereufes
bleffures , avec la rifée des
&p0Ôaiçurs, ne mitent pas happer-

SUR P I N D A B. E. 13
cevoir

14 D I S C O U R S
utile, en prenant çà & làtrès-fouvent
des morceaux tout faits, fans autre
égard qu'à conferver un ftyle uniforme.
Les Sçavans verfés dans l'Hiftoire
ancienne , me reprocheront
fans doute l'étendue de certains articles
j mais ce n'eft pas pour les érudits
que fe font ces Remarques, on le
leur a répondu mille fois; c'eft pour
ceux, ou qui ignorent absolument,
ou à qui il ne refte que des notions
très-imparfaites. Pindare nomme un
Dieu, un Héros, une Ville, un Fleuve
, fans rien ajouter de plus, parce
que ces chofes bien connues de fon
tems., faifoient image, & que la (impie
dénomination ûiffifoit pour que
l'on conçût fa penfée.. Ainfi lorfque
nous nommons Paris, Rome, Londres,
les Condé, les Turenne , les
Conti, il n'en faut pas davantage
pour que la grandeur & la magnificence
de ces Villes, pour que les vertus
civiles & militaires de ces Héros
fe retracent à nos yeux, & nousélèyent.à
la hauteur cfu fujet comparé ;
mais les premières, indifférentes pour
nous-, fe font prefque effacées de la
mémoire des hommes # comme cellesci

S U R P ï K D A K E . if
ci s'effaceront par la révolution des
iiécles & des nations ; & l'on fera
obligé d'expliquer un jour ce qu'étoiênt,
Rome, Paris, Londres , ce
qu'étoient nos Turenne, nos Conti,
nos Condé ; toutes ces chofes aujourd'hui
fi préfentes & fi chères.
Ce'feroit ici le lieu de parler de là
Poëfie Lyrique, de fa naiflance, dé
fon ancienneté, de fa conftitution j
de fes divers objets ; mais, MON
CHER AMI, tant d'Auteurs ont
traité cette matière, & la plupart fi
bien, que fi j'entreprenois d'y toucher
de nouveau, ou je ne ferois que
mafquer d« vrais plagiats, ou je ne
dirois rien qui valût ce que les autres
en ont écrit. Car fans compter
Ariftote &. les anciens Rhéteurs,
de nos jours les Ecrivains , qui
par le genre de leurs études y
paroiffoient • engagés , ( 18 ) &
ceux dont le travail libre ne les
portoit pas plus dé ce côté que de
(18) M.&M me . Dacier., dans leurs Préfaces.
Defpreaux , Art Poétique , & Réflexions fur,
Longin. La,Motte, Difcours fut l'Ode. M.Roy,
.Réflexions fur l'Ode. M. Lefevre Je St. Maie ,
Remarques fur Boileau. M. l'Abbé Battcux,
.Coûts de Cilles-Lettres, &c.
b

t.6 D I S C O U R S
tout autre, ( 19 ) fe font exercés
dans cette littérature ; enforte que fi
nous n'avons pas d'excellentes Odes,
comme nous fommes forcés de convenir
que nous n'en ayons pas, du
i%oins en grand nombre, ce n'eft
point l'art qui a manqué au Poëte ,
e*eft le Poëte qui a manqué à l'art. Il
fuffira pour la connoiflance de la nature
& des principes de ce Poëme ,
que j'explique en peu de mots ce qui
conftituë fon caractère diitinâif, l'enr
thoufiafme, le grand, le fublime.
Ceux qui voudront quelque chofe de
plus , pourront. recourir aux traités
particuliers que j'indique à la marge.
*' L'enthoufiafme poëtique, félon
„ le réfultat de la difcuiiïon profonde
„ d'un bon Métaphyficien, (io) eft
„ la peinture fidelle de la fituation de
„ l'ame ; l'expreflion, le langage pro-
„ pre de la paffion qui la meut ; la
9, parfaite imitation , la copie exacte
„ de l'enthoufiafme naturel, où cha-
f v * S o.« F > M Runond de Sr. Maid ,
„y>

S *7 * P I N D A R ï. $f
.j, que affection élève , abbaiffe, ou
„ précipite l'ame , ce qui ne peut
„ être que l'ouvrage de la raifon, ou
„,dei'anie qui raifonne. „
Legrand, que les Rhéteurs diirin-
^uent judicietnement du fublime , du
merveilleux, peut fe définir , félon
moi, tout ce qui remplit l'idée que
nous nous formons naturellement de
la grandeur d'un fujet ; le fublime ,
tout ce qui va au-delà de cette idée
naturelle, fans hyperbole & fans
ceffer d'être vrai, tout ce qui paroît
fupérieur, furnaturel à celui qui agit
ou qui parle : d'où il fuit que pour
juger fainement de ces deux qualités
, il ne fufEt pas de confidérer la
«hofe , il faut encore confidérer la
perfonne, la manière, l'occafion.(21)
- (il) Je ne propofê d'exemple ni du fublime
ni du grand, parce que rien n'eft fi arbitraire,
& que de l'a feu de tous les Rhéteurs, le fublime
particulièrement, n'eft point une cnofe qui le
>rouve & fe démontre ; c'eft un merveilleux qui
f râpe, qui faifîr, qui enlève. Il fuit de ma définition
& de la régie que me fournit DefpreaiK
pour juger de ce merveilleux, qu'il n'y a que da
rand dans ce fameux paffàge de Moyfe, Die»
S
it que lu, terre fefajfe , ©v. On convient (ans
peine qu'il n'y a pas de fublime dans les termes;
je penfè moi avec M. Huet, mais par une autre
raifon que ce fçavant Prélat, qu'il n'y en a pa*
dans l'action. Le fublime étant unecbofe furn*.
tutelle à celui qui la £ut ou yù l'exprime»
bil

à8 D I S C O U R S
Le fublime ainfi que le grand coniifte
ou dans le fentiment ou dans
l'action; deux fortes principales par
conséquent, qu'un iHuflre Prélat (il)
-,, fùbdivife en quatre efpéces ; celle
„ des chofes, qui dépend uniquement
„de la grandeur & de la dignité du
„ fujet, fans que celui qui parle ait
„ befoin d'aucun artifice pour le faire
„ paroître auffi grand ou auflî fublime
,, qu'il l'eft ; celle de fentiment dit de
3, penfée, qui part immédiatement
„ de l'efprit ou du cœur,-& s'exprime
„ fouvent par un feul mot ; celle du
„ tour ou de l'expreflion , qui vient
„ de l'arrangement, de la difpofition
„ des paroles, lefquelles miles dans
„ un certain ordre, ébranlent l'ame,
5,d'élèvent, laraviflent, & mifes dans
„ leur ordre naturel , laiflent l'ame
„ fans aucune émotion ; enfin celte
„ des termes, qui fe borne au choix
„ de mots grands, magnifiques, har-
.„ monieux, „
quoique Dieu dans ce piflage fafle une tiès-
. grande chofe , il ne fait rien apurement de iiipérieurà
fonctre, rien qui lui foit furnaturel.
( ii 1 M. Hiiet, Lettre à M. le Duc de
Atontaufier.

SUR P l B D i R Ï . Vf
Aucun Auteur au furplusn'a mieux
décrit que Defpreaux (23) les diversobjets
de la Poëfie Lyrique : il les.
peint en Poète qui fent, & laifle bien >
loin de lui fon modèle. (24)
L'Ode avec plus d'éclat & non moins d'énergie,;
Elevant jufqu'au Ciel fon vol ambitieux,
Entretient dans les vers commerce avec les
Dieux.
Aux Athlètes dans Pifé elle ouvre la barrière,
Chante un vainqueur poudreux au bout de 1»
carrière,
Mène Achille- fanglant aux bords du Simoïs ,
Ou fait fléchir l'Efcaut fous le joug de Louis.
Tantôt comme une absille ardente à fon o uv
vrage,
Elle s'en va de fleurs dépouiller le rivage :
Elle peint les fèiHns, les danfes 8L les ris,
Vante un baifer cueilli fur les lèvres d'Iris,
Qui mollement réfifte, & par un doux caprice,
Quelquefois le refufe , afin quon le ravifle.
Son ftyle impétueux fouvent marche au hafarJ ;
Chez elle un beau de/ôrdre eft un effet de l'art.
(1?) Art Poétique, Chant.*. Vers58. & fuir.-
U4) Mufa dédit fidibi» Divo*, puerofguc,
Deorum ,
Et pugiîem viétorem , Se equum cettamine
primum, -.
Et juvenum curas Se libéra vina referre.
Htr*t. De Art. poèt. . , ...
buj

§br D 1 1 s c à> xiè. s
D'après cette légère exquifledes
principes généraux de l'Ode, il fer*
aifé d examiner en particitlier celle*
de Pindare. Le Poète y eft-il em*
porté par l'enthoufiafme propre d&
chaque fujet ? l'enthoufiafme poétique
qui y régne, eft-il l'enthoufiafme
naturel qui a dû l'animer ?
ou comme on le lui reproche fi amèrement
, ( 15 ) & comme quelquesuns
de fes partifans mêmes (z6) fe
le font figuré, n'y voit-on que' des
écarts infupportables, des digreflior*
fans rapport, ni prochain ni éloigné
avec l'objet principal ? S'échape-t-il
en effet jufqu'à mettre de fuite des
idées oppofées , des idées au moins
dont la kaifon ne foit pas fenfible ^
ou ne néglige --t-.il autxe chofe que
les liaifons de mots , les liaifons
grammaticales ? Y trouve-t-on enfin
ce grand , ce fublime de penfées ,
d'images , d'expreflions, ces beautés
effentielles de toutes les Langues &
de tous les Pays ? ou n'efl-il qu'un
excellent Ecrivain , dont tout le
(if) Tout ceci n'eft que le réfultat de la Remarque
de M. leFevrelde St. Marc citée ei-deflijs,.
( 1.6) MM. Fjaguier & Maffieu, le Père
Sanadon, Sec.

SUR P I M n A R E. Jl
mérite foit renfermé dans la diâion ?
Voilà ce qu'il faut que ma traduction
décide ; & pour peu que cette
foible copie approchât de l'original',
je ne ferois pas en peine du fiiccès»
malgré la différence des fîécles, des
climats , des mœurs ; malgré tous
les changemens arrivés dans l'efprit
humain.
Nous n'avons malheureufement de
ce grand Poète que la moindre partie
de fes ouvrages , les Odes en î'hon»neur
des Athlètes vainqueurs dans
les quatre Jeux de la Grèce. Les
autres dont la matière plus riche
étoit plus intéreffante pour le corn*
mun des hommes, nous ont été ravis
par le tems. Seroit-ce donc trop faire
aujourd'hui , puifque raifonnablement
nous ne pouvons pas prononcer
iurun procès dont les principales Pièces
nous manque*, que de fouferire
avec docilité au jugement des Grecs
eux-mêmes , confirmé depuis deux
mille ans par toutes les nations chez
qui les Lettres n'ont point été étrangères.
Horace , qui n'eft en cela
?ue l'écho fidèle du fentiment de
Antiquité, devroit du moins nous
biv

§x D I S C O U R S
rendre extrêmement circonfpecVs, H
lie parle de Pindare qu'avec une admiration
religieufe. (27) "Quicon-r
„ que voudra l'imiter, porté fur des
„ aîles de cire, ouvrage de Dédale,
„ donnera bientôt fon nom à quet
„ que mer. Tel qu'unfleuve, que les
„ orages ontgroiïi, fondant du haut
„ des montagnes, Pindare bouillonne
„ dans fon cours immenfe, & préci-
„ pite le« flots de fon éloquence pror
„ fonde. Toujours digne du laurier
„ d'Apollon ,foit que dans des dithy-
3, ramlra audacieux, il prodigue de
„ nouveaux mots, emporté par des
,, cadences affranchies de toute Loi ;
„ foit qu'il chante les Dieux & ces
,, Rois iflus de îeur fang , par qui les
„ Centaures reçurent une jufte mort,
„ & par qui périt la flamme de Vef-
.,, froyable chimère ; foit qu'il- céléw
bre le retout d^ ces. Vainqueurs ,
M que la palme de l'Elide élève juf-
9i qu'aux Cieux ; qu'il dife leurs cour-
„ fes, leur pugilat, & leur drefle un
„ monument mille fois plus durable
„ que les Statues ; foit enfin qu'il
„ gémiffe avec une tendre Epoufg du
U7) Lib. 4. Ode i»

SUR P I N D A RE. ty
*„ trépas prématuré de fon jeune>
„ Epoux, dont il confacre à rimmor-
,rtalité la force, le courage , ces
„ mœurs de l'âge d'or, & qu'il l'arra-:
„ che à l'Enfer envieux. Un grand
„ vent foûtient le Cygne de la fon-
#, taine de Dircé auffi-tôt qu'il prend
„ l'effor, & fe perd dans le vuidedes,
„ nues. ,,,
Prononçons pourtant fur les pièces.
qui nous reûent ;elles font entières,,
& en état de foûtenir notre jugement;,
mais n'oublions pas que pour les trouver
telles qu'elles font, il faut étudier
Pindare, fe familiarifer avec fon.
ftyle, fon goût, fon génie. Les difficultés
de fa Poëue ont quatre caufes,.
bien remarquées par M. l'Abbé Batteux
: ( 28 ) la grandeur des idées
qu'elle renferme, l'érudition détournée
dont elle eft remplie, la nouveauté
des mots, l'audace des tours»
On convient aiïez. de ne pas s'arrêter
aux figures, foit de mots, foitde penfées
: en effet, comme le dit très-fenfénientrl
Ecrivain que je viens de citer,
reprocher à Pindare du côté du ftyle
ce que les Grecs ne lui ont pas repro-
USJ .Ctmis dftJBelles-LetticsX.XOJIÏ, IL, .
b-Y,

54 D I S C O U R S
• ché, j'ajoute moi ce qu'ils ont admiré»
c*eft avouer bonnement fon incompétence.
Notre droit fe borne au
fond des chofes , & pour en ufer
équitablement,il ne fuffit pis Je s'être
familiarifé avec le Grec , comme le
vouloit Defpreaux , & comme je»
viens de l'exiger, il faut encore s'être
familiarifé avec les Grecs, être verfé
non feulement dans l'Hiftoîfe générale
de la Grèce ; mais être infrrtiït
de l'Hiftoire particulière de certaines
Villes, de certaines familles. Ce n'eft
que par cette connoiffahce qu'il eft
poflîble de fe convaincre que les
écarts tant reprochés à notre Poète r
ne font pas aufïï réels qu'on le croit,
communément. M. l'Abbé Batteux
eft, je penfe, le feul Ecrivain qui ait
fait c«tte réflexion, que fétude de
Pindare m'avoit fait faire depuislong-
tems. Ecoutons-le : un Traduôeur
d'Horace fera moins fufpect
que moi.
" Le nom de Pindare n'eft guéres
j, plus le nom d'un Poëte, que celui
„ de Tenthoufiafine même. Il porte
„ avec lui l'idée de rranfports, d'é-
„ caris t de deferdre, de digreififlas

S U R P I N D X R E. 3Ç
„ lyriques ; cependant ce Vo'ètefo?t
„ beaucoup moins de fes fujets qu'on
y, ne le croit communément. La gloire
„ des Héros qu'il a célébrés, n'étoît
„ point une gloire propre à chaque
„ vainqueur. Elle appartenait de plein
3, droit à fa famille , & plus encore à
>y la Ville dont il itoit Citoyen. On
„ tufoit : une allé Ville a remporté le
iy prix de la courfe aux Jeux Olympiy,
ques ; ainfi lorfque Pmdare rap-
„ pelloit des traits an^ens r fort des
„ ayeux, foit de la ^Rrie du Vam-
„ queur, c'étoit moins un égarement
y, du Poète qu'un effet de fon art. Ses
„ digreffions , qui le croiroit f font
y y moins hardies que celle d'Horace. S'rl
„ paroît quelquefois quitter fon fu-
„ jet, il ne finit jamais fans y reve-
„ nir : au Reu que le Poëte Latin
„ nous laine fouvent oiril nous a em-
,, porté , fans s'embarraffer de nous
„ dire oh nous fommes. „ ( 29 )
Une chofe de laquelle on demeure
également d'accord, c'eft de la grandeur,
de la magnificence des penfées :
on nie feulement qu'elles foient toujours,
amenées à propos ; enforte
• feP Cous, de BèUcs-iettres, ibid- '•

g6 D I S C O U R S
que je n'ai pas à prouver, qu'ily en
a,, ce qui fe démontre par la fimple
lecture ;, j'ai à prouver qu'elles font
en leur place, & qu'en cette rencontre
aufli bien quedansl'autre,le reproche
d'égarement n'a rien de folide. Ecarts
dans le plan. de. fes pièces, écarts dans
les détails. : voilà l'accufation ; Se
Tanalyfe raifonnée eft la feule voie.
* M. le que me laiffe le dernier critique *
dc"st P our J u fti* r Pindare, la feule auffi
•Marc! dont fes défenfeurs dévoient naturellement
fe^Prvir.. Je relève donc
le gantelet jette fur l'arène ,' &
ne ferai pas des efforts bien puiffans
pour repouffer une attaque au moins
légère , que notre athlète ne .fbûlient
que fur la foi périlleufe des,
accufatçurs, & fans l'avoir examinée
lui - même • avec cet. efprit.
' d'ordre & de difeuffion qu'il poffédè
fupérieurement» Il a afîurément bien
battu. Defpr«uuix, dont le raifonnement
n'éft pas foutenable, (30)
en fuppofant qu'il faille l'entendre
(30) "Lesbeautés dé cePoëfe, dit Defpreau v
„ (ont extrêmement renfermées dans fa langue-1
«Il n'eft paspouable de faire voir Pindare dans.
j, Pindare même. Pour marquer entièrement ua
u efprit hors de foi, ilromgt dfcdeflèiftforjné»

s ir R P r N D A R E. 37
à là lettre , dans l'acception d'une
impoffibilité abfoluë r & autrement
que d'une difficulté extrême de traduire
; mais il n'a pas encore effleuré
notre Poëte, il ne lui a pas porté la,
moindre atteinte..
La première Ode Olympique ne
me fervira pas* de texte. Jufqu'icî
nous nous en fommes toujours couverts
comme d ? une. égide impénétrable
: l'on s'imagineroit que ce morceau
renferme tous nos tréfors &
routes nos forces , Se que hors de là
nous n'avons rien dont nous puiffions
faire montre : le contraire eft trop
facile à prouver; Pindare avoit trois
fortes de Perfonnes a célébrer ; des
Rois, ou de {impies Citoyens dont
l'origine remontoit jufqu'aiix Dieux ;
des Athlètes illuftres par le nombre
de leurs victoires^ des Athlètes qui
n-'avaient ni familles diftinguées, ni
„ la fuite de fon difcoiHS;,&. afin de-miettx-entrtn
„ dans la raifon, il fort,.pour airifc parler , dt
,, la raifon n,emei „ La.dernière partie de ce raifonnement
n'eft pas lucide ;.on ne conçoit pas
comment on fort de la~raifoiv pour, y mieux
entrer. De là première Partie M dé Sr. Marc
Cpnclut que Pindare n'a que des béautésde ftyle»
& il a raifon -, mais contre qui .' apurement
•entre Defpreaux, & noa pas contre. Çindarç.

jff D I S C O U R S
victoires nombreufes , qui en étoient
à leurs premiers faccès. Prenons au
hazard les Odes i«ne. 7 me . & 8 mc -
Elles font dans ces trois efpéces.
Le Char de Théron venoit de remporter
le prix de la Courfe aux Jeux
Olympiques. Ce Prince (31) pouvort
fe glorifier de la plus noble origine
qu'il fut poffible d'avoir dans
l'antiquité payenne : il defcendoit
incontestablement de Therfandre ,
fils de Polynice , par conféqnent
d'CEdipe , de Cadmus , d'Agenor.
Dans la fuite des tems fes ancêtres
s'étoient établis à Agrigente, Ville
de la Sicile, oit ils acquirent par leurs,
fervices la plus grande autorité :
Théron y régnoit ; fes qualités perfonnelles
répondoient à l'élévation
de fa naiffance & de fon rang. Magnifique
, jafte , libéral, fidèle à fes
alliés , Père de fes Peuples, il méritoit
d'être heureux : cependant des-
' guerres prefque continuelles avec la
maifon dominante à Syracufe, ou
avec des PuifTances voifines , des
difTenfions domeiKque»,. nouvellement
une. fidition excitée par Capya
CiU Voyer le* Reaut^pes Jhjftat iqnu..

SUR PlNDARE. J^
& Hipocrate, deux de fes. proches
parens, ne-lui permettoient pas de
goûter le» fruits de la fageffe de fon
régne. Tel eft le fujet que devoit
traiter Pindare, & dès qu'on eft inftruit
de ces principaux faits de l'Hiftoire
de Théron, tout le myftère de
l'Ode eft révélé. Lton y voit à dé->
couvert Fadreffe merveilleufe du
Poëte , qui paffant comme en revue'
les perfonnages fameux de la maifon
de fon Héros , & mettant fans ceffe
fous les yeux la fplendeur de fon origine
, les préfente dans un double
état d'adverfités & de profpérités ,
d'un coté pour confoler ce Prince de.
fes difgraces , bieft moindres que
celles que raconte le Poëte, del'autre
pour lui faite perpétuellement envifager
une félicité à venir fort fupérieufe
à ces mêmes difgraces. Cette
félicité eft déjà commencée par fa
viôoire aux Jeux Olympiques r on
fçait qu'il d'y avoit rien au-defTus
dans l'idée dès Grecs.
Si l'on entre dans le détail, on
prouve une expofition auffi naturelle
que grande & fuperbe : deux Sentences
d'une beauté fingwfiere four l'eue»

40 D I S C O U R S
preffionôc le tour> & d'une jufteffe
infinie pour l'application, ouvrent la
première partie de l'Ode , & amènent
les exemples d'Ino ôcdeSemelé.
Il nef pas en la puiffanee du teins de.
faire que ce qui efi arrivé félon ou contre
lajuftice, ne foi t pas arrivé. Cette Sentence
annonce la néceffité de tout ce
que le Poëte va dire , celle qui fuit
établit une vérité eonlblante : mais le
fouvenir des coups les plus affreux du
fort fe perd dans le fein de la bonne,
fortune. Il falloit préparer le récit
du parrittde d'CEdipe, & du combat
de fes fils , immolés par les furies,
aux mânes de Laïus : de. nouvelles,
fentences y difpofent l'efprit,. Nous-:
ne connoijfons jamais le terme de notre,
vie: nous ne fç avons pas fi nous y parviendrons
avec un bonheur fans mêlan—
ge ; des flux & reflux de douleur & de
joie roulent incej/amtnt fur les hommes..
Quel art n'y a-t-il pas dans le récit
de ces defaftres ? & ce qui ne doit
pas échaper, Pindare fe garde bien déparier
du mariage incefhieux d'QEpide
& de Jocafte, qui répandoit un&
forte de tache fur leur poftérité. Enfin*
parok. Therfandre x le ujeuan. & l&

SUR P 1 K D À R E. 4Î
fhûtien de la maifon d'Adrajle, de qui
defcend Théron ,• ainfi Le malheur fe
trouve toujours en opposition avec
le bonheur qui le termine. La féconde
partie plus agréable & non moins
remplie de chofes , contient l'éloge
des qualités perfonnelles de ce Prince,
principalement de fa libéralité, de fa
bienfaifance : Les rickejfes parées de la
vertu font pour Vhomme, une étoile bril~
lante > fa véritable lumière.} avec elles
il peut tout entreprendre ; il fçait ce
qtùfepafft aux. Enfers b aux Cieux^
Pindarene dit qu'un mot de l'horreur
des fupplices. qu'endurent aux Enfers
les âmes intraitables des morts ,• ( 31 )
mais il s'étend avec complaiûince fur
les lues fortunées habitées par les
juiles., parce qu'elles forment le tableau
riant de la félicité qui attend
Tberon. La fidélité à nos devoirs y la
perfévérance dans la jujlice en ouvrent
la voie : on. y compte Cadmus x auteur
de la race de ce Prince^ Pelée, Epoux
d'une Déefle.,, & Achille, le plus"
(jz) Donnerois- je donc trop aux conjectures,
C jedifbhque fous cette parti? de L'allégorie
Jindare veut faite emendre que Théron ne parvint
à découvrir les confpirations formées contre,
lai, que par falibcraLué & fa bienfaifance»

4i D I S C O U R S
grand des Héros. Le Poëte auroit encore
les chofes les plus relevées à
annoncer : mais il craint de n'être pas
entendu. Faifant alors fur fes rivaux
une fortie vive, il les compare à de
vils corbeaux, qui croaffent inutilement
autour de l'oifeau de Jupiter ; &
reconnoiffant tout à coup ce léger
^cart, où il n'en emporté que par le
fentiment de fa fupériorité, il revient
à Theron, confirme fon éloge par un
ferment ; & plein d'indignation , rap*
pelle en un mot Tes conjurations formées
contre un Prince , dont les
bienfaits font auffi innombrables que
le fable de la mer. Il me femble %
MON CHER AMI, que fans me
rendre fufpeû de la fùperftition d'un
Traducteur , je puis foûtenir que
bien loin qu'on apperçoi've dans cette
Ode quelque chofe d'étranger, de
contradictoire , de fuperflus même ,
l'on n'y remarque rien qui ne foit
propre a\i fiijet, qui ne foit placé, qui
ne foit néceffaire, & que tout eft rendu
avec une abondance fi judicieufe
d'images, de tours, d'expreflions ,
qu'il ne s'offre pas un mot qu'on pût
en retrancher, ou qu'on voulût exprimer
d'une façon différente.

SUR P ï N D A R E. 43
Dans fa 7 me . Ode , notre Poëte
avoit à célébrer Diagoras, un des
plus redoutables Athlètes qui eût paru
dans les Jeux de la Grèce. Le nombre
de fes victoires égaloit celui de
Ces combats : né à Rhodes, il pré*
tendoh defcendre des premiers Rois
de cette Ifle ; mais fa généalogie
fouffroit de gfandes difficultés de la
part de fes Concitoyens, qui la
conteftoient, peut-être avec d'autant
plus d'acharnement que lui & fes
fils s'en montroient plus dignes ; (3 3)
cependant la patrie donnoit les fe»
ftins publics à l'occafîon de fa dernière
victoire. Le Poëte devoit donc
parler de l'illuftre origine de Diagoras,
avec un tel ménagement néanmoins
, qu'il n'offenfât pas les Rho*
diens ; il devoit parler de fes dïffé±
rens triomphes, mais il devoit prin^
cipalement s'étendre fur Mue de Rhodes
: c'eft ce qu'il fait, j'ofeledire,
d'une manière admirable. Inutile
d'obferver que les Grecs regardoienf
cette pièce comme le chef-d'œuvre!
de Pindare, & qu'ils Pavoient fait
écrire en lettres d'or dans le Temple
(ii) Yoyez les Remarques hiftoriques..

'%4t L> l s c o tr a s
de Minerve : nos Critiques ne font
pas gens à fe foumettre au jugement
de la Grèce entière , tout compétent
qu'il eft, fi. l'Ode même ne le juftifie
à leurs yeux. Qu'ils la lifent avec
attention:,. & qu'ils jugent la Grèce.
La comparaifon d'un beau-père,
qui dans la joie d'un feftin » fait prér
fent à fon jeune gendfe d'une coupe
toute d'or, conduit naturellement au
fujet. Tel 3 ditPindare , répandant fur
Us hommes qui ont remporté des prix»
ce Nectar, don précieux des Mufes , /*
comble de joie les Vainqueurs d'Olyrnpie
& de Delphes. II eft tenté de commencer
par Tlepoleme , l'éloge de
Diagoras Se de fon père Damagête,
car ils Je glorifient du côté paternel de
dej"cendre de Jupiter; ce qu'il n'avance
que d'une manière incertaine, tandis
qu'il affure que du coté de leur mère ils
defeendent d'Amyntor. Après cela
vient dans l'ordre , la fondation de
cette Colonie par Tlepoleme , le
meurtre de Liçymnius, l'oracle d'A-;
pollon ; Rhodes fur qui Jupiter verfe,
une pluie d'or ; Miner,ve qui l'enri-,
çhit du don des Arts , quoique fes
peuples eiuTent offenfèla Déeffe, en

S V R P I N D A R E. 4$
lui offrant des facrifîces fans feu ; la
naiflance de cette Ifle qui ne femontroit
point au milieu des flots, lorfque
les Dieux fe partagèrent le
monde ; Apollon qui la .demande pour
fa part & qui l'obtient ; trois de fes
fils qui y régnent. Pindare étale partout
ce que la Poëfie a de plus riche
& de plus fublime : C'eft-là, conclutil
, quétoit marqué comme à un Dieu ,
le terme des malheurs de'Tlepoleme dans
la pompe des Jeux & des Sacrifices. Diagoras
couronné.deux fois dans ces
Jeux a mérité un pareil honneur à
Corinthe, à Nemée, à Athènes, &c
-Le Poète finit, -en invoquant Jupiter,
-auteur de la race de fon Athlète, pour
qu'il continue de le favorifer, pour
qu'il le .rende agréable à fes Concitoyens,
pour qu'ilne laifïe plus ignorer
que Diagoras defcend de CaUianax
& des Eraftides (34) , Ô£ il fait fentir
-combien il faut peu compter fur les
affeclions du Peuple. La Patrie donne
en fon /tanneur desfejlins publics, mais
d'autres vents peuvent fouffler tout-à*
coup avec fureur.
Le plan de la 8°*. Ode ne paroî-
tî4) DetcendaBS-bien reconnus de Tlepokmev

46 D I S C O U R S
ira pas moins régulier, fi Pon veut ne
pas perdre de vue que la gloire agoniftique
appartenoit autant à la Patrie
qu'à l'Athlète même ; que le plus
ordinairement la Patrie faifoit les
trais du triomphe, des feûins, de la
ftatuë ; & qu'on difoit communément
Egine a remporté le prix de la Lutte ',
Jlhodes celui du Pugilat , Cprinthe
*tlui du Pentathle , Agrigenu celui de
la courfe des Chars. On nommoit les
Villes , & rarement les Vainqueur*
infiniment moins connus. Pindare
éélébre ici deux jeunes frères , qui
en étoient à leurs premières viâoires.
Thimofthenes avoit été cou»
jronné aux Jeux Neméens, Alcimédon
venoit de l'être aux Jeux Olympiques
; il leur aflbcie Melefias leur
maître de Paleûre, à la bonne institution
duquel il rapporte, avec raitfon,
les uiccès de ces deux jeunes
Lutteurs; ils étoient tous troisd'E»
«ine, nés dans des familles peu considérables,
& qui n'avoient guères
d'autre mérite que de s'être déjà diftinguées
dans les Jeux de la Grèce»
•Pindare devoit donc louer le courage
& l'adreffe des difçiples, la fçience du

SUR P l N D A l E . JÇf
maître, parler des prix qu'ils avoïent
remportés, de ceux de leurs Pères t
faire fur tout l'éloge d'Egine leur patrie
commune , qui y prenoit la plus
grande part ; & il ne pouvoit mieux
s'acquitter de ce dernier tribut qu'en
louant Egine dans Eaque Ton fondateur,
& le plus jufte de Tes Rois*
Voilà les objets dont il a dû être affe-
&.é & dont il l'eftfortement, ôc en
rand Poète : les détails font auffi
g
eaux que le plan efl régulier, Themis
confcrvatrice , affife dans Egine , à
câté de Jupiter hospitalier••» y ejl mieux
firvie qu'en tout autre lieu de la terre.
Apollon & Neptune prennent Eaque
pour Compagnon dans la con-.
ftruûion des murs de Troie : ces
murs , à peine achevés, trois Dragons
furieux s'élancent contre la Citadelle
> deux tombent fans vie au
pied de la tour 9 le troifîeme entre eu
pouffant d'horribles fifflemens. Apollon
explique ce prodige envoyé par Jupiter
: ce font les trois lièges que
îbûtiendra cette Ville fameufe, au£
quels les defcendants de ce Prince
présideront, & elle fera enfin prife
par l'endroit que fes mains ont bâti:

4& D I S C O U R S
faifant allufion à l'ufage (35) de reconduire
les Athlètes vi&orieux dans
leur patrie avec des chants d'ailsgreffe,
des danfes , des in {Iraniens,
des flambeaux allumés. Pindare en
ne parlant que de la honte du retour
des vaincus, relève infiniment celui
du Vainqueur. Par l'ajflîjiance de Jupiter
, dit-il, &fon courage, Alcimedvn
impofe à la langue de quatre jeunes
rivaux unjîlence deshonorant, & ne
leur laijje vers leur patrie qu'un retour
vdieux & un chemin obfcur. C'eft la
fixième couronne dont les Blepfiades
ceignent leur tête ; il ejl toujours quelque
part dans nos actions pour ceux qui
ne font plus , & la pmifiiere du tombeau
nenfevélit pas pour nous la gloire de nos
oyeux. Il faut voir dans l'Ode même
le développement naturel & fuperbe
de toutes ces chofes. Eh! quels rapports,
quelles allégories , quelles
allufions fines, ne remarquerois-je
pas, foit dans cette pièce, foit dans
toutes les autres , fi j'étois moimême
plus inftruit que je ne le fuis ?
Vous voyez pourtant, MON CHER
AMI , que fi l'on fe jette dans cette
lecture
- (3S) Voy« l'Hiftoire des Jeux Olympiques.

SUR P I N D A R E . 49
le£rure fans connoître jufqu'à un certain
point l'Hiftoire de Theron , de
Diagoras , -d'Egine ; fans connoître
Pilluftre defcendance de l'un , les
prétentions de l'autre , les principales
aâions d'Eaque j fans avoir une
idée des difficultés vaincues, tout
paroît digreffion , écart. Que fi
au contraire on les lit, muni de
ces connoiffances, tout s'y montre
dans la plus exafte proportion &
la plus belle fymmétrie : Ordre, à la
vérité, qui s'annonce avec tout l'air
du defordre, à la façon des oracles,
par des tours & des détours , par le
miniftère des Dieux; mais dans le
vrai ton de l'Ode , avec cet ehthouiiafme
que Pindare fçavoit fi bien
prendre, & qui n'eft en- foi que l'enthouftafme
naturel dont il a dû être
faiïi.
Une efpéce d'Ode que je ne puis
omettre, quoique je ne me fois pas
propofé d'abord d'en parler, éft TOdé
morale. La douzième''des Olympiques,
en fournit un excellent modèle.
Ergoteles banni de Gnoffe y ou obligé
de s'en bannir, à caufe d'une fédi^tion,
s'étoit établi à Himere , ville
c

yo D I S C O U R S
de la Sicile. Pour fe faire un nom
dans fa nouvelle demeure, il profita
des difpofitions naturelles de fon
corps, il s'exerça à la Courfe , &
parut dans les Jeux de la Grèce. Lorf-

SUR P I N D A S. E. 5-1
voile tombe & fa prophétie s'accomplit.
Sans fon exil, Ergoteles n'eût
point combattu & triomphé. " Sa
„ gloire fe feroit flétrie dans la mai-
„ fon de fon Père, comme une fleur
„ fur fa tige, &c. „
Ce que je viens de faire pour quelques
Odes, fe.peut faire pour toutes.
Il n'«n eft aucune qui ne foûtienne cet
examen ; je dis plus , il en eft peu "qui
ne le demandent; & je fuis d'autant
plus en droit d'exiger que mes Ler
âeurs prennent ces, précautions »
qu'elles font plus faciles, & que je
leur préfente les fecours néceflaires.
Après cela, fi quelqu'un néglige ces
fecours & reproche des écarts à notre
Poète, qu'il fçache qu'il encourra
lui feul tout le blâme, puifque ce re*
proche ne part que de fon inatention
ou de fon ignorance, & qu'il
a fait lui - même un écart terrible
contre la raifon, en ne fe mettant
{ >oint en état d'entendre ce qu'il vouoitlire.
Voilà le compte que j'avois à remdre
de l'eflai que je donne aujour^d'hui
: je pourrois en vous l'adreff
fant m'écrier fur ïe ton de Pindare 9

fi D I S C O U R S
du côté paternel il defcend des de
Villt, (37) des Forget(-}$) du côté
maternel ; il cueille la fleur de toutes
les vertus... Mais ce feroit, même
dans une Epitre dédicatoire en forme,
m'écarter de cette fimplicité de mœurs
qui conftitue principalement votre
caraftère : je me contenterai donc de
dire que je vous adrefle cet ouvrage,
parce que vous êtes mon Ami & mon
Ariftarque, & que s'il m'en revient
quelque honneur, il vous appartient
comme à moi.
Quod fpiro & placto ^ fiplaceo 3 tuum
ejl. Horat. ; . : ..'
(57) Antoine de Ville, Seigneur de Domp-
Julien Se de Beaupré, Gouverneur de Montelimar,
monta le premier en 1491 fur le Mont-
Eguille en Dauphiné, au fommet duquel per-
Fonne jufqu'alors n'étoit parvenu. Capitaine de
o hommes d'armes & de 400 arbalétriers.,^ il
Î
iiivit Charles VIII. en Italie, & y fit des aérions
d'éclat. Voyez les Regiftres de la Chambre des
Comptes de Grenoble. ; . ,; ;
Autre Antoine de Ville, Chevalier de l'Ordre
de St. Maurice & de St. Lazare , qui a fait un,
traité fameux de l'attaque & de la défenfe des
Places, imprimé à Lyon en 1618 , in-fol.
Le Marquis de Ville dont nous avons les
Mémoires, contenant lîliftoite de la guerre de
Candie. .
(38) La maifon de Forget a fourni des Çpnfêi!-
•lers au Parlement de -Pans., des Préfîdens à Mortiers
, & {pas Henri III. un Secrétaire d'Etat
qui fut Ambafladeur en Efpagne. Voyez le Nobiliaire
de Picardie.

E^lP^i
RIS T O I RE
DES
JEUX OLYMPIQUES.
[NT RE les Jeux folemnels de la
j Grèce , les Olympiques ont tou-
' jours tenu le premier rang. Les
Commentateurs de Pindare en rapportent
ces trois raifons : parce qu'ils écoient *
difènt-ils , confacrés à Jupiter, le plus
grand des Dieux ; qu'ils a voient été institués
ou rétablis par Hercule , le plus
grand des Héros ; & qu'ils fè célébraient
avec plus de pompe Se de magnificence
que tous les autres.
Si l'on en recherche l'origine , elle
fè perd dans l'obfcurité des tems les
plus reculés. Les Auteurs Grecs mêlent
tant de fables aux faits hiftoriques ,
& embraflènt des opinions fi diverfes,
u'il n'eft poffible ni de les concilier , ni
Se les fuivre féparément. Paufanias qui
s'inftruifit avec ua foin particulier > dans

i) H I S T O I R E
fon voyage de la Grèce, de ce qui re-
ardoit ces fortes de folemnités, s'arrête
f trois opinions qu'il dit avoir apprîtes
de quelques Elêens » lefquels lui parurent
fort profonds dans l'étude de
l'arjtiquké. ^
11 attribue d'abord l'honneur de cette
inftitution à Hercule Idéen. Saturne eft
le premier, dit Paufanias, qui ait régné
dans le Ciel, & dès l'âge d'or il avoit
lin Temple à Olympie. Jupiter étant
né , Rhéa fa mère en confia l'éducation
aux Dadcyles du Mont-Ida , autrement
appelles Curetés, qui vinrent enfuite de
Crète en Elide : ils étoient cinq frères,
Hercule, Péone'us, Fpimede , lafitts > &
fdd. Hercule, comme l'aîné, propofà à
(es frères de s'exercer à la courfe, .& d'y
aifputer la couronne d'olivier qu'il établit
pour prix : il avoit apporté cette
plante en Grèce , & l'olivier étoit déjà
£ commun, qu'on en prenoit les feuilles
pour en joncher la terre , & dormir
deflus.
Paufanias paflè de-là aux deux autres
opinions qui font remonter également
.l'origine de ces Jeux à la fin de l'âge
d'or ; mais qui leur donnent une caufe
plus noble & des Inftituteurs encore plus
illuftres. Quelques-uns difent, ajoute»
t-il,que Jupiter & Saturne combattuenr

»ES JEUX OLYMPIQUES, nf
cnfêmble à la Lutte dans OLympie,
& que l'Empire du monde fut le prix de
k victoire. D'autres racontent que Jupiter
ayant triomphé des Titans, institua
lui-même ces Jeux , où Apolloa
fignala (on adreflè & fa force en remportant
le prix de la Courte fur .Mercure »
& celui du Pugilat fur Mars.
M. Freret j qui adopte la première
opinion, * prétend que fi les Anciens ne
t'accordent pas entr'eux fur l'époque de
la fondation des Jeux Olympiques, c'eft
qu'ils confondent les difrerens états par
lesquels ces Jeux ont paflé. Ce n'étoit
originairement qu'une fêteinftituée en
l'honneur de Jupiter par l'un de ces
Dactyles Idéens, qui avoient les premiers
établi des Forges fur le Mont-Ida', &C
qui portèrent dans la Grèce les Arts Se
K culte des Phrygiens. Le Syncellenou*
apprend, continue M. Freret, que d'anciens
Auteurs comptoient fix cens an»
entre cette fondation & l'Olympiade
vulgaire » & comme le Syncelle met le?
Siège de Troye par Agamrmnon .quatre
cens huit ans avant cette Olympiade »
le (bavant Académicien fixe l'époque de
l'établiflèment de ces Jeux par L'Hercule
Idéen à l'an 191 ayant la prilè. de
1 à ij

if - .• H I S T O I R ,E
Ttoye. Quoiqu'il en (bit de cettepre-t
mière inftitution , ces Jeux furent depuis
fouvent interrompus , renouvelles,
négligés > repris : Paulknias nous iuftruic
encore de toutes ces révolutions.
Cinquante ans depuis le déluge de
Peucalion, pourfuit-il, Clymenus fils de
Car dis , & l'un des defcendans d'Her-^
cule ldéen, étant venu de Crète, les célébra
à Olympie, & confacra un Autel
aux Curetés * nommément à Hercule,
fous le nom d'Hercule protecteur. Endymion
fils à'JEtblius, chaflà Clymenus.
de l'Elide, s'empara du Royaume , Se
le propofaà fes enfans pour prix de
la Courfe ; mais Pelops > qui vint trente
ans après Endymion, fit repréfenter ces
Jeux, en l'honneur de Jupiter avec plus,
d'appareil qu'aucun de fes prédéceffëurs.
Ses fils n'ayant pu fe maintenir
en Elide, Se s'étant répandus
en divers lieux du Péloponèfe , ' Amytbaon
y fils de Crethcus , 8$ coufin ger-,
main d'Endymion y donna ces Jeux ait
Peuple. Après lui ,' Relias & Nei/e les
donnèrent :à frais communs. Augee les
fitauffi célébrer, &enfuite//

DES' JEUX OLYMPIQUES. •
rmême d'Hercule j car en ce tems-là , obferve
Paufanias , on empruntait fans (9-
:çon les chevaux qui étoient en réputation

ivj H I S T O I R E
ils parurent entièrement oubliés pendant
.quatre cens quarante-deux ans.
i Le fçavant Académicien, cité plus
haut, penfè que ce ne fut pas après,
jnais avant l'expédition des Argonautes,
qu'Hercule, fils d'Alcmene, célébra les
Jeux Olympiques ; il ne fait nul cas du
/ëntiment de Thrafyle dans Clémenc
^Alexandrin, de celui de Velleïus Patercu-
Jus , d'Eufebe : il croit que les dates que
.donnent ces Auteurs font viiîblemenc
corrompues , & que celle d'Eufebe doit
•être reftituée par le Syncelle. Ce dernier
sous apprend encore, dit M. Freret, que
d'anciens Chronologiftes plaçoient l'Olympiade
d'Hercule , fils d'Alcmene ,
•quatre cens foixante-dix ans avant l'O-
Jympiade vulgaire, c'eft-à-dire foixantedeux
.ans avant la prife de Troye par
^gamemnon : Hercule étant mort cinquante-trois
ans avant la prifê de cette
Ville, & n'en ayant vécu que quarante»
jpeuf, le rétabliflèment des Jeux précède
(à mort de neuf ans entiers , & tombe
à fa quarantième année.
. Les guerres inteftines dont la Grèce
éjtoit déchirée, la perte qui la défbla,
conduifirent à Delphes Iphytus, Roi
d'Elide. Il confulta l'Oracle fur des maux
£ preflàns : la Pythie lui répondit que le

BES JEUX OLYMPIQUES, Vî}
renouvellement des Jeux Olympiques
ferait le falut de la Grèce , & qu'il y
travaillât lui & fès Eléens. Iphytus ordonna
auili-tôt un facrifice pour appaifer
Hercule, puis célébra les Jeux. An
rapport de plufieurs Auteurs Licurgue,
contemporain de ce Prince, eut grande
part à ce renouvellement.
Ils furent encore interrompus pendant
quatre-vingt-fix ans, d'autres dilent pendant
cent huit ans : enfin on les reprit,
& ils reçurent une forme ftable. A la
>remière célébration Carabus remporta
J
t prix de la Courfe à pié, le lèul exer*
cieequi y fut propofé. Sa victoire eft d'autant
plus remarquable dans l'antiquité ,
que l'on commença par elle à compter les
Olympiades, & qu'elle devint une époque
fameufe parmi les Grecs ; quoiqu'à
parler avec exac1ntude>ilsne(è (oient fervi
des Olympiades pour marquer les rems,
que cinquante ans environ avant Alexandre
* : mais on partoit toujours da
l'Olympiade de Corœbus j & ces Jeux
depuis, fervirent d'époques à toute la
Grèce, à la différence des autres Jeu*
qui n'en lèrvoient que dans les contrées
où ils étoient célébrés. Durant ces
* Ce fut Timée fous les Chronotogiftes, mit
Ptolomee Pkiladelphe en ufoge cette mauiète
qui le premier de tous de diftmguer les teins,
• âiv

viij HISTOIRE
interruptions fi fréquentes, & la plupart
fi longues , on avoit prefque perdu
le fou venir des exercices & des combats
en ufage dans l'origine. Peu à peu on
fè les rappella , & à médire qu'on fe
refTouvenoit de quelque exercice , on
l'ajoutoit à ceux que l'on avoit déjà
retrouvés.
: Cette {implicite de la première Olympiade
fubfifta jufqu'à la quatorzième,
Su'on ajouta à la courfe du ftade celle
u Diaule ou ftade doublé : Hypenus de
Pi/è y fut couronné, & l'Olympiade fuivante
Acanthus de Lacedémone. On
reprit dans la dix-huitiéme la lutte Si
lepentathle, où Lampis & Eurybate, tous
deux Lacedemoniens, eurent l'honneur
de la victoire. Le combat du Cette reparut
en la vingt-troifiéme ; on y proclama
Anomaftus de Smyrne, ville d'Ionie. Ce
ne fut qu'en la vingt-cinquième Olympiade
que l'on rétablit la courfe du char
attelé de deux chevaux , & en la vmgthuitiéme
le combat du pancrace & la
courfe des chevaux montés par des Cavaliers:
Pagondas Thebain fè fignala à la
courfe des chars, la cavale deCrauxidas,
natif de Cranon, pafla les autres chevaux,
& Ligdamis de Syracufe terraflà tous les
Athlètes qui combattirent contre lui.
Quand on eut renouvelle les différens

DES~ JEUX'OëYMêIQUES. i*
exercices dont l'antiquité fourniflôit des
exemples? on en imagina qui n'aJ
voient jamais' paru. En la trente
feptiéme Olympiade les Eléens propos
sèrent des prix aux enfans pour la courfe à
pié & pour la lutte; l'Olympiade d'après
ils leur en proposèrent pour le pentiriile;
& en la quarante-unième pour tié
combat du celle : Hypofthene Lâcedemo-'
nieneut l'avantage a-la lutte , Polyriiee
Eléen à la courfe j Entelidas Lacedernonien
au pentathle, & Philetâs fybarite
au pugilat. Ces petits Athlètes étoienc
donc admis dans ces,Jeux comme dans
les Jeux Pythiens, avec cette différence
pourtant que dans les Pythiens ils en- 1
troienteh lice les premiers pour chaque 1
dpéce de combat & étoient relevés par
les hommes faits ; aulieu que dans les
Olympiques les hommes ne paroiflbient]
fur l'aïène qu'après que les enfans
avoient fini d'y difputer enttfeux les prii
des divers combats^ ; ">
La foixaifte-cinquiéme Olympiade vit
introduire un exercice qui fut jugé très-,
convenable à des Peuples belliqueux :'
des Gens de pié tout armés (è préfèntèrent
dans la carrière pour difputer à
la courfe la. couronne d'olivier > qui 1
fut décernée à Demarat d'Hereé. La
foixante & dixième & celle qui fuivi^
a y

x H I S T O I R E
furent remarquables par deux nouvelles
courfcs de chars & de chevaux » la
courfe de l'Açené ou du' char attelé de
deux mules, & la courfe du CalpS qui
fè faifbit avec deux juments. La première
talut une couronne à Therfius de Theffalie,
& la féconde à Patécus Achéen de
la ville de Dyme. Un nouveau fpeâacle
diftingua auffi la quatre-vingt-tréïiéme
Olympiade ; Evagoras Eléen y
remporta le prix en courant dans la
carrière avec deux chevaux de main.
Dans la fuite on s'avifa de faire avec des
poulains, ce que jufques-là on n'avoit
fait qu'Avec des chevaux d'un bori âge.
En la quatre-vingt-dix-neuvième Olympiade
Sybariade Lacedemonien en attela
deux à un char, Se gagna la couronne
de cette courfe j en la cent-vingt-huitième
une femme, appellée Beliftiche, née fur
les côtes delà Macédoine , gagna celle de
1$ courfe avec deux jeunes poulains menés
enjmain ; & trois Olympiades après Tleppleine
Licien celle de la courfe d'un
poulain monté ainfi qu'un cheval. Enfin
en la cent-quarante-cinquiéme les enians
furent admis au combat du Pancrace,
Se Phédime Eolien, d'une ville de la
Troade, demeura vainqueur.
Comme les Eléens introduifôient de
^RU veaux exercices, auffi les abolifoient.

DES JEUX OLYMPIQUES." xj
ils lorfque le (accès ne répondoit pas à
leur attente. Le Penrathle permis aux
enfans leur fut auffitôt interdit > fans
que l'on en voie d'autre raifon que la
violence de ce combat. Les courtes de
l'apené & du calpé ne durèrent qu'en-'
viron cinquante ans, & la quatre-vingts
quatrième Olympiade les vit profaire
l'une & l'autre j le calpé à caufe des rifues
de cette courfe , l'apené parceque
3
es mules attelées à un char ne produis
ibient pas un bel effet,& que d'ailleurs
cette efpéce étoit en horreur aux Eléens
qui n'en élevoient jamais chez eux. Les
différentes courfes, qui fe faifoient avec
des poulains , furent également abolies »
par le motif du peu de relief que des»
bêtes trop jeunes & foibles donnoient au
fpeâacle.
Nous n'apprenons point de ce détail
tirédePauUntas, dans quel tems précis
commencèrent les exercices du faut, dit
difqae , du javelot, de la courte ioliqne ,
&c. Il y a apparence que les trois premiers
précédèrent l'introduction du peti*tatWe
y donc ils firent partie : à l'égard de
la longue courfe on en attribue l'invention
à Polités, je parle ailleurs de ce coureur;
mais-Ge que l'on voit évidemment
ici T c'eft que le* Jeux fè divifbient d'à-*
boid en deux- claûes> ea courfes & ear
a vj

jdj H I S T O I R E
combats : l'une compofée de courtes à
pie & à cheval , de courtes de chars
attelés de deux ou de quatre chevaux,
& quelquefois de mules. L'autre compofée
de la lutte, du pugilat, du pancrace
, du jet du difque ou palet ,
du jet du javelot, du pentathle. J'expliquerai
en parlant de la célébration
des Jeux la nature de ces divers combats
; & cependant je remarquerai avec
quelque furprife, que l'on ne trouve pas
dans ce dénombrement, & qu'il ne paroît
pas en effet que l'on ait introduit
dans les Jeux publics de la Grèce, deux
exercices qu'Homère met au nombre
de ceux qui furent propofés aux funérailles
de Patrocle, un combat fingulier
d'homme à homme armés de toutes
pièces, & le jeu de l'arc : le premier , un
vrai combat de gladiateurs j tel que les
Romains l'adoptèrent, & pour lequel ils
montrèrent tant de paflîon ; le fécond qui -
avoir pour but, comme chez nous où
il eft encore en ufage, un oifeau attaché
par les pies au haut d'un mât fort élevé;
exercice d'une fi grande utilité à des
Peuples qui fè (èrvoient à la guerre de
cette forte d'arme.
: Ces deux claflès forent augmentées
d'une troifîéme pour la mufîque, foie
vocale Toit inftrumentale, & enfin d'une

DES JEUX OLYMPIQUES, xiij
quatrième , où il s'agifloit de combats
qui ne dépendoient ni de la force> ni de
l'agilité, ni de l'adreiïe du corps, mais
uniquement de l'élévation, de la fagacité,
de la jufteflè de l'efprit. Leur objet
s'annonce aflèz de lui-même : ce théâtre
étoit ouvert au Muficien,à l'Orateur,
au Poëte , à l'Hiltorien, qui vouloient
éprouver leurs talens, & les foumettre au
jugement d'une aflcmblée nombreufe,où
lé trouvoit réuni ce qu'il y avoit dans la
Grèce de plus beaux génies , & les plus
capables de juger de l'excellence d'un art
ou d'un ouvrage. Gorgias , fils de Carmantide,
y fit admirer fon éloquence, 8c
fut le reftaurateur de l'art oratoire qui
alors étoit entièrement négligé. Perfonne
n'ignore qu'Hérodote y lut fon hiftoire,
& que toute la Grèce donna aux neuf
livres, qui la compoiènt, les noms des
neuf Mufes. Lucien qui nous a confervé
ce dernier fait, ajoute qu'à l'exemple
d'Hérodote, plufieurs Rhéteurs allèrent
à Olympie faire ledture de leurs harangues
, trouvant cette voie auffi courte
que fure, pour acquérir en peu de tems
une grande réputation. Lyfias fameux
Orateur d'Athènes, contemporain d'Hérodote
, y prononça une harangue, dans
laquelle il félicitoit les Grecs, comme de
l'aâion la plus glorieufe qu'ils euffent

xir H I S T O I R E
faite, de ce que s'étant réconciliés, ils
avoient humilié la puilfance de Denis le
Tyran ; & on peut juger de l'empreflèment
des Poètes à le fignaler dans ces Jeux
folemnels, par celui de ce même Denis.
Ce Prince plein de la folle vanité defe
croire le meilleur Poëte de (on tems, avoic
chargé des chantres gagés , appelles
Rapfodiftes, de lire à Olympie plusieurs
pièces de vers de (à façon : quand on
commença à réciter les vers de ce Poète
Rai, la voix fonore du Leâeur s'attira
une grande attention , & il fut écouté
d'abord dans un profond filence , qui
diminua toujours à proportion que la
le&ure avançoit, & le changea à la fin
en huées, tant les vêts parurent pitoyables.
Denis fe confola de cette difgrace
par la victoire qu'il remporta peu de
tems après à Athènes , aux fêtes de Bac»
chus,oùil fît repréfenter une tragédie qu'il
avoit compofée. Enfin on trouve partout
ou il eft queftion de manque, l'aventure
de ce joueur de Lyre à Orympte, qui
enleva le prix à Ces rivaux par adrcflê ou
par bonheur. Une corde de for* inftromcnt
vint à fe rompre » comme il jouotc ,
il eut L'art d'y fitppléer par le chant d'une
cigale qui fe faifoit entendre dans un
buiuon voifin ; ou , comme d'autres le
veulent, qui fe plaça, fur la h/Dt même.».

DES JEUX OLYMPIQUES, xr
ce qui fut regardé, & l'eft peut-être
encore , comme un effec de fon extrême
habilté : mais fi l'on réfléchit au
chant aigu & monotone de la cigale,
on penfèra que ce pouvoit bien n'être
que l'effet du peu de perfection de
l'art, & d'un défaut d'harmonie dans
l'inftrument. *
Les Jeux Olympiques, ainfi que tous
les autres de cette efpéce , faifoient
partie de la religion des anciens & entroient
dans la plupart de leurs fêtes: ils
n'en faifoient pas néanmoins une partie
eflèntielle. Pour honorer les Dieux ou
les Héros on n'avoit befoin que de temples
& de facrifices ; mais dans des tems
*LesPoëtesGrecss'ac- ce nom. En faveur de
cordent prefque tous cette voix harmonieupour
donner un ramage fe, fuivant le Schoagréable
aux cigales, liafte d'Ariftophane ,
les Poètes Latins au les Athéniens portoient
contraire un cri en- des cigales d'or dans
roué , rauc» cicada. leurs cheveux, 8c regar-
Ariftote,Elien,&après doient cet animal, à
eux Henri Etienne, re- caufe de fon chant ,
connoiûent deux fortes comme confacré à
de cigales, celle, par Apollon. Un partage
exemple, apellée^fA*- de Siraonide déroge
t*, une cigale mâle de cependant à cette delà
plus groflé efpéce qui pofition unanime des
chante mélodieufêmét : Grecs. Ce Poëre les taxe
cequifàitcroireâHenri d'ignorer toute modu-
Etienne qu'en Grèce les lation, & leur comcigales
étoient fort pare les mauvais Poëdiffifrentes
de l'infefte tes & les mauvais
«M nous défigaou* par Muficien».

ivj H I S T O I R E
où la force, l'agilité , l'adreflc conftituoient
le principal mérite , & décidoient
ordinairement de la victoire ;
dans ces tems fi éloignés de l'invention
des armes à feu, qui égalent tout, &
rendent les qualités corporelles prefque
inutiles, il falloir des exercices violens ,
fi propres à procurer ces qualités, en
accoutumant Tes hommes à la fatigue ;
en les rendant plus robuftes, plus foupies
, plus adroits, plus fermes dans les
combats où l'on s'approchoit de près;
en leur apprenant à conduire des chevaux
& des chars, à lancer des traits à
Ijied , à cheval, &c. C'étoit apurement
à meilleure préparation que l'on put
donner à la jeuneflè pour la profeffion
des armes : auflî la politique éclairée des
Grecs, naturellement guerriers, ne man- '
qua-t-elle pas de mêler ces exercices dans
Ks cérémonies religieufes, & de les mettre
en honneur. Cette politique également
attentive à former î'efprit, y introduira
pareillement les talens propres à
rendre l'homme citoyen. En même tems
qu'elle lui enfeignoit à vaincre fés ennemis;
elle s'attacha à lui apprendre à vivre
avec fès amis. C'eft la réflexion que nous
préfentent Platon, Ariftote, Polybe, en
ce qui concerne la, mufique, laquelle
n'eft point échapée à la mémoire d'un ,

DES JEUX OLYMPïQUES. xvij
beau Génie de notre tems dans l'endroit a^*^
où il explique l'efprit de la loi de Platon i£«.

xviij HISTOIRE
Les faits que je viens de rapporter >
& qui prouvent d'une manière fi
claire que les Muficiens, les Poètes,
les Orateurs, les Hiftoriens , faifoienC
montre de leurs talens aux Jeux Olym*
piques , ne font pas à la vérité révoqués
en doute ; mais on eft bien
éloigné de convenir qu'il y eût des com-»
bats établis , & des prix pout le vainqueur.
On croit que les combats littéraires
8c de mufique n'étoient inftitués
qu'aux Jeux Pythiens, dont ils faifoient
la baze , & où les exercices du corps
n'a voient été reçus que comme fubfi-

SES JEUX OLYMPIQUES, xi*
Juges, les Spectateurs, les Athlètes même,
fc à calmer leur imagination échauffée par
la vue de divers combats , la plupart fi
cruels & fi fanguinaires. En un mot, il
eft confiant que les exercices littéraire!
& de mufique étoient en ufage dans tous
les autres Jeux de la Grèce; & Paufanias
dit en termes exprès, que dans l'Altis
proche le chemin qui conduifoit au
Stade, il y avoit un autel qui ne fervoit
jamais aux facrifices, ou fe piaf oient les
Joueurs de flûte, pour difputer le prix
de leur art.
Rien n'eft moins facile à représenter
que la topographie du lieu où fe donnoient
les Jeux Olympiques. La defcriptioh
qu'en fait Paufanias eft très-obfcure
pour nous , & le plan gravé , dont M.
l'Abbé Gedoyn a cru enrichir fa traduction
, n'eft point géométrique, Se ne lève
aucune difficulté. Paufanias eft tombé
dans le défaut de la plupart des Hiftoriens
, qui parlant d'un édifice fameux
de leur tems , n'entrent prefque jamais
dans les détails de lieu, parce qu'ils s'imaginent
que ce local fubfîflera toujours
tel qu'ils le voient. Le Stade d'Olympie
exiftoit peut-être depuis 2000 ans jilfaifoit
encore l'ornement de la Grèce, après
en avoir fait les délices; & notre Voyageur,
qui prévit bien que les Temples,

xx H i s * o ï ni
les autels, les (tatues & les autres môhumens
fomptueux qu'il admiroit, festoient
détruits par la fucceflion des fiécles,
ne prévit pas que tout changerait i
jufqu'à la fade des lieux. Il décrivit
donc avec une forte d'exactitude les em>
belliflèméns fubordonnés , & ne parla
que fort fuperficiellement du local & de
fès parties. Le fecouré que l'on ne trouvé
pas chez lui, ne fe trouve pas malheureuiement
chez les Auteurs anciens & modernes
qui paroiflent avoir traité des Stades
des Grecs & des Cirques des Romains
avec le plus d'érudition. Ils efquivent
tous la difficulté ; ils ne difènt du Stade
d'Olympie, que ce qu'en dit Paufanias,
fouvent plus confufement encore ; de
forte que je n'ai pour la topographie
dont il s'agit, 'que mes conjectures à
propo(èr, mais (ans trop m'écarter d«
texte de l'Auteur Grec.
" ICe lieu fitué fur le penchant d'une
colline, près de la Ville d'Olynipie &
du fleuve Alphée, s'appella toujours le
Stade 5 nom générique pris de l'étendue
qu'il eut lors de fâ première conftru&iqni
Cette mefure , quoique peu - confidérablc
fuffifoit aux courtes à pié, en ufage
dans l'origine. Les courfes des Dactyles,
d'Apollon , de Clymenus , des enfans
d'i£thlius , de Coraebus, furent de cette

DES JEUX OLYMPIQUES, xxj.
efpéce ; & lorfqu'on y introduifit les
courfes de chars & de chevaux ,on le
prolongea autant que le permirent la
nature & la fîtuation du terrein. C'étoit
du tems de Paufanias un efpace d'environ
600 pas de longueur , divifé en
trois patries principales, ornées d'autels,
(le ftatues, de tombeaux, & de tout ce
que l'on crut pouvoir les embellir ; la
place où s'aûembloient les Athlètes,
nommée la Barrière ; la lice deftinée
aux courfes & aux combats ; un édifice
ou enceinte fuperbe , appelle auffi la
Barrière , pour, renfermer les chars &
les chevaux.
. En venant d'Olympie on rencontroic
d'abord la barrière des Athlètes. Elle
avoit quelques 60 pas dé long, fur une
plus grande» largeur ; car cette place s'étendoit
à gauche & à droite , & formoic
un quarré irrégulier.C'eft dans cet efpace,
qui précédoit la lice , que fè tenoient
lés Athlètes & les Maîtres dç Paleftre
pendant la célébration des Jeux, Du côté
fiuche s'çlevoit un tombeau , que les
Jéens , difbient être celui d'Endymion
l'un de leurs Rois; & à l'entrée de la lice
il y avoit une barrière proprement dite,
qui ne confjftoit au commencement qu'en
une (îsapler Ijgne.rçacée fiHrIeter/ejridans
WWW, lajarjjeuri ^ laquelle pnfubttiiu*

»ij H I S T O I R *
depuis un cable qui le baifToit, Se fèrvoit
de fîgnal aux Combatrans.
A l'autre extrémité étoit l'édifice con£
truit pour recevoir les chars & les chevaux
» & leur fervir de barrière. Linventeur
de cet édifice s'en fçavoic fi bon gré ,
ue dans une infeription mife au bas d'une
S
atue érigée à Athènes, il en tiroit toute
fâ gloire , & fàifoit ainfi parler la ftatue:
Clecctas, fils i'Anftoclés, qui a inventélA
barrière d'Olympie , efi celui qui m'a faite.
On croit pourtant qu'Ariflide la perfectionna
; & Agaptus y conftruifit du côté
de la plaine un portique pour l'entrée & la
fortie des chevaux & des chars, qui retint
le nom de (on auteur. Cette féconde barrière
étoit en effet la plus magnifique qu'il
y. eût dans la Grèce ; elle renfermoit
Une enceinte de 7 o pas-de longueur> & de
140 pas de pourtour. Sa forme elliptique
reflèmbloit afïèz à la proue d'un navire,
dont l'éperon ou le bée étoit tourné du
côté de la lice ;& un dauphin de bronze
foutenu fur une verge de fer , furmontoit
cet éperon & le fermoir. A l'endroit
du portique d'Agaptus, & vis à. vis à 1*
partie oppofée, l'édifice s'élargiflbit d'un;
& d'autre côté, & venoit fè terminer en :
cintre. Dans tout ce pourtour on avoir
pratiqué des écuries & des fernifès; fût 1
tç devant deftitiélks; régnoic tin 1 cable

DES JEUX OLYMPIQUES. xxiÇ
qui fervoit de barre pour contenir les
chevaux : ces loges fc tiraient au fort
entre les Combattans , & décidoient du
rang qu'ils dévoient occuper en entrant
dans la lice. Au milieu de l'édifice étoit un
autel de briques crues, qu'on avoit foin ,
comme le rapporte Paufanias, de blanichir
à chaque Olympiade ; & fur cet
autel un aigle de bronze, les aîleséployéesj
qui, par le moyen d'un refiort,
s'élevoit & fe faifoit voir aux fpe&ateurs>
en même tems que le dauphin
qui étoit à l'éperon, s'abbaifioit & defl
cendoit jufques fous terre. A ce fîgnal
on lâchoit de tons côtés le cable qui
retenoit les chevaux dans leurs loges,
& auflî-tôt les Combattans s'avançaient
chacun de leur côté vers le milieu de
l'enceinte , & fe rendoient fur l'éperon
où ils prenoient le rang que le fort leur
avoit affigné. Alors tomboit un autre
cable, qui formoit la véritable barrière ,
& à ce fécond fignal ils entroient tous
enfemble dans la lice, où l'adreffe des
Ecuyers & la vîteflè des chevaux décidoient
de la victoire.
L'efpace, quifê trou voit entre ces deux
parties, formoit la lice, compofee de
deux côtés ferm.és. d'un mur à hauteur
d'appui , l*«n defquels , celui

xxiv H I S T O I R E
barrière, étoit plus allongé que l'autre,
fans doute pour faciliter auprès de la
borne le tournant de plufieurs chars courant
à la fois. Ce côté, qui regardoit la
plaine, préfentoit une manière de terrafle
y l'autre côté s'appuyoit fur la coline:
toute la lice avoit environ 450 pas
Va suie. ^ e longueur, fur peut-être 110 pas de
largeur ; car les Auteurs ne partent point
de ion étendue en ce fens.. Elle n'étoit
pas abfolument droite , mais un peu
finueufè, reflèrrée en quelques endroits,
& le terrein inégal & plein de petits tertres
; non pas que l'on n'eût pu facilement
élargir , aligner & applanir ce Col;
mais il faut croire que cela avoit été
fait ou négligé, pour augmenter la difficulté
des courfes. Aux trois quarts de la
lice,où fè rencontroit apparemment là
plus grande élévation du terrien, étoienc
du côté de la plaine , les places des Directeurs
des Jeux, fur des lièges de pierre
exhaufles à la hauteur du mur : ils s'y
rendoient par un chemin dérobé ; c'eft
ainfî qu'on l'appelloit , dit Paufanias.
Du côté de la colline , vis-à-vis , on
voyait un autçl de marbre blanc avec
la ftatue de Cerés Chamynt *; &c'étoit
* Surnom que lui difoient-ils , que la
donnoient les Eléens» terre s'ouvrit pour receparce
que ce fut là > yoitlechardePluton,
là

DES JEUX OLYMPIQUES, xxy
là que fe mettoit la Prêtreflè de cette
Divinité, dont le temple (è montrait à
quelque diûance ; car cette Prêtrefie,
lelon Paufanias, avoit plusieurs prérogatives
chez les Eléens. Des deux côtés
dans toute la longueur , au-deffus & audeuous
de ces : premières places, étoieni
celles des fpe&ateurs, les plus commodes
pour les personnes de confédération ;
ëc à l'égard du peuple qui accouroit en
foule à ces fêtes, il fe plaçoit où il pouvoit
fur la colline appellée par Pindare
le Promontoire de Saturne, laquelle bordoit
la lice d'un côté, & foi moit un amphithéâtre
bien difpofé pour procurer la
vue des Jeux,
La lice prife dans toute fon étendue
fervoit aux courts de chevaux & de
chars, & fe nommoit alors l'hippodrome ;
nom que je rendrai par celui de carrière
des chevaux- Les courfes à pié fe faîfoient
dans la partie de cette même lice
qui commençoit à la barrière des Athlètes
, Se s'étendoit jufques aux fiéges des
; Directeurs & à l'Autel de Cérès: partie
qui conferva le nom de Stade proprement
dit, ôc qui n'a voit que cette mefurc
: Se qu'elle fe referma dont il confifqua lés
• enfuite : Ou d'un cer- biens , qui furent em-
- tain Cn$nmius que ployés à bâtir ce
Pantalion , fils 'd'Orn- Temple de Cérès Cluphalion,
fit mourir, & myne.
é

piéoifé. L'efpace ; qui fe «foWvoit enfte
ces -fiéges & l'autel-, feïvoit vraifemblablèment
aux exercices qui ne démarra
dotent pas une longue carrière -, & les
Orateurs, les Poètes » les Hiftoriens, y
prenaient fëance pour réciter fetKS; ou*
Vtagtfs,- ékr nous venons '

DES JEJHC OWTMPîQWES. TÇWty
ic l'Ecuyer. U feroit inutile de reçbercber
ce que c'étoit que ce Génie *, ni fijçs
Eléens avoient mis exprès là ftatue en
cet endroit, ou fi par reipeâ ils l'y avoient
laiffëe, en fuppofant qu'elle y fut avant
la conftrudion de l'hippodrome. Ce qu'jl
y a de plus probable, c'eft qu'elle y avojt
été naife à deffèin, pufTqu'on en yoypjt
de pareilles dans les lices des autres Jejçc
de la Grèce , & que certainement ces
figures monftrueuies rendoient les cour.fes
plus difficiles , & par-là même plus
glorieufes.
Les courfes étant d'efpéces difFéreu.t.es>,
on penfe avec raifon qu'il devoir y avojr
différentes bornes. Paufanias dit .préci^ment
qu'à l'un des termes étoit la ftatue
d'Hippodamie , qui tenoit un ruban
* Les Grecs a'étoient appaifer les rasoes de
nullement d'accord fur .Mrrtil. 4*. L'ombre
ce Génie. Il y avoit au même d'Oenomaiis. j*.
moins fèpt opinions: Tombeau d'Alcathous,
i°- Sépulture d'Olenus fils de Potthaon, amant
d'où la RocheOlenien- , d'Hippodanjic.tuénar
ne , fur les confins de Oenomaiis. 6°. Préfeht
l'Elide, avoir pris fbn reçu d'Amphion&: canonial,
0 - Cénotaphe de ché en cet endroit par
Daméon.filsdePhlius, ; Qenqmaiis , elpéce de
compagnon d'Hercule, charme. 7 0 . Enfin .ftatue
avec fon cheval par rue de Neptune ,• fur-
;G$éate ,-fils d'Aûor , nommé -H'ppius. )P^Uidans
la ^guerre-contre fanias croit qyie cette
Augée. î«:.rltidntiment dernière opinion èïHa
- érigé p4cPclo|)s,.pûQr iplusrccetabjç- ..!}
éij

«xviij H I S T O I R E
dans fa main , comme pour couronner
Pelops , déjà sûr de la victoire j ce
qui fuppofe au moins deux bornes, &
il y en avôit en effet ce nombre : la
première & la principale pour lescourfês
de chevaux & de chars., pofëe au bout
de la lice à gauche, & un peu avancée
fur la place des Athlètes. Ces fortes de
bornes, fuivant la defeription d'Homère,
fè faifoient d'un gros tronc de chêne ou
de pin élevé fur terre d'une coudée environ,
& foutenu de deux côtés par deux
pierres blanches & polies : peut-être
etoit-ce du côté droit de l'hippodrome ,
vis-à-vis l'autel du Génie Taraxipus,
que fe trouvoit la ftatue d'Hippodamie,
dont parle Paufanias. La féconde
borne placée pour le9 courtes à'pié,
devoit être fous les yeux même des Juges,
à l'extrémité du ftade, du côté oppofé
à la barrière des Athlètes, Se tèrminoit
l'efpace que parcouraient les Coureurs.
A l'égard des bornes pour le faut j le jet
dudifque, le jet du javelot &c., quand
on en marquoit , ce n'étoient que de
(impies lignes portatifs que les Directeurs
faifoient pofer fur le champ.
Quoique dans tous les autres Jeux de
; .la Grèce le ftade & l'hippodrome fanent
^d,es places diftinâes & féparées ; que le
ftadefutordinaiiçment fur un lieu élevé

DES JEUX OLYMPIQUES.' xaâx
& en terraflè, l'hippodrome dans une
plaine ouverte ; je n'affigne ici qu'une
même carrière pour tous les exercices,
pour les courfes de chars & de chevaux
, comme pour les courtes à pié,
en donnant plus d'étendue à la borne
des premières, & infiniment moins à
celle des fécondes ; & je me fonde
principalement fur trois raifons qui me
paroiflènt décifives : i°- Sur le filence
de Paufanias , qui ne dit nulle part
qu'il y eût à Olympie un hippodrome
, une lice pour les cour(ès de
chevaux , féparée du ftade ou de la lice
pour les courfes à pié & les autres exercices.
Eft-il donc vraifemblable que ce
Voyageur, qui diftingue fi exactement
les Hippodromes des autres Villes, lorsqu'ils
(ont différens des ftades, ne l'eût
pas fait pour Olympie, fi effectivement
D y avoit eu deux lices féparées? i°. Sur
ce qu'il réfulte du texte de Paufanias bien
entendu, qu'il n'y avoit qu'une feule &
même lice, terminée d'un côté par la barrière
des Athlètes, & de l'autre par la barrière
des chars & des chevaux. 3 0 . Sur ce
que notre Auteur donne cinq ftades de
longueur atout ce terrein,& que l'em placement
des deux barrières retranché de cette
étendue, il reftoit quatre ftades , roefure
pareille à celle qu'il donne aux hippo-
é iij

dromes de Mantinée , de Ménale , de
Thébes, de Delphes même, plus que fufiîfànte
pour les courte*'de chevaux & de
cfiars , & exceflîve pour les courtes à pie.
Indépendamment des embellHïèniens
néceffaifès' dont j'ai rendu compte, lés
barrières & la lice orTrpient encore une
multitude de mortumensj d'autels, de ftatfaes.
Dans l'intérieur dé la barrière de
hippodrome", vers lémilieu,& fans doute
de chat}Ue coté de l'afutel de briques , où
étoit placél'aiglelesaîleséployées,Nepturie
& Junori repréfentés à cheval, avoient
chacun un autel découvert-,8c allezprès de
là on voyoit une colonne contre laquelle
^»*£ * étoit adofîé l'autel des Diofcures. A l'entrée
de la lice, à peu de diftance de
Péperon , mais en dehors de la barrière,
Mars & Minerve, tous deux aaffi à cheval
i avoient leurs autels, l'un d'un côté,
Fatttre de l'autre. En dedans de cette
barrière, à la même diftance de l'éperon
, étok l'atttet de la Bonne-Fortune ;
efifûire celui dé Pan, celui dé Verras,
fl£ plus loin dfclui de ces Nymphes que
lies Etéeris nôïnmoient Jnvxne'èles. En revenant
dû portique d'Agaptas, on trottvôit
à là droite un autel de Diane ; 8C
en rentrant dans le bois facré par le chefiitn
que l'on tenoit aux jours folemnels,
on rencofftroit- derrière le temple de

Junou ueux autels > l« prenùer dédié au
liasse Clsùée» le teccmdà Diane ; en~
(ôïsse que (s k conçois »«eti- la poiluas*
.§£ dçs nîonsasetss que je rappelle-ki 5&
lafoçsde 4e eeue ban ière ^ due&é
de la lk« > t-roir décorée d\-aaek ,
4e Dieux, en ètoiers? Vï»
iï« d>fpaee en dps«- ; ce qui a;mo&£$
la plus, gsand-e nsagmiseence.
Ceux qui fe dévo«ok'.r>t h la pt«idîîoa
arhiéïkjue > héo,«erue.ie«i dés leur pi «s
ïcndte jvotKïTc k'i iïjmtuifiS ou Palcities»
£ipckes d'dt:n"

jœrîj H I S T O I R E
pefant : le vin leur étoit abfolument interdit
, & la continence commandée-.
Vers le tems d^Typocrate- on commença
à leur permettre l'ufage de la
•viande j, mais d'une viande folide, telle
ioiie le bœuf & le cochon , qu'ils aflaiionnoient
d'aneth. Droméus de la ville
•de Stymphale , Athlète coureur, s'étant
relâché fur ce point de difcrpline > les
autres l'imitèrent bientôt, & rien de fi
étonnant, que la prodigieufe quantité
d'alimens qu'ils prirent. Nous avons
une preuve bien frapame de leur extrême
Voracité dans Milon de Crotone , qui
mangea en un jour un taureau de quatre
ans qu'il avoit aflbmmé d'un coup
de poingt , après l'avoir porté fur Ces
épaules dans toute la longueur du ftade.
Cet Athlète avoit peiné à fe contenter
pour fa nourriture ordinaire de vingt
mines de viande, d'autant de mines de
pain & de trois congés de vin:les vingt
mines reviennent à vingt de nos livres
de poids, & les trois congés à quinze
de flos pintes. ; '••'; •;.•;•;
i Les Athlètes fe faifoient firoter & huiler
avant les exercices, pour donner au
corps plus de force , plus deiouplcflèj
& après les exercices, pour le délafl>,r&
le rafraîchir. Ils Ce couvraient d'abord
d'une efpéce de ceinture ,de tablier ou

SES HUX OfïMPîQXJES, X^x'Û}
itïiU U« parOitre pkiS décesT**
nseîïî iuv farà-e ; mais dans la fuite
ï'sveîutsre 4,'ïin ASèIàCKî, S oui k ebure
de cette éiùi&rpn psnû. bire perdre k
victoire., donna Heu de Saenher h pa«
deuï à la comraodiîé, en retranchant
ce ïdie dliabideusenr. Ccr AtMéfe le
nojssssit Orfippus * , & avoit km tombeau
aapvès de celui de Couvbqs. On
n&ti d'uccurd ni irjr le sens*, ni JUï le
k«, Les utis en hx«;t l'époque à \& qua«
twrxïéîïîe, d'ancres a k u-eme- dixième
Olympiade. Oa$«e, §c
YâHU-IïX du grand Etymologique, difenc
qu'Odippas tus vaincu pont avoir h\(ià
RJra&cr i& ceinture ; mats Pau (ardas afiure
ouïcela r le Pugilat s
.le Pancrace, b Coude à pié, k; Saur.. &c
. * Le Scholiafte de où le fait eft conté
Thucydide rapporte de même que d,u,-j
nne Epitaphe ea rets Paufaaias.

JODDV H I S T O I R E
lis faifoient dans les Gymnafes une eC-
.péce de noviciat pendant dix mois pour
K perfectionner par un travail aflîdu,
en préfence de ceux que la curiofité ou
Poifiveté conduifoit à cette forte de fpectacle
: mais lorfque la célébration des
Jeux Olympiques approchoit, on redoubloit
les travaux des Athlètes qui 'dévoient
y paraître, & comme le raconte
Phrtoftrate , on les exerçoit dans Elis
pendant trente jours.
LeGymnafede cette Ville étoit d'une
grande beauté. Vous y voyez, dit Paulamas,
une Cérès & une Proferpine d'un
tnàrbre du mont Peuthalique , l'une &
Fautre données par Herode Attictts *
*IlftnommoitTibe- ufer de ce que vous
fhts-Claudius-Attiras avez trouve. Atticus
Herodes, comme Spon lui manda dans une fêle
prouve par une Inf- conde lettre. que ce
cription qu'il a voit tréfor é:oit très-confî-
Ve à. Athènes. Il étoit dérable, & au de/fus de
de la bourgade de Ma- la condition d'un parràthon,
& vivoit fous ticulier : Nerva lui refcs
Empereurs Netva , erivit en ces termes 5
Trajan j Adrien , An- abufe&Ji vous voulez*
tonin & Marc-Aure- du gain inopiné que
h. AtticUs, fon père, vous avez fait ; car il
ayant trouvé dans fa vous appartient. Attimaifon
un riche tréfor, eus lai (Ta donc de granen
informa l'Empereur des richerTes à fon fili
Nerva, & lui demanda Herodes, qui en em-
«e qu'il vooloit qu'il en ploya une partie à
fît s l'Empereur lai ré- décorer Athènes de fiipondit,
vou* pouvez- perbes édifices, Ceç

DES IEçX QttMPiQms. XXXV
pour rem pincer deux >ftatues plus anciennes
qui y étoiertt autrefois. Une balrrf-.
trad< du toéms marbre «nvîronne un
trophée érigé à l'occafion d'une vi&oire
remportée far les Arcadiens. En entrant
à main gauche fe préfeme une enceinte
de moindre étendue , où s'exercent les
Athlètes» Lé portique qui regarde le fè»
Jeillev*r«k eft fuivi de pWfieurs autres
édifices au midi & au couchant,qui fer*
v^nt à le» loger. Quand vous avez parTé
le Cladée » vous trouvez le tombeau
d'Ofcnomaas : ç*«ft un tertre entonrétl'uti
petk mu*. Au.deflus vous appercevez des
ruines qui font, à ce que l'on croit »
çejrW».dtàécurieS'de,œ Prince.
;A vaut que d'être admis à combattre ,
les Athlètes fubifloient an examen pat
rapport à k nai(Tance, aux moeurs , à
la condition. Il falloit être, grec, libre.,
& fans reproche. Les defeendans de HeU
k(rii ; ayant fctfroé un nombre prodigieux
de farniHes> (èjendirem fipuirrans dans
la Gtéce , qw'ild firent parler une loi »
par laquelle on rVadraettoit à difputet
Herodes fut difciple fleurs Ouvrages dont
du célèbre Phavorin, parle Philoftrate , &
Se devint fi éloquent, qui ne font pas venus
oa'il mérita luirtnême jufqu'a nous. Il fut
d'avoir pour difciples élevé à la dignité do
Marc-Aiirele & Lucius- Confur Romain , «
XeMUifcvoit fait plu- noacnt Âgé. de 7* an»
é vj

xxxvj H I S T O I R E
le prix aux Jeux Olympiques que ceux
• qui rapportaient leur origine à ces familles
i & Hérodote nous apprend que lors
qu'Alexandre , fil* d'Amyntas Roi de
Macédoine, s'y préfènta, lès concurrens,
fans aucun refpect pour la dignité royale,
s'opposèrent d'abord à fa réception , le
regardant comme Macédonien, par conféquent
comme barbare, & qu'il n'y fut
reçu qu'après avoir prouvé en bonne
forme que là maifon étoit originaire d'Argos.
Il paroît auilïque jufqu'en la cenc
deuxième Olympiade la carrière avoit été
ouverte aux Directeurs de ces Jeux ; mais
à cette célébration Pyrrhus ayant remporté
le prix de la courfe des chevaux >
il fut réglé après la victoire qu'aucun des
Juges ne concourrait à l'avenir.
Les Directeurs appelles Agonotbetts ,
Atblotbetei , Hellanodictues , (è choififlbient
toujours parmi les Eléens. Le
nombre n'en fut pas constamment le
même : Iphitus qui en étoit le reftaurateur,
voulut être feul; Oxylus & les
fucceueurs fe conlèrvèrent ce privilège ;
mais lors du dernier rétabliflèment il y
eut à ce fujet quelques guerres entre les
Eléens & les peuples voifins. Celle des
Piféens fut la plus longue comme la plus
funefte, puifqu'élle ne finit que par la deCr
jtuction entière de ce peuplé. Il habitoit la

DES JEUX OLYMPIQUES, xxxvij
ville d'Olympie, que l'on appellent aufli
Pifè ; il crut être en droit de donner en
fon nom & de (à propre autorité des Jeux
qui fe célébroient aux portes de fâ ville
& fur fon territoire : les Eléens jaloux
de cette prérogative demandèrent du
fècojirs à Phidon d'Argos, Se foutenus
d'un fi puidànt allié, ils continuèrçnt de
préfidêr à ces Spectacles. En Ja trentequatrième
Olympiade, Panthaîeon, Roi
de Pifê , ayant raflèmblé toutes les forces
eut quelques avantages dont il profita, &
les Pifeens les firent célébrer : la guerre
alors s'alluma de plus en plus, & par
l'événement les Pifeens & leurs alliés fe
virent chartes dOlympie, fans que depuis
ils ayent jamais pu s'y rétablir. Cette
Olympiade , & la cent-quatrième, en
laquelle les Arcadiens employèrent auffî
la force pour ufurper ce droit de préfèance,
étoient regardées par les Eléens
comme fauflès, & ils n'en faifoient
aucune mention dans leurs faftes.
Le fort dans la cinquantième Olympiade
décida feul entre les Eléens de
l'élection des Agonotheces : tout le peuple
tira, & l'adminiftration échut à deux particuliers
, aufquels o^t en fubftitua toujours
deux par la même voie pendant
près-de 210 ans. Les exercices infiniment
multipliés poitèieiic à créer neuf Juges,

xxxviij H i s f o ( i é
dont trois dévoient connoître de'la courfe
des chevaux, trois du pentathle, & trois
des autres combats. Cette augmentation
fe fit en la cent-cinquiémeOlyrûpiaderdeux
Olympiades après on ajouta un dixième
juge, & en la cent-tréziéme les Eléens s'étant
partagés en douze tribus, chaque
tribu nomma le fien ; ce qui dura peu de
tems, à caufede l'échec que reçut la nation
dans là guerre contre les Arcadiens :
quatre tribus tombèrent en, la puiflànce
des ennemis, & les douze fe trouvant
par-là réduites à huit, les Diredtettrfr
ïbuffrirent la même réduction. Enfin ett
ia cent dix-huitiéme Olympiade on rétablit
le nombre de dix, & c'eft celui qui
fubfiftoit du tems de PaufaniaS.
Pendant les dix mois qui précédoient
chaque folemnité, les Agonotbetesétoient
obligés d'habiter dans Elis. Là le Con(èrvateur
des loix les inftiuifoit avec foin
de tout ce qui concernoit les JcuxOlym-piquesi
Leur logis raifoit face à la place
publique,dont il n^toit féparé que par
une rue ; ils fe rendoiem tous les jours au
lever dn foleildans le Gymnâfê pourvoir
les jeunes gens s'exercer à la courte; fut
k midi ils alîiftoifrit au Pentathle , &c
aux combats plus violens ; & fans doute;
à quelqu'autre heure de la journée ils
voyoient drefler les- chevaux le long du»

DES JEUX OLYMPIQUES, xxxbc
portique le plus au midi de la place ,
nommée par cette raifon l'Hippodrome.
Le lieu où fè tenoit le confeil étoit à peu
de diftance au deffus du tombeau d'Achille.
Parabolas, l'un de ces Directeurs ,
voulut, afin d'entretenir une noble émulation
parmi les Grecs, qu'il y eût des
registres où l'on inscrivît le nom, le pays,
le genre d'exercice de chaque Athlète
qui fè préfentoit pour combatte ,& le
nom & le pays de ceux qui fortoient victorieux
de ces combats : cet établiflèmenc
fut toujours exactement gardé.
Un Hérault proclamoit publiquement
"à l'ouverture des Jeux les noms de tous
ceux qui s'étoient, pour ainfi-dire, enrôles
; & les Juges faifoient alors prêter
ferment, non feulement aux Athlètes >
mais à leurs pères, à leurs frères, à leurs
maîtres de paleftre, fur deux points principaux
: l'un que les Athlètes avoient luivi
pendant dix mois cohfecuiifs toutes les
épreuves de l'inftitution Athlétique -, l'autre
que dans chaque combat ils obferveroient
les loix établies & fè conformeroient
inviolabiement à l'ordre & à la
olice des Jeux. Ces loix permettoient
P
àdreflè, lafubtilité, la (bupleffè, l'in-
duftrie ; mais condamnoient > fous peine
d'une amende conûdérable & infamante,
l'artifice > la fupercherie , la fraude,.la

xl H I S T O I R E
violence outrée, même la collusion &
l'intelligence entre deux combattans ; &
la maxime qu'il importe peu que l'on
employé contre Ton ennemi, la rufe ou
la valeur, fi généralement reçue , étoit
bannie de ces exercices. La cérémonie du
ferment fe fàifoit dans le Sénat: onimmoloit
un porc, on le mettoit en pièces, &C
c'étoit fur les membres fanglans de la
victime, en préfencede Jupiter Horcitts?
que juroient les Athlètes & ceux qui les
accompagnoient. Les Officiers prépofés
pour examiner les enfans qui dévoient
combattre,& les poulains dont on vouloit
fe fervir, prêtoient aufli un ferment : ils
promettoient de ne fe point laiflèr corrompre
, de décider félon la juftice &
leur confeience, & de ne point révéler
les raifons qui leur auraient fait admettre
les uns & rejetter les autres. Le Dieu avoit
un air terrible, il tenoit des foudres de
chaque main, & (bus les pies de laftatue,

©ES JEUX OLYMPIQUES. XÇ
«as avantageux de tirer des derniers pour
la courte, ni d'être aparié pour la lutte
bu le pugilat avec un Antagonifte plus
fort que foi jauffi les Athlètes avoicnt-ils
les yeux ouverts fur la conduite de l'Agonothete
qui fe trouvoic chargé de ce foin ,
& mettoient-ils toute leur attention pour
fe bien affùrer qu'ils n'auroient à fe prendre
qu'à la fortune d'un pareil désavantagé.
Aulugelle rapporte un (ait fingulier,
3u'il compare avec raifon à. l'aventure
u fils de Créfus. Un Athlète de Samos,
rouet denaifïàncej, nomméi£glès, s'apperçut
que celui qui faifoit tirer au fort
nfoit de quelque fupercherie : cette vue
cauià une telle agitation dans les organes
de l'Athlète, qu'il fentit auffitôt fa langue
fe délier j, & s'adrerTant à celui dqnt la
•fidélité lui étok fufpe&e>je vous vob
faire t s'ëcria-t-il à haute voix. Aulugelle
•ajoute qu\4tglès continua le: refte de
fa vie de parler diftinctement & avec
facilité. Lucien nous peint aflez naïvement
la manière dont tout cela s'accomplifToit.
On prend:, dit-il, des balotes de
la groflèur d'une fève ; on y écrit un A,
un B, ou quelqu'autre lettre dans l'ordre
alphabétique, & toujours deux de, chacune.
On les jette en fuite dans une urne.
Alors les Champions, s'avancent l'un
après l'autre, font leur prière à Jupiter,

Jtlij H I S T O I RE;
puis mettent la main dans l'urne ; mai»
le Héraut, étendant fa verge ,,les empêr
che de lire jufqu'à ce qu'ils ayept to^f
tiré. Auflî-tôc l'un des Jugesou quelqu'un
de leurs Officiers, car il ne m'en; fouvient
>as bien,( c'eft Lucien qui parle) prend
1
a balote de chacun & apparie ceux qui
Ont des lettres fèmblables. Que fi le nom*
bre des Athlètes fe trouve impair, celui
qui a la lettre unique fe bat contre, le
vainqueur, ce qui n'eft pas un petit avarw
tage > puifqu'il vient tout frais'au conv»
bat contreun Athlète quia déjà combatu»
Les Agonotheces, dont la place écoit
marquée dans le lieu le plus commode
pour décider de l'avantage réel d'un
combattant fur l'autre , adjugeoient à
l'inftant le prix , ou condamnaient &
l'amende; & il n'y avait pas ordinairement
d'apel de leur déciiîon. Quelque
déférence pourtant qu'eurent les Grecs
pour ces arrêts, il arrivoit tel incident
qui obligeoit les Athlètes d'en appeller
au Sénat d'Olympie, lequel jugeait fo*vsrainement
ces conteftations agoniûif.
ques. Paufanias cite pour exemple dé
cet ufage le différend d'Eupoleme & de
Léon, qui après avoir difputé le prix de
la courfe à pié furent déclarés vainqueurs,
l'un au jugement de deux Agonotheces ,
l'autre au jugement du tçoméme. Ces

DES JEUX OLYMPIQUES. XIHJtrots
directeurs s'étoient placée au bouc
de la carrière pçssc mieux juger du vné; k$
descombaJt&iK ; Léon > «ai érok èusn~
rompre par l'argent de fois ar-ragonule,
oui éïoiï Elëea EB^îdemel'etn porta néan»
moins; cet Arkléte kraiSolt déjà d'une
grande tcpwtsiJtioH j il avoss vainc» a»
Fentstide, deux fois a*»x jeux ï&hrosqwes»
|î «ï:« foi* aux Jeux Néméenï j & on lus
cri^ea une ftainc dans I'Ak;s, Que l'on
«e s'imagine pas au mte q«e ce fut
ïoujôurs acception de pcrfdrmes , cornsprkm
on Hespérletîce qui fille»:: cncr
ces Juges; il tàilok accompagner TOUS lesmouve«îc»s
du corps d'une élégance ,
4'uo«s grâce» d'un certain a.:r d'habileté *
qui dircmguoienï les h»»s Ashi&cs d'avce
les mauvais fans.quoi ces mêmesmouve»
mem pa(j»ier>t pour être contraires ;uîxté->
gksdes Pa-leâres : or ces choiësînfmissenï
arbitraires ? qaejqwe foin que les Agonoîhetes-
eu riens de s'en kvilruite > pouvoknt
occaii*oî5«r k diverse sk k«*s jugemens,
L«s combats où Ion dïfpswk le prix
de h muiiqwz, & farts doace ceux o&
l'on difpurok le prix de h poëke &
de l'éloquence > a voient a«{fi leairs. k«x
particulières, dont il n etok p.ss pes>
«aîs de s'ôcaïîss, Usi îsmikien quelque

xliv HISTOIRE
fatigué qu'il fut , n'avoit la liberté ni
de s'aflèoir, ni de cracher, ni de fé
moucher. Il n'ofoit eflùyer la fueur de
fbn vifage qu'avec le bout de fà robe.
Tacite nous repréfènte l'Empereur Néron
fur le Théâtre fournis à toutes ces
loix, & affectant une véritable crainte
de les violer. Les loix ni les peines cependant
ne furent pas toujours un frein capable
de contenir l'ambition. Il y eut des
fùpercheries, & la punition fèvère qu'en
firent les Juges n'empêcha pas certains
Athlètes de tomber de tems en tems dans
les mêmes fautes. Le Theflàlien Eumolpus
eft regardé comme le premier qui corrompit
à force d'argent ceux qui fe préfêntèrent
contre lui au combat du celle.
U eut en tête Agetor d'Arcadie, Prytanis
de Cyfique & Phormion d'Halicarnafle.
La réputation de ce dernier Athlète,
qui avoit été couronné l'Olympiade précédente,
ne contribua pas peu fans doute
à leur traité honteux. On punit Eumol-
us pour avoir donné de l'argent ; ceux
f
qui il l'avoir donné, pour l'avoir reçu ;
& du produit de l'amende les Eléens
firent ériger en l'honneur de Jupiter fix
ftatuës de bronze, que l'on appelloit en
langage du pays les fix Zan/s, & que l'on
trou voit, félon Paufàniasj en allant du
Temple de la mère des Dieux au Stade.

DES JEUX OLYMPIQUES, xlv
La rroifiéme & la quatrième n'avoienr
point d'infcriptions, les autres en a voient
en vers élégiaques. La première portoit
que le frix des Jeux Olympiques s'acquéroit
non far argent, mais far la légèreté
îles fiés & la forée du corps. La féconde
annonçoit que la ftatue avait été érigée
à Jupiter four faire craindre aux Athlètes
la vengeance du Dieu s'ils ofoient violer
les loix établies. La cinquième contenoit
un éloge desEléens, fur-tout en ce qu'ils
avoient noté d'infamie ceux qui tentèrent
d'introduire la fraude au combat ducefte ;
& la fîxiéme, qui n'étoit qu'une répétition
de la première, préfêntoit aux Grecs
la confécration de ces ftatuës comme un
avertiflèment perpétuel que ce n'étoit pas
par des largejfes qu'il falloit chercher à
vaincre dans les combats inftituès en
l'honneur de Jupiter Olympien.
Quoique rien ne fut plus infamant
& que l'amende, & que les monumens
dont je viens de parler , il fe trouva
pourtant un Athénien , nommé Callipe
qui acheta le prix du Pentathle en la
cent-deuxième Olympiade. Il fut condamné
rigoureufèment à la peine marquée
pour cette fraude ; & Hyperide
député d'Athènes , ayant demandé (a
grâce, fans pouvoir l'obtenir, les Athéniens
défendirent au coupable de payer»:

xlvj H I S T O I R E
mais les Eléens fermes à maintenir leurs
loix , les exclurent des Jeux , & cet
interdit dura , jufqu'à ce que les Athéniens
étant venu confulter l'Oracle de
Delphes , la Pythie leur déclara qu'elle
ne rendroit aucune réponlê que préalablement
ils n'enflent (atisfait les Eléens.
Athènes fe fournit donc a l'amende qui
fût employée à confacrer à Jupiter fix
autres ftatucs, avec des infcriptions qui
en contenoient l'Hiftoire, & l'éloge de la
févérité des Eléens. Quelques autres ftatuës
accompagnées auflî d'infcriptions
avoient la même caufe & le même objet.
On en voyoit deux où le nom des prévaricateurs
ne fe lifoit pas : on apprenoit
feulement de la première que les Rbodkns
avoient été taxés aune fomme d'argent,
pour expier le crime d'un de leurs Citoyens
qui avoit voulu fe procurer le prix du palet
en l'achetant de Ces Adverfaires ; & de la
• féconde , que la fiatue était érigée aux
dépens de ceux qui ne pouvant vaincre au
palet par la force &par i'aâreffe, avoient eu
la témérité de tenter de maumuifes voies.
S'il eft furprenant que des étrangers
ayent fi peu refpeâé la Majefté de Jupiter
Olympien, combien n>eft->il;p as.pl us
étrange que dtsEJéensayencoféiferandre
-Cûapables de ce mépris; C'eftoi'éarmioins
:ce

DES JEUX OLYMPIQUES, xlvij
douzjérne Olympiade. Le jeune-Poly&or ,
fils de Danooniqae Eléen , & le jeune
Sèfkoiixe > fi4s de Séfàndre de Smyme ,
dévoient lutter ensemble : Oamonique
fouhaitant avec paflion qae (6a fils fût
couronné,:gagna k jeune Séfàndre par
des pré{èns.,'& l'engagea à Tekiffer vaincre.
Les Agonottietes informes de cet
indigne trafic > punireat-, non les enfans j
mais les pères qui étoient les vrais coupables^
l'amende fèrvità laconfécration
île deux ftacuës.
La ceèt-foixaîrte-dk-rrtriciéme Olympiade
offrait l'exemple d'une nouvelle
cau& -de punition. Plusieurs Athlètes *
«ncr'auttès Apollonius d'Alexandrie, fiitv
irommé Rlahthi, furent nais à l'amende»
•«on pour avoir donnéou reçu de l'argent,
«nais four ne s'être .pas rendus à Olympe
dans te rems marque par la loi. Ramrii eut
±>ean alléguer que les vents contraires
-î'avoiem retenu aux Cyelades ; Wéraclide
'fîttr Antagonifte fit "voir la tauiïeté de
cette exeufe, en prouvant ^que Ranthi
-n'étoitafrrivé trop tard que parce qu'il
lavoit voulu Ce trouver aux Jeux publics
-d'Ionie & y gagner de l'argent. Les Eléens
• exclurent des Jeux le coupable & tous
rceux qtri étoient dans le-même cas, &
ndécernèreut -a Héraclide une couronne
-qui

fclvïïj H I S T O I R E
deux cent-unième Olympiade vit punît
la lâcheté de Serapion , Pancratiafte
d'Alexandrie , qui eut une fi grande
peur de fes Antagonistes, qu'il s'enfuit la
veille du combat. C'eft U feule fois que
les Eléens ayent été obligés de prononcer
une peine pour un pareil fujet.
Au refte l'interdit décerné contre les
Athéniens ne fut pas le feul interdit général
; il y en eut un contre les Lacedemoniens
, dont j'ignore la caufe, mais qui
dura longtems, & occafiona de grandes
guerres entre les deux peuples. Les Lacedemoniens
n'étoient pas feulement exclus
des Jeux, l'entrée même du temple de Jupiter
leur étoit défendue. Dans le tems de
cet interdit Lycas, fils d'Arcefilas, s'étanc
préfenté inutilement, l'Ecuyer , qui conduifoit
fbn char , s'avifa d'entrer en
lice au nom des Thebains, & remporta
la victoire : Lycas ne fut pas maître de
fa joie ; il prit un ruban, couronna luimême
fon Ecuyer & découvrit par cette
imprudence là fraude aux Agonothetes ,
qui en firent fuftiger l'auteur. Les Lacedemoniens
n'ofant pas fë plaindre de cet
acte de juftice , ne manquèrent pas de
prétextes pour recommencer la guerre:
ils envoyèrent un Héraut auxElëens, avec
ordre de Ce départir de la domination
qu'ils ufurpoient fur les Lepxéates & fiir
d'autres

DES JE17X OLYMPÏQtifes. jdït
d'autres peuples leurs v»Hiv:s> les Ekxns
ïépoadicfiRcqa'suiïkôî que Spart* aurok
rendu la liberté à les propres «ai S» s ils
ftîï «feroieiït de mémo k l'égard des le«?s<
O&xnfés de cetre réponfe haasaine > le$
ï-acedcnsonscj» entrèrent dans l'blide
fbus la conduite qu'Us fereknr récits ns&

I Hrs TOI RE
tuais A y difputer. les prix comme les autres
peuples de la Grèce. La guerre ainfi.
terminée, Lycas eut la permiffion de faire
pofer (à ftatue dans le boit facré de J upiter :
les régiftres des Eléens portoient cependant
que c'étoit le peuple de Thebes, &
non Lycas, qui avoir été victorieux.
Comme les Athlètes combattoient
nuds, du.moins depuis raccident arrivé
à Orfipptts y il étoic défendu aux femmes
& aux filles, fous peine de la vie , d'affifterà
ces Jeux,même de pafler l'Alphée
pendant le tems de leur célébration ; &C
la défenfe , ainfi que les habitans du
pays le racontèrent à Paufanias , fut fi
exactement obfervée , qu'il n'arriva qu'à
une feule femme de l'enfreindre. Cette
femme, que les uns nomment, aÇallipat'ire,
les autres Pbevenia, étant, devenue
veuve, s'habilla à la façon des maîtres
d'exercices,. ô^ conduific elle-même fon
fils Pifidtre à Olyrapie. Le jeune Athlète
fut déclaré vainqueur , .&; fa mère transportée
de joie , jetta fon habit , fauta
par deflus la barrière qui la tenoit renfermée
avec les autres maîtres, & fut
connue pour ce qu'elle étoit. Cependant
on lui pardonna cette infraction, en coî*fidération
de fon père > de fes .frères, Se
de fon fils qui tous avoient été couronnés
*ux mômes Jeux ;& depuis on défendit

DES JEUX OLYMPIQUES. %
aux maîtres d'exercices de paraître autrement
que nuds à ces fpeétacles. La peine
impofee par la loi étoit de précipiter la
coupable , du haut du Typee, rocher
fort efcarpé > fitué au delà de l'Alphée.
Ce point d'Hiftoire n'eft pas contredit
par ce qu'avance Paufanias dans un aurro
endroit, que les femmes étoient admifes
à difputer la couronne auffi bien que les
hommes }& que plusieurs d'entr-elles s'y
distinguèrent, SingulièrementCynifca*,
fille d'Archidame & fœur d'Agis & d'Agefilas,
Rois de Lacedemone, laquelle fur
un char attelé de quatre chevaux rem»
porta le prix de la courfe , & ouvrit
cette nouvelle carrière de gloire aux
perfonnes de (on fexe ; puifque cet Hifto»
rien fait aflez entendre ailleurs qu'elle
ne conduisît pas elle-même fon char,&
qu'elle s'étoit contentée de l'envoyer
avec un Ecuyer. Mais il eft contredit
parce que dit le même Auteur, que la
Prêtrefîè de Cerès avoir dans ces Jeux
une place honorable , & que Je fpeiSfcu
cle n'en étoit point interdit aux jeunes
Vierges ; bizarrerie incroyable, fu retour,
par rapport à celles-ci, & abfolument
* Il en eft de même consacra dans le Temd'Eurylionis.autrefem-
pie d'Olympie deux
me de S parte, & de Be- cheraux de bronze
liftiche,.que Paufanias plus petits que na»
nomme auflî. Qrnifça «re*
ï il

fij H I S T O I R E
oppofée aux mœurs des Grecs , chea
qui les femmes fort retenues , paroiffoient
rarement en public, avoient un
appartement féparé, qu'on appelloit le
Cinecee, & ne mangeoient jamais à table
avec les hommes, quand il s'y rencontroit
des étrangers.
Tous les cinq ans, c'eft-à-dire , après
quatre années révolues , au commencement
de la cinquième , vers le folftice
d'été, revenoit la célébration * des Jeux
Olympiques , qui duroit cinq jours en-»
tiers. Afin que la tranquillité & la fureté
de ce fpe&acle ne puflènt être troublées,
H y avoit pendant le tems de fa durée
une fufpenfion d'armes dans toute la
Grèce, & les hoftilités y ceflbient abfolumenr.
Quant à l'ordre que l'on y
gardoit, il eft allez difficile de le fixer
fur ce que l'on trouve dans le peu d'Auteurs
qui en parlent : voici encore mes
conjectures.
. Une partie du premier jourfè confacroit
aux facrifices , & l'ouverture de
* Le onzç du mois fi contefté parmi I«
HecMombéon, ce qui Sçavans. Les Grecs fe
répond à notre mois de fervoient des mois
Juin & de Juillet. Rien Lunaires plus courts
de fi difficile à établir, que les Solaires ; les
au furplus, que le rap- leurs ne pouvoient
port des mois grecs donc répondre aux
avec les mois en ufâge nôtres que pour une
aujourd'hui ; rien de partie.

SES JEUX OLYMPIQUES, liij
cette grande folemnité fe faifoit par des
a£les propres à concilier la faveur des
Dieux, foit aux Spectateurs , foit aux
Athlètes qui dévoient y difputer les prix.
Ceux-ci, comme le dit Pindare , venoient
lire dans les entrailles fànglantes
des victimes, quels étoient fur eux les
deftèins du puiflant Jupiter. Si l'encens
& la graiflèdes agneaux & desgenifles
avoient fumé fur les Autels aux approches
de ce jour , la ferveur redoubloit
alors par la préfence de la fête, & les
Prêtres pouvoient à peine y fuffire. Parmi
les Temples qui s'ofFroient de toutes
parts dans Olympie & fes environs, le
plus {ômptueux & le plus augufte fans
doute étoit celui de Jupiter Olympien.
Il ne faut> pour en concevoir une jufte
idée, que rapportée la defeription que
nous a laide Paufanias de la feule ftatue
du Dieu. Elle eft d'or & d'yvoire, dit
notre Voyageur, ainfi que le trône où
elle eft affile. Elle a fur fa tête une couronne
qui paroît être de branches d'olivier
; dans la main droite elle porte une
Victoire d'yvoire, laquelle a fur fa coëÊ>
fure une couronne toute d'or; & de la
main gauche elle rient un feeptre fait
de l'alliage de tous les métaux, furmon té
d'un aigle. Sa chaulïure eft% toute d v or,
& fur la draperie, qui eft auffi d'or, il
î iij

liy H I S T O I R E
y a des animaux, des fleurs, principalement
une grande quantité de lys. Le
thrône eft enrichi d'ébéne, de pierreries
&de plufîeurs figures en bas relief. L'on
voit aux quatre pies quatre Victoires,
& deux aux deux pies de la (latue. De
plus, on a placé aux deux pies de devant,
d'un côté des fphinx qui enlèvent de
jeunes Thébains, & de l'autre les enfans
de Niobé, que Diane & Apollon tuent
à coups de flèches. Entre les pies du
thrône , & fur le marche -pié (butenu
par quatre lions d'or , on a repréfenté
Thefee & les autres Héros qui accompagnèrent
Hercule à la guerre qu'il fie
aux Amazones , leurs combats & plufîeurs
Athlètes. Tout le lieu qui t'environne
, eft orné de tableaux, où font
peints les. principaux combats d'Hercule
& d'autres fujets de la fable. Au plus
haut du thrône, Phidias a mis d'un côté
les Grâces , & de l'autre les Heures,
{ >arce que, félon les Poètes, les Heures &
es Grâces (ont filles de Jupiter. Sur la
bafe il y a plufîeurs figures d'or, le Soleil
montant fur fon char, Jupiter & Junon,
les Grâces , Mercure, Vefla , Venus qui
reçoit l'amour , Apollon, Diane, Minerve
, Hercule, Amphitrite, la Lune
sepréfentée fur un cheval, &c.
Straboa renurquoit comme un grand

DES JEUX OLYMPIQUES: 1*
défiiat dans la ftatue de Jupiter Olympien
* le peu de proportion qu'elle avoit
avec le temple où elle fe trou voit placée.
Sa grandeur, dit-il, eft fi prodigieufe,
que la ftatue n'auroit pu être debout fans
percer la voûte : Pour moi , loin de
penfer que ce fut un défaut à reprocher
au Sculpteur, je croirais bien plutôt que
e'étoit une beauté dont il fallpit le
louer: Phidias avoit fans doute voula
faire entendre par cette grandeur démefarée,
que le Dieu ne pouvoit pas être
contenu dans cet édifice, tout vafte qu'il
étoit,ou du moins qu'il ne pouvoit être
contenu qu'en fe tenant affis , & dans
mie attitude proportionnée à un bâtiment
fait de la main des hommes: idée
fublime> dpnt ce grand Arrifte étoit fore
capable.
- Ce Temple renfermoit !fix autels. Le
premier dédié à Jupiter & à Neptune ; le
fécond à Junon & à Minerve ; le troisième
à Apollon & à Mercure; le quatrième
aux Grâces & à Bacchusjle cinquième
à Diane & au Fleuve Alphée; le
fixiéme à Saturne & à Rhée. On prétend
qu'il y en avoit un dédié au Dieu Inconnu.
Cétoit fur ces autels que chacun
fuivant fa dévotion, préfentok ion
* Cette Statue fut la 8je Olympiade, l'an
faite pat Phidias dans 445 ayant notre Ere,
ïiv

hq Ht s T o r K s
encens & fes victimes : les exercices commençaient
enfuite par les courtes à pié,
qui, avec le Pentathle, rempliraient le
refte de ce jour& le lendemain.
: Les Coureurs fe rangeoient tous fur
une même ligne , en -quelque nombre
qu'ils ru (lent, après avoir tiré au fort la
place qu'ils y dévoient occuper. En attendant
le fignal, ils préludoient par divers
mouvémens pour réveiller leur fou- ;
pleflè & leur légèreté. Ils fetenoienten
haleine par des fauts, par de petites excurfions
, qui étoient comme autant
d'eflàis de l'agilité & de la vîteflè de
leurs jambes. Le fignal donné , on les
voyoit voler vers la borne avec une rapidité
que l'œil avoit peine à iuivre ,
& qui pouvoit feule leur procurer la
couronne.
-'Dans ht fimpie courfe duftade, il ne
s'aginoit que de parcourir une feule fois
l'étendue de la lice , à l'extrémité de
laquelle le prix attendoit le vainqueur,
c'eft-à-dire, celui qui arrivoit le premier.
Dans la courfe nommée Diaule , les
Athlètes parcouraient deux fois la longueur
de la lice, de façon qu'après avoir
atteint le but > ils revenoient à la barrière.
Dans la courfe appellée Dolique,
la plus longue de toutes, comme fôn nom
nous l'apprend, & qui étoit compofée

DES JEUX OLYMPIQUES. Ivij
de plufieurs diaules > on parcourait quelquefois
vingt-quatre ftades par diverfes
allées & venues , en faifant douze fois le
tour de la borne. On connoiftbit outre
cela quelques autres courfes, qui avoient
des noms compofés pour en marquer
l'efpéce, celle, par exemple, où l'Athlète
cou roi c tout armé} &c.
J'obferverai à cette occafion que les
Grecs & les Romains ont eu des Coureurs
renommés. Les victoires de Politès
donnèrent dabord beaucoup d'admiration
: il étoit de Cérame , Ville de la
Carie pierreufe ; il fùrpafîâ tous ceux
qui de fon tems le mêlèrent de disputer
le prix de la courfe à Olympie,
& jamais homme n'eut plus de légèreté.
Juiqu'à lui on avoit mis un tems considérable
à fournir la carrière ; il abrégea
ce tems, & en un même jour, il remportoit
le prix du (impie ftade, du ftade,
doublé, & de la plus longue courfe.
Après avoir couru lui deuxième ou quatrième
, félon l'ufage , & vaincu ceux
que le fort'lui donnoit pour émules, il
difputoit encore le prix avec ceux qui
dans chaque genre de courfe étoient reftés
victorieux : de forte qu'il multiplioit
le fpeftacle & fès victoires. Hermogene
de Xanthe eut le furnom de cheval,
à caufe de fa vkefle. Phidippides»
î V

lviij H I S T O I R E
dont le nom propre annonce qu'il alloit
fi bien à pié, qu'il n'avoit pas befoin de
chevaux , parcourut en deux jours les
1140 ftades* qu'il y avoit d'Athènes à
Lacédemone ; & félon Pline , cela fut
regardé comme quelque chofè de merveilleux
, jufqu'à ce que l'on eût vu
Amyftis de cette dernière Ville , & Philonide,
Coureur d'Alexandre le Grand,
faire en un jour 1100 ftades f, en allant
de Sicyone à Elis. Un enfant de neuf
ans fous le Confulat de Fonteïus & de
Yipfànius, du tems de Néron, fit 7500c §
pas en courant depuis midi jufqu'au
loir. Pline ajoute qu'on voyoit de fbn
tems certains Coureurs parcourir dans le
Cirque l'efpace de 160000 pas j\
Le Petitathle étoit l'aflèmblage de
cinq fortes d'exercices agoniftiques, delà
Lutte t dont je parlerai fous le troifiéme
jour ; de la Courfè fimple à pié , dont je
viens de parler ; du Saut, du jet du difque
ou palet, & du jet du javelot, qu'il
faut expliquer ici. Le prix n'appartenoit
qu'à celui qui demeurait vainqueur dans
tous ces divers combats.
L'exercice du Saut confiftoit à franchir
légèrement un certain efpace plus ou
* 1140 Stades reviennent à f7 de nos lieues.
-Y 1100 ftades à 60 lieues.
S Environ 30 lieues.
' T Plus de \i lieues.

DES JEUX OLYMPIQUES. H*
moins long. Celui du Javelot » à le
lancer à une certaine diftahce, & dans
uft endroit marqué & circonfèrit. Celui
du difque ou palet , à le jètter le plus
loin qu'il étoit poffible. Les deux premiers
fe conçoivent aifément fans défi
cription ; expliquons le dernier , fore
différent de ce que nous entendons aujourd'hui
(bus le nom de palet.
Le difque ou palet étoit de figure
ronde , applati fur deux fùperficies,
quelquefois de bois, mais plus fbuvenc
de pierre , de plomb, de cuivre, de fer.
Ceux qui s'exerçoient à ce combat s'appellbient
Difcoboles , l ce qui veut dire,
Jeiteiirr, Lanceurs de' difque.

Ix HISTOIRE
pouuoient de la main, du bras,& de
tout le corps qui fuivoh en quelque
forte la même impreflîpn. *
La fcéne s'ouvroit le troifîéme jour
par la Lutte Ample, à laquelle fuccédoient
le Pugilat & le Pancrace.
La Lutte, un des plus anciens exercices
dont nous ayons connoiflànce, en
ufàge dès le tems des Patriarches *, fe
{ >ratiquoit dans les commencemens chez
es Grecs comme chez les autres peuples,
avec /implicite, {ans art, d'une manière
toute naturelle. La pefanteur du corps
& la force des mufclcs y a voient plus de
part que la rufê. Thé fée y joignit une
adreflè plus méthodique, plus étudiée ,
'ius rafinée ; & il établit le premier
Îes Paleftres publiques. Les Lutteurs,
avant que de combattre , fë faifoienc
frotter rudement , & enfuite oindre
d'huile, ainfi qu'on l'a déjà remarqué
en général, ce qui contribuoit à donner
de la force & de la foupleflè aux
membres. Mais comme ces onctions ,
ep rendant le cuir des Lutteurs trop gli£fant,
leur ôtoit la facilité de fe faifir avec
fuccès , ils remédioient à cet inconvénient,
tantôt en fe roulant fur la poulfière,
tantôt en fe couvrant réciproquement
* La lutte, de l'Ange contre Jacob.

DES JEUX OLYMPIQUES, xl/
d'un fable très-fin réfervé à cet effet dans
les Xiftes , c'eft- à-dire, les portiques
des Gymnafès.
Lorfqu'ils s'étoient préparés de la
forte, on les apparioit deux à deux,
& ils en venoient aux mains. Il fe faifoic
quelquefois plufieurs luttesen même
tems. Le but de cet exercice , où l'on
combat de pié-ferme, etoit de renverfèr
fon adverfaire , de le terraflèr ; &
pour cela les Athlètes s'empoignoient
les bras , fe tiroient en avant, fe pouffoient,
le renverfoient en arrière , s'entrelaçoient
les membres , fê prenoient
au collet, & fe ferroient la gorge, jusqu'à
s'ôter la refpiration ; s'embrafloient
étroitement , fe fecouoient , fe plioient
obliquement & de côté, fe prenoient. au
corps & fe levoient en l'air ; fe heurtoient
de front, & fè tordoient le col.
Parmi les tours de foupleflè & les rufês
ordinaires, un des plus grands avantages
étoit de fe rendre maître des jambes
de fon Antagoniftc de lui donner
le croc enjambe , s'il eft permis de fe fèrvir
de notre expreflion familière ; ce qui
a fait dire à Plaute en parlant du vin ,
c'eft un dangereux Lutteur qui s'attache
d'abord aux pies. Les termes grecs &
latins fèmblent marquer qu'une de ces
tufes coniîftxpit à fupplanter l'adverfaiie «

lxij H I S T O I R E
à le prendre en fe baiflant (bus la plante
des pies, & en l'élevant lerenverfèr.
Telle étoit la Lutte, tant que les
Athlètes combattoient debout ; mais lorsqu'il
arrivoit que l'Athlète renverfëenrraînoit
dans fa chute Ton Antagonifte,
foit par adrelïè ou autrement, le]combat
recommehçoit, & ilsluttoient couchés
fur le fable, fe roulant l'un fur l'autre ,
& s'entrelaçant en mille façons, jufqu'à
ce que l'un des deux gagnant le deffùs ,
contraignît l'autre à demander quartier
& à fe confeflèr vaincu. Il falloir combattre
trois fois de fuite, & terraflèr au
moins deux fois fon adverfaire, pour
être jugé digne de la palme.
Il y avoit une troifîéme efpéce de
Lutte , où les Athlètes n'employoient que
l'extrémité de leurs mains fans fe prendre
au corps ; Se cet exercice fèrvoit cornme
de prélude à la véritable Lutte. Il
confiftoit à fè croifer les doigts en fêles'
ferrant fortement , à fe pouffer en /joï- :
gnant les paumes des mains , à fe tordre
les doigts, les poignets & les autres jointures,
des bras , fans féconder ces' divers
efforts par le fècours d'aucun autre membre;
& la victoire demeuroit à celui,
qui obligeoit-fon concurrent à demander:
quartier.
;
» Les Lutteurs qui ont acquis chez les :

DES JEUX OLYMPIQUES, lxiij
Grecs le plus de réputation, font Milon
de Crotone , dont on a déjà parlé, &
Polidamas. Ce dernier étoit fils de Ni-
•ias, & né à Scotufe, L'on n'a voit point
vu depuis le tems des Héros & des
Géants d'homme d'une fi haute ftature.
Sur la partie montagneufe qu'enferme
le fleuve Naftus, il tua un lion des plus
furieux , fe propofant en cela Hercule
pour modèle ; une autre fois ayant
ïâifi un taureau par l'un des pies de
derrière, l'animal ne put échaper qu'en
laiflànt la corne de fon pié dans la
main de Polidamas: lorfqu'il retenoit
un chariot, le Cocher fouettoit inutilement
(es chevaux pour les faire avancer.
Darius Nothus, Roi de Perfe ,
fur le bruit de cette force prodigieufe,
le fît venir à Sufe: on lui mit en tête trois
foidats de la garde du Prince, de ceux
que les Perfès appelloient immortels,
notre Athlète fè battit contre eux trois,
Ce les étendit morts fur la place ; enfin
l'oracle d'Homère s'accomplit en la perfonne
de ce Géant, qui périt par fes
propres forces , comme la plupart de
ceux qui fe fient trop à leur avantage.
Un jour étant entré dans une grotte pour
y prendre le frais avec quelques amis,
le roc parut tout à coup s'entr'ouvrir :'
fm premier danger fes amis prirent

lxîv H I S T O I R E
l'épouvante & la fuite ; lui feul refta, Se
de fes mains voulut foutenir le roc qui
fe détachoit, comme s'il eût été fuffifanc
pour un pareil fardeau ; mais la montagne
venant à s'écrouler, l'enfevelit (bus
Ces ruines.
Le Pugilat eft un combat à coups de
poings, d'où il tire fon nom. Les combattans
ne fe fervoient d'abord que de
ces armes naturelles ; ils s'armèrent dans
la fuite d'armesoffenfives appeIléesG?/?«>
& alors ils fè couvrirent la tête d'une
efpéce de calote *, deftinée à garantir
fur-tout les temples & les oreilles. Les
ceftes étoient une forte de gantelets ou
de mitaines, compofés de plufieurs courroies
ou bandes de cuir, dont les contours
, qui les attachaient au poignet
& à l'avant-bras, nemontoient paspius
haut que le coude » & contribuoient
à affermir les mains de l'Athlète. On
connoît quatre fortes de ceftes , ceux,
qu'on appelloit Imantes, faits d'un Ample
cuir de bœuf non corroyé & defleché
; les Myrm/ços , garnis de plufieurs
plaques ou bofîèttes de cuivre, de fer
ou de plomb ; les Méiliques, faits de
courroies fines & déliées, qui laiflbient
le poignet & les doigts à découvert j
enfin les ceftes nommés Sfbçer* > dont
* Appejlée Amphotuk.

DES-JEUX OLYMPIQUES, kv
on ignore la forme, mais qui, félon
Henry Etienne, dévoient être des balles
de plomb coufues dans une bande de
cuir de bœuf.
Souvent les Athlètes en venoient d'abord
aux coups, & fè chargeoient rudement
dès l'entrée du combat ; fouvent
ils paffbient des heures entières
à fe harceler & à fe fatiguer mutuellement
par l'extenfion continuelle de leurs
bras ; chacun frappant l'air de fes poings,
& tâchant d'éviter par cette forte d'efcrime
les approches de (on adverfaire.
Lorsqu'ils le battoient à outrance, ils
en vouloient fur-tout à la tête & au
•vifage. L'un des Athlètes venoit-jl de
toute l'impétuofité & de toute la roideur
de fon corps fè lancer contre l'autre
pour le frapper, il y avoit une adreflè
merveilleufe à efquiver le coup, en fè
détournant légèrement ; ce qui faifoit
tomber l'Athlète imprudent par terre,
& lui enlevoit la victoire. Quelqu'acharnés
qu'ils fuffent, l'épuifement où
les jettoit une trop longue réfiftance ,
les obligeoit à faire de petites trêves.
Ils fùfpendoient donc le pugilat de
concert pour quelques momens, qu'ils
employoient à fè remettre de leurs fatigues
, & à effuyer la fueur & le fang
dont ils étoient couverts ; après quoi ils

îxvj HISTOIRE
tevenoient à la charge, & continuoienc
à fe battre, jufqu'à ce que l'un des deux
laiflant tomber (es bras de rbibleflê
& de défaillance, fît connoître qu'il
fuccomboit à la douleur ou à l'extrême
laflitude, & qu'il cédoit la palme à Ton
concurrent.
Un des plus rudes & des plus périlleux
combats gymniques , étoit apurement
le pugilat ; puifque outre le danger d'y
être eftropiés, ks Athlètes y couraient
rifque de la vie. On les voyoit quelquefois
tomber morts ou mourants fur l'aréne
: cela étoit rare pourtant, & n'arrivoit
que lorfque le vaincu s'opiniâtroic
trop long-tems à ne pas avouer fa défaite.
Mais d'ordinaire ils fortoient du
combat tellement défigurés , qu'ils en
étoient prefque méconnoiflables ; remportant
de triftes marques de leur vigoureufe
rentrance, telles que des boMès ÔC
des contufions énormes, un œil hors de
la tête ,les dents & les mâchoires brifëesj
où quelqu'autre fracture encore plus
considérable; ce qui faifoit qu'on eftimoit
peu cet exercice.
Le Pancrace , ainfi appelle de deux
mots grecs , lefquels marquent que pour
y réuflir, toute la force du corps eft nécefïàire,
étoit compofé de la lutte & du
pugilat réunis ; le Pancrace empruntant

DES JEUX OLYMPIQUES, xvij
de l'une les fecouffes &les con tordons,
& apprenant de l'autre l'art de porter
des coups avec fuccès, & celui de les
éviter. Dans la lutte il n'étoit pas permis
de jouer des poings , ni dans le pugilat
de fè colleter : dans le pancrace au
contraire fi l'on avoit droit d'employer
toutes les fècouflès & toutes les rufes pratiquées
dans la lutte, on pouvoit encore
y ajouter pour vaincre, le fecours des
poings & des pies , même des dents
& aies ongles ; Se l'on fent que ce
combat n'étoit ni moins dangereux ni
moins terrible que les deux autres. Arriebion
ou Arrachion, Pancratiafte aux
Jeux Olympiques , fe fentant prêt à être
iùfFoqué par fon adverlâire, qui l'a voie
fai/î à la gorge, mais dont il avoit attrapé
le pie, lui caflà un des orteils,
& par l'extrême douleur qu'il lui fit,
l'obligea à demander quartier. Dans
cet inftant même Arrichion expira :
les Agonothetes le couronnèrent, & on
le proclama vainqueur , tout mort
qu'il étoir. Philoftrate fait la defeription
d'un tableau qui repréfentoit ce
combat.
Le quatrième & le cinquième jours
étoient occupés par les courfes de
chevaux & de chariots.
La courfe des chevaux montés par

tviij H I S T O I R E
des Cavaliers , confiftoit à parcourir
l'hippodrome, faire le tour de la borne
& revenir à la barrière une ou plusieurs
fois. Souvent le Cavalier menoic en
main un fécond cheval, fur lequel après
un certain nombre de tours il fautok
habilement en paflant de l'un à l'autre.
Chez les Romains on appelloit ces chevaux
Defultorii & les Cavaliers De fuitores.
Il ralloit pour cela une adrefle
fingulière dans un tems où l'on montoit
les chevaux fans {elle & fans étriers. Il
fè trouvoit de ces Defultores dans les
armées qui fautoient d'un cheval fur
un autre, quand la néceffité le demandoit
: c'étoient ordinairement des Numides.
Il y eut pendant quelques Olympiades
une courfe nommée Calpé : le Cavalier
courait avec deux juments, donc
il montoit l'une, & menoit l'autre en
main ; fur la fin de la courfe il fe jettoit
à terre > prenoit les juments par leurs
mors & achevoit ainfi la carrière.
De tous les combats en ufage dans
les Jeux des anciens , le plus renommé
Se le plus noble, celui par conféquent
qui faifoit plus d'honneur, étoit
la Courfe des chariots ; ce qui venoit
de la coutume confiante des Princes >
des Héros , de s'en fèrvir à la guerre.
Cette coutume fuppofée ,on fent combien

DES JEUX OLYXMPIQUES. lxix
H importoic d'avoir des Ecuyers habiles,
puifque de cette habileté principalement,
dépendoit la victoire. Audi, comme on
le voit dans Homère , ce foin ne fe
confient-il qu'à des perfonnes de la
première considération ; & de là naik
foit une émulation louable d'y exceller
, & une forte de néceffité de s'y
exercer beaucoup pour y réuflir. Les
autres exercices étoient popres ou aux
{impies foldats , comme la lutte , là
courfe à pic; ou aux Mm pies Cavaliers,
comme la courfe à cheval ; au-lieu que
l'ufage des chariots dans les batailles
Ait toujours réfervé aux Princes , aux
Généraux d'armées ; & la nobleflè des
perfonnes qui s'en fervoient, ennoblit,
àinfi qu'il arrive ordinairement, un exercice
qui leur étoit particulier.
Les chars fe faifoient en forme de
coquille, montée fur deux roues, & s'ornoient
plus ou moins félon la qualité
& l'opulence de ces Perfonnes. Homère
dit que Diomede difputa le prix aux
funérailles de Patrocle fur un char tout
brillant d'or & d'étain. On les atteloit
de deux ou de quatre chevaux rangés
de front, quelquefois de deux ou de
quatre mules $ mais alors le char étoic
plus petit.
A un certain fignal Us partoient tout

Ixx H I S T O I R E
de la barrière, où , comme nous l'avons
dit, ils avoient tiré leurs places
au fort, ce qui n'étoit pas indifférent
pour la victoire > parce que celui qui
avoir la gauche étoit plus près de la
borne que ceux qui tenoient la droite,
& qui par une fuite néceflàire décrivoient
un plus grand cercle. Dans la
courfe (impie on ne raifoic qu'une fois
le tour de l'Hippodrome, fouvent on
le faifôit douze fois > & le char qui
achevoit plutôt le douzième tour étoit
le vainqueur. Le grand art confiftoit à
prendre le point précis pour doublet
promptement Se furement la borne :
car fi le conducteur du char s'en approchent
trop , il courait rifque de s'y
brifer , & s'il s'en éloignoit trop auffi ,
le conducteur du char le plus voifin
pouvoir le couper & gagner le devant.
Il ne faut pas croire cependant que dans
la fuite die la courfe, les combattans
gardaflènt toujours le rang dans lequel
ils partoient ; ce rang changeoit fouvent
plusieurs fois dans un aflêz court intervalle
, & ces viciflîtudes faifoient le
plus grand plaifir des fpectateurs. Voici
jy^ les avis de Neftor à fbn fils Antilo-
*• >}•" que , qui alloit difpucer le prix des
chars attelés de deux chevaux. « Fais*
:« mon 61s, lui dit-il , approcher tes

DES JEUX OLYMPIQUES. IXXJ
» chevaux de la borne le plus près
» qu'il te fera pofïîble. Pour cet effet
» toujours penché fur ton char, gagne
» la gauche de tes rivaux, & animant
» ton cheval, qui eft hors de la main ,
» lâche-lui les rênes, pendant que le
» cheval, qui eft fous la main , doublera
» la borne de fi près qu'il femblera
" que le moyeu de la roue l'aura rafee:
» mais prend bien garde de ne pas don-
» ner dans la pierre, de peur de bleflèr
» tes chevaux & de mettre ton char
» en pièces. «
Enfin la proclamation des Vainqueurs,
qui n'étoit qu'une répétition générale de
ce que l'on avoit fait à la fuite de chaque
combat , & leurs facriiices particuliers
terminoient le cinquième jour ; car la
célébration de ces fêtes qui avoit commencé
par des vœux adrefles aux immortels,
jînifloit par les actions de grâces
des Athlètes victorieux. Cet ordre des
Jeux efluya fans doute quelques variations
de temsen tems, mais peu considérables
; & il eft à préfumer que la
lecture des ouvrages d'eïprit, & la mufique
fe méloient à ces exercices pendant
les cinq jours, comme des intermèdes
auffi agréables qu'utiles
-Le prix de tant de foin, de travaux,
de, dépenfes., n'étoù dans l'inftttutio»

lxxij H I S T O I R E
qu'une couronne d'olivier fauvage avec
une fimple palme, c'eft-à-dire, l'unique
gloire d'avoir vaincu. La politique
gréque voulut faire entendre par
là que l'honneur feul en devoit être
le but, & non un bas & vil intérêt ;
elle voulut accoutumer {es peuples à ne
chercher pour récompenfè de la vertu
que la vertu même. Eh ! de quoi en
effet n'auroient pas été capables des
hommes qui fe feraient habitués à n'agir
que par ce principe ? C'eft auffi ce
qui caufa l'étonnement de Tigrane l'un
des principaux chefs de l'armée de Xerxés
, lorfqu'entendant raconter ce qui
raifoit le prix de ces Jeux, il s'écria en
s'adrefiànt à Mardonius qui commandoit
l'armée : Ciel ! avec quels hommes
nous aile?-vous mettre aux mains? infëniîbles
à l'intérêt, ils ne combattent que
pour la gloire. Exclamation pleine de
ièns Se de fageflè , qui fut regardée
par l'orgueilleux Xerxés comme l'effet
d'une honteufè lâcheté. Ces couronnes
fe plaçoient d'abord fur des crépies d'airain
, & les palmes dans des urnes de
même métail, en un endroit diftingué
de la Lice & à la vue des combattans
& des fpedtateurs. L'ufage de les expofer
fur des tables magnifiques s'introduisit
enfuite : la tabte d'Iphiws étoit ornée
de

DES JEUX OLYMPIQUES, fccxiiî
de bas reliefs faics par Colotés élève de
Phidias, & du même tems que la ftatue
de Jupiter.
Toutes grandes , toutes magnifiques ,
toutes fortes que font les expreflions
figurées de Pindare pour repréfènter la
gloire dont fè couvroient les Vainqueurs,
elles ne font ni outrées ni hyperboliques,
& ne font que retracer foibiement, fi
je l'ofe dire, la haute idée que les Grecs
en avoient. Ce peuple éclairé.ne concevoit
rien de comparable, il ne croyoic
pas qu'il fût permis à un mortel de
porter fes defirs plus loin ; & cette opinion
fubfiftoit encore du tems de Ciceron
& d'Horace. Ciceron nous allure que
la viéfcoire que l'on remportoit aux Jeux
Olympiques, étoit pour les Grecs , ce
que l'ancien Confulat dans toute la
fplendeur de fon origine, étoit pour
les Romains. En un antre endroit il
avance , que vaincre à Olympie c'étoit
dans leur point de vue quelque choie
de plus grand & de plus glorieux que
de recevoir à Rome les honneurs du
Triomphe ; & Horace ne croit pas trop
hasarder en difant que cette vi&oire
élevoit les Athlètes au deflus de la condition
humaine: ce ne font plus des hommes
, ce font des Dieux maîtres de là
terre. Audi les honneurs qu'on leur rendoit
étoient-ils proportionnés à cette idée.
' a

kxiv H I S T O I R E
Les applaudiflèmens des fpeâateurs
faifoient en quelque façon le prélude du
triomphe. L'un des Directeurs mettoit
auffi-tôt la couronne fur la tête de l'Athlète
: cette couronne étoit toujours accompagnée
d'une palme qu'il portoit
de la main droite ; ufage pris vraifemblablement
* de la propriété qu'a le palmier
de fe redreflèr avec d'autant plus
de force qu'on fait plus d'effort pour
le courber ; & la palme en ces rencontres
devenoit le fymbole naturel de la
vigueur & de la réfiftance qui avoient
mérité le prix au Vainqueur. Comme il
pouvoir remporter plus d'une victoire
dans les mêmes Jeux, Se quelquefois
dans le même jour, il y recevoir auffi
plus d'une couronne & plus d'une palme.
Etant couronné & revêtu d'une robe à
fleurs, un Héraut précédé d'an trompette,
le conduifbit dans le ftade, & proclamoit
à haute voix le nom & le pays de celui
qu ? il faifoit paUèr comme en revuedevant
œ peuple, qui redoubloit (es acclamations
en faifânt retentir l'air de louanges,
en lui jettant des fleurs , en lui marquant
par de petits préfens , la part
qu'il prerioit à la victoire, & le plaifîr
qu'avoir caufe le fpectacle de fon corn*
bat. Un des principaux foins ^tes -Directeurs
.j t comme je l'ai déjà obfèrvé,
• * Plutarque*

DES JEUX OLYMPIQUES, lxxv
étoit d'infcrire fur le régiftre public le
nom & le pays de ces Athlètes, l'efpéce
de combat, dont chacun avoir remporté
le prix; & de la préférence qu'on donnoit
à la courfe des chariots fur tous les
autres exercices, vint fans doute la coutume
des Hiftoriens, qui datent par
Olympiades, de déûgner chaque époque
par le nom & la patrie de l'Athlète
Vainqueur à cette courfè.
Lorfque l'Athlète retournoit dans f»
patrie , (es parens & fes amis lui formoient
un cortège nombreux ; & à fon
arrivée , fes Concitoyens fortoient au
devant de lui pour le recevoir. Monté
fur un char à quatre chevaux, & décoré
des marques de fa victoire , il entrait
dans la ville , non par la porte, mais
par une brèche que l'on faifoit exprès
à la muraille. On portoit des flambeaux
devant fon char , & un cortège plus
nombreux 8c plus magnifique encore
que celui qui l'avoit accompagné dans
le voyage , honorait cette pompe.
La cérémonie du Triomphe Athlétique
finiflbit ordinairement par quelque
feftinj ou que le Peuple donnoit
à fes dépens au Vainqueur & à {es parens
& amis, ou que l'Athlète donnoit à (es
frais; & alors il régaloit non feulement
lès parens &c fes amis , mais fouvent
une partie des fpeftatcurs. Quand le
Ôij

lxxvj H I S T O I R E
Peuple en faifoit la dépenfe, les Athlètes
étoient traités dans les Prytanées ••
celui d'Olympie placé dans le bois facré
de Jupiter auprès du Gymnafe , avoit
une falle pour les feftins publics. Quand
les Athlètes la faifoient, ils choifirtbient
des lieux proportionnés à la multitude
des conviés. Alcibiade , après s'être acquité
des (àcrifices dûs à Jupiter Olympien
( car c'étoit toujours le premier
Coin du Vainqueur ) traita toute l'afTèmblée.
Leophron en ufa de même , au
raport d'Athenée, qui ajoute qu'Empedocle
d'Agrigente , Pithagoricien , ne
pouvant régaler le peuple ni en viande
ni en poifton , Ht faire un bœuf avec
une pâte compofée de myrrhe, d'encens
& de toutes fortes d'aromates , 8c le
diftribua par morceaux à ceux qui fè
préfentèrent.
Au nombre des plus honorables privilèges
attribués aux Athlètes Vainqueurs
, on comptoit le droit de préfèancé
dans les Jeux publics. A Sparte le
Roi les prenoit ordinairement pour combatre
auprès de fa perfonne, ce que l'on
réputoit un grand honneur. Un autre
rivilége, où l'utile fe trouvoit joint à
f
honorable , étoit celui d'être nourris
le refte de leurs jours dans le Prytanée
aux dépens de la Patrie. Afin que cette
dépenfe ne devînt point trop onéreufe

DES JEUX OLYMPIQUES, lxxvi;
à l'Etat, Solon réduifit à 500 dragmes
* la penfion d'un Athlète couronné
aux Jeux Olympiques ; & le Vainqueur 8C
la Patrie regardoient moins cette penfion
comme un fecours accordé à l'indigence,
que comme une marque de diftinéfcion
donnée à la vertu. Par un troifiéme privilège
les Vainqueurs étoient exemts de toutes
charges & de toutes fonctions civiles.
L'éloge de ces victoires fburniflbic
aux Grecs un des principaux fujets de
leur poëfie lyrique ; & comme la gloire
du Vainqueur n'étoit point une gloire
qui loi fut uniquement propre, qu'elle
appartenoit à là famille & fur-tout à fa
Pacrie.les Poètes pour relever leur matière,
y fai (oient entrer les belles actions des
aïeux de l'Athlète, de fon père, de (es
frères, de fes fils ; ils y amenoient les
Dieux, les Héros, les Princes fondateurs
des Villes, ou auteurs de fa race.
Ce n'eft pas au refte que ces Panégyriftes
n'euflènt quelquefois recours à cet artifice
par difctte ^ caufe de l'obfcurité du
perfonnage, incapable d'infpirer par fon
feul mérite, tout l'anthoufiafme dont ils
avoient befoin. On raconte à ce propos
qu'un nommé Scopas , Vainqueur
au pugilat , ayant fait ^narché avec
Simonide pour un poëme fur cette victoire,
le Poète félon la coutume , après
* Ce qui revient à zjo UT
ô iij

txxsnij H t s t Q> I R E
avoir exalté de (on mieux l'Athlète,
s'engagea dans une longue digreflîon
fur les louanges de Caftor & de Pollux.
Scopas content en apparence de la pièce
de Simonide, ne lui paya cependant que
le tiers de la fomme convenue , le renvoyant
pour le furplus aux Tyndaride»
qu'il avoit fi magnifiquement célébrés. Il
en fut bien payé en effet, s'ilfàut en croire
l'hiftoire ; car dans le feftin que donna
l'Athlète, comme on étoit à table, un
efclave vint avertir Simonide que deux
hommes couverts de ponffière & tout
trempés de fueur, le demandoient à la
porte avec emprefïèment. A peine avoit-it
mis le pié hors de la faite pour les aller
trouver, que le plancher tombant tout
à coup, accabla de fes ruines Scopas
& les conviés.
La fculpture fe réunifiait à la poèfie
pour étemifer ces triomphes. On
érigeoit des ftatuës aux Vainqueurs
dans le lieu même où ils avoient été
couronnés, quelquefbisfuflï dans celui
de leur nauîance; & la Patrie faifoit
toujours la dépenfè d'un monument
dont elle partageoit la gloire. L'Altis
étoit rempli d'une quantité prodigieufe
de ftatuës de Dieux, de Héros, fur-tout
d'Athlètes*. On y voyoit aufïî un grand
nombre d'autels, de trophées, de figures
d'animaux. Sur l'énumération de

DES JEWX OLYMPIQUES, lxxix
Paufanias, M. l'Abbé Gedoyn dit qu'il
en a compté jusqu'à cinq cens, & que
las de compter il abandonna l'entreprife*.
Les jardins de Verfailles qui font im-
Wienfes, ( c'eft fa réflexion ) n'ont pas cent
ftatuës: que l'on juge donc de la beauté
êc de la magnificence du bois facré
d'Olympie! A chaque pas que l'on y
faifoic , continue M: l'Abbé Gedoyn ,
en comparant une ftatue avec une autre,
on diftinguoit les différentes écoles, Se
on apprenoit l'hiftoire de l'art même.
Son enfance fe montrait dans les ouvrages
des élèves de Dipœne & de Scyllis ;
fou progrès dans les ouvrages de Calamis
, de Canochus , de Myron ; fa perfection
dans ceux de Phidias 5 d'Alcamene
, d'Onatas, de Scopas, de Praxiteles,
de Polyclete , de Lyfîppe , de
Pythagore de Rhegium ; & enfin fa
décadence dans les monumens des tems
poftérieurs.
Les premiers Athlètes aufquels on déféra
l'honneur de la ftatue à Olympie,
font Praxidamas d'Egine, qui remporta
le prix du pugilat en ia cinquanteneuvième
Olympiade j&Rhexibus d'Opunte
qui en la foixante-uniéme fut
couronné au pancrace. Leurs ftatuës
n'étoient pas loin de la colonne d'Oënomaiis
: celle de Praxidamas faite de
* Recherches furies Cburfes, Sec. #
ô iv

anc H I S T O I R E
bois de figuier, celle de Rhexibus de
bob de cyprès. L'ufage de les faire de bois
dura encore quelque tems ; dans la fuite
on les fît de bronze, jamais plus grandes
que le naturel, ordinairement dans
la même attitude, & avec le même gefte
qu'avoient les Athlètes en combattant.
On les accompagnoit d'infcriprions fuffifantes
pour inftrnire de tout ce qui
concernoit le nom, le pays, le genre
d'exercice, le «ems de la victoire de ceux
qu'elles repréfentoient. Parmi ces ftatuê's
la plus éminente étoit celle de Polydamas
faite par Lyfippe, & placée fur un grand
piedeftal. Autour du Temple de Jupiter
, il s'en trouvoit plusieurs de jeunes
enfans , qui avoient remporté le prix ,
âgés feulement de dix à douze ans j
entr'autres la ftatue de Damifqtte, Vainqueur
à la courte ; celles d Anauchidas
Se de Pherenique, Vainqueurs à la lutte
; celles de Clierée, d'Agametor, 8c
à. Athénée , Vainqueurs au pugilat. So-~
lin parle d'un jeune Chevrier de Milet,
qui ayant attrapé un lièvre à la courfe,
fut peu de tems après produit par fon
maître aux Jeux Olympiques , où il
fut couronné & eut une ftatue *.
Ce n'étoit pas toujours aux fêuls Vainqueurs
que l'on élevoit de ces monumens;
on en érigea quelquefois aux chevaux, à
* En la 4« e Olympiade.

DES JEUX OLYMPIQUES, lxxxj
la viteflê defquels ils étoient redevables de
la couronne Agoniftique ; & Paufanias
attefte que cela fe^fit pour une cavale
nommée Aura. Phidolas , qui la montoit,
étant tombé au commencement de
la courfe, fa cavale continua de courir
comme fi elle avoit été conduite.
Elle paflà toutes les autres ; redoubla
de viteflè & d'ardeur au bruit des trompettes
qui fe faifoient entendre , fur-tout
vers la fin de la carrière, pour animer les
combattans ; fit le tour de la borne, revint
à la barrière, & comme fi elle eût connu
qu'elleremportoit la victoire, alla fe préfenter
devant les Directeurs des Jeux. Les
Eléens déclarèrent Phidolas Vainqueur,
& lui permirent d'ériger un monument
pour lui-même & pour fa cavale, qui
î'avoit fi bien fervi. Ce fait fingulier ne
tient point tant du prodige que l'ont
cru les Anciens : un cheval, qui a la
bride fur le col & qui ne porte point,
de cavalier , eft bien plus vite que celui
qui eft monté" 6c conduit; fes mouvemens
font moins gênés : s'il a de
l'ardeur, il veut toujours devancer les
chevaux qui courent avec lui, & étant
plus libre il les devance plus aifémenr.
Un cheval drefie aux courtes de l'Hippodrome
, pouvoir donc tout naturellement
fournir la carrière , s'animer au
fon des inftrumens, doubler la borne ,

Ixxxij H I S T O I R E
& s'acrêter à l'endroit marqué où étoient
les Agonothétes. La Cavale de Phidolas
s'y {èroit fans doute arrêtée de même ,
quand elle n'auroit pas remporté la
victoire.
La paffion des Grecs pour ces Jeux
alloit jufqu'à l'excès. Les Héros , les
Rois les plus puiflants, les Capitaines
les plus fameux, bien loin de dédaigner
d'y paroître, en recherchèrent avec empreflèment
les occafîons. Sans parler des
anciens Héros de la Grèce, de Pelops , de
Caftor & Pollux, d'Hercule, de Thefée
&c l'on y vit Hiéron, Philippe, Alcibiade
: mais contre la coutume des premiers
j qui combattoient ou conduifoient
eux-mêmes leurs chevaux & leurs chars ,
ces derniers crurent qu'ils pouvoienc
s'en difpenfer ; qu'il leur fuffifoit d'être
préfens au fpeftacle, qu'il fuffifoit même
cPy envoyer les chevaux &c les chars deftinés
à entrer en lice. En l'un & l'autre
cas on infcrivoit leurs noms ; c'étoit
pourtant les chevaux & l'Ecuyer qui
méritoient la couronne.
Philippe venoit de prendre la ville
de Potidée , lorfqu'il lui arriva dans le
même inftanr trois courriers ; le premier
lui apprit que Parmenion, fon Lieutenant,
avoir défait les lllyriens dans une
grande bataille ; le fécond que (es chevaux
avoient remporté aux Jeux Olym-

DES JEUX OLYMPIQUES. Ixxxiij
piques le prix de lacourfè;le troifiéme
que la Reine étoit accouchée d'un fils ;
8c Plutarque fêmble infirmer que Philippe
fut également fênfible à ces trois nouvelles.
Hieron, Roi de Syracufê, envoya à
.Olympie des chevaux pour y difputer
le prix , &c leur fit dreiièr un pavillon
fuperbe : il y renvoya encore d'autres
fois ; mais c'eft en cette rencontre que
Themiftocle voulut perfuader aux Grecs
d'enlever ce pavillon du Tyran , &
d'empêcher fes chevaux d'entrer en lice
avec les autres : fa raifon étoit le refus
de ce Roi de les fecourir contre l'ennemi
commun. On n*eut pas d'égard apparemment
à la remontrance de Themiftocle,
puifque Hieron remporta lé prix de la
courfe équefhe, & que Pindare célèbre
cette victoire dans fa première Ode
Olympique.
Perfonne n'a jamais porté fî loin
qu'Alcibiade l'ambition de briller dans
ces fpectacles, où il fe diftingua d'une
manière éclatante par la quantité de
chevaux qu'il nourriflbit pour les courfes
, & par le grand nombre de fes
chars ; car il n'y a jamais eu de Prince
, ni de Roi , qui ait envoyé, comme
lui, fept chars en même tems aux Jeux
Olympiques. Il remporta le premier ,
le fécond & le troinéme prix , honneur
que perfonne jufques-là n'avoit

lxxxiv H I S T O I R E
encore eu ; & qu'Euripide célébra par
une Ode dont Plutarque nous a confervé
quelques fiagmens. Ce Vainqueur, après
avoir fait des facrifices à Jupicer, donna
, ainfi que je l'ai déjà dit, un repas
fbmptueux à cette multitude innombrable
de «peuples , qui avoienc
aflîûé aux Jeux. On auroit de la peine
à comprendre comment un particulier
pouvoit fournir à cette prodigieufè
dépenfe *, fi Antblftbene, difciple de
Socrate , qui rend témoignage de ce
qu'il a vu, ne nous apprenoit pas que
plufieurs villes des Alliés contribuoient
entr'elles, comme Cervantes d^Alcibiade,
* Nous avons_ un
exemple , pour ainfidire
domeftique, d'une
plus grande magifîcençe
encore, qu'il doit
être permis d'oppofèr
a la magnificence gréque.
Armme, Gaulois
afiatique, étoit fi riche,
& en même tems fi
libéral, qu'il promit
a. tous ceux de fa nation
, établis dans la
Galatie, de les traiter
pendant un an ; ce qu'il
exécuta , dit Athénée,
arec un ordre fi furprenant,
qu'on ne s"apperçut
jamais d'aucun embarras
, quoique les
Peuples du voilinage y
vinflènt en foule.. Il
avoir divifé fa contrée
en plufieurs quartiers,
& avoit fait conftruire
le long des grands chemins
un nombre fi confidérable
de logis ou de
tentes, que de quelque
côté que l'on arrivât,
rien ne manquoit à la
bonne chère. Cette fête
fut accompagnée de
tous les jeux qui pouvoient
la rendre agréable
; & la Religion ,
quoiqu'on ne parlât
que de réjouiflances,
ne fut pas oubliée,
pui(qu*il ne fe paflbit
pas de jour fans qu'on
n'immolât toutes fortes
d'animaux.

DES JEUX OLYMPIQUES, lxxxv
pour foutenir une telle magnificence,
non feulement dans les Jeux Olympiques
, mais dans Tes expéditions de
guerre & fès voyages. Ephefe lui fourniflbit
les tentes , aufïi magnifiques que
celles des Perfes ; Chio nourriflbit Ces
chevaux; Cyzique donnoit les victimes
& la viande pour fa table ; Lefbos le
vin avec toutes les autres chofes néceffàires
à l'entretien de fa maifon.
Le relâchement introduit dans les
courfès de chevaux & de chars, s'étendit
infenfiblement aux autres exercices.
Ces combats fi illuftres par leurs
auteurs & fi utiles par le but qu'ils s'y
' propofoient, donnèrent lieu aux Maîtres
qui les pratiquoient avec plus de fuccès
& qui les enfèignoient à la jeuneflè,
d'en raire montre & oftentation, de
s'y livrer entièrement, d'y joindre des
raffinemens de l'art , de faire aflàut les
uns contre les autres par une vaine
émulation ; ce qui dégénéra en une
profeffion de gens qui, (ans avoir d'autre
occupation ni d'autre mérite , (e
donnoient en fpedaele, & cherchoient
à divertir le public.
Lucien nous en repréfènte fort agréablement
le ridicule & l'excès y dans le
dialogue où le Scythe Anacharfis parle
de la forte à Solon :

Ixxxvj H I S T O I R E
•» fort en colère, de fe donner le croc
» en jambe ,&c de fe rouler dans la
» boue comme des pourceaux , en
» tâchant de s'empêcher la refpiration
« & de fe fuffoquer j 1 Ils s'builoient 8c
n fe rafoient l'un l'autre d'abord allez
•> paifiblement) mais tout à coup baif-
» fant la tête, ils fe font entre-choqués
•»> comme des béliers ; puis l'un élevant
» en l'air fon compagnon , le lamé
» tomber à terre par une fecouflê vio-
M lente, & fe jettant fur lui l'empêche
n de fe relever , lui preflè la gorge
» avec le coude, & le ferre avec les
» jambes, de forte que j'ai peur qu'il
« ne l'étouffé, quoique celui-ci fe recon-
•> noiffànt vaincu, lui frappe fur l'épaule
« pour le prier de le lâcher. Il me femble
» qu'ils ne dévoient pas s'enduire ainfi
» de boue, après s'être huilés ; & ils
« me font rire quand je vois qu'ils s'é-
« chapent des mains de leurs adverfaires,
» femblables à des anguilles que l'on
•» preflè. En voici qui font la même
« chofèjfinon qu'avant que d'en venir
» au combat^ ceft dans le fable qu'ils
n fe roulent , comme des poules, afin
« que leurs mains ayent plus de prifê
» & ne coulent pas fur l'huile & fur la
» fucur. Ces autres couverts auflî de
»» pouflière, s'entre-battent à coups de
•> pies & de poings, fans eflàyer de fè

DES JEUX OLYMPIQUES. Ixxxvij
» renverfer ainfi que les premiers. L'un
» crache Tes dents avec le fable d'un
» coup qu'il a reçu dans la mâchoire,
» & cet Homme vêtu de pourpre, le-
» quel-, à ce que j'imagine, préfideà
» ces exercices, ne Ce met pas en peine
» de les féparer ; au contraire il loue
•• celui qui a fait le coup & excite l'au-
» tre à la vengeance. En voilà qui font
» voler la pouffière, fautant en l'air,
» comme ceux qui difputent le prix de
» la courfe , cependant ils ne bougent
» d'une place. Je voudrois bien fçavoir
» à quoi fervent toutes ces choies, & s'il
» n'y a pas de la fureur ou du moins
» de l'extravagance à les pratiquer?
Le profond & ingénieux politique moderne
déjà cité, obferve * « que du tems
v de Platon ces institutions étoient ent»
core admirables. Elles iè rapportoient,
« dit-il, à un grand objet qui étoit l'arc
» militaire ; mais lorfque les Grecs n'eu-
» rent plus de vertu, ces institutions
» détruifirent l'art militaire même. On
» ne defcendit plus fur l'arène pour fe
«» former, mais pour fè corrompre.
»» Plutarque raconte , que de fon tems
*» les Romains penfbient que ces jeux
» avoient été la principale caufe de la
•»» fervitude où étoient tornbés les Grecs.:
» c'étoit au contraire, reprend judicieu-
* De rtfprit des Loix, IîY. 8. ch.ii.

ïxxxviij H I S T O I R E , &C,
» fement notre Politique, la fervitudc
« des Grecs qui -avoit corrompu ces
» exercices. Du tems de Plutarque l'e-
» xercice de la lutte rendoit les jeunes
« gens lâches, les portoit à un amour
»» infâme, & n'en faiioit que des bala-
M dins. Du tems d'Epaminondas le
•» combat de la lutte faifok gagner aux
.'» Thebains la bataille de Leuâres. »
La ceflation entière des Jeux Olympiques
arriva la deux-eent-uniéme Olympiade
à compter de celle de Corœbus,
l'an du monde 3977 ; de la fondation de
Rome 78 3 , & de notre Ere le 28 e . Cette
Olympiade fe trouve infcrite du nom
d'Hermogéne de Pergame j qui fut fans
doute le dernier Vainqueur à la côurfè
des chars. Rome qui jufques-là s'étoit
contentée d'étonner & de vaincre l'Univers
, vaincue à fon tour par le luxe de
la Grèce fubjuguée *, voulut plaire &
avoir Ces fpe&acles, {es cirques, (es amphithéâtres.
Tous les yeux fe tournèrent
de ce côté ; les Peuples y accoururent en
foule pour faire leur cour aux Empereurs,
& déferrèrent infenfiblement les ftades
d'Olympie, de Delphes , d'Athènes, de
Corinthe , dont la mode étoit paflee.
* Grsccia capta ferum viâorem cepit , &fc
Horat.
Fin de l'Hîftoire des Jeux Olympiques.

LES
OLYMPIQUES
DE
P IND A RE.

ARGUMENT.
CETTE Ode , en l'honneur d'Hieron,
commence par l'éloge des Jeux
Olympiques 3 que le Poète compare à
l'eau entre les élémentr, à l'or entre les
richejfes , aufoleil entre les ajlres , &c.
c'ejï-à-dire à ce qu'il y a de meilleur,
de plus précieux , déplus éclatant. Il
pajfe enfuite à fon Héros , qu'il loue à
caufe de fa jujlice , defafagejfe , de fon
amour pour les Arts ; & s'excitant par
lefouvenir de Pife oàfe donnoient ces
combats,& de l'ardeur qu'y a montré le
theval d'Hieron , il raconte PHifhire
%de Tantale & de Pelops , ce dernier
étant regardé comme l'injlituteur ou le
rejlaurateur des Jeux Olympiques.De là
il revient à Hieron , auquel il exalte la
félicité qui fuit ces fortes de victoires ;
il lui en promet de nouvelles ; & conclut
en faifant fentir à ce Prince que les
Rois font au comble de la grandeur , Sr
qu'il ne doit defirer que de paffer des
.jours tranquilles dans ce rang fuprême
fans porter fon ambition plus loin.

LES
OLYMPIQUES
DE PINDARE.
ODE PREMIERE.
jiHiERON(à), Roi DE SYRACUSE,
Vainqueur à la ceurfedu Cheval feul (b).
L î. plus excellent des élémens eft
l'eau (c) fans doute ; & tel qu'un
feu étincellant dans l'ombre de
la nuit, l'or éclate entre les richeffes
ûiperbes : Mais , ô mon efprit ! fi
tu veux chanter des Combats, nç
va point en plein jour chercher dans
le ciel defert, d'aftre auffi lumineux
que le foleil ; nous n'en célébrerons
point de JJIUS fameux (J) que les
combats d Olympie (e) ,oh les fages
(/) viennent puifer le fujet de leurs
hymnes?pour louer le fils de Saturne,
Aij

% LES OLYMPIQUES ;
& s'ouvrir l'entrée des palais forta-,
nés d'Hieron.
Ce Prince gouverne avec un
fceptre équitable (g) la féconde Sicile
, en cueillant la fleur de toutes
les vertus ; il excelle jufques dans ces
airs mélodieux, tels que nous les
chantons autour de fa table ( h )
amie. Si la magnificence de Pife,&
l'ardeur de Phérênice (i) t'ont livré
aux plus doux tranfports , lorfque
ce courfier généreux s'élançoit fur les
bords de l'Alphée , & portoit fon
maître aux pieds de la viftoire , en
montrant des flancs qui n'avoient
pas été preffés de l'éperon ; prends
ta lyre 8c la monte fur le mode
dorien.
La gloire du Roi de Syracufe (&),'
qui fe plaît à nourrir des chevaux
(t) , conferve tout fon éclat au milieu
de la colonie de Pelops Lydien,
renomée par fes combatans : Pelops
m) , que le Dieu puiffant, dont les
î
otsembraffent la terre , aima éper-
dument, après que Clôtho l'eut retiré
de la chaudière fatale,& qu'il reparut

ODE PREMIERE;' "Jf
avec une épaule d'yvoire. (ra) Il eu
affurément beaucoup de chofes merveilleufes
; mais les fables , même
femées de menfonges , s'emparent
avec plus d'empire que la vérité de
l'efprit des mortels.
Les charmes de la Poè'fîe , eh leiff
donnant de l'autorité , ont fouvent
l'art de rendre croyable ce qui ne
l'eft pas : les jours qui fui vent cependant
font d'irréprochables témoins.
Il convient à l'homme de ne fuppoK
fer dans les puiffances célefles que
des paflions louables ; la. faute eft
moins grande. Fils de Tantale ! je
parlerai de vous autrement que les
Poètes qui m'ont précédé , en difant
que votre père invita les Dieux dans
fa chère Sipyle à un feftin qu'il leur
rendoit , pour tous ceux qu'il en
avoit reçus.
Neptune alors cédant à fes defirs ,
vous enleva fur, de belles jumens
dans les palais du Ciel, dont le culte
s'étend paf-tout. Ganymede venoit
d'y être tranfporté , (o) pour remplir
les mêmes devoirs auprès de Jupiter.
Aiij

tf LES OLYMPIQUES ;
Dès que vous cefTates de paroître 7
& que les hommes chargés du foin
de vous chercher , ne vous ramenèrent
point à votre mèrt , des voifins
envieux publièrent fourdement, que
les Dieux ayant coupé votre corps
par morceaux, & jette vos membres
fanglans dans une chaudière bouillante
, les avoient fervis fur leur
table, & en avoient mangé;
N'eft-ce pas le comble de l'abftuv
dite d'accufer d'intempérance quelqu'un
des immortels ? Je ne le ferai
point. Les médifans n'éehapent jamais
à la peine qui leur e& due. S*
les maîtres de l'Olympe ont honoré
quelque mortel, ce fut Tantale ;
mais il ne pnu foutenir longtemps
une fi haute félicité : il s'en raffafîa ,
& en reçut ia> phis grande punition.
Jupiter fufpendit un rocher énorme
fur ce fils coupable , qui fans cefle
occupé à l'écarter de {3 fête, vit
privé de toute joie.
Il paffe ainfi dans les alarmes une
vie conftamment malheureufe ; &
c'eft l'un des quatre fupplices (jï)qviïl

ODE PREMIERE. f
endure , pour avoir dérobé le neôar
& l'ambrofie r-qjas venoient idete
rendre immortel, &;e» avoir- feit
part à:ceux qu'il recévokà fa tablei
Quiconque fè flate que fes adions
feront cachées aux Dieux , s'abufe.
Us renvoyèrent Pelops parmi les
humains , expofés à une mort prom^pte,
Par venu à la. fleur de l'âge ,
îorfqu'un coton- léger ombrageoit
fbnimenton , il rouk-daas foft efprit
les noces qui lui étoient-préparées j
& comment il obti endroit du Roi de
Pxfe la fière Hippodamié.
iS'êt&m approché^ faut pendait la
nuit des rivagesde la mer blanchifferite
d*ecume,il âppella à haute voix
lé©!»! bruyant qui y préfide. Neptune
apparut awlïi-tôt * & Pelops lui
dit : Si les aimables dons de Cypris
Vous; font encore agréables , tranfp©rtea-me>i[
d&ns' Elis fiir uri char rapide
, arrêtez fefenee-d'Oënomaiis
iffif '& n*e dëime^ià 1 vi&oire for ce
Barbare ; qui après avoir fait ' périr
treiee amans (r) ^ différée toujours
les noces de fa fille.
. Uttgrand^dang*rn ,l adm.etpoiftt tine
Aiv

B LES OLYMPIQUES ,
ame lâche. Qu'entre les hommes
néceiTairement fujets. à la mort, H
r en ait, qui affis fans honneur dans
Î es ténèbres ,> fe ménagent une: vieille/Te
honteufe ; à la bonne heure !
Moi je tenterai ce combat : accordez-m'en
une heureufe iffue. Il parla
de la forte , & n'employa point ime
wière vaine.. Le Dieu plein de joie
Î
ui fit préfent d'un char tout brillant
d'or , attelé de. chevaux infatigables
à la courfe.
Pelops fe faifït donc de la lance
d'Oènomaiïs (5) , & de la belle
Hippodamie" , qui lui donna 'fix
Princes (t) vertueux, Enfeveli maintenant
aux bords de ; l'Alphée , il. a
un tombeau magnifique (a) près de
cet autel célèbre , où. les nations fe
raffemblent de toutes parts. C'eft de
là que l'on voit avec avantage la
gloire des Jeux Olympiques ., lorfque
la légèreté , la, force , l'adrefle ,
audacieufes par le péril , eombatérit
dans la carrière de Pelops. Celui qui
a vaincu, jouit le refte de fa vie de
la plus douce félicité.
Le bien qui. fe reproduit chaqne

ODE PREMIERE. 9
jour, eft le fouverain bien pour tout
mortel. Il faut que je couronne aujourd'hui
ce vainqueur félon la loi
de ces Jeux , aux fons éoliens de ma
lyre (*). De tous mes hôtes , je le
dis avec confiance, de tous ceux qui
font à préfent, je ne fçaurois en célébrer
un plus fçavant , plus jufte y
plus puiffant. O Hieron ! Un Dieu
protecteur veille fur vos entreprifes,
il en prend foin. S'il ne vous abandonne
pas , vous entendrez bientôt
lin hymne plus agréable encorejlorfque
venant près du promontoire de
Saturne, où j'ai trouvé le fujet de mes
vers, je chanterai votre char rapide.
Déjà mon efprit me prépare les
traits les plus forts. Les hommes ,
Hieron , deviennent grands en différentes
manières ; mais les Rois
font au faîte de la grandeur : ne
portez pas vos regards plus haut.
Qu'il vous fuffife de couler vos jours
dans ce rang fublime ! Pour moi recommendable
entre les Grecs par ma
fageffe * , qu'il me fuffife de paffer les * sciaw*
miens en la compagnie de fi fameux
^Vainqueurs.
A y

10
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode première.
(4 ) A Hier on, Roî de Syracufe.
HIER ON , premier du nom r fils de
Dinoménes & frère de Gelon, de Polyzèlé
& de Trafybule, fuccéda à fon frère Gelon
dans la Souveraineté de Syracufe, la troifième
année de la foixante & quinzième Olympiade ,
environ 478 ans avant notre Ere. La victoire
dont il s'agit, avoit précédé fon régne d'une
Olympiade & demie r mais l'Ode ne fut faite
yraifemblablement que plufieurs années après,
puifque Pindare lui parle comme à un Prince
couronné & régnant.
Le Grammairien Ariftophane,chargé démettre
en ordre les quatre Livres qui nous reftent des
dix-huit que Pindare avoit compofés en l'honneur
des Athlètes couronnés dans les Jeux de
la Grèce , n'eut aucun égard à la Chronologie,
& plaça cette Ode à la tête des Olympiques ,
fans doute à caufe de l'Hiftoire de Pelops,
reftaurateur de ces Jeux, ou à caufe du rang
que tenoit le Vainqueur.
(b) AU courfe du Cheval fettl.
Cette courfe, comme le défîgne le nom
Grec , eft la courfe fimple du cheval monté
par un Cavalier. Voyez pour le furplus l'Hiftoire
des Jeux Olympiques.
Paufanias nous apprend que l'Arcadien Ja.
'fius remporta le prix de cette courfe à Olympie
aux Jeux funèbres de Pelops. Ce Jaûus étoic

SûR L'ODE PREMIèRE.-'' ï i
père de la fameufe Atalante, & très cprtn^
dans l'Antiquité. Quelques Critiques penfenr,
que cette tradition & les' Aventures d'Atalanté
te de Méléagre auraient fourni à Pindare des
ôrnemens moins étrangers à la viétoire qu'il
célèbre ici, & ils s'étonnent que dans cette
occafion & les fetnbkbles ce Ppëte aie recours»
4ux aventures des'Héros qui fe font dlftinguésdans
les courtes dé chars ; mais ce que l'on.
Ceux, dire pour la, juftificatiprç de Pindare , c'e{fc
que le point d'Hiftoïre , que ptopôfênt ces critiques,n'eft
rien moins que certaincApollodore
& les autres anciens ne parlent pas delà viûoire
prétendue de Jafius.
(c) Le p/us excellent des Elément efi l*E

\t REMARQUES HISTORIQUES
(e)~Otympie, Pife , Elis, Alpine, Promontoire
de Saturne.
Noms employés pour défigner les Jeux
Olympiques.
Pife & Olympie étoient une même ville de
fElide dans le Peloponéfe , fameufe par le
Temple de Jupiter Olympien, dont la ftruétaré
admirable & la ftatue faite par Phidias ont été
mifes au nombre des Merveilles du monde. Les
Jeux fc célébroient fur le penchant d'une colline
à l'une des portes. Cette Ville s'appelle
aujourd'hui Lcng*nico, & la contrée Belvédère.
Elis étoit une autre ville , à trois lieues
d'Olyropie, où une partie des peuples, qui
afKftoient à la folemnité des Jeux , venoient'
chercher un afyle. Elle donnoit fon nom à la
contrée.
Alphée eft un fleuve du Peloponéfe, nom- ,
nié aujourd'hui' Orfe* , qui pafle dans Olympie
, coule le long de la colline où fe célébroient
les Jeux , & baigne les murs d'Elis.
Tout le monde fjait la fable d'Alphée &
d'Arethufc.
Le Promontoire de Saturne eft une de»
croupes de la colline même,où étoient le ftade,
l'hippodrome, &c.
(/) Où les Sages viennent puifer.
Sage , nom que les Grecs donnoient aux.
Poètes. Les Anciens regardoient comme maîtres
dans la morale , ceux qui avoient été effectivement
leurs 1 premiers Théologiens , leurs
premiers Philofophes ; & ils leur continuèrent
eteore ce nom, lors même que les Poètes fe

SUR. L-ODIE PREMIERE. IJ
furent dégradés par les opinions les plus monftrueufes
& les plus libres, & qu'ils ne le
méritoient plus.
Strabon répondant à Eratofthéne, qui avoit
avancé que les Poètes ne cherchoient qu'a divertir
& nullement à instruire ; nos Pères ,ditil.orrt
penfc tout le contraire : Us prétendoienr
que Tancienne Poëlïe eteit une tfféce de Philofophit,
qui dès notre enfance nous apprend S
bien vivre , & qui fous Tapât du plaifir nous
énfeignè les bonnes mœurs', & nous forme
aux partions & aux actions honnêtes. Aufll nos
Stoïciens aflurent-ils que le feul Sage ifl Poète,
C'eft pourquoi dans les Villes Gréques on
commence l'éducation dès enfans par la Poëfie
, non pour leur procurer un vain plaifir ,
mais pour leur Apprendre U fogejfe. L'on voit
même que les fimples Muficiens , qui en feignent
à chanter & à jouer de là flûte & de la
lyre T font profeflîon d'ènfeigner là vertu :
car ils Ce donnent pour réformateurs des
moeurs ; & ce ne font pas les fèuls Pythagoriciens
qui difent cela de la mofique ; Ariftoxene
leprouve,& Homère fait voir que les Chantres
étoient de bons précepteurs , quand il dit
qu'Agamemnon en avoit laiffé un auprès de
la Reine, fa femme, pour avoir foin de fa
conduite, & qu"Egifte ne triompha de cette
Princeflê qu'après avoir éloigné d'elle ce
Chantre , dont les infttuâions la foutenoient.
( g ) Avec un Sceptre équitable.
• Il s'en faut bien qu'Hieroa mérite l'éloge
qu'en fait ici Pindare , & l'on voit par là,
jufqu'à quel point on peut compter fut la,

14 REMARQUES HISTORIQUES .
fincérité des Poètes contemporains à l'égard
IL Koiim ^ es ^ Ilace ^' Un moderne" ereit

SUR L'ODE PREMIèRE. I ç
qui leur font adrefles, l'Hiftorre les dépouillera
bientôt de ces qualités poftkhies , de ces titres
impofteurs, & flétrira fur leur tête tous ces
vains lauriers.
(h) Tels que nous Us chantons autour de fa
Table.
La Poëfîe Lyrique fe ehantoit chez les Anciens
au Théâtre & dans les Aflèmblées publK
ques & particulières. Le Poëte chantait luimême
ou faifoit chanter ; mais il y avoit toujours
un Choeur de Muficiens qui exécutoh debout
& en fe promenant. Le mouvement le plus
ordinaire de ce Chœur étoit fort myftérieux, Se
•enoit de la même iuperftition qui régne aujourdtui
chez les Turcs, laquelle leur fait
imiter les révolutions descieux & des aftres en
tournoyant comme eux. Le Chœur alloit donc
dé droite à gauche, pour exprimer le conrs
journalier du Firmament d'Orient en Occident;
ce tour s'appelloit Strtpht. Il déclinoit enfuira
de gauche à droite > par égard aux planettes ,
qui outre le mouvement commun , ont le leur
particulier d'Occident en Orient : c'étoit l'Antifiropbi
ou le retour. Enfin le Chœur s*arrêtoit
au milieu du Théâtre ou du Heu d'auemblée,&
y chantoit un morceau qu'on nommoit Epode ,
pour marquer pat cette dation la fiabilité
de la terre.
Les Grecs Se les Latins Ce fervoient de ces
trois noms pour diftinguer les parties de leur»
Odes : nous n'en avons retenu que le premier,
celui de Strophe. ,
( i ) Et l'ardeur de Pherenjce.
Ce nom-fignifîe remporteux de .viôoifes »

i'6 REMARQUES HISTORIQUES
te c'étoit la féconde que ce Courfier avbit
procurée à Ton maître.
(£J La gloire du Roi de Syracufe.
Hieron fut couronné trois fois aux Jeux
Olympiques ; deux fois à la courfe du cheval
feul, & une fois à la courfe des chars. On lui
teprochoit d'avoir trop de paffion pour ces
Jeux.
(/) Qui fe fiait a nourrir des Chevaux.
' C'étoit le goût de ces temps-là , un mérite
de mode , à caufe de la rareté des chevaux, &
Sf" 10 " un fujet perpétuel d'éloge. Mais on a vu que le*
AJeMnd. hommes véritablement grandrne penfoient pas
**" que ce mérite tînt lieu des autre» vertus.
(m) La Colonie de Pelops Lydien.
On n'a aucune certitude fut la patrie Se
Tantale & de Pelops. Les uns les font Lydiens ,
les autres Piphlagoniens, Achéens , &c. Tantale
régnort a Sipyle , ville voifine de la Phrygie
: la mort de Ganymede occafionnaune longue
guerre entre. ce Prince & "Tros , Roi de
Phrygie , laquelle continua entre leurs enfans.
Ilus fe rendit enfin maître des Etats de Perops ,
qui fe retira dans les terres des Pélafges , chez
Oënomaiis, Rot de Pife , l'an du monde
3.660 , avant notre Ere 1340. On appella
depuis cette contrée le Peloponéfe , comme
qui diroit l'Ifle de Pelops. Ceft aujourd'hui la
Morée.
(n)Et qu'il reparut avec une epanled'yvoire.
La Fable telle que la content les Mythologues
, eft gue Tantale, ayant invité,.les Dieux

SUR L'ODE PREMIèRE. 17
à un feftin, leur fit fervir , pour éprouver leur
divinité , fon fils Pelops coupé par morceaux.
Les Dieux eurent horreur de cette aétion barbare
i ils chargèrent Mercure de raiTemMer les
membres épars du malheureux Pelops, & de lui
rendre la vie ; mais Cerés , qui étoit venue à
ce repas, preflee d'une grande faim , en avoit
mangé une épaule. Chiot© lui en remit une
d'yvoire.
(o)Ganymede venoit d'y être tranfporte'.
Ganymede , fils de Tros, fut enlevé par l'aigle
de Jupiter , ou par Jupiter même transfert
mé en aigle, comm'ilgardoit les troupeaux de
fon père fui le Mont-Ida ; & fervit d'échanfbn
aux Dieux, après le mariage d'Hebé avec Hercule.
Voilà ce qu'en difent les Poètes : mais
quelques Hiftonens prétendent que ce fut Tantale
qui enleva Ganymede, & que ce jeune
Prince mourut entre les bras de Ion raviffeur.
D'autres racontent que Tros,, l'ayant envoya
en Lydie pour offrir des Sacrifices dans un
Temple de Jupiter, Tantale qui ignoroit fon
deflêin, le prenant pour un efpion , le fit arrêter
& renfermer dans une prifon où il mourut.
D'autres croient que Tantale l'envoya en Crète
, &c. Enfin il y en a qui difent que ce jeune
Prince fut tué par Ilus, ton frère , dans un lieu
écarté. Quoi qu'il en foit, fon corps nes'étant
pas trouvé, on donna du merveilleux à fon
aventure , en débitant que Jupiter l'avoit
enlevé.
Paris étoit fils de Priant», Priam fils de Laoroedon
, & Laomedon fils d'Ilus , frère de Ganymede
: Menelas , qui vivoit du temps de
paris, étoit fils d'Atxée , ou réputé tel> Arréc

ï-.8 REMARQUES HISTORIQUES
fils de Pelops : Ganymede avoit donc une
génération de plus.
(p ) Et c\efi un des quatre fupplkes.
les trois autres font la faim , la fojf & de
demeurer éternellement debout. Tantale eflr repréfenté
dans un lac, dont l'eau lui va jufqu'au
menton, & où une branche d'atbre chargée de
fruits , pend fur fes lèvres. Lorfqu'il veut prendre
de ce fruit, la branche fe relève ; lorfqu'il
veut boire , l'eau fe retire.
(q) Arrêtez, U lance dJOëtiomaiïs., ;
La plupart des Princes delà-Grèce étaient
Tenus demander Hippodàrmé- en mariage- ffins
l'obtenir. Oenomaiis , foie qu'il en fik amoureux
, comme des Auteurs l'infinuent, foit que
félon d'autres, il fût effrayé d'un Oracle, qui '
lui avoit prédit- qu'il feroiM«ié : par'fon'gendrèi
afin d'écarter cette foule 1 de ptétebdans', 8é
inettre fes jours en fureté, promit-'de la dort 1 -
*er à celui qui pallèroir st la courfe le char que
Mirtyl conduirait dans le» plaines d'Elis. Hippodamie
montoit fur ce char avec fon père-, 8t
lorfque celui-ci voyoit crue le prétendant allôit
l'atteindre & fe faifir de là fille y il le perçoit
d'un cou-p de-lance. Quelques Arrtews-difent
plus pofitivementqn'Oënomafiïl^ promettent
à quiconque le fiirpalfifroh dàni : une courfe
de char , à dôndrtic'n toutefois de fsAii
moût» le prérendant, ; s'rf étoit vaincu. Cette
dernière opinion eft celle de Pindare & la plus
vraifemblable.
(r) Après avoir fakpérir ttie'nce amans.
Tous les Prip«», qui Matèrent l^rrtprifei

SITR L'ODE PREMIèRE.' i£
y perdirent la vie , excepté Pelops. Les treize
amans, dont il s'agit, étoient Hermenés,
Hippothoiis, Opnntiiis, Acarnam , Eurymaque
, Enryloque , Automedon , Lafius , Chalcon
, Tricotonus, Alchatus , Ariftomaque ,
& Crocalus.
Selon Paufanias , ils étoient au nombre dedix-huit
: fçavoir ; Marmax, Alcathoiis , fils
de Porthaon , Euryalus , Eurymaque , Cratolus
, Acrias , Capétus , Lycurgue, Lafius ,
Chalcodon , Tricolonus, fils de Tricolonus fils,
de Lycaon , Ariftomaque , Prias , Pelagon ,
Eolius , Cronius , Erythras , fils de Leucon
Se petit-fils d'Atharoa* , lequel donna fon
nom à la Ville d'Erythres eniBéotie; Ejonée,
fils de Magnés , & petit-fils d'Eole.
(s) Sefaifit donc de la lance d'O'ênomaiïs.
On convient aflêa que Pelops corrompit
Mirtyl , conduâeur du chat d'Ocoomaiis,
par des préfens, ou par de grandes promettes p
mais on raconte (Événement la manière dont
cet Ecuyer trahit fon Prince. Les uns difent
que Mirtyl ayant ralenti la courfe du chat ,
donna le temps à Pelops de parer le coup
qu'Oënoraaiis lui pottoit , & d'enlever Hippodamie
; les autres, que Mirtyl n'arrêta point
les roues avec des chevilles , & que le chat
fut brifé ; d'autres > qu'il fit couper le chariot
e.n deux , que l'ayant rejoint, il s'ouvrit dam
la courfe, &qu*Oënomaiïsfe rompit le cou.Us
difent tous que Pelops devenu poflefleur d'Hip?
ppdamie , fe dégagea de fes promeflès, en pré*,
cipitant dans la mer celui qui l'avoic fi bien
fetvi , & quelques-uns ajoutent que ee Mirtyl
étoit attflt atvxueu* d'Hi^podaraie ; la niort

io REMARQUES HISTORIQUES
violente en ce cas auroit été l'effet de la venfeance
d'un rival, & non de la perfidie d'un
ébiteur. Ce meurtre caufa dans la fuite tous
les malheurs de la maifon de Pelops : Mercure,
père de Mirtyl, vengea fa mort fur les defcendans
de ce Prince.
(t ) Qui lui donna fix Princes.
Il n'y a rien de certain dans les Auteurs fur
les enfans que Pelops eut d'Hippodamie.
Les uns nomment Atrée , Thieftes, Pitheiis ,
Akathoiis , Plifthenes & Chryfippe.
Les autres Hippalemus & Dias,& retranchent
Plifthenes & Chryfippe.
' Les troisièmes en nomment fept, Atrée,
Thieftes , Alcathoiis , Hippalemus , Plifthenes,
Pitheiis , Pelops le jeune.
Ceux qui retranchent Chryfippe & Plifthenes
, les font naître chacun d'une autre femme
qu'Hippodamie. Chryfippe par exemple, le plus
chéri des enfans de Pelops , n'aquit félon eux ,
de la Nymphe Axiocha.
Atrée & Thieftes fe rendirent fameux pat
leur haine.
Alcathoiis fut recommendable par fa force ;
il tua le lion du Mont-Citheron.
Pitheiis régna à Trezene, & fut l'aïeul maternel
de Thefée.
Plifthenes eut pour fils Agamemnon & Menélas.
Etant mort jeune , il les recommenda à
Atrée qui les éleva comme fes enfans, d'où ils
ont été appelles les Atrides.
(H) Il a un Tom'tau magnifique.
Les Peuples de l'Elide y célébroient tous les
ans des Jeux funèbres , & les enfans fe fouettoient
jufqu'au fang fui ce Tombeau..

SUR L'ODE PREMIèRE, IJ'
( x ) Aux fins Eoliensde ma Lyre.
Pindare a dit plus haut qu'il alloit monter
fa lyre fur le mode dorien. Dans les premiers
.temps de l'origine de laMufique chez les Grecs,
on ne connoiflbit que trois modes > i un ton
de dîftance l'un de l'autre. Le Dorien ou le
grave, le Lydien ou l'aigu, le Phrygien qui
tenoic le milieu entre le grave & l'aigu. On
ajouta enfuite deux autres modes, l'Ionien entre
le Dorien & le Prygien , l'Eolien entre le
Phrygien & le Lydien. Enfin dix nouveaux modes
, cinq d'en haut défîgnés par l'addition de
la prépofition Hyper, fur, & cinq d'en bas
défignés par la prépofition Hypo , fous. Ptolomée
voulant varier les chants d'une manière
agréable à l'oreille , & plutôt par les confonnances
, telles que la quarte & la quinte , que
par les intervalles d'un demi ton , réduifit ces
quinze modes à fept, l'Hypodorien , l'Hypophrygien
, l'Hypolyiien , le Dorien , le Phrygien> U
lydien > & le Mixolydien , ou l'Hyptrderien,

a*
ARGUMENT.
P
lNDAKE délibère s'il chantera le
Dieu adoré à Pife}le Héros qui a inftituèles
Jeux,ou le mortel qui vient d'y
remporter le prix : Il Je détermine pour
.celui-ci , & loue Theron de fa juflice %
•de fa libéralité , defon Ulujire origine.
Les Ancêtres de ce Prince ont éprouvé
bien des revers avant leur ètabliffement
dans la Sicile , mais la félicité préfente
-doit effacer tous les malheurs pajfès :
notre Poète le prouve par des exemples
pris dans la maifon de Cadmus & d'Oedipe,
d'où Theron defeendoit. Il touche
•enfuite les victoires que ce Prince avoit
remportées dans les Jeux Olympiques ,
Pythiques & Némèens ; &fe jette fur
l'éloge des richeffes , avec lefquelles
l'homme peutJ&'Cotutéît-tout*; ce quife
pajfe dansées Enfers , comme ce quife
pajfe dans les IJles fortunées , dont Pindarefait
la defeription la plus riante.
L'on y compte , dit-il, Cadmus , Pelée
& Achille. Il rapelle quelques exploits
de ce dernier Héros : il annonce qu'il
auroit encore de grandes chofes à dire ;
mais il reprend les louanges de Theron ,
finit par la fèdition que des envieux
avoient excitée,& exaltefaUenfaifame.

ODE SECONDE.
À THERON , Roi D'AGRIGèNTE ;
Vainqueur à la courfe des chars (a).
YMNES , qui régnez fur ïma
lyre, tquel Dieu -, quel JHéros ,
-quel mortel célébrerons-nous ? Jupiter
eft le Dieu de Pife ,(£), Hercule a
fondé ces Jeux des prémices de fa
victoire (c) ; mais nous devons
chanter aujourd'hui Theron (d) ,
vainqueur à la courfe des chars,

-i4 LES OLYMPIQUES ,
en faveur de mes Hymnes ces champs
paternels à leur poftérité.
Il n'eft pas en la puiflance du
tems , père de toutes chofes , de
faire que ce qui eft arrivé félon
: ou contre la juftice, ne foit pas
arrivé : mais l'oubli des maux fe rencontre
avec la fortune profpére. Le
•mal détefté, vaincu par la douce
joie , s'anéantit , lorfqu'enfin la
providence des Dieux nous envoie
, la plus haute félicité.
**'
Ce difcours convient aux filles de
Cadmus , éprouvées par les difgraces
les plus affreufes , & placées
maintenant dans les Cieux. La
jouiflance de biens fupérieujjS à leur
infortune a diffipé leur deuflPSemelé
(g), qui mourut au bruit effrayant de
la foudre , paffe fes jours parmi les
immortels , également chérie de Jupiter
,de Pallas & du Dieu couronné
de lierre.
On raconte que de tout tems une
rie immortelle etoit aflignée à Ino
(Jî) dans le fein des mers avec les
fuies
è

ODE SECONDE." 25
filles de Nerée. Aucun terme n'eft
prefcrit aux mortels pour fortir de la
vie : nous ne fçavons pas fi nous
parviendrons , avec un bonheur fans
mélange , à ce jour qui nous donnera
le repos. Des flux & reflux de
douleurs (i) & de voluptés roulent
inceffamment fur les hommes.
Ainfi cette Déefle puiflante qui
dans un temps , accompagnée de la
félicité , avoit fait un heureux fort
à vos ancêtres , changée pour eux ,
les livra dans un autre tems à quelques
malheurs,depuis qu'en une rencontre
fatale Œdipe eût tué Laius ,
& accompli l'ancien oracle rendu à
Pytho. (k)
. *
L'implacable Erînnys , qui vit ce
parricide,lui immola d'un même coup
fa race belliqueufe. Polynice mort ,
laiffa Therfandre le rejeton & le foutien
de la majfon d'Adrafte(/),fameux
dans ces combats nouvellement établis
& dans les combats delà guerre.
Il convient de chanter fur la Lyre les
louanges du fils d'Enefidame , qui
tire fon origine de ce Prince.
B *»

i6 LES OLYMPIQUES J
Il a^ été couronné feid à Olympie.
A Delphes (m) & à Corinthe fon
frère étoit aflbcié à fa gloire,& ils y
reçurent enfemble ces fleurs , prix
immortel des chars attelés de quatre
chevaux , qui font douze fois le tour
de la borne (#). Celui qui tente ces
combats , & en fort victorieux,
fe délivre pour toujours des noirs
foucis. Les richefles parées de la
vertu , mettent l'homme en état de
tout entreprendre , & le foûtiennent
dans la recherche pénible des grandes
chofes.
Elles font pour lui une étoile brillante
, une véritable lumière. Si
quelqu'un de nous les pofféde , il
connoît l'avenir ; il fçait quels fupliees
endurent aux enfers les âmes intraitables
des morts , &c comment ,
forcé par une néceffité invifible , un
homme y juge les crimes commis
fous l'empire de Jupiter.
Les juftes y mènent (o) une vie
exempte de travail ; un foleil pur leur
luit également pendant les jours & les
nuits i ils ne font point obligés pour

ODE SECONDE; I?
fubvenir à de vils befoins de bouleyerfer
à force de bras la terre 8c les
mers. Ceux qui ont été fidèles à leur
ferment, jouiffent auprès des plus
grands Dieux d'une éternité de biens,
& les médians au contraire fouffrent
des maux dont l'œil ne peut foûtenir
la vue.
Quiconque , changeant trois fois
de demeure (/»), après être defcendu
aux enfers , eft revenu fur la terre ,'
& a préfervé fon âme de toute injuftice
, il achèvera heureufement la
route que Jupiter nous a tracée aux
remparts de Saturne , où les vents
de l'océan rafraîchiflent fans celle
l'ifle des Bienheureux, & oii des
fleurs éclatantes comme l'or brillent
de tous côtés. Les unes fortent du
fein de la terre , les autres pendent
à des arbres précieux, d'autres croiffent
aux bords des„fontaines.
Ils en compofent des guirlandes &
des couronnes , dont ils ceignent
leurs bras & leurs têtes , fuivant les
décrets équitables de Rhadamante
(f) , que l'époux de Rhée, aflis fur
Bij

a? IES OLYMPIQUES ?
le thrône le plus élevé , s'eft choifi
pour Afleffeur. On compte parmi
eux , Cadmus , Pelée , & Achille
(r) que fa mère y transporta après
avoir fléchi par fes pleurs le couroujg
du maître de l'Olympe,
Achille qui renverfa Hector, cette
colomne inébranlable de Troye, qui
donna la mort à Cycnus, & à l'Ethiopien
fils de l'Aurore (J). J'ai encore
dans mon carquois quantité de traits
rapides , dont le bruit fraperoit
les oreilles intelligentes , mais écha«
peroit à celles de la multitude qui a
toujours befoin d'interprètes. Celuilà
en; véritablement fage qui connoît
tout par la feule force de la nature :
pour les autres, qui ne fçavent que ce
qu'ils ont appris, véhémens dans leur
babil , tels que des corbeaux (r) ils
croaffent inutilement autour du,
divin oifeau de Jupiter.
O mon efprit ! dreffez maintenant
votre arc vers le but : A qui
deftinons-rnous les traits glorieux que
nous lançons d'une main favorable ?
Sans doute à la' ville d'Agrigente,

ODE SECONDE: 19
Je le dirai avec ferment & avec
vérité : depuis un fiécle il'n'eft point
de ville qui ait donné un Prince plus
fidèle à fes amis («) , & plus libéral
que Theron.
L'infoïence ôfa attaquer fa gloire
(*), non pas juftement, mais par de
faux bruits , que répandoient des
furieux en tâcnant d'obfclircir fes
vertus à force d'attentats. Cependant,
puifque le fable de la mer (y) fe
refufe au nombre , qui peut compter
tous les bienfaits dont il a comblé les
autres hommes r
Biij

3° .
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode féconde.
(a) A la courfe des chars.
VOYEZ l'Hiftoire des Jeux Olympiques. La
viftoire célébrée dans cette Ode & dans
celle qui fuit, fut remportée la foixante 8c
dii'feptiéme Olympiade.
(b) Jupiter eft le Dieu de Pife.
Jupiter étoit particulièrement adoré dans
cette Ville & dans la confiée. Voyez l'Hiftoire
des Jeux Olympiques.
(ç) Hercule a fond/ces Jeux des prémices
de fa victoire.
Tout le monde fçait qu'il y a eu plufieurs
Hercules , & qu'on a attribué à un feul les
exploits de tous les autres. Varon en compte
quarante-trois. On connoît particulièrement
un Hercule Phénicien , un Hercule Egyptien,
un Hercule Idéen ou de Crète , & un Hercule
Grec. La victoire donc il s'agit ici, eft celle
que remporta l'Hercule Grec fur Augias, ou
Augée , fils du Soleil. Ainfi Pindare ne parle
point de la première inftirution des Jeux
Olympiques faire par l'Hercule Idéen, mais da
tétablifTeraent fait par l'Hercule Grec. Augée
Roi d'Elide avoit promis à celui-ci une récompenfe
confidérable , s'il pouvoit Tenir à bouc
de nétoyer fes étables, où il y avoit toujours
eu depuis trente ans 30000 bœufs. Ce travail
paroifloit impoflïbk, & donna lieu au pro-

SUR L'ODE SECONDE. 31
verbe , nétoyer Us étubles d'Augée. Hercule
.l'entreprit cependant & y réuflit, en détournant
un bras de l'Alphée & un bras du Penée,
qu'il fit paffer au travers de ces étables , &
«nleva de cette manière tout le fumier. Augée
refufa alors la récompenfe promife , fous le
prétexte que l'induftrie y avoit eu plus de
part que le travail ; & chafla Ton fils Phyléus ,
parce que l'ayant pris pour arbitre, il l'a voie
condamné à tenir fa parole ; Paufanias dit
parce que ce fils blâma fon ingratitude. Hercule
fit la guerre à ce perfide Roi, mit Phyléus
fur le thrône ; & vint dans Pife offrir à
Jupiter les dépouilles de ce Prince , bâtir ua
Temple, rétablir les Jeux Olympiques ,&c.
Lucien dans fon Dialogue d'Alexandre prétend
qu'il n'y avoit que jooo bœufs dans les
.étables d'Augée , & c'eft bien aflez. Un fçavant
Mythologue moderne ,fans doute fut l'autorité M. i-AbM
de Paufanias, change l'état du lieu qu'Hercule Bannier.
entreprit de nétoyer. " Augias avoit une £
„ grande quantité de troupeaux , dit-il, que
„ n'ayant pas aflez d'étables , il étoit obligé
,, de les laitier au milieu de la campagne : fes
„ terres fe trouvèrent à la fin fi chargées de
„ fumier & d'ordures , qu'elles en devinrent
„ entièrement infruâueufes. Hercule avec les
„ fecours de fes troupes y fit palTer l'Alphée ,
:,, & leur rendit leur ancienne fertilité.
Paufanias dit qu'Hercule donna l'EIide à
Phyléus , moins par amitié que par honneur ,
qu'il lui remit tous les prifonniers , & qu'il
•voulut bien lui facrifier fon reflentiment, en
pardonnant à Augée qui mourut dans la fuite
4e vieillefle.
B iv

'$% REMARQUES HISTORIQUES
(d) Tberon.... Souverain de plufiears
Villes.
Ce Prince, defcendant deCadmus, tient un
rang considérable dans l'Hiftoire de l'ancienne
Sicile. Il maria fa fille à Gelon Roi de Syracufe,
& époufa la fille de Polyzéle; de forte
qu'il écoit doublement allié avec la roaifon
régnante à Syracufe , compofée de ces quatre,
frères fi fameux , Gelon , Hieron, Polyzéle , &
Trafibule. Cette double alliance forma d'abord
une étroite amitié entre les deux maifons ;
Theron joignit plus d'une fois fes troupes à
celles de Gelon Ion gendre, & tous deux ils défirent
les Carthaginois près d'Hymère: victoire
la plus complette qu'il y ait jamais eu ; de
300000 Carthaginois il n'en refta pas un qui
pût porter à Carthage la nouvelle de leur défaite.
Lorfque Gelon fut mort, Hieron lui fuccéda
dans le gouvernement ' de Syracufe. Ce Prince
ayant conçu quelques foupçons contre foa
frère Polyzéle , Theron prit le parti de foa
beau-père , & il s'éleva à ce fujet de grands &
longs differens entre le Roi deSyracufelfc celui
d'Agrigente ; mais enfin ils fe terminèrent par
la fage entremife du Poète Simonide , & pour
rendre l'accommodement plus durable , ces
Princes le cimentèrent d'une nouvelle alliance:
Hieron époufa la foeur de Theron.
(e) L'appui d'Agrigente.
Agrigente, Ville de la Sicile, fondée par les
fcabitans de Gela vers la cinquantième Olym-

SUR L'ODE SECONDE: 3?
pîade , environ cent ans avant que Pindare
compofât cette Ode. Elle s'appelloit, ainfi que
le fleuve , la montagne & tout le territoire ,
Acragas , comme qui diroit, le fotnmtt, l*
tête delà ttrrt. Elle devint en moins d'un fiécle,
par la fertilité de fon terroir, une des plus
riches & des plus magnifiques Villes du mond*.
Quoique fort déchue de fa première fplendeur >
elle ne laifle pas d'être encore confidérable : fon
nom moderne eft Gtrgenti, & celui de fon
fleuve , Tintât Ai San B'tagit.
(f) De Ces illuftrts Aïeux.
Les voici tels que l'ancien Scholiafte nous
les donne : Agenor, Cadmus, Polydoie, Labdacus
, Laïus , Œdipe, Polynice, Therfandre,
Thifamene , Antefion, Theras , Samus , Telemaque,
Calciopée , & Eneûdame, père de
Theron.
M. l'Abbé Ma/lieu remarque fort bien que
depuis Polinice, qui vivoit du temps de la
guerre de Thébes , jufqu'à Theron contemporain
de Pindare , il y a un intervalle de huit
cens ans , & que néanmoins pour remplir
ces huit fiécles , le Scholiafte ne met que neuf
générations; enforte qu'il faudroi| que chacun
des ancêtres de Theron , à les partager également
, eût vécu quatre-vingt - dix ans, &
ce qui eft beaucoup plus incroyable , que chacun
, à point nommé , eût eu des enfans à cet
âge.
{g) Aux plies de Cadmus .... Semelé.
Tous les faits hifto tiques ou fabuleux que

34 REMARQUES HISTORIQUES
Pindare rapporte, font pris dans la famille de
Theron. Orphée , Euripide , Ovide , racontent
que Junon fous la forme de Beroé , nourrice
de Semelé , infpira des foupçons à cette
Princefle fur la qualité de fon amant, & lui
confeilla , pour s'en aflurer , d'exiger qu'il la
vînt voir avec tout l'éclat de la divinité :
Jupiter la fatisfit, la maifon en fut embrafée,
& Semelé périt dans l'incendie. Pindare la
place dans le Ciel à côté de Jupiter fon amant,
de Bacchus fon fils , & de Pallas , Déeflè tutélatre
de la famille de Cadmus, qui l'avoic
choifie pour fa protectrice, & lui avoit élevé
une ftatue.
(b) Une vie immortelle eltoit afftgtt/e à Ino.
Ino fut la troifiéme femme d'Athamas, Roi
de Thébes. Ce Prince devenu furieux , fe persuada
qu'elle étoit lionne , & deux enfans qu'il
avoit eu d'elle , lionceaux. Dans un accès de
fureur il écrafa contre un rocher Learque, us
de ces enfans , & pourfuivit Ino elle-même
our la tuer : ce qui toucha fi fort cette mal-
Î
eureufe Princefle, qu'elle monta fur un rocher,
& fe précipita dans la mer avec Melicerte fon
autre fils , pu Neptune les reçut au nombre
des divinités , fous les noms de Leucothoé, &
de Palémon. .
(i) Des flux & reflux de douleurs & de
voluptés.
Jamais morale ne fut placée plus à propoj.
Les Agrigentins faifoient un fore mauTU*

SUR L'ODE SECONDE. 35
•fage de leur opulence. Dès l'âge le plus tendre
on les élevoit dans le luxe & dans la molleife :
ils s'habillojent des étoffes les plus précieufes :
la plupart de leurs vafes & de leurs meubles
étoienc d'argent ou d'or : rien n'approchoit de
la délicateflê & de la fumptuofité de leurs
tables , toujours chargées de viandes exquifes
& rares. Us firent creufer près de leur Ville un
vivier qui avoit fept ftades de circuit , &
vingt coudées de profondeur: ils y mirent non
feulement un grand nombre de cygnes & d'autres
oifeaux de toutes couleurs , qui par la variété
de leurs plumages faifoient aux yeux un
charmant fpe&acle ; mais ils eurent foin d'y
jetter une multitude prodigieufe de poiflons
de toute efpéce , fur-tout de ceux qui peuvent
le plus flater le goût. Enfin , foit dans leurs
maifons , foit dans leurs repas , ils portoient
le raffinement fur le plaifir à un tel
excès , que Platon , qui pouvoit parler fçavamment
des délices de la Sicile, difoit d'eux c
ils bâtijftnt comme s'ils dévoient toujours vivre ,
C ils mangent comme s'ils allaient toujours
mourir, (y que la volupté fût fur le point d*
leur échaper pour jamais. Bon mot que Madame
Dacier attribue à Stratonicus qui l'appliquoi?
aux Rhodiens , & que d'autres Auteurs onc
appliqué aux Mégariens , &c.
(kj Depuis qu'CEdipe eut tue Laius , &
accompli l'ancien oracle rendu à Pytho.
L'Hiftoite d'CEdipe & de fa malheureufe
famille , eft connue de tout le monde ; voici
les KWKS eif tes de l'Oracle :
Bvjj

36 REMARQUES HISTORIQUES
,, Il efi arrêté d»ns les deftinéts qut tu mour-
„ rus f*r les mains de ton fils.
La Ville où fut rendu cet oracle, éroit au
pied du Mont Parnaffe, dont elle porta d'abord
le nom. Elle s'appella enfuite Pytho , du nom
du ferpent tué par Apollon , & enfin Delphes.
Cette Ville paflbit chez les Anciens pour le
milieu de la terre.- Jupiter, dit Clandien, ayant
fait partir deux aigles avec une pareille rapidité
, l'une de l'Orient, l'autre de l'Occident,
elles fe rencontrèrent à Delphes. De là vient
qu'on mit deux aigles d'ot au Temple d'Apollon.
Apollodore rapporte que ce Dieu, apprenant
de Pan l'art de deviner , alla à Delphes ,
où Themis, fille de la Terre, tenoit fes oracles,
& que le ferpent Python l'empêchant d'approcher
, Apollon le tua , & fe faifit du Trépié
facré.
Le Temple de ce Dieu à Delphes étoit le
plus riche Temple du monde, par les offrandes
qu'on y apportoit de toutes parts. On y voyoit
des ftatuës d'or maffif de grandeur humaine ,
des figures d'animaux auffi d'or & quantité
d'autres richefTes. Les Phocéens le pillèrent du
temps de Philippe fils d'Amyntas , ce qui donna
lieu à la guêtre factée. On prétend qu'il
avoit déjà été pillé , & que les tréfors dont
parle Homère avoient été emportés.
(/) Le rejeton & le foutien de la maifon
d'Adrafte.
Polynice mécontent d'Etéodes fon frère,
qui refufoit de le laiflèr régner fon année, ainfi
qu'Œdipe l'a voit réglé, fe retira chez Adrafte,

SUR L'ODE SECONDE; yf
Roi d'Argos, & époufa fa fille Argie.ou Argée,
doot il eut Theriandre.que les Argiens maîtres
de Thébes mirent fur le thrône.
(m) A Delphes & à Corinthe.
Il j avoit des Jeux dans la plupart des Ville*
de la Grèce. Les plus célèbres après les Olympiques
étoient les Pythiques , les Ifthmiquee
& les Neméens, dont Pindare a chanté les
Vainqueurs , & dont on donnera l'Hiftoire à
la tête des Odes qui en portent le nom.
(n) Qui font dow^efoisle tour de la Borne.
L'éphhéte que Pindare donne aux chais en
cet endroit & en quelques-autres , a jette d'il—
luftres Modernes dans le doute fur la manière
dont fe faifoient ces évolutions. Je penfe avec
MM. B»-
M. Burette , que les chars faifoient douze îmï/dj
courfes entières , c'eft-à-dire , douze fois le Jj^ïï*
tour entier de la lice à gauche & à droite de
la borne, qu'ils tournoient par coaféquent
autant de fois.
(o) Lesjuftesy mènent, &c.
Tout ce que Pindare dit ici paroît prit
d'Homère. Virgile & Tibulle ont emprunté à
leur tour de ces deux Poètes la peinture des
Mes fortunées.
On ne connoît guères la fîtuation de ces
Mes. Quelques Auteurs les placent entre la
Grande - Bretagne Se les Orcades. D'autres
croient que ce font les Canaries fîtuées à l'oc-

'38 REMARQUES HISTORIQUES
cidenc de, l'Afrique vis.à-vis le Royaume de
Sus. Enfin le fçavant Mythologue moderne ,
fi fouvent cicé ici, aime mieux croire que
c'eft le charmant pays de la Bétique, aujourd'hui
l'Andaloufie , à l'extrémité de l'Efpagne
du côté de Cadix, où les Phéniciens avoienc
voyagé dès les temps les plus reculés. Madame
Dacier d'après Strabon , L. i. & 3 , affûte
que cette dernière opinon étoit celle d'Homère,
qui l'avoit reçue des Phéniciens. Le nom qu'il
donne à ces champs heureux en cft une preuve,
dit Madame Dacier ; car félon la fçavante remarque
de Bochart, tlyfius vient de l'Hébreu,
Alizjuth, qui (ignifieyo/e , exaltation. Du mot
uilizuth, les Grecs en changeant l'A en E, onc
fait Elyfeus, terre de joie & de -volupté , comme
Virgile les appelle, Lit* Arva.
(p) Quiconque changeant trois fois de
demeure.
Pindare fuivoit fans doute l'opinion de
Fythagore fur la métempfycofe ou tranfmigration
des âmes.
(q) Les décrets équitables de Rbadamante.
Rhadamante , fils de Lycafte Roi de Lycie ,
d'autres difent fils de Jupiter & d'Europe , Ce
rendit fi recommen.lable par fa juftice , fa modeftie
, fa tempérance , que les Poètes ont feint
qu'il éroir un des trois Juges des Enfers. Platon
nous découvre les vérirés renfermées fous ces
fixions, lorfqu'il fait dire à Jupiter, que las
île» plaintes qu'il reçoit des mauvais jugement

SUR L*ODE SECONDE: 3^
«qu'on rend fur la terre , afin d'y remédier , éc
pour que la faveur, les faux témoins , les
parentés , les intérêts , n'euflènt plus Keu , il
a caché aux hommes l'heure de leur mort, Se
commis la charge de les juger à trois de ces
fils : à Rhadamante pour les Afiatiques , à
Eaque pour les Européens , & à Minos , comme
furarbitre pour terminer les difficultés qui
pourroient furvenir. Platon met ce dernier aa
de/Tus des deux autres , & il lui donne un
feeptre d'or , tandis qu'il ne donne à Rhadamante
& à Eaque qu'une fimple verge.
(V) Cadmus, Pelée & Achille.
Ces Héros font très connus. On croyoït
qu'Achille s'exerçoit à la courfe dans une Ifle,
•vis - à - vis la Cherfonéfe taurique appellée
uichillée, & téuca, courfe d'Achille. On la
nommoit au (fi l'Ifle des Héros , parce qu'on
s'itnaginoit que les mânes des guerriers morts
au fiége de l'roye s'y étoient retirés.
(s) Heftor, cette colomne inébranlable de
Troye .... Cycnus & l'Ethiopien fils de
l'Aurore.
Hector eft auffi fort connu. Cycnus au contraire
l'eft fort peu : on fçait feulement qu'il
étoit fils de Neptune , qu'il étoit invulnérable,
& qu'il fut étouffé par Achille fous les remparts
de Troye.
A l'égard de Memnon, délîgné ici fous lé
nom d'Ethiopien , il étoit fils de Thiton, frère
de Piiarn & f etit-fils 4e taomedoa ; Homère

ïfo REMARQUES HISTORIQUES
l'appelle fais de l'Aurore, parce qu'il étoit né de
la Prince/le Ida, dont les Etats Te trou voient'à
l'Orient par rapport aux Phrygiens. Ayant
amené des troupes au fecours de Troye, il fut
tué par Achille , ou félon d'autres , par des
Theflaliens qui lui drefsèrent une ambufcade.
Ovide feint que Ton corps étant fur le bûcher,
fe changea en oifeau , à la prière de l'Aurore ,
fc que des oifeaux de même efpéce,qu'il nomme
Memnonidts f viennent tous les ans d'Ethiopie
dans le pays d'ilium, pour fe battre fur le tombeau
de Memnon , & s'immoler ainfi à leur
père. Elien dit que ces oifeaux font noirs, faits
à peu près comme des éperviers ; qu'ils fe di-
•viïent en deux bandes ; qu'ils fe battent, Se
que les victorieux s'en retournent dans leurs
pays. La Statue coloria le de ce Prince trouvée
en Egypte au delà du Nil, près d'un lieu nom.
mé Syringes, avoit, au rapport de Paufanias ,
quelque chofe qui tenoit du miracle : lorfque
les rayons du Soleil venoient à la fraper, elle
rendoit un fon harmonieux, femblable à celui
des cordes d'un instrument de mufique, qui
Ce rompent.
Paufanias ne manque pas de remarquer que
tous les peuples n'étoient pas d'accord fur la
tradition que cette Statue fût celle de Memnon:
les Thcbains vouloient que ce fût la ftatue de
Phaménophis originaire du pays , & il avoit
ouï dire à d'autres , fans doute aux Egyptiens,
que c'étoit celle de Sefoftris
Strabon rapporte le fait du fon que rendoit
cette ftatue , de même que Paufanias , il en
avoit été témoin comme lui ; mais Bien moins
crédule, il dit que ce fon pouvoit foit bierj

SUR. L'ODE SECONDE; '+{
venir de quelqu'un des aififtans, & aime mieux
en attribuer la caufe à la fupercherie des gens
du pays qu'à la ftatoe.
Anticle cité par Pline , attribue à Memnon
l'invention des lettres , environ quinze ans
avant le régne de Phoronnée , Roi d'Argos ,
qui commença l'an xxx-j du monde, 1808
ans avant notre Ere.
(t) Veliémens dans leur babil, tels que des
corbeaux.
L'ancien Scholiafte croit que Pindare défigne
par ce trait, Simonide , & Bachylide fôn
neveu. Ces deux Poètes râchoient par toutes
fortes de voies d'affaiblir l'eftimc qu'on faifoit
des ouvrages de Pindare , & il paroît que par
xeptéfailles celui-ci ne les épargnoit pas.
(v) Un Prince plus fidèle à fes amis &
: plus libéral...
11 n'y a rien d'outré dans reloge que Pindare
fait ici de Theron 5 & le Poëte cette fois eft
d'accord avec les Hiftoriens. Ce Prince gouverna
fes peuples avec beaucoup de juftice : il
ne s'occupa que du foin de les rendre heureux,
auflien fut-il adoré pendant fa vie. Après fa
mort ils lui élevèrent un tombeau, dont ja
magnificence étoit au deuus de toute expreflion,
& lui décernèrent les honneurs que leur religion
vouloit qu'on rendit aux Héros. Il
mourut universellement regretté la feiziéme
anaée de fou régne.

^i REMARQUES HISTORIQUES
(x) L'inÇolence ofa attaquer fa gloire.
Le vieux Scholiafte nous apprend encore que
Capys & Hippocrate > proches parens de Thelon,
& même comblés de fes bienfaits, prirent
les armes contre lui, & engagèrent un grand
nombre de petfonnes dans leur révolte ; mais
que Theron s'étant mis auflitôt en campagne ,
"oignit les rébelles prés d'Hymere, les bâtit Se
a fit rentrer dans le devoir.
Î
(y) Put [que le fable de la mer.
Notre remarque ne tombera point fur cette
comparaifon qui n'a pas befoin de glofe : elle
tombera fur l'Ode entière que l'on vient de lire.
Des Critiques anciens & modernes la regardent
avec juftice comme le chef-d'œuvre de
Pindare. Horace en a imité le-début, mais fans
garder le même ordre, la même gradation :
Sluem -virum ont Hiroa Lyra vil acri
libi* fumes ctltbrar» Clio,
Sjfttn Dium ?
H a plu à Mr. Dacier de trouver le tour
que prend Horace plus beau & plus naturel
que celui de Pindare. Ce fçavant homme, ainfi
que l'obferve M. l'Abbé Maflîeu , travailloic
alors à fa traduction du Poète latin ; nous
avons nous traduit le Poète grec , & dès-là
nous fommes tous les trois également récufables.
Il faut donc s'en rapporter à ceux

SUR L'ODE SECONDE; 4$
font en état de comparer fans prévention le
nombre, l'harmonie, la jufteflè, & s'il nous
eft permis de le dire, comme nous le /entons ,
la majefté judicieufe du début Grec, avec la
fechereflê & l'enflure du début Latin.

44
L ARGUMENT.
A Victoire chantée dans l'Odepréicédente
ejl encore lefujet de celle-ci.
Cette victoire ayant été annoncée à The*
Ton pendant qu'il céléhroit les fêtes appellées
en Grec Theoxenia , & fes
chevaux étant revenus avec des branches
d'olivier entrelacées dans leurs
crins 3 Pindare en prend occafion de
raconter comment Hercule obtint des
[Hyperboréens l'olivier fauvage , lorfqu'il
alla fur les lords du Danube chaffer
la biche aux cornes d'or ; comment
ce Héros l'apporta dans le Peloponéfe ;
'comment il planta ces arbres autour
du lieu qu'il avoit confacré pour les
jeux. Le Poète finit fon hymne 3 ainji
qu'il Va commencé 3 par les louanges de
Cajlor & Pollux } qui préfidoient à ces
combats. Il prétend que c'eji par leur
faveur que Therony a été couronné , 6*
qu'il n'ejl rien au deffus de lagloire qu'il
» acquife.

4*
n ' .=—aj
ODE TROISIEME.
r 4v MÊME IHERON , CÉLÉBRANT,
les Fêtes Theoxeniennes. (a)
E N
honorant la fameufe Agrigente
par cet Hymne que j'adrefle
à Theron , vainqueur à Olympie ,'
comme la récompenfe de la viteflb
de fes chevaux infatigables , mort
defir eft de plaire aux Tyndarides ,'
qui aiment leurs hôtes , & à la belle
Hélène ( b ). C'efl ainfi que ma
mufe s'eft offerte , c'eft le nouveau
ton qu'elle prend pour marier ma
voix aux airs doriques de ce$
danfes légères,
Les couronnes entrelacées dans
les crins des chevaux exigent de moi
ce devoir d'inftitution divine. Elles
demandent que je mêle décemment
pour le fils d'Enefidame le fon varié
de ma lyre , le bruit des flûtes &
la cadance de mes vers ; Pife veut
que je le chante.
Pife d'où découlent ces ver*

46 LES OIYMPIQUES ,
infpirés des Dieux , lorfque l'EtOlien,
Juge fuprême des combats (c)
de la Grèce , Obfervateur fidèle des
anciennes Loix d'Hercule , pofe fur
les temples des Vainqueurs une couronne
verdoyante de l'olivier que
le fils d'Amphitryon apporta autrefois
des fources ombragées du Danube
(d) , après l'avoir obtenu des
Hyperboréens, inviolablement attachés
au culte d'Apollon (e), afin
qu'il fïït un monument éternel des
Combats d'Olympïe.
Plein de ce beau deffein , il en
demanda pour planter en l'honneur
de Jupiter un bois facré où les nations
puffent fe raffembler , & pour
être la couronne ordinaire de la
vertu., Il avoit déjà confacré des
autels à fon père , lorfque la Lune
montée fur un char éclatant d'or, fe
montroit toute entière , & brilloit
dans fon difque.
Il avoit inftitué en même tems fur
les bords efcarpés de l'Alphée & le
faint jugement des grands Jeux , &
le période de cinq ans pour Içs

ODE TROISIèME. 47
célébrer; mais nul endroit des vallées
de Pelops Saturnien ne produifoit
ces beaux arbres : c'etoient des lieux
découverts , fournis aux rayons brûlans
du Soleil.
Hercule fe propofa dès lors d'ak
1er dans la terre que le, Danube
arrofe. La belliqueufe fille de Latone
(/) l'y reçut lorfqu'il defcendoit des
fommets tortueux de l'Arcadie , &
que par les ordres d'Euryfthée ,
auxquels la Loi inflexible de fon
père l'avoit aflujetti (g) , il venoit
enlever la biche aux cornes d'or ,
que Taygete (h) , en la dévouant
autrefois à Diane , rendit facrée.
Comme il la pourfuivoit, le héros
vit cette terre battue à l'occident du
foufHe du froid Borée ; & s'arrêtant
pour admirer ces arbres , il fentit
un violent defir d'en planter auprès
de la borne , dont, les chars attelés
de quatre chevaux font douze fois
le tour. Il aflifte encore maintenant,
avec les divins jumeaux de Leda ,
à la folemnité de ces fêtes.

Î4& LES OLYMPIQUES ,
Car en montant au Ciel, il leur
confia l'adminiftration de ces combats
(i) célèbres , le jugement de la
valeur des athlètes , & de l'adrefle
des conducteurs des chars rapides.
Mon efprit me porte donc à annoncer
aux Emmenides & à Theron
qu'ils viennent d'obtenir l'honneur
immortel que difpenfent les fils de
Tyndare, fameux par leurs chevaux,
puifque religieux obfervateurs des
rits folemnels des Dieux , un nornbre
infini d'hommes s'aïTéyent à leurs
tables hofpitalières.
Si l'eau excelle entre les élémens ^
& fi l'or eft la plus vénérable des
richeffes , Theron élevé par fes
vertus domefliques au comble de la
gloire , atteint les colomnes d'Hercule,
(k) Ce qui fe trouve au-delà
eft inacceflible aux ignorans & aux
fçavans même : prétendre aller plus
loin, ce feroit être bien infenie,
w
REMAR$

49
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode troifième.
(a) Tbeoxemetmes.
Thtoxtni», hoff4t*lité des Vieux , fêtes que
les Grecs célébtoient en mémoire des Dieux
qui étoient venus autrefois loger dans leurs
maifons, qui a voient été leur» hôtes.
L'hofpitalité a toujours été une chofe fainte
& facrée chez les Anciens. L'Etranger qui
demandent à être 'reçu , Se le maître de la maifou
où il fe préfentoit > mettoient chacun de
leur côté un pied fur le feuil de la porte, & lit
ils juroient de ne fe faite aucun préjudice.
Celui qui violoit cet engagement, fe rendoit
coupable du plus grand parjure , & étoit ea
exécration aux autres hommes.
(b) Aux Tyndurïdes ... . & À la belle
Hélène.
Les Poètes fuppofent que Leda , ayant ea
commerce avec Jupiter qui avoit pris la forme
d'un cygne, accoucha de deux œufs, l'un
desquels renfermoit Pollux & Hélène , & l'autre
Caftor & Clytemneftre. Les premiers étoienc
réputés enfans de Jupiter, les derniers enfans
de Tyndare , Roi de Laconie , mari de Leda»
On n'a pas laiiTé de nommer les deux frères
les Tyndarides , parce qu'au moins Tyndare
étoit leur pète putatif. Caftor fe diftingua a
c

|o REMARQUES HISTORIQUES
la courfe & dans l'art de dreflêr des chevaux ,
Pollux dans l'exercice de la lutte. Aux Jeux
funèbres de Pelops , la tradition des Eléens ,
fuivie par Paufanias , fait remporter le prix
de la courfe à pied à Caftor , & celui du pugilat
à Pollux. Jupiter, félon quelques Poètes,
donna l'immortalité à fon fils qui la partagea
avec Caftor, enforte qu'ils vivoient 8e
mouroient alternativement.
Rouffeau. Confie de Dettes bizarre
Tantôt habitant du Ténare ,
tt tantôt citoyen des deux.
Selon d'autres, ils furent placés au ciel fout
le ligne des Gémeaux , dont la découverte fe
fit peut-être environ ce temps-là ; & ce qui
a donné lieu à la première fable , c'eft que ces
deux étoiles ne fe montrent jamais enfemble.
Hélène dont la beauté a été fi célèbre & fi
fatale , fut d'abord aimée de Thefée , qui l'enleva
& la rendit enfuite à fes frères. Cet enlèvement
n'empêcha pas qu'elle ne fût recherchée
dans la fuite par tous les Princes de la Grèce.
Tyndare , fuivant le confeil d'Uliflè , fit jurer
» tous ces rivaux de foutenir celui d'entr'eur
fur lequel tomberait fon choix. Le ferment
prêté , il fe détermina en faveur de Menelas
, Roi de Sparte, à qui Hélène fut enlevée
par le jeune Paris, fils' de Priam. Ce
fccond enlèvement caufa tous les malheurs de
Troye .... Lorfque Paris eut été tué , Hélène
époufa Deïphobe , frère de ce Prince, que Menelas
maflacra après avoir été introduit dans
fon appartement par Hélène même. Elle fuivie

SUR L'ODE TROISIèME. 51
alors fon premier époux, & voici comment.
Paufanias parle de fa mort. Menelas a un
Temple à Amycle, & les habitans difent que
lui & Hélène y font inhumés ; mais les Rhodiens
ont une tradition bien différente : ils
prétendent qu'après la mort de Menelas Se
pendant l'abfence d'Orefte , Hélène vint chercher
une retraite à Rhodes auprès de fon amie
Polixo ; que Polixo, voyant Hélène en fa puiffance,
réfolut de fe venger fur elle de la perte
de .T.lepoleme tué au fiége de Troye, & que
dans ce dedèin, un jour que la Princeflè étoit
allé laver à la rivière, Polixo y envoya fes
femmes déguifées en furies, qui prirent Hélène,
l'attachèrent à un arbre & l'étranglèrent : fait
fi vrai, dit-on , qne pour expier le crime de
Polixo , les Rhodiens bâtirent dans la fuite à
cette Princefle un temple fous le nom d'Helene
Dindritis , ( attachée à un arbre ). Paufanias
ajoute à ce récit le conte que faifoient les
Crotoniates & les Hymeréens du mariage
d'Helene avec Achille dans l'Ifle TJUC*.
Hérodote prétend qu'Helene n'a jamais été
à Troye, & que Menelas la retrouva en Egypte.
(

ci REMARQUES HISTORIQUES
(d) De l'olivier que le fils d'amphitryon
apporta des four ces du Danube.
Pindare attribue ici à l'Hercule Grec, ce qui
ie\oa Paufanias, appartient à l'Hercule Idéen
ou de Crète. Sur le derrière du grand Temple
d'Olympie, il y avoit un Olivier que l'on nomnioic
par excellence l'Olivier aux belles Couronnes
., parce qu'en effet on fe fervoit de fes
rameaux pour couronner les Vainqueurs.
L'Hercule Grec, quoique fils de Jupiter, efl:
appelle fils d'Amphitryon Général des Thebains
, tnari d'Alcrnene. Amphitryon étoit fon
père putatif.
Le Danube , un des plus grands fleuves de
l'Europe , l'ifter des anciens. Ses fources font
dans la forêt noire près, de Zunberg.
(e) Des Hyperbore'ens, inviolablement at*
taches au culte d'Apollon.
. Les Hyperboréens , ainfi appelles parce
qu'ils étoient près du Borée ou Pôle arâique,
étoient aulïï nommés un Peuple facré , &
paflbient pour le peuple du monde le plus religieux.
Ils honoraient Apollon d'un culte particulier
, parce que Latone étoit née dans leur
pays , & que ce Dieu s'en regardant comme
originaire s'y étoit retiré , l'orfqu'il fut
banni du ciel ponr s'être emporté contre
Jupiter , qui avoit foudroyé fon fils Efculape.
Ils avoient inftitué des fêtes, & confacré une
ville entière en fon honneur : ils envoyoient
tous les ans à Delos les offrandes des prémices.

SûR L'ODE TROISIèME. 53
de leurs fruits. Au commencement deux ou
trois jeunes filles *, des plus illufttes familles,
accompagnées de cent jeunes hommes , d'une
valeur & d'une fageflè éprouvées i portoient
ces offrandes. Cette coutume dura jufqu'à ce
que les droits de l'hofpitalité ayant été violés
dans la perfonnede ces Pèlerines , dont aucune
n'eut le bonheur de retourner dans fa patrie ,
les Hyperboréens prirent le parti de faire paffêr
leurs offrandes, comme de main en main ,
jufqu'à Delos, par l'entremife des Peuples
placés fur le .chemin des deux routes qui y
conduiraient. Par l'une ils les donnoienc
aux Arimafaes , qui les remettoient aux Iflèdons
, les Ifledons aux Scythes qui les portoient
à Sinope, où il fe trouvôit toujours des Grecs,
qui les envoyoient à Prafies, d'où les Athéniens
avoient foin de les faire porter à Delos. Pat
l'autre route, ils les envdyoient aux Pélafges de
Dodone , qui les portoient à travers les mon*
tagnes dans la Melide , d'où ces offrandes
pafloient par mer en Eubée, & de là arrivoient
dans les ports de Ja Grèce.
Les Hyperboréens font aujourd'hui les Ruflès
Septentrionaux entre le Volga & la mer blanche;
mais deux fcavans Modernes fe font formé
deux opinions différentes fur la fituation des
lieux d'où Hercule apporta l'olivier.
M. l'Abbé Gedoyn regarde le pays déûgné;
par les anciens comme trop feptentrionaf pour
que l'olivier y pût croître , & il penfê que les
Hyperboréens et oient voifins des Celtes. Les
Grecs, dit-il, comprennent fous ce nom la
* Hérodote & Callimaque nomment fix filles du iàngRoyaA
Jt Sacerdotal : Opis,Hec», Ergé, Hiperboché, Laodicé, loto.
C iij

'54 REMARQUES HISTORIQUES
plus grande partie des Peuples de l'Europe : ce
voilînage les a induits en erreur & leur a fait
prendre un peuple pour l'autre. Ainfi quand ils
ont dit que l'olivier venoit du pays des Hyperboréens,
ils ont voulu dire du pays des Celtes ,
dont une partie fort feptentrionale, une partie
au midi, une autre au couchant. Or il n'eft
pas étonnant que l'Hercule Idéen , le Tyrien ,
l'Egyptien ou le Thebain foit venu par mer
en Provence ou en Italie, d'où il ait rappotté
du plant d'olivier.
M. l'Abbé Banier place ce Peuple au-delà de la
Thrace dans la Colchide : 11 dit que les monts
Hyperboréens font une chaîne du mont Taurus
qui commence dans les extrémités méridionales
de l'Afie mineure, qu'il traverfe, & s'étend
jufqu'aux extrémités de notre continent
en tirant vers le Nord & le Nord-eft, 8e
prenant fuccefïïvement les noms d'Imaiis,
d'tmodus, de Paropamife ©v. Or, pourfuit M.
l'Abbé Banier , comme ily a quelques-unes des
branches de cette montagne qui ne font pas
éloignées de la Colchidt, puisqu'elles panent
entre la mer Cafpienne & le pont Euxin , ...
la Colchide eft le lieu, &c.
(f) La belliqueuse pie de Latone.
Diane, fille de Jupiter & de Latone , iceur
d'Apollon, s'appelloit Hécate dans les enfers ,
Diane fur la terre, Lune ou Phebé dans les
Cieux , & Lucine lorfqu'elle préûdoit aux
enfantemens. Elle avoit un temple à Ephéfe,
qui a été mis entre les merveilles du monde.
L'Hiftoire diftingue plufieurs Dianes.

SUR L'ODE TROISIèME. 55
(g) Par les ordres d'Euryjlbe'e , auxquels
la loi inflexible de [on père l'avoit
ajfujetti.
Jupiter , ou félon d'autres , Themïs ayant
prédit qu'il naîcroit bientôt un enfant qui
commanderoit un jout à tous les hommes.,
Junon que l'on fait auflï préfider aux enfan-
,temens , retarda l'accouchement d'Alcmene ,
& avança celui d'Archippe , femme de Stenelus
, Roi de Mycenes ; enforte qu'£urifthée
naquit avant Hetcuie , & que celui-ci lui fut
affujetti : delà font venus les douze travaux fi.
fameux chez les Poètes.
Il y a apparence qu'Hercule ne fe fournît
pas volontiers ; il tomba en fureur : Apollon
qu'il confulta dans fon temple de Delphes,
lui répondit qu'il ne pouvait fe délivrer de la
fureur qui le tourmentoit qu'en obéiûant aux
ordres d'Eurifthée.
(h) Cette biche aux cornes d'or que Taygete
....
Taygete, fille d'Atlas & de Pleïone, pourfuivie
par Jupiter, fut changée en biche par
Diane , qui lui rendit fa première forme quand
le péril fut pafle. Cette Nymphe en reconnoiffance
confacra à la Déefle une biche dont elle
fit dorer les cornes , & qu'elle ornoit de bandelettes.
C'eft cette biche qu'Hetcule rapporte à
Euryfthée & qui fait l'un de fes travaux.
Civ

$6 REMARQUES HISTORIQUES
Hlot- * Virgile raconte que Taygete eut un fils de
Jupiter , appelle Lacedemen, lequel fonda la
Tille defon nom , qui a été û renommée dans
la Grèce. Paufanias remarque qu'on voyoic
dans un village appelle, Aie fie s , un monument
héroïque érigé en l'honneur de Lacedemon
fils de Taygete : ce qui prouveroit ou
que la Déeflè ne vint point à fon fecours , ou
qu'elle y vint trop tard.
(!) // leur a confié l'admtnifiratîon de ces
combats.
En générât ces deux frères diofcures étoient
eftimés chez les anciens les arbitres des
loix & des jugemens. Les Hiftoires Grecques
& Romaines font remplies de prétendues
apparitions miraculeufes foit pour procurer
la victoire , foit pour l'annoncer après
qu'elle étoit obtenue.
(kj -d atteint les Colonnes d'Hercule.
Expreffion figurée pour marquer que Theron
étoit au comble de la gloire , & qu'il ne
pou voit aller plus loin.
L'Hercule Egyptien parvenu aux deux
montagnes de Calpé & Abyla , qui forment le
détroit de Gadés ou Cadix , a préfent Gibraltar
, croyant qu'il n'y avoir plus de terre
vers l'Occident, y pofa deux grandes colonnes
ou monceaux de pierre, avec une iufcription

SUR L'ODE TROISIèME. 57
qui portoit que citait là le bout Au monde ts*
qu'en ne pouveit p*jfir outre. Les critiques
ctoient que ces colonnes n'eziftèrent jamais ,
& que ce qui a donné lieu à la fable ,
c'eft ou la htuation même des deux montagnes
, dont l'une eft en Europe & l'autre
en Afrique , on les deux colonnes magnifiques
qui fe trouvèrent dans le temple
fameux que les babitans de Cadix firent
bâtir à quelque diftance de leur ville en
l'honneur d'Hercule. Comme elles étoient
gravées en caraâères Phéniciens, on crut dans
la fuite que ce Héros lui-même les avoit fait
élever»
P*

1«
ARGUMENT.
INVOCATION dePindare à Jupiter.
Il dit que les heures révolues , c'ejlà-dire
le tems , le ramènent pour être
témoin des Combats Olympiques , & il
prie ce Dieu de recevoir favorablement
fon hymne. Le Poète loue enfuitePfaumis
de fa victoire , de fon habileté à dreffer
des chevaux , de fon amour pour la
paix , pour l'hofpitalité ; des foins qu'il
fe donne pour maintenir la tranquillité
de fa République.^ Pindare protejie de la
Jincérité de cet éloge ; il ajjure que l'expérience
, qui efl la preuve des hommes ,
le confirme ; & raconte à ce fujet
l'aventure d'Erginus dans l'Ifle de
Lemnos.

ODE QUATRIEME.
Î9
A PSAVMIS DE CAMARINE %
Vainqueur à la courfe des Chars.
VOus qui lancez la foudre infatigable
, puiflant Jupiter ! vos
heures révolues {a) me ramènent ici
avec les fons variés de ma lyre, pour
être le témoin de ces Combats renommés.
Les gens de bien , auffi-tôt
qu'ils en reçoivent la douce nouvelle
, fe réjouiffent des fuccès de leurs
amis. Fils de Saturne , qui habitez
le Mont-^Ethna , fardeau bridant de
Typhon (b) aux cent têtes , regardez
favorablement cet hymne de la
viftoire d'Olympie.
Lumière éternelle des plus fublimes
vertus , elle eft venue fur le
char de Pfaumis , qui couronné de
l'olivier de Pife , ne s'occupe qu'à
rétablir la gloire de Camarine (c).
Que les Dieux foient propices à fes
deffeins ! Je le loue fur-tout de fon
habileté à dreffer des chevaux , de
fon amour pour l'hofpitalité qui
n'excepte perfonne , & de cet efprit
Ç vj

éo LES OLYMPIQUES.
fincèrement tourné à la tranquillité
de fa patrie. Je ne farderai point mon
difcours par le menfonge : l'expérience
eft la preuve des hommes.
Elle qui délivra autrefois le fils de
Clymenus (d) des railleries des femmes,
de Lemnos : Car ayant vaincu
à la courfe chargé d'armes pefantes ,,
il dit à Hypfipyle , en s'approchant
pour recevoir la couronne, c'e/i moU
même ; la vîteffe de mes pieds égale la
force de mes mains & mon courage..
Les cheveux blancs (e) croiflent quelquefois
fur le front d'un jeune homme
, avant l'âge qui leur eft propre.
0£

6t
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode quatrième,
(a) Vos heures révolues.
L E
S Heures filles de Jupiter & de Themisv
On en connoit cinq, Eunomie, Vice,Irène »
Carpo ©• Thalotte. Noms qui fignifient Loi »
Juftice , Paix, Fruits , Fleurs ; & qui marquent
que le bon ufage des heures fait fleurir
les loiz, la juftice , Ta paix, ainfî que les
arbres & les plantes. Les heures , comme je
Texplique dans l'Argument de cette Ode , font
mites là pour le tems. Madame Dacier obferve
qu'Homère emploie toujours ce mot
pour faifons , que ce ne fut qu'après Homère
que les Grecs s'en fervirent pour défigner une
partie du jour, & qu'Anacréon eft un des premiers
Poètes qui l'ait employé en ce dernier
fens dans fon Ode troifiéme.
(b) Le MontJEtbna , fardeau brûlant de
Typhon.
Le Monti-Ethna, aujourd'hui le Mônt-Gibel »
montagne de la Sicile. La fable veut que Typhon
ou Typhoée ,. l'un des géants qui firent
la guerre aux Dieux , y ait été précipité par
Jupiter > & elle dit que c'eû lui qui vomit ces
rorrens de flammes , de filmée , de cailloux ,
de cendres brûlantes qu'on en voit fortir, &
qu'en, fe remuant il caufe les tremblemens-de
terre. Elle place auffi dans cette montagne les.
forges de Vulcain.
Ceux qui ont le mieux dévelopé le fens
hiftorique des fables, croient que ce géant
n'eu autre chofe que la mer on le Nil ,dont les

6i REMARQUES HISTORIQUES
débordemens défolèrent l'Egypte ; & tout an
plus un Tyran qui détrôna Ofiris : mais les
Poètes en ont fait un monftre également horrible
& bizarre. Junon félon eux , le fit fortit
de la terre. Ils lui donnent un corps couvert
d'écaillés , & une taille d'une grandeur fi
énorme , que de fa tête il touchoit le ciel, Se
de fes cent bras , dont les mains & les doigts
étoient entortillés de ferpens , il touchoit les
deux bouts du monde. C'eft lui qui effraya
tous les Dieux par fa préfence , & les obligea
d'aller fe cacher en Egypte fous la figure de
divers animaux. C'eft lui qui pourfuivit Venus
& Cupidon jufqu'au milieu de l'Aflyrie , où
pour éviter de tomber entre fes mains, ils fe
jettèrent dans l'Euphrate& fe métamorphosèrent
en poifTons. C'eft lui enfin qui ayant perfécuté
long-tems Apollon, fut tué par ce Dieo
à coups de flèches auprès de Delphes. II eut
pour femme Echidné , & pour enfans , les
Gorgonnes , Cerbère , le Sphinx.
(c) La gloire de Camarine.
Camatine , ville de la Sicile , bâtie vers la
quarante - quatrième ou quarante-cinquième
Olympiade , rafée par les Syracufains cinquante-deux
ans après , rétablie depuis par un
nommé Hippona, & enfin entièrement ruinée :
il n'en refte qu'une tour fur la côte méridionale
de la vallée de Notho , & le nom à une rivière
de la Sicile.
Ses habitans ayant confalté l'Oracle fur ce
qu'ils dévoient faire pour fe garantir du mauvais
air & de la mauvaife odeur d'un marais
qui étoit auprès de leurs murs , l'Oracle répondit
que s'ils le defTéchoierit, ils en feroient
encore phis incommodés. Cette réponfe leur

SUR L'ODE QUATRIèME. 63
paroitfant ridicule, ils firent écouler les eaux,
& il arriva que les ennemis entrèrent depuis
>ar cet endroit dans leur ville. Ce qui donna
s
ieu au proverbe : ne remuez, pas le marais dt
Camarine, pour lignifier qu'afin de fe délivrer
d'une petite incommodité , il ne faut pas
s'erpofer à an plus grand mal.
(d) Le fil f de Climenus.
Les Argonautes étant dans l'IQe de Lemnos,
•flirtèrent aux Jeux Funèbres qu'HypGpyle
Reine de cette Ifle , célébroit en l'honneur de
fon père Thoas. Erginus , fils de Clymenus ,
la tête couverte de cheveux blancs, fe préfenta
dans la Lice : les femmes de Lemnos fe
moquèrent de lui. Erginus vainquit cependant
à la courfe les fils même de Borée, reçut le
prix des mains d'Hypfipyle ; & l'expérience
que l'on fit de fon agilité & de fa force, mit fin
aux railleries que fes cheveux avoient excitées.
Cet Erginus partageoit avec Typhis la fonction
de Pilote dans le navire Argo ; & quelques
Auteurs ne l'appellent vraifemblablement
fils de Neptune qu'à caufe de fon habileté dans
la Navigation.
(e) Les cheveux blancs.
On peut préfumer que Pfaumis, quoique dans
la force de l'âge , avoit encore ce trait de
reflemblance avec l'Argonaute dont Pindare
rapporte l'exemple.
La victoire célébrée dans cette Ode , ainfi
que les trois célébrées dans l'Ode fuivante ,
font de la quatre-vingt-deuxième Olympiade.

u
ARGUMENT.
LEs trois victoires remportées par
Pfaumis,font lefujet de cette Ode,
Le Poète fait voir que la gloire de fort
Héros fe répand également fur fa.
Patrie & fur fon père ; il rappelle en
détail les noms des différens lieux que
ces viSoires honorent ; il dit qu'elles
font le fruit du travail, de la dipenft
& de la vertu , & que quand on réujjit
on eji approuvé même de fes Concitoyens.
Pindare finit par une prière à
Jupiter pour la félicité de Camarine, &
pour la continuation de celle de Pfau—
mis; il tache deperfuadera ce Vainqueur
de ne rien defirer au-delà.

ODE CINQUIEME. (*>
*f
AU MEME P S A V M I S (b) >
Vainqueur à la courfe des chars at­
telés de quatre chevaux , des chars
attelés de mules (c), &• du cheval
feut.
FIfle de l'Océan \ recevez avec joie
cette fleur agréable des vertus
fublimes & des couronnes qui fç
cueillent à Olympie , don de Pfaumis
& de fon char attelé de mules
infatigables. En augmentant la gloire
de votre ville, ô Camarine, nourrice
des peuples ! il a honoré les autels
des douze grands Dieux (d) par des
facrifices folemnels & des jeux célébrés
durant cinq joursfe .Vainqueur,
il vous a confacré fes belles couronnes
; il a fait proclamer fon père
Acron, & cette demeure nouvellement
habitée*
A fon retour des lices chéries

g"6 LES OLYMPIQUES ^
d'Oënomaiis & de Pelops , ô Pallas
confervatrice des villes (/) ! il célèbre
votre bois facré , le fleuve Oanus
(g), le marais de Camarine , ces
canaux vénérables par lefquels l'Hipparis
porte le tribut de fes eaux à une
colonie nombreufe, & confolide tout
à la fois par fon limon cette haute
forêt de maifons ftables , d'où fort
au grand jour ce peuple d'habitans.
Le travail & la dépenfe combattent
fans cefle dans les entreprises périlleufes
à côté de la vertu ; & ceux
qui réufliflent paroiflent fages même
à leurs concitoyens.
Jupiter, qui veillez fur nous du
haut des nues, qui habitez le promontoire
de Saturne , qui honorez
le cours fpacieux de TAlphée, &
l'antre facré du Mont-Ida ! je viens
vous demander enfuppfianî, aux fons
de ma flûte lydienne , d'illuftrer cette
Ville par les vertus les plus rares.
Et toi Vainqueur Olympique, qui te
plais à nourrir des chevaux fuperbes
(A) , puifle-tu , à Pfasmis ! entouré
de tes enfans, jouir jufqu'à
la fin d'une vieilkfle tranquille. Que

ODE CINQUIèME." "

68
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode cinquième.
(a) Ode cinquième.
LE Scholiafte aflure que cette Ode-ne fe
trouvoit point dans les anciens exemplaires
: fur cette autorité & fur ^arrangement
fingulier des ftrophes,quelques critiques fe font
perfuadés qu'elle pourroit bien n'être pas l'ourrage
de Pindare. Nicolas le Sueur iemble
avoir décidé qu'il ne la reconnoifToit pas pour
être de notre Poëte , puifque dans fa traduction
latine des Olympiques, il n'en fait pas
même mention. Mais je me range a l'avis de
Mém. de M. l'Abbé Sallier , qui a auffi traduit cette
me des cinquième Ode. Toutes les raifons alléguées
g?foJKL par ces critiques , & l'uniformité qui régne
imm dans l'apoftrophe me touchent foiblement. Le
dérangement des ftrophes , qu'ils relèvent, eft
aifé à reftituer , & je ne puis n'y pas reconnoître
la manière hardie Se le caractère fublime
du Poëte grec.
(b) Au même Pfaumis.
Ce vainqueur n'eft connu que par cette
Ode & laprécédente-.ce qu'on peut conjecturer,
c'eft qu'il étoit un des principaux citoyens de
Camarine , qu'il avoir beaucoup contribué au
récablifTemenc ou à l'aggrandiflèment de cette
ville ; Si on fent en difrerens endroits de ces
deux OHes, fur-tout à la fin de celle-ci^ que
Pindare cherche à le détourner de la tyrannie
de fa patrie, à laquelle la conCdération qu'il y
•voit aquife & tes richeUès pouvoienc le porter.

SUR L'ODE CINQUIèME. 6$
(c) Des chars attelés de mules.
Voyez l'Hiftoire des Jeux Olympiques.
(d) Les Autels des douze grands Dieux.
Le Temple d'OIympie ne contenoit que fix
autels. Le» vainqueurs avoient coutume d'y
faire des facrifices fur-tout après la célébration
des Jeux. Yoyez l'Hiftoire des Jeux
Olympiques.
(e) Et de s Jeux célébrés durant cinq jours.
Le Grec ajoute par des courfes de chars
attelés de chevaux , de chats attelés de mules
& de chevaux conduits avec un feul frein.
(/) Pallas eonfervatrice des Filles.
Pallas , Minerve, Athené , font trois noms
d'une même divinité. On la fait fille de Jupiter,
& on raconte que ce Dieu après la guerre des
Titans ou du Ciel & de la Terre, époufa Métis
la plus fage fille du monde ; mais qu'ayant
appris du Ciel, comme elle étoit prête d'accoucher
, qu'elle enfanterait une fille d'une fageflè
confommée , & un fils à qui les deftinées réfer.
voient l'empire, il les dévora. Au bout de
quelque temps fe fentant une grande douleur
de tête , il eut recours à Vulcain qui d'un coup
de. hache lui fenoir te cerveau , d'où fortit
Minerve toute armée., • & dans un âge même
allez; avancé. D'anttes difept que Jupiter déjà
marié avec Junon, ne pût ce deffein que parce-.

yô REMARQUES HISTORIQUES
que fa femme étoit ftérile. Il y en a qui croient
trouver dans cette fable les myfteres de la
Philofophie de Platon.
Pallas étoit regardée comme la Divinité
tutélaire des villes, & les anciens placoienc
fa ftatue au haut de leurs fortereffes & de leurs
temples. L'Hiftoire compte cinq Déeflès de ce
(g) Le Fleuve Oanus.... les canaux par
lefquels V Hipparis.
Fleuves de la Sicile. On croit que l'Oanuî
cfl aujourd'hui Prafctlari, & l'Hipparis Cumarino.
Triclin. dit que ce dernier eft proche de
Camarine, que fon lit eft tel qu'il peut recevoir
des vaiûeaux, & qu'il prend fa fource dans une
certaine montagne fort couverte de bois , où
les Camarinains en coupent pour la conftruction
de leurs édifices, & le mettent à flot dans
ce fleuve qui le porte jufqu'à la ville. L'Hipparis
eft fort poiffonneux & roule un limon
épais. Le Scholiafteobferve que fes canaux font
appelles vénérables,parce qu'une partie de l'eau
eft douce & l'autre falée s Triclin. parce qu'ils
coulent pour l'ufage & l'utilité de la ville. Ne
feroit-ce point parce que les anciens mettoient
des divinités par-tout i
(h) Qui te plais à nourrir des chevaux
fuperbes.
Le Grec porte : dtsChtvutx de Neptwii.. ,
Les anciens croyoient que le cheval étoit ua
préfent de ce Dieu ;& il s'eft confervé deur
uaditions, l'une

SUR L'ODE CINQUIèME. 7*
fort indécent,dont la naiflànce du cheval avoit
été l'effet > l'autre, que dans fon différend avec
Minerve pour l'honneur de donner le nom à
la ville d'Athènes, ce Dieu frappa la terre d'un,
coup de Trident & en fit fortir le cheval.
C'eft ici le lieu de donner l'explication hiftorique
de cette dernière fable. Il y a différentes
opinions.
Appollodore, qui rapporte cette fiétion,a joute
que Neptune arrivé le premier dans l'Attique
avoit fait fortir de terre une mer,& que Minerve
en préfence deCécrops avoit planté un olivier,
qui fe voyoit encore de fon tems dans le temple
de Pandore , l'une des filles de ce Roi.
St. Auguftin, après Varron, découvre l'origine
de cette fable : Cecrops , dit-il, en bâtiflant
les murs d'Athènes , trouva un olivier & une
fontaine : on confulta l'oracle de Delphes qui
répondit que Minerve & Neptune avoient droit
de nommer la nouvelle ville; le Peuple & le
Sénat aiTembiés décidèrent en faveur de la
Déeflè.
Selon quelques Auteurs la fable eft fondée fui
le changement que fit Cronaiis en faifant porter
à fa capitale le nom i'Atbeni fafille,au lieu
de celui de Pofidonie qu'elle portoit, & qui
étoit le nom de Neptune. Comme l'Aréopage
autorifa ce changement, on feignit que Neptune
avoit été vaincu par le jugement des
Dieux.
Le P. de Toarnemine l'explique d'une troi- Joamaiie
fiéme manière: "Les anciens peuples de l'Atti- j ^ , ^ *
„ que . poftérité de Cetthin, fauvages & féro- *7

7i REMARQUES HISTORIQUES
„ en firent des Pirates. Cécrops originaire de
„ Sais en Egypte, laquelle prend fon nom de
„ l'Olivier, y conduifit une colonie , abolit
„ les moeurs barbares, leur apprit la culture
„ de la terre & des oliviers, pour lequels le
„ terrein fe trouva propre , leur enfeigna à
„ honorer Minerve , appellée Athtné, fort ré-
„ vérée à Saïs,& à qui l'olivier eft confacré....
„ Les Athéniens la regardèrent depuis comme
„ la protectrice de leur ville &c. Athènes alors
„ devenue faraeufe par l'excellence de fon
„ huile, & le profit qu'on en retira, firent for-
„ mer le dcflèin de détourner le peuple de la
„ piraterie, pour s'appliquer uniquement à la
„ culture de la terre. De-là la fable compofée
„ dans l'ancienne langue du pays , qui étoit
„ la Phrygienne mêlée de mots Phéniciens ; &
„ comme dans ces deux langues le même mot
„ lignifie un cheval & un navire , on prit ce
,, mot dans la première lignification. Sans
„ cette méprife., continue-t-il , auroit-on
„ donné le nom d'Ippim à Neptune & fait un
„ cavalier du Dieu de la Mer ; Pour le dire en
„ un mot avec Voflîus , conclut le P. de
„ T.. .. ce fut un différent des Matelots ,
„ qui reconnoiûoient Neptune pour leur chef,
„ avec le peuple qui s'attachoit au Sénat gou-
„ verné par Minerve. Le peuple au jugement
„ de l'Aréopage l'emporta, & la vie champêtre
„ fut préférée à celle des Pirates. „
L'explication de M. l'Abbé Baniet n'eft pas
moins naturelle.Les Corinthiens & les Argiens,
au rapport de Paufanias, avoient chez eus
des fables pareilles : ainfi dans ces occafîons &
autres femblables , dit cet habile Mythologue ,
il s'aguToit de l'iotrodu&ion dit cnlte de ces
Dieux

SUR L'ODE CINQUIèME, jf
Dieux & del'oppofition qui s'y rencontroit. L'on
prenoit des Arbitres ; le Dieu donc on recevoit le
culcepar préférence, éroic cenfé avoir remporté
la victoire. En effet les Athéniens qui préférèrent
d'abord l'agriculture au commerce maritime ,
honoroient plus particulièrement Minerve que
Neptune ; & les Corinthiens placés entre deux
naers , préférèrent le culce de Neptune à celui
d'Apollon ; c'eft-à-dire, le commerce de la mer
aux feiences & aux beaux arts. Le Soleil & Neptune
avoienc pris pour Juge firiarée, lequel adjugea
l'ifthme à celui-ci, & le promontoire qui
commande la ville , au premier.
D

74
A R G U M E N T .
L OvANGES d'AgèJîas & des Iamidesfis
ancêtres. Le Poète compare
fon héros à Amphiaraus , qui étoit en
même tems un devin fage & un vaillant
guerrier ; il feint s pourfe tranfporter
che\ Pitane t de monter fur les
mules couronnées à Olympie ; il raconte
la naiffance & la vie de Iamus
auteur de la race d'AgèJîas ,fon
établijfement &fa Prêtrife dans le Temple
de Jupiter Olympien. Il s'adreffe
enfuite à jEnée, le maître du chœur qui
chantoit fes hymnes. Il lui commande
défaire mention de Syracufe & d'Orly*
gie ; touche en pajfantl'éloge d'Hiéron,
& finit en demandant à Neptune une
félicité confiante pour Agêjîas dans
fes deux Patries, à Stymphale & à.
Syracufe.

ODE SIXIEME.
7$
r
A AGèSIAS DE SYRACUSE^
Vainqueur (a) à la courfe des Chars
attelés de mules.
DE même qu'en bâtiffant un Palais
fuperbe , on en foutient le
veftibule avec des colonnes d'or ,
l'on doit donner au Poème un frontifpice
éclatant. Si cet homme eft
vainqueur à Olympie , s'il préfide
dans Pife à l'autel fatidique (b) de Jupiter
, s'il eft le reftaurateur de la
noble ville de Syracufe , comment
fe pourroit-il fouftraire à des Hymnes
que fes Concitoyens répéteront fans
envie dans leurs aimables chants ?
Que le fils de Softrate fçache qu'il
a pofé ici un pied fortuné I car les
honneurs acquis fans péril ne font
précieux ni fur la terre ni fur les
vaiffeaux légers : on fe reffouviest
au contraire d'une entreprife qui a
coûté des travaux. Agefias , vous
méritez l'éloge qu'Adrafte proféra
Dij

ODE SIXIèME; 77
On raconte que s'étant unie à
Neptune , fils de Saturne , elle
accoucha de la belle Evadné (/).
Pitane cacha dans fon fein le
fruit de fes amours , & à un certain
mois, ayant éloigné fes domefliques,
elle ordonna de porter l'enfant au
fils d'Elatus (g) , qui commandoit
aux Arcadiens dans Phéfane , & à
qui le fort avoit permis d'habiter
auprès de l'Alphée. Elevée fur ces
bords, Evadné goûta fous Apollon
les premières douceurs de Venus.
Sa groffeffe qu'elle cela, ne fut pas
long-temps ignorée d'vEpytus. Ce
Prince , renfermant avec foin dans
fon cœur une colère inexprimable ,
vint lui - même à Pytho confulter
l'Oracle fur ce cruel événement.
Evadné alors , quittant fa ceinture
de pourpre & fon urne d'argent, mit
au monde entre des bluffons épais
un fils doué d'un efprit prophétique.
Apollon y fît affîfter la favorable
Ilithye {fi) , & les Parques (*').
Aufli-tôt lamus (it) , forti de fon
fein dans le travail de l'enfantement,
D iij

78 LES OLYMPIQUES ,
parut à la lumière. Preflee de fes
douleurs elle l'abandonna fur la terre
humide ; mais deux dragons effroyables
en prirent foin par l'ordre des
Dieux , & le nourrirent du miel le
plus pur. Le Roi de retour de la pierreufe
Pytho , demandoit à tous fes
Officiers des nouvelles de l'enfant
dont Evadné étoit accouchée : il a
été engendré par Apollon , leur
difoit-il.
Ce fera un devin fameux entre les
hommes, & fa poftérité ne finira
jamais. ÎEpytus le défignoit de la
forte ; mais fes Officiers proteftoient
qu'ils n'avoient ni vu ni entendu cet
enfant, quoiqu'il fut né depuis cinq
jours : le tendre corps d'Iamus couvert
de violettes de diverfes couleurs
, étoit encore caché parmi les
joncs & les bluffons ; c'eft pour cela
que fa mère voulut qu'il fut appelle
dans tous les tems de ce nom immortel.
Lorfqu'il eut reçu les marques de
ïa puberté couronnée d'or, descendant
fur la nuit aux bords de l'Alphée,

ODE SIXIèME." 79
il apella le puiffant Neptune fon aïeul,
& fon père qui porte un arc , & qui
veille fur Plfle de Delos (/) faite de
main divine : il leur demanda pour fa
tête quelque honneur public. La voix
véridique d'Apollon fe fit entendre ,
& lui dit : leve-toi, mon fils , & me
fui dans cette contrée commune à
toutes les nations.
Ils fe rendirent fur le haut Promontoire
de Saturne , où le Dieu
lui donna un double tréfor de divination
: pour lors , celui d'entendre
jfa voix , qui ignore le menfonge ; &
quand l'audacieux Hercule , (m)
illuftre rejeton des Alcaïdes , feroit
venu, & auroit inftitué fur l'autel
fuprême de Jupiter des fêtes célèbres
, & les rits facrés de ces Jeux,
le pouvoir d'y placer le fiége de fes
Oracles.
Depuis ce tems une félicité conftante
accompagne parmi les Grecs
la race célèbre des Iamides. Ceux
qui cultivent la vertu marchent dans
«ne carrière Brillante : l'œuvre
annonce ce que chacun efl : le
Div

8o LES OLYMPIQUES ,
blâme ne tombe que fur les envieux
de ces vainqueurs, qui pouffant pour
la douzième fois leurs chevaux autour
de la Borne , reviennent avec
un front couvert de gloire.
S'il ett. vrai, ô Agéfias ! que vos
aïeux maternels ayent fouvent offert
fur le Mont Cyllenes («) d'humbles
facrifices au Meffager des Dieux ,
(o) qiu gouverne ces combats & le
fort des prix , qui chérit FArcadie
puiffante en hommes ; c'eft lui, fils
de Sourate , avec fon père Jupiter ,
qui met le comble en ce jour à votre
félicité. Une penfée s'offre à moi
tout à coup , laquelle ainfi qu'une
pierre polie aiguife ma langue , &
m'entraine fans réfiftance vers le
doux fon des flûtes.
La floriffante Métope (p) , fille de
Stymphale , eft mon aïeule maternelle;
Métope a enfanté la noble Thebes
dont je bois les aimables eaux en
compofant divers hymnes pour ces
hommes belliqueux. jEnée (q) , exhorte
tes compagnons à chanter d'abord
Junon Parthenienne , & qu'ils

ODE SIXIèME: 8I
examinent enfuite fi nous n'avons
pas échapé par de juftes moyens à
l'ancien reproche de pourceau de Bèotie
(r) : car tu es le fidèle meffager
des Mufes , & le chantre agréable de
mes vers harmonieux.
Commande-leur encore de faire
mention de Syracufe & d'Ortygie
(s), qu'Hieron pfein de fages deffeins
gouverne avec un fceptre équitable ,
honorant la blonde Cerés , les fêtes
de fa fille (t) traînée par des chevaux
blancs , & la puiffance de Jupiter
jEtnéen («). Ma lyre & mes hymnes
connoiflent ce Prince. Que le tems
à venir puiffe ne donner aucune
atteinte à fa profpérité , & qu'il
reçoive avec fon affabilité ordinaire
l'hymne d'Agefias , qui paffe d'une
demeure à l'autre (x), en venant des
murs de Stymphale , mère de l'Arcadie
abondante en troupeaux I
Deux ancres font néceffaires pendant
une nuit orageufé pour affurer
un vaiffeau léger. Que les Dieux
vous faffent , Agefias, un fort heureux
dans l'une & l'autre contrée 1
D y

8z - LES OLYMPIQUES.
PuhTant Roi de la mer, époux d'Amphitrite
qui porte une quenouille
d'or , accordez-lui une navigation
favorable & exempte de travaux ,
& augmentez de jour en jour la
douce réputation de mes hymnes.

REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode fixiéme.
(a) Agefias de Syracufe, vainqueur.
SA victoire eft de la quatre-vingt-quatrième
ou quatre-vingt-cinquième Olympiade.
(b) Préjide.. a l'autel fatidique de Jupiter.
Pindare donne à Agefias la plus illuftre origine
& les fonctions les plus honorables que
l'on pût avoir dans l'antiquité païenne. Les
anciens parlent'de la famille des Iamides ou
Jarnides comme en parle notre Poëte. Paufanias
remarque qu'à la bataille de Mantinée
les Mantinéens avoient avec eux le
devin Thrafibule Eléen, fils d'Eneiis de la
lace des Iamides , qui leur prédit la victoire
& y contribua beaucoup par là valeur. La
grande Prêtrile de l'autel de Jupiter dans
: temple d'Olympie appartenoit vraifembla-
Ï
lement à la famille d'Agefias : fes ancêtres
avoient été revêtus de ce facerdoce , & lui
l'exercoit alors.
Cet autel eft nommé fatidique , parce que
comme le dit Pindare dans un autre endroit,
le Prêtre avant la célébration des Jeux lifoit
dans les entrailles des vi&imes le fort qui
attendoic les Athlètes,
Pvj

84 REMARQUES HISTORIQUES
(c) Qu'Adrafte profera autrefois fur le
devin Amphiaraiis.
Amphiaraiis fils d'Oïclée , & félon quelques
auteurs, d'Apollon & d'Hypermneftre , ayant
prévu par les fonges, ou par le vol des oifeaux,
qu'il périroit à la guerre de Thebes, fe cacha
pout n'y point aller : mais fa femme Eriphyle,
îeduite pat la promefle d'un riche collier ,
découvrit le lieu où il s'étoit retiré , enforte
qu'il fut forcé de prendre les armes & de partir
avec les autres chefs. Indigné de fe voir fi
lâchement trahi, il ordonna à fon fils Alcmeon,
au/fi-tôt qu'il apprendroit fa mort, de la
•venger fur Eriphyle.
L'entreprife contre Thebes ne fut pas heureufe:
des fept chefs, il en périt d'abord cinq. Les
unis difent fimplemenc que Jupiter ne voulant
pas qu'Amphiaraiis tombât vivant entre les
mains de fes ennemis, ouvrit la terre d'un coup
de foudre , & l'y fit defcendre avec fon char
& fes chevaux. D'autres chargent davantage
cette fable : ils difent qu'un jour qu'Adrafte
traitoit les principaux chefs de fon armée , ua
aigle enleva le javelot d'Amphiaraiis -, que
l'ayant porté aflez haut, il le laifla tomber, &
qu'on vit auffi tôt le javelot changé en olivier ;
que le lendemain ce Prince paflant par cet endroit
pour s'en retourner , fut englouti tout
•vivant avec fon chariot. Sa mort arriva vers
l'an 1815 du monde , 1110 ans avant notre
Ere. On lui accorda les honneurs divins , &
les Oropiens IMï élevèrent un temple qui devint

SUR L'ODE SIXIèME: 8 y
Fameux par les oracles qui s'y rendoient. 11 en
avoit aufli un à Argos près du tombeau d'Eripbyle
fa femme & de la chapelle de Bâton foa
parent & fon écuyer ; enfin un troifiéme dans
î'Attique , auprès duquel étoit une fontaine
qui portoit fon nom , dont l'eau ne fervoit ni
aux facrifices , ni aux luftrations , pas même
à laver les mains : mais ceux qui Ce croyoienc
guéris de quelque maladie par le fecours de ce
demi Dieu étoient obligés d'y jetter quelque
pièce d'or ou d'argent j & ce qui rendoit cette
fontaine refpe&able, c'eft qu'on s'imaginoit
qu'Amphiaraiis après fon Apothéofe , étoit
forti par là de dcflbus terre.
Ceux qui fe.rendoient dans le temple des
Oropiens , immoloient un mouton, en étendoient
la peau à terre & s'endormoient de/Tus,
attendant que le Dieu les instruisît en fonge
de ce qu'ils fouhaitoient d'apprendre. Plutarque
raconte à cette occaiïon que du tems de Xerxés
on envoya un homme confulter l'Oracle au
fujet de Mardonius : cet homme s'étant endormi
dans le fanâuaire,fe fenrit repouflèr avec
violence , & comme frapé à ia tête d'un coup
de pierre; ce qui s'accorda avec la fin tragique
de Mardonius , que le tuteur du'Roi des Lacedemoniens,
qui commandoit l'armée des Grecs,
tua d'un coup de pierre.
(d) O Phintis, attelez,.
Phintis étoit fans doute le conducteur ,
l'écuver du chai d'Agéfias.

86 REMARQUES HISTORIQUES
(e) Chez, Pitane fur les bords de VEurotas.
Pitane, Nymphe ou Rivière , crue fille du
fleuve Eurotas, laquelle avoit donné fon nom
à une ville de la Laconie , ruinée félon Eufebe
par un tremblement de terre l'an de notre Ere
107. Il y avoit encore deux autres villes de ce
nom , l'une dans la Mifie vers la mer Egée ,
l'autre dans la Troade.
Eurotas Fleuve du Peloponéfe , qui a (a
fource dans l'Arcadie , & pauant par la Laconie
baigne les murs de Sparte & va fe jetter
dans le golfe Laconique. On le nomme maintenant
Vftfilipotarno ou le Fleuve royal. Il eft
très célèbre chez les Poètes , qui nous peignent
les bords plantés de myrtes , de lauriers &
d'oliviers. C'eft près de ces mêmes bords que
Caftor & Pollux avoient coutume de s'exercer,
qu'Helene fut enlevée deux fois, & que Diane
fe plaifoit à chaflèr. Il étoit honoré chez les
Lacedemoniens par une loi expreflè.
(/) De la belle Evadné.
Cette Nymphe n'eft pas connue. On trouve
dans Virgile une Evadné fille de Mars & de
Thebé , mariée à Catané 5 mais félon toute
apparence, ce n'eft point la même.
(f ) Au fils d'Elatus qui commandait aux
Arcadiens dans Phejane.
Arcas , fils de Califto aimée de Jupiter,

SUR L'ODE SIXIèME. 87
Changée en ourfe & puis en conftellation, eut
de fa femme Erato trois fils , Azan, Ophidas ,
& Elatus. Ce dernier abandonna l'Arcadie, pafla
dans le pays qu'on appella depuis la Phocide ,
& y bâtit la ville d'Elatée. Il eut cinq fils, £pytus
, que Pindare nomme plus bas s Péréus
Cyllen, Ifchys, & Stymphalus. Le Royaume
d'Arcadie vint à .Sîpytus, neveu de Clitor more
fans enfans , & il mourut lai-même de la
piqueure d'un ferpent.
Phefane félon le Scholiafte & le fentiment de
tous les auteurs.eft une ville d'Arcadie.Didime
prétend néanmoins que c'étoit une ville de
l'Elide, fur" le fondement que les Arcadiens
ont régné dans l'Elide du tems d'iEpytus.
(h) La favorable Hithye.
Homère parle , fuivant la remarque de Paufanias,
de plufieurs Déefles llithyes fans en
déterminer le nombre ; mais Olen , Poëce de
Lycieplus ancien qu'Homere,& qui a fait particulièrement
pour les habitans de Delphes divers
hymnes en l'honneur des Dieux, qualifie
la Déeflè Ilithye de Btlle Fileufe , la croit plus
ancienne que Saturne, & la prend pour une
Parque, ou même pour le deftin. Ici Pindare
la prend fans doute pour cette Déeflè , fille de
Jupiter & de Junon , qui pcéfidoit aux enfanteraens
, & que les Latins nommèrent Lucine ,
foit à caufe de fon temple appelle Luc us ,foit plus
vraifemblablement à caufe de fes fonctions ;
parce qu'elle aidoit à mettre les enfans au jour,
Anbnt Imtm, On a déjà remarqué que les

88 REMARQUES HISTORIQUES
anciens donnoient ce même attribut à Diane
& à Junon.
Strabon écrit que fur f Amnyfe il y avoit un
temple d'Ilithye , & Euftathe cherche en vain
dans la racine du mot Amnyfas la raifon qui
pouvoit avoir obligé d'y placer ce temple ; ce
qui paroît très frivole à Madame d'Acier : ce
temple, dit-elle, étoit appelle l'antre d'Ilithye,
ou parce qu'il avoit fervi d'afyle à quelque
femme dans de prefTans befoins , ou parce que
l'eau étant un des grands principes de la génération
, le temple de cette Déefle ne pouvoit
être mieux placé que fur le bord d'un fleuve
ou près de la mer; j'ajouterois volontiers, parce
que la coutume étoit en ces contrées , comme
chez nos fauvages , de laver les enfans auffitôt
leur naiflance, ou dans l'eau des fleuves
ou dans l'eau de la mer.
0) Et les Parques.
Je fuis obligé de-me fervir ici d'une expreffion
purement latine : le nom grec eft dérivé
d'un verbe qui Cgnifie , je divife , je partage.
On compte ordinairement trois Parques ,
Clotho , Lachefis , & Atropos. Les uns les font
filles de Jupiter & de Themis, les autres de
l'Erebe & de la nuit,ou du chaos & de la néceffïté
, d'autres encore de la mer. Elles filent la
vie des hommes. Clotho tient la quenouille &
tire le fil, Lachefis tourne le fufeau, & Atropos
coupe ce qui eft filé. La première préfide à
la naiflance & défigne le paflè : la féconde file
les événemens Si marque le préfent : la cki-

SUR L'ODE SIXIèME. 8d
infère en termine le cours , en coupant le fil,
& marque l'avenir.
Paufanias nomme trois autres Parques bien
différentes de celles dont on vient de parler. La
première & la plus ancienne, Venus Uranie :
c'étoit elle,bien mieux que Clotho,qui prefidoic
a la naiflance de l'homme , fuivant ce dogme
de la Philofophie païenne, que l'amour, le plus
ancien de tous les Dieux , eft le lien des principes
du monde ; la féconde, Tuché ou la Fortune
, a l'occafion de laquelle Paufanias cite
Pindare i Ilithye étoit la troifiéme, & on vient
de rapporter l'épithéte que lui donnoit le Poëte
Olen. Les anciens repréfentoient ces Déeffes
fous différentes figures , & leur ont attlibué
l'invention de quelques lettres.
(IQ Iamus. *"
Ou Jamus ; fon nom eft tiré des fleurs jaunâtres
qui le couvroient lorfqu'ii demeura
expofé parmi les joncs.
(I) Sur l'IJle de Délos faite de main divine.
Delos ,Ifle de l'Archipel du côté de l'Europe,
célèbre par le Temple & les Oracles d'Apollon.
Son nom fignifie manifeftation. La fable
•veut qu'Apollon & Diane y foient nés , & que
cette Ifle qui venoit de paroître , après l'écoulement
des eaux du déluge, & qui étoit encore
dotante, devint fixe & immobile aufli-tôt que
Latone y eut mit le pié. Ariftote dit que Delos
fut ainfi nommée parce qu'elle parut tout à

ço REMARQUES HISTORIQUES
coup hors de la mer dans un endroit où il a
avoit point d'ifle auparavant ; ce qui n'eft pas
incroyable , puifque les tremblemens de terre
ont fouvent poufle au deflus de la mer des ifles
des rochers qu'on n'y avoit point encore vus ,
& ont élevé dans des plaines ou fait difparoître
des montagnes , telle que de nos jours la nouvelle
Santorine &c. mais voici comment la
fable orne ce fait purement phyfique. Elle dit
que Jupiter étant amoureux de Latone, Junon
en conçut tant de jaloufîe qu'elle petfécuta fa
rivale avec une fureur qui n'a point d'exemple.
Junon fit en effet fortir de la terre un monftre
nommé Python, à qui elle confia fa vengeance;
& comme fi l'Univers entier eût époufé fon
reflèntiment, Latone ne trouva aucun lieu oà
elle pût accoucher. Neptune touché du trifte
fort de cette amante infortunée,tira d'un coup
de trident l'Ifle de Délos du fond de la nieri
& Latone, que Jupiter métamorphofa en caille,
s'y étant retirée , mit au monde Apollon &
Diane. On publia que cette lue flotante jufqu'à
ce tems s'Woit fixée à cette occafion. Virgile
a fuivi une autre tradition en difant qu'Apollon
l'avoit fixée dans la fuite en l'attachant à Mycone
& à Giare, deux Ifles voifines.du nombre
des Cyclades comme Délos. L'on fent bien que
l'intervention de Neptune eft une fiftion fondée
fur ce qu'on attribuoit à ce Dieu tout ce
qui arrivoit dans la mer , & en particulier
les tremblemens de terre. Cette Me n'eft aujourd'hui
couverte que de ruines & de monceaux
de marbre.

SUR L'ODE SIXIèME. 91'
(m) Lorfque l'audacieux Hercule, illufire
rejeton des Alcaïdes.
Pindare appelle Hercule rejeton des Alcaïdes,
à caufe d'Alcée père d'Amphytryon. Voyez pour
le refte les remarques de la deuxième Ode.
(n) Sur le Mont Cyllenes.
. Montagne d'Arcadie, célèbre par la naiffance
& l'éducation qu'y reçut Mercure. Cyllen, l'un
des fils d'Elatus, lui a donné fon nom.
(0) Au Ménager des Dieux qui gouverne
ces combats, qui chérit l'Arcadie.
Il y a eu plus d'un Mercure. Celui dont il
s'agit ici, étoit le Mercure grec , fils de Jupiter
& de Maïa , principalement adoré dans
l'Arcadie où il avoir pris naiflance. On ea
diftinguoittrois autres, même dans la Grèce,
l'un fils du Ciel ou du Jour, l'autre fils de
Bacchus & de Proferpine , le troifîéme fils de
Jupiter & de Cyllene ; mais on attribue leurs
prérogatives au feul fils de Maïa. La fable le
fait meflager des Dieux, attache des ailes à fon
chapeau & à Ces talons,& lui met un caducée à
lamain,avec lequel il conduit les âmes des morts
aux enfers & les en retire. Il fut chafle du ciel
par Jupiter pour quelqu'aventure que nous
ignorons : pendant ion exil, il garda des troupeaux
Se vola les bœufs d'Apollon qui étoit
aufli exilé, & Fadeur comme lui. Enfla il eft
honoré comme Dieu de l'éloquence , du commerce
& des voleurs ; on le croit l'inventent

§1 REMARQUES HISTORIQUES
de la plupart des arts , de la mufique , de là
lyre, de la lutte, de l'écriture, des facrifices ,&c.
(p) La formante Met ope, fille de Stympbale
eft mon aïeule.
Stymphale , montagne , fleuve ou lac de
l'Arcadie auprès duquel étoit fituée Métope. La
montagne de ce nom s'appelle aujourd'hui ,
félon le Noir , Poglifi , & félon Pinet, Vulfi.
Pindare nomme Métope fon aïeule , à caufe de
la ttadition fabuleufe que Métope fille de Ladon
, avoît eu du fleuve Afope fa Nymphe
Thebes , qui donna fon nom à la ville de
Thebes où étoit né notre Poète.
(q) JEnêe, exhorte tes compagnons.
Toute Poëfie lyrique fe chantoit chez le*
Gtecs , ainfi qu'on l'a remarqué fur la première
Ode ; & cet S.nèe étoit vraifemblablement le
chef des muficiens qui chantoient les Odes de
Pindare, le Coryphée.
( r ) L'ancien reproche de pourceau de
Be'otle.
La Béotie , Province de la Grèce aujourd'hui
fous l'empire du Turc. Elle eft appellée
Stramulipa.
De tout tems l'air de ce pays a paflc pour
fort épais, & Ces habitans pour des gens lourds,
tardifs & groflîers.Platon dit dans le Banquet,
la Béotie où les efprits font péfants , ©• où Vélo.
fttt/tct n'eft pus ordinaire. De-là les proverbes, '

SUR L'ODE SIXIèME. 95'
pourceau de Béotte , conte Béotien, chanfon
Séotique, pour exprimer des aâions ou des
difcours groffiers, ineptes , dépourvus de fens.
Cette opinion n'étoit point affoiblie du tems
d'Horace qui dit lui-même :
JSœotum crajfo jurares in Mère nMtum-
C'eft pourtant fous cet athmofphére fi épais
que font nés Pindare& Plutarque, l'un le génie
le plus fublime , l'autre le plus fenfé & le plus
délié qui ayent jamais paru.
(s) De Syracufe & d'Ortygie.
Syracufe aujourd'hui Saracoftt , autrefois
Métropole de la Sicile , bâtie par Archias l'un
des defcendans d'Hercule , a été une des plus
grandes & des plus belles villes de l'Univers.
Elle étoit divifée du tems de Pindareen quatre
parties nommées Acradine , la nouvelle -ville,
Tyché , C Ortygie. Cette dernière partie n'étoit
qu'une petite ifle jointe à la ville par un pont.
Syracufe pafla long-tems pour imprenable :
elle foutint la guerre contre les Athéniens ,
les Carthaginois & les Romains , & fut enfin
prife par Marcellus , malgré tous les efforts
d'Archimede , l'an 541 de la fondation de
Rome, z 11 ans ayant notre Ere.
(t) La Blonde Çerès , If s fêtes de fa
fille.
Ceiès, fille de Saturne & d'Ops, fixât de;

94 REMARQUES HISTORIQUES
Jupiter, de Neptune & de Pluton , adorée
comme la Déeflè des bleds , parce qu'elle avoit
cnfeigné aux hommes le labourage.
Sur les facrifices & les myftères de Cerès.
Voyez la Remarque CC,) de la neuvième Ode.
Proferpine fut enlevée par Pluton , comme
elle cueilloit des fleurs dans la Sicile,
l'Attique ou la Thrace. Cerès ayant enfin
appris le fort de fa fille , obtint de Jupiter que
Proferpine demeureroit fix mois avec elle fur la
terre, & fix mois avec fon mari dans les enfers.
D'autres difent que Cerès obtint que Proferpine
quitteroit absolument les enfers fi elle n'y
avoit rien mangé ; mais qu'il fe trouva qu'elle
y avoit mangé quelques grains de grenade, Se
qu'elle fut condamnée à y demeurer toujours.
Les Egyptiens connoiflènt une Proferpine
plus ancienne que celle des Grecs , fille de Saturne
, morte jeune & vierge, ce qui peut avoit
donné lieu de dire qu'elle fut ravie par Pluton.
II y a des auteurs qui prétendent qu'elle ne fut
pas enlevée par ce Dieu, mais par Aidonéus
ou Orchus, Roi des Moloflès. Ses fêtes s'appelloient
Anthtffhtrits.
(«) Et lapuiffance de Jupiter Mtnéen.
Hieron ayant fait bâtir une ville près le
Mont-iEthna, y conftruifit un temple en l'honneur
de Jupiter avec ce furnom, & il fe fit
proclamer lui-même fous le nom d'^Unéen »
aux Jeux Olympiques.

SUR L'ODE SIXIèME; çf
(x) Qui pajfe d'une demeure a l'autre ...
deux ancres [ont néceffaires four ajfurer
un vaijfeau.
Allufions à la double patrie d'Agefias , la
Sicile & l'Arcadie, Syracufe & Stymphale ou
Metope.Pindare s'adrefiè ici à Neptune comme
à l'auteur de la race de fon Héros. Neptune j
Evadnt> I*mm, Sec.
4»
"Kfy*
*

s«
A R G U M E N T .
LEs nombreufes victoires de Diagoras
Rhodien , celle principalement
qu'il venoit de remporter au Pugilat dans
les Jeux Olympiques , font ici célébrées.
Pindare chante l'Ifle de Rhodes, patrie
de fon Héros , & fonpère Damagete.
Il s'étend naturellement & fur l'hijloire.
de cette IJle &fur celle de Tlepoléme ,
/ un defes Rois , dont il fait defcendrc
Diagoras. Il termine fon Ode par
des vœux pour la confervation de cet
Athlète , & l'augmentation de fa gloire.
Il demande à Jupiter de le faire rejpecter
de fes concitoyens , & infinue que
quoiqu'ils donnent des fejiins en fon
honneur , leur affection peut changer,
tout à coup.
CDU

97
tV\ i 1 = = = • •••1 • — 8
ODE SEPTIEME («).
A DlAGORAS DE RHODES^
Vainqutur au Pugilat (J>).
TEL qu'un Beau-père, qui prenant
d'une main libérale une ccmpe
toute d'or , la plus excellente de fes
richeffes & l'ornement du feftin , la
remplit d'un vin pétillant , boit le
premier, & en fait enfuite préfent
(c) à fon jeune gendre pour la faire
paffer d'une "maifon dans l'autre ,
honorer fon alliance , & forcer fes
amis à le proclamer heureux à caufe
de leur union :
Tel répandant fur les hommes , 1
qui ont remporté des prix, ce neftar,
don précieux des Mufes,le doux fruit
de mon génie , je comble de joie"les
vainqueurs d'Olympie & de Delphes.
Celui-là eft vraiment fortuné qu'une
bonnne réputation environne toujours.
Ma faveur tombe tantôt fur
l'un , tantôt fur l'autre ; & ma lyre
mélodieufe , accompagnée de flûte$
fit

'98 LES OLYMPIQUES ;
& de divers inftrumens , rend leur"
vie f}oriffante.
Animé par leurs fons je fuis deftendu
aujourd'hui avec Diagoras ,
en chantant la fille marine, de Venus,
Fépoufe du Soleil , la belliqueufe
Rhodes -(

ODE SEPTIèME; $£
tranfporté de colère , tua autrefois
dans Tyrinthe (A) d'un coup de fceptre
de dur olivier , Licymnius , frère
naturel d'Alcmene , comme il venoit
de la maifon de fa mère Midée : ainfi
le trouble des paffions s'empare même
du fage. Il partit aufli-tôt pour confulter
l'Oracle d'Apollon.
Du fond de ce temple , oh brûlent
fans ceffe des parfums , le Dieu
lui ordonna de conduire fa flote du
rivage de Lerné (i) vers cette région,
entourée de toutes parts de la mer ,
fur laquelle le puiffantRoi des Dieux
verfa une pluie d'or, quand avec
le fecours d'une hache (k) forgée par
Vulcain, Minerve fortant tout à coup
de fa tête facrée , pouffa un cri formidable
: le Ciel en treffaillit Se
la Terre notre mère commune.
Alors le fils d'Hyperion , (/) qui
difpenfe la lumière aux mortels,aprit
à fes chers enfans cet événement
favorable. Il leur confeilla de confacrer
les premiers un autel éminent
à la Déeffe , & d'appaifer par un fa*
crifice folemnel le courroux & du
Eij

tôo LES OLYMPIQUES ,
père, & de la fille armée d'une lanc»
redoutable. Le vénérable Promethée
(m) avoit infpiré aux hommes l'intelligence
& la joie :
Mais il furvint une nuée imprévue
d'oubli qui détourna l'efprit des Rhodiensdelavoie
droite qu'ils auroient
dû fuivre;ils montèrent dans leur citadelle
, quoiqu'ils ne portaflent point
avec eux les femences de la flamme
ardente ; ils dreffèrent un autel & y
jfirent des facrifîces fans feu(«). Jupiter
cependant les couvrant d'un nuage
épais, fit tomber une pluie d'or abondante
, & la Déeffe leur accorda le
don de fiirpaffer en tous genres les
hommes les plus habiles dans les
ouvrages de la main.
Aufli leurs rues offrent-cllesf o) à ceux
qui y marchent un nombre infini de
figures imitées d'animaux & de reptiles
, qui leur ont acquis une grande
gloire. Lafcience de l'homme inftruit,
toujours fure , n'eft fujette ni à la
fraude ni à l'erreur. Les anciennes
traditions nous apprennent que dans
le teins que Jupiter & les Dieux,

ODE SEPTIèME; ÏO-T
partageoîent le monde,Rhodes ne fe
montroit point encore au milieu des
flots , mais que cette Ifle (/») étoit
cachée fous la profondeur, des eaux
falées.
Perfonne n'aflîgna de part au
Soleil, qui étoit abfent ; on laiflbit
ce charte Dieu fans demeure fur la
terre. Jupiter s'en étant reflbuvenu-,
,vouloit recommencer le partage :
Apollon ne le permit pas. Je vois ,'
dit-il, à travers l'onde blanchiflante
d'écume s'élever peu à peu de fon
fein une ifle , qui nourrira un peuple
nombreux ? & fera agréable aux
troupeaux.
Il commanda auflî-tôt à Lachefis ^
(q) dont la tête eft ceinte de bandelettes
d'or , d'étendre la main, de ne
point faufler le ferment redoutable
des Dieux , & de confentir avec le
fils de Saturne, que cette terre qui
alloit paroître à la lumière des Cieux,
lui fut déformais confacrée. Il obtint
tout ce qu'il demandoit par ce discours
conforme à la vérité : car elle
fortit du fein humide de la mer.
E iij

ïoi LES OLYMPIQUES ;
Le père des rayons pêrçans dn
jour, conducteur de ces chevaux
(r) dont les narines exhalent le feu,
Ja pofféde depuis ce tems. Uni à la
Nymphe Rhodes , il en eut fept fils ,
qui entre les premiers hommes furent
«bues d'une haute fageffe ; & l'un
d'eux engendra Ialyfus , Camire ,
& Lindus (s) , lefquels partagèrent
cet héritage paternel : les Villes
.-qu'ils habitèrent retinrent leurs noms.
C'eft-là que la douce délivrance des
miféres & des peines étoit marquée
pour Tlepoleme , Prince, des Tyrùi-
:thiens,ainfi que pour un Dieu,dans la
pompe odoriférente des fàcrifices {()
& le jugement des combats. Diagoras
a "été couronné deux fois (u) aux
Jeux qu'on y célèbre. Ufant de la
fortune propice, il l'a été quatre fois
près de l'Ifthme renommé, & a remporté
victoires fur viâoires dans la
forêt de Nemée &: dans la pierreufe
.Athènes. •'••.
Le bouclier d'airain que décerne
Argos, les prix qui fe diftribuent dans
l'Arcadie & à Thebesries cotnbati

ODE SEPTIèME/ ï.OJ
fameux delà Béotie , Egine,Pellane,
oii il a vaincu fix fois, ont connu fa
valeur ; & cette pierre élevée dans
Mégare , ne préfente point d'autre
nom. Père des Dieux & des hommes
qui dominez fur les fommets de l'Atabyre
(x), honorez mon hymne,& ce
Vainqueur Olympique , qui vient
d'acquérir par le pugilat le prix de,
la vertu !
Rendez-le recommendable à fes
concitoyens &'aux étrangers ; puifque
pénétré des vérités que lui ont
enfeigné fes aïeux , il marche d'ua
pas ferme dans une voie ennemie de
Finjuftice. Ne laiffez plus ignorer
qu'il defcent de CalUanax & des
aimables Eraftides {y). Sa patrie
donne en fon honneur des feftins
publics QQ ; mais au même inftant
d'autres vents peuvent fouffler avec
impétuofité.
'0
E h

T04
^•••M—•——^—fc————»
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode feptiéme.
(a) Ode feptiéme.
LES Grecs l'ont regardée comme le chefd'oeuvre
de Pindare,& l'avoient fait écrite
en lettres d'or dans le Temple de Minerve.
(b) A Diagoras... Vainqueur au Pugilat.
Cet Athlète eft fi fameux Se a remporté tant
de victoires , que l'on ne fçait quelle époque
donner à celle-ci. Eft-elle de la foixante-dizneuvième
ou de la quatre-vingt-neuvième
Olympiade ? cela au moins eft fort incertain.
Transcrivons cependant le récit de Paufanias
dans fes Eliaques. Vous trouvez ( dans l'Altis )
plufîeurs Athlètes de Rhodes ; c'eft Diagoras Se
toute fa famille : i°. Acufilas qui remporta le
prix du Cefte -, i°. Doriéus le plus ieune de fes
itères , qui trois Olympiades de fuite fut proclamé
Vainqueur au Pancrace ; }°. Damagete,
qui avant Doriéus avoit eu tout l'honneur au
même combat, ils étoient tous trois fils de
Diagoras ; enfin cet Athlète même qui rem.
porta le prix du Pugilat. Les petits-fils de Diagoras
nés de fes filles.furent auifi couronnés aux
Jeux Olympiques ; car Euclés, fils de Callianax
& de Callipatire , eut le prix du Cefte dans
Ja claffe des hommes, & Piûdore l'eut dans

SUR L'ODE SEPTIèME, IOç
Celle des enfans. Voyez l'Hiftoire des Jeux
Olympiques, où j'ai raconté l'aventure de
Callipatire.
On dit auffi, continue Paufanias , que Diagoras
amena avec lui fes deux fils Acufilas Se
Damagete, & que ces illuftres Athlètes ayant
été proclamés Vainqueurs , les deux fils portèrent
le père fur leurs épaules , au milieu d'une
Foule de Grecs qui jettoient des fleurs fur leur
paflàge,* & admiroient la gloire & le bonheur
d'un père qui a voit dç tels enfans ,& des enfans
' qui avoient un tel père. Biagoras étoit Meflënien
d'origine par fa mère , propre fille d'Ariftomene.
Son fils Doriéus, après avoir été couronné
à Olympie, le fut huit fois aux Jeux
lûhmiques , 8c fept fois aux Jeux Neméens.
J'ai ouï dire- ( c'efl: toujours Paufanias qui
parle ) qu'il remporta une fois le prix aux
Jeux Pythiques , mais fans avoir combattu.
Doriéus & fou neveu Pifidore furent qualifiés
Thuriens , parce qu'ayant été chartes de Rhodes
par une fédition , ils s'étoient réfugiés à
Thurium Ville d'Italie. Doriéus étant revenu
à Rhodes quelque terris après , fe déclara ouvertement
pour les Lacedémontens , jafqueslà
qu'ayant armé.une flotte à-fes dépens , ,&
livre bataille aux Athéniens , it fut pris par
. une de leurs Galères, Se mené vif à Athènes.
Les Athéniens qui le tegardoient comme
leur ennemi mortel, & qui peu auparavant
le menaçoient des derniers malheurs , dès
qu'ils virent ce grand homme dans l'aflemblée
du peuple, en pofture de fupplia-nt & de captif»
fentirent expiter leur colère. Penchant Jonc
• du côté de. la pitié, 8c,pkinï d'admiration pour
E V

io

SUR L'ODE SEPTIèME. 107
Ere. On met au nombre de fes premiers Rois ,
Tlepoleme, fils d'Hercule, Doriéus, Damagete,
Diagoras , Evagoras , Cléobule , Cléobuline
qui céda fes droits à Eraftides , Damagete II,
8c Diagoras le Rhodien. Cette Ifle a été fous ladomination
des Grecs, des Romains , des Empereurs
deConftancinople , des Sarafins , des
Chevaliers de Saint Jean de Jerufalem, qui
s'en emparèrent après la perte d'Acre en 130^
ou 1310 , & qui furent appelles alors Chevaliers
de Rhodes. Elle eft depuis 1511 fous la
domination de la Porte Ottomane ; Soliman
's'en étant rendu maître par latrahifon d'André
Damaral Portugais, Chancelier de cet Ordre;
(e) Près d'Arhéniès.-
Le Grec porte "Embtlon , & comme le remarque
le Scholiafte , Rhodes eft fituée vis-à-vis
la Lycie & la Ville d'Arlcandes , auprès de laquelle
eft un Temple appelle Embolon , à caufe
de la fituatîon du Heu où il eft bâti , lequel
s'avance dans la mer en forme de proue de
navire.
{f) Par Tlepoleme , Race du puîjfant
Hercule.
Tlepoleme , fils d'Hetcale & d'Aftyochév
ayant tué Licymmius fon oncle , fils de Mars
& de Midée , abandonna fon pays , ma quelque
cents fur les vaiilèaux qu'il a voit équipé*»
4c fe rendit enfin maître de Rhodes. Il fétf^r
•Mit trois Tributs. & trois Vjjks» do« Uft^j
E vj

"jro8 REMARQUES HISTORIQUE^
reconnoître Roi. Tlepoleme pendant la guerre
de Troye , Tint au fecours des Grecs avec neuf
•vaiffeaux : il y fat tué par Sarpedon, Roi de
Lycie. Homère , qui raconte cette Hiftoire à
peu près comme Pindare, dit que ce fut par
mégarde que Tlepoleme tua Licymnius , Se
Apollodore obferve que ce fut en voulant fraper
un Efclave de ce Prince qu'il manqua.
(g) Ils defeendent d'Amyntor.
Amyntor , Roi des Dolopes peuplé d'Epïre ,
fils d'Ormenus , après lequel il regnà. II fut tué
par Hercule , pour lui avoir refufé paflâge fur
îes terres. Sa femme légitime fe nommoit Hypodamie
; mats on lui connoît une Concubine
nommée Lycie.
(h) Dans Tyrinthe.
Tyrinthe , Ville de la Béotïe , illuitrée par
la naiflance ou par le féjour d'Hercule ; car il
y a des Aureurs qui prérendent qu'Hercule
étoit né à Thébes , & qu'on ne lui donna le
jiom de Tyrinthien , que parce qu'il demeuroit
ordinairement à Tyrinthe.
(i)Du rivage de Ltrnévers cette Région.
Lerne ou Lerné , marais du territoire d*Argos
, où Hercule défit l'hydre à fept têtes. Il
îbrtoit de ce marais des exhalaifons fort infectes
i Se ce qui a donné lku à la fable d'Her-

SUR L'ODE SEPTIèME." i

no REMARQUES HISTORIQUES
Promethée ne voulut pas ouvrir, mais qu'Epîr
methée ouvrit; & auffi-tôt les calamités, les
maladies de toute efpèce , fe répandirent fur le
genre humain. L'imprudent Epimethée tâcha
vainement de refermer la boëte; tout étoit
forti, & il ne refta au fond que l'efpérance.
Jupiter pour punir Promethée de fon facrilége,
commanda à Vulcain de l'attacher fur le Mont
, Caucafe avec des chaînes de fer , & là un aigle
ou un vautour déchiroit chaque jour fon foie
renaiflant. Hercule tua l'aigle à coups de
flèches , & délivra Promethée de ce fupplice.
Diodore de Sicile nous découvre la vérité
hiftorique de cette fable. Promethée , dit-il ,
gouvernoit une partie de l'Egypte fous le régne
d'Ofiris ; dans une inondarion du Nil, toute
la Contrée auroit été abîmée , fi Hercule n'eût
arrêté le débordement par des digues. Le Nil
qui étoit appelle Océan , fut nommé Aiglt
depuis fon irruption : le chagrin de Promethée
pendant que ce fleuve appelle Aigle ravageoit
fon Pays> donna lieu aux Poètes de feindre que
fon cœur étoit déchiré par un aigle ; & Hercule
qui l'en délivre , n'eft qu'un Entrepreneur qui
fait des digues pour retenir le fleuve dans fon
lit, &c. Diodore dit ailleurs que Promethée
ne pafla pour avoir dérobé le feu du Ciel, que
parce qu'il avoir inventé les inftrumens propres
a faire du feu, & qu'il en a voit enfeigné l'ufage
aux hommes ; & Lucien croit que les Poctes ne
lui ont attribué la formation de l'homme , que
fur le fondement qu'il avoit le premier fait
desftatuës avec tant d'art, qu'elles paroifToienc
refpirer & fe mouvoir.
On donne de cette fable une antre explication

SUR L'ODE SEPTIèME; m'
hiftorique , Se on dit que Promethée,
coufin germain de Jupiter , ne fut pas
exemt de la perfécution que ce Dieu fie
fouffrir aux Titans ; qu'il fe retira dans la
Scythie , d'où il n'ofa fortir du vivant de Jupiter;
& qu'on a feint qu'il fut attaché au Caucafe
par Mercure , parce que Jupiter fe fervit de
Mercure pour lui donner de l'inquiétude ,
& l'empêcher de remuer. Ce Prince uniquement
adonné à l'Aftrologie , fe retirait fut
cette montagne , comme fur une efpèce d'obfervatoire
d'où il contemploit les Aftres ; &
il étoit, pour ainfi dire , dévoré par fes continuelles
méditations, ou plutôt par le chagrin
de mener une vie fi trifte dans un féjour
odieux : ce qui a fait imaginer la fable de l'aigle
ou vautour-qui dévoroit fon foie , lequel
rertaiflbit à chaque inftant, parce que Prome-
, thée avoit chaque jout de nouveaux fujets de
chagrin. Les habitans de la petite Scythie extrêmement
fauvages vivoient fans Loix :Promethée
, Prince feavant Se poli, leur apprit à
mener une vie plus humaine , leur enfeigna
l'agriculture & la médecine, &c. en, fit des
hommes ; & l'on a dit par hyperbole, qu'il
. avoit formé l'homme , & que Minerve , Déefie
des Sciences, l'a voit anime.
Promethée avoit un Autel à Athènes dans
l'Académie,& des Jeux inftitués en fon honneur.
(») Des Sacrifices fans feu.
La faute des Rhodiens fut d'autant : pli»
; grande , que l'on vient de voir que Promethée
«toic redetable à Minetve du feu qu'il avoic

"ïix REMARQUES HISTORIQUES"
dérobé au Ciel. Au refte la fable que le jour de
la naiûance de cette Déeflè oh vit tomber dans
la Ville une pluie d'or, n'a d'autre fondement,
finon qOe Rhodes qui s'étoit mife fous fa protection
, excella dans l'art de faire de belles
itatues ; & on n'ajouta que Minerve piquée de
ce qu'on avoit oublié de porter du feu dans fon
facrifice.abandonna le féjout de cette Ifle pour
fe retirer à Athénes,que parce que les Rhodiens
ayant négligé le culte de la Déeflè & le foin
des beaux arts , les Athéniens commencèrent
alors à s'y diftinguer, & la prirent pour Protectrice.
En effet .ceux-ci lui dédièrent un Temple
fous le nom de Parthenos,yieige. Phidias l'orna
d'une ftatue d'or & d'y voire, qui étoit un chefd'œuvre
, & ils inftituèrent des fêtes appelles
dans la fuite Panathénées. Elles ne duxoient
d'abord qu'un jour •. Afin d'en augmenter
la folemnité, on les fit durer plufieurs jours ,
& elles furent diftinguées en grandes & petites.
Les grandes fe célébroient tous les ans le 2.3 da
mois Hicatombion, qui répond à notre mois
de Juin ; les petites tous les ans le 10 du mois
Targélioit, c'eft-à-dire, au mois d'Avril.
(0) Auffi leurs rues offrent-elles a ceux\&c.
. Les Rhodiens ont été fort habiles dans la
connoiflance dés Aftres, dans la Navigation ,
dans la Sculpture , &c. ... Pline fait mention
d'un grand nombre de (latues trouvées dans
cette Ifle. La ftatue du Soleil faite par Cherés,
Elève de Lyfipe, connue fous le nom du Colofle
: de Rhodes , & regardée comme l'une des fept
merveilles du monde, eft une-preuve non
iquivoque de leur habileté. Cette ftatue avoir

SUR L'ODE SEPTIèME; ïIJ
70 coudées de haut. Elle étoit placée de manière
que les deux pieds pofoient fur deux moles
qui fermoient le Port, & que les vaiflêaux paffoient
à pleine voile entre Tes jambes. Peu de
perfonnes pou voient embraflèr un de fes pouces.
Elle a fubfifté 1360 ans malgré les dangers
de la mer, les vents , &c. Lorfqu'elle eut
été abbatue par un tremblement de terre, un
Marchand Juif l'acheta des Sarafins , & eu
chargea 500 chameaux.
(p) Cette IJle /toit cachée fous la profondeur.
Pindare femble attribuer ici à l'Ifle de Rhodes
, ce que l'on attribue communément a
l'Ide de Délos. Voyez la Remarque JL de l'Ode
précédente.
(q) A Lachefis de ne point faujfer le
ferment.
Lachefis l'une des Parques. Voyez la Remarque
I de l'Ode précédente.
Ce ferment eft celui que les Dieux faiibient
par le Styx. Les Poë'res parlent toujours
du Styx comme d'un fleuve des Enfers, mais ce
n'eft proprement qu'une fontaine qui couk
d'un rocher dans l'Arcadie, & forme entuite
un ruifleau , lequel demeure long-rems caché
fous terre. Son eau eft mortelle , & voici la
defcription qu'en fait Paufanias , qui avoit été
fur les lieux.
En fortant de Phenfe, & en tirant ver» te
couchant, on trouve à gauche la Ville de Cljrtore,
& à droite celte Nonacris. Auprès dq

H4 REMARQUES HISTORIQUES
cette dernière eft la fontaine de Styx , qui do
haut d'un précipice efcarpé , tombe goutte a
goutte fur un Rocher fort élevé, & après avoir
coulé fur cette roche, tombe dans le fleuve
Cratis. Cette eau eft mortelle aux hommes &
aux animaux : elle brife les vaifieaux de verre,
de porcelaine & tous les autres , excepté ceux
de corne de pied de cheval. De cette propriété
naturelle on a compofé la fable. On a aulfi
animé Styx, on l'a fait fille de l'Océan , &
femme d'un certain Pallas ou Piras ; on a die
qu'elle étoit mère de l'hydre , &c.
Son nom imprimoittant de terreur, qu'il n'y
«voit pas de ferment plus redoutable quede jurer
par le Styx. La punition des Dieux qui feparjuroient
après ce ferment, étoit très-rigoureufe ï
Jupiter ordonnoit à Iris de leur présenter une
coupe pleine de l'eau empoifonnée de cette fontaine,&
il les éloignoit de fa table & de faconverfation
pendant un an; il lesprivoit même de
la divinité pendant neuf.comme fi leur divinité
n'eût été qu'une charge dont il fufpendoit le*
fondions.Les Dieux étoient trés-religieuxfur cet
article, parce que la victoire , qu'on croyoit fille
du Styx, leur avoit donné du lecours contre les
Géants s ce qui avoit obligé Jupiter par reconnoiflance
d'ordonner que Te ferment fait par le
Styx ferait inviolable. Mais ce n'eft là encore
qu'une fable fondée, comme le conjecture
M. l'Abbé Banier , fur ce qu'on fe fervoic
anciennement de l'eau de cette fontaine, pour
faire les épreuves des coupables & des innocens,
à peu près comme les Juifs fe fervoient de l'eau
de jaloufie. Au refte, lorfque les Dieux juroienc
par le Styx, ils dévoient avoir une main fur la

SUR L'ODE SEPTIèME: ttf
terre , & l'autre fur la mer. Il patoît que les
hommes juraient au/fi par cette eau fuuefte ;
car on lit dans Hérodote , que Cléomene s'étant
retiré en Àrcadie pour engager ces peuples
à fe déclarer contre Sparte, &àlefuivre, avoit
eu deflein de les afiembler à Nonacris , & de
les faire jurer par le Styx.
(r) De ces Chevaux dont les narines exhalent
le feu.
Les quatre Chevaux du Soleil, que les Poètes
nomment tyrhoïs, Eoih , JEthon (F Phlegon;
noms grecs , dont l'érymologie explique les
attributs. Le premier marque le lever du Soleil,
lorfque fes rayons font encore rougeâtres. Le
fécond défîgne le tems où ces rayons fortis de
l'Atmofphère , font plus clairs, lès neuf ou dix
lieures du matin. Le troifiéme figure le midi,
où la lumière du Soleil eft dans toute fa force.
Le quatrième repréfente le coucher, où fe
Soleil femble s'approcher de la terre.
{s) L'un d'eux engendra Ialyfus, Cataire
& Lindus.
Ochymus père de ces trois Princes , fils du
Soleil & de la Nymphe Rhodes. Ils font regardés
comme les Fondateurs des trois Villes qui
portent leurs noms.
II y avoir à Rhodes un tableau d'Ialyfus*
ou Jalyfus, peint par le fameux Protogene.
Lorfqu'Apelles le vit pour la première fois , il
•fut fi furpris , que la voix lui manqua tout à

\t6 REMARQUES HISTORIQUES
toup. Revenu enfuite à lui-même > il s'écria ,
grand travail, ouvrage admirable. Protogene
y avoit employé fept ans : & ce que lesconnoiCfeurs
admiroient davantage dans ce tableau ,
c'étoit an chien haletant après une longue
courfe. Le Peintre dépité de ne pouvoir repréfenter
d'une manière aflez naturelle l'écume
qui fortoit de la bouche de ce chien, jetta
contre le tableaa , l'éponge dont il s'étoit fervi
pour effacer , & le hazard fit ce que tout fon
ait n'avoit pu faire.
\t) Dans la pompe odoriférante desfacrifices
& le jugement des tombât s.
Après queTlepoleme eut été tué à la guerre
«le Troye , on rapporta fes cendres dans l'Iflc
de Rhodes , & on inltitua en fon honneur des
Sacrifices & des Jeux qui de fon nom s'appellèrent
Tltfolemia. La couronne du Vainqueur
•était de peuplier blanc.
(«) Couronne* deux fois . . . quatre fois.
La plupart des Contrées ou des Villes de la
Grèce avoient de ces fortes de Jeux, qui prenoient
ordinairement leur. dénomination du
Dieu, du Héros ou du lieu ; Junonia à Argos ,
Jiercultia à Thébes , &c.
(x)Surlefommet del'Atabyre.
Atabyris, montagne de l'Iflede Rhodes, laquelle,
fuivant le témoignage de Strabon & de
Pline, donnoit autrefois le nom à toute l'Ifle.

SUR L'ODE SEPTIèME. 117
On raconte qu'il y avoit fur'cette montagne
dès taureaux d'airain qui mugiflbient lorfqii'il
arrivoit quelque chofe d'extraordinaire.
(y) D; Callianax & des aimables
Eraft'idss.
Ancêtres de Diagoras. Eraftides, l'un- des
Rois de Rhodes par la ceflion de Cléobuline,
étoit fqn aïeul.
(z) Des feftins publics.
Voyez l'Hiftoire des Jeux Olympiques.
il
•*rsf^, v ï ^ ^ S S - ^ S M - * . . * K ' • « t e
* 1 ^ ... V.^«WLUVA\ W AMt

»i8
A R G U M E N T .
L
'ELOGE de ces jeunes Athlètes efi.
ici mêlé à celui de leur maître de
Paleftre. Pindare après avoir rappelle
les victoires d'Alcimedon & de Timofthenes
,fe jette fur les louanges d'Egine
leur patrie , & d'Eaque , l'un de fis
Rois ; dit comment ce Prince fut affociè
à Neptune & Appollon pour la conftruSion
des murs de Troye j & reprèfente
fous l'emblème de trois dragons furieux
qui l'ajfaillent l'un après l'autre , les
differens fîéges que foutint cette Ville
fameufe. Il vient après cela à Melefîas ,
le loue de fes victoires , de fon expérience
, lui raporte toute la gloire qu Alcimedon
a acquife , & affure en finiffant
que les morts prennent part aux
honneurs des vivans t comme lesvivans
à ceux des morts. Il veut qu'Iphion
annonce à Callimaque , père ou aïeul
d'Alcimedon & de Timojlhenes, le
nouvel honneur qu'ils viennent d'obtenir
; & fait des vaux pour la
profpérité de fes Héros. .

ODE HUITIÈME.
11$
Au JEUNE ALCIMEDON , A SON
frère Timojlkenes s vainqueurs à la
'lutte (a), & à Mélêjias leur maître
{b) de Paleftre.
M ERE
des combàts,qui aportent
des couronnes d'or, Olympie,
maîtreffe de la vérité, où des Devins
refpeûables cherchent;Y)dans les victimes
filmantes les deffeins du puiffant
Jupiter fur ces Athlètes occupés
du foin d'acquérir la plus grande
gloire & la fin de leurs travaux : tout
s'accomplit heureufement par les
prières de ces pieux mortels I
Bois facré de Pife , planté près de
l'Alphée , recevez cet hymne & la
couronne que je vous préfente !
Quelqu'honneur fignalé accompagne
toujours celui qui a remporté vos
prix glorieux. D'autres biens paffent
à d'autres hommes ; car avec les
Dieux plufieurs chemins mènent à 1$
félicité.

Ho LES OLYMPIQUES,
La fortune , Timofthenes , vous at
concilié Jupiter , auteur de votre
race , en vous faifant proclamer dans
la forêt de Nemée ; & à vous, Alcimedon
, en vous faifant vaincre à
Olympie près du Promontoire de Saturne.
Quel fpeftacle agréable de le
voir ne point dégrader par fon combat
la beauté de fon corps ! Vainqueur
à la lutte , il publie la gloire
d'Egîne (d) fa patrie , qui fe fert de
longues rames ; Egine , ou Themis
confervatrice , aflife à côté de Jupiter
hofpitalier , eft mieux fervie
qu'en tout autre lieu de l'univers.
Ce qui fe multiplie & change fans
ceffe eft bien difficile à juger fainement.
Un décret particulier des
Dieux a fournis cette contrée environnée
de la mer , à des hôtes de
toutes nations, (e) Que les tem$
à venir n'ébranlent jamais cette Colonne
divine J
Toujours gouvernée par un peuple
de Dpriens (/) depuis Eaque,
que le fils de Latone (g) & le puiflant
Neptune prirent pour compagnon

ODE HUITIèME, ni
dans la construction des murs de
Troye. Il étoit arrêté par le Deftin
que des guerres deftrucrrices des
Villes s'étant élevées , ces murs
èxhaleroient des tourbillons (h) épaisde
fumée.
Lorfqu'ils furent achevés , trois
dragons furieux {i, s'élancèrent contre
la citadelle : deux tombèrent fans
-connoiffance au pied de la tour Se y
perdirent la vie; mais le tro^fiéme
entra en pouffant d'horribles fifflemens.
Auffi-tôt Apollon , roulant
dans fon efprit ce prodige finiftre,
dit à Eaque : ô Héros ! Pbrgame eft
prife par l'endroit que tes mains ont
bâti ; ainfi me l'annonce ce figne que
m'envoie le redoutable Jupiter.
Evénement qui ne s'accomplira
point fans tes fils (k}. Ils commencera
à ta première génération & finira
à la quatrième. Apollon s'expliqua
de la forte , & s'avançant vers
le Xante (/), il fe retira chez les belli-
«rueufes Amazones ( m ) auprès
jdu Danube. Lé Dieu qui porte le
trident, tourna fon char rapide du

ïIZ LES OLYMPIQUES,
côté de l'Ifthme ; & reconduisant
avec fes jiimens fuperbes Eaque dans
Egine , il fe rendit furies hauteurs de
Corinthe {n), pour voir de là les
pompeux Sacrifices qui lui étoient
préparés.
Rien n'eft également agréable .aux
hommes.Si je chante dans mon hymne
la gloire qui revient à Méléfias de fes
jeunes élevés , que l'envie ne s'emporte
point contre moi ! je chante
en même temps la gloire qu'il acquit
à cet âge dans la forêt de Némée ,
& la victoire qu'il obtint enfuite à
l'âge viril au combat du Pancrace [o).
Il eft facile à un maître inftruit par
l'expérience d'enfeigner fon art, mais
c'eft une folie de l'entreprendre fans
l'avoir exercé : l'efprit d'un pareil
maître eft léger & incertain. Méléfias
nous montrera mieux que tout autre
par quels travaux doit le former l'a*
thléte qui remportera des Jeux facrés
cette gloire fi defirée ; & maintenant
Alcimedon le trentième de fes élève»
qui vient de mériter 1$ viôoire, fait
fpn plus grand honneur».,

Avec Ta faveur de Jupiter & foi»
courage , Àlcimedonimpofe à la langue
de quatre jeunes Athlètes un
fdence deshonorant, & rie leur Iaifle
qu'un retour odieux & un chemin
obfcur. H infpire' au contraire' à fon
Aïeul paternel une force inconnue
à la vieilleffe : car l'homme dont
les defirs font remplis, oublie aifément
le trépas.
Mais dans cette Ode vi&orieufe
il convient derappeller la mémoire
des Blepfiades (p) , qui ceignent leur
tête de la fixiéme couronne de ces
combats. Il eft toujours quelque part
de nos bonnes aûions pour ceux
qui ne font plus , & la pouffière du
tombeau n'enfevelit point pour nous
la gloire de nos illuflres Aïeux.
Dès qu'Iphion aura entendu Angelie
(q) , fille de Mercure , il annoncera
à Callimaque l'honneur éclatant
que Jupiter accorde à fa famille dans
Olympie. Que ce Dieu veuille ajouter
bienfaits fur bienfaits , & qu'il
chaffe loin d'eux les douleurs aiguës t
Fi;

h^4 LES OLYMPIQUE^'
je fais des vœux pour que dans le
cours de leurs profpérités , il ne
leur oppofe jamais Néméfis ( r ) ;
jnais qu'en leur donnant une vie
exemte de. revers , il augmente
leur félicité ( s ) ôc celle de leur
#4

REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode huitième.
(a) Vainqueurs à la lutte.
POur la lutte voyez l'Hiftoire des Jeux
Olympiques. Cette viâoire eft de la quatrevingtième
Olympiade.
(b) Mélefus leur maître de Paleflre.
Le Grec porte Mélefias qui les oignit. Les
Athlètes, comme on l'a dit dans l'Hiftoiredes;
Jeux Olympiques , fe faifoient oindre ou froter
arec des huiles compofèes. Il y avoit des Offi*
ciers,nommès.
aujourd'hui Angi* , Ifle de la Grèce près
d'Athènes , avec une Ville de même nom. La
pefte ayant dévaftè ce Pays , il fut repeuplé
par les Mirmydons, que Jupiter , de fourmis
qu'ils étoient, changea en hommes, à la prière
F iij

-$M5 REMARQUES HISTORIQUES
#6gioefe «wfk«flê; ïieshabkans

SUR L'ODE HUITIèME." XI%
La Ville de Troye étoit reftée fans murailles ,
expoféc aux infultes de fes voifins , jufqu'au
ïégne de Laomédon: Ce Prince avec le fecours
d'Apollon & de Neptune , pour lors exilés des
Cieui, entreprit de fermer fa Ville de murs ,•
& Piodare aflbcie ici Eaque à cette célèbre
entreprife. Les Anciens avoient une fi haute
eftime de l'intégrité & de la prudence de ce
Prince , qu'ils croyoient que Pluton l'avoit
joint àMinos & à Rhadamante, pour juger les
sorts. Voyez la RemarqueQ.de l'Ode féconde.
(h) Exhaleraient des tourbillons de fum/e.
Allufion à l'embrafement de Troye après un
fiége de dix ans , Uan 1184 avant notre Ere ,
enTuppofant que cette Ville ait été brûlée ; ce
quieft, félon un fçavant Mythologue rao-M. l'AbW
aerne , l'opinion la moins probable. 11 prétend. Baaqu'Enée
Se Antenor la garantirent du feu & du
pillage , & que le premier &. fes defeendans y
régnèrent long-tems , comme Neptune le prédit
clairement dans l'Iliade.
(i) Trois Dragons furieux.
Le Poëte fous cette allégorie , représente le*
trois fiëges que foutint la Ville de Troye.
(kj Sans tes fils. Il commencera, &e,
Laomédon ayant tefufé à Neptune4«iecompenfe
dont ils étaient convenus pour la conftrudion
des murs de Troye, ce Dieu fe vengea
d'une manière éclatante, en les aflîégeant
avec fes eaux & les renverfant. Le fait réduit à
!a {implicite de l'Hiftoire , eft que les murs de
Troye furent renverfés dans une inondation.
F iv

i28 REMARQUES HISTORIQUES
Pour appaifer Neptune , Laomédon expofa
Héfione fa fifle à la fureur d'un monftre marin/
Hercule qui pafibit dans cette Contrée.la délivra
& rebâtit les murs de Troye Le perfide Laomédon
lui dénia au/ïï la recompenfe promife.
Hercule revint bientôt après avec Pelée 8c
Telainon ; ils ravagèrent le pays d'alentour , 8c
emmenèrent Héfione & Priam , enfans de
Laomédon.
Enfin fous le régne de Priam, qu'Hercule
avoir renvoyé à la prière des peuples de la
Troade , moyennant une grofle rançon , tous
les Princes grecs afTemblés pour venger l'affront
fait à Meneias , traversèrent la mer fur mille
vaiilèaux , formèrent le fiége de Troye , après
dix ans de travaux.y enrrèrenr par furprife , &
félon la tradition commune , brûlèrent cette
Ville fameufe. Entre ces Princes étoient Achille
& Néoptoleme fon fils : ce fut même ce dernier
qui prit Troye , & il faifoit la quatrième
génération en comptant Eaque.
(i) Vers le Tante.
Xante , l'un des trois fleuves de la Troade
ou petite Phrygie , qui fe jettent dans la mer
Egée. Les deux autres font le Simoïs & le
Scamandre.
(m) Chez, les belliqueuses At^tz,ones.
Les Grecs ont connu une nation de femmes
guerrières , qui habitoienr vers le fleuve Thermodon
dans la Capadoce. Elles étoient originaires
de Scythie. Antiope , que d'autres nomment
Orythie , l'une de leurs Reines , ayant
formé le deffein d'envahir la Grèce, fut défaite
par Thefée & par Hercule ; on embarqua fur

___ SUR L'ODE HUITIèME. 119
trois vaiûeaui celles que l'on put prendre;mais
auflitôt qu'elles furent en pleine mer,elles égorgèrent
leurs Conducteurs. Les vaiflèauz ayant
été poufles jufqu'au Palus méotide, elles firent
leur defcente , & enlevèrent un grand haras.
Les habitans honteux de combattre des femmes,
peut-être jeunes & bien-faites, fe contentèrent
d'arrêter leurs courfes , & diverfes rencontres ,
quelquefois ménagées de part & d'autre , les
réunirent dans un même camp. Ces femmes
trouvèrent alors plus de douceur à vivre toute
l'année avec leurs maris, qu'à aller chercher de
tems en tems un homme , au hazard de
ne le point trouver : mais elles conlêrvèrenc
l'amour de l'indépendance , & ne pouvant fe
réfoudre à fe foumettre au Roi des Scythes »
elles engagèrent leurs maris à faire un établiflêment
au-delà du Tanaïs. Ces Scythes, félon
Hérodote , font les Sauromates.
Bellerophon , Priam, ont aufli fait la guerre
aux Amazones. On veut aujourd'hui douter
de leur exiftence ; on les croit éclofes du cer-
Teau des Poètes ; il faut donc ajouter , & du,
cerveau des Hiftoriens grecs & latins. Le fçavant
Mythologue cité ci-defTus, ne conçoit
pas qu'il foit poffible de les révoquer en doute
après le témoignage d'Hcrodore, de Diodore
de Sicile ,de Velleïus Paterculus , de Mêla, de
Paufanias , de Trogue, de Quinte Cujce T
& l'exempledes Amazones modernes de l'Amérique
, dont le plus grand fleuve de l'univers
porte le nom , &de celles des Ifles Marianes , £
ièmblables en tout à ce que nous apprenons
des anciennes. Lorfque les hommes des Mes
voifines vont les vtfiter dans un certain tems-.
de l'année , elles les reçoivent armées d'arc»
Fv

130 REMARQUES HISTORIQUES
& de flèches , jufqu'à ce qu'elles fe foient attitrées
qu'ils ne viennent que pour leur payer le
tribut annuel de leur tendreâe. Alors elles
quittent leurs armes , accourent aux canots
qui ont tranfporté cette colonie paflagère d'adorateurs
, & chacune prend celui qui lut
convient, le mène dans fa maifon , lui offre
fon lit de coton fufpendu avec des cordes , 6c
k traite de Ton mieux pendant le tems dut
féjour. Les hommes remportent avec eux les
enfans mâles , Se n'y laiflènt que les filles.
(») Sur Us hauteurs de Corîutbe.
Afin de voir les facrifices qui fe faifoient
en fon honneur dans l'ifthme , & les jeux qui
s'y célébraient.
(0) Au combat du Pancrace.
Voyez l'Hiftoire des Jeux Olympiques.
(p) Lam/moire des Blepfiades.
Ancêtres de Timofthenes & d'Alcimedbo y
inconnus aujourd'hui aufC bien que Callima*.
que qui fetrouve plus bas.
(q) Angelie, fille de Mercure.
Ce mot lignifie proprement nottvelte , a»»
npicf. Pindare la fait fille de Mercure , comme
Ménager des Dieux ; & il perfonuifie l'action >
l'emploi même de cette Divinité.
(r) Ne lui oppofe jamais Néméfis.
Néméfis fille de Jupitet & de la NéceffitÉ,
ou félon quelques Auteurs , de l'Océan & de
U Nuit > avoir foin de venger les crimes que.

SUR L'ODË HUITIEME. iyi
la juftice humaine laiflè impunis , l'arrogance »
la préfomption , l'oubli de foi-même dans la
profpérké , l'ingratitude , Sec. Elle fut aufli
nommée Adraftée , à caufe d'Adr afte, -qui le
premier lui dédia un Temple ; & Rhamnufie,
•parce qu'elle étoit adorée à Rhamnus , Bourg
de l'Attique, où elle avoit une .ftatue de dix
coudées de haut d'une feule pierre , faite, att
rapport de Pline, par Agerbcrite difciple de
Phidias, laquelle ne cédoit en rien aux plus
beaax ouvrages da Maître.
D'autres Auteurs, en grandflombre,cemfondent
Néméfîs avec la Fortune ,

I3i
A R G U M E N T .
L
E Poëte fe propofc de louer Epharmofte
& la Ville où cet Athlète ejlné.
Il ditd'abordunmotdel'un& de Vautre,
qu'il appelle le fils & lanière. Il avance
enfuite cette vérité , que les hommes ne
font J"âges & puiffans que par lefecours
des Dieux , & l'établit fur des exemples
pris des travaux d'Hercule. Il reprend
l'éloge de la Ville d'Opunte ou Opiis ,
appelléeoriginairementProtogeme;parle
du déluge deDeucaliony& fait defcendre
de ce Prince les Rois d'Opunte, Il raconte
comment Jupiter enleva Protogenie
à Locrus, & la lui rendit enceinte
d'un fils que ce vieux Roi nomma Opus
du nom de fon aïeul. Il fait mention
des divers hôtes qui vinrent habiter fa
Ville , entr'autres de Menœtius , pour
qui Opus eut une amitié particulière ~
il rappelle à cette occafion la valeur de
Patrocle , fils de Menœtius , quifoutint
feulles efforts des Troyens , lorfque Té~
lephe pouffa les Grecs jufques fur leurs
vaiffeaux. Pindare revient à Epkarmofle
, & finit par V énumération des
victoires que fon Héros a remportées dans
les différens Jeux de la Grèce*

ODE NEUVIEME.
m
A EPHARMOSTE D'OPUNTE,
Vainqueur à la Lutte (a).
L'H Y M N E d'Archiloque (b) en
l'honneur d'Hercule viûorieux ,
chanté trois fois à Olympie , a pu
fuffire près du Promontoire de Saturne
, pour précéder Epharmofte,
qui marchoit en fautant au milieu de
fes chers compagnons : mais maintenant,
ô mon efprit ! avec ces traits
rapides qui partent de l'arc des Mufes,
faifi-toi de Jupiter lançant la foudre ,
. - & de ce vénérable promontoire que
Pelops Lydien reçut autrefois pour
la riche dot d'Hippodamie (c).
Décoche fur la floriffante Pytho
-une flèche aîlée. En chantant fur ta
lyre les luttes de ce Citoyen d'Opunte
{d) , tu ne toucheras point à
des chofes baffes & communes ; tu
loueras & le fils & la mère. Opuntè
' féjour que Thémis (e) & fa fille can-
-fervatrice , la glorieufe Eunomie.,

134 LES OLYMPIQUES ,
ont eu en partage. Sa vertu brille
également fur les bords de la fontaine
de Caftalie (/) & fur les bords
de l'Alphée. Les fleurs de leurs Couronnes
relèvent aujourd'hui la gloire
de. la fameufe mère des Locriens ,
fertile en beaux arbres.
Pour moi, en illuflrant par mes
vers cette Ville chérie , plus prompt

ODE NEUVIèME. Ï35
îl conduit les corps des hommes dans
les antres profonds de la mort ? O
ma bouche ! rejette ce difcours.
Invectiver les Dieux eft une fcience
funefte , & fe glorifier mal à propos,
une vraie folie.
Ne profère rien de femblable :
fépare des Dieux immortels toute
idée de guerre & de duTention j
tourne-toi du côté de la ville de
Protogenie, (k) où fuivant les décrets
de Jupiter , Pyrra & Deucalion descendant
du Parnafle , établirent leur
première demeure. Us eurent fans
cohabitation , une race d'hommes
de pierre , qui retint le nom de foa
origine. Ouvre-leur la route harmonieufe
de mes vers ! chante le vi»
vieux, & la gloire de ces nouveaux
hymnes.
On dit que la violence des eaux
couvrit la terre féconde, mais qu ? une
pompe de l'invention du Dieu qui
lance la foudre , ( / ) les avoit fait
refluer fur le champ. Vos ancêtres
armés de boucliers d'airain, ont pou»

ï}6 LES OLYMPIQUES J
auteurs Deucalion & Pyrra,premiers
nés de la race de Japet & des charmantes
filles de Jupiter Saturnien :
ils ont toujours été Rois de leur
nation.
Le maître de l'Olympe enlevai
fecrettement la fille d'Opunte (m) de
la terre des Epéens ; il s'unit avec
elle fur les fbmmets du Ménale ( n) ,
& la ramena enfuite à Locrus , dans
la crainte que le tems livrant ce
Prince à la mort, ne le ravît fans
poftérité : elle avoit dans fon fein la
plus noble femence. Le Héros fut
ravi de fe voir ce fils fupofé. Il voulut
que cet homme au deffus de tous
les autres par fa beauté & fes actions,
portât le furnom de fon Aïeul (o)*
maternel, & il lui donna fa ville &
fon peuple à gouverner.
: Des hôtes d'Argos , de Thebes ,
de l'Arcadie & de Pife , y vinrent
habiter ; mais celui d'entr'eux qu'Opus
honora davantage , ce fut
Mœnetius , (/>) né d'Aâor & d'Ejgine,
dont le fils alla avec les Atri-

ODE NEUVIèME: î^f
des dans les campagnes de Theutras
(7) , & foutint feul avec Achille
l'effort des Troyens , lorfque Telephe
pouffa (/•) jufques fur leurs vaiffeauxles
Grecs mis en fuite; enforte
que tout homme fage pût connoître
quelle étoit la valeur de Patrocle.
Depuis ce tems le fils de Thetis (5)
l'exhortoit à ne jamais s'expofer fans
fa lance viûorieufe aux périls d'une
bataille.
Plût aux Dieux, qu'affis commodément
dans le char des Mufes , je
puffe inventer les mots dont j'ai
befoin pour mon récit, & qu'une
facilité abondante fuiviffe ma volonté
! Chantre de l'hofpitalité & de la
valeur , je fuis venu célébrer les
Couronnes que PAmpiîpmachus &
Epharmofte ont remportées en un
même jour dans les Jeux de PIfthme.
Depuis, d'autres honneurs lui ont
été décernés deux fois aux portes
de Corinthe ; d'autres dans la forêt
de Némée. A Argos (*) il a obtenu
la gloire réfervée aux hommes faits,

i$8 LES OLYMPIQUES,
& il avoit été couronné encore
enfant dans Athènes ( a ). Après
s'être dérobé à fes jeunes compagnons
, quel combat ne livra-t-il pas
. à Marathon (x) pour des coupes d'argent
, lorfque par fon agilité artificieufe
% mais fure , il vainquit, des
Athlètes vigoureux ? Avec combien
d'applaudinemens ne parcouroit-il
pas le ftade , en fe montrant audeffus
de fon âge & faifant les plus
grandes chofes ?
Il a paru digne d'admiration au
peuple de Parrhaue^) dans les Fêtes
publiques de Jupiter Lycœen ; à Pelîane
\fi d'où il rapporta cette robe ,
remède certain contre les frimais. Le
tombeau d'Iolans ( 6- ) , & la ville
maritime d'ftieuiis font ainîi témoins
de fes exploits. Tout ce qui vient de
la nature eft excellent. La plupart
des hommes s'efforcent d'acquérir de
la gloire avec des vertus formées
par l'art ; mais ce qui ie fait fans
Jupiter n'eft •jamais fortuné & fe
perd dans l'oubli : car il eft d'autres
voies au-delà des voies de l'homme.

ODE NEUVIèME: 139
, Le même defir ne nous enflamme
pas tous. Les fciences fans doute font
élevées : mais en prefentant ce prix
à Epharmofte , je ne crains point de
dire hautement qu'il eft heureufement
né , qu'il a reçu des Dieux la force,
l'agilité, l'adre'ffe ; lui qui vainqueur
à Oïliade a couronne le tombeau
d'Ajax (*«) de feftins folemnels.

14*
— — — M a — — — — — — — t
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode neuvième.
(a) Vainqueur a la lutte.
VIAoire de la foizante - treizième Olym.piade.
(b) L'hymne d'Archiloque , en l'honneur
d'Hercule victorieux.
Atchiloque né en l'Ifle de Paros , l'une des
Cyclades , entre la vingt-rroifiéme & la vingtneuvième
Olympiade, eft réputé l'inventeur da
vers ïambe. Il étoit fi emporté & fi peu réfervé,
qu'on avoir défendu à Sparte de lire
fes ouvrages. Tout le monde fçait que Lycambes
lui ayant promis fa fille en mariage ,
& s'étant dédit enfuite , Archiloque fit pour fe
venger des vers ïambes , qui touchèrent fi
fenfiblement Lycambes , qu'il fe pendit de
defefpoir.
Ce Poëte foutint à Olympie l'éclat de fa
grande réputation par l'hymne en l'honneur
d'Hercule , dont Pindare & plufieurs Anciens
nous ont tranfmis la mémoire. La mufique 8c
les paroles étoient de fa composition ; tout le
monde admira fon habileté dans l'un & l'autre
genre , & il reçut de la main des Juges une
couronné , qui d'ordinaire étoit la récompense
de la vertu. On croit qu'Archiloque avoit exprimé
dans les premiers vers ou la première
ftrophe de fon hymne , les fonsdes inftrumens
avec lefquels l'ulage étoit d'accompagner les
Vainqueurs. L'épithéte dont fe fert Pindare pour

SUR L'ODE NEUVIèME. 141
défigner cet hymne, étoit affeâée à Hercule,&
fignifie qui a remporté plufieurs vi&oïrtsenâiffirens
pays.tAle a été tranfportée dans la fuite à
tout Athlète qui Ce diftinguoit par fa force 8c
par fon courage. Vraifemblablement du tems de
Pindare,, c'étoit encore la coutume de chanter
cet hymne devant ceux qui étoient couronnés
dans les Jeux Olympiques.
(c) Pour la riche dot d'H'ippodamie.
Pelops en obtenant Hippodamie , avoit eu
la Ville d'Elis & fon territoire. Yoyez les Remarques
fur la première Ode.
(d)De ce Citoyen d'Opunte,
Opunte , Opeïs tu Opus , Ville de la Béotie
près du golfe de Negrepont, bâtie , félon les
uns , par Opoëntes compagnon de Patrocle ,
ami d'Achille ,& félon les autres , par Deucalion,
appelle aufli Opus. Elle étoit habitée
parles Locriens Epicnémidiens.
(e) Que Themis & fa fille . . . Eunomle.
Themis , fille du Ciel & de la Terre , on
d'Uranus & de Titaïa , Déeflè de la Juftice ,
.rendit les premiers oracles ; ce que Diodore
prouve par la formule dont on fe fervoit
quand Apollon rendoit quelque oracle : on difoit
qu'il faifoit la fonction de Themis. Elle
avoit un Temple à Athènes , près de la
Citadelle.
Il y a une autre Themis , qu'Eufebe nomme
Carmtnta, dont Jupiter abufa , & en eut la
Juftice , la Loi O* la Paix.
Eunomie lignifie Loi. La Loi eft bien fille
de Themis. On a déjà remarqué que c'eft aufli
Je nom d'uqe des heures.

14a. REMARQUES HISTORIQUES
(/) Sur les bords de U fontaine de
Caftalie.
Caftalie , fontaine de la Phocide, confaetée
à Apollon & aux Mufes. On dit que ce Dieu
pourfuivant une Nymphe de ce nom', la mé-
Tamorphofa en cette foutce, & lui donna là
propriété de tendre Poètes ceux qui boiroient
de Tes eaux. Comme elle étoit auprès de Delphes
où fe célébtoient les Jeux Pythiens, Pindare
l'emploie Couvent pour défigner ces Jeux.
(g) Lorsqu'ils combatiretit près de Pylos.
Hercule ayant tué Trachinius , confulra
Apollon , qui lui ordonna de fe faire purifier
par Nelée fils de Neptune. Nelée refufa de le
purifier : Hercule combat» ce Prince , le
Neptune même , qui vint au fecours de fon
fils. Il le fît enfuite mourir avec toute fa famille
: mœurs véritablement barbâtes , qui
portoient à exiger pat la dernière violence
l'expiation d'un acte de violence. Pindare place
ce combat près de Pylos , Ville de l'Elide , où
régnoit Nelée. On ne fera-peut-être pas fâché
de voit ici quelles étoient les cérémonies de
l'expiation chez les Gtecs.
Anciennement l'expiation de l'homicide
étoit peu chargée de cérémonies. Il fufEfoit
d'abord de fe laver dans l'eau-; celle de la mer
étoit préférée, à celle des rivières, & l'eau
courante à celle qui doit, ou qui n'a point de
coùrs.Ciuelgaefbis lemeurttier fe lavoit tout le
corps, & c'eft ainfî qu'Achille le purifia après
avoir tuéStromberas , Roi des Leleges. Quelquefois
1} 6i09it4fi k laycr les mains ou 1»

SUR L'ODE NEUVIèME. 143
oreilles ; ce qu'Euripide nous apprend , lorf».
qu'il fait dire à Hippolyte, que Ce croyant
fouillé, pour avoir été follicité à un crime ,
il doit fe lavet les oreilles.
Dès les fiécles héroïques l'expiation fut cependant
accompagnée de cérémonies plus gênantes
& plus folemnelles. Les perfonnes de'diftinftion
étoient expiées-par les Rois même. DansApollodore
Copréus ayant tué Iphife , eft expié par
Euryfthée Roi de Micenes. Adrafte, félon Hérodote
, eft expié par Créfus , Roi de Lydie.
Mais fou-vent le Héros homicide ètoit obligé
dé parcourir plufieors pays , ne trouvant perfonne
qui -voulut l'expier : ce qui arriva à Hercule
, qui le fut enfin par Ceyx , Roi de
Trachine.
Apollonius de Rhodes décrit dans un grand
détail la cérémonie de cette forte d'expiation,
à l'occafion du meurtre d'Abfyithe , frère de
Medée, tué par Jafon. Arrivés dans l'Ifle
d'Oëa, dit Appollonius, & ayant reçu la
permiflioD d'aller au Palais, ils s'avancèrent
-l'un Se l'autre les yeux baifles , félon la coutume
des fupplians , jufqu'au foyer où Jafon
ficha en terre l'épée dont il avoir tué fon beau-
•ftère. Leur filence & leur pofture firent aifé-
.ment comprendre à Circé qu'ils étoient coupables
de quelque Jsomicide. Elle ordonna
i'abord d'apporter un petit cochon qui tetoit

i44 REMARQUES HISTORIQUES
propres à fléchir la colère des Eumenides ,
qui pourfuivent ordinairement les coupables.
La cérémonie achevée , elle fit aueoir Tes hôtes
fur des fiéges magnifiques pour les régaler. -
Les Romains a voient des cérémonies différentes.
Voyez Denis d'Halicarnaflê , Liv. j.
Chap. il.
(h) Comment auroh-il réfifté a Phébus ?
Cela ne peut s'appliquer qu'à ce qu'on raconte
d'Hercule,Iequel étant venu à Pvtho pour
confulter Apollon ; & la Pythie lui ayant die
que le Dieu étoit abfent, & qu'elle ne pouvoir,
pas répondre , irrité de ce refus , fe faifit da
Tréf ié facré > & le renverfa.
(i) Et Plut on auroit-il vu immobile.
Hercule defeendit aux Enfers pat Tordre
d'Euryfthée , pour en tirer le chien Cerbère ;
ce qu'il exécuta après l'avoir lié de trois chaînes
, fans que Pluton pût l'empêcher. Pindare
donne ici à la Baguette de ce Dieu, les attributs
qu'il donne ailleurs au.Caducée de Mercure.
Voyez la Remarque O de l'Ode fixiéme.
C'eft une chofe au moins fingulière , de voir
. de quelle façon le bon Archevêque de Theflalonique
explique de pareils combats d'Hercule,
rapportés par Homère. Jjinon , dit- il, eft l'air
& tout ce qui fe trouve au-deflus de la terre ,
Pluton eft tout ce qui fe trouve au-deflbus.
Hercule eft l'efprit philofophique , véritable
fils de Jupiter : Il lance donc fes flèches
contre Junon & contre Pluton , & les blefle ,
c'eft-à-dire , que l'efprit philofophique lance
fes réflexions, fes idées & fes vues, & par
Jeiu mojen pénétre ce que JjuyMj & Pluton

SUR L'ODE NEUVIèME: 14ÇI
•nt de plus caché. Car , ajoute Euftathe, il
n'eft rien qui foit impénétrable à la Philofopbie,
ni ce qui eft au-deflbus de la terre", ni
ce qui eft au-deffus. J'oferai dire moi, qu'il
n'eft rien que l'on ne puifle expliquer avec de
pareilles rêveries ; que les allégories d'Homère
& de Pindare rendraient d'une manière bien
imparfaite des idées fi fublimes & fi morales ;
& que fans en aller chercher le fens dans les -
nues, Pindare n'a voulu dire ici autre chofe,
finon qu'Hercule avoir combattu en ces
rencontres, malgré une chaleur exceflive y
une inondation, &c.
(k) De la Ville de Protogenie, oà . . . .
Pyrrha & Deucallon.
Deucalion Roi de Theflalie , fils de Promethée,
époufa fa coufine Pyrrha. Sous fon régne
il y eut une fi grande inondation , que les
Poètes l'ont prife pour le déluge univerfel. Elle
fut caufée par le fleuve Penée , dont quelque
tremblement de terre arrêta le cours , foit à
fon embouchure entre le mont Ofla & l'Olympe
, foit par la rupture de la chauffée du Lac,
qui étoit dans l'enfoncement du Parnalfe.
Deucalion & Pyrrha pour s'en mettre à couvert
, fe retirèrent fur le plus haut fotnmet de
' cette montagne, & les Poètes ont feint que
Four réparer Te genre humain , ils confultèrent
oracle de Themis, qui leur ordonna de jettec
derrière eux lis os dt Itur trimd-tritrt , &
qu'ils jettèrent des pierres, le/quelles fe changèrent
en hommes & en femmes. Voilà la fable
; mais Phiftoire nous apprend que le pays
fut bientôt repeuplé pat les enfans de ceux
qui t'étoiertt fautes, & ce font les pierre*
Q

^4^ REMARQUES HISTORIQUES
myftérieufes dont parlent les Poètes ; cette fable
n'ayant pour fondement qu'une (impie équivoque
: le mot Phénicien iben ou Aben lignifiant
également une pierre & un enfant, & le
mot grec Laos une pierre & un peuple, comme
le remarque le fçavanr Scholiafte de Pindare
fur cet endroit. On peut même dire que la férocité
& la dureté de ces premiers hommes ne
démentoient nullement l'origine qu'on leur
attribuoit. Au refte la manière dont Saumaife
lit un paflage d'Héfiode dans fes fragmens,
aide beaucoup au dénouement de cette fable.
Les Locriens étoient appelles anciennement
leliges , & ilshabitoient la Phocide. CePoëte
dit que Jupiter les donna à Oeucalion pour
repeupler le monde , & l'expreflîon dont il te
fert > lignifie , fuivant la correction du Critique
, que ce Dieu lui donna , non des hommes
de pierre , mais fortis d'une terre pierreufe :
Xrutos i terra lupidum dédit Deucalioni. En un
mot, au lieu de dire que les hommes qui n'avoient
pas été fubmergés par l'inondation ,
étoient defcendus d'une montagne pierreufe ,
on publia qu'ils étoient fortis des pierres
mêmes de cette montagne.
La commune opinion eft que ce déloge
arriva l'an 3^35 du monde, ijoo ans avant
notre Ere; & que Promethée fils de Japet 8c père
de Ùeucalion, étoit contemporain de Moïfe.
(I) Mais qu'une pompe de l'invention du
Dieu.
Pindare eft , je crois , l'inventeur de cette
machine extraordinaire. Jupiter n'eft autre
chofeici que l'air qui attire les eaux& defleche
la terre.

SUR L'ODE NEUVIèME. 147
(m) La fille d'Opume de la terre des
JEpeens.
Japet étoit père de Proujethée & d'Epimethée.
Le premier époufa Climene & en eut
Deucalion, auflî appelle Opus; le fécond époufa
Pandore, de qui il eut une fille nommée Pyrrha,
laquelle fut mariée à Deucalion, ainfi que je l'ai
dit plus haût.Protogenie nâquitde ce mariage.
Ils la donnèrent au Roi Locrus. Jupiter l'enleva
, & la rendit enfuîte à fon époux.
Les Eléens étoient appelles Epeens , à caufè
d'Epéus , fils d'Endymion , qui avoit été
leur Roi.
(») Sur les Commets du Ménale. '
Ménale , montagne d'Arcadie dédiée an
Dieu Pan , très-élevée & pleine de pins , ainfi
appellée du nom de Ménalus fils de Lycaôn.
(0) Porta le furtiom de fon aïeul maternel.
Protogenie étoit enceinte Iorfque Jupiter
la ramena à Locrus. Elle accoucha d'un fils
qui fut nommé Opus , fuinom de Deucalion
fon aïeul maternel.
, (p) Adenœtius, néd'Attor & d'Egïne, dont
le fils. ...
Patrocle , fils de Mencetius & de Philomele
ou de Sthenelé , fut un des Princes grecs qui fè
rendirent au fiége de Troye,& eft devenu
célèbre par l'étroite amitié qui l'unit avec
Achille, & par les preuves de valeur qu'il
donna, Iorfque ce Héros irrité contre Agamemnon
, ne voulut plus combattre-eh faveur
|Us Grecs. Après avoir testé inutilement de le,

*48 REMARQUES HISTORIQUES
•fléchir , Pat roc le prit les armes de Ton ami,
afin d"infpirer, au moins par ces dehors, de la
terreur aux Troyens. Cet artifice réulfit &
ranima le courage des Grecs confternés. Il
défit dans un combat fîngulier Sarpedon, fils
de Jupiter & Roi de Lycie; mais il rut vaincu
£c tué par Heâor fils de Priam. Achille rendit
des honneurs extraordinaires à la mémoire de
fon ami, & pour le venger, combattit Heâor,
le tua, attacha fon corps à un char, & le
traîna impitoyablement autour des murailles
de Troye..
(q) Dans les campagnes deTbeutras.
La Silicie 8c la Myfie, où Theutras avoit
régné.
(r)Lorfque Telephe pouffa jufques fur leurs
vaijfeaux.
Pindare fait ici altufion à cet endroit de
PIliade, où les Troyens repoufserent les Grecs
jufques fur leurs vaifteaux.
Telephe , fils d'Hercule & de la Nymphe
Auge , ayant été expofé dans un bois par l'ordre
de fon aïeul, on trouva qu'une biche l'alaitoit
: ce qui fit concevoir de fi grandes- efpérances
de cet enfant , que le Roi des- Myniens
l'adopta & lui laifla fon Royaume. Lorfqae les
Grecs alloient au fiége de Troye, il fe mie en.
devoir de leur fermer le partage ; mais il foc
blefie" par Achille, & ne put guérir de fa bleffure
qu'avec la rouille du fer de la lance
d'Achille, dont il fit une emplâtre ; ou plus
vraifemblablement encore il reçut quelque
rçmcde d'Achille lui-même , qui ayoit étcj

SUR L'ODE NEUVIèME; 14$
inftruit par le Centaure Chiron , fi habile
dans l'art de guérit les plaies & de tiaitei les
maladies.
(s) Le fils de Thét'ts.
Achille fils de Thetis & de Pelée.
(t)AArgos.
Dans les Fêtes appellées Junoni* , qui fe célébraient
à Atgos, ville capitale de VArgolide
dans le Peloponéfe , aujourd'hui la Romanie
de la Morée.
(») Dans Athènes.
Aux Fêtes nommées Panathénées qu'on f
célébrait en l'honneur de Minerve tous les
ans , Se plus folemnellement de cinq' en cinq
ans. Voyez la Remarque N de FQde feptiéme.
Athènes , capitale de l'Attique, le fiége des
feiences, des arts & du bon goût.
(x) A Marathon.
A préfent Mtrafon , petite ville de l'Attique,
très-famenfe par la viétoire que douze mille
Athéniens commandés par Miltiade remportèrent
fur l'armée des Perfes , qui étoit de
plus de 500000 hommes , la troifiéme année
de la foizante-douziéme Olympiade, 490 ans
avant notre Ere.
(y) Au peuple de Parrhafte.
Parrhafie ou Varmafie , ville de l'Arcadie ,
où l'on célébroit des Fêtes en l'honneur de
Jupitet Lygéen.
G iij

iyo REMARQUES HISTORIQUES
(*.) A Fellane.
Ville de TAchaïe, ainfi nommée de Pallante
l'un des Titans , où l'on célébroit au commencement
de l'hiver des fêtes appellées Theoxeniennts
ou Hermienne i, en l'honneur d'Apollon
& de Mercure. Le prix des Jeux étoit une
robe de pourpre fourrée, d'autres difent une
robe de (impie laine.
(&) Le Tombeau d'Iolaïts & la Ville
d'EleuJts.
Les Jeux qui fe faifoient autour de ce
tombeau , s'appelloient lolea, du nom d'Iolaiis.
Eleufis, une des plus anciennes villes de
l'Attique , entre Mégare & le port Pirée. On
la nomme aujourd'hui Leptine. Le Temple de
Cerés & les Myftères de cette Déeffe, la readirenf
infiniment fameufe. L'origne de ce Tem»
pie , fi vénérable pour l'antiquité > vient de ce
que Celéus , Roi d'Eleufis , ayant fait un bon
accueil à Cerés , lorfqu'elle cherchoit fa fille
Proferpine, la Déeflê en reconnoiflance lui
çnfeigna l'agriculture. Les principales Fêtes
qu'on y célébroit en l'honneur de la mère &
de la fille, fe nommoient Vimetri», Eleufini»,
Anacalipteria ; l'on y couronnoit les
Vainqueurs d'épis de bled.
(aa) A couronné le tombeau d'Ajax.. ..
«'Ajax, fils d'Oïlée Roi des Locriens , l'un
des Princes qui furent au fiége de Troye ,
étoit fi adroit à tirer de l'arc , à lancer un
javelot, & fi léger à la courlè , qu'il yen avoit
peu dans l'armée qni puflènt l'égaler. Après la
prife de la Ville, il viola Caflàndre fille de

SUR L'ODE NEUVIèME.* ICI
Priam, dans le Temple même de Minerve ,
dont elle étoit Prêcrefle. La Déeflê fut fi irritée
de ce facrilége, qu'elle foudroya le coupable ,
& excita une tempête pour faire périr la flotte
qui le portoit. Des Hiftoriens avancent cependant
qu'Ajax ne fit aucune violence à Caflân-dre,
mais qu'Agamemnon qui avoir été touché
de fa beauté , pour l'enlever à Ajax , accufa ce
Prince d'un facrilége horrible, capable d'attiret
la colère des Dieux fur Parmée.s'il n'étoit expié*
& ils ajoutent qu'AjaxefFrayé de cettecalomnie,
fe jecta dans une barque, laquelle ne put
réfiiter à la tempête, & fit naufrage contre des
rochers appelles Hyres. Les uns afiurent qu'il
fe fauva*& arriva à Locride ; les autres , qu'il
fe tint à un de ces rochers * jufqu'à ce qu'une
partie en fut détachée par un coup de vent.
Cette dernière tradition a pu fervir de fonde»
ment à la fiction d'Homère, qui raconte qu'après
que Minerve eut fait périr Ajax,, ce Prince
fe fauva fur un rocher , & s'écria , malgré les
Vieux j'en rechaperai ; que Neptune indigné
de_c?cte aa'I.ace » fendir le rocher avçp foa
Trident, & fit tomber dans la mer le côté fur
lequel Ajax étoit affis. Virgile & Higin ne
font agir que Minerve toute feule ; & Liçophrpn
dit que le corps d'Ajax fut poufîe fur .les
bords de l'Ifle de Delos , où Thetis l'enterra.
Ses peuples en portèrent long tems le deuil : ils
avoient la plus grande confiance en fa valeur ,
même après fa mort, & ils venoient chaque
année faire des facrifices à l'endroit où ce
Prince avoit fait naufrage.
Gir

M*
L 'ENGAGEMENT
ARGUMENT.
pris avec Agefidame
de célébrer fa victoire , ayant
été long-temps négligé, Pindare s'en
excufe fur un oubli involontaire , &
promet d'en payer l'intérêt. Il loue
d'abord la patrie de fon Athlète ; il
raconte enfuite comment Hercule injlitua
les Jeux Olympiques , après avoir
vaincu Euryte & Ctéate enfans de
Neptune ,

ODE DIXIÈME.
Mî
A\AGES1D AM £ , LOCRIElf
Epi%tphyrien , fur la vi3oire qu'il
remporta au Pugilat (a) s dans fa
jeunejfe.
A PPRENEZ
- moi dans; quelle
partie de ma mémoire eft
fravé ce Vainqueur Olympique , le
Is d'Archeftrate : je lui dois des
chants agréables , & j'ai oublié
jufqu'ici de m'en acquiter. Mufe ,
& vous fille de Jupiter , Alithie
(£) ! repouffez d'une main fure lé
reproche de menfonge qu'on peut
me faire à caufe de cette omiflion
envers mon hôte.
Le tems pafle , ne fe montrant
que de loin, attache une forte de
honte à cette grande dette. L'intérêt
que j'en payerai, peut cependant me
délivrer du blâme précipité des hommes.
Maintenant comment le flux de
l'onde recouvrira-t-il le gravier qu'il
a roulé ? comment m'acquitterai'je;
G y

ij4 LES OLYMPIQUES J
en faveur de mon ami de l'éloge!
public qui lui appartient ?
La vérité règne dans la ville des*
Locriens (c). Calliope (d) & l'inv
pitpyable Mars (e) font l'objet de
leur culte. Le> vaillant Hercule luimême
a fui dans*fon combat contre
Cycnus (/). Qu'Agéfidame vain-
?
[ueur au Pugilat rende grâce à lias
g) , comme Patrocle rendoit grâces
à Achille : lias , l'animant par fon
exemple , l'a élevé , avec le fecours .
des Dieux , à un grand honneur.
Peu d'hommes acquièrent fans
travail cette joie pure, lumière de la
vie , fupérieure à toute autre joiej
Les droits de Jupiter m'excitent à
chanter ces combats fameux , que la
Valeur d'Hercule inftitua proche l'ancien
tombeau de Pelops, après avoir
tué Ctéate (h) , l'irréprochable fils
de Neptune.
Il fit aufli tomber Euryte fous {es
coups , lorfqu'il vint exiger de l'injufte
Augée la récompenfe de fes.
Services. S'étant mis en embufcada

ODE DIXIèME. 155
dans un lieu planté d'arbres fruitiers,
il défit vers le chemin de Cléone (i)
*«es orgueilleux .Molionides (k) , qui
avoient mis en déroute fon armée
(7) de Tirynthiens, campée dans les
défilés de l'Elide.
Le perfide Roi des Epéens vit en
peu de temps fa riche patrie fe perdre
(m) fous les efforts de la flamme
& du fer , dans l'abîme, profond de
fa faute. Rien de fi difficile que d'échapper
à la vengeance d'un homme
plus puiflant que foi. Ce téméraire
rencontré le dernier dans le fac de fa
ville, n'évita point une mort cruelle.
Après avoir raffemblé dans Pife
fes troupes & fon butin , le vaillant
fils de Jupiter traça pour fon père ,
le plus grand des immortels , un.
bois facre qu'il entoura de murs (/z),.
bâtit un temple dans fon circuit, une
arène & le lieu des repas.
Ayant adoré le Fleuve Alphée &
les douze grands Dieux, il nomma
le promontoire de Saturne , jufques
là-fans nom, & toujours couvert de
G vj

\^6 LES OLYMPIQUES;
neiges pendant le règne d'Oënomaiis
Les Parques affluèrent à cette pre •
mière célébration , & le tems -
feul témoin fidèle de la vérité.
Lui qui nous a appris, en quel
lieu Hercule partagea les dépouilles,
fruit de la guerre ; comment il en
confacra les prémices , & inftîtua
ces Jeux qui fe célèbrent de cinq an$
en cinq ans ; quels font ceux , qui fe
plaçant eux-mêmes en un rang honorable
, reçurent du fort les couronnes
de la lutte, du pugilat", de la
courfe à pied , 8c de la courfe des
chars, en arrachant de leurs propres
mains cette nouvelle gloire à de fiers
rivaux.
Le fils de Licymnius (o\ Oëone ,
vainquit à la courfe du ftade : il étoit
venu de Midée à la tête d'une armée.
EchemuS (/>) illuftra Tegée fa patrie
par le prix de la lutte ; &c Doricle ,
qui habitoit la ville de Tirynthe ,
obtint celui, du Pugilat. Semusf^) de
Mantinée remporta avec fes quatre
chevaux le prix de la courfe des chars.
Le javelot de Fraftor frappa le

ODE DIXIèME." ttf
but.Enicée , faifant tourner fon bras
avec force , lança fon palet de pierre
plus loin que tous les autres , &
excita de grandes acclamations parmi
fes amis. La douce lumière de la
lune embellifloit la foirée de ce grand
jour, & le temple retentit dans la joie
des feftins , des chants de louanges
accoutumés.
Suivant encore aujourd'hui cetttf
ancienne inftitution , nous chanterons
l'hymne furnommé la fuperbe
viSoîre.Nous chanterons le tonnerre,
ces traits enflammés du redoutable
Jupiter, la foudre étincelante forgée
pour tout domter. L'harmonie
délicieufe de mes vers répondra aux
fons de la flûte.
Ils fe produisent un peu tard aux
bords de la fontaine de Dircé

158 LES OLYMPIQUES J
O ! Agefidàme, lorfqu'un homme
a fait de grandes chofes,& qu'il defcend
au Palais de Pluton fans nos
hymnes , il n'a refpiré ici qu'un air
vuide : une joie courte & paffagère
a été tout le prix de fes travaux. Ma
lyre mélodieufe & la douce flûte
répandent fur vous leurs faveurs , &c
les Piérides (s) , filles de Jupiter ,
vous accordent une grande gloire.
Afiifté de leurs foins j'embraffe
dans mes vers l'illuftre nation des
Locriens ; 8c verfant des flots de
rriiel fur cette ville recommendable
par fes habitans , je chante l'aimable
fils d'Àrcheftrate , que j'ai vu vaincre
auprès de l'autel d'Olympie
par la feule force de fes mains ,
environ vers le tems où il étoit de
la plus belle figure , & à cet âge
floriffant , qui avec le fecours de
Venus , repoufla loin de Ganymede
(/) la mort impudente.

M9
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode dixième.
(a) Au Pugilat.
SUr le Pugilat,' voyez l'Hiftoire des Jeux
Olympiques. On croit la victoire dont il
s'agit de la foixante-cjuatorziéme Olympiade ;
mais cette Ode & la fuivante font bien
poftérieures.
(h) Aljthie.
Ou Alathée , Alethée .la^Vérité que Pindare
fait ici fille de Jupiter , mais que Plutarque
& plufieurs autres Anciens font fille du Tems ,
ou de Saturne pris pour le Tems , parce que
c'efl le Tems , félon Pindare même, qui la
découvre & l'enfante , pour ain/i dire. Philoftrate
la repréfente comme une Vierge, couverte
d.'un habit dont la blancheur imite celle
de la neige s & Hipocrare dans une de fes Lettres
, comme une belle femme d'une taille
riche , vêtue modeftement , & avec des yeux
dont l'éclat imite celui des afttes. On la dit
mère de la Vertu.
(c) Dans la Vtlle des Locriens.
Il j avoit trois peuples de ce nom, les

i6ô REMARQUES HISTORIQUES
Locriens Epizephyriens,dont parle ici Pindare,
qui habitoient la ville de Locres dans la grande
Grèce ; les Locriens Ozoléens , qui habitoient
une autre ville de Locres , auffi dans la Grèce,
auprès de Lépanthe ; & les Locriens Epicnémidiens,
qui habitoient les villes de Cnemides,
d'Elatée, de Lilée, d'Opunte, &c.
(d) Cdlliept.
L'une des Mufes , celle qui préfide à l'éloquence
& à la poëfie héroïque, ainfi nommée,
à caufe de la douceur de fa voix. On la repréfente
couronnée de laurier , tenant une trompette
de la main droite, & ayant des Livres à
Tes pieds.
(e) £t l'impitoyable Mars.
11 y a eu plusieurs Mars , Ou plutôt pliifîenrS
Princes guerriers qui ont pris ce nom. Les
Grecs à l'ordinaire ont chargé le leur des
aventures & des explois de tous les autres. Ils
le nommoient JErés. Selon Homère 8c la plus
commune opinion, il étoit fils de Junon & de
Jupiter; mais fui van t l'opinion d'un petit nombre
d'Auteurs , à la tête defquels eft Ovide , il
étoit fils de Junon feule, laquelle jaloufe de ce
que Jupiter avoir enfanté Minerve, vint en
Orient chercher le moyen d'avoir anfli des enfans
fans le fecours de fon mari. Fatiguée da
chemin , elles'affit près du Temple de laDéefle
IJoie, qui ayant appris le fujet de fon voyage,

SUR L'ODE DIXIèME; iéï
promit de lui enfeigner ce qu'elle fouhaitoit, fï
elle vouloit s'engager à ne le point révélet à
Jupiter. Junon s'y engagea avec ferment, &
Flore l'envoya dans les champs d'Olene ,
Oltneis in campis> où elle trouverait une fleur
qui avoit la vettm de faire concevoir. Junon
l'éprouva en effet, & conçut un fils auquel
elle donna le nom de Mars. Perfonne n'ignore
fon aventure avec Venus ; comment ils furent
furpris enfemble dans les filets de Vulcain , Se
expofés à la rifée de l'Olympe. Ce Dieu a été
principalement adoré à Rome , où il étoic
réputé père de Romulus& de Remus. Celui-ci,
qui entra dans la prifon de Rhéa Silvia & la.
tendit mère., eft le cinquième Mars. II étoif
frère de Numitor.
(/) Hercule lui-même M fui dans fon combat
contre Cycnus.
L'Hiftoire ancienne fait mention de fix perfonne*
oc ca ûùm: Le premier rit Cycnus nis J»
Mars , dont il s'agit ici. Il fe mettoit en
embufeade dans les avenues de la Thefialie, &
faifoit mourir tous les paflans qu'il furptenoir,
afin d'élever à fon père un Temple des têtes de
ceux qu'il aurait tués.Hercule l'attaqua:Cycnus
foutenu de fon père le Dieu Mars,le mit en fuite
félonPindare, mais enfin Hercule le trouva feul
& lui ôta la vie. D'autres difent qu'Hercule
monté fur le cheval Arion , le vainquit ; que
Mars en fut fi courroucé , qu'il voulut fe
battre contre le vainqueur de fon fils , & que
Jupiter les fépara d'un coup de foudre.

i6i REMARQUES HISTORIQUES
Le fécond eft le fils de Neptune , dont nous
avons parlé à la Remarque S de l'Ode
deuxième.
Le troilîéme eft le fils d'Hières , qui fut
changé en Cygne.
Le quatrième eft cet ami de Phaëton , qui
déplorant fa mort, fut auffi changé en Cygne.
Le cinquième ne nous eft connu que par
l'aventure que Paufanias raconte ; & le dixième
par ce qu'en dit Conon dans Photius.
. (g) Rende grâce à lias, comme Patrocte.
lias étoit fans doute l'ami £ & peut-être Je
maître de paleftre d'Agefidame. L'allufion que
Findare fait à la fuite prétendue d'Hercule, & la,
reconnoiffance à laquelle il exhorte Agefidame,
peuvent faire penfer que cet Athlète ayoit
reçu d'abord quelque échec.
(h) Ctéate , l'irréprochable fils de Neptune,
Voyez ci-après la Remarque K.
(»') Vers le Chemin de Çleane.
Cléone .ville de l'Argolide , fîtuée fur une
éminence entre Corinthe & Argos. On j
voyoit encore du tems de Paufanias la fépulture,
d'Euryte & de Ctéate.

SUR L'ODE DIXIèME. I6J
(kj Ces orgueilleux Molionides.
Surnom de deux frères, Euryte & Ctéate,
fils d'Aétor & de Molione , ou félon d'autres ,
& Pindare lui-même, fils de Neptune & de
Molione , fille de Mol us.
Voici comment un fçavant Académicien
laconte, d'après ApoUodore & quelques autres
Auteurs , le fait hiftorique dout il s'agit ici : M.fter*ti
y, Hercule étant dans le Peloponefe après la
„ prife de Troye fur Laornedon , fe prépara à
v punir Augée , Roi d'Elis, de la perfidie dont
„ il avoit ufé àfon égard , pendant qu'il étoit
„ occupé à accomplir les ordres d'Euryfthée :
„ un grand nombce d'Arcadiens & de.Volon-
„ taires de toutes les Villes de la Grèce , le
y» mirent fous les ordres .d'Hercule» Augée
n penfa de fon côté à fe défendre ; il leva des
„ troupes , & en donna le commandement
„ aux Molionides fes neveux. Cependant Her-
„ culê , étant tombé malade vers le milieu de
„ la première campagne, peut-être des fuites
„ d'une bleflure dangereufe qu'il avoit reçue au
,, fiége de Cos , en revenant de fon expédi-
„ tion contre Troye , entra en négociation
„ avec les Molionides ; mais ceux-ci ayant
„ enfreint la fufpenfion d'armes , & attaqué
„ fes troupes au préjudice du traité , il ne fe
„ crût pas obligé de refpeâer des engagemens
,, que fes ennemis avoient violés les pre-
„ miers. Il drelfa donc une embufcade
„ aux Molionides > les furprit comme ils

%64 REMARQUES HistôRïQtms
>, alloient au nom des Peuples du Peloponefê ,
„ facrifier aux fêtes de l'Ifthme , les com-
„ battit & les tua auprès deCIécne, à la fin de
„ la rroitiéme Ifthmiade.
Les Molionides avoient époufé les deux filles
de Dexaraene. Euryte taifla un fils , nommé
Talpius ,j& Ctéate lairfa auffi un fils, nommé
Ampbimaque , qui régnèrent l'un & l'autre
en-Elideavec Agofthene , fils d'Augée. La fable
dit que les Molionides étoient de célèbres
conducteurs de Chariots , qui avoient deux
têtes & quatre mains avec un feul corps , ce
qui marque qu'ils agiffoient dans Une parfaite
inrelligence. Des Auteurs écrivent que Ctéate,
père d'Amphimaque, fut an des quatre Généraux
des Epéens , lefquels menèrent quarante
raiflêaui à la guette de Ttoye.
(/) En déroute [on armie 4e T7ryntbietu.
Dans cette rencontre périrent Télamon ,
Chakodon & Iphiclés, compagnons d'Hercule.
(m) Sa riche patrie fe perdre.
La ville de Pife, voyez la Remarque C de
l'Ode deuxième.
(») Qu'il entoura de murs.
Altis eft le nom que portoit le bois facié

SUR L'ODE DIXIèME. I6

166 REMARQUES HISTORIQUES
Il y a eu aufli un autre Echeme on Echme,
Roi d'Arcadie, qui fuccéda à Ton frère Polymetor
, & fe joignit à Ariftomene Se aui
Meflèniens contre ceux de Sparte.
Tegée, ville de l'Arcadie entre les fources
de l'Alphée, fondée par Tegéate fils de Lrcaon,
laquelle fervit d'afyle à tq«te la Grèce , n'eft
aujourd'hui qu'un Bourg appelle Muchli à fix
lieues de Naptli de Rom?.nie , Ters le midi
occidentaL
(q) Semus de Mantinée.
Mantinée, petite ville de l'Arcadie vers Ief
fources de l'Alphée, à quinze lie jes de Lacedemone,
fondée par Mantinéus, autre fils de
Lycaon, renommée par la victoire qu'Epaihinondas,
Général des Thébains , remporta fur
les Lacedemoniens & les Athéniens réunis,
l'an de Rome 391. On la nomme aujourd'hui
Mundï, Muniing» , Goriza, VorboglïzM.
(r) De la fontaine de Biné.
fontaine près de Thebes, dans une forêt de la
Séotie, fameufe par les aventures de Cadmus.
La fable dit que Dircé , femme de Lycus ,
Princeflè très-cruelle , fut métamorphofée en
cette fontaine par Bacchus, en punition des
maux qu'elle avoit fait fouffrir à Antiope.
L'Hiftoire dit qu'elle fut immolée à la vengeance
4e* deittûjs d'Aniiofe,

SUR L'ODE DIXIèME. I6J
(s) Et les Piérides.
Nom donné aux Mufes, foit à caufe du
Mont Pierus en Theflalie, qui leur ctoit confacré
> foit à caufe du prix de la poëfie & du
chant qu'elles remportèrent fur les filles de
Pierus, qui avoient ofé leur faire un défi , &
qui furent changées en pies pour punition de
leur témérité.
(t) Avec le Recours de Venus, repouffa loin
de Ganymede.
Ganyméde enlevé au Ciel par Jupiter à caufe
Je fa beauté. Yoyez la Remarque O de l'Ode
première.

*68
ARGUMENT.
L 'INTERET que Pindare devoit à
fon Athlète pour l'attente de l'Ode
précédente , ejl payé par celle-ci. Il continue
d'exalter les avantages de lapoïfie
& de louer les Locriens & Agejidame ;
il invite les mufes à venir avec lui chez
cette nation , à y former des daqfef; il
les affure qu'elles trouveront un peuple
fage , policé, auquel le goût des fciences
& des arts ejl naturel.
ODS

1 i69
ODE ONZIÈME.
Au MEME AGESIDAME t
Intérêt (a).
TANTôT les hommes ont un
grand befoin des vents , tantôt
de ces eaux du ciel, filles de la Nuë :
mais fi quelqu'un a réu/fi dans une
entreprife difficile , nos hymnes
deviennent le fujet agréable des
entretiens à venir , & le gage fidèle
de fes hautes vertus.
Cette louange , qui n'a rien à
craindre de l'envie , eft réfervée aux
Vainqueurs Olympiques , & ma
langue veut la publier. C'eft de Jupiter
que l'homme reçoit l'éclat d'une
vertu confiante : fçachez donc , fils
d'Archeftrate , ô Agéfidame ! que
foigneux de plaire à la nation des
Locriens (£) , je chanterai en faveur
de votre Pugilat cet hymne , l'ornement
mélodieux de la belle couronne
d'olivier que vous avez remportée.
Mufes, formez ici des danfes ! je
H

I7

t7l
REMARQUES HISTORIQUES
fut l'Ode onzième.
(a) Intérêt.
VOYEZ l'Argument de cette Ode, & les
première , deuxième & tréziéme (trophée'
de l'Ode précédente.
(b) A la nation des Locricns.
Voyez la Remarque C de l'Ode précédente.
(c) Le Renard ruÇé, le Lion rugifiant.
Pindare compare les Locriens au Renard te
au Lion, fymboles de la prudence, du courage,
de la force.
Hii

%yi
ARGUMENT.
E
RGOTELES étoît né à Gnoffe ,
ville de VIfie de Crête; une fédition
l'en ayant chaffé, il s'êtoit retiré à Himere
dans la Sicile. Pindare s'adreffe
à là fortune , peint fa puiffance fur les
événemens, la vanité de nos ejpérances ,
Vinflabilitè des chofes humaines , dont
nos efprits aveugles nefçauroientprévoir
les révolutions ; il établit que les maux
fortent du fein du bonheur, comme Us
biens du fein du malheur ; & H avance
qu'Ergoteles ,femblable à un coq qui ne
tombât que fur fan paillier , nefefût
point couvert de gloire à Olympie, à
Delphes & dans VIJlhme , fi la fédition
nef eût obligé d'abandonner Gnoffe
fa patrie.

ODE DOUZIÈME.
*73
r
A ERGOTELES D'HIMERE^
Vainqueur à la longue courfe (a).
FILLë dé Jupiter libérateur, Fortune
(£) confervatrice , je vous
implore pour la puiffante ville d'Himere
(c) ; car fur les flots vous gouvernez
les vaiffeaux légers, & fur la
terre les guerres fanglantes,les aflemblées,
les délibérations. Parmi les
efpérances des hommes qui volent
fans ceffe de projets en projets , les
unes élevées , les autres renverfées ,
roulent à votre gré.
Aucun mortel encore n'a reçu des
Dieux un figne certain du fort qui
l'attend : nos penfées fur l'avenir font
aveugles. Beaucoup de chofes oppofées
à la joie arrivent aux humains
contre leur efpoir ; fouvent auffi
battus de fâcheufes tempêtes, ils paffent
en un moment de l'abîme du
malheur à la plus haute félicité.
Semblable à un coq qui ne combat
H iij

î74 LES OLYMPIQUES.'
que dans l'enceinte de fa cour , fils
de Philanor , la gloire de vos pieds
fe feroit flétrie dans la maifon de
yotre père , fi la fédition , armant
«itoyen contre citoyen, ne vous eût
privé de Gnoffe (d) votre patrie.
Maintenant couronné à Olympie &
deux fois à Pitho & dans l'Ifthme ,
Ergoteles, vous rendez célèbres
les bains chauds (e) des Nymphes ,
près defquels vous habitez paifiblement
les fertiles campagnes que vous
avez açquifes.
m
"m

«75
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode douzième.
(a) A U longue courfe.
CEtte viûoire a pour époque lafoixanttdix
feptiéme Olympiade.
>{b) Fortune conÇervatrke.
1 Divinité . que les Anciens confidéroietg
-comme l'aine de toutes les entieptifes, qui dif-
:tribuoit les biens , les honneurs , les maux ,
comme il lui plaifoit, & qui n'étoit autre que
rieur deftin.On la confond avec les Parques; Pin-
•dare lui-même li nomme une ^esParques, celle
•qui a le plus de. pouvoir. On la repréfentoit
ordinairement (oui la figure d'une femme
-aveugle & chauve , debout fur une roue , avec
des ailes aux pieds , expreflîon feofible de foa
'aveuglement 8c de foD inconftance. Elle ne fe
trouve point chez les Grecs au nombre des
plus anciennes Divinités ; depuis Homère cefendant
elle y à eu plufieurs Temples* Daqs
celui de Phares . on voyoit, au rems de
Paufanias , une ftatue de cette Divinité qui
paroiiîoit antique j & au rapport de ce
Voyageur , Homère eft le premier qui ait fait
mention de Tmch'i : c'eft dans fon hymne en
l'honneur de Cerés , où il la met au nombre
de plufieurs autres filles de l'Océan , qui
jôuoient avec Profcrpine dans de belles
prairies, ;•.-•

tj6 REMARQUES HISTORIQUES
Tuchi , Mel.bofîs , ©• la bell» I*nté.
' "ruche eft le nom qu'Homère a donné à la
Tortnne , & dont les Grecs fe font toujours
fervi depuis. Bien loin d'en faire une Déeflê
toute puillante , qui exerce fon empire fut les
chofes humaines, & les faflè réuffir à fon gré,
'il ne lui attribue aucune autorité , aucune
fonction; cependant il dit dans l'Iliade, que
Pallas & Enyo préfident aux combats, Venus
aux noces , Diane aux accouchemens. Maïs
Bupalus , grand Architecte & grand Sculpteur,
ayant fait le premier uneftatue de cette Déefle
pour la ville de- Smyrne , s'avifa de la représenter
arec l'Etoile polaire fur la tête , &
tenant de la main gauche la corne d'Amalthée
ou d'abondance, comme des fymboles de
'fori pouvoir. A Egine cette Déeffe avait près
d'elle l'amour avec des aîlps. Enfin à Athènes
•elle avoit une ftatue qui tenoit entre fes.bras
>Plutus fous là forme d'un enfant ; idée ingénieufe
de mettre le Dieu des richeflcs dans le
fein de la Fortune, comme fi elle étoit fa
mère & fa nourrice. Il n'cft point de Divinité
à qui l'on ait prodigué plus d'épithétes : les
? Romain9.' la révérôlénr fous le nom de
'•Co»ftrv*t¥ict, comme lesGrecs; .
i :- :-•' ' V !;: • ..'- • -i :'..:,-
\- (t) JLSfuiffdnte Ville i'Bmtre.
:••••••-. < '•!•< ••. ; ; • -.:••• . J .
' Himere ,• ancienne ville de la Sicile , aînfi
'appellée à caufe de fa fituation à l'embouchure
-de la rivière Himtr». Elle avoit été bâtie pat
'les 2£ancléëns , peuplé de cette Ifle, & fut détruite
140 ans après par les Carthaginois:,
environ 4^8 ans avant notre Ere. Elle eut

SUR L'ODE DOUZIèME. 177
l'avantage de voir naître dans fonfein le Poète
Stefichore, fameux entre les Lyriques, auquel
fes habitans érigèrent uoe ftatue qui a été
admirée des connoiflèurs. Il faut ajouter que
cette Ville paûoit pour avoir donné naiflance i
la Comédie.
Deux ans après fa ruine, les mêmes Carthaginois
en bâtirent une nouvelle, diftante
de l'ancienne d'environ 4000 pas , que les
Latins ont appelle Thermt Himtrt , à caufe
des eaux chaudes ou bains nommés Thermes
en grec , qui l'ont en ce lieu-là. C'eft celle qui
fubfifte aujourd'hui fous le nom de Terminé.
(4) Si la [édition.... ne vous eût privé
de Gnojfe.
!
Pindare fait ici des efforts pour pallier le
banniffement d'Ergbteles , dont les circonstances
ne nous font connues que pat ce qu'il en
dit ; & fes raifons font bonnes poétiquement.
Gnoflë , anciennement une des plus célèbres
villes de Plfle de Crète , par la fable du Minotanre.
Ce n'eft à préfent qu'un petit villago
nommé Ginof*.
Au refte Ergoteles tient un rang dans
l'Hiftoire. Paufanias nous apprend qu'il fut
Periôdonique , e'eft-â-dire, qu'il remporta des
prix dans les quatre Jeux folemnels dé la
Grèce , car les Grecs délignoient ces Jeux par
le nom de Veritit, comme qui dirait la révo-'
lution des quatre Jeux , & nommoienc;
Ttriodoniques ceux qui s'y étoient fignalés. Pettd"Athlètes
parvenoient à mériter ce- titre fi
glorieux; mais Ergoteles le mérita double-»

jyS REMARQUES HISTORIQUES
nient, ayant été deux fois vainqtieucdan»
chacun; auûi lui éleva-1- on dans le bois deRjfë
une ftatue magnifique de la façon de Lyfîppe.
Le même Hiftorien remarque qu'il falloit que
cet Athlète fût un Colofle : il furpafîoit ea
hauteur tous les hommes qui par la grandeur
de leur taille a voient été fameux dans l'Hiftoirej
& pour trouver quelqu'un avec qui l'on pût le
comparer , on étoit obligé de remoatei aux
tenu fabuleux.
(e) Les Bains chauds des Nymphes.
Voyez ci-deflus la fin de la Remarque C.
Les Poètes peuploieot tous les élémens de
Dieux , de Déeûes , de. Nymphes ; &. la plus
petite fontaine avoit fa Divinité , comme le
Fbas grand fleuve. Ces bains connus dans
Hiftoire, font également fameux dans la
fable. Si l'on en croit Diodore de Sicile &
Etienne de Byfance , les anciennes traditions
port oient qu'Hercule revenant d'Efpagne , 8c
amenant les boeufs de Geryon , paflà par la
Sicile ; que s'étant arrêté prés d'Himere ,
Minerve ordonna aux Nymphes de faire fortit
4e terre des bains où ce Héros pût fe dé.aflèr ,
le que les Nymphes obéirenr. C'eft peut-être
par cette raiton que Pindare les nomme Gmplement
Us Bains dis Nymphes. Cet événement
fabuleux a trouvé place furies médailles: nous
en avons plusieurs où il elt marqué, entr'autres
4çux, l'une reprefentani Hercule > au revers de
laquelle on voit trois Nymphes, qui en fa veut
4e ce, Héros font fortir de terre les bains
4'tfuneie.j l'autre repréfeutant an char

SUR L'ODE DOUZIèME. .1791
Attelé de deux chevaux , monté par un homme
que loRcroK être irgoteles. Cet homme tient
les rênes de la main droite , & de la gauche
une efpéce de-bâton avec une viâoireau-deflus»
au revers de cetre dernière médaille eft une
Nymphe tenant une tstne élevée fur un brader
, & derrière eft Hercule dans le bain , fur
' les épaules duquel ua lion accroupi verfe
"de l'eau.
''Cette Ode Scia quatorzième ont été traduites
on imitées en vers françois par M. de 1»
Motte : celle - ci pour M. le Maréchal de
Berwick , la quatorzième pour M. le Duc de
Vendôme. M. l'Abbé Maflieu fait ('ans (et
Remarques le parallèle de la traduction 01
imitation avec l'original, & l'avantage a'i
.fas pour l'Auteur, moderne.
Hvj

iBd
ARGUMENT.
D E reloge de la maifon de Xenophon
, quiâvoit été couronnée
trois fois à Ofympie, Pindare paffe naturellement
à celui de la ville de Corinthe,
patrie de fon Hiro$,quil loue à caufe de
lajujlice qui y régne,de fon amour pour
/es exercices & les combats , de fon goût
ipour les arts. Il parle vnfuite des victoiy
res- de F Athlète , de celle de fon pire
Theffalùs , & de fon avail Ptœodore ^
reprend les louanges de Corinthe , fait
mention de quelques Princes qui Vont
gouvernée ou qui enfontfortis , de Sijzphe,
de Medée, de Glaucus, de Bellerophon
; & après s'être étendu fur l'Hiftoire
fabuleufe de ce dernier , il revient
aux victoires de Xenophon & de ceux
de fa race. Il dit en unfeul mot qu'ils
ont été proclamés vainqueurs foixante
fois , & nomme les lieux ou ils ont
remporté ces différentes couronnes.

ODE TRÉZIÈME.
I«i
"jt XÊNOPHON CàïlliïTHIEN (a);
vainqueur à la courfe du Stade _(£)
, • & au Pentaihle.
£
N célébrant une maifon trois fois
viûorieufe à Olympie, bienfaifante
à fes concitoyens , & fidelle à
fes amis , je ferai connoître l'heu-
.reufe Corinthe (c), le veftibule de
.Neptune Ifthmien , floriffante par fa
.nombreufe jeunefle. Dans fes murs
habitent Eunomie (d) & fes fœurs ,
la Juftice & la Paix , le plus ferme
fondement des Villes , difpenfatrices
dès richeffes , filles facrées de la
prudente Themis.
Elles veident écarter l'injure, mère
audaciéufe de la fatiété. J'ai de grandes
chofes à annoncer , & une jufte
hardieffe excite . ma langue : il eft
hien difficile de retenir des talents
naturels. Les Athlètes qui par leur
haute valeur. triomphent dans, ces
faint$ combats , YOUS "ont fouvent

itx LES OLYMPIQUES ,
communiqué , ô Erifafis cTAlëlfees
(/) ! l'éclat de leur? victoires ; & les
heures ( f), par qui tout fleurit, ont
enfeigne les arts à vos Ancêtres.
Tout ouvrage appartient à fou
inventeur. D'où nous font venues
les fêtes agréables de Bacchus^ (#) ,
& ces Dithyrambes dont un bœuf
eft le prix ? qui a trouvé ces proportions
pour l'attelage des chevaux &
des chars ? qui a pofé le premier
fur les temples des Dieux un double
aigle, Roi des oifeaux ? Dans votre
Ville réfident les Mufes aux douces
voix, & Mars toujours préfent
aux batailles fanglantes des jeunes
hommes.
Vous qui régnez fouveraînement
à Olympie, Jupiter, père des Dieux,
ne ceflez dans aucun tems d'être
favorable à mes vers ; & préfervant
ce Peuple de toutes calamités , dirigez
vous-même le vent de la fortune
de Xenophoh. Recevez avec corn*plaifance
ce jufte éloge-des- fcouron*
nés qu'il rapporte des ehainps de

ODE TRéZIéME. 183
Pife , où il a vaincu à la courfe du
*ftade & au pentathle, ce qu'aucun
mortel n'a encore fait avant lui.
On l'a vu couvrir fa tête de deux
couronnes d'ache dans les Jeux de
FIflhme ; & la forêt de Nemée ne
dément point ces honneurs. La
gloire que fon père Theffalus s'eft
acquife à la courfe , repofe fur les
bords de l'AIphée. A Pytho ne remporta-t-il
pas dans un même jour les deux
prix du ftade & du diaule , & dans
le même mois à Athènes un feid jour,
jui paffe fi vite , ne ceignit-il pas
es beaux chevaux de trois couronnes?
Î
Sept fois il a triomphé dans les
Jeux Hellotiens (h). Des hymnes
antiques accompagnent encore aux
fêtes de Neptune , que la mer environne
, Therpfias , & Eritime , avec
leur père Ptœodore. Et vous , Xenophon
, combien de fois auffi n'âvez-vous
pas été couronné à Delphes
& dans la forêt du lion ? Je ne fuis
embarraffé , comme beaucoup d'autres
, que de la multitude de vos

184 LES OLYMPIQUES ;
viôoires : car je nefçaurois compter^
les grains de fable de la mer.
Il eft une manière propre à chaque
fujet ; la corinoître , eft un talent
merveilleux. Moi particulier 4 envoyé
pour l'intérêt commun, en louant la
fageffe de vos Aïeux & leurs vertus
héroïques dans la guerre , je ne dirai
rien de faux de Corinthe. Je parlerai
de Sifyphe (t) inftruit dans tous
les arts ainfi qu'un Dieu , de Medée
(à) qui prépara {es noces malgré fon
père & fauva le Navire jirga, & les
Héros qu'il portoit.
Lorfque vos Ancêtres parurent
devant les murs de Dardanus, &
combattoient vaillamment dans le*
deux partis , lés uns avec la race
chérie d'Atrée redemandant Hélène y
les autres réfiftant de toutes leurs
forces , les Grecs redoutèrent Glau-*
eus (/) , venu de la Lycie, lequel fe
glorirîoit d'avoir auprès de Pirenes
\m), le Royaume de fon père , un
palais & des richeffes immenfes.
Celui qui entreprit autrefois de

ODE TRéZIéMë. 185
.'donner («) Pegafe , fils de la Gorgone
(o) aux cheveux de ferpents ,
endura bien des travaux fur les bords
de ces fontaines , jufqu'à ce que
Pallas lui eut apporté un frein
avec des rênes d'or. Elle lui apparut
en fonge & lui dit : vous dormez ,
Roi defcendu d'Œole ? réveillez
vous , prenez ce Philtre propre aux
chevaux , & le montrez à Neptune
(/») votre père , en lui facrifiant un
taureau gras.
La chafîe DéefTe , qui porté un
^bouclier noir, parut lui dire ces chofesjpendant
qu'il dormoit. Il fe leva
aum-tot fur fes pies , & prenant ce
frein merveilleux qui étoit à côté de
lui, plein de joie il rencontra un
Devin du pays , le fils de Caeranus,
-auquel il découvrit tout ce qui venoit
de lui arriver.^icoriiment. il. s'étoif
couché pendant la nuit fur l'autel de
fa Déefle , près de fori oracle ; &
'cominent la fille même de Jupiter
lui avoit donné ce mors précieux ,
domteur de la férocité.
. Le Devin lui prdonn* d'obéir a&

i86 LES OLYMPIQUES ;
plutôt à ce fonge ; & après qu'il
auroit immolé un taureau au puiûant
Neptune , de bâtir un temple à
Minerve equeftre. La puiffance des
Dieux remplit & au-delà leurs promeuves
& nos efperances ; ce n'efl
pour elle qu'un jeu. Bellerophon.
animé par fon courage & par fa joie^
en approchant feulement le mors de
la bouche , fe faifit du cheval aîlé.
Dès qu'il l'eut monté , il s'exerça
deflus quelque temps couvert d'arïnes
d'airain. C'ëft avec ce cheval
tjue dans le fond d'un defert fous ut»
ciel glacé, il combattit les Amazones
(^) armées de flèches ; qu'il défit les
Solymes (r) , & la Chimère -(s) qui
Vomit du feu. Je tairai fa mort (r):
quant à Pegafe , les étables antiques
de Jupiter (a) le reçurent au
fommet de l'Olympe.
Mais en lançant un tourbillon de
traits, il ne convient pas que ma
main en plante plufieurs hors du but.
Cédant à l'infpiration des Mufes affifes
fur des thrônes refplandiffans, je
fuis venu pour être le chantre facré

ODE TRéZIêME. 187
des Oligaethîdes (x) dans l'Ifthme &
dans la forêt de Nemée. Je manifçfterai
beaucoup de chofes en peu de
paroles , & un ferment inviolable
fera mon garant : la douce voix du
hérault les a proclamés foixante fois
dans nos differens Jeux.
Ce qu'ils ont fait à Olympie a déjà
été célébré. Je chanterai hautement
ce qu'ils feront à l'avenir ; je l'efpére
du moins , car l'événement eft dans
le fein de Dieu. Si le Génie qui
veille fur eux les abandonne , nous
en confierons le foin à Jupiter &
à Mars. L'autel fomptueux du Dieu
de la Licie atteftera combien de victoires
ils ont remporté aux pies
du Parnaffe , combien à Argos & à
Thebes, combien chez les Arcadiens,
Pellane , Sipyone (y) , Mégare
(A , le bois facré des Eacides (

188 LES OLYMPIQUES.
trouverez des exploits fupérieurs à
l'idée que vous pourriez en concevoir.
Mais ô Jupiter ! faites que je
forte heureufement de mon entreprise
, & m'accordez la confédération
des hommes, & la jouiffance
des biens délectables
^1
w
s»

189
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode ttéziéme.
(a) Xenophon Corinthien.
CE que l'Hiftoire nous apprend de ce
Xenophon , c'eft qu'il avoit remporté à
Delphes Se à Athènes le prix de la courfe des
chars ou celui de la courfe du cheval feul, 8c
que le même Ecuyer, nommé Nicomaque ,
«oit entré pour lui dans la carrière de ces
différens Jeux.
(b) A la courfe du Stade & au Pentathle.
Voyez l'Hiftoire des Jeux Olympiques. On
croit que les victoires dont il s'agit ici font de
la foixante- dix - feptiéme Olympiade
(c) L'heureuse Corinthe , le veftibule de
Neptune,
Corinthe , dctttle nom moderne Cortnth*
ou Corinto a peu changé, ville du Peloponefe >
fituée près de l'Ifthme , c'eft-à-dire , près de
cette petite langue ou col de terre qui joint
la Morée à la Grèce, entre le golfe de l'Epanthe
te. celui d'Engia. On croit que Sifyphe, flic
d'Eole , la bâtit l'an du monde 1597 , environ
1438 avant notre Ere. Elle fut nommée diverfement
Centhyre , Epopé , Zphyrt , Htlitpolit
ou ville du Soleil. Ayant été fauvée de l'incendie
, ou rebâtie pu Coxinthus , fils de Pelops ,

190 REMARQUES HISTORIQUES
d'autres difent fils d'Orefte, elle prit le nom de
ce fécond Fondateur. Elle étoit détendue par
une citadelle nommée Acrocorinthe , conftruite
fut la croupe d'une montagne d'une hauteur
exceflîve, & regardée comme le boulevard
de la Grèce; ce qui donna lieu an proverbe
, que quelques Hiftoriens ont cependant
attribué à la Courtifane Laïs : // n'efl fus fer'
mis à tout le monde £ aller à Corinthe. Cette
Ville aptes avoir pris part à toutes les viciflitudes
de la Grèce , fut miférablement détruite
par les Romains , la troifiéme année de la
cent cinquante-huitième Olympiade, 14s
ans avant notre Ere. Jules Ce far l'ayant fait
rebâtir dans la fuite , elle devint une Colonie
Romaine : elle eft aujourd'hui fous la
domination de la Porte Ottomane.
(à) Eunomie & Ces Cœurs la Juftice & l
Paix.
Voyez la Remarque A de l'Ode quatrième,
& la Remarque E de l'Ode neuvième.
(e) Enfant d'Aletbes.
Nom des Corinthiens, à caufe d'Alethes
fils d'Hippothas, l'un de leurs Rois, qui fuivit
les defeendans d'Hercule , lorfqu'ils s'emparèrent
du Peloponefe , 300 ans après l'irruption
qu'y avoit faite Hyllus, fils d'Hercule 6c de I
Dejanire, & 5 j après la prife de Troye.
(/) Les heures par qui ttut fleurit.
Homère le Ovide placent, les heiucs ta

SUR L'ODE TRéZIéME. 191
fortes du Ciel : elles en ouvrent la barrière
au Soleil. Les Anciens les ont cru aufli
puiflantes que les Parques, & la Statue de
Jupiter Olympien , qui étoit à Mégare , avoit
fur la tête , comme celle d'Olympie, l'effigie
des Parques & des heures, pour montrer que
le Dieu en dépendoit.
{g) Les fêtes deBachus & ces Dithyrambes.
On a reproché plus d'une fois aux Corinthiens
, ce que Pindare loue ici , leur luxe &
la molleûe de leur vie. Us avoient d'excellens
Artiftes en tout genre, principalement des
Peintres, des Sculpteurs, des Architectes. L'on
ne peut concevoir combien le feu confuma
de richeflès à la prife de Corinthe par les Romains
: il furfit de remarquer que ce métail
qu'on appella depuis airain oit cuivre de
Corinthe, Se dont on fit tant d'eftiroe , n'étolt,
comme plufîeurs l'ont cru , que les reftes de la
matière fondue dans l'embrafemenr.
Le Dithyrambe eft une efpéce de vers propre
fartout aux Chanfons qu'on chantoit aux fêtes
de Bachus , en danfant en rond. 11 prend fon
nom de la naitfance de ce Dieu, qui félon les
Poètes, vint au monde fucce/ïïvement par deux
portes : il fortit d'abord du fein de Semélé , 8c
enfuite de la cuiflè de Jupiter , où il avoit été
renfermé après la mort de fa mère , parce qu'il
xt'étoit pas à terme. Voyez la Remarque G de
l'Ode deuxième.
(h) Dans les Jeux Hellotiens.
Jeux qui fe. céJibroieat à Marathon e*

içiï REMARQUES HISTORIQUES
l'honneur de Minerve , Se tiroient leur non
du marais auprès duquel cette Déeflè avoit un
temple.
On célébroit aufli dans l'Ifle de Crète,
en l'honneur d'Europe , des Jeux appelles
Helloii*.
(i)je parlerai de Sifypbe.
SifypheRoi de Corinthe , étoit exttêmement
adroit. Les Poètes en parlent diverfement,
& ce qui en refaite , c'eft qu'il féduific
Tyro, fille de fon frère Salmonée , >donr il
eut deux fils que la mère maflàcra ; qu'il abufa
aufli de la fille à'Autolveus ; & que, foit pour fes
crimes , (bit pour les brîç.indages qu'il exer-
? oit fut les paflans , foit enfin pour avoir révélé
e fecret des Dieux , il fut condamné aux Enfers
à rouler au haut d'une montagne efearpée
un rocher très - pefant, qui retomboic
toujours avec rapidité & grand bruit.
M. l'Abbé Banier croit qu'il y a eu deux
Princes de ce nom , Rois de Corinthe : le
premier fils d'Eole, qui bâtit cette ville • le
fécond defeendant d'Eole, qui fuccéda à
Medée. C'eft à celui-ci que s'applique tout ce
que dit la fable.
(k) De Medée qui prépara fes r.oces.
Medée , fille d'Aëtas Roi de Colchos , Magicienne
célèbre par l'atrocité de fes crimes ,
étant devenue amoureufe de Jafon , Roi de
Theûalie, Chef de l'expédition des Argonautes
pour la conquête de la Toifon d'or, trouva
le moyen de gagner oit de furpreadrs les Gardes
du

SUR L'ODE TRéZIéME. , 19$
du tréfor de fon père, que les Poètes repréfentent
fous l'emblème d'un dragon ; de s'embarquer
dans le vaiflêau de fon amant, 8c de s'enfuir
avec lui. Pourfuivie parAètas, elle mit en
pièces le corps de fon frère Abfyrthe, & en
fema les membres fur fa route afin d'arrêter
ce malheureux père. Arrivée en Theflalie, elle
rajeunît le vieux Roi Efon , père de fon mari ;
& pour venger celui-ci de Pelias , elle engagea
les filles de ce Prince , fous prétexte de
le rajeunir , à le couper par morceaux , & à
faire bouillir fon corps dans une chaudière,
avec des herbes qu'elle leur donna , & qui ne
produifïrent point cet effet. Dans la fuite
Jafon avant époufé Glaucé ou Creûfe , fille de
Créon, Roi de Corinthe, Medée fit mourir
le Père, la Fille & les deux enfans que fon infidèle
Époux avoit eu de cette Princeflë, ou '
félon d'autres, deux enfans qu'elle-même avoit
eu de Jafon. Portée fur un char traîné par
deux dragons aîlés , ou plutôt fur un vaiflêau
ainû nommé parce qu'il étoit bon voilier ,
elle pana à Athènes , où elle époufa Egée , fils
de Pandion , dont elle eut un fils appelle
Medus. Enfin chafTée d'Athènes avec fon fils >
a caufe de quelque nouveau crime , elle retourna
à Colchos , où ayant trouvé fon père
Aëtas détrôné par Perféy , elle le rétablit
dans fon Royaume, Sec.
(/) Glaucus venu de la Lycie.
Euchenor combattoit pour les Grecs, &
Glaucus pour les Trovens. Glaucus , fils
d'Hippolochos, & père, de Bellerophon, changea
au fiége de Tioyefes armes d'orconcro
I

*&4 REMARQUES HISTORIQUES
celles de Diômede qui n'étoient que de cuivre 3
d'où eft venu le proverbe , le trec 4* GUMCHS
tf dt TAomtàt. Voyez danc l'Iliade, livre tf,
toute l"Hiftoire de Glaucus & de Bellerophon,
(fn) Auprès de Pkenès.
Corinthe , proche de laquelle étoit la fontaine
de Piienes confacrée aux Mules, dont
l'eau fort claire & très-agréable à boire •
«voit fa fource au pié du mont Aerocmrinrke.
Il y a deux opinions fur l'origine de cette
fontaine. La première, que Pirene inconsolable
de la mort de Cinchrius fon fils , tué malheuteufement
par Diane , en verfa tant de
pleurs, qu'elle fut changée en une fontaine, qui
depuis porta fon nom s rautre. Se c'étoit l'opinion
des Corinthiens , qu'Afope en fit prêtent
à Sifyphe , pout fçavoit de lui ce qu'étoit devenue
fa fille Egine, que Jupiter avoit enlevée.
Sifyphe qui en avoit connoifiance , promit à
Afope de le lui découvrir, à condition qu'il
donnerait de l'eau à la citadelle : Afope te fit,
6c Sifyphe révéla le fecret de Jupiter. Ceux qui
embraflènt cette dernière opinion , croient que
la fontaine de la citadelle 8c celle qui couloit
dans la ville, venoient de ta même fource.
(») Celui qui entreprit autrefois de domter.
Hipponoiis , fils de Glaucus Roi d'Ephire ou
de Corinthe , ayant tué par malheur Bellerus ,
fut sommé Bellerophon , comme qoi diroie
meurtrier de Bellerus. Après ce meurtre il ft
réfugia chez Prétus-ou Proclus., Roi d'Argon
VHiftoire 8e b Fable sons peignent ce jeun»

SUR L'ODE TRÉZlàjtE. 19$
Héros comme un des plus beaux. hommes de
ion tems. Antée ou Stenobée , fille d'Iobates
& femme de Prétus, n'y fat que trop fenfibles
mais Bellerophon ne répondant point à les
avances, elle l'accafa d'avoir voulu attenter à
ion honneur. Prétus > afin de ne pas violer les
droits facrés de l'hofpitalité , envoya Bellerophon
en Lycie, avec des lettres pour Iobates,
portant ordre de le faire mourir , d'où l'on.a
appelle Ltttrts i» Btllerophtn , de» lettres
écrites contre ceux qui les portent. Iobates. le
chargea de combattre la Chimère : Ton courage
& fa prudence le tirèrent de ce péril. 11
fe fer vit d'un Brigantin , on félon d'autres,
d'une petite armée navale dont le principal
navire avoit on cheval ailé pour bannière.
Iobates après cette expédition, lui donna &
fille Philonoé , & Bellerophon en eut un fils
qui le fuivit dans la guerre contra les
Solymes, 8c qui y périt.
Tous les Critiques fe réunifient à penferque
Bellerophon & Perfée n'étoient pas des cavaliers
, mais de bons navigateurs pont le tems ,
& que Pégafe, la Chimère , &c. étoient des
vaiilèaux bons voiliers.
(9) Pfgdfe,fils de la Gorgone.
Cheval ailé , que quelques Poètes font produire
à Neptune en frappant la terre , & qae
d'autres font naine du lang de Medufe, lorsque
Perfée lui coupa la tête. Les Poètes ajoutent
que d'un coup de pied ce cheval fit fortii
de terre la. fontaine Hyppocréne.
Athénée rapporte un paflàg* de l'Hiftoâna
des animaux d'Alexandre de Myndes, q

\$6 REMARQUES HISTORIQUES
• peut n'être pas inutile pour découvrir l'origine
de la fable de la Gorgone. Cet Hiftorien
raconte , que dans la Lybie il naît un animal
afîex reflèmblant à une biche fauvage, que
les Nomades appellent Gorgone. Une efpéce
de crinière lui tombe du front fur les yeux .
laquelle eft fi épaifie & fi pefante, que la Gorgone
a bien de la peine à la fecouer Se à l'écar-
• ter pour voir ; mais quand elle l'a une fois
écartée , Ion regard eft fi empoifonné *, qu'il
tue fur le champ tous ceux qui l'approchent.
Alexandre de Myndes ajoute, que quelques
foldats de Marius en firent la trille expérience
dans la guerre contre Jugurtha ; car ayant
rencontré une de ces Gorgones, 5c s'étant
mis en devoir de la tuer, elle écarra fa cri-
. nicre, Se les prévint par fes regards : après
ces premiers d'autres eurent le mène fort. Enfin
quelques Cavaliers Nomades ayant fait une
enceinte , la tuèrent à coups de flèches. Il n'a
pas été difficile à la Poëfle de bâtir fur ce
• fondement.
. Des Gorgones l'on en a fait des Héroïnes,des
animaux (auvages & féroces , des filles économes
Se laborieufes, des prodiges de beauté &
de laideur, des modèles de fagefie mis au
nombre des femmes illuftres, des courtifànes
fcandaleufes , & enfin des cavales. Quelques
• Hiftoriens les placent dans la Lybie, d'autres
. les tranfportent à mille lieues de là vers les
- Orcades. Mêmes contradictions pour les chofes
qu'elles âvoient en garde , &c.
* Athénée dan» le partage qu'il rapporte , attribue le poifoo
- au regard on à l'haleine de la Gorgone.

SUR L'ODE TRIZIéME: ï$£
(p) Neptune, votre père.
Pindare fait ici Neptune père de Belleropbon
; Giaucus n'étoit donc que fon père
putatif?
{q) Dans le fond d'un defert il combattit,
les Amazones.
Bellerophon fit la guerre aux Amazones ,
aux Lyciens , Sec. Voyez la remarque M^le.
l'Ode huitième. '-„•
- • ' \
(r) La Chimère qui vomit du feu.
Ce monftre, au rapport des Mythologues,
ravageoit la Lycie. Il avoit la tête d'un lion ,1e
corps d'une chèvre , 8c la queue d'un ferpenik
Il y a une infinité de traditions hiftoriques , ojr
plutôt de conjectures , fur ce fùjet. Selon la
première , c'étoit un Corfaire qui avoit fa retraite
fur le mont Chimère, & dont le vaiflèau
portoit un lion à la proue, un dragon à la
pouppe, & une chèvre au milieu. Bellerophon
monté fur un vaiflèau, nommé Pegafe à caufe
de fa vitefle, combattit ce Corfaire, & le défit.
Selon la féconde, un Volcan dont le fommet
étoit rempli de lions, le milieu de chèvres
fauvages , & le bas de dragons , que Bellerophon
nétova Se rendit habitable. Selon la troisième
tradition, qui ne paroît qu'une répétition»
étendue de la précédente, Bellerophon monté
fur fon vaiflèau , alla côtoyer les côtes de
Phrygie, où régnoit Amifodor. Xe long du
fleuve Xanthus s'élevoit une montagne nommée
par les habitans Themiflà, ou Ville des
Xanthiens : du côté de la Ville on voyoit
de fort bons -pâturages, mais du côté de la

fç$ REMARQUES HISTORIQUES
Carie , la montagne étoit dé fer te & inaccefiible,
& au milieu fe trouvoit un gouffre
d'où fortoient des tourbillons de flammes Se
de fumée : à cette montagne s'en joignoit une
antre appellée Chimère, fur le haut de laquelle
il y a voit un lion & au bas un ferpent monftrueuz
, qui incommodoient fort les habitant
d'alentour. Bellerophon ayant abordé, s'empara
de ces montagnes , mit le feu aux bois , &
par ce moyen fit périr les monftres, &c.
(s) Les Sdymes.
Peuple de là Lycîe, originaire de Phenicie ,
qui habitoit près de Thermedè fnr le Méandre,
Les Solymes s'appelloienr CsbalUs , te adoraient
principalement trois Dieux : Arfalus >
T>mt V Trofubius > que d'autres nomment
Jbrgolms, Arutus te Ttbifis. Du tems de Strabom
oo yoyoit encore prés de Thermefle la valée
ie Bellerophon , & le tombeau de fon fik
I&ndrc tué dans k .combat XODOS Je»
Solymes.
fc) Je Mirai \fa mat.
bellerophon monté fur Pegafe Toulut Véle-
•ret.juCquIau Cielj un taon fiojja le-chesalï
leJicxosi£iitJ«iïerl£,r&ié:tua dansJachnte.
fc) Les, à*bks ,-antiques débiter le
. rrefumu. .
Les iPaëtes ouatent (Bégaie ipaimi les confteUations^.ac
il tftcocajpé las matins à ourrit
ks_ barrières .du.japr.

SUR L'ODE TRêIIéME." 19$
(*) Les Olig£tbides.
Nom de la famille de Xenophon , anffi peu
connu aujourd'hui que les noms .particuliers
At Theûalus , de Therpfias , d'Eritime , de
Pteeodore, que Pindare rappelle ici.
(y) Sicyone.
Ville du Peloponéfe, autrefois confidérahte
& enfuke détruite. Celle que Ton a rebâti for
les ruines del'ancienne, s'appelle F^J/JV* : elle
appartient au Turc. Le Royaume des Sicyojiiens
eft très-ancien; Egialee.en-.fut Je premier
Hoi. Suivant Africanus & Eufebe , il y a eu.
-x6 Rois, dont ils rapportent les noms 8c les
Années. Le Gouvernement tomba enfuite pendant
30 ou 40 ans entre les mains des Prltref
VI'Apollon > & enfin les Rois d'Areos & de
My cènes s'en emparèrent. On y ceîébroit dé
icinq en cinq ans en l'honneur d'Apollon des
Jeux appelles Pythiens, & on y dormoit pour
frix des coupes d'argent.
il y a voit dans la place de Sicyone, du terns
Je Paufanias, un Temple dédié à la Perfuafion j
a8c la raifon qu'apportoient les Sicyoniens de
fa confécration, étoit qu'Apollon Se Diane
Ayant tué le ferpent Python, vinrent à Egialée
.pour fe faire purifier, mais qu'on leur fit une
fi grande frayeur , qu'ils. furent obligés de
f aller en Crète, & d'avoir recours àCramanor.
(*,) M/gare.
Ville de l'Achaïe très-ancienne, fituée â 10
milles d'Athènes, Se capitale d'un petit pays
appelle la Mégarique.
' Les Auteurs rapportent différentes tradi-
I iv

*bô REMARQUES HISTORIQUES
tions fur la fondation de cette Ville & l'origine
de Ton nom. Les uns difent qu'elle doit
Ion nom à Mégare fils de Neptune, lequel
étant venu au fecours de Nifus contre Minos,
Roi de Crète, fut tué dans un combat,&
enterré dans cette Ville. D'autres , qu'elle le
doit à Mégare, fils d'Apollon , qui le lui
donna après l'avoir conquife. Les troisièmes
rapportent que les Mégariens fe vantoient que
les Nymphes sithonides étoicnt de leut pays ,
& que Jupiter a voit eu de Thiatré , l'une
d'elles , un fils nommé Mégare , qui vivoit
du tèms de Deucalion, & qui s'étant fauve
du déluge fur la montagne Giramit, donna
fon nom à toute la contrée voifiné. Les quatrièmes
avancent que Pandion , Roi d'Athènes
, eut quatre fils, Egée, Lycus, Pallas
te Nifus , & que cette contrée fat le partage
du dernier. Les uns & les autres ajoutent
que du tems de Çodrus les Heraclides
'entrèrent dans l'Attique à la foUicitatien des
: Mefféniens & .des Corinthiens , & que n'ayant
pas eu tout l'avantage qu'ils fe promettoient
de cette expédition , ils fe réfugièrent dans le
'Pays Mégarien , qu'ils tirèrent de la domination
des Athéniens, Sec. On y célébroit des
Jeux appelles Diocléens.
Les Mégariens étoient peu eftiméi dans
TAttique. On les aceufoit de libertinage,
de fourberie te d'avarice > on leur reprochoit
d'un côté- de donner dans le luxe , & de
l'autre, de refufer à leurs enfans les chofes les
plus néceûaires.
(&) Le bois facrt des Edciies.
Dans l'Ifle d'Egine , où l'on célébroit en

SUR L'ODE TRéZIéME. aotf
l'honneur des Eacides des Jeux appelles de leur
nom Eatéms.
*
(aa) Peilane, Eleufis, Atarathon.
Voyez les Remarques X, Z , & , de l'Ode
neuvième.
(bb) Les Mies qui font au p'té du Mont
JEthna.
Syracufe , Catane, Se autres villes de la
Sicile , où l'on célébroit des Jeux appelles
jftbmiques & Néméens , à l'exemple de ceux
infiltrés dans l'Hthme de Corinthe& dans la
forêt deNemée.
(ce) L'Evboee?
Ifle de l'Archipel, aujourd'hui Ncgrepont.
On croit qu'elle fut détachée par un coup
de mer du continent de la Béotie, dont
elle n'eft féparée que par un petit canal > connu
fous le nom de l'Ëuripe. On y voyoit autrefois
trois Villes considérables Caryflhe , Chalets (f
Xntrit. Les Jeux, qui s'y célébroient, appelles
Gireftims , avoient été inftitués pal
Gérefte en l'honneur de Neptune , qui l'avoit
fauve d'une tempête.

loi
ARGUMEN T.
A SOPIQVM d'Orckomeneayant
été déclaré Vainqueur à la courjè
du Stade , Pîndare prend pour fujtt
defon Hymne V éloge des'Çraces 3 principalement
adorées à Orchomene , 6"
du nombre des dou%e Divinités qui
préjîdoient aux Jeux Olympiques. Il
tjl naturel de penfer que les Grâces
ayent favorifé un Athlète jeun* &,
wmablt.

»oJ
ODE QUATORZIÈME.
AU JEUNE ASOFIQUE d'Or chôme ne ,
Vainqueur à la courjtdu ftade (a).
VOUS à qui le fort a donné les
eaux du Céphife (J>) , & qui
habitez cette ville renommée par .les
chevaux , Charités (c)., belles fie
fameufes Reines de l'opulente
Orchomene (d) , proteârices des,
anciens Minyens (e) , écoutez moi I
je vous adreffe ma.pnère : car c'eft
de vous que tout ce qui eft utile &
agxéable , vient -aux hommes. Si
quelqu'un d'eux eft fage ., s'il eft
beau, s'il eft grand , c'eft par vous.
Les Dieux ne règlent ni leurs danfes
ni leurs feftins fans les vénérables
Grâces. Difpenfatrices de tout ce
qui fe fait dans le ciel, affifes fur des
thrônes auprès d'Appollon Pythien
qui porte un arc d'or, vous adorez
avec lui l'éternelle majefté du Dieu
d'Olympie , votre père commun.
Refpeâable Aglaïe, Euphrofyne
(/) ç« aimez nos chants, filles du

io4 LES OLYMPIQUES;
plus puiffant des Dieux, exaucez*
moi aujourd'hui ! & vous Thalie
pour qui nos airs n'ont pas moins de
charmes , regardez d'un œil propice
cet hymne harmonieux , qui s'élève
légèrement à caufe de l'heureux fuccès
qu'il annonce. Je fuis venu chanter
Afopique fur le mode Lydien
dans des vers que j'ai préparés pour
la ville de Minyas viâorieufe à
Olympie par votre affiftance'. Echo
descendez (g) dans les fombres palais
de Proferpine ; portez à Cleodame
la nouvelle agréable de la victoire
de fon fils ; dites-lui que dans le fein
de la célèbre Pife , vous l'avez vu
couronner fa jeune chevelure , des
piles immortelles de nos combats.
âl
m

zoç
REMARQUES HISTORIQUES
fur l'Ode quatorzième.
(a) A la. cour je du Stade.
VOyez l'Hiftoire des Jeur Olympiques.
Cette Victoire d'Afopique eft de ls
foixante-feizième. Olympiade.
(b) Les eaux du C/phifr.
Le Céphife , fleure de la Phocide , fur les
bords duquel étoit l'Oracle de Themis que
Deacalion & Pyrrha confnltérent après le
déluge. Il avoit fa fource dans la Doride,
paflbit près du Parnaflè , enfuite dans la Béotie,
où il recevoir l'Afope Se l'ifmene , &
après avoir traverfé le lac de Copaïs , nommé
aujourd'hui Lugo di Sti-vo, il fe jettoit dans
l'Euripe ou détroit de Négrepont. Ce fleuve
s'appelle encore Cifijfo. On trouvoit d'autres
rivières de ce nom dans la Grèce prés d'Athènes,
à Argos , à Sicyone, &c.
{() Charités, belles & fameufes Reines.
Nom des trois Grâces chez les Grecs. Les
Anciens n'étoient pas plus d'accord fur le
nom & le nombre de ces Divinités , que fur
leur origine. Les Poètes les font ordinairement
filles de Jupiter 8c d'Eurynome , ou de
ce Dieu 8c de Venus. Ils les mettent i la fuite
- de cette Déefle, & les repréfentent nues , fe
tenant toutes trois pu h nain, Elles font

zo6 REMARQUES HISTORIQUES
auffi compagnes des Mufes & de Mercure,
Dieu de l'Eloquence.
Des Divinités fi aimables ne manquèrent
ni d'autels ni de temples. On croit que ce fat
Ethéocle , Roi d'Orchomene dans la Béotie ,
qui leur en éleva le premier , Se qui régla les
cérémonies de leur culte ; ce qui a fait dire
qu'il étoit leur père. Les Lacedemoniens cependant
en atttibuoienc la gloire à Lacedemon
, leur quatrième Roi, prétendant que
le Temple qu'il avoit bâti fut les bords du
fleuve Tiafe , étoit le plus ancien. Suivant
Paufanias > elles en avoient encore à Elis , à
Delphes, à Perges, â Perinthe, à Bizance, &c.
Toute la Grèce fè trouvoit remplie de monumens
qui leur étoient confacrés.
Quoiqu'on célébrât des fêtes en leur honneur
pendant tout le coûts de l'année, le
primeras leur étoit principalement afièâé ,
ainfi qu'à Venus leur mère. Mais ce n'étoit
pas feulement dans des teras fixes Se limites
que les anciens fignaloient leur dévotion à ces
Déeffés; il ne fêpaffbit guéres de jour fans qu'ils
la marquaient par quelque hommage. On faifoit
peu de repas fans invoquer les Mufes 8c
les Grâces , avec cette différence , que pour
s'attirer la faveur des Mufes on buvoit neuf
coups, au lieu que pour fe concilier celle âa
Grâces, on n'en buvoit que trois. Pindare invoque
auffi fouvent les Grâces que les Mufes.
(d) D'Orcbomene.
Il 7 a eu dans la Grèce jufqu'à cinq villes de
ce nom, une en Theffàlie, une en Macédoine,
«ne en Caryûiuê , une eu Aicadis r & uoe

SUR L'ODE QUATORZIèME. 107
en* Béotie. Cette dernière s'appella d'abord
André h , du nom d'Andrée Ton fondateur ,
fils du fleuve Fériée ; enfuite Phlegyantis du
nom de Phlegytu fon troifîéme Roi, qui l'augmenta
considérablement} Minyit de Minyst
fon cinquième Roi ; enfin Orchtmene du nom
à'Orchomenus, fucceficur de Minyas. Le fleuve
Céphife couloit le long de Tes murs. Elle étoit
fameufe par fon ancienneté*, par fa richeflè ,
par fa magnificence & par le Temple des Grâces.
Les anciens Auteurs la repréfentent comme
un lieu charmant, digne d'être le féjpur de ces
trois DéefTes. C'eft aujourd'hui un bourg qui
appartient au Turc,.& il ne lui refte, comme
le dit M. l'Abbé MafEeu, que le trifte honneur
d'être une des plus anciennes Villes du
monde.
(e) Des anciens Minyens.
Le Peuple d'Orchomene tetenoit ce nom
de Minyas l'un defesRois.
(/) Reftettable Aglaie , Eùphrofyne....
& vous Tiidie.
.Noms propres des Grâces. Le premier fîtûêejtie
, le fécond gtytté , le troifîéme agrim*»t,
biMtti. Aglaïe', Aglaé ou Eglé , appellée
aufli P»fithii , rend les yeux fins & brillans ;
Eùphrofyne donne à la langue une douceuc
charmante ; Thalie remplit le coeur de tendrefle.
Ce qu'il y a d'embarraflant, c'eft que
Thalie pafle pour une des Mufes , celle de la
Comédie : mais, dit un fçarant Mythologue
jnoderne, quel inconvénient 7 a-t-il qu'âne

aioS REMARQUES HISTORIQUES. 1
Mufe & une Gr«ce ayent porté le même nom ?
ne pourroit-on pas ajouter , & ayent été une
même perfonne ?
[g) Echo defcendez,.
Cette Nymphe que les Poètes font palier
pour fille de l'air , habitoit près du fleuve Céphife.
Junon irritée de ce que par fon caquet
elle l'empêchoit de furprendre Jupiter avec fes
maîtrefles, la condamna à ne répondre que
deux ou trois mots à ceux qui l'interrogetoient.
Ovide raconte qu'étant devenue amoureufe
de Narciflè, & fe voyant méprifée, elle
fe retira dans les bois & dans les antres , où
féchant de douleur, elle fut métamorphofée
en rocher; & qu'il ne lui refta que la faculté
de répéter quelques mots.
F I N .

T A B LE.
JL) IS COURS fur Pindare.
ao9
Hl s TOI RE des Jeux Olympiques J
Pag. i
LES OLYMPIQUES DE PINDARE.
ODE I à Hieron , Roi de Syracufe i
Vainqueur à la couffe du Cheval
feul, 3
Remarques hifioriques fur VOdt
première t
IQ
ODE II à Theron , Roi d'4grigente i
Vainqueur à la courfe des Chars ,
23
Remarques hifonques fur l'Odf
deuxième, .30
ODÈ III au même Theron , célébrant
les fêtes Thêoxeniennes , 4$
Remarques hifioriques fur l'Odp
troifième , 4 o

*îO T A B L E .
ODE IV à Pfaumis de Camarine i
Vainqueur à la courfe des Chars »
pag. 6p
Remarques hijloriques fur l'Ode
quatrième, 6l
ODE V au même Pfaumis, Vain»
queur à la courfe des Chars attelés
de quatre Chevaux , des
Chars attelés de Mules , & du
Cheval feul, 6â
Remarques hijloriques fur l'Ode
cinquième , 68
ODE VI à Agéfias de Syraeufe i
Vainqueur à la courfe des Chars
attelés de Mules , j5
Remarques hijloriques fur l'Ode
Jîxième, 83
ODE VII à Diagoras de Rhodes,'
Vainqueur au Pugilat, QJ
Remarques hijloriques fur l'Odt
feptieme , 104.
ODE VIII au jeune Alcimtdon , à

T A B L E m
fort frire Timofihenes , Vainqueurs
à la Lutte , & à Mclèjîas leur
maître de Paleflre, pag. ng
Remarques hijloriques fur l'Ode
huitième, 12.5
ODE IX à Epharmojie d'Opunte,
Vainqueur à la Lutte , ijj
Remarques hijloriques fur l'Ode
neuvième, 140
ODE X à Agefidame Locrien-Epi-
[ephyrien , fur la victoire qu'il
remporta au Pugilat dans fa
jeuntfe , zij
Remarques hijloriques fur l'Ode
dixième, lÔQ
ODE XI au mime Agefidame ,'
Intérêt, 16g
Remarques hijloriques fur l'Ode
onzième, ijl
ODE XII à Ergoteles d'Himere,
Vainqueur À la longue courfe,
173,

".'^ : 1&
Si2 T A B L E .
Remarques hijioriques fur l'Ode
douzième , pag. iy5
ODE XIII à Xenophon de Corinthe ,
Vainqueur à la Courfe du Stade
& au Pentathle , i$l
Rem/irqucs hijioriques fur l'Ode
tré%ième, 18$
DDE XIV au jeune Afopique d'Orchomene,
Vainqueur à la courfe
du Stade y
Z03
Remarques- hijioriques fur l'Ode
quatorzième, ZOS
Fin de la Table.