Plein les sens - So-net

Cela est parfois le secret du bon-
heur, de la joie ou de l'espérance
chez ceux qui sont pauvres. Je
songe également à Ziguinchor en
Casamance pour les fêtes qui
sonnent ou qui dansent au pas-
sage. Je regrette Tanger ou Mar-
rakech pour la richesse de leur
artisanat et pour le travail qui s'y
accomplit sous les yeux du pas-
sant. Si l'ambiance à Francistown est ce soir au repli, au recueillement et à la
nuit, la ville et le pays ne sont pas la principale raison de cet engourdisse-
ment je suppose et j'espère. L'hiver est une saison rude sur tous les marchés
du monde. La nuit tombée trop tôt rompt le lien du commerce. Pour les
femmes qui sont là ce soir, l'objectif est d'assurer, au moyen de quelques
pièces à gagner, le passage de demain à après-demain. On entrevoit l'espoir
cependant qu'au printemps ou durant l'été qui suivra l'hiver où nous sommes,
le tout s'éveillera. Je serais étonné que la joie du commerce et de la rue
puisse ainsi se mettre en veilleuse et s'éteindre. Montesquieu, voyageait bien
avant nous et disait déjà que, là où il y a du commerce, on trouve des mœurs
douces.
P
our la trentaine de femmes présentes sur ce trottoir, la valeur marchande
cumulée de ce qu'elles offrent à la vente représenterait-elle 250 euros ?
Un paradoxe heureux des pays pauvres, c'est la ressource considérable que
représente la pauvreté quand cette dernière s'accompagne de la nécessité et
de l'envie de chacun de faire face, à partir de rien ou de presque rien. Le
commerce commence avec le paquet d'un kilo de biscuits acheté au grossiste
à raison d'un par jour ou bien tous les deux jours et puis revendu le soir sur le
bord du trottoir. En cela, il est capital de se le dire, c'est une grande res-
source et richesse pour nos propres pays qu'on dit riches de recevoir autant
d'étrangers dont le mobile du voyage et dont l'envie sont de travailler, d'ap-
prendre, de s'élever et d'assurer à leurs enfants plus qu'ils auront reçu pour
eux. Le travail au noir lui-même en vient à être une ressource. La société
42
officielle n'est en mesure d'absorber ni l'offre de travail ni la demande. A trop
protéger les uns, on expose les autres. Imagine-t-on que Paris, Londres ou
New-York sauraient se passer un seul jour du labeur des cohortes de travail-
leurs qu'elles accueillent en provenance des pays les plus pauvres ? Cela non
seulement en raison des services qu'on en reçoit mais tout autant pour le rêve
qui les porte, pour la force qui les anime, pour la nécessité qu'ils ont d'exis-
ter.
Francistown, Kasane, Livingstone
L
a longue étape de 540 km qui nous conduira de Francistown à Kasane,
toujours au Zimbabwe, nous rapproche de Livingstone et des chutes Victo-
ria, point le plus au nord de notre périple et que je considère depuis notre
départ comme étant le point d'orgue de notre voyage. Le road book nous
prévient : "l'après-midi, faire une ligne droite d'environ 300 km vers Kasane,
tourner à gauche en entrant dans Kasane, puis à droite vers le Thebe River
Safari Camping…".
Pour la circonstance, la
famille se disperse, favori-
sant le brassage des équi-
pages. Pauline roulera avec
Manon et son père. Marc-
André approfondira sa
connaissance de l'Airbus A
380 avec David et Manu
tandis que Laurent, le troi-
sième de cet équipage TSF,
rejoint Marie-Julie et moi-
même. Je lui confierai le
volant pour partager le
plaisir de la conduite. A
Toulouse, le bureau de
David surplombe le premier