Plein les sens - So-net

A
Kasane, notre camp ce soir-là donnait sur la rivière et nous avions orien-
té la tente au couchant. Aux abords immédiats, le terrain paraissait rava-
gé par les traces d'animaux venus se désaltérer par un sol probablement plus
humide les semaines précédentes que celui sur lequel nous plantions la tente.
Il est impressionnant de voir ce
que les hippopotames et les élé-
phants peuvent laisser de traces
sur leur passage, qu'il s'agisse du
sol défoncé, des arbustes rava-
gés, des branches qui jonchent
le sol ou de l'abondance des ex-
créments. Ces derniers sont peu
dérangeants à vrai dire et se
présentent comme autant de
galettes, de boules ou de cylin-
dres de végétaux broyés, prêts à repartir illico pour un recyclage naturel.
J'avoue mon inquiétude cependant quand j'ai vu combien les excréments des
éléphants, à cet endroit, contenaient de sacs plastiques visiblement ingérés
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par les pachydermes lors de repas pris chez l'habitant ou bien sur une dé-
charge proche du lieu. Les campagnes de limitation et de suppression de ces
sacs distribués dans les commerces trouvent là tout leur sens, dans un regis-
tre qui n'a rien de symbolique. De la même façon qu'elles le trouvent au Ca-
nada quand on sait que les ours blancs, en prise avec le recul de la banquise,
viennent s'alimenter aux abords des villages et des villes. Une fois de plus, la
consigne était de ne pas s'éloigner du camp ni marcher au bord de la rivière.
C'est avec de grandes
précautions que je l'ai
fait, redoutant autant
les crocos que les
autres carnivores ou
les herbivores. Entre
celui qui observe et
celui qui est observé,
entre l'occupant légi-
time des lieux et l'in-
trus, je serai resté
l'intrus, probable sujet
de moquerie pour les
singes présents en
grand nombre et prompts à me narguer, objet d'évitement ou d'indifférence
pour les hôtes que j'imaginais rencontrer. Le produit anti-moustique pulvérisé
sur ma peau sitôt l'arrivée au bord de la rivière aura-t-il opéré comme un
répulsif au-delà du rôle attendu ? Du lieu, Marie-Julie retient qu'il aura été le
plus inhospitalier de notre long périple. Un autre type de sachet plastique
l'aura autrement indisposée, elle qui était restée au camp. Il s'agissait d'un
préservatif usagé découvert à proximité de notre tente. L'homme se pose
bien comme l'acteur majeur des tords irrémédiables infligés à la nature et à
l'environnement. Il en subira de plus en plus la sanction dans son corps.
Puisse notre science de la vie et de la survie se mettre au service de la re-
constitution d'équilibres dont on rêve qu'ils puissent être encore. A cet égard,
le discours et les dispositions qui font florès autour du développement dura-
ble répondent à une situation de grande urgence. Ils sont l'annonce d'une