Face-à-face avec la mort Frédéric Rossel, volée SCT 1999 – 2001 ...
Face-à-face avec la mort Frédéric Rossel, volée SCT 1999 – 2001 ...
Face-à-face avec la mort Frédéric Rossel, volée SCT 1999 – 2001 ...
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Trois valeurs reviennent constamment dans les débats sur l’euthanasie, aussi bien dans <strong>la</strong><br />
bouche de ses détracteurs que de ses défenseurs : ce sont <strong>la</strong> dignité, <strong>la</strong> liberté et <strong>la</strong><br />
compassion.<br />
Voyons maintenant de plus près comment ces valeurs se définissent et entrent en conflit les<br />
unes <strong>avec</strong> les autres.<br />
1) La dignité : cette valeur porte en elle une pluralité de sens. Au sens moral, ce mot qualifie<br />
l’attitude d’une personne qui fait <strong>face</strong> <strong>à</strong> ce qui lui arrive <strong>avec</strong> courage et détermination, bref<br />
une attitude <strong>à</strong> <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> société elle-même attribue une valeur de dignité. Cette dignité<br />
éthique dépend donc du regard de <strong>la</strong> société.<br />
Il existe aussi ce que l’on appelle une dignité d’état, qui désigne l’apparence d’une personne<br />
et que celle-ci peut perdre si, de par <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die, elle se dégrade physiquement. Cette dignitél<strong>à</strong><br />
est fragile, car suspendue <strong>à</strong> l’image de soi : elle reste au niveau superficiel de l’être<br />
humain.<br />
On peut enfin définir <strong>la</strong> dignité inaliénable de l’être humain, celle qui ne dépend ni de son<br />
attitude, ni de son statut, ni de son apparence ; d’après ce critère, tous les individus sont<br />
égaux et ont <strong>la</strong> même valeur intrinsèque. Cette dignité ne peut être diminuée et implique le<br />
respect de tout être humain.<br />
On voit bien que ces ambiguïtés de sens favorisent l’incompréhension dans les débats ; en<br />
effet, les ADMD, lorsqu’elles parlent de <strong>la</strong> dignité du patient, <strong>la</strong> situent souvent au niveau de<br />
<strong>la</strong> dignité éthique ou de <strong>la</strong> dignité d’état et présentent l’euthanasie comme <strong>la</strong> solution <strong>face</strong> <strong>à</strong><br />
ces dignités détériorées.<br />
Alors que ceux qui luttent contre l’euthanasie et lui opposent les soins palliatifs se réfèrent <strong>à</strong><br />
<strong>la</strong> dignité inaliénable du patient et appellent les soignants <strong>à</strong> se montrer <strong>à</strong> <strong>la</strong> hauteur de cette<br />
valeur en leur prodiguant des soins et une attention susceptibles de remettre en valeur cette<br />
dignité-l<strong>à</strong>. Comme le dit Maret, « nous sommes responsables de <strong>la</strong> conscience que les<br />
personnes diminuées ont de leur dignité. Notre rôle serait précisément qu’elles ne puissent<br />
jamais en douter » 5 .<br />
2) La liberté : liberté et auto-détermination sont les chevaux de bataille des ADMD. C’est le<br />
paradoxe d’une liberté qui, pour pouvoir s’affirmer, doit renoncer <strong>à</strong> toute possibilité<br />
ultérieure d’exercice. « Une liberté pour <strong>la</strong> <strong>mort</strong> se détruit elle-même en détruisant l’auteur<br />
de son exercice, elle est une autonomie ultime entraînant <strong>la</strong> fin de toute autonomie » 6 .On peut<br />
ajouter que cette liberté revendiquée tend <strong>à</strong> l’autarcie et ne se préoccupe ni de dimensions<br />
re<strong>la</strong>tionnelles, ni de l’exigence qu’elle impose <strong>à</strong> autrui. C’est une sorte de liberté pure qui fait<br />
abstraction des liens sociaux.<br />
D’une part, dans l’exercice de cette liberté, on ignore <strong>la</strong> dimension de responsabilité :<br />
responsabilité de <strong>la</strong> communauté humaine <strong>face</strong> <strong>à</strong> celui qui souffre, occasion de redécouvrir <strong>la</strong><br />
notion de solidarité, de resserrer des liens affectifs, de grandir en humanité.<br />
D’autre part, <strong>la</strong> demande d’euthanasie met une pression considérable sur celui qui doit<br />
provoquer <strong>la</strong> <strong>mort</strong>, et plus encore sur <strong>la</strong> société entière qui se voit imposer un devoir : donner<br />
5<br />
M. Maret, L’euthanasie : alternative sociale et enjeux pour l’éthique chrétienne, Ed. Saint-Augustin, 2000,<br />
p.145-146<br />
6<br />
M. Maret, L’euthanasie : alternative sociale et enjeux pour l’éthique chrétienne, Ed. Saint-Augustin, 2000,<br />
p.179