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UNE ARAIGNEE M’A DIT<br />
Par Iwiy’a <strong>KALA</strong>-Lobé<br />
«DIBOBE-LA-NGAMBI», l’Araignée divinatoire,<br />
m’a dit : « les amulettes de<br />
la sagesse africaine sont malades ! Un<br />
mal terrible les ronge. Avec mes yeux<br />
occultes j’ai essayé de le dépister, mais<br />
il s’échappe encore… Car c’est un mal<br />
spécial, importé, pernicieux, insaisissable…<br />
J’ai consulté les quatre Cauris de<br />
mes points cardinaux ont refusé de se<br />
retourner pour me livrer leur secret !...<br />
j’ai interrogé « Ngalo », mon confrère en<br />
divination, mais « Ngalo », l’Oracle infaillible,<br />
a baissé la tête et s’est enfermé<br />
dans un mutisme impénétrable !... Cependant<br />
je crois deviner les causes du<br />
mal qui tue doucement les Amulettes de<br />
la Sagesse africaine…<br />
«UNE SEULE MAIN N’ATTACHE PAS UN<br />
PAQUET»<br />
« Le sceptre de commandement laissé intact<br />
par vos ancêtres et qui servait de régulateur<br />
de l’équilibre communautaire, a été souillé<br />
par des mains expertes et non initiées !... Les<br />
nouveaux ayants droit ont voulu se le partager…<br />
Ils veulent commander, mais ils n’ont<br />
pas appris à obéir… Ils veulent commander<br />
et ne savent pas qu’ « une seule main n’attache<br />
pas le paquet »…Ils veulent commander<br />
et ils ignorent les bienfaits de la palabre communautaire…<br />
Ils veulent commander, mais<br />
ils n’ont pas appris à pagayer, ils n’ont pas<br />
appris à tenir le gouvernail de la « pirogue<br />
communautaire » qui assurait le ravitaillement<br />
des populations… Ils veulent commander<br />
et ne savent pas se faire obéir… Ils<br />
veulent commander et ne savent pas se faire<br />
aimer, ne savent pas convaincre, ne savent<br />
articles SIGNES D’IKA<br />
6<br />
pas se rendre populaires…<br />
UNE SINISTRE TRILOGIE : LADELATION,<br />
LA PRISON, LA POTENCE !...<br />
« Alors, pour se faire aimer, pour convaincre,<br />
pour devenir »populaires », ils croient devoir<br />
employer la délation, la prison et… la potence<br />
!... Le mouchardage s’institutionnalise.<br />
La prison envahit les villages. La potence<br />
plane sur l’Arbre-à-palabres. Jamais de mémoire<br />
de « Ngambi », je n’ai vu ni compté sur<br />
mes doigts autant d’abus de pouvoir !... Les<br />
vents des quatre points cardinaux, qui viennent<br />
me consulter, ne m’ont jamais raconté,<br />
autrefois, autant d’histoires incroyables que<br />
celles qu’ils me confi ent depuis qu’on a brisé<br />
le sceptre traditionnel pour le remplacer par<br />
des gris-gris importés…<br />
EMPRISONNER N’EST PAS CONVAINCRE<br />
« On emprisonne les mères des familles<br />
sans tenir compte de l’avenir de leurs enfants<br />
!... On emprisonne pour le plaisir d’emprisonner<br />
!... On emprisonne les jeunes fi lles<br />
par ce que c’est la seule manière de venir à<br />
bout de leur résistance !... On emprisonne de<br />
vieilles femmes par ce qu’on a peur de leur<br />
témoignage, par ce qu’on a peur d’elles !...<br />
On emprisonne pour le plaisir d’emprisonner<br />
!... On emprisonne des hommes innocents<br />
et humbles, par ce que leur innocence, leur<br />
humilité deviennent gênantes dans un univers<br />
ou ces mots non plus de signifi cation !...<br />
On emprisonne pour le plaisir d’emprisonner<br />
!... On emprisonne des rivaux heureux dans<br />
des histoires galantes pour se débarrasser<br />
d’eux !... On emprisonne par complexe de<br />
médiocrité !... Mais comme la peur est omniprésente<br />
dans la conscience tourmentée de<br />
ceux qui n’ont pas appris à obéir avant de<br />
prétendre commander, ceux qui prétendent<br />
commander continuent d’emprisonner pour<br />
libérer de la peur…<br />
De reconnaissance. Plutôt une disgrâce.<br />
Ni le tintamarre. Il aimait sa philosophie ointe<br />
Du sacré jusqu’à s’en pourlécher la fi ne moustache.<br />
Ainsi, vivait le dernier roi d’Afrique,<br />
Iwiyé Kala-Lobe soi-même, monstre sacré aux yeux<br />
De biche apeurée du mont Cameroun,<br />
Qui avait des vapeurs d’encens dans les narines<br />
Et des cierges allumés dans le regard, pour faire<br />
Détaler d’un train d’enfer, les anges pervers.<br />
Au pas lent d’antan, plénipotentiaire,<br />
Il faisait, cependant, dans la simplicité,<br />
Jamais dans l’envie, l’ambition obsédante,<br />
Sans talent pour l’entregent.<br />
Kala, comme les marins, je te salue<br />
D’un triple hourra, là-haut! J’observe<br />
Ton regard de silence au loin<br />
Qui Protège la sieste des fl amants roses,<br />
Des frais cormorans dans la mangrove,<br />
Sur les bords du géant Niger des légendes d’enfance !<br />
Dans ses derniers jours sur terre,<br />
Il avait des perles de sanglots à peine<br />
Perceptibles, des gestes brusques de lassitude,<br />
D’abandon, comme un désespoir qui ne voulait pas dire<br />
Son nom, jusqu’au bout discret, pudique.<br />
Dans une lucidité tragique, qu’il cachait du mieux<br />
Du soleil, il semblait signifi er<br />
Que tout feu retombe en cendres. Alors, il se levait,<br />
Arborait du gris sombre et se perdait<br />
Dans le clair obscur lunaire, vers Censier,<br />
Vers une sœur au nom de Providence, une incarnation<br />
Du dévouement qui l’accompagnera jusqu’au bout.<br />
La vie ne l’avait pas ménagé. Des coups d’éclat<br />
Avaient ponctué son parcours de pionnier<br />
Dans «ECLAIRS D’EBENE ET DE DIAMANT»<br />
PAUL JOACHIM<br />
PRESENCE AFRICAINE<br />
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