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jusque-là ces quatre printemps et quatre étés déjà subis<br />
par le jeune abbé.<br />
Chacun se souvient encore du tintamarre fait un<br />
dimanche de juin par la chute de la coupelle à hosties<br />
en argent sur le sol de l’église, échappée de la main<br />
<strong>moi</strong>te de l’abbé Pincemi. Madame Cussec, une des plus<br />
vieilles paroissiennes de Sainte-Gudule, est depuis<br />
prête à parier son sonotone que l’abbé Pincemi éternua<br />
alors un “mmm… Dieu, branle-<strong>moi</strong>” !<br />
L’abbé Cottard, se voulant rassurant, mais à <strong>moi</strong>tié<br />
sourd, soutient depuis à madame Cussec, que jamais<br />
l’abbé Pincemi n’a pu prononcer une telle chose et que<br />
ses mots furent “oh, Dieu, pardonne-<strong>moi</strong>”.<br />
Mais au Club des Tilleuls Fanés, à l’heure<br />
traditionnelle du thé, chaque jeudi, au milieu de la<br />
traditionnelle partie de scrabble, madame Cussec<br />
estime qu’il manquait alors une syllabe à la phrase de<br />
l’abbé Pincemi, avant de poser son non-<strong>moi</strong>ns<br />
traditionnel “incontinence” sur le mot-compte-triple<br />
en bas à gauche du plateau de jeu.<br />
La vie coulait ainsi pour Annabelle. Une vie faite de<br />
rituels, de rendez-vous, de souvenirs déjà nombreux,<br />
d’espoirs encore en petit nombre, de joies simples, et<br />
de plaisirs menus ; peu de mouvement, surtout pas de<br />
remous, et des jalons bien installés, guidant ainsi sa vie.<br />
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