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— Je vous remercie mon Père. Mais je vais rentrer.<br />
Je n’ai déjà que trop tardé… Au revoir.<br />
Prestement Annabelle quitta l’église de sa<br />
démarche aérienne, sous le regard en détresse comme<br />
jamais de l’abbé Pincemi.<br />
Pour Annabelle, le problème n’était pas dans ce<br />
qu’elle ignorait de la flamme de l’abbé à son endroit,<br />
mais dans ce qu’elle ne voulait pas encore savoir du<br />
pourquoi de ce petit cri et du trouble qui s’en suivit. Le<br />
refus de cet aveu semblait une fuite impossible loin du<br />
gouffre inéluctable auquel Annabelle se savait sans<br />
doute déjà vouée, empesée qu’elle était de tant<br />
d’années d’envies refoulées et de désirs enfouis sous le<br />
terreau désormais si meuble de sa foi ébranlée.<br />
Ce collant déchiré et ce genou meurtri, dont le sang<br />
coagulait déjà dans le frais vespéral de ce lundi d’octo -<br />
bre, sous le coup de la marche affolée d’Annabelle pour<br />
rentrer chez elle, seraient-ils la boîte de Pandore que le<br />
destin ouvrirait à la face de cette femme aux espoirs si<br />
ténus ?<br />
De Pandore, l’abbé Pincemi avait trouvé la sienne.<br />
Annabelle était pour lui La Femme, la première,<br />
l’unique. La vision de ce genou mi-écorché, mi-dénudé<br />
lui avait laissé une impression rétinienne si forte, que<br />
l’abbé Pincemi prétexta un torticolis et se promena<br />
ainsi toute la fin de journée, la tête légèrement en<br />
arrière, les yeux au ciel, sûr qu’il était de pouvoir éviter<br />
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