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fripon. Sa poitrine se balançait, insidieusement<br />
rebelle et excitante sous un pull ajusté bien qu’hors<br />
d’âge. Quelle n’était pas sa hâte de pouvoir se confier<br />
à la seule personne à laquelle elle pensait pouvoir le<br />
faire, ignorant que c’était la dernière personne à<br />
laquelle elle devait le faire.<br />
L’abbé Pincemi, en Sainte-Gudule, semblait jusquelà<br />
serein, heureux sans doute du répit qu’il pensait être<br />
le sien en ce mardi, où il ne souffrait jusqu’alors pas du<br />
plaisir de voir Annabelle en son église. Le sourire franc,<br />
il saluait les quelques ouailles égarées dans les travées<br />
de Sainte-Gudule que ni le beau temps miraculeux, ni<br />
une vie remplie n’appelaient à l’extérieur.<br />
Soudain, ses yeux, de part et d’autre de son nez<br />
cabossé, bleui et pansé, s’écarquillèrent. Sa silhouette<br />
se figea, sa gorge s’assécha.<br />
Là, débouchant sur le seuil de la grande porte, se<br />
signant d’un geste hâtif, traversant l’antéglise,<br />
déboulant du déambulatoire, Annabelle se précipitait<br />
vers lui. Pincemi ne bougea pas.<br />
Annabelle, hors d’haleine, la gorge chaude,<br />
quelques cheveux collés par la sueur sur les tempes,<br />
s’arrêta face à l’abbé.<br />
— Mon père, loué soit Dieu, avez-vous quelques<br />
instants à m’accorder ?<br />
Durant un instant, l’abbé Pincemi songea à la<br />
douleur qui devait être celle d’Annabelle lorsqu’il<br />
s’agissait, l’hiver venu, de fermer son duffle-coat sur<br />
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