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Annabelle ne vit alors pas le volatile sans aile, chétif<br />
et blanchâtre qui vint brusquement se poser sur son<br />
serre-tête, échappé de la cage consacrée, de l’autre côté<br />
de la grille, où le vit trop plein de vie de Pincemi<br />
échappa à son preste maître de prêtre.<br />
— Mon père ? Tout va bien.<br />
— Bien ou mal, là n’est pas la question quand on voit<br />
“ce qu’on pressent quand on pressent l’entre voyure...”<br />
— Je ne suis pas certaine de comprendre, mon père.<br />
— Ce n’est rien. Va, tendre Annabelle. Va, poursuis<br />
au-delà de ta destinée et surtout ne change rien dans<br />
“le poivre feu des gerçures”. Dieu t’a choisie, Dieu<br />
t’accompagne. Il te mettra à l’épreuve autant qu’il m’y<br />
met. Et reviens me voir autant que besoin sur ce long<br />
chemin qu’il te désigne. Va, “toi fille verte, mon<br />
spleen…”<br />
— Euh… Merci mon père.<br />
Annabelle sortit du confessionnal sans être certaine<br />
d’avoir obtenu toutes les réponses espérées mais<br />
heureuse de la révélation faite et soulagée de<br />
l’absolution reçue, quand bien même elle ne lui parut<br />
guère fidèle au dogme.<br />
Quelques minutes plus tard, Pincemi s’extirpa du<br />
confessionnal devenu cimetière de ses dernières<br />
résistances, et partit se retirer au presbytère, chan -<br />
celant et poisseux, psalmodiant de poétiques paroles<br />
mais profanes autant qu’explicites.<br />
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