Jana Bodnárová Nuit de pleine lune
Jana Bodnárová Nuit de pleine lune
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quelque chose d’inconnu. Complètement figée... Johnny ! Si seulement tu n’étais pas parti ! Mais toi aussi, je<br />
t’ai vidé <strong>de</strong> tes forces. Comme si en moi il y avait un vampire qui aspirait tout. Les gens préfèrent s’enfuir, ils<br />
ne veulent pas <strong>de</strong> mes hallucinations, <strong>de</strong> mes paniques. (Elle hurle maintenant, comme dans une crise <strong>de</strong><br />
psychose.) Dans ma terreur, je vois <strong>de</strong>s rues et une ville bâties <strong>de</strong> sable. Même les gens sont <strong>de</strong> sable... un coup<br />
<strong>de</strong> vent et leurs grains me rentrent dans la bouche. Dans le nez et dans les yeux. Ça brûle, ça fait pleurer. (Elle<br />
tousse violemment.) Où es-tu, mémé ? Tu étais plus forte que Johnny. Tu étais la plus forte. Il suffisait que tu<br />
poses tes mains sur mon visage et leur chaleur faisait fondre cette terrible peur glacée... Tu as disparu, toi aussi.<br />
(Elle appuie ses mains sur son ventre.) Mes entrailles. Elles sont toutes éteintes, figées... évaporées. Je me sens<br />
morte. Comme si je m’étais suicidée. Ce que je n’arrive pas à faire, alors que je ne désire que ça... (D’une main,<br />
elle lisse sa robe jaune.) On dit que le jaune est la couleur <strong>de</strong> la dépression. Quand les jours ou les nuits sont<br />
jaunes, je n’ai pas envie <strong>de</strong> parler. Même pas envie <strong>de</strong> bouger un doigt. Je suis fatiguée, je veux dormir. Dormir<br />
très longtemps.<br />
(La jeune femme retrousse sa manche, lève le bras et pose un couteau sur son poignet. Le sang coule. Un drap<br />
s’illumine <strong>de</strong>rrière lequel une silhouette d’homme s’agite, tâtant le drap, se pressant contre lui comme pour le<br />
transpercer et toucher directement la jeune femme. Celle-ci reste recroquevillée sur le sol. La voix du garçon<br />
venant d’un haut-parleur.)<br />
JOHNNY<br />
Ne fais pas ça ! Je t’en supplie, arrête ! Tu ne peux pas faire ça ! Non ! C’est encore cette tentation, il faut en<br />
finir ! Pense plutôt à quelque chose <strong>de</strong> beau...<br />
LA JEUNE FEMME MÉLANCOLIQUE<br />
Laisse-moi tranquille, Johnny ! Pour moi c’est ÇA le plus beau !<br />
JOHNNY<br />
Non ! Il ne faut pas ! Pas ça !<br />
(La jeune femme finit par panser son poignet blessé avec le bord <strong>de</strong> sa robe jaune.)<br />
JOHNNY<br />
Pourquoi est-ce que tu ne me laisses même plus te toucher ? Je ne vais pas te faire <strong>de</strong> mal.<br />
LA JEUNE FEMME MÉLANCOLIQUE<br />
Je sais.<br />
JOHNNY<br />
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