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Ebauche préliminaire de Plan - Les Classiques des sciences sociales

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<strong>de</strong> la Réforme. Le règne mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> l’élu et <strong>de</strong> l’individu était proclamé, et le déclin <strong>de</strong><br />

l’universel et du général programmé.<br />

Cinq siècles après ces prémisses, <strong>de</strong>s a<strong>de</strong>ptes <strong>de</strong> la religion réformée affirment encore qu’elle<br />

incarne seule la « légitimité » <strong>de</strong>s Temps mo<strong>de</strong>rnes 16 et que le protestantisme serait même la<br />

religion mo<strong>de</strong>rne par excellence. Juste avant la première Guerre mondiale, Ernest Troeltsch<br />

écrivit que « toute autre quête et imagination religieuse [que le protestantisme] sont davantage<br />

une fuite hors du mon<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rne, une fuite <strong>de</strong>vant le domaine pratique et la réalité en<br />

général » 17 .<br />

<strong>Les</strong> « religions mondiales » (catholicisme, bouddhisme, islam) se sont-elles vraiment laissées<br />

exclure <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité et <strong>de</strong> la mondialisation? Tout dépend <strong>de</strong> ce qu’on appelle<br />

« mo<strong>de</strong>rnité », et <strong>de</strong> la manière dont on analyse son essence. Le protestantisme a<br />

effectivement hérité <strong>de</strong> certains <strong>de</strong>s traits <strong>de</strong> ce que le Moyen Age appelait la « voie<br />

mo<strong>de</strong>rne » (la via mo<strong>de</strong>rna), qui équivalait alors au nominalisme. Mais il reste à examiner si<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s idées qui furent à l’origine du protestantisme, et qui ont contribué à façonner<br />

la mo<strong>de</strong>rnité occi<strong>de</strong>ntale, ont encore un avenir, si elles sont porteuses <strong>de</strong> quelque « postmo<strong>de</strong>rnité<br />

», ou si au contraire elles se sont progressivement transformées en impasses<br />

idéologiques et morales, à l’heure <strong>de</strong> la mondialisation et du désenchantement.<br />

Quelles sont ces idées « protestantes »?<br />

Pris dans son sens premier, le protestantisme se définit avant tout comme la négation <strong>de</strong> tout<br />

ce qu’il refuse 18 . Il s’est posé historiquement en s’opposant. Mais qu’affirme-t-il <strong>de</strong> positif?<br />

S’il est difficile <strong>de</strong> forger un concept commun aux protestantismes 19 , on peut cependant<br />

définir a minima ce qui les rassemble: l’autorité souveraine <strong>de</strong> la Bible et le salut par la grâce<br />

seule. Avec ses célèbres sola 20 Luther a formulé ainsi les principes fondamentaux <strong>de</strong>s<br />

protestantismes :<br />

-Sola Scriptura (« les Ecritures seules ») : Seuls les textes canoniques <strong>de</strong> l’Ancien et du<br />

Nouveau Testaments sont les sources infaillibles <strong>de</strong> la foi et <strong>de</strong> la pratique religieuse. « La<br />

Bible, toute la Bible, et rien que la Bible, telle est la religion <strong>de</strong>s Protestants ». Comme les<br />

croyants sont tous <strong>de</strong>s « prêtres » et qu’ils ne reconnaissent aucune autre autorité,<br />

l’interprétation libre, individuelle <strong>de</strong>s textes est laissée ouverte. C’est le principe du sacerdoce<br />

universel <strong>de</strong>s croyants, qui équivaut à une « privatisation » <strong>de</strong> la religion. Il s’oppose à<br />

l’importance <strong>de</strong> la tradition dans le catholicisme, aux enseignements <strong>de</strong>s Pères <strong>de</strong> l’Eglise, au<br />

rôle <strong>de</strong>s conciles et à l’autorité du pape.<br />

16 cf. H. Blumenberg. La légitimité <strong>de</strong>s Temps mo<strong>de</strong>rnes.1999<br />

17 E. Troeltsch. Protestantisme et mo<strong>de</strong>rnité. 1911<br />

18 Dès l’origine, le protestantisme s’est défini comme une « protestation ». L’origine du nom remonte au mois d’avril 1529, lors <strong>de</strong> la<br />

secon<strong>de</strong> diète <strong>de</strong> Spire. La tolérance religieuse avait été légalement reconnue par la première diète <strong>de</strong> Spire, en 1526, qui avait laissé à chaque<br />

Etat pleine liberté en matière religieuse jusqu’à la convocation d’un concile général. La secon<strong>de</strong> diète promulgua un décret <strong>de</strong>mandant que<br />

l’édit <strong>de</strong> Worms (1524) soit rigoureusement appliqué dans les États où la Réforme n’avait pas été établie, mais que là où l’on ne pourrait<br />

l’imposer sans risque <strong>de</strong> révolte, on ne <strong>de</strong>vait introduire aucune réforme, ni toucher à aucun point controversé ; la célébration <strong>de</strong> la messe<br />

<strong>de</strong>vait être tolérée, mais on ne permettrait à aucun catholique d’embrasser le luthéranisme. Cinq princes et les représentants <strong>de</strong> quatorze<br />

villes libres élevèrent alors une «protestation» contre les décisions prises : « Nous PROTESTONS par les présentes, <strong>de</strong>vant Dieu, notre<br />

unique Créateur, Conservateur, Ré<strong>de</strong>mpteur et Sauveur, qui un jour sera notre Juge, ainsi que <strong>de</strong>vant tous les hommes et toutes les créatures,<br />

que, pour nous et pour les nôtres, nous ne consentons ni n’adhérons en aucune manière au décret proposé, dans la mesure où il est contraire à<br />

Dieu, à sa sainte Parole, à notre bonne conscience et au salut <strong>de</strong> nos âmes. »<br />

19 Il conviendrait pour être complet <strong>de</strong> distinguer à cet égard les Eglises luthériennes, les Eglises réformées se réclamant <strong>de</strong> Luther mais aussi<br />

d’autres réformateurs tels que Jean Calvin, Ulrich Zwingli ou Théodore <strong>de</strong> Bèze, les Eglises évangéliques, les Eglises pentecôtistes, etc.<br />

20 <strong>Les</strong> cinq sola (Sola scriptura, Solus Christus, Sola gratia, Sola fi<strong>de</strong>, Soli Deo gloria) se ramènent à <strong>de</strong>ux groupes. <strong>Les</strong> uns se réfèrent à la<br />

divinité elle-même (Dieu et le Christ, avec une curieuse absence <strong>de</strong> l’Esprit saint) : Solus Christus, Soli Deo gloria. <strong>Les</strong> autres s’appliquent<br />

aux manifestations <strong>de</strong> la divinité: Sola scriptura, Sola gratia, Sola fi<strong>de</strong>. On traitera ici <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rniers.<br />

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