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Ebauche préliminaire de Plan - Les Classiques des sciences sociales

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Chapitre 3<br />

LA NECESSITE D’ASSERVIR<br />

L'être humain est-il libre ? Ou bien est-il déterminé? Cette question divise très<br />

schématiquement les philosophes en <strong>de</strong>ux camps : ceux qui font <strong>de</strong> la liberté le fon<strong>de</strong>ment <strong>de</strong><br />

l'action et <strong>de</strong> la morale humaines, comme Épicure, Descartes, Kant, et ceux qui nient une<br />

quelconque transcendance <strong>de</strong> la volonté par rapport aux déterminismes qui l’asservissent,<br />

comme Démocrite, Spinoza, Nietzsche.<br />

La position <strong>de</strong> la Réforme dans ce débat fort ancien et toujours récurrent se caractérise par<br />

l’outrance sans concession <strong>de</strong> Luther et <strong>de</strong> Calvin, et par le lien indénouable qu’ils formèrent<br />

entre l’omnipotence divine, la pré<strong>de</strong>stination <strong>de</strong> l’homme et l’impuissance <strong>de</strong> la raison. Elle se<br />

signale aussi par l’acceptation non critique <strong>de</strong>s conséquences morales, <strong>sociales</strong> et politiques<br />

du dogme <strong>de</strong> la pré<strong>de</strong>stination : le désenchantement, le conservatisme, l’individualisme.<br />

La Réforme, annonçant en cela les Lumières, avait certes paru d’abord défendre la liberté : la<br />

liberté <strong>de</strong> l’individu, la liberté <strong>de</strong> l’interprétation, la liberté du jugement. Elle avait affirmé<br />

vouloir libérer les chrétiens du joug papiste et <strong>de</strong> la poigne <strong>de</strong>s clercs intermédiaires. Mais<br />

cette libération <strong>de</strong> l’autorité romaine et <strong>de</strong> ses prêtres s’accompagnait aussi d’une nouvelle<br />

mise aux fers, d’ampleur métaphysique. Pour les Réformés, l’homme est en effet totalement<br />

asservi au péché et au Mal. De surcroît, la pré<strong>de</strong>stination divine le lie <strong>de</strong> toute éternité.<br />

L’homme est prisonnier et impuissant, englué dans les rets d’une volonté divine, inflexible,<br />

infinie et incompréhensible.<br />

Cette thèse <strong>de</strong> la servitu<strong>de</strong> absolue <strong>de</strong> l’homme passait mal aux yeux <strong>de</strong>s humanistes du 16 ème<br />

siècle. Leur plus célèbre représentant, Didier Erasme, écrivit une Diatribe explicitement<br />

dirigée contre le « serf arbitre » <strong>de</strong> Luther.<br />

Dans ce texte un peu mielleux 413 , où il compare Luther à un « éléphant » et lui-même à une<br />

« mouche », Erasme commença par se montrer curieusement préoccupé par l’impact négatif<br />

que ce débat pourrait avoir sur les gens, étant donné «leur immense lenteur d’esprit» et leur<br />

«stupidité». Il affirma qu’il ne convient pas <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> ce genre <strong>de</strong> sujets «<strong>de</strong>vant n’importe<br />

qui, à n’importe quel moment et <strong>de</strong> n’importe quelle manière». 414 Cette restriction mentale ne<br />

l’empêcha pas <strong>de</strong> contribuer puissamment à mettre sur la place publique la question du serf<br />

arbitre. Il offrit ainsi à Luther une occasion d’enfoncer ses propres clous sur le cercueil <strong>de</strong> la<br />

liberté, au su et au vu <strong>de</strong> toute l’Europe.<br />

413 Luther traitera Erasme d’« être <strong>de</strong> toute part ondoyant et souple <strong>de</strong> langage » dans son Du serf arbitre.<br />

414 Diatribe : Du libre arbitre, préambule. On y lit: « Supposons vrai en un certain sens ce qu’a enseigné Wyclif et que Luther a soutenu dans<br />

son Assertion, à savoir que tout ce que nous faisons, nous ne le faisons pas par libre arbitre, mais par nécessité. Quoi <strong>de</strong> plus inutile que <strong>de</strong><br />

divulguer ce paradoxe dans le public ? Cette déclaration, si elle était répandue dans le peuple, ouvrirait une gran<strong>de</strong> fenêtre donnant sur<br />

l’impiété pour d’innombrables gens, étant donné surtout leur immense lenteur d’esprit, leur stupidité, leur malice et leur penchant irrésistible<br />

à toutes sortes d’impiété. »<br />

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