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Ebauche préliminaire de Plan - Les Classiques des sciences sociales

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Calvin joue souvent sur les mots. Il donne par exemple aux mots <strong>de</strong> liberté et <strong>de</strong> servitu<strong>de</strong> un<br />

autre sens que le sens obvie, et leur assigne un sens métaphorique. 172 La liberté chrétienne,<br />

celle donnée par la Nouvelle alliance, n’est pas selon lui une liberté <strong>de</strong> choix puisque le libre<br />

arbitre nous est dénié, elle est seulement la liberté pour l’élu <strong>de</strong> se sentir en « sûreté ».<br />

En général, la sûreté se paye par <strong>de</strong>s sacrifices faits à la liberté. Hobbes a bâti sa philosophie<br />

politique précisément sur ce point. La liberté <strong>de</strong>s élus n’est en réalité qu’une métaphore pour<br />

la confiance <strong>de</strong>s élus dans leur propre élection. Bien que ceux-ci n’aient absolument aucun<br />

droit à quelque élection que ce soit, ni d’ailleurs à aucun signe probant d’un état si élevé,<br />

Calvin tient pour acquis qu’ils se reconnaîtront comme les « choisis », et que cette<br />

reconnaissance leur permettra alors <strong>de</strong> jouir sans entrave <strong>de</strong> la « liberté » du chrétien.<br />

Cette liberté, quelle est-elle en fait?<br />

Calvin la définit avec précision. La liberté n’est en rien une liberté d’agir sur le mon<strong>de</strong>. Elle<br />

ne donne aucune puissance 173 . C’est la liberté, donnée aux Chrétiens, <strong>de</strong> s’affranchir<br />

entièrement du joug <strong>de</strong> la Loi mosaïque 174 . Enlever ce joug écrasant sert à donner la paix aux<br />

« con<strong>sciences</strong> timi<strong>de</strong>s ». D’ailleurs, cette liberté doit aussitôt être brimée, jugulée à son<br />

tour 175 , sauf si cette liberté peut être mise au service du prochain. 176<br />

Par un retournement étonnant, toute prédétermination qui enserrait l’homme, se trouve donc<br />

inversée en une nouvelle liberté, certes bridée, et fortement orientée, mais liberté quand<br />

même.<br />

Le calvinisme est fondé sur un pari fantastique, celui <strong>de</strong> l’élection par Dieu <strong>de</strong> quelques saints<br />

au prix <strong>de</strong> l’exclusion <strong>de</strong> tout le reste <strong>de</strong> l’humanité. Ce pari gigantesque, hors <strong>de</strong> toute<br />

mesure, anti-humain, génère une immense angoisse. Pour ceux qui peuvent se croire élus,<br />

s’ajoute aussi le refoulement – expressément recommandé par Calvin -- <strong>de</strong> cette question en<br />

forme d’énigme : pourquoi suis-je, moi, élu, et pourquoi les autres sont-ils déchus?<br />

C’est pourtant une question clé. Comment reconnaître si l’on est élu ou non ? Comment être<br />

assuré <strong>de</strong> son élection ? Car, dans cette vie, les élus ne se distinguent en rien, extérieurement,<br />

<strong>de</strong>s réprouvés. En fait, toutes les expériences subjectives <strong>de</strong>s premiers sont également à la<br />

portée <strong>de</strong>s seconds, à l’exception toutefois <strong>de</strong> la confiance persévérante et fidèle. <strong>Les</strong> élus<br />

constituent certes l’Eglise <strong>de</strong> Dieu, mais cette Eglise est, pour Calvin, parfaitement invisible.<br />

Par ailleurs, le fait même <strong>de</strong> se poser cette question (« suis-je élu ? ») est déjà le signe que<br />

l’on est en train <strong>de</strong> cé<strong>de</strong>r au diable 177 . C’est d’autant plus gênant que nous sommes<br />

172 L’Ecriture appelle l’Ancien Testament alliance <strong>de</strong> servitu<strong>de</strong>, parce qu’il engendre crainte et terreur aux cœurs <strong>de</strong>s hommes ; le Nouveau,<br />

<strong>de</strong> liberté, parce qu’il les confirme en sûreté et fiance. II,11,9<br />

173 <strong>Les</strong> con<strong>sciences</strong> <strong>de</strong>s fidèles, par le privilège <strong>de</strong> leur liberté qu’elles ont <strong>de</strong> Jésus-Christ (…) sont franches et exemptées <strong>de</strong> la puissance <strong>de</strong><br />

tous les hommes. III,19,14<br />

174 « La liberté chrétienne est située en trois parties :<br />

1-les con<strong>sciences</strong> <strong>de</strong>s fidèles s’élèvent par-<strong>de</strong>ssus la Loi et oublient toute la justice <strong>de</strong> celle-ci (…) Il nous faut être délivrés <strong>de</strong> l’espérance<br />

d’être justifiés, <strong>de</strong> telle sorte que nous n’ayons nul égard à nos œuvres.<br />

2-Etant délivrées du joug <strong>de</strong> la Loi, les con<strong>sciences</strong> obéissent librement à la volonté <strong>de</strong> Dieu.<br />

3-La liberté chrétienne nous instruit <strong>de</strong> ne faire conscience <strong>de</strong>vant Dieu <strong>de</strong>s choses externes, qui par soi sont indifférentes, et nous enseigne<br />

que nous les pouvons ou faire, ou laisser indifféremment ».III,19,14<br />

175 S. Paul détermine clairement combien il nous faut modérer notre liberté, ou quand nous <strong>de</strong>vons la prendre au risque <strong>de</strong> scandale.<br />

III,19,12<br />

176 « Toutes choses me sont licites, dit S. Paul, mais toutes ne sont pas expédientes. Toutes choses me sont licites, mais elles n’édifient pas<br />

toutes. Il n’y a rien <strong>de</strong> plus clair ni <strong>de</strong> plus certain que cette règle : c’est que nous avons à user <strong>de</strong> notre liberté, si cela tourne à l’édification<br />

<strong>de</strong> notre prochain. (…) L’homme chrétien doit penser que Dieu lui a assujetti toutes les choses externes, afin qu’il soit d’autant plus libre <strong>de</strong><br />

faire tout ce qui appartient à la charité <strong>de</strong> son prochain. » III,19,12<br />

177 Le diable n’a nulle tentation plus grave ni périlleuse pour ébranler les fidèles, que quand, les inquiétant <strong>de</strong> doute <strong>de</strong> leur élection, il les<br />

sollicite d’une folle cupidité à la chercher hors <strong>de</strong> la voie. J’appelle chercher hors <strong>de</strong> la voie, quand le pauvre homme s’efforce d’entrer aux<br />

secrets incompréhensibles <strong>de</strong> la sagesse divine (…) car alors il se précipite comme en un gouffre profond pour se noyer ; il s’empêtre en <strong>de</strong>s<br />

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