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Ebauche préliminaire de Plan - Les Classiques des sciences sociales

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Le calvinisme puritain exclut les sens et beaucoup <strong>de</strong> choses mondaines, dans le but <strong>de</strong><br />

purifier l’Eglise. Mais le luthéranisme est plus radical, plus spirituel. Au lieu d’exclure les<br />

choses, il cherche autant que possible à y introduire l’esprit et ainsi à sanctifier tout ce qui<br />

appartient à ce mon<strong>de</strong> temporel.<br />

Stirner reconnaît là explicitement la gran<strong>de</strong> influence du luthéranisme sur toute la pensée<br />

alleman<strong>de</strong>. « Ainsi le luthérien Hegel (il déclare quelque part qu’il veut « <strong>de</strong>meurer<br />

luthérien ») a réussi à pénétrer toute chose <strong>de</strong> l’idée. En tout, il y a la raison, c’est-à-dire<br />

l’esprit saint, autrement dit « le réel est rationnel ».<br />

<strong>Les</strong> gran<strong>de</strong>s « productions <strong>de</strong> l’esprit » ont été données presque uniquement par <strong>de</strong>s<br />

protestants, parce qu’eux seuls furent les vrais a<strong>de</strong>ptes <strong>de</strong> l’Esprit, seuls ils l’ont<br />

accompli. » 810<br />

Mais en suivant l’Esprit, ils renoncèrent à leur liberté et à leur corps. Ils s’inventèrent un dieu<br />

terrestre pour s’en occuper: l’Etat. Ce fut leur nouveau culte, et « en face <strong>de</strong> la sainteté <strong>de</strong><br />

l’Etat, l’individu n’est qu’un vase <strong>de</strong> déshonneur ». Avec la Réforme, l’individu resta lié, et<br />

la mo<strong>de</strong>rnité continua <strong>de</strong> le ligoter. Après l’Etat et l’Eglise, c’est la raison désormais qui<br />

« tient enchaîné l’homme individuel par la pensée <strong>de</strong> l’humanité » et par ses lois générales. La<br />

liberté politique n’est pas qu’une « secon<strong>de</strong> phase du protestantisme ». Elle mime la « liberté<br />

religieuse ». 811 Mais elle ne libère point l’homme. Ces libertés sont <strong>de</strong>s esclavages : « Etat,<br />

religion, conscience, ces <strong>de</strong>spotes me font leur esclave, et leur liberté est ma servitu<strong>de</strong> » 812 .<br />

Plus on est attaché à la religion, plus on est dévoué à l’Etat, et plus on est asservi. Si l’on veut<br />

re<strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s individus véritables, il faut se livrer au « péché ». Il faut que l’individu ne cesse<br />

pas d’être un « schismatique » à l’égard <strong>de</strong> tous les autres individus. Il faut prendre le risque<br />

<strong>de</strong> penser par soi-même, <strong>de</strong> laisser uniquement l’homme intérieur agir en nous, même si c’est<br />

tomber dans la « démence » aux yeux <strong>de</strong>s autres.<br />

Il faut briser avec la conception <strong>de</strong>s protestants et <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>rnes, pour qui la famille, la chose<br />

publique, la patrie, etc. sont « souillées du péché » et « atten<strong>de</strong>nt la divinité », et pour qui il<br />

reste toujours dans le mon<strong>de</strong> du mal, <strong>de</strong> l’absurdité, du hasard et <strong>de</strong> l’égoïsme, que le divin<br />

même ne peut jamais éradiquer.<br />

S’il faut être « schismatique » avec les autres, il faut cesser <strong>de</strong> l’être avec soi-même. Il faut en<br />

finir avec cette idée <strong>de</strong> séparation entre moi et l’esprit, entre moi et l’au-<strong>de</strong>là, c’est-à-dire en<br />

fin <strong>de</strong> compte entre moi et Dieu. Il faut en finir avec la séparation entre le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’esprit,<br />

le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s « esprits libres », et « ce mon<strong>de</strong>-ci », le mon<strong>de</strong> terrestre, où les esprits sont <strong>de</strong>s<br />

étrangers. Il faut en finir avec la division en <strong>de</strong>ux moi, l’un essentiel (l’esprit), l’autre<br />

inessentiel (le corps). Il faut en finir avec « cette triste misère <strong>de</strong> nous voir bannis <strong>de</strong> nousmêmes<br />

» 813 .<br />

L’esprit que le chrétien aime reste étranger au Moi. Il vient d’un autre mon<strong>de</strong>, alors que je<br />

suis dans le mon<strong>de</strong>. Il est étranger au mon<strong>de</strong>, et il m’est « étrange ». Le saint, le sacré, ne<br />

peuvent me concerner en propre, moi qui suis avant tout un « égoïste ». Je dois prendre acte<br />

du fait que « l’individu est l’exclusivisme même ». Luther cherchait l’élection du moi, sa mise<br />

en exception, sa singularisation hors <strong>de</strong> la foule déchue. Stirner va plus loin encore et veut<br />

l’exclusion <strong>de</strong> tout ce qui n’est pas moi. Il proclame la nécessité <strong>de</strong> la « dureté <strong>de</strong> la personne<br />

individuelle » qui doit faire obstacle à tout ce qui est « humain ». Il coupe radicalement tout<br />

810 Ibid.<br />

811 Max Stirner note que Louis Blanc (1811-1882) dit dans son Histoire <strong>de</strong> dix ans (1830-1840), parlant du temps <strong>de</strong> la Restauration : « Le<br />

protestantisme <strong>de</strong>vint le fond <strong>de</strong>s idées et <strong>de</strong>s mœurs. »<br />

812 Ibid.<br />

813 Ibid.<br />

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