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WOJCIECH JAGIELSKI
WOJCIECH JAGIELSKI (1960), JOURNALISTE ET GRAND REPORTER ;
DANS SES ÉCRITS, IL TRAITE DES ÉVÉNEMENTS POLITIQUES
MAJEURS DE CES DERNIÈRES DÉCENNIES. IL S’INTÉRESSE PLUS
PARTICULIÈREMENT À L’AFRIQUE, L’ASIE CENTRALE ET AUX PAYS
DU CAUCASE. SES LIVRES SONT TRADUITS EN ANGLAIS, ESPAGNOL,
NÉERLANDAIS ET ITALIEN. ON LE TIENT VOLONTIERS POUR PROCHE
DE RYSZARD KAPUŚCIŃSKI PAR SA DÉMARCHE ET SON ÉCRITURE.
Les Herbes incendiées
L’histoire parle d’un pays qui, heureusement, n’existe plus en l’état.
Le concept de son organisation était tellement venimeux, la vie de ses
habitants réglée avec une telle minutie que – les règlements étant une
chose et le quotidien une autre –, tout semblait avoir été changé mais de
manière à ce que presque rien ne le fût.
Les véritables changements requièrent beaucoup plus de temps qu’il
ne pourrait sembler, ils ne se décident pas par décret, il ne suffit pas
d’indiquer quand ils entrent en vigueur pour avoir la date de leur véritable
fonctionnement.
Ventersdorp, une commune et municipalité de la province du Transvaal en
République d’Afrique du Sud, était dirigée par Eugène Terre’Blanche un
descendant de huguenots français, originaires de Toulon. Démagogue imbu
de lui-même, orateur enflammé et surtout mythomane, ce Boers était un
activiste convaincu de l’apartheid, opposé à l’amour interracial, à ce que les
blancs et les noirs fréquentent les mêmes écoles, hôpitaux, plages, terrains
de sport, bancs dans les parcs, arrêts d’autobus et, qui plus est, autobus.
Les principes raciaux s’appliquaient également aux animaux, à en croire
Wojciech Jagielski qui, dans Les Herbes incendiées, écrit qu’il était interdit
de croiser un cheval frison avec tel autre de race arabe.
Terre’Blanche était le roi de Ventersdorp où il n’occupait pourtant aucune
fonction officielle. Ses partisans en République d’Afrique du Sud étaient
Photo : Krzysztof Dubiel / Institut polonais du Livre
nombreux, et, quant à lui, il rêvait d’une république des boers indépendante
où les interdits raciaux seraient instaurés à jamais. Il fut battu à mort
par deux ouvriers noirs de sa plantation qu’il n’avait pas payés. L’histoire
racontée par le livre de Jagielski commence au jour de l’assassinat de ce
tribun blanc.
Il ne s’agit pourtant ni d’un roman policier à dimension sociale ni d’un de
ces reportages qui ont fait la notoriété de Jagielski. L’objectif en est plus
ambitieux encore : une analyse minutieuse de l’apartheid pointe les aspects
obscurs de la nature humaine, ceux qui poussent l’homme à mépriser autrui
sans pour autant oublier sa vengeance possible. Il s’agit donc plus d’une
étude de ce qu’est la folie idéologique, quand elle se réfère à une conception
erronée des vérités de la foi, que d’un reportage classique. Il n’en demeure
pas moins que le style du reportage convient parfaitement à cette analyse.
Paweł Smoleński