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Partir pour rester : survie et mutation des sociétés paysannes ... - IRD

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Geneviève Cortes<br />

158 <strong>Partir</strong> <strong>pour</strong> <strong>rester</strong><br />

Emprunter <strong>pour</strong> partir. .<br />

L'émigration exige un capital initial considérable que les familles ont rare¬<br />

ment à leur disposition. Un premier départ à l'étranger n'est pas le résul¬<br />

tat d'une capitalisation initiale qui perm<strong>et</strong> d'en assumer le coût. Les<br />

familles doivent emprunter II existe un réseau de prêteurs (prestadores)<br />

dans le village même ou dans les communautés voisines. En général, ce<br />

sont <strong>des</strong> migrants de longue expérience qui, après avoir accumulé un cer¬<br />

tain capital grâce aux revenus tirés de la migration, prêtent aux nouveaux<br />

migrants. C<strong>et</strong>te pratique, lorsqu'elle s'accompagne de taux d'intérêt,<br />

constitue <strong>pour</strong> certaines familles une véritable source de revenu parallèle.<br />

Les relations inter-familiales, <strong>et</strong> en particulier les liens de parenté<br />

directes ou indirectes de compadrazgo, jouent un rôle primordial dans<br />

le recours à l'emprunt. Lorsqu'une famille demande à ses compadres<br />

ou comadres de lui prêter de l'argent, ces derniers ont un devoir moral<br />

d'accepter, tout au moins si leur situation monétaire le perm<strong>et</strong>. C<strong>et</strong>te<br />

obligation morale se fonde sur les principes fondamentaux de l'en¬<br />

traide (aynî) <strong>et</strong> signifie, de façon implicite, que la famille qui emprunte<br />

est à l'avenir redevable du service qui lui est rendu. Dans ce cas, seul<br />

un contrat moral lie les deux familles. Il introduit cependant une hiérar¬<br />

chie sociale : la famille bénéficie d'un certain prestige <strong>pour</strong> avoir prêté<br />

de l'argent <strong>et</strong> dispose <strong>des</strong> services de l'autre famille pendant le temps<br />

que dure le remboursement. Ces formes de redevances à caractère<br />

social s'expriment dans le quotidien (dons divers, aide lors <strong>des</strong> travaux<br />

agricoles...). Cependant, ce type d'emprunt n'est possible que <strong>pour</strong><br />

<strong>des</strong> sommes réduites, de l'ordre de 100 à 500 dollars, <strong>et</strong> n'est donc<br />

envisageable que <strong>pour</strong> les départs en Argentine.<br />

Lorsque le candidat à l'émigration ne peut emprunter à <strong>des</strong> parents<br />

proches ou à <strong>des</strong> amis, il s'adresse à <strong>des</strong> prêteurs extérieurs au cercle<br />

de parenté. Dans ce cas, l'emprunt implique <strong>des</strong> taux d'intérêt consi¬<br />

dérables (de l'ordre de 3 % à 5 % par mois cumulables). Le migrant doit<br />

trouver d'autant plus vite un travail dans le pays d'émigration, car les<br />

intérêts s'accumulent au fil <strong>des</strong> mois <strong>et</strong> peuvent déboucher sur un<br />

end<strong>et</strong>tement irréversible <strong>pour</strong> la famille. Pour c<strong>et</strong>te raison, un départ est<br />

longuement préparé. Il ne relève pas seulement d'une décision indivi¬<br />

duelle, mais exige un consensus familial. Si la migration est un échec<br />

(soit que le migrant ne parvienne pas à entrer dans le pays, soit qu'il ne<br />

trouve pas de travail assez vite ou assez rémunéré), un autre membre<br />

de la famille part à son tour <strong>et</strong> l'aide à rembourser la d<strong>et</strong>te. Ainsi, il est<br />

fréquent qu'un chef de famille end<strong>et</strong>té incite ses enfants à partir.

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